LES LAURÉATS 2003

LES LAURÉATS

2003 MICHEL 8 VAN SCHENDEL

LOUIS 12 TAILLEFER

ANDRÉE 16 LAJOIE

RAYMONDE 20 APRIL

ROBERT 24 LEPAGE

ANDRÉ 28 FORCIER

MARCEL 32 JUNIUS

CHARLES E. 36 BEAULIEU

FREDERICK 40 ANDERMANN

ANDRÉ 44 GAULIN

LORNE 48 TROTTIER

LES LAURÉATS 2003 Cette brochure a été réalisée conjointement par le ministère de la Culture et des Communications et le ministère du Développement économique et régional

Recherche et rédaction Janette Biondi pour les prix Denise-Pelletier, Paul-Émile-Borduas et Albert-Tessier

Gaëtan Lemay pour les prix Georges-Émile-Lapalme et Athanase-David

Valérie Borde pour les prix Léon-Gérin, Marie-Victorin, Wilder-Penfield, Armand-Frappier et Lionel-Boulet

Révision linguistique France Galarneau Hélène Dumais

Photographie Marc-André Grenier

Conception et réalisation Barrette Communication Graphique

Pré-impression et impression Litho Chic

ISBN 2-550-41676-7 Dépôt légal : 2003 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada © Gouvernement du Québec, 2003

Site Internet des Prix du Québec http://www.prixduquebec.gouv.qc.ca MOT DES MINISTRES 2003

Le Québec, société moderne et ouverte, se bâtit grâce à des visionnaires, à des hommes et des femmes dont les réalisations remarquables con- tribuent à son essor économique, social et culturel. Les lauréates et les lauréats des Prix du Québec 2003 font partie de ces êtres d’exception qui ont su façonner le monde de la science et celui de la culture et repousser plus loin encore les limites de la connaissance et de la performance.

Avec les Prix du Québec, le gouvernement honore des gens de passion, des gens animés par le désir de créer et d’innover, qui laisseront un héritage important dans leur domaine d’excellence. L’exceptionnelle valeur de leurs réalisations est pour nous tous une source d’inspiration et un témoignage de la richesse et de la vigueur de la science et de la culture au sein de notre société.

Frederick Andermann, Raymonde April, Charles E. Beaulieu, André Forcier, André Gaulin, Marcel Junius, Andrée Lajoie, , Michel van Schendel, Louis Taillefer, Lorne Trottier, vous incarnez la persévérance et le dépassement de soi. Vous êtes aussi des modèles pour l’ensemble de la population québécoise, principalement pour les jeunes à qui vous donnez le goût d’aller jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs ambitions.

Chères lauréates, chers lauréats, nous tenons à vous exprimer notre fierté et notre gratitude pour tout ce que vous avez déjà accompli et pour tout ce que vous accomplirez encore. Le Québec vous est redevable de son rayonnement artistique, scientifique et intellectuel. Merci.

Le ministre du Développement économique et régional, Michel Audet

La ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamp

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LES PRIX DU QUÉBEC

Depuis longtemps, le gouvernement du Québec honore des hommes et des femmes qui, par leurs réalisations exceptionnelles, ont su marquer leur temps tout en contribuant à l’essor de la société québécoise. Les Prix du Québec sont l’hommage qu’il rend à leur mérite dans les domaines de la culture et de la science ; ils sont non seulement le plus haut témoignage de reconnaissance d’une carrière remarquable, mais aussi une récompense qui érige les lauréates et lauréats en modèles pour l’ensemble de la population.

L’origine des Prix du Québec remonte à 1922. Athanase David, secrétaire de la province de Québec, crée alors les Concours littéraires et scien- tifiques pour soutenir le travail d’écrivains et de chercheurs chevronnés. Jusqu’en 1967, les prix littéraires, et parmi ceux-ci le prix David, seront décernés pour une œuvre littéraire en particulier et les prix scien- tifiques, pour un ouvrage de recherche. À partir de 1968, le prix David est accordé pour l’ensemble de l’œuvre d’une écrivaine ou d’un écrivain, tandis que les prix scientifiques continuent annuellement de reconnaître les travaux d’une ou deux personnalités du monde des sciences.

En 1977, pour refléter la diversité de la vie culturelle, sociale et scien- tifique, le gouvernement du Québec crée les Prix du Québec. En plus du prix Athanase-David qui, déjà, couronne une carrière littéraire, le prix Léon-Gérin pour les sciences humaines et le prix Marie-Victorin pour les sciences de la nature et le génie sont institués en remplacement des prix scientifiques ; s’y ajoutent le prix Paul-Émile-Borduas pour les arts visuels et le prix Denise-Pelletier pour les arts de la scène.

En 1980 est créé le prix Albert-Tessier pour le cinéma et, en 1992, le prix Gérard-Morisset pour le patrimoine. En 1993, deux autres prix scien- tifiques s’ajoutent : le prix Armand-Frappier souligne une contribution exceptionnelle au développement d’institutions de recherche ou à la promotion des sciences et de la technologie, tandis que le prix Wilder- Penfield couronne une carrière de recherche dans le domaine biomédical. En 1997, un autre prix est institué, le prix Georges-Émile-Lapalme, qui reconnaît la contribution exceptionnelle d’une personne à la qualité de la langue française parlée ou écrite au Québec. Enfin, le prix Lionel- Boulet, décerné pour la première fois en 1999, reconnaît la contribution exceptionnelle d’une personne qui s’est illustrée par ses activités de recherche et développement en milieu industriel.

Les lauréates et lauréats reçoivent du ministère de la Culture et des Communications ou du ministère du Développement économique et régional une bourse non imposable de 30 000 $, une médaille en argent réalisée par un artiste du Québec, un parchemin calligraphié et un bouton de revers portant le symbole des Prix du Québec, une pièce de joaillerie exclusive aux lauréates et aux lauréats.

7 En 1922, Athanase David (1882-1953) crée les concours littéraires et scientifiques à l’origine des actuels Prix du Québec. Au prix qui porte son nom sont admissibles les auteurs dont l’œuvre correspond aux genres littéraires suivants : le conte, la nouvelle, la poésie, le récit, le roman, l’essai, l’écriture dramatique et toutes les formes de littérature pour la jeunesse. MICHEL VAN SCHENDEL

PRIX ATHANASE-DAVID

2003 La chronique dit de l’écrivain qu’il est né en 1929 à Asnières, en France, de parents belges, qu’il vit en Belgique au moment de la Seconde Guerre mondiale et qu’il revient à son lieu de naissance à la fin de celle-ci, pour ensuite émigrer au Québec en 1952. Ce qu’elle ne dit pas cependant, c’est que cette guerre sonne le glas d’une enfance plutôt heureuse, que Michel van Schendel retourne à Paris à l’âge de 17 ans comme on remonte à une source et que là, s’opère l’étonnante renaissance qui fera de lui l’homme, l’essayiste et le poète engagé qu’il est depuis, l’un des auteurs les plus singuliers de la littérature québécoise contemporaine. Il en résultera une œuvre poétique aussi riche qu’exigeante marquée par un constant défi aux règles des genres. « L’écriture de Michel van Schendel, écrit Louise Dupré, en est une de recherche formelle qui sonde les limites entre le poétique, le narratif et le réflexif, recherche où la vision du fragmentaire remet sans cesse en cause la totalité. »

Avec Un temps éventuel, histoire d’un homme et de plusieurs, paru en 2002 en même temps que son reflet poétique Quand demeure, Michel van Schendel compose à plusieurs voix une autofiction qui remonte d’un pas erratique le parcours de sa mise au monde en tant qu’homme, essayiste et poète. « Il n’est pas possible, j’en ai l’intime conviction, écrit-il dans l’introduction, de conter les faits saillants ou anodins d’une vie, surtout la sienne, sans recourir aux procédés de la fiction. Celle-ci est le plus court chemin de la vérité. » De son enfance, l’auteur ne retiendra, pour le moment du moins, que quelques souvenirs : la mer et le jardin qu’il imagine à partir d’un prunier du Japon enserré de murs sous les cheminées d’usine, les fesses et les seins de sa tante dont il partage la chambre et surtout la maladie du printemps 1942 qui l’éveillera à l’iné- galité que la guerre exacerbe entre riches et pauvres. À l’Université de Paris, il étudie le droit et les sciences économiques. Contrairement aux confrères qui regardent de haut le personnel d’entretien, il sympathise vite avec une femme de ménage de la cité universitaire. Bien qu’équivo- que en ce qui le concerne, cette relation se développera en une amitié profonde empreinte d’une grande tendresse pour elle, mais aussi pour le couple d’ouvriers qu’ils forment, elle et son mari, et dont il dira qu’ils lui ont appris à vivre. « Et apprendre à vivre, c’est apprendre la solidarité. J’ai appris à vivre dans ce sens-là au contact d’ouvriers comme les Dohy et ensuite dans le combat politique. » Tout ce temps, il milite au sein du Parti communiste français où il dit avoir fait, quoiqu’on en dise, l’apprentissage d’une très grande liberté.

C’est auprès d’amis peintres comme Louis Tournay et surtout Émile Hecq qu’il trouvera sa voie dans l’écriture. C’est avec eux, écrit-il, qu’il deviendra poète. « Et avec eux, parce qu’ils me montraient comment une forme apprend à résister, je prenais plaisir à oser parler d’une main qui s’émerveille à dresser les mots sur la page, de l’exercice auquel je commençais de livrer une lumière sur le monde. » Michel van Schendel reçoit de cette expérience fondatrice l’impulsion nécessaire au combat de toute une vie : démontrer le lien essentiel entre le travail intellectuel et le travail artistique. Se remémorant les jours sombres de la dépres- sion, il dira : « L’écriture est une force, c’est une conscience, et c’est d’au- tant plus une conscience que c’est un art, c’est-à-dire l’invention d’une forme, et l’art… c’est la pensée vivante. » On peut comprendre alors ce que signifie pour lui la parution en 2001 de Poésie et politique. Mélanges offerts en hommage à Michel van Schendel dans lequel des amis, des 9 lecteurs, des collègues et des confrères s’unissent « autour d’un homme dont la voix rayonne depuis un demi-siècle d’histoire et d’amitié, d’un homme qui nous entoure de ses paroles les plus diverses, poétiques, politiques, critiques, théoriques, journalistiques, pédagogiques, confi- nant toutes à la poésie, à la circonstance du poème dont chaque détail se soucie de nous et embrasse le monde dans toute son étendue. »

Michel van Schendel ne choisit pas de s’installer au Québec. Les circons- tances l’y obligent. Jamais il ne tentera de dissimuler l’amertume et la déception qui marquent ses premières années en sol québécois. Confiné à de petits travaux, il ne verra son sort s’améliorer qu’en 1955 à la faveur d’une série de chroniques pour la radio culturelle de la Société Radio-Canada (SRC) pour un réalisateur dénommé Hubert Aquin. Pendant plus de dix ans, son fougueux engagement culturel et social et l’étiquette de communiste qui lui est accolée l’obligeront à de fréquentes bifurcations professionnelles. Il sera tour à tour enseignant, journaliste, chroniqueur ou rédacteur – au journal Le Devoir, au Nouveau Journal, à la radio et à la télévision de Radio-Canada – traducteur au sein de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, et secrétaire de la Commission provinciale d’enquête sur l’urbanisme dite commission La Haye. Il donnera de nombreux articles aux revues Liberté, Cité libre, Parti pris et Socialisme, particulièrement à cette dernière revue dont il sera le directeur de 1968 à 1971. Assez curieuse- ment, il sera l’un des premiers à s’intéresser de près à la littérature québécoise, à en faire la critique et à l’enseigner. Professeur de littérature française et québécoise au secteur universitaire du Collège Sainte- Marie, il deviendra ainsi l’un des fondateurs de l’Université du Québec à Montréal où il enseignera pendant trente ans au Département d’études littéraires et où, comme par un juste retour des choses, il « n’enseigne pas seulement à être un créateur : il montre à vivre », tel que l’écrit une de ses anciennes étudiantes, la romancière et poète Rachel Leclerc. Il milite au syndicat des professeurs jusqu’à sa retraite en 1999.

