#19 NOVEMBRE 2016 LA LE WEBZINE D’ACTION Gazette Bleue

6 INTERVIEW SOPHIE BOURGEOIS

16 INTERVIEW 8 INTERVIEW cyril amourette

12 24 38 LES FESTIVALS Samy capbreton, anglet, MARCIAC

30 INTERVIEW THiebault Frédéric THALY

34 JAZZ AU FÉMININ

CEIBA Photo Laurence Laborie 1 OUVERTURE LA GAZETTE QUI ÉCRIT Tremplin Action Jazz 2017 LES DERNIERS CRIS DU EDITO > ALAIN PIAROU DES JAZZ EN AQUITAINE INSCRIPTIONS

Vous aimez le jazz Trois ans ! et vous avez envie Voilà trois ans que l’aventure a démarré. Trois ans de soutenir les actions qu’une équipe de rédacteurs, de chroniqueurs et de de l’association... photographes sillonnent la région pour vous proposer Dynamiser et soutenir la scène jazz des comptes rendus de concerts, de festivals, présenter à Bordeaux et dans la région Aquitaine les diffuseurs et leurs initiatives. Ils sont également à Sensibiliser un plus large public au jazz et aux musiques improvisées l’affût de tout ce qui se passe autour du jazz en mettant Tisser un réseau avec les jeunes musiciens, à l’honneur, des peintres, des dessinateurs, des photo- les clubs de jazz, les festivals, les producteurs graphes, des écrivains, des sculpteurs, des luthiers, etc. et la presse. Ils réalisent des interviews et font des gros plans sur les Musiciens, groupes, montez Adhérez en vous inscrivant musiciens pour mieux vous les faire connaitre et appré- sur www.actionjazz, vous serez cier. Ils chroniquent aussi leurs CD. Et tout cela dans le abonné gratuitement au webzine vos dossiers pour le prochain bénévolat le plus total. Leur récompense, c’est de sa- La Gazette Bleue voir que vous êtes de plus en plus nombreux à lire cette Toute l’actualité du jazz en Aquitaine : interviews, Tremplin Action Jazz 2017. portraits, festivals, chroniques CD, agenda... Gazette Bleue et que vous en parliez autour de vous pour en faire la promotion afin d’enregistrer toujours au Blog Bleu Dans le cadre de sa politique de soutien à la création artistique en https://blogactionjazz.wordpress.com plus d’abonnements gratuits. Je profite de cet édito région Aquitaine, Action Jazz a décidé de promouvoir de nouveaux talents pour féliciter et remercier tous ceux qui participent à la ... et des places de concerts en leur offrant l’opportunité de trouver des espaces d’expression et de à gagner tout au long de l’année ! réalisation de cette Gazette Bleue qui vient en complé- rencontrer de nouveaux publics. ment du Blog Bleu et vous, lecteurs fidèles, qui nous Ce tremplin s’adresse aux groupes de jazz et de musique improvisée de Président encouragez. Continuez à nous soutenir en adhérant à la région Aquitaine, du solo au septet maximum, tous styles confon- Alain Piarou Action Jazz (10 € l’année) ce qui nous permettra d’aller dus, sans limite d’âge, dont la notoriété ne serait pas avérée et n’ayant Directeur de la publication Alain Pelletier encore plus loin. Et puis, si vous avez quelques connais- jamais été distribués par un label commercial avant le tremplin. Rédacteur en chef Dominique Poublan (alias Dom Imonk) sances en informatique ou autre et un peu de temps Conception et graphisme Il aura lieu le samedi 28 janvier 2017 au Rocher de Palmer, Alain Pelletier à nous consacrer, notre équipe de bénévoles sera ravie devant un jury composé de professionnels du spectacle, de journalistes et Rédaction Annie Robert, Philippe Desmond, de vous accueillir. Antoine Rodriguez, Sylvain Cadieux, d’animateurs radio. Dom Imonk, Ivan-Denis Cormier, Irène Piarou, Carlos Olivera, Stéphane Boyancier, Vince En attendant vos commentaires sur ce numéro anniver- Les lauréats bénéficieront d’opportunités qui peuvent constituer une Photos saire, bonne lecture et restez fidèle. impulsion dans la carrière du groupe, dont la programmation dans un Irène Piarou, Laurent Moulager, Julie Amiel, Laurence Laborie, Marylène Cacaud, des 10 festivals de jazz partenaire. Alain Pelletier, Thierry Dubuc, Frédéric Thaly, Benny, Blind, George Braunschweig, Alain Piarou Le dossier d’inscription est à demander par mail à [email protected] Stéphane Monserant, Frank Olfo, DR

La date limite du dépôt du dossier de candidature est le 15 décembre 2016

2 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 3 OÙ ÉCOUTER DU JAZZ ? >

café de l’Orient Ses toiles rouges, sa marquise de des musiciens de belle qualité qui ont loin, ils sont surpris par le talent, bluf- verre art déco, ses banquettes confor- le désir de jouer ensemble. Parfois, fés par cette musique qui se construit tables, son air de brasserie rétro et ses ils se connaissent déjà, parfois ils se devant leurs yeux.” plafonds zodiacaux sont bien connus découvrent autour d’un répertoire de Visiblement le bouche-à-oreille, les de tous les Libournais. Face au lycée standards ou de compos que certains réseaux sociaux, les petits flyers de Max Linder, à l’angle de la place pié- apportent. C’est un challenge, une la programmation faisant leur travail, tonne, proche des grands arbres de musique en train de se faire. Atten- la formule marche et le trimestre re- l’esplanade F.Mitterand, le grand café tion ce n’est pas un bœuf, mais plu- démarre avec la présence de Carole de l’Orient est un incontournable, tôt un moment unique, un instant de Simon (le vocal étant un point bien une institution vénérable, mais pleine rencontre.” ancré du jazz club), de Serge mou- de charme. Chacun s’y est au moins La réussite tient sans doute à plu- linier et J. L Fabre en octobre et du une fois laissé aller entre ses fauteuils sieurs facteurs : un cadre agréable vibraphoniste Jacques Di Constanzo d’osier, que ce soit pour le petit café (soit en haut dans les grandes salles en novembre. “Un jazz-club tonique du matin, l’apéro de midi, le en pierres blondes soit en bas pour De belles découvertes sont donc à ve- rendez-vous entre amis, ou le plat du des moments plus intimes), une belle nir pour un jazz de proximité, ouvert, unique en jour après les courses. convivialité autour d’un plat entre en train de se bâtir, pour un public Mais sait-on que ce café-brasserie amis, et une musique à la fois experte en confiance disposé à vivre un enri- son genre…“ héberge entre ses murs un jazz-club et accessible à tous les publics. chissement et un plaisir à portée de Par Annie Robert plein de vitalité ? Cette aventure est “Nous avons voulu une entrée en par- la main. Libourne a bien de la chance née de la rencontre entre Manu Mil- ticipation libre, pour que la musique d’avoir un jazz-club à sa disposition hou, batteur de son état et Girondin soit possible pour tous. Il y a ceux qui alors que Bordeaux est en train de d’adoption et Patrick Nioteau le gé- viennent se retrouver autour d’un perdre petit à petit tous ses lieux de rant du lieu. D’abord timide, le par- repas, ceux qui viennent en passant jazz. tenariat s’est vite pérennisé et en est pour boire un verre et écouter. On a Quelle veine ils ont les Libournais… ! à l’heure actuelle à sa sixième saison souhaité en faire un moment cosy, de musique et de rencontres. Et donc où chacun peut trouver sa place, son Jazz Club du Café de l’Orient tous les 3° vendredi du mois, d’oc- type d’écoute lâche ou proche, son 6 esplanade François Mitterand tobre à juin, le café se met à bruisser type de fête. Un jazz-club dans la tra- 33500 Libourne de notes, de souffles et de rythmes dition anglo-saxonne, accessible et Résa : 05 57 51 17 59 pour un public fidèle et en augmen- proche. Moi je sers d’interface entre facebook.com/Le-Jazz-Club-de-LOrient tation constante. le public, son envie de découverte et 3° vendredi du mois, d’octobre à juin “Après avoir tâtonné un peu, la for- d’étonnement et des musiciens que mule a trouvé son équilibre et sa je connais comme étant généreux et dynamique” confie Manu Milhou le talentueux. C’est une formule riche, programmateur du jazz-club. “Nous qui touche les gens et permet une dé- n’invitons pas de groupes consti- couverte active du jazz. Rapidement, Photo Irène Piarou tués, mais nous cherchons à réunir les auditeurs ont envie d’aller plus 4 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 5 “Le jazz et PORTRAIT > SOPHIE BOURGEOIS le chant : les bonheurs

de Sophie “ Formation de piano classique avec L'arrangeur-dérangeur madame Lemaître, pas de jazz à Grâce à sa collègue et amie la chan- l'époque à Bordeaux et cours de teuse Carole Simon, elle entre en chant avec Monique Florence au CNR contact avec le pianiste William et à Libourne à l'école de musique Lecomte (pianiste entre autres de dirigée par Jean-Marie Londeix. Pour Jean-luc Ponty) ; “Il est incroyable, le jazz vocal de nombreux stages avec il a un grain de folie, une idée par Christiane Legrand à Châteauroux seconde, je l'appelle mon arrangeur- ou à Prayssac avec l'équipe du CIM dérangeur, il me fait faire des choses de puis avec Michelle Hendricks, incroyables”. William écoute sa voix, Sophie Bourgeois Mark Murphy, ou Sarah Lazarus “je accepte de collaborer avec elle, asso- This is New dois être la recordwoman dans ce cie son frère Samuel Lecomte à la bat- Autoproduction domaine”. terie et propose l'excellente Nolwenn Par Philippe Desmond En France c’est encore une curiosité Leizour à la contrebasse, Sophie sou- Sophie Bourgeois nous propose un album de d’avoir une telle double compétence haitant au moins un autre musicien standards remis en musique par un trio de “sérieuse” et artistique et d’ailleurs Bordelais dans le projet. grande valeur qui lui ouvre la route magnifi- elle n’en parle pas à ses patients que William va la guider tout en lui propo- quement. Les frères Lecomte sont là, William au SOPHIE cela pourrait effrayer. Son compère sant des arrangements semblant im- piano et aux arrangements, Samuel à la batterie, deux sacrés musiciens aux CV longs et denses et de concert le grand pianiste Francis possibles pour elle “Même Nolwenn la Bordelaise Nolwenn Leizour à la contrebasse Fontès qui lui est radiologue pense la a souffert parfois, mais elle a adoré”. que beaucoup de musiciens, de jazz ou autre, même chose ; “le guitariste australien Trois jours intenses d'enregistrement s'arrachent et avec raison. Dave Blenkhorn m’a dit que dans son là où il aurait fallu une semaine, “This is new” de Kurt Weill donne le ton, l'al- BOURGEOIS pays cela n’avait aucune importance 8 à 10 h de chant quotidiennement, bum va être un dialogue entre la voix de Sophie Par Philippe Desmond et le piano de William Lecomte. Confirmation et était même assez courant” sou- épuisant. Elle reviendra seule peaufi- Photo Laurent Moulager avec “One of those things” de Cole Porter. La ligne Sophie ; la France et son conser- ner des reprises de voix avec moins de voix est claire avec parfois un léger voile très vatisme... ©Laurent Moulager - Hipstoresk.com stress et de pression. bienvenu. Un petit tour sur les terres d'Ella avec A 19 ans elle a la chance lors d'un Et c'est ainsi que sort l'album “This “I'm through with love” sans vouloir l'imiter, Cet après-midi j’ai rendez- à Libourne. Comme sa Sa vocation de chanteuse ou à New York...”. Donc du c'est impossible, mais avec sa propre sensibi- stage de piano avec Claude Bolling is New”, titre d'un morceau de vous chez le dentiste, mais mère, professeur de danse s’affirme au point d’en vocal elle glisse vers l’oral lité. Sur une rythmique de velours de Samuel de chanter avec lui lors de jams et il Kurt Weill qui en fait partie et qui curieusement sans aucune classique, n’aime pas trop devenir son objectif profes- et suit des études d’odon- et Nolwenn, piano et voix se répondent avec l'appellera pour la première partie de symbolise aussi la nouvelle Sophie élégance. Standard inattendu et pourtant, appréhension. En effet la le jazz – refrain bien trop sionnel. Certes ses parents tologie à Bordeaux “j'avais son concert à Saint-Emilion ou pour Bourgeois, décomplexée et volon- “Ces petits riens” de Gainsbourg sur un tem- praticienne qui m’attend connu – c’est Sophie qui lui permettent de suivre envie de soigner”... tout participer à un concert au Petit Jour- taire. po proche du tango prépare le titre suivant n’aura pas besoin de me accompagne son papa des cours de piano, et bien en continuant à chanter. nal Montparnasse. A Bordeaux elle d'Astor Piazzolla le poignant “Oblivion” signi- sortir ses outils lors de cette lors des concerts de Dizzie sûr de danse, mais de là à A la fac elle animera ainsi On a hâte de voir la restitution sur fiant “oubli”, mis en paroles par David McNeil, chante avec Francis Fontès, Joseph rencontre qui a pour but Gillespie, , Miles devenir artiste… Dans la des revues de music-hall scène de ce disque et mon petit doigt “All of you” de Cole Porter puis encore Kurt Weill Ganter, Serge Moulinier. Le manque avec le monumental “Mack the Knife” dans un d’évoquer sa vie de… chan- Davis, Ella Fitzgerald... Des famille il y a déjà une cou- des étudiants, chanteuse et me dit que ça ne devrait pas tarder. de confiance la freine et Sophie tra- arrangement pour le moins insolite tant on ne teuse de jazz. années plus tard par les ha- sine chanteuse lyrique et aussi metteur en scène. Elle Action Jazz vous tiendra bien sûr au vaille sans cesse son chant, sa tech- le voit pas arriver ; sur la voix de Sophie contant sards de la vie elle aura l’oc- cette vie de saltimbanque recommence en ce moment courant. Toute jeune Sophie Bour- nique et c'est lors d'un stage récent le drame et le retour de Mack en ville, le piano casion, lors du festival de les effraie un peu. Devenir pour l'anniversaire prochain Philippe Desmond groove ainsi gaiement ! geois rêve de jazz, de co- avec le remarquable David Linx que le médies musicales, celles Monségur, de rencontrer en chanteuse de jazz quand de la promo ; un spectacle “I've got the world on a string” immortalisé par déclic se produit. Malgré ses hautes Sinatra et “One Hand, One Heart” de Bernstein privé Stéphane Grappelli, le on est une adolescente à avec 80 personnes et de de Broadway Cole Porter, exigences ou grâce à elles, il libère la complètent cet album de standards revisités. Dieu vivant de son papa qui Libourne, petite ville de nombreuses répétitions ! Irving Berlin, Gershwin… chanteuse qui se décide enfin à réali- Choix de musiciens parfait, répertoire de qualité, partage ce moment avec province bien tranquille ce Son père est un fou de ser un album en s'entourant d'un trio précision du chant, un album très réussi. grand bonheur.. n’est guère la norme “il On attend avec impatience ses prestations en jazz, n’écoute que ça et de musiciens “qui vont me secouer”. en plus il vend des disques m'aurait fallu partir à Paris live beaucoup trop rares...

