François Barbeau, Costumier : Une Esthétique Ambivalente Renée Noiseux-Gurik
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Document generated on 09/29/2021 9:39 p.m. L'Annuaire théâtral Revue québécoise d’études théâtrales François Barbeau, costumier : une esthétique ambivalente Renée Noiseux-Gurik Le Théâtre du Nouveau Monde : Éclairage(s) Number 22, automne 1997 URI: https://id.erudit.org/iderudit/041330ar DOI: https://doi.org/10.7202/041330ar See table of contents Publisher(s) Centre de recherche en littérature québécoise (CRELIQ) et Société québécoise d'études théâtrales (SQET) ISSN 0827-0198 (print) 1923-0893 (digital) Explore this journal Cite this article Noiseux-Gurik, R. (1997). François Barbeau, costumier : une esthétique ambivalente. L'Annuaire théâtral, (22), 57–75. https://doi.org/10.7202/041330ar Tous droits réservés © Centre de recherche en littérature québécoise (CRELIQ) This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit et Société québécoise d'études théâtrales (SQET), 1997 (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ FRANÇOIS BARBEAU, COSTUMER : UNE ESTHÉTIQUE AMBIVALENTE 57 Renée Noiseux Gurik Option-Théâtre, Cégep Lionel-Groulx François Barbeau, costumier : une esthétique ambivalente i la réputation de François Barbeau n'est plus à faire tant dans le milieu théâtral qu'auprès du public, l'étude de son œuvre, de sa S démarche créatrice reste, elle, à mener. Le texte qui suit tente un premier essai d'analyse, essai périlleux dans la mesure où rien n'est plus concret au théâtre que le costume, mais, lorsqu'il est réussi, rien ne semble plus « natu• rel ». Donnons tout d'abord quelques faits qui mettent en évidence le caractère « monumental » de l'œuvre de ce costumier. À titre de dessinateur de costumes, de décorateur ou de directeur artistique, Barbeau a signé 27 productions à la télévision et au cinéma, dont 2 lui valurent l'Emmy Award de la meilleure direction artistique - Eliza's Horoscope de Gordon Sheppard (en 1970) et Kamouraska de Claude Jutra (en 1972) - et 2 le Prix Génie 1992 de la meilleure conception de costumes - Léolo de Jean-Claude Lau- zon et Les portes tournantes de Francis Mankiewicz. Il travaille également avec des compagnies de danse prestigieuses : d'abord avec les Grands ballets cana• diens, collaborant à une douzaine de leurs spectacles (par exemple, Combat, Les sept péchés capitaux. Tommy on Casse-Noisette chorégraphiés par Fernand Nault, ou encore des œuvres de Brian McDonald telles Adieu Schumann, Cantate pour une joie et Fête Carignan) ; il prête aussi son talent aux productions de diverses compagnies ou d'artistes, notamment pour le Salt Lake City University Dance, pour des spectacles off-Broadway à New York, pour le Boston Ballet, pour la Compagnie Eddy Toussaint, pour la danseuse Jo Leachy. Il a ainsi collaboré à L'ANNUAIRE THÉÂTRAL, N° 22, AUTOMNE 1997 58 L'ANNUAIRE THÉÂTRAL plus de 25 chorégraphies. Mais c'est au théâtre qu'il a littéralement monopolisé la scène, y réalisant en tant que costumier plus de 360 productions, sans compter les reprises. Il a, de plus, signé une trentaine de mises en scène et, à l'occasion, quelques décors. Au Rideau Vert, il a dessiné, depuis 1962, les costumes de 159 œuvres dra• matiques (soit plus de 6 pièces par an !), à la Nouvelle Compagnie théâtrale, il a participé à 20 productions et à la Compagnie Jean Duceppe à 58. On retrouve fréquemment son nom sur les programmes de théâtres aujourd'hui disparus comme le Théâtre de PÉgrégore, le Café de la Place, le Théâtre Populaire du Québec, la compagnie du Centre national des arts à Ottawa ou le Bois de Cou- longe à Québec. Que les théâtres soient grands, moyens ou petits, peu importe ; on admire ses costumes au Théâtre d'Aujourd'hui, à l'ESPACE GO, chez Les Mimes Omnibus aussi bien qu'au Théâtre du Sang Neuf, à La Rallonge ou au Festival Juste pour rire. Sa réputation a rapidement dépassé les frontières du Québec, puis celles du Canada, le conduisant, en Europe, au Théâtre Botanique de Bruxelles, au Théâtre Populaire de Strasbourg et jusqu'à la Comédie-Fran• çaise, en mai 1983, où il dessine les costumes des Estivants de Maxime Gorki, pour la mise en scène de Jacques Lassalle. En 1996, l'ensemble de son œuvre est consacré par l'attribution de deux prix prestigieux : celui du Gouverneur général du Canada et, au Québec, le Prix Victor-Morin de la Société Saint-Jean-Baptiste. De toute évidence, l'adjectif « monumental » n'est pas trop fort pour qualifier une carrière dont l'étendue sur plus d'une quarantaine d'années (1952-1997) m'empêche de l'analyser exhaustivement ici. Je me bornerai à mettre en lumière l'apport de cet