Michel van Schendel a appris à aimer le Québec au point de ne plus douter qu’il n’y a qu’ici que son parcours d’écrivain et de poète aurait pu s’accomplir. Il exprime sa reconnaissance envers ceux qui l’ont aidé « à devenir pleinement poète ». Il pense au grand poète Paul-Marie Lapointe, l’ami proche des quelque cinquante dernières années. Il pense à l’homme, l’homme intègre, le solidaire, l’homme complet, l’ami, le poète, peintre, graveur, éditeur Roland Giguère, décédé au mois d’août 2003. Il en a tant reçu. Il pense à Gaston Miron ; il reconnaît 10 avoir une dette envers cet autre ami qui a eu la sensibilité de l’aiguiller, dès 1956, sur l’exil, l’un des thèmes porteurs de toute son œuvre. Un premier recueil, Poèmes de l’Amérique étrangère, paraît en 1958. Puis suivront Autre, autrement en 1983, Extrême livre des voyages en 1987 et Bitumes en 1998. Deux ans plus tôt, paraissait Jousse ou la traversée des Amériques, conte à saveur autobiographique qui ne raconte pas vraiment, qui dépayse au sens littéral du terme, paroles d’errance dans le temps et l’espace jusqu’à l’enfance, texte qui, comme toujours, exige ouverture, intelligence et travail de la part du lecteur.

Chez Michel van Schendel, le travail du théoricien et du critique est intimement lié à celui du poète et de l’écrivain. Il en résulte une puis- sance d’évocation et une densité qui provoquent le lecteur et qui singu- larisent grandement cette œuvre. Cela donne de très beaux livres comme L’Impression du souci ou l’étendue de la parole (1993) où se mélan- gent poésie et réflexions. Et auparavant, La Poésie et nous (1958), Ducharme l’admirable (1967). En 1992 et 1993 paraissent les deux premiers de quatre tomes de méditations sur le poème intitulés Rebonds critiques. Les livres de Michel Van Schendel ont presque tous été publiés à l’Hexagone dont il est vite devenu l’un des piliers.

L’œuvre de Michel van Schendel rayonne ici et à l’étranger. De l’œil et de l’écoute, rétrospective de vingt ans d’écriture poétique parue en 1980, obtient en 1981 le Prix du Gouverneur général du Canada. Puis une tra- duction de ses poèmes paraît à Rome en 1990 sous le titre Delta di pietra et le dialogue auquel cette traduction a donné lieu avec Lucia Bonato sera publié en 1995 sous le titre Traduction : deux voix par la prestigieuse maison Bulzoni.

PRIX ATHANASE-DAVID

2002 Madeleine Gagnon 1984 Jean-Guy Pilon 2001 Victor-Lévy Beaulieu 1983 Gaston Miron 2000 Pierre Morency 1982 Marie-Claire Blais 1999 Roland Giguère 1981 Gilles Archambault 1998 André Langevin 1980 Gérard Bessette 1997 Gilles Marcotte 1979 Yves Thériault 1996 Monique Bosco 1978 Anne Hébert 1995 Jacques Poulin 1977 Jacques Ferron 1994 Réjean Ducharme 1976 Pierre Vadeboncœur 1993 Gilles Hénault 1975 Fernand Dumont 1992 André Major 1974 Rina Lasnier 1991 Nicole Brossard 1973 Marcel Dubé 1990 Andrée Maillet 1972 Hubert Aquin 1989 Jean Ethier-Blais 1971 Paul-Marie Lapointe 1988 Michel Tremblay 1970 Gabrielle Roy 1987 Fernand Ouellette 1969 Alain Grandbois 1986 Jacques Brault 1968 Félix-Antoine Savard 1985 Jacques Godbout 11 Conrad Kirouac, mieux connu sous le nom de frère Marie-Victorin (1885- 1944), a été un célèbre botaniste. Son nom a été donné au prix qui souligne une contribution marquante aux sciences de la nature et du génie : sciences mathématiques, sciences physiques, sciences de la vie, sciences de l’environ- nement, de la terre, de l’eau, de l’atmosphère et sciences du génie. LOUIS TAILLEFER

PRIX MARIE-VICTORIN

2003 Louis Taillefer est l’une des personnalités scientifiques les plus en vue des dernières années. Un parcours professionnel exceptionnel et une manière de raconter la science qui tient plus du conte fantastique que de l’explication ardue ont fait du physicien le chouchou des médias. Avec lui, la physique quantique devient presque un jeu, une gigantesque course au trésor. L’histoire de Louis Taillefer est celle d’un scientifique obstiné qui s’est lancé sur la piste de la mystérieuse supraconductivité, avec comme objectif de mettre à jour et d’élucider le comportement des électrons dans la matière.

De bonnes fées se sont certainement penchées sur le berceau de Louis Taillefer. Né à Montréal en 1959, d’un père homme d’affaires et d’une mère passionnée de science, Louis fréquente d’abord l’école, sans grande ambition. À la fin de sa première année d’études collégiales, il décroche et part travailler un an dans une ferme de la région de l’Estrie. Malgré la richesse de cette expérience, l’exercice intellectuel vient à lui manquer, et il retourne donc, plus motivé, sur les bancs de l’école. À l’université, Louis Taillefer opte d’abord pour le génie minier, puis s’inscrit en physique. En 1982, il obtient, ex æquo avec son frère jumeau Éric, la médaille Ann-Molson pour le meilleur étudiant en sciences de l’Université McGill.

Les jumeaux fréquentent ensuite ensemble la prestigieuse Université de Cambridge, en Angleterre. Louis tombe amoureux de ce pays et s’inscrit à des études de troisième cycle. Gilbert Lonzarich, son superviseur, est un physicien exceptionnel, passionné par son sujet : le magnétisme. Le jeune Québécois se prend au jeu et se lance tête baissée dans la recherche fondamentale. Comment les électrons interagissent-ils ? Voilà la question qui, depuis cette époque, n’a cessé de le hanter. À Cambridge, Louis Taillefer étudie des matériaux supraconducteurs, qui conduisent l’électricité sans perte d’énergie à très basse température, près du zéro absolu. Avec la fougue de la jeunesse, il fabrique lui-même

les cristaux d’uranium-platine (UPt3) qu’il étudie, tâche habituellement réservée à des spécialistes d’expérience. Le soir de Noël 1985, dans un coin du laboratoire, il obtient enfin des échantillons presque parfaits. Encore aujourd’hui, ses cristaux de Noël, comme il les a baptisés, sont parmi les plus purs au monde. Et grâce à eux, raconte-t-il, il a pu « directement » parler aux électrons !

En 1988, Louis Taillefer s’installe à Grenoble, ville européenne de grand renom dans le domaine de la physique, pour trois années d’études post-

doctorales. Là, il découvre que l’UPt3 possède plusieurs phases supra- conductrices. C’est une petite révolution pour la physique quantique. Les quatre publications scientifiques qu’il écrit durant cette période font figure de référence. Elles ont déjà été citées plus de 700 fois dans d’autres articles ! Au cours des dix ans qu’il passe en Europe, le physicien en profite pour voyager et se frotter à d’autres cultures. Cependant, le 13 globe-trotter prend peu à peu conscience de ses racines québécoises et, en 1992, c’est à l’Université McGill qu’il choisit de commencer sa carrière de professeur. Il y restera six ans. Ses travaux sur les cuprates, d’autres matériaux supraconducteurs, lui valent déjà de nombreuses distinc- tions. Il reçoit notamment la bourse Steacie du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, la médaille Herzberg de l’Association canadienne des physiciens et physiciennes et le prix Urgel-Archambault de l’Association francophone pour le savoir (Acfas).

En 1998, le professeur déménage son laboratoire à l’Université de Toronto, qui lui déroule le tapis rouge en recrutant quatre autres chercheurs en supraconductivité. Louis Taillefer est le moteur de l’équipe. En juillet 1998, il prend la tête du programme de supracon- ductivité de l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA), qui regroupe la crème des scientifiques du pays dans ce domaine. Sous sa tutelle, le programme prend une envergure sans précédent : le nombre de membres du réseau double, dix scientifiques étrangers sont aussi associés, dont deux Prix Nobel. Les échanges se multiplient, le modèle d’organisation de l’ICRA en supraconductivité fait bientôt l’envie des autres pays.

Malgré les tâches administratives croissantes, le physicien continue ses travaux, entouré d’une équipe d’étudiants hors pair, sa plus grande fierté. En 2001, il publie un article dans la prestigieuse revue Nature, article dans lequel il réfute la loi de Wiedemann-Franz, admise depuis 150 ans. Il prouve ainsi que, dans les nouveaux matériaux supracon- ducteurs, les électrons ne transportent pas électricité et chaleur de la même manière. Cette découverte majeure fait depuis l’objet de nom- breux travaux dans le monde.

14 Toutefois, Toronto ne peut offrir à Louis Taillefer et à sa femme, l’architecte Louise Brisson, ce qui leur tient le plus à cœur : une éducation pour leurs enfants, conforme à leurs idéaux. Le physicien est en effet persuadé que le système scolaire classique tue l’imagination, par une approche trop académique, déconnectée du rythme de développement des enfants. En 2002, la famille quitte donc Toronto pour Sherbrooke, où Raphaël, 8 ans, et Charlotte, 6 ans, fréquentent l’école Les-Enfants-de-la-Terre de Waterville. Cette école publique a un statut particulier car elle appartient aux parents, qui doivent par conséquent assumer la construction et l’aménagement des bâtiments. L’enseignement y est proche de la nature, des arts et de l’his- toire, et la pédagogie suit les préceptes de l’Autrichien Rudolf Steiner. Aux côtés de sa femme, présidente de la corporation de l’école, Louis Taillefer s’est engagé à fond, comme responsable du comité d’investisse- ment. C’est l’autre moitié de sa vie, dit-il en souriant. L’Université de Sherbrooke, quant à elle, a accueilli à bras ouverts le physicien qui vient d’obtenir la direction du nouveau programme de l’ICRA sur les matériaux quantiques pour les cinq prochaines années. L’histoire du physicien continue : au prochain épisode, l’annonce d’un nouvel état de la matière dans les cuprates supraconducteurs…

PRIX MARIE-VICTORIN

2002 Claude Hillaire-Marcel 1989 Jacques LeBlanc 2001 Robert Emery Prud’homme 1988 Germain J. Brisson 2000 Gilles Brassard 1987 Pierre Deslongchamps 1999 Gilles Fontaine 1986 Stanley George Mason 1998 Ashok K. Vijh 1985 André Barbeau 1997 Louis Legendre 1984 William Henry Gauvin 1996 Stephen Hanessian 1983 Pierre Dansereau 1995 John J. Jonas 1982 Camille Sandorfy 1994 1981 René Pomerleau 1993 Non attribué 1980 1992 Charles P. Leblond 1979 1991 Mircea Steriade 1978 1990 Leo Yaffe 1977 15 Léon Gérin (1863-1951), que l’on considère comme le premier sociologue québécois, a donné son nom au prix réservé aux sciences humaines. Les disciplines reconnues pour ce prix sont les sciences sociales, les sciences du langage, les sciences de l’administration, l’urbanisme et l’aménagement, l’histoire, les sciences juridiques, les sciences de l’éducation et la géographie. ANDRÉE LAJOIE

PRIX LÉON-GÉRIN

2003 Andrée Lajoie est non seulement une passionnée, mais aussi une femme engagée. Professeure et membre du Centre de recherche en droit public (CRDP) de l’Université de Montréal depuis plus de 35 ans, elle fait partie du petit noyau de juristes québécois voués à l’analyse des rapports droit-société. Au fil des années, elle s’est penchée sur des sujets cruciaux, tels le rôle du droit comme instrument des politiques en matière d’amé- nagement du territoire, de santé ou d’enseignement supérieur et les facteurs politiques qui orientent le droit, notamment en ce qui concerne le pouvoir judiciaire et les droits des minorités, ce qui illustre son expertise dans le domaine de la théorie du droit.

Pourtant, au départ, Andrée Lajoie n’a jamais été attirée par les profes- sions juridiques. Sa passion, c’était l’écriture. Née en 1933 à Montréal, dans un milieu plutôt aisé, où l’on valorise l’indépendance des femmes, elle commence très tôt à gagner sa vie. À 15 ans, alors qu’elle fréquente le collège, elle devient journaliste à Vie étudiante et veut s’inscrire en lettres à l’université, afin de poursuivre dans cette voie, mais sur les conseils d’un directeur de journal, ami de son père, elle choisit le droit, pour ne pas risquer de rester cantonnée aux pages féminines des journaux de l’époque.

Après son baccalauréat en droit à l’Université de Montréal, Andrée Lajoie s’inscrit en sciences politiques à Oxford, tout en étant corre- spondante à Londres pour Radio-Canada. À la fin de ses études, elle doit pourtant abandonner l’idée d’une carrière en journalisme politique, pour éviter tout conflit d’intérêts avec son mari diplomate, en poste à l’Organisation des Nations Unies (ONU) à New York où le couple s’installe en 1961. Andrée Lajoie est enceinte de sa fille lorsqu’elle ren- contre un de ses anciens professeurs, Jean Beetz, qui lui propose de faire partie du CRDP, récemment créé à l’Université de Montréal. Être chercheuse lui permettra de continuer d’écrire. Elle accepte aussitôt. Pendant trois ans, elle travaille à partir de la bibliothèque de l’Université Columbia et se rend une semaine par mois à Montréal. En 1968, elle devient professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, tout en restant détachée à temps plein à la recherche au CRDP. Elle dirigera ce centre de 1976 à 1980.