6 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 7 INTERVIEW > CYRIL AMOURETTE CYRIL CA : Je n’avais pas vraiment d’icône, amis de cette époque qui eux étaient intitulé “Live” de Jack Mc Duff où de “guitar héros”. A cette époque déjà des jazzmen confirmés qui m’ont Georges Benson tiens la guitare. j’aimais les solos à rallonge de Ste- donné envie de travailler cette mu- “In the jungle groove” de James vie Ray Vaughn ou les concerts de BB sique. Je me suis inscrit à Musicale Brown King parce qu’il se donnait d’une fa- (école de musique à Toulouse) où j’ai AMOURETTE AR : Tu joues avec quelles guitares ? çon incroyable. Je ne voulais pas res- pris des cours exclusivement de Jazz Par Antoine Rodriguez CA : Quand je joue du jazz j’utilise sembler à un tel ou un autre. avec Richard Ben et Abdu Salim. Au- une Gretch G3900 format 15 pouces. Soul Jazz Rebels en fond et me voilà La vague des guitar héros des an- jourd’hui encore je me rend compte C’est une guitare toute simple avec Du blues, fin prêt pour ausculter le parcours de nées 1990 ne m’a pas du tout tou- de tout ce qu’ils m’ont apporté ! mon amphitryon un micro flottant qui sonne vraiment du blues, chée ou influencée. AR : Comment tu te situes dans le “terrible”. Pour le reste j’ai une Fen- AR : Comment et quand ta passion AR : A quel moment tu t’es dit que tu monde de la musique ? der Stratocaster blacktop avec deux du blues… pour la musique s’est déclarée ? serais musicien professionnel ? CA : Je suis venu dans le monde du micros double bobinage. En ce mo- CA : Ca commence tout petit en CA : Très vite en fait, vers 16 ans je jazz pas pour devenir exclusivement ment j‘utilise un ampli de la marque Par un beau samedi bien ensoleillé au écoutant beaucoup de musique, du disais déjà que je serais musicien. Je un Jazzman. L’idée c’était de jouer “Orange”, c’est un ampli à lampes guidon de ma moto, une belle bou- rock, du blues pas trop de Jazz. C’est faisais de nombreux concerts dans les autre chose que du blues ou de la modèle TH 30. teille de Cahors dans la sacoche (je en voyant mon frère aîné pratiquer bars et je commençais à percevoir de soul. Je suis très admiratif d’un musi- connais bien ce musicien) je m’élance AR : En dehors des Soul Jazz Rebels la guitare que cet instrument m’a tout petits cachets. Je ne savais pas cien comme John McLauglhin qui est as-tu des projets personnels ? à la rencontre de Cyril Amourette complètement attiré. C’est à l’âge trop comment cela allait se présenter capable de jouer plein de styles de mu- CA : oui je viens d’enregistrer mon dans son fief du Tarn. Talentueux de treize ans que j’ai eu ma première mais je savais que je voulais vivre de siques et notamment la période avec premier album solo. C'est une com- guitariste, compositeur et solide épi- guitare, J’ai adoré de suite et je me la musique. Shakti. J’aime avant tout me mettre mande de mon producteur. On a fait curien font de lui un musicien que suis mis très vite à vouloir imiter les au service de la musique quelle que ça dans les anciens studio Vogue qui l’on aime écouter, voir et côtoyer. Il AR : Tu te rappelles du moment où guitaristes et mon frère. J’ai vite pris soit sa forme. Dans tous les cas que s’appellent aujourd’hui MidiLive. n’y a qu’à voir le nombre de projets ça a basculé vers le monde des pros ? des cours avec des professeurs et j’ai ce soit du jazz, de la world ou autre il J’ai composé et arrangé cet album et collaborations dans lesquels il offi- CA : A vingt ans j’ai failli faire autre de suite monté des groupes. A 14 ans y a toujours un fond de blues dans ce avec énormément de plaisir, nous cie. Il est aussi professeur de guitare à chose. Je faisais une école de tou- je vivais ma première expérience avec que je joue. On ne se refait pas. étions dix musiciens en prise live, un Music Halle et à la faculté Jean-Jaures risme et je suis parti bosser dans des un groupe. En fait la passion de la grand moment de partage… de Toulouse où il enseigne la guitare, clubs de vacances où je devais amuser AR : Quels sont les guitaristes que tu musique est venue par la passion de écoutes en ce moment ? Ca sort chez Black Stamp Music en encadre des ateliers et dispense des les vacanciers. Bon… là j’ai très vite la guitare. 2017. cours d’harmonie. compris que ce n’était vraiment pas le CA : J’écoute des guitaristes plutôt ex- AR : À cette époque c’est quoi ton périmentés, pas très jeunes. Georges Me voilà donc arrivé chez lui où il me bon chemin. Je ne pensais qu’à jouer univers musical, tu écoutes qui ? Benson, Wes Montgomery et John reçoit entouré de sa famille autour de la guitare. McLauglhin, la période Remember d’une table joliment garnie et par- CA : J’écoutais beaucoup de blues, Je suis donc rentré à Toulouse pour Soul Jazz Shakti m’impressionne beaucoup. Il faitement cuisinée par la maîtresse j’étais fou de Stevie Ray Vaughn, BB essayer de me lançer vraiment dans y a aussi Augustin Barrios Mangoré de maison. Le ton est donné et je ne King, Albert King, Jimmy Hendrix bien ce métier. A cette époque c’était des et Antonio Lauro, deux compositeurs suis pas étonné ce sera du plaisir, de sûr et aussi de la soul comme Otis cours, des concerts, des bœufs ; je di- RebelS Redding, Aretha Franklin ou Sam and que j’aime beaucoup. Je suis aussi un la convivialité et de la passion. L’ordre sais “oui” à tout ce que l’on me pro- Pour la sortie du tout premier album Dave par exemple. J’aimais beaucoup grand fan de Joe Pass. du jour est donné par Cyril, on par- posais. des Soul Jazz Rebels je profite de ma toute cette musique black américaine Pour les contemporains j’admire bien tage tout ce qui est présent sur la AR : Qui sont les musiciens qui ont visite chez Cyril Amourette pour lui qui sonnait très bluesy. J’étais aussi un sûr Bireli Lagrene, Sylvain Luc, Kevin table et on descendra dans sa cave agi comme des marqueurs, qui t’ont poser quelques questions sur ce nou- Eubanks et bien d’autres !! (rien d’étonnant pour un guitariste gros fan de musique funk, j’ai écouté aidé à passer des étapes et qui t’ont veau projet. Le CD Chittlin’Circuit de jazz) pour parler du musicien et en boucle les albums de James Brown. fait avancer à tes débuts ? AR : les trois albums que tu amènes est sorti officiellement cet été lors de ses projets. Trois heures après mon AR : Il y avait il un guitariste en par- CA : A 18 ans je ne jouais pas du jazz, sur une ile déserte de deux concerts fortement remar- arrivée nous descendons dans son la- ticulier sur lequel tu te projetais un j’en écoutais. J’adorais Joe Pass ou CA : un album de Miles Davis qui m’a qués à Jazz in Marciac. Le groupe se peu plus ? compose de Jean Vernheres au saxo- Photo Thierry Photo Thierry Dubuc boratoire de créations. Le disque des encore Georges Benson. Ce sont mes rendu fou “In a silent way”. L’album 8 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 9 INTERVIEW > CYRIL AMOURETTE INTERVIEW > CYRIL AMOURETTE

phone ténor, d’Hervé Saint Guirons à soin de retour aux sources ? On a voulu faire un album sincère sur Inner City Street Uncle Jungle l’orgue Hammond, de Christian Ton CA : Ah oui tout à fait et plus en- tous les plans. Là c’est un morceau de Jean Vern- C’est Jean qui l’a écrit, c’est une me- Ton Salut à la batterie et de notre ami core. C’est le moyen aussi d’affirmer AR : avant de parler du contenu du heres. Quand il nous l’a présenté nous lodie du genre “Téquila”. C’est une Cyril Amourette à la guitare. L’album que j’aime ça profondément. Jouer disque, le titre “Chittlin Circuit” ça l’avons adopté de suite. C’est ce titre mélodie simple sur une harmonie paraît sur le Label Black Stamp Music le blues c’est jouer avec les tripes ; vient d’où ? que nous présentons sur notre clip of- bluesy et sur ce genre de morceaux et il est produit par Sidney Régal. Le c’est un sentiment difficilement des- CA : En fait le “Chitlin Circuit” c’était ficiel. Un bon vieux blues mineur avec on essaye de s’amuser sur les solos. disque tourne déjà sur la platine et criptible, quasiment religieux. C’est un circuit underground de concerts une rythmique en 3 temps. J’aime ce C’est un moment ou notre batteur l’ambiance s’installe. vraiment un retour aux sources après pour les musiciens noirs américains. AR : Après avoir parlé de toi, du thème car il n’est pas si simple à jouer, fait un solo en live. Uncle Jungle c’est pas mal de virages et de recherches. c’est aussi la toute première composi- pour Tonton ! AR : A qui doit-on la création du C’était des petits clubs où l’ambiance groupe je te propose que l’on écoute Ce que je souhaite aujourd’hui c’est groupe Soul Jazz Rebels ? était plutôt interlope. Cela permet- l’album des Soul Jazz Rebels et que tu tion de ce groupe, ça a inspiré le reste Night Remenber jouer ce que j’entends le plus et quelle nous le commentes titres par titres. de l’album. CA : les Soul Jazz Rebels ça part d’un tait aux musiciens noirs de tourner. composé par Hervé Saint Guirons. Il a que soit la musique que je jouerai, du coup de téléphone de Jean Vernhéres, Ils jouaient leur musique ! Donc le Ok laisse moi allumer la platine, je fais Mojo une ambiance toute à fait différente. funk, du jazz il y aura du blues de- le saxophoniste ténor du groupe. On titre de l’album c’est un hommage chauffer les lampes de l’ampli et je Celui-ci est composé par notre bat- C’est une ballade à trois temps, l’am- dans. Je me sens vraiment habité par se connaît depuis très longtemps. aux musiciens de cette époque qui nettoie le saphir. teur, Christian Ton Ton Salut. C’est biance est très aérienne et il y a beau- le blues. Nous avons pas mal collaboré au sein jouaient cette musique que l’on ap- Boogie Trop aussi un bon blues mineur qui sonne coup de place pour jouer. L’orgue de diverses formations funk. Il faut AR : Ce qui m’a frappé à la première précie autant. Le morceau d’ouverture du cd c’est très jazzy. On s’éclate bien sur celui Hammond avec la cabine Leslie sonne énorme. Sur celui là tu joues le blues, dire que l’on adore jouer ensemble. écoute du CD des Soul Jazz Rebels une composition de Jean Vernheres. là en live, il peut être à géometrie va- AR : Et la pochette ça représente tu prends ton temps. Nous avons une grande complicité. c’est la fraicheur, la spontanéité et le quoi ? Trois accords simplement pour danser riable… fait que cette musique touche direc- Donc il lance l’idée de monter un avec un riff accrocheur il n’y même AR : Le producteur était présent lors tement le cœur. Qu’elle était l’idée CA : En fait nous faisons partie d’un AR : Comment vous décidez de l’ordre combo pour jouer des standards soul, concept baptisé “Le 38éme étage” pas de pont. Jean est arrivé avec le des solos ? de l’enregistrement ? Il participe ? qui vous a guidé tout le long de la theme et nous a dit “allez les gars jazz et blues. Nous avons pas mal réalisation de cet album ? créé par Sidney Regal de Black Stamp En studio on décide ça à l’avance Ah oui complètement, il était tou- joué dans les bars, clubs avec déjà faut faire des solos” C’est un mor- jours là et il nous a beaucoup aidé ar- CA : Ca me fait plaisir que tu dises ça, Music. C’est une suite d’albums. Nous mais il n’y pas vraiment de règles. Sur Christian Ton Ton Salut à la batterie ceau que j’aime car il n’est pas prise tistiquement. C’est un vrai mélomane que les différents thèmes t’aient tou- faisons partis d’un immeuble où à scène c’est différent, on se regarde et et à ce moment-là c’est Rémy Leclerc de tête, on tape de suite du pied, ça et humainement c’est quelqu’un qui ché. C’est ça qu’on cherche à faire, chaque étage correspond un disque. on décide presque spontanément en qui joue de l’Orgue. Nous avons ren- tourne et nous on peut vraiment bien a beaucoup de qualités. C’est un avoir un discours clair, simple sans Notre pochette c’est donc un bout fonction du moment. On essaye de s’amuser dessus. membre a part entière du groupe. contré Hervé Saint Guirons lors d’un complications inutiles. On veut faire d’une fresque de ce projet. C’est aussi jouer les arrangements de façon dif- Chittlin Blues bœuf et cela a marché tout de suite une musique instinctive et humaine. un hommage à la musique de clubs férente d’un concert à l’autre. Cette journée en compagnie du plus avec lui. Rémy Leclerc était pris avec Chaque titre de l’album a été enre- dans lesquels nous aimons jouer. Alors ce morceau je l’ai écris en pen- Smoothy Shoes blues des Soul Jazz Rebels s’achève. d’autres projets et nous avons donc sant à un vieux copain à moi. Il est La passion débordante de Cyril Amou- gistré en live. On a fait deux prises et AR : Maintenant c’est la partie CA : Ah, ça me fait toujours quelque proposé à Hervé de nous rejoindre. rette pour ce style de musique en ra- on a gardé celle qui nous plaisait telle science-fiction de cette interview. banquier et aussi musicien. Il est très chose de l’écouter… Je l’ai écrit pour Au même moment nous rencon- quelle même s’il y a quelques défauts Ta boite de prod te donne tous les doué il serait là il jouerait de la guitare Jean Vernheres. Quand j’enregistre joute encore plus à l’intérêt que j’ai trons notre producteur, Sidney Régal, ici ou là (moi personnellement après moyens de constituer ton groupe. En et il nous rendrait dingue tellement un titre je ne l’écoute que très rare- pour ce disque merveilleusement réa- qui nous demande d’enregistrer un pas mal d’écoutes je les cherche en- plus des moyens financiers illimités il joue bien. Je pensais à lui quand ment par la suite, celui-là c’est parti- lisé et abouti. On se retrouve projeté album. Nous acceptons, nous nous core). Quand on écrit nos thèmes, tu as le pouvoir de refaire vivre qui j’écrivais ce blues, c‘est un hommage culier j’aime beaucoup écouter Jean immédiatement dans un club de jazz mettons tous à composer, car à ce on les pense toujours pour l’un des bon te semble. Quels sont les musi- à mon pote Bérenger Martin. le jouer. Il est au saxophone ténor, le enfumé des sixties. C'est simplement ciens à qui tu fais appel pour une jazz, blues et ça groove. moment-là nous ne jouons que des instrumentistes. La thématique colle Betty Boop thème est simple mais un peu aigue, tournée mondiale ? reprises. Nous voilà quatre mois après à l’instrument et au style du musi- C’est un titre que j’ai aussi écrit et “ça lui fait mal aux dents” (rires). Je repars au guidon de ma moto. Les CA : Aretha Franklin, Pino Palladino, en studio en train d’enregistrer Chitt- cien. Du coup nous avons écrit pour pour celui là j ai pensé fortement aux J’avais vraiment envie de l’entendre thèmes des Souls jazz Rebels qui ré- Erling Riley, Brother Jack McDuff. lin Circuit. C’est donc Jean Vernheres le groupe. Par exemple j'ai écrit une lives de Jack McDuff avec Georges jouer dans une autre couleur, de sonnent encore dans ma tête accom- Sonny Rollins, Cannonball Adderley, qui a monté l’équipe. ballade pour Jean en pensant tout le Benson. J’aime beaucoup ce coté l’amener vers des sonorités où il n’a pagnent merveilleusement le son de Freddy Hubbard, Philip Bailey, et si elle temps que ce serait lui qui jouerai le pédales et amplis à fond sur un bon pas vraiment l’habitude d’aller. C’est mon bicylindre sur la nationale 126. AR : Le style de l’album c’est le jazz, veut bien Beyonce. blues des années 60 comme nous le thème et en fait nous avons écrit cet vieux blues qui tourne en shuffle (une un morceau qui nous a demandé plus Antoine Rodriguez servait Jack McDuff, Jimmy Smith et album de cette façon “en pensant structure rythmique ternaire typique, de travail, on a mis un peu plus de biens d’autres. Est-ce pour toi un be- aux gens avec qui tu joues”. issue du boogie-woogie) temps pour le faire sonner. 10 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 11 FESTIVAL > CAPBRETON

Le mardi 9 août sur la place de l’Hô- public (concert gratuit à 11 heures tel de Ville, le Shekinah Rodz quin- place de l'Hôtel de Ville), mais pas tet (Shekinah, Olivier Gatto, Roger dans la facilité ou la complaisance, en Biwandu, Sébastein Iep Arruti et Loïc l’occurrence uniquement des compo- Cavadore) entrouvrait ainsi le fes- sitions d'Horace Silver. Belle maîtrise tival de fort belle manière, mais par du quintet, les chorus s'enchaînent un froid de loup ; voir chronique du naturellement, Jacky présente les 12/08 sur le Blog Bleu. titres avec assurance et le public no- vice pour la grande majorité adhère Août of jazz Le mardi suivant au tour du Old bien. Pour moi une mention spéciale Par Philippe Desmond Photos Julie Amiel School Funky Family d'annoncer en à Guillaume qui par deux fois va nous musique l’événement du week-end. faire des merveilles comme sur “The Merveilleux groupe, ou fanfare ou African Queen”. Un vrai cadeau des les deux, ce soir là en septet – seule- organisateurs ce concert. ment – avec un groove de folie et des compositions originales pour l'essen- Le vendredi soir a lieu le premier tiel. Accordéon (Sébastien Desgrans), concert de prestige du festival au batterie (Jérôme Martineau Ricotti) et Capbreton est une station bal- Loft Culturel (!) des Bourdaines à Sei- soubassophone (Pierre Latute) pour la néaire très agréable : l'été on peut gnosse. Pluie fine de bord de mer pour rythmique et l'harmonie et une sec- profiter de l'océan, du lac d'Hos- nous accueillir au pied des dunes. Belle tion de sax complète avec soprano segor tout proche, du port de plai- salle de plus de mille places presque (Paul Antoine Roubet), alto (Illyes Fer- sance, du port de pêche et bonus pleine pour un concert en deux par- fera), ténor (Vincent Andrieux) et ba- pour nous les amateurs, du fes- ties. Le trio du pianiste Paul Lay pour tival désormais nommé “Août of ryton (Julien Buros). Les baigneurs en commencer avec le grand Dré Palle- Jazz”. ont quitté leurs serviettes pour venir maerts aux baguettes et Clemens Van écouter puis danser sur l'esplanade. Cette année, du 19 au 21 août, Der Feen à la contrebasse. Ce der- Un set festif et musicalement très en 26ème édition pour ce festival nier nous racontait à table avant le place (chronique du CD dans la Ga- créé par le luthier de contrebasse concert qu'il avait gagné le concours zette Bleue #17). Christian Nogaro – disparu en de contrebassiste ici même il y a 17 2014 – et une bande de béné- ans. Il revenait avec une petite appré- voles, qui tournait à ses débuts Arrive donc le vendredi et le festival hension, car la première fois on lui autour de cet instrument. Depuis proprement dit avec bien sûr pour avait volé sa contrebasse (!) retrouvée 2015 nouvelle organisation artis- commencer un Apéro Swing en off dix ans plus tard alors qu'un person- tique notamment, mais toujours avec le Béré Quintet et un soleil de nage louche cherchait à la revendre à avec la même organisation maté- plomb. Béré comme Jacky Béréco- un luthier parisien. Paul Lay (pronon- rielle grâce à la ville de Capbreton, chéa, le trompettiste, régional de cer l'ail) est le pianiste qui monte, il la communauté de Communes, les l'étape qui mène dans ces contrées n'est autre que le prix Django Rein- deux Conseils, départemental et et bien au-delà tout un tas de pro- hardt 2015 récompensant chaque régional, et des partenaires privés. jets. Quintet de grande qualité avec année un jazzman français, on y re- Du In et du Off pour permettre à Alex Golino (sax tenor), Hervé Saint- viendra, pour le concert du samedi. tous d'y trouver son compte et Guirons (piano), Timo Metzemaker Il possède en effet une forte person- même cette année des préludes. (cb) et Guillaume Nouaux (batterie) ; nalité qui se traduit dans son timbre que des très bons. Le répertoire est et le choix de ses harmonies avec une choisi pour une approche du grand belle prise de risque, de l'émotion et 12 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 13 FESTIVAL > CAPBRETON VU D'AILLEURS > MONTRÉAL