artiste au métier de costumier, par le biais de quelques exemples empruntés au répertoire du Théâtre du Nouveau Monde. Barbeau y débute en 1958 en tant qu'assistant de Robert Prévost, le scéno• graphe étoile (décors, costumes, éclairages) du temps1. Il a déjà une bonne 1. En fait, c'est alors qu'il travaille au Rideau Vert, que Robert Prévost prend François Barbeau comme assistant. Prévost (1927-1982) joue et signe des décors à l'Externat classique Sainte-Croix (1944-1948) et au Collège de Saint-Laurent (1945-1953) avant d'appartenir aux Compagnons de Saint- Laurent (1946-1952). De 1949 à 1952, il dessine des décors à la Société des festivals de Montréal et fait ses premiers décors/costumes pour le Théâtre du Nouveau Monde à partir de 1953 ; il signe des éclairages pour ce théâtre à partir de 1967. Pour la chronologie de ses réalisations dans près de 200 spectacles offerts par de nombreux théâtres de 1944 à 1982, voir Pépin (1994 :115-124). FRANÇOIS BARBEAU, COSTUMIER : UNE ESTHÉTIQUE AMBIVALENTE 59 expérience du métier, puisqu'il est, depuis 1952, le costumier attitré de Paul Buissonneau, à La Roulotte d'abord puis au Théâtre de Quat'Sous que Buisson- neau fondera en 1955. Cette période « héroïque » (1956-1961) où il crée les cos• tumes d'une trentaine de pièces permet à Barbeau de faire ses classes théâtrales, c'est-à-dire de développer un savoir-faire qui concilie la création et l'exécution technique à laquelle il a été préparé par une formation en coupe et en couture chez Cotnoir Caponi2. À l'époque, l'intérêt qu'il porte à l'exécution des costumes le distingue des autres costumiers œuvrant au théâtre et à la télévision qui favo• risent l'aspect « artistique » du métier, c'est-à-dire la conception du personnage en maquette, car ils ont pour la plupart été formés à l'École des beaux-arts. Prévost est un bon exemple de cette tendance3. Dans une monographie intitulée Robert Prévost scénographe et favori des dieux, Lucien Pépin indique clairement que la directrice de l'atelier de costumes du TNM (1960-1975 ?), Lydia Randolph, a dû résoudre plus d'un problème concernant les costumes, « puisqu'il ne connaissait ni les tissus ni la coupe, au contraire de François Barbeau, qui, lui, se [tenait] au courant des qualités des tissus et des nouveautés, et qui [pouvait] même tailler ses costumes » (Pépin, 1994 : 97). À la fin des années 1950, Prévost, qui est à l'emploi du service du décor de Radio-Canada4 tout en étant le décorateur-costumier attitré du TNM, fait donc appel à Barbeau pour l'assister dans son travail au théâtre. Il est d'avis qu'« il n'est pas bon pour le TNM qu'un artiste en monopolise la création visuelle » (Prévost : 1981). Ce principe qui l'honore le pousse à proposer que François Barbeau et Mark Negin5 soient invités à dessiner des productions avec lui, surtout des costumes. De 1959 à 1997, Barbeau y créera 43 spectacles (voir annexe). 2. École privée de coupe et de haute couture située à Montréal, rue Guy (entre Sherbrooke et Maisonneuve) de 1920 à 1980. 3. Il faut noter que, contrairement aux décorateurs et costumiers de son temps, Prévost est un autodidacte en peinture, en décor, en costume et en éclairage. Il n'a donc ni formation technique en coupe et en couture, ni formation en art telle que celle dispensée par l'École des beaux-arts. Pourtant, parce qu'il contrôle l'aspect visuel dans son ensemble, il est un scénographe dans le vrai sens du terme. 4. L'arrivée de la télévision au début des années 1950 contribue au développement du métier de costumier, et certains comme Laure Cabana, Solange Legendre, Claudette Picard, Richard Lorrain ou Gilles-André Vaillancourt œuvrent parallèlement au théâtre (Noiseux Gurik, 1987). 5. Mark Negin, né en Angleterre en 1932, arrive au Canada après la guerre. Il fait ses premières expériences théâtrales au Manitoba Theatre Center, puis dessine des spectacles à Toronto et des spectacles à Stratford (Ontario) à partir de l'été 1961. Il s'installe à Montréal à la même époque, accepte un poste d'enseignant à l'École nationale de théâtre du Canada et travaille en outre dans plusieurs théâtres montréalais, en particulier au TNM et au TPQ. 60 L'ANNUAIRE THÉÂTRAL Durant la saison 1962-1963, à son retour d'un voyage d'études d'un an en France, en Italie et en Angleterre, réalisé grâce à une bourse du Conseil des arts du Canada, il est engagé comme professeur à l'École nationale de théâtre du Ca• nada6 et devient le costumier permanent du Théâtre du Rideau Vert. Ces nou• velles responsabilités ne l'empêchent pas de fournir cinq conceptions au TNM : une soirée Molière composée de George Dandin et du Médecin malgré lui ; Irma la douce de A.