Dès ses débuts, Andrée Lajoie s’attache à comprendre les facteurs poli- tiques qui orientent le droit. Elle profite de la liberté de choisir leurs sujets de recherche dont disposaient alors les chercheurs, et qu’ils ten- tent toujours de défendre, pour élaborer ses projets en fonction de leur intérêt intellectuel et de leur pertinence sociale et les aborder, dès cette époque, avec des équipes multidisciplinaires. Ses écrits, au nombre desquels on compte quinze livres, ont contribué à l’avancement de la discipline juridique et même à l’organisation du système de santé. Son premier ouvrage, Les structures administratives régionales, a servi de base à la régionalisation dans ce secteur, avant d’alimenter la formation de générations d’étudiants, notamment en science politique et en géogra- 17 phie. Par la suite, ses travaux sur le droit de la santé, notamment le Traité du droit de la santé et des services sociaux, a introduit une dimension publiciste, jusqu’alors absente, dans la formation des juristes spécialisés dans ce domaine du droit au Québec.

C’est en étudiant l’usage que l’État fait des contrats administratifs, dans le contexte des politiques de santé, que la juriste amorce, dans Contrats administratifs, jalons pour une théorie, une réflexion sur le rôle idéologique du droit dans la société qui la conduira dans le domaine de la théorie du droit. Ses deux ouvrages d’importance dans ce domaine, Jugements de valeurs et Quand les minorités font la loi, publiés aux Presses universitaires de France, lui ont valu une reconnaissance de premier plan à l’étranger. En Europe, notamment, ces textes font figure de référence.

Ajoutés à ses qualités intellectuelles, son franc-parler, son humour et sa convivialité font d’Andrée Lajoie une conférencière très recherchée. Au cours des dernières années, elle a notamment été professeure invitée aux universités de Paris, Padoue, Trieste, Athènes, Toronto, Victoria, Louvain et Bruxelles ! La juriste, qui est plutôt sédentaire de nature, en profite alors souvent pour découvrir des œuvres d’art contemporain, sa seconde passion.

Membre du Barreau du Québec, de l’Association droit et société, de l’Association française d’anthropologie du droit et de la Société royale du Canada, Andrée Lajoie est une travailleuse infatigable. Elle s’intéresse à une multitude de phénomènes sociaux et n’hésite jamais à se prononcer publiquement sur les questions qui lui tiennent à cœur. Ses travaux lui ont déjà valu le prix Walter Owen du Barreau canadien, le prix André- Laurendeau de l’Association francophone pour le savoir (Acfas) et celui de l’Association des professeurs de droit du Canada et de la Commission de réforme du droit du Canada, pour une contribution exceptionnelle à la recherche juridique et à la réforme du droit.

18 Membre du conseil consultatif de la Commis- sion du droit du Canada (1997-2002) et de la commission Séguin sur le déséquilibre fiscal (2001-2002), Andrée Lajoie a collaboré aux travaux de plusieurs autres commissions d’enquête, dont les commissions Castonguay (1968-1970) et Rochon (1985-1987) sur les services de santé et les services sociaux, la commission Angers sur les universités (1978-1980), la commission MacDonald sur l’union économique et les perspectives de développement au Canada (1983-1985) et la Commis- sion royale sur les peuples autochtones en 1993.

À 70 ans, Andrée Lajoie ne songe pas vraiment à la retraite, elle qui n’a jamais fait la différence entre les vacances et le travail. Dans la suite de ses travaux récents sur les minorités, dont elle a montré comment leurs valeurs ne sont intégrées dans le droit que lorsqu’elles sont conformes à celles du groupe dominant, elle se concentre maintenant sur les droits ancestraux des Autochtones, assumant pour les trois prochaines années la direction d’un vaste projet de recherche intitulé « Autochtonie et gouvernance ». Ce projet réunit une quinzaine de chercheurs de diverses disciplines et des représentants d’organisations des Premières Nations.

PRIX LÉON-GÉRIN

2002 Paul-André Crépeau 1989 Gérard Bergeron 2001 Marcel Trudel 1988 Thérèse Gouin Décarie 2000 Michael Brecher 1987 Louis-Edmond Hamelin 1999 Marcel Dagenais 1986 Adrien Pinard 1998 Vincent Lemieux 1985 Albert Faucher 1997 Margaret Lock 1984 Jean-Charles Falardeau 1996 Henry Mintzberg 1983 Michel Brunet 1995 Guy Rocher 1982 Jacques Henripin 1994 Jean-Jacques Nattiez 1981 Benoît Lacroix 1993 Gérard Bouchard 1980 François-Albert Angers 1992 Charles Taylor 1979 Noël Mailloux 1991 Bruce G. Trigger 1978 Marcel Rioux 1990 Fernand Dumont 1977 Léon Dion 19 Paul-Émile Borduas (1905-1960) a été l’une des principales figures de la peinture de l’après-guerre. Le prix qui porte son nom souligne le travail de création dans les secteurs des arts visuels, des métiers d’art, de l’archi- tecture et du design. RAYMONDE APRIL

PRIX PAUL-ÉMILE-BORDUAS

2003 Une femme douce et déterminée, attentive aux moindres variations de l’instant. Une photographe au regard précis et tendre posé sur ce qui l’entoure. Une artiste du récit, articulant des visions fugaces pour les transformer et les offrir aux regards des autres. Voilà Raymonde April telle qu’elle apparaît dans la simplicité lumineuse de son appartement du Plateau Mont-Royal.

Raymonde April est née à Moncton, au Nouveau-Brunswick, et a grandi à Rivière-du-Loup, dans l’Est du Québec, là où ses parents ont toujours vécu. « J’étais une enfant sérieuse et tranquille. J’aimais lire, observer, rêvasser. » Dans sa famille, on a le sens du récit. Ses parents aiment raconter. Ils savent imaginer la réalité quotidienne. Sa mère est une femme inventive, créatrice ; son père, d’abord policier puis directeur de la Sûreté municipale, aime la musique et profite de ses patrouilles près du fleuve pour photographier la faune et le paysage. Raymonde April sait intuitivement qu’elle est une artiste, mais quand elle arrive à l’Université Laval, où elle est inscrite en arts plastiques, elle ne sait pas encore quel sera son langage privilégié.

« Ce n’est qu’une fois partie de la maison, avec de nouveaux amis à Québec dans le Quartier Latin, que j’ai commencé à raconter, à décrire et à inventer. J’ai adopté la photographie comme langage, parce qu’elle était légère et d’opération simple. Elle était le prolongement naturel de ma pensée. »

En 1973, la pratique photographique au Québec est essentiellement documentaire. La photographie n’est pas enseignée comme un art mais plutôt comme une technique. Le choix, inhabituel à l’époque, de la photographie comme moyen de création procure à Raymonde April une grande liberté. Les professeurs ne savent pas toujours comment intervenir dans son travail, elle élabore donc seule sa pratique ; « … le terrain que je choisissais ainsi n’était réclamé par personne. […] J’y étais libre, sans maître, sans tradition, dans un espace pour moi toute seule. »

Ses influences seront surtout cinématographiques et littéraires. Lisez Marcel Proust, recommande-t-elle quelques années plus tard à ses élèves. C’est ce qu’elle a fait avec patience et attention, fascinée par le regard de l’écrivain sur le quotidien, par cette façon d’observer, de décrire le connu et de le transformer par une écriture profonde, ciselée et circulaire. Raymonde April a également été marquée par les films de la Nouvelle Vague, le cinéma direct et les écrits de Marguerite Duras et de Robert Musil.

Exploratrice du langage photographique, la jeune femme est entourée d’artistes de toutes disciplines et, dès le début de sa carrière, elle s’en- gage dans le partage d’expériences avec ses pairs. Cofondatrice en 1978 de La Chambre blanche à Québec, l’un des premiers centres d’artistes autogérés au Canada, Raymonde April participe à un bouillonnement culturel multidisciplinaire et collabore avec des écrivains, des vidéastes et des artistes de la performance. Elle s’installe à Montréal en 1981.

Dès 1977, Raymonde April présente sa première exposition individuelle à la galerie Powerhouse de Montréal, regroupant des photographies dont plusieurs sont accompagnées de textes. Et depuis, les productions 21 se succèdent. Soulignons entre autres Voyage dans le monde des choses, présentée au Musée d’art contemporain de Montréal en 1986, qui sera suivie d’un nombre impressionnant de présentations dans les galeries et les musées, tant au Québec qu’en Europe. Ainsi, elle expose à la Galerie René Blouin à Montréal, à la House Gallery à Vancouver, à la Galerie Colbert de la Bibliothèque nationale de Paris, au Musée Arthur Rimbaud de Charleville-Mézières, ainsi qu’à Nice, à Barcelone et ailleurs en Europe. Sa manière poétique, qui s’attache à mettre en scène la part individuelle et intime de notre mémoire collective, lui vaut d’être con- sidérée parmi les grands artistes photographes de notre époque. Ses œuvres ont été acquises par les plus importantes institutions muséales : Musée des beaux-arts de Montréal, Musée d’art contemporain de Montréal, Banque d’œuvres d’art du Conseil des arts du Canada, Musée canadien de la photographie contemporaine, Bibliothèque nationale de Paris, Musée national des beaux-arts du Québec. Elle a également bénéficié de nombreuses bourses du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada.

En 1998, le catalogue de son exposition Les Fleuves invisibles (1997) présentée au Musée d’art de Joliette obtient un prix prestigieux, le George Wittenborn Memorial Book Award, décerné par la Art Librarians Society of North America.

Les images de Raymonde April, en noir et blanc, à caractère autobio- graphique et intimiste, réinterprètent et questionnent les genres artis- tiques traditionnels du portrait, du paysage et de la nature morte. Qu’elle photographie des personnages, des arbres ou des intérieurs, l’artiste intègre tous ces genres en même temps, en privilégiant une expérience d’ordre poétique. Comme le souligne si justement la com- missaire et auteure Nicole Gingras, Raymonde April « a su imposer une esthétique reposant sur un équilibre sensible entre un regard anthro- pologique documentaire et un angle profondément personnel ». Elle est aussi reconnue pour son exploration des qualités picturales et formelles de la photographie.

Attentive à tout ce qui fait le mouvement de la vie, la photographe peaufine sans cesse sa capacité à construire, à déconstruire et à refaire les récits. « Je m’adresse à l’intuition des spectateurs, à leur intimité et à leur imagination. Lorsque je groupe les images, cela s’apparente à l’écriture. Je travaille l’espace entre les images autant que les images elles-mêmes. » Devant ses œuvres, le spectateur, d’abord intrigué par 22 l’apparente simplicité de l’image, est bientôt happé par sa propre mémoire, qui émerge d’un mouvement, d’une lumière. Alors il refait pour lui-même le sens d’une histoire, la sienne.

Désireuse d’explorer une nouvelle forme de nar- ration photographique, Raymonde April réalise entre 1996 et 1999 un film pour lequel elle utilise 517 photos inédites choisies dans son fonds photographique accumulé depuis 1973. Tout embrasser est présenté en grande première au Festival international du nouveau ciné- ma et des nouveaux médias de Montréal en 2000.

À compter de 1983, Raymonde April consacre une partie de son temps à l’enseignement dans différentes universités et depuis 1995, elle occupe un poste de professeur régulier à l’Université Concordia à Montréal, au sein du plus important programme de photographie d’art au Canada.

Raymonde April est très appréciée de ses étudiants. Elle les encourage à poursuivre leur recherche artistique, à l’envisager comme une véritable quête intérieure et à assumer leur responsabilité face à leur œuvre. Son influence se fait sentir non seulement chez les photographes des nou- velles générations mais aussi chez les jeunes artistes en arts visuels, car la photographe ne cesse d’élargir son champ d’action.

Très active dans la communauté photographique, Raymonde April fait partie de nombreux jurys et comités, prononce des conférences, par- ticipe à des tables rondes et agit en tant que commissaire d’exposition.