des fulgurances. Capable de faire des Arrive la soirée du samedi et son pla- tation de sa biographie “Le Roi René” des risques et de me faire surprendre. ten. Je n’arrive pas à lui coller une éti- pointes avec sa main droite il décoche teau exceptionnel. Auparavant j'aurai René Urtreger nous dira en souriant C’est ce qui m’est arrivé dernièrement quette. Du côté de Sandiford, j’ai le tout à coup un coup de massue de sa eu la chance d'assister aux balances qu'ils ont fait un bon concert et le avec un musicien du nom de Hans- plaisir, parfois, de le comparer à John main gauche. Des atmosphères riches comme relaté dans la chronique du connaissant maintenant suite à la lec- ford Rowe. Scofield. Il y a quelque chose dans le et variées pour un superbe concert Blog Bleu du 22 août. Premier concert ture de l'ouvrage, s'il le dit c'est que Depuis plus de vingt ans, il voyage son qui s’en approche. La place oc- plein d'émotion et de sensibilité. avec la chanteuse danoise Sinne Eeeg c'est vrai. Une soirée exceptionnelle à à travers le monde en tant que bas- cupée par Sandiford est très grande. La deuxième partie, celle qui a attiré avec un trio composé de Marin Shack plus d'un titre. siste de jazz-fusion. Vers la fin des Tout comme Rowe, le nom de Sandi- le public, est une exclusivité mondiale au piano, Lennart Ginman à la contre- années 80, il a même collaboré avec ford est aussi à retenir. comme annoncée sur le programme. basse et Dré Pallemaerts à la batterie. Le dimanche clôture du festival avec le célèbre guitariste Beréli Lagrène. Tout l’album est construit comme un Pensez donc Chris Potter (sax), Didier Ce dernier remplace au pied levé Zol- à 21 heures une magnifique presta- Juste le fait de savoir que Beréli a déjà voyage. On prend le temps de respi- Lockwood (violon), Lars Danielsson tan Zsörz blessé suite à une chute de tion de Gabacho Maroc un groupe travaillé avec Jaco Pastorius quelques rer, chaque musicien est au service de (cb), Antonio Farao (piano) et Lenny la scène deux jours auparavant. bayonnais de World Jazz on va dire, “J’aime bien temps avant, la marche est haute pour la musique. Pas question de faire un White (dr). Le directeur musical du La chronique sur les balances évoque fortement marqué par le Maroc et la n’importe lequel bassiste en sachant marathon olympique, de jouer les vir- festival qui n'est autre que François la façon dont Dré va s'approprier le musique Gnaoua. Une formation mê- découvrir que le réflexe des mélomanes est de tuoses. Chaque pièce de l’album est Lacharme, le président de l'Académie répertoire de Sinne à la vitesse grand lant les instruments occidentaux pour de nouveaux comparer sur le champ. En écoutant mélodique, facile d’accès. Je n’ai pas du Jazz et que les habitués de Jazz à V. Découverte pour moi d'une magni- Vincent Thomas (batterie), Illyes Ferfe- Rowe, pas de doute, il excelle tout à me casser la tête en l’écoutant, la Fip entendent régulièrement, a bien fique chanteuse à la voix puissante et ra (sax tenor) Eric Oxandaburu (basse) talents “ en étant lui-même. S’il maîtrise par- musique est belle, bonne et me rends fait les choses du moins il a essayé. sensible dotée d'une forte présence Maximilian Helle Forget (claviers et Par Sylvain Cadieux faitement l’instrument, Rowe va au- plus intelligent. La réunion des cinq talents a en ef- et qui fait vivre les morceaux. machines) aux instruments tradition- delà en étant aussi un compositeur. Je L’album contient en tout sept pièces. fet un peu déçu, peu d'émotion, pas A suivre de près. nels d'Afrique du nord pour Aziz dirais même un très bon compositeur. L’ouverture se fait avec la magnifique de contact avec le public, un certain Le clou de la soirée est la présence Fayer (Oud, percus), Hamid Moumen Hansford Rowe Rowe joue avec une basse électrique composition de Rowe “Barcelona”. manque de liant – nous n'avons pas sur scène de six prix Django Rein- (guembri), Frédéric Faure (percus), J’aime bien découvrir de nouveaux à cinq cordes. Ambassadeur pour la Une pièce mélodique, d’une simpli- répété me dira Didier Lockwood –, hardt, tout cela donc grâce à Fran- chacun participant aux chants suc- talents. Lorsque nous en parlons, marque Warwick, les bassistes pas- cité et d’une beauté incroyable. Nous mais des musiciens qui grâce à leur çois Lacharme qui avait réuni quasi- cessivement. Une musique bourrée nous pensons automatiquement à sionnés peuvent voir sur You Tube ressentons la chaleur et le climat de métier font plus qu'assurer. Quelques ment le même plateau sur la scène du d'énergie parfaitement maîtrisée qui un(e) jeune musicien (ne) qui sort (Framus & Warwick) les explications l’Espagne. De la vraie poésie qui nous belles fulgurances notamment quand Châtelet en février dernier pour les va enflammer la place de l’Hôtel de de l’ombre soudainement. Du jour de Rowe sur les modèles du luthier. fait faire un voyage intérieur. La vidéo Didier Lockwood joue avec des effets 60 ans de l'Académie du Jazz. René Ville comme jamais elle ne l'a été. Un au lendemain, tout le monde veut de cette pièce est disponible sur la trouvant ainsi sa place à côté du sax Urtreger (piano, prix 1960), Henri succès incroyable réconciliant pour un l’écouter, le voir sur une scène près de HR3 chaîne You Tube de Rowe. volubile de Chris Potter. Texier (contrebasse, 1977), Eric Le soir – et espérons le bien davantage – chez soi. Souvent, la planète entière J’ai découvert sa musique en me Le samedi matin il pleut et l'apéro- Lann (trompette, 1983), Louis Mou- des cultures qui se regardent un peu s’époumone surtout si la découverte procurant un album du nom de HR3 swing se replie dans la halle du mar- tin (batterie 2005), Pierrick Pedron de travers en ce moment. à moins de 20 ans. Pour les autres, parut en 2013 (enregistré au Piccolo ché de Capbreton. Le Bignol Swing (sax alto, 2006) et Géraldine Lau- c’est le laborieux combat de pourquoi Studio à Montréal). Que signifie le est chargé d'animer cette matinée et, rent (sax alto, 2008) ! Et là la mayon- Bravo aux organisateurs de maintenir eux et pourquoi pas moi. HR3 ? La lettre “H” pour Hansford, la en acoustique au milieu des légumes, naise va prendre, même l'association un tel niveau de qualité en proposant Il m’arrive, à l’occasion, d’écouter de lettre “R” pour Rowe et le chiffre 3 va capter l'attention du chaland venu insolite de deux sax altos (ou au choix au public divers styles de musiques la musique et de me dire comment pour trio et. Trois lettres qui valent de là pour remplir son panier. L'occa- alti si vous préférez) va fonctionner. étiquetées jazz certes, mais aux ac- se fait-il que tel musicien n’a pas en- l’or. Après l’audition de cet album, ces sion de passer un très bon moment, La play-list très variée – un choix de cents différents. Merci aussi pour leur core été remarqué par un plus large trois lettres deviennent inoubliables. certains soupçonnant les musiciens René Urtreger qui lorsqu’il jouait de la accueil. public afin qu’un rayon de soleil le ré- Monsieur Rowe s’est entouré d’un En savoir plus d'avoir pris le melon notamment variété a appris à ne pas lasser l'audi- chauffe? Il s’agit souvent d’une ques- jeune tandem complètement épous- quand ils jouent “Just a Gigolo” de toire – est dans la chronique évoquée tion de “timing”, d’être à la bonne touflant, le guitariste Julien Sandiford www.youtube.com/user/benegg111 Louis Primeur. Le soleil revenant, la Entrevue avec Hansford Rowe ci-dessus. Les anciens et les modernes Philippe Desmond place au bon moment et de se faire et le batteur Max Lazich. Difficile de déambulation repart vers la place de ne vont pas se faire la guerre, mais remarquer en étant partout sur les faire une comparaison avec Rowe. www.youtube.com/watch?v=W-9FNHz1ygw l'Hôtel de Ville où le nombreux public au contraire prendre un grand plaisir réseaux sociaux. En tant que mélo- Il ne joue pas comme Jaco, ni comme www.facebook.com/hansford.rowe.official/ répond présent aux sollicitations par- et aussi en donner. Le lendemain à la mane glouton, il m’arrive de prendre Richard Bona, ni comme Victor Woo- fois burlesques du trio. Sympa. librairie Vent Délire lors de la présen- 14 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 15 INTERVIEW > SAMY THIÉBAULT

Action Jazz : Peux-tu nous parler des elle est même au-dessus de la littéra- faits marquants de ton parcours ? ture dans le sens où elle peut s’abs- Qu’est-ce qui a un jour mis le feu aux traire de tout référent, de toute signi- poudres musicales ? fication, elle est de l’émotion à l’état Samy Thiébault : Très clairement pur et fondamental, la plus précieuse. l’écoute et la découverte de la mu- Mais la littérature, et notamment la sique de John Coltrane, vers 18 ans. poésie me touche aussi beaucoup Ce fut comme une tempête ! Et phy- c’est vrai. Car les mots peuvent aussi sique, et spirituelle. Il y a avait tout se libérer de leur signification, ou la dans ce groupe et ce son de saxo- transformer en utilisant du rythme, phone, et tout ce que j’aime dans l’art des jeux, des sons. C’est en cela que Entrer dans l’univers de Samy Thié- en général : la joie physique, concrète oui, la référence à la poésie peut ap- bault, c’est un peu comme péné- sensible, quasi extatique, et l’illumi- paraître dans mes compositions, mais trer dans un palais des mille et une nation de l’esprit, sa transformation elle vient toujours après, pour éclairer, nuits du savoir, où les espaces sont par cette matière même, on vole sur pour jouer encore un peu plus, elle vastes et les écrits précieux. On les ailes du désir avec cette œuvre. Je n’est pas consubstantielle à mon tra- chemine le long de lumineux cou- faisais déjà du saxophone à l’époque vail. loirs, effleuré de courants d’airs et étudiait le Jazz avec des maîtres tels jazz à la belle écriture, propice à la qu’Alex Golino à Bordeaux, mais avant AJ : Tu composes et arranges ta mu- rêverie du départ. cette écoute je n’avais pas réalisé à sique. Y a-t-il cependant un partage En parcourant ses disques, on quel point cette musique répondait créatif avec tes autres musiciens ? voyage ainsi dans de tels lieux, à toutes mes attentes et aspirations. ST : Oui et de plus en plus ! J’ai une mêlant musique, littérature et Quelques années plus tard j’aban- belle anecdote à ce propos. J’ai eu philosophie, avec un naturel au donnais mes études et me consacrais la chance de partager la scène pen- sourire éclairé, et une signification avec passion à la pratique intensive dant deux jours avec l’immense toujours profonde, en chacun des de mon instrument et de l’écriture. Simon Goubert, qu’on avait invité à Par Dom Imonk projets. Il y a un peu plus d’un an, Ce choix s’est fait à Paris cette fois, jouer avec nous. A la fin des concerts Photos Laurence Laborie le Samy Thiébault Quartet nous en rentrant dans une école inclas- nous avons eu une discussion pas- ouvrait les portes d’un “A feast sable, qui était l’IACP, dirigée par les sionnante à ce sujet : en écrivant la of friends” radieux et acclamé, frères Belmondo. Puis je suis rentré au musique on essaye bien entendu de où l’esprit des Doors était revisité. CNSM où j’ai passé 4 belles années l’adresser au musicien avec lequel on Il retrouve son épatant groupe, aux côtés de musiciens incroyables, va jouer. Mais comme la musique, et plus des invités, dont le surpre- tels que François Théberge, Dré Palle- notamment celle de Jazz, est l’art de nant trompettiste Avishai Cohen, mearts, Riccardo Del Fra, Hervé Sellin, l’instant, il faut que le compositeur dans un remarquable “Rebirth” Glenn Ferris, pour ne citer qu’eux… accepte a priori que ce qu’il a écrit qui vient tout juste de sortir et fait va être transformé, de façon parfois AJ : Tes disques font souvent réfé- déjà fondre la critique. rence aux écrivains. Alors quand tu lis même très radicale, par l’interprète à On en retrouvera la chronique ou composes, quelles sont ces confi- qui il la soumet ! Je trouve cela très dans ces colonnes. Samy Thiébault dences que se font mots et notes ? beau comme vision de la musique : va nous parler de ce disque, sorti Les auteurs suggèrent-ils plutôt la la notion d’abandon. On fait un tra- sur le label Gaya Music Produc- musique, où est-ce l’inverse ? vail d’écriture qu’on donne et qu’on tion, dont il assure aussi la direc- ST : Alors aucun des deux ! La musique abandonne à ses compagnons de jeu. tion artistique, et qu’il évoquera est un art à part et autosuffisant. Elle A partir du moment où la partition également. n’a guère besoin d’autre chose que est prête à être jouée, alors il y a plus d’elle même, d’autant que pour moi d’ego ou de compositeur ou même 16 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 17 Samy THiebault INTERVIEW > SAMY THIÉBAULT INTERVIEW > SAMY THIÉBAULT

de leader, il y a quatre musiciens qui envisager cette aventure de haute Sur mon ordinateur se trouvaient spécial. Peux-tu nous dire quelques s’approprient un matériel et qui lui volée qu’est le quartet “classique”, donc onze morceaux pour le quartet mots sur ces musiciens ? Pourquoi ces donne sens et vie. C’est comme si saxophone et rythmique, formule et ses invités (on ne se refait pas, j’ai choix ? on décidait de la vie d’une personne reine de mes héros et de tout instru- besoin de communauté, ou de “fes- ST : j’aime bien ces mots “riche for- avant qu’elle naisse et qu’on anni- mentiste. Le travail sur les Doors a par tins d’amis” pour faire écho à votre mation”… Car ce sont avant tout hilait sa liberté propre, on s’expose- ailleurs ouvert en grand la voie de la question) tous empreints d’un souci des personnes, des êtres humains rait à de graves problèmes ! Il en va mélodie, comme élément désormais mélodique très fort, et surtout sor- très riches, et que cela s’entend dans de même pour la composition et son déterminant de la pratique. Certes, tis du plus profond de mes racines, leur musique. Nous nous connaissons interprétation. C’est d’ailleurs drôle, les standards de jazz ont aussi cette que je n’ai finalement jamais ques- depuis plus de dix ans, et de façon in- quand il y a des remplaçants dans le puissance mélodique, mais le fait de tionnées. Le Maroc de ma mère, la time, musicalement et humainement. groupe, leur donner les partitions ori- travailler sur un répertoire si éloigné culture pianistique de mon père, la Nous partageons la même vision de ginales ne sert quasiment plus à rien de mes codes habituels, celui du rock Côte d’Ivoire où je suis né, l’Amérique la musique comme un art humain, tellement il y (“a eu de changements ! psychédélique, m’a fait envisager du Sud où une partie de mes amours de partage, de joie et de générosité, cette pratique avec un regard neuf et surtout d’invention et de commu- AJ : Avec quel instrument joues-tu musicaux et culturels se trouvent, nauté. La performance est vraiment les premières notes quand tu écris ? Y et renouvelé. C’est ce qui a motivé l’Iran et ses percussions, pays dont a-t-il par la suite une hiérarchie entre mon travail sur “Rebitrth”. Enfin, j’ai est originaire l’amour de ma vie et éloignée de notre vision, même si la saxophones et flûtes ? Que te per- réalisé l’importance de la connexion à qui a donné le prénom de mon fils, technique est nécessaire pour aller mettent chacun de ces instruments ? notre histoire personnelle : Les Doors je ne l’avais pas réalisé, mais tout cela plus loin. Ce sont tous des musiciens ST : la plupart du temps j’entends le étaient une passion de mon adoles- retraçait une image très personnelle qui s’effacent au profit du tout et qui saxophone ténor en premier quand cence, et j’ai pris un plaisir incroyable mais déjà transformée pour et par la en même temps distillent leur per- je l’avais volontairement mis de côté ST : Ah non c’est une très bonne ques- je compose. C’est un instrument que à transformer ces souvenirs, la voie de musique. Loin de tout narcissisme, il y sonnalité profonde dans la musique pendant des années. C’est d’abord tion ! L’album sur les Doors et Rebirth je vénère, “The Boss Horn” comme “Rebirth” était donc déjà là. avait là une matière intime qui s’était que nous partageons. C’est une vraie un instrument extrêmement exigeant, fonctionnent comme un dyptique à dit l’ancienne génération. Il est à mise en forme et destinée à d’autres chance que de partager avec eux et très difficile à maîtriser, et j’ai trop de vrai dire. “Rebirth” est nait de “Feast AJ : “Rebirth”, est sorti fin septembre l’intersection des graves et des aigus, personnes que moi, qui s’était donc d’avancer ensemble. passion pour le ténor pour y consa- Of Friends” et y fait référence. et bénéficie déjà d’un très bel accueil. il est au bon endroit. On peut jouer Son titre est lourd de signification. dépassée elle même pour devenir ter- Quant à Avishai Cohen, c’était un dé- crer le temps nécessaire. Et comme je Oserais je le dire, je trouve que Rebirth dans les extrêmes, dans le milieu du Quelle fût l’idée “fondatrice” de cet rain de rencontre et d’échange, la thé- sir intense de ma part de l’avoir avec n’aime pas faire les choses à moitié… registre, il y a tellement de possibi- est peut être mon plus bel album… En album et comment a-t-il été conçu ? matique de la re-naissance, comme le nous pour cette aventure. J’ai écrit lités… Mais je dois dire que plus ça Mais effectivement sur “Rebirth”, tous cas c’est à la fois le plus intime et Depuis quand y travailles-tu et quel disent les bouddhistes, m’est donc beaucoup de morceaux en pensant à va plus je libère de cette admiration il y avait deux morceaux où j’enten- le plus accompli dans ma volonté de message as-tu voulu transmettre ? parue évidente. D’autant que c’est lui et à sa venue. Il respire le moment, quasi adolescente et je commence dais la voie du soprano, ces mélodies tenir une haute exigence musicale et ST : Pour une fois je n’avais pas d’idée aussi de plus en plus la direction que l’instant présent, et c’est l’un des plus à associer quasi immédiatement des ne pouvaient pas marcher au ténor. une générosité toujours active envers “fondatrice” à l’écriture de ce projet. je souhaite donner à mon groupe : grands mélodiste de notre temps tout mélodies à des instruments, ou même Je me suis donc remis au travail, et l’auditeur. Je suis très attaché à cet as- Je veux dire qu’aucun projet précis faire une musique commune où l’on en étant en constante prise de risque. parfois à des voix, comme dans le cas je suis très heureux de retrouver des pect : produire une musique qui nous ne l’a guidé, ce n’est qu’après avoir se surprend les uns les autres en per- Je souhaitais ardemment partager cela de notre travail avec Meta. La flûte sensations que j’avais mise de côté dépasse, mais qui nous perd jamais, fini d’écrire tout le répertoire que son manence, ou rien n’est stable ni cal- avec lui et l’inviter dans notre univers notamment prend de plus en plus de et surpris de m’apercevoir que mon qui bien au contraire nous entraine unité s’est faite évidente et signifiante culé, une forme de réinvention en afin de créer cette rencontre. Et cela place dans ma pratique de composi- travail passé n’a pas été vain, car je dans son sillon. “FOF” a déjà ouvert la pour moi. J’ai vécu une expérience de continue, de façon à ne jamais jouer s’est merveilleusement bien passé. teur. Je suis occupé par des mélodies, trouve l’instrument un peu plus facile voie du quartet et de l’intime. Avant vie aussi marquante qu’universelle ces ou proposer ce que nous connaissons Il a accepté facilement malgré l’expo- simples et fortes, et la flûte me per- aujourd’hui. cet album je ne faisais que des projets dernières années qui sont celles du déjà de nous. sition dont il bénéficie aujourd’hui, et met de les trouver parfois plus faci- à au moins six musiciens, idée sans deuil et de la naissance. S’en sont sui- les moments que nous avons partagé AJ : Avant d’aborder ton nouvel al- AJ : Sur ce nouveau disque, tu as ré- doute liée à mon goût du partage en ont dépassé mes attentes, aussi bien lement. N’ayant pas la technique sur bum, peux-tu nous dire quelques vis quelques mois empreints d’une ur- uni une riche formation : L’équipe de cet instrument que j’ai sur le ténor, mots sur tes autres albums, et en musique. C’est mon ancien agent, et gence d’écriture quasi viscérale. Je me “A feast of friends” – Adrien Chicot, musicalement qu’humainement. je suis obligé à une forme de simpli- particulier sur “A feast of friends” qui aujourd’hui encore une grande amie, suis mis derrière mon piano avec des Sylvain Romano, et Philippe Soirat Manu Domergue est aussi pour moi cité qui me va très bien. Quant au l’a précédé ? Si tu devais n’en choisir Hélène Manfredi qui m’avait poussé idées aussi précises qu’entêtantes, et – plus Meta, Jean-Philippe Scali et un immense artiste. Joueur de Mél- soprano, c’est un nouveau venu dans qu’un, quel serait-il ? (j’ai honte de sur cette voie du quartet, en me si- je me suis réveillé de cet état quasi de Manu Domergue, ainsi que le trom- lophone et chanteur inclassable, je ma pratique, je dois même dire que cette dernière question !). gnifiant que j’étais désormais prêt à transe quelques semaines plus tard. pettiste Avishai Cohen, en invité souhaitais avoir son son si particulier 18 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 19 INTERVIEW > SAMY THIÉBAULT