La photographe, qui profite d’une année sabbatique pour se ressourcer, occupera bientôt le studio du Québec à New York. Le prix Paul-Émile-Borduas arrive donc pour elle à un moment charnière de sa carrière et elle accueille cette haute distinction avec bonheur puisqu’elle y voit à la fois la reconnaissance de son travail et celle de la photographie comme art à part entière. Ce prix l’encourage à passer à une autre étape et à emprunter de nouveau un chemin plein d’inconnu. Élargissant le spectre des langages abordés, utilisant les nouvelles technologies numériques, la photo couleur, la vidéo, le son, poursuivant sa démarche d’écriture, Raymonde April continuera son travail rigoureux et novateur, profondément consciente du pouvoir transformateur d’une œuvre qu’elle élabore avec patience et amour.

PRIX PAUL-ÉMILE-BORDUAS

2002 Jocelyne Alloucherie 1989 Claude Tousignant 2001 Roland Poulin 1988 Fernand Leduc 2000 Jacques Hurtubise 1987 Françoise Sullivan 1999 René Derouin 1986 Betty Goodwin 1998 Jean McEwen 1985 Charles Daudelin 1997 Irene F. Whittome 1984 Alfred Pellan 1996 Melvin Charney 1983 Marcelle Ferron 1995 Charles Gagnon 1982 Roland Giguère 1994 Henry Saxe 1981 Jean-Paul Riopelle 1993 Armand Vaillancourt 1980 Guido Molinari 1992 Dan S. Hanganu 1979 Julien Hébert 1991 Michel Dallaire 1978 Ulysse Comtois 1990 Michel Goulet 1977 Léon Bellefleur 23 Dans le secteur des arts de la scène, le prix Denise-Pelletier (1923-1976) honore la mémoire de cette femme de théâtre réputée. Il est réservé aux domaines de la chanson, de la musique, de l’art lyrique, du théâtre et de la danse. ROBERT LEPAGE

PRIX DENISE-PELLETIER

2003 Tout sans doute a été dit sur Robert Lepage. Homme de théâtre dans la pleine acception du mot, Robert Lepage, comédien, auteur, metteur en scène, réalisateur de cinéma, est un créateur polyvalent dont les talents exceptionnels sont reconnus partout dans le monde. A-t-il un don d’ubiquité ? On le pense à Québec, il est à Londres, on le croit à Paris, il arrive d’Australie, sans cesse entre deux avions, entre deux produc- tions, jouant, dirigeant, préparant un nouveau spectacle, tournant un film ; il parle cinq langues, en comprend sept et ne cesse d’étonner son entourage par son énergie et sa créativité débordantes.

Robert Lepage est un véritable phénomène, certains diront un génie. Pourtant rien ne semblait prédestiner à un fabuleux destin ce petit garçon né à Québec en 1957. Le père est chauffeur de taxi, la mère s’oc- cupe de sa famille ; deux enfants adoptés précèdent Robert Lepage qui sera suivi d’une sœur, Lynda, son inséparable, son ange gardien. La mai- son héberge aussi les grands-parents et même un oncle ; la famille est heureuse malgré les épreuves et si elle ne nage pas dans l’argent, l’amour et le sens de la dérision sont omniprésents. Une enfance qui aurait pu être sans histoire. Mais Robert Lepage a sept ans quand l’alopécie fait de lui un enfant chauve. Dès lors, il doit affronter les quolibets et la cruauté enfantine. Mais le petit garçon est inventif et sait s’amuser avec une sim- ple boîte de carton. Son adolescence sera marquée d’une désastreuse expérience de drogue qui le mène aux antidépresseurs. Heureusement, sa sœur Lynda veille. C’est elle qui pousse Lepage à jouer dans une pièce de Félix Leclerc, Le Petit Bonheur ; son personnage a du succès et il décou- vre que le théâtre est un art qui permet de se déguiser. C’est encore elle qui l’invite à voir pour la première fois du théâtre professionnel ; il s’agit de La Nuit des rois, dans une mise en scène d’André Brassard ; l’éblouisse- ment est au rendez-vous, Robert Lepage découvre la mise en scène. Il rêvait d’être géographe, il sera comédien et le monde sera son royaume.

En 1975, il s’inscrit au Conservatoire d’art dramatique de Québec. À sa sortie du Conservatoire, Lepage part à Paris afin de faire un stage à l’école de théâtre dirigée par Alain Knapp. De retour à Québec, il participe à plusieurs créations comme comédien, metteur en scène ou auteur.

En 1980, il se joint au Théâtre Repère et s’impose rapidement comme un créateur exceptionnel. En 1984, il reçoit le Prix de la meilleure pro- duction canadienne à la Quinzaine internationale de théâtre de Québec pour le spectacle Circulations présenté « off festival ». Ce prix, le premier d’une très longue série, est totalement inattendu, offert dans le cadre d’un festival prestigieux, ce qui remplit l’auteur de fierté et lui donne confiance.

C’est en 1985 que Robert Lepage présente l’inoubliable spectacle La Trilogie des dragons qui lui vaut une reconnaissance nationale et inter- nationale et une avalanche de prix : pour la meilleure mise en scène, il recevra le Prix du Festival de la Ciudad à Mexico, le Dora Mavor Moore Award décerné par la Toronto Theater Alliance ainsi que le Prix de la Fondation du Trident ; La Trilogie des dragons méritera aussi le Prix du meilleur spectacle de l’année offert par le Cercle des critiques de la capi- tale à Ottawa et celui offert par l’Association québécoise des critiques de théâtre ; on lui décernera également le Grand Prix du Festival de théâtre des Amériques à Montréal.

25 La personnalité de créateur de Robert Lepage est déjà bien affirmée, sa maîtrise des nouvelles technologies, sa passion pour la forme et la dimension esthétique de son travail séduisent et font de lui un précurseur qui ne cesse de surprendre les critiques et le public. Sa démarche est poétique et il privilégie la création collective et l’improvi- sation. Robert Lepage, par tous les aspects de son travail et de sa recherche, contribue à la redéfinition de la dramaturgie scénique, et ce, aussi bien à l’étranger qu’au Québec.

En 1986, il crée Vinci, son premier spectacle solo ; l’année suivante, c’est Le Polygraphe et, en 1988, Les Plaques tectoniques. Toujours il fait preuve de la même inventivité.

En 1989, le jeune créateur accepte le poste de directeur artistique du Théâtre français du Centre national des arts à Ottawa, ce qui ne l’em- pêchera pas de poursuivre son exploration personnelle. Cette expé- rience l’amène également à préciser ses besoins de créateur. Il retourne vivre à Québec, où sont ses racines, et retrouve ses complices, sa sœur Lynda Beaulieu et Michel Bernatchez. Robert Lepage affirme qu’il ne planifie pas sa carrière et qu’il préfère laisser les portes ouvertes, mais il doit s’appuyer sur une base très forte : « La clé de la création c’est le chaos, il faut semer le chaos et avancer dans le noir, ce qui demande une organisation très solide. » Cette organisation est assurée par son entourage et Lepage a désormais la liberté de consacrer tout son temps à la création.

En 1991, le public peut assister aux représentations d’un nouveau spec- tacle solo de Robert Lepage, Les Aiguilles et l’Opium, dont il est l’auteur, le metteur en scène et le comédien.

En 1992, Lepage, qui n’a pas peur des risques, s’attaque au théâtre de Shakespeare ; il fait la mise en scène du Songe d’une nuit d’été, devenant ainsi le premier Nord-Américain à diriger une pièce de Shakespeare au Royal National Theatre de Londres. Il proposera ensuite le Cycle Shakespeare, présenté avec succès au Canada, en Europe et au Japon. Son incroyable énergie le pousse en outre à faire les mises en scène des opéras Le Château de Barbe Bleue de Béla Bartók et Erwartung d’Arnold Schoenberg et, en 1993, il signe la mise en scène de Secret World de Peter Gabriel.

Si Lepage vit à 200 kilomètres à l’heure et exige le meilleur de lui-même, il en attend tout autant des comédiens et des équipes qui collaborent avec lui, et quand il demande l’impossible, il l’obtient toujours. C’est ce qui explique que le nom de Robert Lepage soit sur toutes les lèvres et 26 qu’il brille sur les affiches partout dans le monde, que ce soit au Japon, en Suède, en Angleterre ou en France. Robert Lepage avoue qu’il ne craint pas de se mettre en danger devant le public, car cela lui permet d’aller plus loin et de transformer le pire en meilleur.

Pour se donner des moyens à la hauteur de ses aspirations, et surtout les moyens de la liberté, il a fondé en 1994 le groupe Ex Machina, compagnie de création multi- disciplinaire dont il est le directeur artistique. Trois ans plus tard, en 1997, afin de favoriser la recherche et aussi les échanges avec les com- pagnies étrangères, il fonde La Caserne Dalhousie, un lieu magnifique où s’élaborent désormais tous ses projets et ses explorations et qui est ouvert aux observateurs étrangers.

En 1995, Robert Lepage scénarise et réalise son premier long métrage Le Confessionnal, présenté pour l’ouverture de la Quinzaine des réalisa- teurs au festival de Cannes ; une fois encore la récolte de prix sera impressionnante. Cette même année, il crée un nouveau spectacle solo, Elseneur, constitué d’extraits d’œuvres de Shakespeare.

Décidé à poursuivre sa démarche cinématographique, il crée sa com- pagnie de production, In Extremis Images ; tout en continuant son tra- vail au théâtre, il signe l’adaptation de sa pièce Le Polygraphe, scénarise et réalise Nô ainsi que son premier long métrage en anglais, Possible Worlds. Il présente La Damnation de Faust une première fois au Japon en 1999, puis à l’Opéra Bastille à Paris en 2001.

En 2000, son nouveau spectacle solo, La Face cachée de la lune, reçoit tous les hommages, les applaudissements et les prix ; ce succès se pro- longe jusqu’en 2003 alors que le comédien Yves Jacques reprend le rôle de l’auteur ; cinq prix Gascon-Roux récompensent cette production en septembre 2003. La pièce est aussi devenue un film, produit, réalisé et joué par Robert Lepage qui une fois encore reçoit les éloges des critiques. Outre les prix, Lepage est le récipiendaire d’un nombre impressionnant de décorations et de doctorats honorifiques, tant au Québec qu’au Canada et en France.

Robert Lepage se dit très flatté de recevoir le prix Denise-Pelletier parce que le Québec est un creuset exceptionnel de développement du théâtre et du spectacle, que la culture y est d’une importance capitale et que les créateurs et les artisans y sont d’un très haut niveau.

PRIX DENISE-PELLETIER

2002 Édouard Lock 1989 2001 1988 John Newmark 2000 André Brassard 1987 Jean-Louis Roux 1999 Jean-Pierre Ronfard 1986 1998 1985 1997 Raymond Lévesque 1984 1996 François Morel 1983 1995 Walter Joachim 1982 1994 Martine Époque 1981 Jean Papineau-Couture 1993 1980 1992 1979 1991 Gilles Tremblay 1978 Bernard Lagacé 1990 1977 Félix Leclerc 27 Ce prix évoque l’un des premiers artisans du cinéma documentaire québé- cois, Mgr Albert Tessier (1895-1976). Les divers aspects du cinéma reconnus par ce prix sont la scénarisation, l’interprétation, la composition musicale, la réalisation, la production et les techniques cinématographiques. ANDRÉ FORCIER

PRIX ALBERT-TESSIER

2003 Pour André Forcier, le prix Albert-Tessier arrive juste au bon moment dans sa vie personnelle et professionnelle. Il se réjouit de la reconnais- sance dont fait l’objet le cinéma d’auteur alors que la rentabilité cul- turelle ne pèse plus lourd devant la dictature du box-office. Celui que la critique Marie-Claude Loiselle qualifiait en 1994 de « plus grand cinéaste québécois contemporain » lors de la sortie du Vent du Wyoming refuse de se taire. Au cours de l’été 2003, il a réalisé et produit à compte d’auteur son neuvième long métrage, Acapulco Gold, avec le feu sacré de ses 20 ans quand il tournait Le Retour de l’Immaculée Conception.

Dans sa maison de Longueuil, sur la rive sud de Montréal, Forcier, chaleureux et volubile, raconte. Il parle de ses ancêtres, cultivateurs et pêcheurs d’eau douce à Saint-François-du-Lac ; de son grand-père débardeur, installé dans l’Est de Montréal, qui insistait pour que ses enfants soient instruits ; de son père qui étudiait en sciences sociales avant de devenir policier sous Camilien Houde afin d’échapper à la cons- cription, de sa mère, opératrice à la « Bell téléphone », qui, à 83 ans, a une moyenne de 160 aux petites quilles. Père de trois enfants, Forcier déplore qu’on ait évacué l’enseignement de l’histoire au primaire. Un peuple qui ne sait pas d’où il vient ne sait pas où il va. Il souligne qu’ironiquement, seules les diasporas ont une mémoire collective ; d’où sa passion pour la culture acadienne. Ainsi, Forcier a réalisé en 2002 Gumb-Oh La ! La !, une série télévisuelle de treize portraits de Louisianais francophones.

Petit à petit, Forcier révèle son univers si personnel, celui qu’il magnifie et poétise en le projetant sur grand écran ; s’éveillent alors dans notre mémoire des personnages, des situations, des images qu’on sait désor- mais sortis tout droit d’une réalité parfois très dure mais que le cinéaste transforme et transcende par sa sensibilité qui donne aux êtres et aux événements une dimension mythique et universelle.

Né dans le quartier Villeray à Montréal, André Forcier grandira sur la rive sud du fleuve, d’abord à Greenfield Park, puis à Boucherville. Le jeune André ne rêve pas de cinéma. Il veut être criminaliste, dévore Allô Police et fait l’école buissonnière au palais de Justice pour aller voir plaider ses idoles, les Daoust, Morneault, Hébert et Shoffey.

Forcier fera ses études à l’Externat classique de Longueuil dirigé par les franciscains. Il se qualifie d’élève moyen, sans problème, pas très sportif, bien loin des arts et des artistes qu’il regarde avec réticence et un peu de méfiance. Mais le destin va lui jouer un tour dont il a seul le secret. L’anecdote est déterminante.

En Méthode, son professeur de français et de latin lui arrache systéma- tiquement quinze pour cent de ses points parce qu’il n’apprécie pas sa calligraphie. Excédé, André Forcier confronte ce professeur sans ménagement. L’affaire n’en reste pas là : le directeur suspend Forcier du collège pour une semaine et lui enlève le droit de choisir ses options pour la Versification. Il voulait faire du grec mais on lui impose le module Arts plastiques qui comprend un cours de cinéma obligatoire. Le jeune professeur de cinéma, Robert Gauthier, enseigne à ses élèves l’utilisa- tion de la caméra et le montage avec de l’équipement 8 mm et leur fait 29 voir les classiques ainsi que le meilleur de notre cinéma national. Graduellement, Forcier se passionne pour le septième art et quand son professeur lui demande de faire la critique de Terre sans (1936) de Luis Buñuel, il obtient une note parfaite. Du coup ses camarades le découvrent et lui reconnaissent un incontestable talent pour l’écriture. On lui propose de collaborer au journal étudiant, qu’il farcit de poèmes et de nouvelles de son cru. C’est en écrivant sur le cinéma qu’il découvre le plaisir d’écrire et, en collaboration avec quelques-uns de ses cama- rades, il scénarise, réalise et produit son premier film, La Mort vue par…, court métrage en 8 mm, au commentaire ironique. L’œuvre, diffusée à la télévision de Radio-Canada dans le cadre de l’émission Images en tête, est primée. Gilles Carle, qui était membre du jury, encourage le jeune homme à continuer.

Forcier a trouvé sa voie ; en 1966, il réalise et produit un court métrage, Chroniques labradoriennes, puis commence la scénarisation d’un long métrage en noir et blanc, Le Retour de l’Immaculée Conception.

Entre-temps, les relations entre André Forcier et son père se corsent. Pour gagner sa vie et ramasser l’argent nécessaire à la production, il fait un peu de suppléance à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ses collègues, qui le voient sans cesse courir, bobines de pel- licule sous le bras, le pensent un peu fou. Il dort à droite et à gauche, squatte certaines nuits d’hiver le local non chauffé des Cinéastes asso- ciés, une boîte de production aujourd’hui disparue, et utilise toutes ses ressources pour se procurer des bouts de pellicule. Pierre et André Lamy, ainsi que Gilles Carle, propriétaires de la compagnie de production Onyx Films, lui fournissent gratuitement les services techniques. À force de travail et de persévérance, Forcier peut enfin savourer la sortie de son film sur les écrans. C’est un succès. Dans le numéro de septembre 1973 de Cinéma/Québec, Pierre Demers écrit : « […] il est véritablement le seul porteur du nouveau, de la création, de l’imagination du cinéma québécois ». Le reste fait partie de notre histoire cinématographique.

En 1973, le Québec et le monde du cinéma international découvrent Bar Salon ; en 1974, Forcier reçoit des mains de Vittorio De Sica la Sirène d’argent au Festival de Sorrente, en Italie, ainsi que le Prix de la critique remis par l’Association des critiques de cinéma du Québec; la même année, il présente un moyen métrage, Night Cap et, en 1976, une œuvre unique, L’Eau chaude l’eau frette, 30 inclassable, devenue un véritable classique, qui sera projetée à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. En 1978, ce film reçoit le Grand Prix de la Presse à Chamrousse. Le président du jury est Romain Gary. Faut-il s’étonner qu’Émile Ajar écrive dans L’Angoisse du Roi Salomon : « Va voir Eau chaude, Eau frette à la Pagode, rue de Babylone, ça se donne en ce moment, tu verras qu’il y a encore des possibilités. »

Tourner n’est pas tout : encore faut-il que ses films et ceux de ses con- frères cinéastes et vidéastes soient vus par le grand public. En 1976, Forcier participe à la fondation de Cinéma libre, société de distribution dédiée au cinéma québécois indépendant.

En 1983, c’est la poésie farfelue et émouvante de Au Clair de la lune qui attire l’attention sur Forcier. Mais les cinéphiles n’ont encore rien vu. André Forcier enchaîne les productions ; en 1987, c’est Kalamazoo, en 1990, Une histoire inventée, en 1994, Le Vent du Wyoming et, en 1997, La Comtesse de Baton Rouge, des titres qui brillent comme autant d’étoiles dans l’histoire du cinéma au Québec et au Canada. Le cinéaste offre des rôles en or aux comédiens qui reçoivent également leur part de recon- naissance. Les prix s’amoncellent. Parmi ceux-ci, le prix André-Guérin offert par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal dont Forcier est le premier lauréat en 1990.

André Forcier réussit le tour de force d’étonner, de choquer parfois, mais de toujours éblouir. Son cinéma est drôle et émouvant, son style unique et envoûtant, son regard rafraîchissant et surréaliste. En 1994, Éric Fourlanty écrit dans Voir : « André Forcier est le seul, au Québec, à avoir un univers qui se mesure aux plus grands, de Fellini à Blier. »

À l’hiver 2003-2004, André Forcier entreprendra le tournage de son dixième long métrage, Les États-Unis d’Albert. À 56 ans, il est toujours aussi passionné par son métier et demeure envers et contre tous l’enfant terrible du cinéma québécois.

PRIX ALBERT-TESSIER

2002 Robert Daudelin 1990 Gilles Carle 2001 René Jodoin 1989 2000 Micheline Lanctôt 1988 Anne Claire Poirier 1999 Roger Frappier 1987 Rock Demers 1998 Georges Dufaux 1986 Michel Brault 1997 Colin Low 1985 Gilles Groulx 1996 Jacques Giraldeau 1984 Claude Jutra 1995 Jean Pierre Lefebvre 1983 Maurice Blackburn 1994 Pierre Perrault 1982 Norman McLaren 1993 Francis Mankiewicz 1981 Pierre Lamy 1992 Jean-Claude Labrecque 1980 Arthur Lamothe 1991 Frédéric Back 31 Ce prix a été créé en hommage à Gérard Morisset (1898-1970), un des pionniers de la connaissance et de la mise en valeur du patrimoine québécois. Les activités reconnues aux fins de ce prix sont la recherche, la création, la formation, la gestion, la conservation et la diffusion dans les domaines des biens culturels, des archives, de la muséologie et de la culture populaire traditionnelle. MARCEL JUNIUS

PRIX GÉRARD-MORISSET

2003 Le patrimoine culturel québécois résume pour Marcel Junius la grandeur dans la création des outils premiers des hommes, l’habitat, les objets, les traditions puis, dans la modernité toujours active, il l’étend jusqu’à l’avant-garde en architecture et dans les arts. L’humanisme est au cœur de l’œuvre de Marcel Junius comme en témoigne son credo « l’homme avant la pierre ». Le bien-être auquel toute personne a droit par l’équilibre et l’harmonie entre son habitation, sa ville, son milieu de vie, cela fait partie d’un idéal à atteindre.

D’origine belge, né à Verviers en 1925, Marcel Junius, architecte et urbaniste, émigre avec sa famille au Québec en 1961, au moment où se lève le vent de la Révolution tranquille. Lui, que rien ne préparait à devenir fonctionnaire, est pourtant enthousiasmé par le dynamisme de la fonction publique mais surtout par la grande effervescence qui carac- térise le Québec des années 1960 et 1970.

En peu de temps, il s’imprègne de nos valeurs, de notre culture, de notre identité, de notre histoire, de notre mode de vie pour les partager et les faire siens au point d’être, lui, Québécois de fraîche date, désigné en 1973 pour occuper la prestigieuse, mais combien périlleuse, fonction de directeur général du patrimoine, administrateur de la Loi sur les biens culturels récemment adoptée par l’Assemblée nationale.

Marcel Junius rassemble alors un corps d’élite de fonctionnaires de la culture, une force de frappe intellectuelle et concrète à la fois, respectée par tous les autres ministères. Lui et son équipe entendent opposer à l’effervescence de la croissance économique à tout prix une ferveur et une ardeur tout aussi grandes à protéger et à mettre en valeur les monu- ments, sites et paysages qui font partie de notre héritage. La tâche est colossale. Il faut établir des inventaires exhaustifs des biens mobiliers et immobiliers, clarifier certaines définitions de la Loi sur les biens culturels comme celle de « l’arrondissement naturel ». Ainsi naît, à son initiative, P.A.I.S.A.G.E. ou Projet d’analyse et d’inventaire des sites et arrondisse- ments géographiques. Il s’agit d’une recherche systématique basée sur des critères scientifiques entreprise avec les départements de géogra- phie et d’histoire de l’art de l’Université Laval et plusieurs chercheurs de diverses spécialités.

Auparavant la culture, le patrimoine culturel étaient des denrées pré- cieuses flottant, pourrait-on dire, dans les cercles gouvernementaux pour le plaisir de quelques esthètes perdus dans la fonction publique. On doit à Marcel Junius d’avoir porté les biens culturels dans les plus hautes sphères de l’administration publique ainsi qu’auprès des groupes sociaux.

Cet idéal et la qualité des moyens empruntés, il les maintiendra à la Commission des biens culturels du Québec comme conseiller auprès de Georges-Émile Lapalme. Il passe de la gestion administrative, combat- tante et quotidienne, à la vice-présidence et ensuite à la présidence de la Commission. Il fait sa marque, là encore, par son approche citoyenne en multipliant les audiences publiques au cours desquelles il instaure un climat de confiance réciproque. Sous sa présidence, la Commission s’engage dans la recherche des meilleures conditions de protection des 33 biens culturels. Elle recommande de convoquer des États généraux sur l’avenir du patrimoine, propose des mesures fiscales pour stopper les démolitions d’immeubles anciens et des incitatifs pour encourager leur restauration, leur réhabilitation et leur recyclage, et insiste pour que l’on tienne compte des patrimoines divers, agricole, marin, subaqua- tique, mais surtout que le territoire soit considéré comme le premier bien culturel en partage avec notre langue.

Cette ardeur pour la sauvegarde et la valorisation du patrimoine québé- cois, il la puise dans son amour et dans son admiration pour le Québec, pour ses gens, pour leur ténacité, leur fidélité aux racines et aux tradi- tions. Sans doute doit-il sa sensibilité à son nouveau milieu de vie, à sa formation professionnelle et aux valeurs fondamentales héritées de son éducation familiale.

Marcel Junius aborde un nouveau chapitre de sa carrière en 1985 quand le gouvernement lui confie la présidence du Conseil consultatif de l’en- vironnement. Il met en route un processus d’intervention porteur d’un message sur le développement durable en préparant une vaste consul- tation qui englobe toutes les régions du Québec.

Marcel Junius a occupé des fonctions qui lui donnaient comme champ d’action le Québec dans son entier. De ce fait, sa vision a propagé l’idée du patrimoine culturel et naturel comme ancrage sur le territoire. Pour lui, léguer aux générations futures le respect du patrimoine constitue le meilleur rempart à l’indifférence généralisée qui mène à la banalisation et à la dégradation de notre héritage.

Poursuivant son action à une autre échelle, Marcel Junius va mener à bien deux entreprises d’envergure internationale dont les retombées vont être considérables, tant pour la capitale que pour le Québec tout entier. Nommé directeur général de la XVIe Conférence générale du Conseil international des musées en 1989, Marcel Junius a trois ans pour attirer les muséologues du monde entier, pour les convaincre que cette ville est un haut lieu d’histoire et de culture qui se doit d’être visité. La Conférence sera un succès sur les plans intellectuel, scientifique et financier, en laissant un surplus qui sera alloué aux grandes associations des musées du Canada et du Québec pour l’établissement de bourses d’études.