éclats d’émail Jazz édition présente du 9 au 2o novembre a limoges

sur un titre, tout comme mon ami ture qui me représente en terme de dans des domaines très variés (big de longue date Jean Philippe Scali. Il diffusion de mes concerts et de mes band, standards, projets plus expéri- a un son parfaitement identifiable et albums), nous avons désormais plus mentaux..) reconnaissable entre tous sur l’alto et de 30 artistes, donc tous vous les citer AJ : Parlons enfin du futur proche. le baryton, et déborde d’une énergie serait assez long, et n’en citer que “Rebirth” semble lui aussi né pour le rare. Et de plus on a l’habitude de par- quelques uns injuste, mais on peut y live, alors quelles sont les dates à ve- tager les projets de l’un et de l’autre, retrouver des artistes en développe- nir pour lui permettre de s’envoler ? on a même eu un grand ensemble ment, des artistes très établis qui nous Et nous avec ! Concerts, festivals ? qu’on codirigeait il y a quelques an- on fait confiance, des paris sur le fu- ST : Nous avons la chance de beau- nées. tur, une belle réunion de passionnés. coup jouer avec ce projet, car comme Méta est lui aussi un ami depuis long- AJ : Quelles sont tes autres activités vous le dites, le répertoire est pensé temps, (rencontré lors de l’enregis- musicales ? Y a-t-il un domaine nou- largement pour le live ! Nous fêtons la trement de mon album “Clear Fire”) veau que tu aimerais aborder ? sortie du disque au Duc Des Lombards et un musicien hors du commun : ST : J’étais assez engagé dans la pé- du 10 au 12 novembre prochain, puis percussionniste, chanteur à l’univers dagogie (et le suis toujours, même au café De La Danse le 31 janvier extrêmement particulier, sa présence si je limite cette activité à quelques 2017. Puis nous serons en tournée était indispensable sur l’album. J’avais heures mensuelles au conservatoire dans toute la France dès la mi no- besoin de percussions très différentes de Choisy Le Roi et à des activités de vembre, l’Asie du Sud Est, l’Espagne, et de rythmes bien particuliers, et il “Master Class”, terme dont je ne suis l’Afrique de l’ouest et sub saharienne connaît cela de façon excellente, pas très fan d’ailleurs, lui préférant probablement, et les festivals d’été… c’était donc un plaisir de le retrouver celui de rencontres pédagogiques), AJ : Et voici un petit questionnaire pour cette aventure. j’écrivais aussi pas mal de musique détente : pour le théâtre et le cinéma… Mais Si tu étais : AJ : Peux-tu nous présenter Gaya Mu- ces dernières années je me concentre sic Production, label dont tu assures Une voix ? Shirley Horn de plus en plus sur mon groupe et ma la direction artistique ? Quelle est Un oiseau ? L’aigle pratique personnelle. son orientation musicale ? Quelles Une ville ? Zanzibar sont ses signatures ? AJ : En marge de “Rebirth”, te ver- Un arbre ? Un arbre à palabre ST : L’orientation de Gaya Music Pro- ra-t-on en live ou en disque dans Une question ? Pourquoi d’autres projets ? duction est aussi vaste que précise : Un livre ? les poèmes du soufiste Rumi produire une musique aussi exigeante ST : Oui bien sûr, je vais enregistrer que généreuse. C’est en fonction de avec le groupe d’un batteur très Merci Samy ! ce critère que nos choix s’établissent. intéressant, Xavier Roumagnac, je Car là encore il s’agit d’équipe, de serai aussi avec le batteur Christian communauté. Je ne pourrais rien faire “TonTon” Salut à Toulouse en jan- Propos recueillis par Dom Imonk sans la présence quotidienne de mon vier 2017 pour une semaine spéciale oncle, de mon agent Emma Barday, d’hommage au répertoire Blue Note, de notre administratrice Johanna Fou- je joue aussi dans le groupe de Gilles cambert, et de notre label manageuse Le Rest, (encore un batteur décidem- et chargée de promo, Camille Dal’Zo- ment), très influencé par l’univers édition 2o16 vo. Nous nous connaissons très bien, de Magma et qui vient de sortir un www.eclatsdemail.com sommes proches et avançons dans album nommé “Freedom Now”. Je une même direction, c’est ce qui fait fais aussi quelques interventions très les aventures humaines. En terme de ponctuelles avec des amis, lors de licences d’entrepreneur de spectacles : 2-1o38628 3-1o38629 Photo : ronen goldman

label (car Gaya est avant tout la struc- projets montés occasionnellement et affiche2016-120x176.indd 1 19/09/2016 15:19 20 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 21 FESTIVAL > ANGLET FESTIVAL > ANGLET

A une époque où les ingénieurs du est un guitariste aguerri. En véritable son des “grosses boîtes” déploient amoureux de l'instrument, il en a des trésors d'ingéniosité pour faire exploré les multiples possibilités et disparaître toute imperfection d'un en maîtrise à peu près tous les styles, produit fini et que celui-ci en en est toujours sensible à ce qui fait l'effica- affadi, normalisé, presque standar- cité d'une phrase, d'un motif, d'une disé, il serait bon de se tourner plus formule rythmique ou à la note qui souvent vers d'autres expériences change l'accord et change tout. musicales moins aseptisées, comme Nicolas Filiatreau est lui aussi un celle-ci, d'opter pour le “direct” et batteur au CV impressionnant. Lui de retrouver un plaisir sensoriel fon- non plus ne fait pas de bruit, juste dé sur le naturel, l'authenticité. Cela de la musique. Il dose la frappe ; son commence par un vrai grand piano énergie, son “drive” et son oreille Steinway dont les accords résonnent plus qu'attentive sont connus de tous longuement et donnent aux harmo- ceux qu'il a accompagnés. Quant nies une profondeur, une couleur, au contrebassiste, Jean-Luc Fabre, Par Ivan-Denis Cormier une saveur irremplaçables, dont la d'une discrétion exemplaire mais Photos Marylène Cacaud frappe extrêmement sensible permet d'une redoutable efficacité, il est de varier à l'infini le champ d'expres- constamment à la hauteur de la mis- VENDREDI 23 SEPTEMBRE 2016. sion de celui ou celle qui s'y frotte. De sion qu'il assume : épaissir la trame quoi mettre en valeur les atouts de sonore et faire apprécier la richesse Première partie “What's in a name” Marc Tambourindéguy : ses composi- des accords ou des subtilités ryth- disent les Anglo-saxons, suggérant tions se prêtent à l'écoute. Plutôt que miques par une accentuation ferme que l'on est souvent prédestiné à la volubilité et le discours-fleuve qui et la pertinence d'un choix de notes exercer tel ou tel métier ou à déve- “noient le poisson” au point qu'on se judicieux. La beauté de chaque mor- lopper certaines aptitudes en fonc- demande “mais qu'est-ce qu'a voulu ceau et le charme de l'ensemble sont tion du nom que l'on porte. Si le nom dire ce gars-là ?”, ce sont des mots indéniables. L'assistance est visible- de Marc Tambourindéguy ne vous choisis que font entendre les quatre. ment réceptive – après une ovation, est pas familier, c'est peut-être que Ne vous fiez pas à l'apparente sim- le groupe offre en rappel un “slam” face à des poids lourds de l'industrie plicité des mélodies, à la fluidité des qui révèle un Pascal Ségala excellent musicale, ce musicien dont le patro- harmonies qui s'imbriquent et s'en- angliciste, tandis que Marc Tambou- nyme évoque un instrument univer- chaînent sans jamais heurter la sen- rindéguy s’empare joyeusement d’un sel et des origines basques pèse à sibilité de l'auditeur. Il y a là un savoir Fender Rhodes pour terminer sur une peu près trois fois rien. Gageons que et un savoir-faire qui caractérisent petite touche (72, pour être précis) anglet même les émissions de radio ou de les grands auteurs littéraires comme d’électronique – même si vous n'êtes télévision les plus ouvertes à la diver- les grands compositeurs. Epurer le pas fin connaisseur, vous ne pouvez sité ne lui réserveront qu'un tout petit langage, aller à l'essentiel, trouver rester insensible à ce projet global créneau. Alors, saisissez la chance qui une façon de l'exprimer qui emporte (présenté face à une audience de vous est offerte d'entendre le 4tet de l'adhésion, c'est le travail patient marque pour la toute première fois) jazz ce pianiste-claviériste, dont les trois de toute une vie créative. De fait le qui s'avère une alternative plus repo- compères triés sur le volet font res- quartet n'est pas exactement consti- sante, et tout aussi rafraîchissante, à sortir l'originalité et surtout la musi- tué de “jeunots”. Pascal Ségala, qui certaines formes de jazz plus stres- Photo Marylène Cacaud calité, dans une vraie salle de concert donne la réplique au pianiste, ponc- santes, pas forcément plus intéres- comme celle de ce théâtre Quintaou tue, étoffe, puis intervient plus lon- santes ni plus virulentes. Pardon d'y festival dont l'acoustique est quasi-idéale. guement, toujours avec exactitude, aller de ma petite philosophie, mais il 22 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 23 FESTIVAL > ANGLET FESTIVAL > ANGLET

concert des amis d'antan venus pour l'occasion et dont l'estime et le sou- tien lui restent à jamais acquis. Mais Didier Ithursarry ne fait pas dans la facilité. Les soufflets de son accordéon entrent en action. Il fait vibrer les accords en en extrayant les notes saillantes pour camper le cadre harmonique du morceau et élaborer des mélodies à la fois complexes et naturelles, extraordinairement stimu- lantes. Il utilise toute la tessiture de l'instrument, mais un peu à la façon des différentes sections d'un grand ensemble, et imprime à chaque phrase une puissance rythmique qui

Photo Marylène Cacaud Photo Marylène Cacaud rend parfois superflue la présence de me semble que des artistes qui ne se et Jean Pierre Arnaud à la batterie, Sablon ou chant staccato d'une pré- de son cours habituel. Ses interven- longtemps cantonné pour le grand percussions (de fait, le batteur Joe distinguent pas par leur élitisme, par elle nous emmène “revisiter” les stan- cision et d'une vivacité impeccables, tions sont étonnantes, stimulantes public à la chanson populaire et à la Quitzke et le contrebassiste Frédéric un radicalisme exacerbé, par un iso- dards du jazz avec la même fougue, sur une reprise du Blue Rondo à la et ô combien pertinentes. On reste valse musette. Certes, d'illustres pré- Chiffoleau vont à un moment donné s'éclipser pour laisser le champ libre à lationnisme ou un jusqu'au-boutisme le même entrain depuis ses débuts. Turk en français, façon Nougaro, qui rêveur puis songeur -- et si le jazz, décesseurs ont donné à l'accordéon un duo envoûtant avec Jean-Charles affichés, mais par un souci de clarté, Sa voix très pure tantôt douce, tantôt réussissent à faire oublier les ver- c'était le côté inattendu, imprévisible ses lettres de noblesse, et la scène Richard au saxophone soprano). Les de lisibilité, qui ne font pas non plus forte, tantôt mélancolique et tantôt sions antérieures) on mesure tout le et dérangeant qui force l'écoute et jazz française a même ses célébrités couleurs sont si variées que l'on croit dans le populisme mais désirent com- enjouée utilise la palette des émo- talent de la demoiselle. Jamais prise met vos coéquipiers en danger ? C'est -- ou Marc Berthou- reconnaître à peu près tous les types muniquer simplement sans jamais ra- tions pour donner à chaque chanson en défaut, que ce soit pour la jus- tout à l'honneur de Virginie Teychené mieux, pour n'en citer que deux -- qui de musique au fil de telle ou telle in- sa saveur particulière. Sa présence d'avoir intégré cette composante es- excellent dans l'accompagnement et coler, des artistes qui restent fidèles à tesse ou le placement rythmique, elle tervention, sauf que l'unité de ton (de scénique est juste ce qu'il faut de sentielle pour nous présenter comme l'interprétation comme dans la direc- une démarche originale, entière, sin- fait un triomphe. Autre temps fort son, de tempo et de style) les trans- charme, de sourire et de bonne hu- à son habitude de la belle ouvrage, cère, qui font preuve de tendresse à du concert, un duo voix-percussions tion et la composition. Mais ici on figure et que l'on ne décèle aucune meur pour conquérir un public qui mais pas que... l'égard d'un genre et d'une tradition brésiliennes (chanté en portugais) qui entre dans une nouvelle dimension : faute de goût. Un seul morceau de en redemande. Inutile de dire que le pas de nostalgie, pas de clins d’œil qui les ont nourris, ont aussi droit à met en valeur ses autres atouts : une SAMEDI 24 SEPTEMBRE 2016 sa liste me semble-t-il était écrit en notre reconnaissance et à un succès spectacle est rodé et parfaitement au sûreté, une fermeté et une connais- au passé, ni du reste aucun accès de 3/4 et là encore, les clichés n'ont pas amplement mérité. D'ailleurs, pour point. Quelques mimes pour explici- sance de sa matière qui forcent le Deuxième jour. Décidément, cette an- fièvre ou démonstration de virtuosité leur place, tout est neuf, vif, enlevé, bien se faire entendre, parler douce- ter les paroles en anglais à l'intention respect. Et même si tout n'est pas née encore, le festival d'Anglet s'avère vide de sens ; juste une démarche exi- tout surprend. Certains emprunts ment, mais distinctement et ferme- des auditeurs qui n'auraient pas tout tout à fait neuf, mon Dieu que c'est un vrai régal pour les oreilles et l'es- geante qui bouleverse notre percep- à la musique folklorique de pas mal ment, comme dans ce “slam”, ne compris malgré son excellente diction. agréable d'entendre un ensemble prit de tous ceux qui ont eu la bonne tion de ce que peut apporter l'instru- de régions, de l'Europe Centrale à vaut-il pas souvent mieux que de hur- Quelques petits pas esquissés pour soudé par des années de scène qui idée d'y assister. Une programmation ment sous les doigts d'un créateur l'Irlande en passant par la Bretagne, ler ou de cogner ? Longue vie à Mt4. suggérer le plaisir de danser, car à la maîtrise complètement son propos ! plus qu'alléchante ce samedi soir, qui inspiré, avec lequel il va désormais ou pourquoi pas, le pays Basque, différence d'une Madonna, elle pré- s'ouvre sur un univers musical d'une falloir compter. Ce soir, l'occasion au- sont reconnaissables, mais cela ne fait Programmée en deuxième partie, fère garder son souffle pour chanter. La vraie nouveauté, c'est la présence qualité irréprochable et d'une origina- rait été belle d'offrir en souvenir des jamais “plaqué”, car ils s'intègrent Virginie Teychené n'est plus à pré- Modestie et retenue sont les maîtres- en tant qu'invité de l'immense Olivier lité saisissante. Mis sur pied il y a envi- temps anciens une ou deux reprises à point nommé à la trame du mor- senter. Accompagnée depuis des mots. Cependant lorsque viennent Ker Ourio à l'harmonica : il parvient ron cinq ans, le projet du groupe qui à un public conquis d'avance. C'eût ceau et s'accommodent parfaitement années par la même formation com- les morceaux de choix et de bravoure à lui seul à rompre l'écrin de verre qui va occuper la scène en première partie été un moyen commode de fêter le d'un phrasé à la fois souple et impla- posée de Gérard Maurin, à la contre- (voix gourmande sur un It Might As protège un show millimétré et à faire est dirigé par un artiste singulier, qui retour de ce fils prodigue, l'enfant cablement calé sur le rythme. Le ma- basse, Stéphane Bernard, au piano Well Be Spring jadis francisé par Jean dévier un spectacle hyper-préparé redéfinit le répertoire d'un instrument du pays qui retrouve le temps d'un gnifique Kantuz, par exemple, qui a 24 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 25 FESTIVAL > ANGLET FESTIVAL > ANGLET