34 Un autre exploit restait à venir ; ce sera une réali- sation d’une dimension exceptionnelle qui fera désormais de la ville de Québec et du Québec un centre de rayonnement international. Dès la fin de 1992, Marcel Junius met en place et dirige, à titre de secrétaire général, l’Organisation des villes du patrimoine mondial. Créer des liens entre les villes inscrites sur la liste du patri- moine de l’humanité de l’UNESCO et favoriser la solidarité entre elles vont être pour lui une source d’inspiration intarissable et une occasion unique pour donner à sa ville d’adoption une visibilité de grande ampleur. Le maire de Québec, Jean-Paul L’Allier, saluera cette réalisation en lui décernant en 2001 la première Médaille de la Ville de Québec.

En 1998, considérant que l’édifice est construit, qu’il remplit sa fonc- tion et qu’il irradie dans le monde entier depuis Québec, Marcel Junius, fondateur et premier secrétaire général de l’Organisation, tourne une autre page, mais ne referme pas encore le livre. Si, pour la plupart d’en- tre nous, une quarantaine d’années d’activité professionnelle suffisent pour donner le goût de la retraite, ce n’est pas le cas pour Marcel Junius.

C’est ainsi qu’il crée avec d’autres personnalités la fondation Patrimoine historique international (Canada) dont il est le vice-président. En 2000, il est l’initiateur d’une première rencontre entre la Commission des biens culturels du Québec et le Conseil de l’Europe. Un an plus tard, il fonde et préside l’Institut Québec-Europe : un patri- moine commun, qui a pour vocation le resserrement des relations avec l’Europe par l’entremise des repères et des traces historiques. Ainsi, avec l’Institut européen des itinéraires culturels et la Commission franco- québécoise des lieux de mémoire communs, il prépare un itinéraire culturel entre l’Europe et le Québec qui s’étendra à ce qui fut l’Amérique française.

Depuis son institution, le prix Gérard-Morisset n’a jamais honoré un administrateur de l’État du Québec. Marcel Junius déclare le recevoir au nom de l’ensemble des ouvriers, des fonctionnaires, des professionnels et des gestionnaires du patrimoine qui ont partagé avec lui ses idéaux.

PRIX GÉRARD-MORISSET

2002 Norman Clermont 1996 Michel Lessard 2001 Carol Couture 1995 Maurice Lemire 2000 Non attribué 1994 Phyllis Lambert 1999 Luc Noppen 1993 Carmen Gill-Casavant 1998 Jean-Claude Dupont 1992 Jean-Claude Marsan 1997 France Gagnon Pratte 35 Ce prix rend hommage à Armand Frappier (1904-1991), fondateur de l’ins- titut de recherche qui porte son nom. Il s’adresse aux personnes qui ont créé ou développé une institution de recherche, ou qui se sont consacrées à l’administration et à la promotion de la recherche, ou encore qui ont su faire croître l’intérêt de la population québécoise pour la science et la technologie. CHARLES E. BEAULIEU

PRIX ARMAND-FRAPPIER

2003 Tout comme Armand Frappier, qu’il a d’ailleurs côtoyé, Charles E. Beaulieu est avant tout un bâtisseur et un visionnaire. Lorsqu’on le sollicite pour mettre sur pied successivement un campus universitaire et deux instituts de recherche, ce gestionnaire exceptionnel façonne les structures qui permettront à ces organismes de prendre rapidement de l’envergure. L’Université du Québec à Rimouski (UQAR), l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et l’Institut national d’optique (INO), dont il est à l’origine, comptent aujourd’hui parmi les fleurons de la recherche québécoise.

Né à Amqui en 1930, Charles E. Beaulieu se destine d’abord à l’en- seignement et à la recherche. Les lettres ne l’intéressent guère, son père le voit médecin, mais le jeune homme a peur du sang. À l’université, il s’inscrit donc en métallurgie, parce qu’il aimait jouer avec le feu, racon- te-t-il en riant. Après un doctorat en métallurgie physique à l’Université Laval, à Québec, il passe un an à l’École centrale de Paris, où il étudie la thermodynamique des hautes températures. En 1962, il est nommé professeur adjoint au Département de mines et métallurgie de l’Université Laval. Ses premiers travaux portent sur la valorisation des minerais de fer du Nord québécois. Il met notamment au point un procédé de concentration du minerai de fer canadien pour lequel il obtient un brevet en Allemagne, en France, en Angleterre et au Canada.

Charles E. Beaulieu est encore un jeune chercheur lorsqu’il est sollicité pour des tâches administratives. En 1968, il occupe le poste de directeur du Département de mines et métallurgie qui, sous sa gouverne, devient bientôt l’un des plus importants au Canada. Cependant, le nouveau directeur a besoin de défis. C’est un homme d’action. Lorsque, l’année suivante, l’Université du Québec le sollicite pour mettre sur pied un nouveau campus à Rimouski, il fonce. En quelques mois, il recrute le personnel nécessaire pour mettre en place les premiers programmes d’enseignement et mise sur l’océanographie, discipline dans laquelle l’UQAR a acquis depuis une renommée internationale.

En 1970, Charles E. Beaulieu devient le premier directeur général de l’INRS, dont il établit une programmation scientifique qui tranche avec celle des universités traditionnelles, soit une programmation axée sur la solution à des problèmes québécois. Il reçoit l’appui du docteur Armand Frappier, qui partage cette vision. Charles E. Beaulieu procède méthodiquement. Il sélectionne, dans un premier temps, les thèmes de recherche du futur institut en fonction des besoins socioéconomiques du Québec. L’énergie, l’eau, la santé, l’éducation, la ville, les télécom- munications, les ressources naturelles et l’océanographie... 30 ans plus tard, les sujets sont encore d’actualité. Puis, dans un second temps, il choisit des partenaires industriels, gouvernementaux ou universitaires et décide de situer les huit centres de recherche de l’INRS en fonction de ces partenariats. Il établit par ailleurs de nombreuses alliances avec 37 d’autres organismes. L’entente de coopération qu’il signe avec la com- pagnie Bell Northern, par exemple, première de ce type au Canada, demeure un modèle du genre. Ces orientations et ce mode de fonction- nement ont permis à l’INRS de devenir l’un des piliers de la recherche québécoise.

À la même époque, le gouvernement du Québec tente de se donner un complexe scientifique à la hauteur de ses ambitions. Toutefois, les premiers pas de ce qui deviendra le Parc technologique du Québec métropolitain ne se font pas sans heurts. En 1970, les travaux sont même interrompus. Pour dénouer l’impasse, le gouvernement fait appel aux talents de coordonnateur de Charles E. Beaulieu, qui, en plus de ses fonctions à l’INRS, devient président du Bureau d’aménagement et de gestion du complexe scientifique. L’homme réagit vite, ne s’égare pas dans les détails. Sous sa gouverne, le Bureau relance le projet, coor- donne l’installation des laboratoires de six ministères et de trois centres de l’INRS dans un espace commun. Charles E. Beaulieu contribue aussi à la construction du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), sur le même site.

En 1979, l’administrateur devient sous-ministre associé au ministère de l’Énergie et des Ressources du Québec, puis, en 1982, sous-ministre au ministère de l’Industrie et du Commerce du Québec. Charles E. Beaulieu s’assure que les employés de la base sont en mesure de défendre leurs idées directement face au ministre, sans être freinés par la hiérarchie. Les projets vont bon train. Il contribue, entre autres, à la programmation scientifique de l’Institut de recherche en santé et sécu- rité au travail et du Centre québécois de recherche et de développement de l’aluminium.

38 Lorsqu’en décembre 1987 on lui propose la direction du tout nouvel Institut national d’optique (INO), Charles E. Beaulieu n’hésite guère. Une fois encore, il prépare le premier plan quinquennal et définit la programmation scientifique. Comme dans ses fonctions précé- dentes, il a à cœur de créer une structure qui attire les jeunes. À l’INO, il lance, par exemple, un programme de bourses qui permet à des étudiants d’être partie prenante des projets de recherche de cet institut dans le contexte de leur cursus universitaire. L’INO, dont il préside toujours le conseil d’administration, est aujourd’hui le plus important centre de recherche en optique et photonique au Canada.

Nommé officier de l’Ordre du Canada en 1996 et chevalier de l’Ordre national du Québec en 1998, Charles E. Beaulieu a été tout au long de sa carrière un administrateur recherché. Il a été notamment membre du conseil d’administration du Conseil national de recherches Canada et de la Société générale de financement.

À 73 ans, Charles E. Beaulieu, skieur et golfeur invétéré, grand amateur de croisières, avoue humblement aspirer à une retraite méritée tout en siégeant à différents conseils et comités…

PRIX ARMAND-FRAPPIER

2002 Robert Lacroix 1997 Roger A. Blais 2001 Émil Skamene 1996 Jacques Genest 2000 Jean-Guy Paquet 1995 Louis Berlinguet 1999 Non attribué 1994 Maurice L’Abbé 1998 Samuel O. Freedman 1993 Lionel Boulet 39 Ce prix rend hommage à Wilder Penfield (1891-1976), reconnu comme l’un des plus grands neurochirurgiens et neurologues au monde. La fondation de l’Institut neurologique de Montréal, en 1934, constitue son apport majeur à la neurologie. Ce prix s’adresse à un chercheur ou à une chercheuse du domaine biomédical. FREDERICK ANDERMANN

PRIX WILDER-PENFIELD

2003 Frederick Andermann et son épouse Eva forment un couple hors du commun. Mariés en 1965, le neurologue et la neurogénéticienne travaillent ensemble depuis près de 40 ans à l’Institut neurologique de Montréal (INM) de l’Université McGill : Frederick Andermann y est directeur de l’Unité de recherche sur l’épilepsie et Eva Andermann, directrice de l’Unité de neurogénétique. Parmi leurs travaux, notons la description d’un nouveau syndrome, soit la dégénérescence du système nerveux central et périphérique, aujourd’hui appelé le « syndrome d’Andermann », qui frappe environ 1 personne sur 2 000 dans les régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de Charlevoix. Au fil des années, leur action commune permettra de faire progresser les connaissances sur la classification, le diagnostic et le traitement de l’épilepsie, ce trouble neurologique qui affecte plus de 300 000 Canadiens, sans oublier leur collaboration internationale à la recherche et à la formation de disciples originaires de tous les continents qui perpétuent la tradition établie par le docteur Penfield au Québec.

En 1934, quand fonde l’Institut neurologique de Montréal, Frederick Andermann est encore un jeune enfant pris dans la tourmente de l’entre-deux-guerres, dans sa région natale de la Bucovine, partagée depuis entre l’Ukraine, la Moldavie et la Roumanie. Il a 9 ans lorsque commence la Seconde Guerre mondiale. Il en retiendra, avant tout, les leçons de courage de sa mère, qui prend d’énormes risques pour sauver de nombreux enfants orphelins. À la fin du conflit, la famille quitte la Roumanie pour Paris, puis s’installe à Montréal, en 1950. Frederick Andermann s’inscrit en sciences à l’Université McGill, puis en médecine à l’Université de Montréal. Il est très tôt fasciné par le fonctionnement de cette incroyable machine vivante qu’est le cerveau et décide de se spécialiser en neurologie. À l’époque, les travaux de Wilder Penfield à l’Institut neurologique de Montréal sont déjà à la fine pointe de la recherche mondiale sur l’épilepsie. Lorsqu’il est engagé comme professeur au Neuro, ainsi que l’on surnomme cette institution, Frederick Andermann s’intéresse donc tout naturellement à l’épilepsie. Aujourd’hui encore, il se fait à l’Hôpital neurologique de Montréal plus de chirurgies pour traiter ce défaut du cerveau que dans tout autre endroit au monde.

Dans les années 60, on connaît encore très mal les troubles neurolo- giques qui affectent les enfants. Par goût du défi, le chercheur devient l’un des premiers neurologues pédiatres au pays. Outre qu’il suit ses jeunes patients, il se lance dans la recherche clinique pour essayer de comprendre, mais surtout de guérir, lorsque c’est possible. Avec sa collègue neurogénéticienne Eva Deutsch, qui deviendra son épouse, il s’attache notamment à décrire précisément différentes formes d’épilepsie et d’autres maladies neurogénétiques, par exemples, le syndrome de Joubert et la maladie de Tay Sachs au Québec.

41 Frederick Andermann a un véritable don pour le diagnostic : il sait observer, puis rassembler et sélectionner toute l’information nécessaire pour mettre un nom sur les maux étranges qui affectent ses patients. D’autres médecins, de partout dans le monde, lui soumettent des cas, et souvent il élucide le mystère, en formant une équipe de recherche multidisciplinaire afin de poursuivre les investigations cliniques. Au cours des années 70, le couple Andermann est à l’origine de la décou- verte d’une grave maladie neurologique qui frappe presque exclusive- ment des personnes originaires du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de Charlevoix. À cette époque, plus de 200 enfants de ces régions semblent atteints de formes atypiques de dystrophie musculaire et de paralysie cérébrale. Les médecins sont perplexes et surtout impuissants. Or, les conséquences de la maladie sont terribles. Dès l’âge de 1 ou 2 ans, les enfants commencent à présenter des problèmes moteurs qui les condamnent rapidement au fauteuil roulant. Ils souffrent aussi de déficiences intellectuelles, de paranoïa et d’anxiété et mourront souvent avant d’avoir 30 ans. En rencontrant les enfants malades, Frederick Andermann découvre que tous sont atteints d’une même maladie, qui se caractérise par une dégénérescence du système nerveux central et du système nerveux périphérique. Les deux tiers des victimes sont nés sans le corps calleux qui assure normalement la communication entre les deux hémisphères du cerveau. En étudiant leur profil familial, Eva fait la preuve que le mal est d’origine génétique et, grâce à sa recherche, elle arrive à démontrer que tous ces patients ont un couple ancestral commun s’étant marié à Québec au XVIIe siècle. La description détaillée du syndrome que le couple publie en 1972 contribuera largement à la compréhension de cette maladie incurable. Un espoir se dessine cependant : le docteur Guy Rouleau, proche collaborateur des Andermann, a découvert en 2002 la mutation génétique qui est à l’origine du syndrome d’Andermann et il a mis au point un test de dépistage des porteurs génétiques de la maladie, test qui devrait permettre le diagnostic prénatal et ainsi diminuer considérablement le nombre de cas.

42 Au gré des patients qu’il rencontre, Frederick Andermann se penche tout au long de sa car- rière sur plusieurs autres troubles neurologiques encore mal connus. Ses monographies, notam- ment sur l’hémiplégie alternante, le syndrome de Rasmussen de même que sur les syndromes de migraines et l’épilepsie, aident largement à mieux comprendre ces maladies. Il s’intéresse aussi à la dysplasie corti- cale et à l’épilepsie myoclonique progressive, au traitement chirurgical de l’épilepsie et à divers troubles génétiquement déterminés. Vice-président de la Ligue internationale contre l’épilepsie et membre de plusieurs sociétés savantes, Frederick Andermann reçoit le prix Milken en 1995, le prix Penfield de la Ligue canadienne contre l’épilepsie en 1999 et le prix William G. Lennox de l’American Epilepsy Society en 2000.

Frederick Andermann exerce également plusieurs fonctions au sein de sociétés, d’associations professionnelles et de comités divers. Cependant, la fonction qu’il lui tient le plus à cœur est celle de président du Comité d’étude des dossiers médicaux des immigrants au ministère de la Santé et des Services sociaux, poste qu’il a occupé durant de nombreuses années.

Auteur de 6 ouvrages et de plus de 300 articles, le clinicien aura une influence considérable à l’échelle mondiale en formant, pour sa plus grande fierté, de jeunes épileptologues originaires d’une vingtaine de pays. Plusieurs de ses anciens étudiants à l’Institut neurologique de Montréal dirigent aujourd’hui des cliniques de recherche sur l’épilepsie partout dans le monde, du Brésil au Japon, en passant par l’Australie et le sultanat d’Oman. Les Andermann sont aussi de grands voyageurs : ensemble, ils donnent des cours ou sont professeurs invités. À ce jour, ils se sont rendus dans 27 pays. Qui s’étonnera que leurs trois enfants, Lisa, psychiatre anthropologue et professeure adjointe (assistant professor) à l’Université de Toronto, Anne, boursière Rhodes et médecin résidente en santé publique de l’Université McGill, ainsi que Mark, boursier Howard Hughes et étudiant de troisième cycle à l’Université Harvard en biophysique et neurosciences, aient eux aussi entrepris des recherches en santé ?

PRIX WILDER-PENFIELD

2002 André Parent 1996 Jacques de Champlain 2001 Pavel Hamet 1995 Charles R. Scriver 2000 Jean Davignon 1994 Albert J. Aguayo et 1999 Clarke F. Fraser Yves Lamarre 1998 Theodore L. Sourkes 1993 1997 Kresimir Krnjevic 43 Considéré comme le « père de la Révolution tranquille », Georges-Émile Lapalme (1907-1985) a été le premier titulaire du ministère des Affaires culturelles du Québec. Le prix qui honore sa mémoire couronne la carrière d’une personne ayant contribué de façon exceptionnelle à la qualité et au rayonnement de la langue française parlée ou écrite au Québec, que ce soit dans le domaine de la culture, des communications, de l’éducation, de l’administration, de la recherche, du travail, du commerce ou des affaires. ANDRÉ GAULIN

PRIX GEORGES-ÉMILE-LAPALME

2003 C’est le thème de l’échec dans l’univers romanesque des écrivains québécois au cours des années 1940 à 1960 qui pousse André Gaulin au militantisme puis à la politique active. Une origine modeste jamais reniée, lui fils de boucher devenu professeur d’université, compte aussi pour beaucoup dans son engagement. Plus que quiconque, il se sent apte à concilier les mondes opposés que représentent les environs bour- geois du parlement de Québec et les quartiers populaires qu’il sur- plombe, et qu’englobe la circonscription de Taschereau qu’il représente à l’Assemblée nationale de 1994 à 1998. Sans doute faut-il y voir aussi le désir de laver cette part de mépris envers les plus humbles dont les élites sont souvent porteuses, et dont le clergé fait preuve à l’égard de ceux qui, comme lui, font partie au tournant de la Révolution tranquille de ces « prolétaires de la Sainte-Église », selon l’expression de Jean-Paul Desbiens, le frère Untel.

À l’Assemblée nationale, André Gaulin poursuit son combat pour la qualité du français ; il s’évertuera, avec un succès relatif il faut dire, à épurer le discours des législateurs des nombreux anglicismes qui se sont imposés avec le temps ; il ira jusqu’à faire parvenir au président de l’Assemblée nationale un court glossaire des expressions françaises cor- rectes. Il profite de ses interventions en Chambre pour parler de littéra- ture québécoise, de nos grands écrivains et chansonniers. Il veut être de toutes les tribunes, télévisions ou radios publiques, privées et commu- nautaires, colloques ou conférences, ici ou à l’étranger, pour parler de Gaston Miron et de son œuvre, de Félix Leclerc, pour rendre hommage à nos artistes, écrivains et chansonniers, pour les faire valoir. Quand on lui demande de représenter la ministre de la Culture et des Communications, il le fait toujours à sa façon, avec passion. Les organi- sateurs d’un hommage à Félix-Antoine Savard, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, aimeront à ce point le texte de son allocu- tion qu’ils le feront imprimer à 75 exemplaires sur papier Saint-Gilles.

André Gaulin aurait pu faire le saut en politique active dès 1975-1976. Il choisit pourtant de se consacrer pleinement à l’enseignement, à la recherche et à la publication. Les étudiants se pressent aux cours de ce professeur qui fait aussi de la politique. Avec des collègues comme Maurice Lemire, Gilles Dorion, Alonzo Leblanc et Aurélien Boivin, il consacre une grande part de son temps au travail quasi bénédictin d’édition du monumental Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec. Il est responsable de la poésie pour quatre des sept tomes que compte l’œuvre. Il y écrit des articles inspirés sur L’Homme rapaillé de Gaston Miron, sur Mémoire et suite fraternelle de Jacques Brault, sur L’Afficheur hurle de Paul Chamberland, sur Les Insolences du frère Untel de Jean-Paul Desbiens, sur Balises de Gilles Vigneault et sur Cent chansons de Félix Leclerc. Il y fait le point sur l’œuvre et la langue de Pierre Baillargeon. Plusieurs de ses études mettent en lumière les apports particuliers de poètes, de romanciers, d’essayistes et de chansonniers comme Leclerc et Vigneault, bien sûr, mais aussi comme la Bolduc.

45 S’intéressant à « La chanson comme discours » (illustration de la poésie orale sonorisée à partir de la chanson Fernand de Jacques Brel), il a été l’un des premiers, sinon le premier, à intégrer l’enseignement et la recherche sur la chanson francophone et québécoise au cursus universi- taire. Il publie en 1994 chez Nuit blanche éditeur, avec la collaboration de Roger Chamberland, La Chanson québécoise de la Bolduc à aujourd’hui (anthologie) et, en 1996, chez Nota bene Tout Félix en chansons avec comme coresponsables Roger Chamberland et Aurélien Boivin.

S’il est l’universitaire qu’il est, dit-il, c’est parce qu’il a eu un parcours non conventionnel. Entre 1956 et 1967, il enseigne dans différentes régions du Québec, aussi bien au primaire, au secondaire, au collégial qu’à la formation des maîtres. Parallèlement, il obtiendra de l’Université Laval un baccalauréat en pédagogie (1960), un baccalauréat en catéchèse (1963), une licence lettres/histoire (1965), un diplôme de l’École normale supérieure (1966) et, en 1971, une maîtrise en lettres québécoises ayant pour sujet « Le thème de l’échec dans l’univers romanesque d’André Langevin ». Sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Sherbrooke (1975) sera publiée en 1980 par Les Presses de l’Université Laval sous le titre Entre la neige et le feu, Pierre Baillargeon, écrivain montréalais. Il attribue à l’influence de maîtres à penser comme Clément Lockwell, Jean-Claude Falardeau et Lucien Goldmann sa vision très sociale de la littérature. Il enseignera à la Faculté des lettres de l’Université Laval de 1970 à 1992. Il sera nommé professeur émérite en 2001.

C’est dans le combat pour la survie des écoles d’État qu’il s’initie au mili- tantisme à la fin des années 1960. Il enseigne alors à l’École normale Laval de Québec. Or, souligne André Gaulin, les écoles d’État ont une tradition d’éthique du français qui est séculaire. En décidant de lier la formation des maîtres aux campus universitaires, le gouvernement sonne le glas de ces institutions. André Gaulin entre donc à l’université. Son combat se portera en d’autres lieux. Appelé à se rendre de plus en plus fréquemment à Montréal à titre de président de son syndicat de professeurs affilié à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), il est choqué de la place qu’y occupe l’anglais même dans les quartiers francophones. Il militera alors pour la valorisation d’un Québec français sur les plans national et international.

46 Devenu président de l’Association québécoise des professeurs de français (AQPF) en 1970, il fonde la même année, avec des collègues, la revue Québec français qui se veut d’abord un journal pédagogique et de combat destiné à soutenir et à promouvoir la cause du français dans les écoles et la société québécoises. Le pre- mier numéro dont il est le rédacteur principal paraîtra ensuite aux Éditions de l’homme sous le titre Livre noir. De l’im- possibilité presque totale d’enseigner le français au Québec. Pendant près de quinze ans, ses éditoriaux, blocs-notes ou points de vue y constituent des réflexions sur la situation linguistico-historique du Québec, sur la détermination à mettre dans le fait de vivre en français sa vie « amériquoise ». C’est sous sa présidence que l’AQPF devient membre de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF).

L’importante tribune que constituent les « Journées de Sèvres », ces ren- contres annuelles de la Commission Europe-Québec de la FIPF, offre la chance à André Gaulin et à ses collègues de sensibiliser les Européens au combat linguistique du Québec et aux diverses facettes de la culture d’ici. Sa participation à Littérature de langue française hors de France/Anthologie didactique, livre paru en 1976, est importante tant en ce qui a trait au choix des textes qu’en ce qui concerne la présentation des auteurs. Ces « Journées de Sèvres » marquent le début d’une fructueuse collaboration avec ceux qui, à travers le monde, partagent l’amour de la langue française. Au Brésil, en Argentine, en Finlande et au Danemark, des pays où il s’est rendu pour enseigner, prononcer des conférences ou participer à des colloques, on se montre intéressé, dit-il, à ce que disent et écrivent ces latins nordiques qui parlent français tout contre les États-Unis. André Gaulin aura contribué à faire rayonner le français, la littérature et la chanson d’ici dans des pays d’au moins trois continents. Il entretiendra des relations privilégiées avec la France, la communauté française de Belgique et l’Allemagne où, en 1981, l’Université de Freiburg-im-Breisgau lui décernera la médaille Albert-Ludwigs.

André Gaulin est aussi coprésident-fondateur, avec François-Albert Angers, Marcel Pepin, Louis Laberge, Yvon Charbonneau, Jacques-Yvan Morin, Mathias Rioux et Albert Alain, du Mouvement Québec français (MQF) où il sera le délégué de l’AQPF pendant près de vingt ans.