musicaux très différents, a aussi pour- théâtre Quintaou ; les techniciens sol- de joie quand les trajectoires frisent le suivi l'exploration méthodique de leur licités au pied levé répondent présent, décrochage et que la machine repart univers tonal. Son jeu s'inscrit dans la sécurité se réorganise -- cela aussi, à fond, se jouant des chicanes et nous une continuité, et force est de recon- c’est la magie d'un festival dont les entraînant dans une course passion- naître que ses choix esthétiques n'ont acteurs sont “au taquet” pour satis- nante. La maîtrise du pilote qui ac- jamais varié : la pureté du son, de faire les visiteurs. OK, l'ambiance ne tionne les leviers, faisant cliqueter les l'articulation, des phrases musicales sera évidemment pas la même, mais baguettes sur les fûts et les cymbales, riches et belles. Il fait preuve d’une le plateau est prêt, la balance a été apparaît dans une ornementation à éloquence rare : ses notes résonnent faite le matin, et la fête peut conti- la fois foisonnante et irrésistiblement comme une évidence. Ecoutons bien nuer. remuante. Photo Marylène Cacaud donné son titre à l'album sorti chez ternationale. le pianiste, Paul Lay, virtuose au jeu à Lagunarte, est une pièce tirée d'un la fois délicat et sophistiqué, dont les feuillet manuscrit vieux d'un siècle, Deuxième partie, Eric Le Lann. accords lumineux donnent tout leur dont les changements de mesure La grande classe. Une décontraction relief à des compositions savantes et laissent supposer qu'il s'agissait pro- affichée mais une sensibilité à fleur de architecturées, mais dont la progres- bablement d'une musique destinée à peau. Une production d'une diversité sion harmonique semble aller de soi. Photo Alain Pelletier la danse. et d'une densité remarquables. Epaulé Il crée l'ambiguïté par des renver- par trois jeunes et brillants musiciens, sements et des substitutions, a tou- Difficile de classer cet ensemble qui avec qui, en 2015, il sortait le superbe jours un œil pour le batteur avec qui fait valser les étiquettes. La domi- album Life on Mars -- Paul Lay au il converse tout au long des chorus nante reste tout de même proche de piano, Sylvain Romano à la contre- du trompettiste. Et ses chorus à lui l'essence du jazz, à savoir, une accen- basse et et Donald Kontomanou à laissent pantois. Ce qu'il est convenu d'appeler la rythmique (basse-batte- tuation qui permet à l'auditeur de la batterie. Ces trois-là lui tissent un Photo Alain Pelletier hocher la tête et de savourer des va- tapis rouge et or de toute beauté -- la rie) n'est pas en reste. La pulsation est riations inattendues -- pour peu qu'il joie de jouer en si bonne compagnie parfaite, la décoration sobre, juste ce réussisse à faire le lien avec le thème se lit sur leur visage. Les composi- qu'il faut pour ponctuer, mais les so- Du latin jazz pour commencer, avec le Le copilote, Jean Marc Pierna, aux et qu'il discerne donc assez bien la tions retenues pour ce concert sont norités varient. C'est en s'entourant 5tet de Gaëtan Diaz, batteur, qui a percussions, est l’indispensable sou- structure. Ici c'est le cas. Et pour cha- toutes magnifiques, exécutées avec de musiciens hors pair qu'un soliste se renouvelle, et l'écoute que chacun repris du service quelques jours avant tien qui donne sa profondeur, son

cune des quatre individualités une zèle et profondeur. Clairement on a Photo Alain Pelletier prête aux autres est ici exemplaire. (deux concerts au Quartier Libre à relief à une rythmique afro-cubaine façon de jouer ensemble tout en se affaire à ce qui se fait de mieux sur Bordeaux, histoire de ressouder un digne de ce nom. Par chance, une démarquant, le but du jeu étant de la scène française, voire bien au-delà. D'où cette sensation de plénitude qui nous envahit. ensemble qui – métier de musicien excellente sonorisation permet d’en faire preuve de réactivité et d'inventi- D'ailleurs, votre serviteur était si occu- oblige – aurait tendance à se disper- apprécier tous les détails. Un Illyes vité, une spécificité que ces quatre-là pé à écouter chaque note qu'il en a DIMANCHE 25 SEPTEMBRE 2016 ser géographiquement et musicale- Ferfera au saxophone alto dont le illustrent avec brio. Grâce à sa géomé- oublié de prendre des notes. De tous Photos Alain Pelletier ment en fonction des engagements son est plus proche de celui d’un trie variable, le groupe instaure un dia- les trompettistes hexagonaux, Eric Le de chacun). A une ou deux exceptions Miguel Zenon que d’un Paquito d’Ri- logue captivant entre les instruments Lann est probablement le plus uni- Le temps qui était au beau fixe jusqu'à près, les compositions sont celles du vera, et Simon Chivallon, au piano, -- chaque pause crée un suspense versellement reconnu et apprécié, car hier a tourné, des orages sont annon- leader : d’une esthétique que l’on se chargent de faire défiler les notes haletant. Mais après avoir coupé le c'est celui qui après avoir assimilé les cés. Le pique-nique et les concerts pourrait qualifier de classique, elles et les accords tandis que la contre- souffle à l'auditeur, Didier Ithursarry et codes aujourd'hui canoniques du lan- gratuits de l'après-midi qui auraient fleurent bon la modernité, car les cir- basse de Samuel F'hima maintient ses comparses lui insufflent du grand gage des Lee Morgan, Clifford Brown permis de toucher un large public fa- convolutions des lignes rythmiques et une pulsation bien décalée, faisant la air et lui donnent la sensation de res- ou Freddie Hubbard, n'a jamais com- milial n'auront pas lieu au parc comme mélodiques déjouent les calculs : elles jonction entre phrasé bop et déhan- pirer plus profondément qu'avant, du plètement coupé les ponts avec cette prévu. Les organisateurs comptent nous font virer en épingle dès que chement latin et se fondant dans ce grand art, en somme. Ce groupe-là noble tradition, et malgré sa parti- sur le bouche-à-oreille et les réseaux l’on pense aborder une ligne droite. paysage tropical. Au milieu de cette

devrait atteindre une renommée in- cipation à une quantité de projets sociaux pour annoncer le repli sur le Le pilotage est adapté, et l’on explose vie trépidante et gaie, une magnifique Photo Alain Pelletier 26 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 27 FESTIVAL > ANGLET FESTIVAL > ANGLET

ballade qui fait monter les larmes aux de tout repos, mais l’exercice de la yeux. L’on souhaite que des tournées liberté est jubilatoire. fréquentes permettent à ce groupe de conserver cette dynamique et de Terminons sur le feu d’artifice que s’installer dans la durée. nous a concocté Offground Tag, collectif Toulousain réunissant Pas- C’est un trio qui prend la relève, res- cal Celma (compos arrangements et sortant de derrière les fagots quelques basse), Fabien Tournier (batterie), titres emblématiques du jazz des an- Mickael Torren (percussions), Gré- nées 70-80, dont certains, comme ce goire Aguilar, claviers David Pau- Mandala de Keith Jarrett, brève incur- tric, (saxophone), Mathieu Haage sion dans le free jazz, ne sont ni des (trompette) et Florent Hortal (gui- Photo Alain Pelletier plus connus, ni des plus simples. Ils basque, petit clin d’œil à l’assistance tare). Cette formation parvient à réa- ont révolutionné le genre. Ces trois locale – Ronnie présente le répertoire, liser une synthèse sans compromis de musiciens chevronnés, dont la cohé- encense son compatriote, l’excellent divers courants musicaux actuels. Une sion se manifeste après quelques me- contrebassiste Darryl Hall, lui aussi dynamique impressionnante, qui va sures-test qui permettent à chacun de du silence et des notes égrenées au Photo Alain Pelletier transfuge de la scène New-Yorkaise lorsque les cuivres sont de la partie, trouvent aussi peu d’écho auprès trouver ses marques, se livrent à cet que les Parisiens ont eu maintes occa- déferlement d’un tsunami sonore par- exercice périlleux. Musique vivante, faitement orchestré, des harmonies allant même dans le dernier morceau de certaines catégories socio-cultu- sions d’entendre, explique ses choix jusqu’à pasticher les Brecker Bros, ou relles que l’on s’évertue à tenter de où l’improvisation tient une place pré- ouvertes qui ne font plus référence au en bon pédagogue et obtient un franc lorsque l’excellent guitariste Florent convaincre interroge. La reprise de pondérante (on le voit dès l’introduc- blues et changent donc totalement succès auprès d’un public composé de Hortal au son légèrement saturé se l’école ou les obligations familiales et tion, l’inspiration du moment va don- le cadre de référence habituel du fan néophytes et de musiciens confirmés. lance dans un chorus tortueux, survo- professionnelles sont-elles des causes ner au morceau un visage inédit, et lambda, l’exploration raisonnée des A la batterie, pieds nus, Pierre Thi- lant le thème auquel il se réfère en y possibles de cette désaffection ou même si les thèmes sont écrits, la mé- modes, la liberté plus importante lais- baud tend la corde raide sur laquelle Photo Alain Pelletier superposant des ambiguïtés majeur- de ce faible intérêt ? L’abondance trique et le découpage sont ouverts sée aux solistes, une synchronisation vont avancer l’un vers l’autre deux mineur, des variations chromatiques, de l’offre culturelle provoque-t-elle à tous les aléas de l’imagination). parfaite… C’est un sans-faute. équilibristes qui doivent se synchro- des notes “out” à souhait, l’on se une polarisation et une dispersion du Le but de ce projet n’est pas seule- niser pour éviter la chute. Les gestes Depuis la sortie de leur premier album demande d’où sortent ces ovnis. public ? Il y a pourtant dans ce festi- ment de “revisiter” des périodes-clés et les regards se croisent. Le groupe Bass Time que de chemin parcouru ! val, qui a su préserver la qualité, lar- et de rendre hommage à des musi- a du cœur et du charisme, il possède Les compositions ont subi une re- Fabuleux. Inutile de dire que nous gement de quoi satisfaire toutes les ciens vivants ou disparus. Il est aussi également ce je ne sais quoi, une fonte, entièrement ré-harmonisées et attendons la sortie de leur prochain tranches d’âge et élargir le niveau de de réaffirmer la liberté et l’instanta- façon d’infléchir les phrases que l’on réarrangées, et le formidable travail album avec impatience, et que nous conscience de toute une population. néité d’une forme d’art afro-améri- retrouve chez tous les grands jazzmen d’écriture de Pascal Celma, bassiste surveillerons chacune de leurs appari- A chacun de nous de le faire savoir ! caine qui a gagné de haute lutte son – ça s’appelle le swing, je crois ! Et ça, fondateur du groupe, porte ses fruits. tions dans la région. droit de cité, et pour l’artiste, d’appor- on ne peut guère le préparer, c’est Une part de mystère et de magie dans Avec l'aimable autorisation de Au dire de tous ce festival d’Anglet ter sa contribution unique, si modeste sur le moment que cela fonctionne la création. Pas étonnant que, tout Marylène Cacaud reporter photo- édition 2016 était formidablement soit-elle, à un art collectif riche d’une ou pas. La mise en place d’un thème aussi novatrice, la seule reprise de la graphe, passionnée de jazz aus- réussi. Une programmation auda- histoire déjà formidablement variée, démoniaque comme celui de Keith liste, My Favorite Things, ait fait un si. Sa nouvelle exposition photo- cieuse, un accueil chaleureux pour de montrer sans artifice qui il est. Po- Jarrett est redoutable, il y a bien eu triomphe lors de sa sortie : la mélo- graphique “Portraits de Jazz” est les musiciens et journalistes, un sou- lyglotte éminemment sympathique, quelques hésitations, une note étran- die du bonheur est ici relookée avec visible en novembre et décembre ci du bien vivre et de bien faire, un Ronnie Lynn Patterson sait mettre gère de-ci de-là, mais devant nous impertinence, un peu comme un ma- à Limoges au restaurant Le France. cadre idéal. Regrettons toutefois la le public dans sa poche. Mêlant avec s’est construit un édifice éphémère nifeste qui affirmerait l’ambition artis- facebook.com/marylene.cacaud humour à un français déjà respec- qui remet les pendules à l’heure en en sous-représentation des jeunes et des tique de ce groupe. Ivan-Denis Cormier table trois autres langues – l’espagnol stoppant le mouvement, seul compte actifs lors des concerts des vendredi qu’il maîtrise apparemment fort bien, l’instant. Le libre arbitre, qui remet La puissance rythmique de l’en- et samedi soir. Que les efforts des or- l’anglais, sa langue natale et même le l’art et l’artiste en question, n’est pas Photo Alain Pelletier semble est constante, irrésistible, et ganisateurs et de tous les bénévoles 28 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 29 INTERVIEW > FRÉDÉRIC THALY

nationale”. Frédéric Thaly en est qui étaient une “certification” de le chargé de communication/ mon implication culturelle durant mes directeur artistique, le jazz est années estudiantines à Paris de 1983 sa passion et c’est un réel plaisir à 1993. De retour au pays en 1993, que de le retrouver chaque année j’ai occupé les fonctions de respon- dans un autre célèbre festival, j’ai sable de communication et chargé nommé Jazz in Marciac, dont il est culturel dans une municipalité durant devenu l’un des fidèles incontour- 14 ans, tout en travaillant ponctuelle- nables. Les discussions vont bon ment avec le CMAC, l’un des opéra- train avec lui et ses yeux brillent teurs culturels majeurs du pays, que j’ai intégré depuis 10 ans.

Photo Benny quand il s’agit de nous faire par- tager ses dernières découvertes AJ : Quels sont les musiciens qui t’ont martinique de nouveaux talents, témoins de le plus marqué ? l’effervescence des scènes cari- béennes. Frédéric Thaly se dit FT : Ma seconde passion pour la pho- FRÉDÉRIC “militant culturel”, il a bien des tographie, m’a amené à vivre des festival 2016 choses à nous dire, alors voici son “nuits bleues” dans des clubs, fes- jazz tivals, au plus près des musiciens en interview. 24 nov. tentant de figer la musique sur le pa- pier. J’ai donc beaucoup vu de musi- THALY Action Jazz : Comment est née ta ciens. Parmi les plus marquants, Miles Rencontre Afrique-Amériques-Caraïbes passion pour le jazz ? Davis, Sonny Rollins, Coltrane, Archie 4 déc. Shepp, Chucho Valdes, Eddy Louiss, MARTINIQUE Frédéric Thaly : A l’âge de 12 ans, , Eugène Mona, Alain après un cadeau d’un disque de Duke Jean-Marie, Chyko Jehelman, Bib Ellington par une femme de ménage Monville, Joe Zawinul, Hank Jones, jazz festival et avec la présence de mon voisin Ami Abbey Lincoln, Stan Getz, Dizzy Gil- Léon (docker) qui écoutait du Jazz ré- lespie… Par Dom Imonk gulièrement. Qui a dit que c’était une musique élitiste !! Puis rapidement, AJ : En marge de la musique, quelles en 4ème entre copains, nous avions furent tes autres rencontres impor- tantes ? Chaque année se tient à Fort-de- cette passion commune avec le “Latin France le Martinique Jazz Festi- Jazz” en s’échangeant des cassettes FT : Aimé Césaire, Edouard Glissant, val, une manifestation toujours et des disques. A cette époque, on Marius Gottin (plume habile parti très attendue, car elle propose à pouvait entendre ces musiques à la trop tôt), Syto Cavé, Frankétienne, chaque fois un plateau d’artistes radio le midi ! Nous écoutions Chick Derek Walcott, Hector Pompée (qui renommés, ce qui attire un public Corea, Bob James, Spyro Gyra, Ruben a créé les voyages Martinique-Cuba averti. Cette année les festivités Blades, Sonny Rollins.... durant les années héroïques), Toto se dérouleront du 24 novembre Bissainthe, André Constant, Francis AJ : Peux – tu en quelques mots nous au 4 décembre. Les concerts se Marmande, Ignacio Ramonet (qui a décrire ton parcours professionnel ? donnent dans diverses communes été mon professeur), Edwy Plénel et et plus spécialement à l’Atrium, FT : D’abord une formation scienti- son père Alain, René Dumont, Serge rebaptisé l’an dernier Tropiques fique jusqu’à la licence de maths, puis July (durant mon stage à Libé) les Atrium, belle salle de 950 places, un basculement dans la communica- plasticiens du groupe Fwomajé, Gar- assortie désormais du label “Scène tion et la gestion de projets culturels cin Malsa (un des pères de l’écologie 30 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 31 INTERVIEW > FRÉDÉRIC THALY INTERVIEW > FRÉDÉRIC THALY

rette par exemple. Ces pays arrivent c’est un élément de décloisonnement Nous n’additionnons pas des noms. à travers cette offre touristique à faire et de démocratisation, on verra avec Aussi nous souhaitons que ce festival venir des artistes tels Marc Antony, le temps, mais il faut prendre cette mette en lumière les talents locaux et Kenny G, Angie Stone, Alicia Keys, voie en y mettant des offres de qualité de la Caraïbe, notamment les jeunes. Snarky Puppy. Notre festival, modeste et en faisant en sorte que ce média ne Nous avons d’autres rendez-vous jazz en terme de budget (300/400 000 devienne pas un enjeu de spéculation durant la saison. €), a une notoriété certaine et est un financière. AJ : Comment vois-tu le futur du espace d’éducation. A part Miles Da- AJ : Peux-tu d’ores et déjà nous dé- jazz ? vis et Keith Jarrett, la liste est longue voiler la programmation du Marti- des pointures accueillies en Marti- FT : Le jazz n’est pas figé, il se renou- nique Jazz Festival 2016 et tes coups velle, se régénère aux confluences

Photo Blind nique depuis 1983, date de naissance de cœur ? du festival (annuel depuis 2007), dans de multiples influences à l’image du politique en Martinique),… Une jour- AJ : Peux-tu nous parler des musi- tous les styles : Marcus Miller, Monty FT : La thématique Rencontre Afrique- monde qui vit ce processus de créoli- née avec Compay Segundo ! ciens de la scène locale ? Quels sont Caraïbe-Amériques illustrera les sation continu (Cf Edouard Glissant).