André Gaulin est fait chevalier de l’Ordre des Palmes académiques en 1984 puis officier en 1996. Il est fait membre de l’Ordre des francophones d’Amérique en 1999.

PRIX GEORGES-ÉMILE-LAPALME

2002 Jean-Claude Corbeil 2001 Michel Bergeron 2000 Henri Bergeron 1999 Marc Favreau 1998 Fernand Daoust 1997 Pierre Bourgault 47 Ce prix rend hommage à Lionel Boulet (1919-1996), reconnu comme l’un des pionniers de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec. Ce prix s’adresse à une chercheuse ou à un chercheur qui s’est distingué par ses inventions, ses innovations scientifiques et technologiques, son leadership dans le développement d’entreprises et son apport au développement économique du Québec. LORNE TROTTIER

PRIX LIONEL-BOULET

2003 Lorne Trottier est la preuve vivante qu’une passion d’enfant peut mener loin. Celui qui, à 11 ans, bricole des gadgets électroniques pour la mai- son de ses parents est aujourd’hui à la tête d’une multinationale québé- coise de plus de 900 employés. Matrox, que Lorne Trottier et son associé Branko Matic fondent en 1976, vend pour plus de 300 millions de dollars par année de composants électroniques, dont 99 p. 100 à l’étranger. Les produits de Matrox ont souvent constitué des innovations clés pour la conception de nouveaux équipements, tels que le premier ordinateur PC multimédia, inventé en 1988. Ce succès est en bonne partie attribuable au président de Graphiques Matrox, l’ingénieur Trottier, qui ne cesse de faire travailler son imagination et sa créativité dans le but d’offrir aux consommateurs de nouveaux outils de création graphique et de production vidéo.

Né à Montréal en 1948, d’une mère juive québécoise et d’un père franco- ontarien, Lorne Trottier se découvre très tôt une véritable passion pour les sciences. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de comprendre la façon dont les choses fonctionnent, qu’il s’agisse des mécanismes d’un téléviseur ou des éléments de l’Univers. Adolescent, il fabrique déjà de petits équipements électroniques. La maison familiale devient un labo- ratoire pour un génie en herbe. Il y conçoit, entre autres, un télégraphe, une radio, une chaîne stéréo. Pourtant, lorsque vient le temps de choisir un domaine d’études, Lorne Trottier hésite. Toutes les sciences l’in- téressent ! Il s’inscrit finalement en génie électrique à l’Université McGill, où il obtient sa maîtrise en 1973. Les premières années de sa car- rière, chez Marconi, sont un peu frustrantes. Il est difficile pour un homme seul de faire la part des choses dans une entreprise aussi gigan- tesque. La créativité du jeune ingénieur étouffe et son imagination a besoin d’une structure plus légère pour pouvoir s’exprimer. Lorne Trottier et son collègue Branko Matic décident alors de mettre sur pied leur propre entreprise pour vendre les composants électroniques qu’ils imaginent et conçoivent.

Le groupe Matrox est officiellement fondé en 1976, pour commercialiser des circuits accélérateurs vidéo. À cette époque, l’informatique passe encore par les cartes perforées. Le premier PC vient de voir le jour et les technologies graphiques en sont à leurs balbutiements. L’affichage des images est d’une lenteur désespérante. Les circuits accélérateurs de Matrox viennent bouleverser la donne. En quelques années, l’entreprise fournit les plus grands fabricants d’ordinateurs, comme Hewlett Packard, IBM, Digital Equipment ou NEC. Les écrans des bourses de New York et de Chicago, les numériseurs de GE Medical Systems et les studios de montage de plusieurs grandes chaînes de télévision contien- nent tous des produits Matrox. En 1986, l’armée américaine choisit la firme québécoise pour créer un système de formation multimédia. Au fil des ans, les innovations se succèdent, les ententes commerciales aussi. En 1992, Matrox commence à vendre au détail ses cartes graphiques 49 Mystique et Millénium, qui font le bonheur des amateurs de jeux vidéo. Peu de sous-traitants ont connu un tel succès dans la vente au détail : au cours de ses années les plus productives, l’entreprise s’est approprié presque 20 p. 100 du marché mondial des cartes graphiques. Plus de 40 millions de personnes dans le monde utilisent actuellement ses produits.

En 27 ans, les différents périodiques et organismes scientifiques ou techniques décernent plus de 1 000 prix commerciaux à Matrox. La compagnie possède aujourd’hui des bureaux en Europe, aux États-Unis et même en Chine. Titulaire de plusieurs brevets, tandis que d’autres sont en attente, Lorne Trottier continue de s’engager largement dans l’innovation technologique, une activité qui le passionne beaucoup plus que la gestion d’une entreprise. Pour les 350 ingénieurs que la société emploie à son siège social de Dorval, il demeure une source d’inspiration très forte, orientant la recherche vers la conception de produits non seulement novateurs, mais aussi susceptibles de se tailler une place sur les marchés mondiaux.

La réussite de Matrox reste cependant discrète. Ses deux fondateurs n’ont jamais eu besoin de la Bourse pour consolider leurs assises finan- cières. Peu bavards avec les médias, ils ont toujours résisté aux feux de la rampe, bien que, en 2000, Lorne Trottier se soit rendu en personne à New York pour recevoir un prestigieux Emmy Award pour la technolo- gie Matrox de montage vidéo numérique. Travaillant souvent dans l’ombre, Lorne Trottier a toujours eu à cœur de rendre à la société une partie de ce qu’elle lui a accordé. Attaché à sa ville natale, l’ingénieur a été l’un des administrateurs de Montréal TechnoVision. Cette entreprise avait pour mission de trouver des solutions à la pénurie de main-d’œuvre qui touchait le développement des technologies de l’information au Québec. Lorne Trottier n’a par ailleurs jamais cessé d’encourager son alma mater, l’Université McGill. Il a récemment contribué financière- ment à la construction d’un nouveau pavillon pour l’enseignement des technologies de l’information. Déjà, en 1999, il lui avait offert tous les appareils nécessaires pour mettre sur pied un laboratoire de technolo- gies graphiques, sans compter les services d’un ingénieur de la société pour l’animer pendant deux ans ! 50 Lorne Trottier a toujours veillé à faire de Matrox une entreprise engagée socialement, aussi bien dans les campagnes de Centraide que dans l’or- ganisation de camps d’été scientifiques. En cherchant à faire profiter les plus jeunes de sa réussite, l’ingénieur espère stimuler leur curiosité, « la qualité essentielle pour découvrir le monde merveilleux des sciences et de la technologie ». Lorne Trottier est un passionné des sciences. Son insatiable curiosité lui vaut de se tenir au courant des dernières découvertes, non seulement en astronomie, mais aussi en microbiologie, la discipline que l’aînée de ses deux filles étudie à l’université.

PRIX LIONEL-BOULET

2002 Pierre-Claude Aïtcin 2001 Morrel P. Bachynski 2000 Bernard Coupal 1999 Robert Zamboni 51 MEMBRES DES JURYS

Prix Athanase-David • Louis Hamelin, écrivain, président du jury • Hélène Dorion, poète • Catherine Mavrikakis, professeure de littérature à l’Université de Montréal et écrivaine • Jacques Michon, professeur de littérature à l’Université de Sherbrooke • Jean-Marie Poupart, écrivain

Prix Marie-Victorin • Louis Lefebvre, professeur associé au Département de biologie de l’Université McGill, président du jury • Claude Bernard, directeur scientifique à l’Institut de recherche et de développement en agrœnvironnement • Claire Deschênes, professeure titulaire à la Chaire CRSNG/Alcan pour les femmes en sciences et génie au Québec du Département de génie mécanique de l’Université Laval • Pierre Deslongchamps, professeur titulaire au Département de chimie de l’Institut de pharmacologie de l’Université de Sherbrooke • Jacques-Claude Hurtubise, directeur du Centre de recherches mathématiques de l’Université McGill

Prix Léon-Gérin • Marie-Andrée Bertrand, professeure émérite et chercheuse au Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal, présidente du jury • Jean-Thomas Bernard, professeur titulaire à la Chaire en économie de l’énergie électrique du Département d’économie de l’Université Laval • René Côté, vice-doyen à la Faculté de sciences politiques et de droit de l’Université du Québec à Montréal • Céline Saint-Pierre, directrice du développement à la Chaire Fernand- Dumont sur la culture de l’INRS-Urbanisation, culture et société • , professeur au Département de sociologie de l’Université McGill

Prix Paul-Émile-Borduas • Dominique Blain, artiste multidisciplinaire, présidente du jury • Éric Gauthier, architecte de la firme Faucher, Aubertin, Brodeur, Gauthier, architectes • François Morelli, artiste multidisciplinaire • Maryla Sobek, professeure à l’École supérieure de mode de Montréal • Michèle Thériault, historienne de l’art

Prix Denise-Pelletier • Bernard Gilbert, consultant en arts de la scène, président du jury • Louise Bail, musicologue • Jean Beauchesne, directeur de la programmation au Festival d’été de Québec • Monique Hubert, consultante et enseignante dans le domaine de la danse

Prix Albert-Tessier • Noël Cormier, consultant en cinéma, président du jury • Dorothée Berryman, comédienne • Claude Hazanavicius, ingénieur du son • Catherine Martin, 52 réalisatrice Prix Gérard-Morisset • Paul Trépanier, consultant en patrimoine, président du jury • Anne Carrier, architecte • Michel Faubert, conteur et musicien • Jacqueline Faucher-Asselin, généalogiste agréée • Francine Lelièvre, directrice du Musée de la Pointe-à-Callière

Prix Armand-Frappier • Monique Lefebvre, administratrice de sociétés, présidente du jury • Guy Collin, ex-professeur-chercheur au Département des sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi • Joseph Hubert, doyen de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal • Anne Marrec, directrice générale de la Télé-université • Michel Têtu, chef de la technologie à DICOS Technologies inc.

Prix Wilder-Penfield • Christiane Ayotte, professeure et directrice du Laboratoire de contrôle du dopage de l’INRS-Institut Armand-Frappier, présidente du jury • Danielle Bourgaux, ex-professeure-chercheuse au Département de médecine nucléaire de l’Université de Sherbrooke • Joséphine Nalbantoglu, professeure associée au Département de neu- rologie et de neurochirurgie de l’Institut neurologique de Montréal • André Parent, professeur titulaire au Laboratoire de neurobiologie du Centre de recherche Université Laval–Robert-Giffard • Marie Trudel, directrice de recherche au Laboratoire de génétique moléculaire et développement de l’Institut de recherches cliniques de Montréal

Prix Georges-Émile-Lapalme • Roland Arpin, président de la Société du 400e anniversaire de Québec, président du jury • Jean-Claude Boulanger, professeur titulaire au Département de langues, linguistique et traduction de l’Université Laval • Fernand Harvey, professeur titulaire de la chaire Fernand-Dumont sur la culture de l’INRS-Urbanisation, culture et société • Arlette Pilote, vice-présidente à la pédagogie à l’Association québécoise des professeurs de français

Prix Lionel-Boulet • Claire Boulé, directrice générale du Centre régional de développement d’entreprises du Québec d’Émergence entrepreneur, présidente du jury • Pierre-Claude Aïtcin, professeur émérite au Département de génie civil de l’Université de Sherbrooke • Micheline Bouchard, présidente de l’Académie canadienne (ART recherche et technologie) • Ian S. Butler, vice-principal adjoint à la recherche de l’Université McGill • Jacques Rolland, directeur au Centre de recherche d’Agropur, coopérative agroalimentaire 53

2003 Fournier etFournier L’Étude. réalisé parlerelieurJacques hublot aétéconçuet enverre, et munid’un couleur marine et de deporc peau devache L’écrin enboisd’acajou, doubléde ÉCRIN été calligraphié surpapier Saint-GillesparAnna-LindaGagné. été calligraphié duQuébeca remisauxlauréateset auxlauréatsdesPrix Le parchemin PARCHEMIN avancer. abesoinpour l’humanité laréférencedevient alors dont organisent laconnaissancequi leslangues lesarts, techniques, Les philosophies,lessciences, s’épurenaissance et prendforme. Tirée d’uninforme magma, lacon- Michaud Denys : Créateur delamédaille enseignante enjoaillerie. Le Sabord, visuels et éditeurdelarevue d’art de DenisCharland, enarts artiste formé lecréateurdelamédailleétait qui achoisi Cette année,lejury MÉDAILLE Élizabeth Jelen,sculpteure, etÉlizabeth HélèneSénécal,joaillièreet 55

Une réalisation de : • Ministère de la Culture et des Communications • Ministère du Développement économique et régional