Alexander, Ahmad Jamal, Joe Zawi- pressphoto-by-george-braunschweig-gm-press les autres lieux où l’on peut écouter connexions, connivences, interactions Qui imaginerait manger des nems au AJ : Peux-tu nous faire un bref histo- nul, Shirley Horn, Paquito D’Rivera, en s’installant à Tanger, en jouant du jazz en Martinique ? entre ces 3 pôles géographiques qui foie gras à Marciac ! rique du Tropiques Atrium ? Branford et Wynton Marsalis, Didier avec les Gnawa. Il incarne notre thé- FT : Cette scène existe depuis le siècle Lockwood, Michel Legrand, Stanley partagent des pans d’histoire. Entre matique. Honneur et Respect… Leyla AJ : Pour clore l’interview, la tradi- FT : Tropiques Atrium a été créé en dernier et déjà à Saint-Pierre avant Clarke, Lucky Peterson… brassage et dialogues de cultures Mc Calla, qui a fait la 1ere partie de tion, c’est le mini questionnaire : 2015. Né de la fusion du CMAC et de le festival invite à entendre diffé- Si tu étais : l’éruption de la montagne Pelée en AJ : Tu évoquais l’émission Marti- Marcus Miller l’an dernier à Marciac. l’Atrium, c’est un Établissement Pu- rentes expressions musicales issues Un standard ? Round Midnight… 1902. Après la première génération : nique Jazz Festival, soit 7 mn de Haïtienne, installée à la Nouvelle Or- de grands pôles de la zone : Haïti, Tri- (je travaille et vis la nuit !) blic de Coopération Culturelle (EPCC) Michel Sardaby, Alain Jean-Marie, prime time journalier, mais aussi tes léans, violoncelliste, elle chante en en nidad, Cuba, Puerto Rico, mais aussi qui bénéficie du label Scène nationale Eddy Louiss, on assisté à l’émergence expériences de journaliste radio. Ces créole, anglais et français. A 30 ans Un musicien ? Miles Davis… du ministère de la Culture et de la de musiciens comme Mario Canonge, médias sont-ils toujours efficaces de Martinique et des diasporas. Le elle symbolise ce jazz d’aujourd’hui, (pour cette capacité de régé- Communication. Dotée d’un budget Ronald Tulle, Gille Rosine… Le groupe pour promouvoir la musique ? Martinique Jazz Festival sillonnera la Espace de créolisation. Enfin Maher nération permanente) global de 3,7 M, avec une équipe de Fal Frett fête ses 40 ans cette année et Martinique et proposera des concerts Beauroy, jeune Martiniquais qui étu- Un instrument de musique ? FT : Nous produisons cette émission 32 permanents (auxquels s’ajoutent aujourd’hui une génération de trente- pour les scolaires. Evénement culturel die à Berklee et qui vient avec un Une contrebasse durant le festival pour assurer sa Un concert ? Miles Davis au Zénith des intermittents), la structure pro- naires arrive. A la différence des aînés, fort, fédérateur, de notoriété inter- quintet cosmopolite et Grégory Pri- promotion. Il est à déplorer qu’il n’y nationale, le Martinique Jazz Festi- Un roman ? Le siècle des lumières gramme environ 160 représentations beaucoup vont se former dans des vat, que nous avons vu grandir, qui a aucune émission culturelle en télé val contribue à l’expression de notre d’Alejo Carpentier (Car l’ombre par saison. écoles de jazz en France ou aux Etats- vient de signer chez ACT ! Il nous pré- depuis quelques années. Certes, il y a identité. Un festival riche de ren- est l’alter ego de la lumière...), Unis. Citons : Grégory Privat, Maher sentera son nouveau projet unanime- AJ : Quelles sont les autres activités des concerts diffusés tard la nuit, mais contres, de découvertes, d’émotions Cahier d’un retour au pays natal… Beauroy, Olivier Bertrac, Tilo Bertho- ment salué par la presse. culturelles que propose Tropiques la programmation en radio est anec- et de swing ! mais ce n’est pas un roman. lot, Marc Cabrera… L’absence de Atrium ? dotique. Les réseaux sociaux se déve- AJ : As-tu déjà des souhaits pour la Une ville ? La Havane conservatoire ou d’école régionale, et loppent et sont un bon vecteur pour Parmi les invités : Randy Weston, programmation du festival 2017 ? FT : Scène pluridisciplinaire, elle pro- Y aura-t-il des concerts jazz entre Merci Frédéric ! la précarisation des artistes font que ceux qui en ont les moyens et l’accès, Paco Séry, C.A.B (Caraïbes-Afrique- pose de la danse, du théâtre, du temps ? beaucoup s’expatrient. On peut tou- car la fracture numérique existe en Brésil) – Projet de Mario Canonge) , Propos recueillis par Dom Imonk cirque, du cinéma et des arts visuels. tefois écouter du jazz dans des petits Martinique. Ceïba, Alune Wade & Harold Lopez- FT : Elle prend déjà forme, notam- Dans un équilibre des genres nous lieux et dans les deux autres festivals Nussa, Leyla Mc Calla, Grégory Privat, ment avec les rencontres initiées lors AJ : En tant que communicant, que Martinique Jazz Festival 2016 tentons de toucher le maximum de que sont le Lamentin Jazz Project et Moh ! Kouyaté, Poncho Sanchez…. des festivals visités durant la saison : penses-tu des réseaux sociaux ? Sont- Du 24 novembre au 4 décembre publics, dont les “publics empêchés” Biguine Jazz. Enfin presque toutes les Coups de cœur : A coup sur Randy Jazz in Marciac, Banlieues Bleues, ils un moyen adapté et durable pour (prison, hôpital, enfants déficients) îles de la Caraïbe ont un festival de Weston qui a 90 ans, célébré brilla- Rencontre Afrique-Caraïbe-Amérique développer la musique ? Sons d’hiver, Paris Jazz Festival… mais avec des spectacles aussi en décentra- jazz, même si souvent ce genre y est ment à Jazz à Vienne en juillet der- Infos – 0596 70 79 29 nous essayons chaque fois d’avoir www.tropiques-atrium.fr lisation. De nombreuses formations minoritaire, mais c’est une offre. On FT : En rappelant que cet accès nier, a traversé tous les courants du une ligne éditoriale qui décline l’ac- sont aussi organisées pour les profes- ne joue pas sur les mêmes budgets concerne une minorité de l’humanité jazz. Musicien engagé, référence de tualité du jazz dans sa diversité, sans sionnels et les amateurs (théâtre). et législation sur l’alcool ou la ciga- comme l’eau potable et l’électricité, la Great Black music, il a fait le voyage oublier les racines et les fondations. 32 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 33 JAZZ AU FÉMININ > JAZZ AU FÉMININ > CEIBA

Par Irène Piarou famille de musiciens. J’ai d’abord lement. J’ai aussi eu la chance de tra- Photo Stéphane Monserant été bercée par les musiques tradi- vailler en France avec des personnes tionnelles poitevines jouées par mes incroyables qui m’ont transmis leur parents à l’accordéon. Tous deux ne savoir. Ton nom de scène est Ceïba, com- vivaient pas de la musique, mais elle Tu as différents répertoires, avec qui ment l’as-tu choisi ? était très présente dans leur vie. J’ai travailles-tu et quelles sont tes in- Ce nom est entré dans ma vie lors pu aussi suivre des cours de piano, car fluences musicales ? d’une discussion sous un arbre à Bou- c’était le métier de ma grande sœur et de ma grand-mère. Il y a d’abord mon quartet (qui porte can Canot sur l’ile de La Réunion. Il se mon nom). Je suis accompagnée par trouve justement que “la ceiba” est A 15 ans, je découvre la musique et Valérie Chane Tef au piano, Franck un arbre que l’on retrouve dans plu- la danse africaine et prend des cours Leymerégie au set de percussions et sieurs pays sous différentes formes. avec Ablaye M’Baye. Je fais un pre- Benjamin Pellier à la basse. C’est le Le célèbre “arbre à palabre” africain mier stage de percussions en Afrique projet dans lequel je suis le plus inves- en fait partie. C’est à l’ombre de cet deux ans plus tard. Cette nouvelle ou- tie et avec lequel je tourne principa- arbre que j’ai passé des heures à étu- verture sur le monde me bouleverse. lement. Le répertoire est composé de dier les tambours “bougarabou” au Ceïba Je quitte ma ville natale (La Rochelle) chants traditionnels et de composi- “Faire l’effort Sénégal, dansé entre ses racines en juste après mon BAC pour intégrer tions dans plusieurs langues, mélange Guinée pour m’abriter du soleil, ou de mes influences et du “jazz créole” d’aller vers une formation professionnelle au discuté pendant des heures à Cuba… apporté par Valérie. Les garçons y ap- C.I.A.M à Bordeaux où je développe l’inconnu, Comme la musique africaine, cette portant aussi un soutien indispensable les percussions et le chant dans les famille d’arbre a traversé les mers : on avec leur sens aigu du groove et des dans la musique musiques africaines et caribéennes. en trouve par exemple en Amérique rythmes métissés ! Nous travaillons comme du sud et dans l’aire caraïbe. En parallèle, je suis des cours de danse en ce moment sur un nouveau projet Ce nom est donc né de cette discus- sénégalaise, congolaise, béninoise intégrant de la danse au spectacle. dans la vie “ et guinéenne, passionnée par les sion avec des amis, puisqu’ils trou- Ensuite il y a l’ensemble IRAWO. Je di- 3 pôles indissociables de ces mu- vaient tous que c’était assez parlant rige 25 chanteurs et percussionnistes. siques : chant, danse et percussions. par rapport à mon parcours. J’ai choi- C’est un beau projet où nous travail- Et bien sûr je saute dans un avion dès si d’y ajouter le tréma à l’écrit pour lons exclusivement sur un répertoire que j’ai trois sous de côté : je travaillais que la prononciation ne soit pas dé- de musique traditionnelle afro-cu- en parallèle de mes études artistiques formée. baine. J’ai pour objectif d’emmener pour pouvoir me payer des voyages toute l’équipe à Cuba en 2017. J’ai eu plusieurs noms d’adoption et et apprendre sur place. Une vie bien de surnoms durant mes voyages (sur- remplie ! J’ai commencé ma vie de Il y a aussi DJAZAME, groupe avec tout en Afrique où l’on aime bien musicienne professionnelle à 21 ans. lequel je travaille sur des reprises de donner un nom dans la langue prati- chansons françaises connues et in- Tu es une grande voyageuse, quels quée par la famille qui vous accueille). connues complètement réarrangées, pays sont devenus pour toi source Celui-là je l’ai complètement adopté. d’inspiration ? c’est vraiment un moment partagé Il fait partie de moi aujourd’hui. entre copains musiciens, on s’amuse Tous les pays que j’ai traversés ont été beaucoup, on “joue” au sens propre La musique et le chant sont entrés à une incroyable source d’inspiration. du terme ! De la chanson jazz avec quel moment dans ta vie, ton envi- Le continent africain (en particulier beaucoup d’âme (ne me demandez ronnement familial a-t-il été favo- l’Afrique de l’ouest) dans un premier pas d’où vient le nom), occasionnel- rable ? temps puis toute l’aire caraïbe. Les lement j’accompagne aussi le groupe J’ai eu la chance de naître dans une voyages m’ont nourri, mais pas seu- de reggae RYON aux chœurs avec 34 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 35 JAZZ AU FÉMININ > CEIBA

Comme on offre un bijou Il grava ce précept Appelé “principe” ou quelques pas de danse aux côtés de Je travaille les percussions depuis qui m’ont marquée profondément ; et “Théorème d’Archie Shepp” : Julie Roman et je suis percussion- l’âge de 15 ans. Je les ai beaucoup le côté “sombre” du monde que j’es- niste/choriste au sein du groupe Oya plus étudiées que la voix. Mes études saie de transcender en quelque chose Express (musique afro-latine). et diplômes de musique, c’était dans de positif. Quand je chante, tout ça cette matière, même si le chant était “Tout corps plongé dans le Quelles sont les chanteuses que tu est présent en moi. écoutes et qui t’ont permis d’être ce déjà présent. J’ai la chance d’avoir Swing subit une poussée que tu es aujourd’hui ? aussi quelques notions de piano qui Quel regard portes-tu sur le monde me permettent de poser des bases sur musical d’aujourd’hui et si tu avais Verticale vers les cieux ; Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Martha mes compositions et j’étudie actuelle- un message à transmettre, quel se- Galaraga (Cuba), Rokia Traoré (Mali), Bref, se sent décoller. ment l’harmonie pour pouvoir déve- rait-il ? Susanna Baca (Perou), Toto la Mom- lopper cette créativité et aller plus loin posina (Colombie), Césaria Evora dans l’improvisation et la précision. Ca dépend de ce que l’on appelle “le (Cap Vert), Camille (France), Youn monde musical” .Si l’on entend par Grâce à cette envolée, Donnes-tu des cours de chant et ai- Sun Nah (Corée), Björk … Il y en a tel- cela ce qui est proposé au plus grand lement, ce n’est qu’un petit échantil- merais-tu transmettre à des enfants Ascension insensée, nombre via les médias je trouve que lon… Et puis il y a les chanteurs aussi ! ou des adultes ce que tu as appris ? c’est assez catastrophique. En par- En pleine voie lactée J’ai énormément regardé et écouté Je ne donne plus de cours réguliers ticulier sur le public ciblé enfants/ Brel, fascinée par son charisme et son pour le moment, car j’ai décidé de On s’en va rêvasser…” interprétation. consacrer mon temps aux projets que ados. Il n’y a pas longtemps, je me suis retrouvée dans une voiture avec As-tu un CD en préparation et quels j’emmène sur scène. Mais je mets en sont tes prochains concerts ? pratique ce que j’ai appris en tant la musique à fond d’une radio ayant Franck Oflo que chef de chœur de la chorale pour audimat ce public. Ca faisait Oui ! Je suis en pleine création pour Irawo, j’essaie de les guider au mieux. longtemps que ça ne m’était pas ar- le deuxième album… J’écris, je tapote J’anime aussi quelques stages dans sur mon piano, je fais des essais. On rivé. J’ai vraiment été ahurie par la l’année. Je serai par exemple une commence à travailler sur les arran- pauvreté de la proposition artistique, semaine en Belgique cet été dans le gements. L’univers de ce 2ème opus l’agressivité du son (infrabasses et ul- cadre de l’AKDT. commence vraiment à se dessiner. Le tras aigus) et choquée par le fait que planning est établi, l’album devrait La dernière fois que je t’ai entendue les voix sont tellement déformées par sortir mi-mars 2017. chanter, je t’ai trouvée lunaire et les effets qu’on dirait qu’elles ne sont rayonnante où puises -tu toute cette Plusieurs concerts sont à venir. Le pro- énergie ? pas humaines… chain, on le prépare avec attention A côté de ça il y a tellement de musi- puisque nous avons la chance de par- L’énergie, je la puise à l’intérieur de tir jouer sur une scène immense pour moi, dans un endroit où je garde ciens merveilleux sur cette planète… le festival TERRE DE BLUES à Marie toute l’émotion que j’ai reçue de J’en découvre tous les jours. Si j’ai un Galante (île Guadeloupéenne) pour différentes rencontres artistiques et message à transmettre, ce serait sim- l’ouverture du festival le 13 mai. On l’amour de la musique qu’on m’a plement de faire l’effort d’aller vers a hâte ! transmis. Dans mon chant il y a toute l’inconnu, dans la musique comme mon histoire, chaque visage, chaque dans la vie : il y a tellement de belles Il y a aussi des concerts plus proches paysage, chaque discussion, chaque choses à découvrir en dehors des sen- bien sûr, toutes les dates sont sur mon anecdote, toute l’attention et la bien- site (www.ceibamusic.com) veillance que j’ai reçue pendant ces tiers battus ! La voix est considérée à juste titre voyages. Il y a aussi toutes les souf- Propos recueillis par Irène Piarou comme un instrument, mais joues-tu frances et la mélancolie que j’ai en- d’un autre support musical ? tendu s’exprimer à travers le chant et 36 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 37 FESTIVAL > MARCIAC FESTIVAL > MARCIAC

nuit est belle. Ce soir, c’est un sextet les sièges, on écoutait insouciant la formé d’excellents jeunes musiciens, musique, les yeux à l’affut des étoiles que l’on reverra par ailleurs. Alex filantes. Monfort (du trio AMT) est au clavier Alexandre Monfort nous a donné ren- électrique, Olivier Gay (de l’Isotope dez-vous le lendemain vers 17 heures, Trio) à la trompette, Oscar Siffritt à la pour le retrouver en trio acoustique guitare, Jean-François Mercadié au à Bulles de Jazz, un joli établissement sax ténor, Gabriel Pierre à la contre- au coin d’une petite ruelle, non loin basse et Tom Peyron à la batterie (lui de là. Un endroit très accueillant où aussi de l’Isotope Trio). Tous issus de le champagne est excellent et la mu- l’école Didier Lockwood, sauf Gabriel sique de qualité. On ne s’est pas fait Pierre qui a suivi d’autres études à prier. Les notes envahissent le bar, le Paris, Alex Monfort leur a trouvé un trio joue quelques compositions fort nom : Le “Cmdl jazz collective”. Pas bien enlevées du leader. On retrouve mal ! Un combo en forme de croise- avec plaisir Gabriel Pierre à la contre- ment, particulièrement efficace, qui basse et Tom Peyron à la batterie. Une va nous endiabler la soirée à force joyeuse complicité les unis. Ces jeunes d’un jazz groove vraiment musclé, savent jouer, pas comme des machines s’appuyant sur des reprises ronde- ou des têtes bien pleines d’accords et ment menées. Jugez plutôt, on a eu de partitions, mais comme des arti- droit au “Wayne's Thang” de Kenny sans du musical neuf, avec leur per- Garrett, au “Watermelon Man” de sonnalité, leurs manies, leurs trucs, et Herbie Hancock et les Headhunters cette inventivité fraîche et décidée qui et au “Footprints” de Wayne Shorter, nous a tous emballés. Ajoutons à cela version Terence Blanchard. Ces mor- qu’en guise de cadeaux, on a eu droit ceaux ont enchanté le public car ils à quelques standards joliment revisi- Marciac furent prétextes à de belles improvi- tés, dont une belle version de All the Tout festival de jazz devrait avoir droit 3° mi-temps musicales qu’on n’aurait l’on peut y écouter de la bonne mu- sations et de beaux chorus, tels qu’on things you are, et un Naima carrément à ses “after-hours”, moments privilé- manquées sous aucun prétexte, et sique jusqu’à une heure avancée de les aimait tant dans les seventies. Pas speedé. Comme quoi à Marciac, pour de limite, les thèmes se développent, AFTER giés d’après-concert, sorte de cellules qui se déroulaient près du grand bar la nuit. Une aubaine ! Ainsi, dans la savourer un jazz frais et pétillant à ils sinuent dans la nuit comme on psycholo-jazzistiques où des musi- au pied du chapiteau. Des musiciens douce nuit du 06 août, alors que cer- souhait, avant ou après l’heure, c’est cruise sur le sunset boulevard, la lune ciens viennent taper la jam, laissant du bis y jouaient jusqu’à pas d’heure, tains avaient pu se trémousser sur aussi la bonne l’heure ! surveille tout ça, les verres tintent et HOURS souvent la part belle à l’improvisation. quelquefois rejoints (ou simplement les rythmes endiablés du chapiteau, Dom Imonk les rires fusent. Le groupe a invité de Par Dom Imonk, Tout ça pour un public insomniaque, observés) par de grands noms, qui avec le Volcan Trio, suivi du Rober- sérieuses pointures qui s’en sont don- photo Thierry Dubuc encore sous le choc des concerts juste venaient juste de terminer leur set sur to Fonseca “Abuc”, et que d’autres né à cœur joie en une jam qui nous a vécus, ravi que la fête continue, et de la grand” scène. Le public adorait ! avaient préféré le confort feutré de tous conduits vers les deux heures du pouvoir ainsi se soigner en s’aban- Au fil du temps, les choses se sont l’Astrada, avec Jazz & Harmonies mat” : Gustave Reichert à la guitare, donnant en d’interminables et joyeux déplacées vers le Marciac “down- (Harmonie des Petites Landes) et LPT3 très fine lame de la six corde, déjà pré- “débrifs”, autour de quelques moji- town”, dans quelques lieux privés qui invitait Michel Marre, nous nous sent l’an dernier, et Illyes Ferfera au tos, et autres rafraîchissements. Dans comme l’Atelier ou, plus récemment, sommes retrouvés sur cette fameuse sax, carrément coltranien ce soir-là, et le Gers, l’on ne déroge pas à la règle le J Go. Lieux sympathiques, vivants et place pour assister à un concert bien bouillant comme la braise. Bref, une et à Jazz in Marciac en particulier, où vite bondés. Mais il y a aussi la place vitaminé, suivi d’une jam mémorable. Marciac night jam session de feu ! On tout le monde se souvient des très principale du village, plus aérée, celle Il y a de la place pour tous, l’ambiance s’est couché tard, mais personne n’a riches heures du passé, ces fameuses où se tient le bis dans la journée, et est décontractée, il fait bon vivre et la regretté ces instants-là, où, affalés sur 38 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 39 FESTIVAL > MARCIAC FESTIVAL > MARCIAC

mais qui partagent pourtant quelque Pour nous, l’équipe de production, eu la chance de parler un peu avec chose d’invisible qui, d'une façon ou c’est l’émotion et l’excitation. Et pour lui (et discuter quelques secondes d'une autre, les rassemble. Et ils en moi c’est aussi la peur : aurais-je bien de son interprétation de “Alfonsina partagent aussi bien les bons mo- noté les heures d'arrivée de chaque y el mar”, chanson que j’adore). Le ments, que les problèmes, les petits artiste ? Est-ce que je n’aurais pas partage avec le grand pianiste Michel comme les plus grands. Et c’est là, au oublié le logement de quelqu’un ? Il Camilo me racontant comme il aime , milieu de ce foyer, que nous, les sta- ne faut surtout pas laisser un artiste la nourriture péruvienne, m’a laissé Marciac sans transport, n’est-ce pas ? (les cau- entrevoir une personne d’une grande giaires, débarquons. chemars que j’ai fait en pensant à la gentillesse. Les Snarky Puppy et Gogo Comment parler (ou penser) de Mar- possibilité d’oublier Avishai Cohen [le Pinguin ont montré qu’ils ont autant depuis le ventre ciac en dehors du festival ? Voilà une contrebassiste], mon héro de jazz, à d’énergie sur scène qu’en dehors, tâche dure à réaliser. Mais je le fais l’aéroport tout seul sans personne et Michael League a pris le temps quand même parce que derrière ce du géant : pour le récupérer !). de parler avec tous les jeunes qui festival ce ne sont pas moins de 850 l’attendaient en backstage. Le jovial bénévoles qui donnent une, deux ou Dès les premiers jours du festi- Jamie Cullum et Hugh Coltman nous Chronique trois semaines de leur temps pour val, l’équipe technique reprend ses ont donné une soirée émouvante. faire vivre plus qu’un festival : une bonnes habitudes, travaille et s’amuse Un petit moment partagé avec le d’un stagiaire fête de partage. C’est véritablement avec efficacité. La plancha du soir en grand Charles Lloyd, qui m’a rapi- un village entier qui se prépare pen- coulisse est un moment pour se relâ- dement raconté son histoire avec la de Jazz in Marciac dant des mois pour accueillir les visi- cher et partager une bière avant le chanson “Rabo de nube” du chan- concert. Pour nous, il n’y a pas encore Par Carlos Olivera teurs et les artistes. Il est aussi difficile teur cubain Silvio Rodriguez. Et mon de décrire l’engagement de tout le de relâche, car Air France est en grève ; affiche du festival qui se remplissait monde dans cette tâche que d’expli- donc, c’est la folie : changer des bil- rapidement des signatures de tous les Quand un amateur de jazz entend le cadre de mes études au sein d’une plus inattendus comme une espèce quer la transformation qui s’opère. lets, des horaires, acheter les billets de artistes qui sont passés par Marciac. le nom de Jazz in Marciac (ou “Jim” institution culturelle et Jazz in Marciac de secret que tout le monde partage. train, transférer l’arrivée d’un artiste Un jour on arrive sur la place de la Et bientôt le festival arrive à sa fin pour les intimes), la première chose était parfait pour accomplir cet objec- Pour un citadin comme moi arrivant d’une ville vers une autre et coordon- mairie et il est impossible d’y recon- et l’on voit l’exode des bénévoles qui lui vient en tête c’est l’idée d’un tif. de Lima (ville de 9 millions d’habitants) ner les pickups. Après ce moment naitre le village : d’où viennent ces démarrer, les “au revoir et à l’année grand festival (le plus long de France), ou même Bordeaux (qui est une ville de panique (oui, je vous avoue que Donc, je suis arrivé au village un prochaine” s’entendent un peu par- les plus ou moins 250 000 visiteurs, de taille respectable) le changement étrangers parlant des langues incom- dimanche après-midi de début mai. j’ai paniqué deux ou trois fois), tout tout. Une sensation de nostalgie et les artistes de renommée mondiale, est énorme. Marciac, c’est vraiment la préhensibles installés à notre Café des Et à Marciac, petit village de 1250 a été un peu plus facile. La joie des de vide commence à nous surmonter, la foule de visiteurs et, bien sûr aussi, campagne. sports de Marciac (le PMU, quartier habitants dans le Gers (je pense qu’ils festivaliers s’est d’une certaine façon et je me demande “comment pour- le camping, le foie gras et les fêtes général des stagiaires !) ? Mais oui, sont 1251 en comptant mon amie L’accueil y est chaleureux, la nourriture transposée à l’équipe, et les apéros rai-je retourner à ma vie à Bordeaux, de campagne. Ce qui fut aussi un c’est le début du festival, et l'agita- colombienne Alex, qui y a emménagé excellente et abondante de même par-ci par-là ont pallié le stress des à mes études et à la routine après peu mon cas. Moi, Péruvien arrivé en tion a pris en otage tout le village. il y a quelques années !), rien ne me que le vin (et l’armagnac !). Il ne m’a moments de crise qui ont pu parfois cette expérience ?” France peu de temps avant, ce qui me laissait imaginer que quelques mois pas fallu longtemps pour découvrir la Une armée de Mini Cooper estampil- éclater. Pour moi, ce furent 17 jours Ces 3 mois et demi à Marciac ont été venait en tête quand j’entendais par- plus tard se déroulerait l’un des plus réalité de Jazz In Marciac. Ce n’est pas lées “Jazz in Marciac” occupe le Che- d’une intensité indescriptible, sou- des mois d’apprentissage, ils ont lais- ler de Marciac, c’étaient les vidéos des importants festivals de jazz d’Europe. la grosse structure que j’avais imaginé min de ronde (la voie principale de lagée par la chaleur humaine, toute sé de grands souvenirs et surtout de concerts sur YouTube, les artistes, et Mais petit à petit s’en retrouvent des (mais vous, comment imaginiez-vous Marciac) et les chauffeurs, membres aussi indescriptible, de l’équipe du grands amis. l’idée d’un festival énorme et lointain. indices sous un printemps spéciale- JIM avant le festival ?). Le mot le plus de l’équipe de bénévoles, retrouvent festival. Et bien sûr, par la musique. Mais tout a changé le jour où je suis ment pluvieux et froid : des affiches juste pour le décrire serait simplement dans la joie leurs voitures et leurs col- 17 jours de musique magnifique, Carlos Olivera arrivé à Marciac en tant que stagiaire. de jazz par-ci par-là, des images de “famille”. Une famille au sens philo- lègues ! Bars et cafés ont fleuri dans mais aussi de rencontres avec des Arriver à Marciac et travailler pour ce Satchmo, Miles Davis, et bien sûr, sophique. Une espèce de foyer avec chaque coin de Marciac, la musique artistes que j’adore. Clairement, je festival était un rêve pour moi, ama- Wynton Marsalis cachées un peu par- plein de gens de caractères, vies et commence à remplir les rues et le n’ai pas laissé Avishai Cohen à l’aéro- teur de jazz et étudiant en projets tout dans le village. Ainsi que le mot occupations totalement différents, silence devient, littéralement, une es- port, il est arrivé et a fait l’un des plus culturels. Je devais faire un stage dans “jazz” qui se répète dans les coins les qui n’ont des fois rien en commun, pèce en voie d’extinction. émouvants concerts du festival, et j’ai 40 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 41 CHRONIQUE CD > DÉCOUVERTE CHRONIQUE > LECTURE

sont littéralement aériens, géné- ne déroge pas à la règle puisque point de vue donnant à ce livre reux, toujours bien inspirés. Addis Abeba, sa capitale se traduit une dimension littéraire certaine. La deuxième partie s’ouvre sur par “Nouvelle Fleur” titre de ce Sacré personnage que ce Roi René, un registre plus Jazzy, les notes nouveau disque. toujours éblouissant sur scène et deviennent bleues, les balais ca- On s’attend donc à plonger dans plein de verve en dehors. ressent les peaux et les cymbales. l’éthio-jazz, certes ce style y est A Réécouter sans cesse le fabu- présent mais il y a de multiples leux solo de flute d’Hubert Laws connexions avec d’autres univers dans »Forgotten nickname”. Il grâce aux collaborations qui trans- est évident que la réussite de cet forment ce disque en véritable opus est aussi grandement liée au voyage autour de l’Afrique. Fort de Marie Carrié Sébastien Texier Kenny Barron Ed Motta line up présent. Curtis taylor à la leur participation avec Socalled, il y trompette, Charles Owens et Ricky a quelques années, Arat Kilo s’en- Yann Pénichou Quartet Book of intuition Perpetual Gateway Woodard au saxophone, Patrice tourent cette fois du rappeur Mike Autumn Nocture Dreamer Impulse Par Antoine Rodriguez Rushen et Greg Philinganes aux Ladd qui fait son apparition dès le Autoproduction Cristal records Par Vince claviers, Cecil Mcbee jr et Tony premier morceau avec ses spoken Par Philippe Desmond Par Vince Musicien brésilien aux multiples Dumas pour les lignes de basse words qui se mêlent aux chants La signature d’un grand. Non seu- talents et passions. Grand ama- et Marvin “smitty” smith pour les traditionnels de Nardos Tesfaw. Un bel album intimiste dans l'esprit A l’écoute de ce nouvel opus signé lement Kenny Baron est un brillant teur de bonne cuisine et de grands finesses rythmiques de son jeu de Les habitués du Rocher de Palmer des duos de jazz Ella Fitzgerald & Texier “fils” on ne peut que dire pianiste, mais en plus c’est un gars vins. Ed Motta nous propose un batterie. Tous ces musiciens ont ont peut-être apprécié Mike Ladd Joe Pass ou plus pop Tuck & Patti, “Bon sang ne saurait mentir” ou bien, sympathique, accessible, 12ème album où tous nos sens se une expérience au plus haut ni- aux côtés de Serge Teysot-Gay Le Roi René Lubat incendiaire Marie Carrié au chant et Yann Péni- encore “la valeur n’attend pas le affable, qui ne rechigne jamais à délectent. veau et leur talent sublime les dix avec son projet Zone Libre Polyur- Réné Urtreger Jean-Marc Faure chou à la guitare nous proposent nombre des années”… et oui, il faire un selfie (autoportrait photo- Tels les vinyles d’antan, qu’Ed col- compositions du grand Ed Motta baine. Notre curiosité est attisée à Agnès Desarthe Court Circuit lectionne très sérieusement (plus qui épaulé par Kamau Kenyatta, l’écoute de ces atmosphères diffé- une relecture de standards, pas for- n’a pas encore 50 ans ! graphique, en québécois) et encore Odile Jacob Par Philippe Desmond de 30 000), il nous propose “deux pianiste, saxophoniste, arrangeur, rentes qui se marient à merveille. cément – et tant mieux – les plus Mais arrêtons là les citations des moins à trinquer avec un bon verre Par Philippe Desmond faces” avec deux styles qu’il mai- enseignant et producteur nous La suite nous mène plus dans des entendus. Le mot élégance vient de pages roses du dictionnaire, mais de rouge charpenté. (à boire avec est un personnage, trise parfaitement La soul et le propose un disque exceptionnel ambiances extrêmement cuivrées suite à l'esprit à l'écoute de la voix écoutons plutôt le Texier 2.0, celui modération). Et si je l’affirme, c’est Ce festival de Capbreton nous a pour sa musique, pour son petit Jazz. Deux portes ouvertes vers une rempli d’ondes positives et surtout et festives, où des sonorités plus à la fois claire et profonde de Ma- me fait dire que dans cette famille que je peux en témoigner. donné la double chance d'entendre monde d'Uzeste et aussi pour son musique riche, belle, surprenante, de musique enivrante. orientales succèdent à la voix de la rie et du toucher subtil et sobre de on fait de la musique haute cou- En revanche, son dernier album est le pianiste René Urtreger et de le franc-parler. La forme de ce dernier, avec deux approches où toutes les chanteuse malienne Mamani Keita. Yann comme dans “Autumn Noc- ture de père en fils et de fils en à écouter lui, sans aucune modéra- rencontrer pour la présentation souvent spectaculaire (Lubat est un influences de cet artiste magique Des rythmiques reggae nous font turne” ou “Ask Me Now”. Le swing aiguilles. A défaut de nous amener tion. L’abus de jazz est bon pour la de la biographie que vient de lui homme de spectacle) fait d'allité- sont clairement détectables. Les continuer ce périple au travers du arrive aussi avec “In Walked Bud” par l’oreille dans quelques terres santé et Kenny nous a préparé ici consacrer Agnès Desarthe. rations ou d'alliterrations (l'homme 5 premiers titres s’ouvrent sur des continent africain pour nous mener de Monk et “Line for Lyons” de sonores totalement inconnues, ce un cocktail vitaminé chaud, enso- Sa vie est en effet un vrai roman. est un rural viscéral) de néolo- arrangements très sophistiqués, tranquillement à une réalité beau- Gerry Mulligan. Sublime ballade de quartet de “rêveurs” nous livre leillé, coloré, pour passer l’hiver De son enfance dans une famille gismes (il est un novateur) de bar- les cuivres classieux et sa voix coup plus urbaine avec la présence Charlie Mingus “Duke Ellington's une sincère tranche de bon jazz au sans risque de coup de blues. Vous juive frappée par l'Occupation à sa barismes (l'artiste est un barbare à veloutée nous font vite penser à de Rocé, rappeur d’origine algéro- ” où la voix haute de timbre chaud et délicat, évoquant noterez la brillante interprétation vie de musicien c'est une vie pleine sa façon) de mots valises (il les a l’univers d’artistes comme Donald argentine. L’album se termine sur Marie trouve le contrepoint grave au passage, le son des Charlier et du titre Cook’s Bay interprété par et passionnante qui nous est révé- faites souvent) ne doit pas cacher Fagen, Stevie Wonder ou encore un morceau plein de légères per- de la guitare. Sourisse. La douceur de la clari- la violoniste et amie de Kenny, Ré- lée. le fond du discours. Michael Franks (qui fut son voisin cussions et de paysages sonore où Du jazz vocal sans scat, impos- nette, rarement associée dans ce gina Carter (Rhythms of the Heart, Des débuts tonitruants en jazz Lubat a en effet une idée très de palier à Rio !! petite confidence la chaleur du son des cuivres nous sible ! Le voilà dans “Them There registre, évite le cliché sonore du 1999). Sélection jazz de Fip en avec les plus grands et ce fameux précise de ce qu'est un musicien, livrée directement par Mister Ed conduise à la fin de ce voyage. Eyes” joué sur un tempo très alerte répertoire klezmer ou de celui de mars, Kenny Barron, 72 ans, pour- enregistrement avec Miles Davis, de la place de la musique dans le à notre chroniqueur Dom Imonk Cet album ayant été enregistré contrastant avec le titre suivant tiré Sidney Bechet, et c’est certaine- rait faire valoir son CV qui com- Arat Kilo un temps son beau frère, “d'Ascen- système et en l’occurrence en de- cet été à Marciac). Les clins d’œil dans les conditions du live, on du répertoire de Jacques Brel “Isa- ment LA singularité de cette aven- mence aux côtés de Dizzy Gillespie, Nouvelle Fleur seur pour l'Echafaud” – dont l'évo- hors du système. et les références musicales sont pense aux lieux où l’on pourrait belle”, petit bijou de délicatesse. ture, de ce voyage, de ces rêves. puis Freddie Hubbard ou Stan Getz. cation, à force, a le don de l'agacer A travers ce dialogue avec J-M nombreux. On peut entendre par Eklektik 2016 entendre Arat Kilo en concert… Une note légère pour finir avec Brillant mélodiste, Sébastien Texier Bien au contraire, Monsieur Barron – au passage dans la variété avec Faure on (re)découvre ce musicien exemple dans le solo de clavier Par Stéphane Boyancier Un des nombreux festivals en plein “The More I See You” et ainsi éclai- fait parler son instrument et ra- cultive une pudique élégance et Cloclo et Sacha Distel, puis à un génial qui a tant de choses à nous Fender Rhodes dans Captain Refu- air de Bordeaux, comme Relâche, rer une agréable soirée d'Autumn conte son imaginaire en mettant sa ne tombe jamais dans la mièvrerie retour vers le jazz en même temps raconter. Un peu de son histoire – sal (02mn53sec) quelques mesures Formé en 2008, ce groupe parisien des Hauts de Garonne ou des Nuits Nocturne. technique et sa maîtrise rythmique sentimentale, ni dans l’emphase qu'il revient à une vie plus saine chez les Lubat on s'éclairait aux du thème du hit de la Bossa Nova dont les débuts ont été soutenus Atypiques pourraient les accueillir Un feu de bois, un bon verre, une au service du plaisir de l’écoute et technique. De ballades “chics” en sans poudre ni alcool, c'est un récit lampions comme écrivait Christian “Garota d’Ipanéma”. L’univers très par le regretté Rémi Kolpa-Kopoul dans leur programmation tant le bonne compagnie, on est bien. de la découverte. Un album réjouis- morceaux plus rythmés, l’ordon- d'une vie tantôt flamboyante tan- Laborde – de son présent et de son électrique et l’esthétique très West de Radio Nova, nous livrent ici leur groupe chemine entre world music, A noter les très belles photos de sant, des compositions originales nance du docteur Barron fait l’effet tôt déprimante qui nous est offert. avenir. Un entretien passionnant et Coast des arrangements de cette dernier album. jazz et ouverture culturelle. Thierry Dubuc pour la pochette. et, çà et là, un swing contagieux d’un bon massage ; apaisant et Agnès Desarthe ajoute sa belle atypique comme lui. première partie me séduisent com- Chacun de leur enregistrement fait www.aratkilo.fr que l’on s’imagine très bien sonner relaxant. Franchement, ce Barron- patte d'écrivaine et parfois son www.mariecarrie.com en “live”. là est un prince. plètement. Les solos de claviers référence à l’Ethiopie et celui-ci 42 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 43 CHRONIQUE CD > A LA LOUPE CHRONIQUE CD > A LA LOUPE

Pas de canopée sans racines Frais comme un baiser salé

de “l’amour de sa vie”, et de est la première longue pièce du Cohen, on penserait même à sad Chaurasia, Brad Mehldau, Theorem of joy son fils, qui se voit dédié “Nesfé disque. Inspirée et envoutante, Peter Evans ; à la guitare, Marc Lili Boulanger, The Silver Mount Jahân”, la “moitié du monde” elle lance ce “Boomerang” à Ducret, Bill Frisell et John Sco- Zion et autre Sonic Youth, sans en persan. Avec “Cancion”, voi- des hauteurs qu’il ne quittera field ou encore Jim Black et oublier Ravel et Prokofiev. On ci le Venezuela, pays d’une Amé- plus. Le voici qui survole à l’ins- Eric Harland à la batterie. Cela ressent donc un peu partout des rique aimée. L’histoire de Samy tant Manhattan et nous dépose situe donc bien le terrain de jeu traces de rock mutant, de mu- Thiébault, c’est aussi la musique en plein Greenwich Village, à escarpé de ces trois jeunes cher- sique classique impressionniste cheurs intrépides, et ce souci in- et mêmes quelques parfums classique, dont on perçoit de se- “Jones Street”, le up-tempo de Relax if you can crètes allusions dans “Chant du New York nous aspire et c’est cessant de faire bouger la chose arabisants et voyageurs. Tout très loin” (Moussorgski), “Lai- l’occasion pour le leader et Mi- musicale, en écrivant leur propre cela émoustille ce “post-jazz” partition, car ils composent pra- et le pousse irrésistiblement Samy Thiébault deronnette, impératrice des pa- Itamar Borochov chael King de placer chacun de Isotope Trio Theorem of Joy Rebirth godes” (Ravel) et “Enlightments Boomerang somptueux chorus. Le tandem Isotope Trio tiquement tout. Ce disque séduit Relax if you can vers l’avant. La composition par l’inspiration et l’énergie de très originale du groupe, au sein With Avishai Cohen Suite” (Satie). Tout cela fait de Laborie Jazz contrebasse/batterie fouette les Auto production Auto production ses cinq thèmes : “Tempête en duquel les cordes prédominent, Gaya Music Production ce disque magnifique, un car- Par Dom Imonk flancs de cet étalon qui semble Par Dom Imonk Par Dom Imonk Par Dom Imonk refour passionné et humaniste, ne plus pouvoir s’arrêter. “Adon été” remue copieusement son aide beaucoup à cet éclectisme, monde et on s’en prend plein d’autant que chacun apporte l’occasion de retrouver Adrien Il y a un peu plus d’un an, Ita- Olam” leur offrira répis, avant Comment, mais vous ne connais- Même si Thomas Julienne, la “Bigue gencive”, “Mr Mar- sa propre touche aux toiles qui Samy Thiébault avait refermé les Chicot (p), Sylvain Romano (ctb) mar Borochov nous avait en- que ne débute la splendide “Jaf- sez pas encore Isotope trio ? Il se contrebassiste et composi- soute” fleure bon la singulière se peignent, formant un collec- portes de “A feast of friends” par et Philippe Soirat (bat), mais thousiasmés, avec son premier fa Tune”, brûlante déclaration démène et joue pourtant un peu teur, nous avait déjà presque Uzeste, puis on se laisse aller à tif soudé, inventif et preneur de une envoutante “Tribal Dance”, aussi, outre Meta, Jean-Philippe album “Outset”. Un son direct d’amour d’Itamar Borochov à sa partout en Aquitaine, et même à tout dit de son nouveau projet une “Valse” et cédons enfin à risques. Ainsi, autour de Thomas dont on n’imaginait pas que Scali (alto & baryton sax) et et racé, une inspiration vive et ville natale. “Avri’s tune”, dédiée Paris où il est maintenant établi. “Theorem of joy”, lors de son “New Baião”. Quand vous sau- Julienne, on découvre Ellinoa l’ondulation éthiopique serait Manu Domergue (mellophone), enjouée, marquée par un son à son frère, courte et d’une beau- Ce groupe est assez logique- interview dans la Gazette bleue rez qu’en concert on peut aussi (voc), Boris Lamerand (vln, vln l’un des traits d’union avec la amis et brillants musiciens, en new-yorkais, parfumé de sen- té triste, se verra vite consolée ment formé de trois musiciens, de septembre dernier, il man- avoir des bonus tels que “To alto), Tom Peyron (bat) et Tho- re-naissance d’aujourd’hui. The phase totale. Le sax ténor de teurs orientales. On retrouve par le tonitruant “Ça va bien”, qui se sont connus au conserva- quait le “son” sur disque. “Relax Achille”, “Oleo”, “Package”, mas Saint-Laurent (gtr) qu’il Doors et John Coltrane y dévoi- Samy Thiébault, enrichi d’un cette ferveur sur le nouvel album sorte de follow-up européen de toire de Bordeaux. Tom Peyron if you can” était alors en gesta- qui peuvent aisément vous pro- retrouve des formations reQ, et laient déjà une part de son inti- léger soprano et d’une simple qui est même plus ambitieux, en “Jones street”. L’album s’achève (bat), Olivier Gay (tpt), les deux tion et les concerts donnés sur pulser au “15° étage”, alors TSL Quartet avec Tom Peyron. Le mité. Son nouveau disque pour- flûte, est comme doré à l’or fin. proposant dix compositions aux par deux pièces jouées à cœur ayant ensuite approfondi leurs la région nous avaient mis l’eau vous n’hésiterez pas un instant savoir acquis et les expériences suit ce chemin, en évoquant des Ses riches compositions ont sé- ambiances très variées, où spiri- nu, belles et à pleurer : “Wan- études au Centre des Musiques à la bouche. Depuis, le groupe a à venir les voir le 10 novembre vécues par ces musiciens portent lieux et d’autres musiques qui duit Avishai Cohen, trompettiste tualité et racines ne sont jamais derer song”, d’abord calme et Didier Lockwood, et Thomas continué son parcours, il est en- prochain au Rocher de Palmer des compositions à l’écriture l’ont aussi construit. “Rebirth”, libre et inventif. Point d’ambages loin et forment un fertile terreau inspirée, puis prise d’une fièvre Boudé (gtr), les siennes peaufi- tré en résidence au Baiser Salé (33), en 1° partie de The Bad très inspirée. Du souffle paci- halte sur la route de la connais- chez lui mais du son et des traits aux envolées solistes. Entouré lyrique irrésistible, suivie d’une nées auprès de Bernard Lubat, à Paris pour un an et on parle Plus, où au Baiser Salé à Paris, fique de “To forgive”, à l’ambi- sance de soi, accède à ses ori- fulgurants, qui scellent une gé- de Michael King (p), de Avri douce “Prayer” dont la mélan- au sein de sa célèbre Compa- même d’une autre résidence au où ils sont actuellement en rési- tieux “Sablier”, on vit un beau gines. Ainsi “Abidjan”, sa ville mellité admirable avec le leader. Borochov (ctb) et de Jay Sawyer colie pénètre l’âme et pousse à gnie. La formation revendique Rocher de Palmer (33) en 2017. dence. Un nouvel album ne tar- voyage, qui passe aussi par l’es- natale, et “Raqsat Fès”, réfé- Chagall aurait pu les peindre en (bat), Itamar Borochov habite la spiritualité. “Boomerang” est son originalité en puisant une Les rencontres s’activent, la mu- dera surement pas à venir, alors poir aquatique de “Hope to sea rence à celle de sa mère, ouvrent train de voler, bras dessus, bras avec eux ses belles histoires, il une musique de paix, qui survole partie de son inspiration chez sique avance, elle se forme jour surveillons ça de très près ! you” et la sérénité du morceau l’album, en une subtile mise en dessous, le regard vers le soleil, les conte de sa trompette voix la forêt des hommes, de Jaffa à Dave Douglas (Tiny Bell Trio) et après jour, comme une sculp- titre. Au final, un album pas si vibration des couleurs sonores au-dessus des arbres de la des- et décline ainsi joie, enthou- New York, de la terre aux étoiles. Ron Miles (Trio). Mais là ne sont facebook.com/Isotope-Trio ture vivante, en captant toutes relax que ça, mais diablement de ces cités. C’est l’Afrique, terre tinée. siasme, mais aussi mélancolie, www.itamarborochov.com pas leurs seules influences. Ils idées neuves sur son passage. excitant ! d’âme de Samy Thiébault, au www.samythiebault.com voire gravité. Entourée de deux flirtent avec le rock, le free jazz, Le disque et les prestations live pouls suggéré par Meta, ami in- ravissantes miniatures, la frui- le groove et le latin. A la trom- reflètent bien les influences theoremofjoy.wix.com/music vité aux percussions. Les racines tée “Tangerines” et la sombre pette, ils citent entre autres aussi avouées : De The Bad Plus à Mark sont aussi les sentiments, l’Iran “Eastern lullaby”, “Shimshon” Ambrose Akinmusire et Avishai Turner, en passant par Haripra-

44 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 45 PLAY LIST > NOVEMBRE OÙ ÉCOUTER DU JAZZ ? >

Le Grenier Bordelais BORDEAUX 246 Bld JJ Bosc, Bordeaux GIRONDE MÉTROPLOLE Le Komptoir Caudéran Grand Café de L'Orient 341 av du Maréchal de Lattre de Tassigny Esplanade F. Mitterrand, Libourne Caudéran L'Apollo Bar www.lekomptoircauderan.fr La Belle Lurette 19 place Fernand Lafargue 2 place de l’horloge, Saint Macaire Bordeaux www.apollobar.fr L'Overground www.bar.labellelurette.com 24 rue du XIV Juillet, Talence Bounce Trioi Alula Christophe Dal Sasso Frédéric Viale L’Avant-Scène Café Le Baryton Contrasts Finis Terrae Les Nébuleuses Les racines du ciel 42 cours de l’Yser, Bordeaux Chez le Pépère 8 avenue Paul Gauguin, Lanton We See Music Autoproduit Riddles Socadisc http://barlavantscene.fr 19 rue Georges Bonnac, Bordeaux www.cafelebaryton.fr www.chezlepepere.com Jazz&People Le Bistrot Bohème 84 rue Camille Godard, Bordeaux Le Potager ... et consultez la rubrique [Agenda] www.lebistrotboheme.com Hôtel Regina, Bordeaux 33 rue Charles Domercq sur le site www.actionjazz.fr Le Bistrot du Grand Louis 44, av de Saint Médard, Mérignac Quartier libre www.grandlouis.com 30 rue des Vignes, Bordeaux quartierlibrebordeaux.com Le Caillou Jardin Botanique, Bordeaux Le Rocher de Palmer www.lecaillou-bordeaux.com 1 rue Aristide Briand, Cenon www.lerocherdepalmer.fr Le Café des Moines 12 rue des Menuts, Bordeaux The Starfish Pub Girardot, Olivier Hutman Jass Lucy Dixon www.cafedesmoines33.com 24 rue ste Colombe, Bordeaux Hunot, Mazurié Is it real ? Mix Of Sun And Clouds Lulu's Back In Town Can Can Le Tapa'l’Œil Three Blind Mice Christal Records L'autre Distribution L'autre Distribution 7 rue du Cerf Volant, Bordeaux 14 place Pierre Renaudel, Bordeaux Autoproduit Le Chat Qui Pêche Le Vestiaire 50 crs de La Marne, Bordeaux 6 Cours du Général de Gaulle, Gradignan www.au-chat-qui-peche.fr Au Comptoir du Marché 44 av Auguste Ferret, Le Bouscat Le Comptoir de Sèze 23 allée de Tourny, Bordeaux www.hotel-de-seze.com Le Cottage du lac 19 rue Daugère, Bruges www.lecottagedulac.fr Dam'nco Thomas Simon Denizart trio Das Kapital From Paris With Love Grimmonprez trio Beautiful People Eisler Explosion Le Fellini Musikland Kaléidoscope le Lab L'autre Distribution 59 rue des Terres Neuves, Bègles Circum Disc

46 La Gazette Bleue d'Action Jazz La Gazette Bleue d'Action Jazz 47 AGENDA > CONCERTS AGENDA > CONCERTS

Paul Jarret VENDREDI 4 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Salle Robert de Lacaze, 64140 Billère

Richard Bona Iñaki Salvador SAMEDI 19 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Jean Bardy Quartet VENDREDI 4 NOVEMBRE 2016 / 19:30 Il est l'un des bassistes les plus cé- Rocher de Palmer, Cenon Baptiste HERBIN lèbres de la planète. Après son pas- sage remarqué en 2012, il revient, Eric LORHER avec un nouveau projet tout aussi Andréa MICHELUTTI remarquable. Novembre Roberto Fonseca Jean BARDY Première partie JEUDI 24 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Rocher de Palmer, Cenon Nokalipcis VENDREDI 2 DÉCEMBRE 2016 / 20:30 Vincent Peirani, Michael Wollny Rocher de Palmer, Cenon Esplanade Linné, Bordeaux MARDI 8 NOVEMBRE 2016 / 20:30 GoGo Penguin L'union magistrale de deux virtuoses MARDI 13 DÉCEMBRE 2016 / 20:30 Yasmine Kyd de la jeune scène jazz. Ils sont l'avenir du jazz, ceux qui VENDREDI 4 - SAMEDI 5 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Rocher de Palmer, Cenon concilient fans d'Amon Tobin et de Atrisma Raphaël Imbert Keith Jarrett JEUDI 10 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Rocher de Palmer, Cenon MERCREDI 9 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Tom Ibarra quartet L'entrepôt Le Haillan SAMEDI 12 NOVEMBRE 2016 / 20:30 The Bad Plus + Isotope Trio Norah Jones Alex Golino & the Jazz Survivors JEUDI 10 NOVEMBRE 2016 / 20:30 MERCREDI 16 NOVEMBRE 2016 / 20:30 JEUDI 17 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Théâtre Femina, Bordeaux Jazz sixties, crossover rock ou mélo- Dominique Bonadei dies classiques, rien n'arrête The Bad Shakura S'Aïda VENDREDI 18 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Plus, trio de francs-tireurs qui n'a peur d'aucune frontière ! SAMEDI 26 NOVEMBRE 2016 / 21:00 Markit Zero Rocher de Palmer, Cenon Halles de Gascogne, Léognan JEUDI 24 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Kurt Elling Lisa Simone Edmond Bilal Band DIMANCHE 11 DÉCEMBRE 2016 / 20:30 MERCREDI 7 DECEMBRE 2016 / 20:30 VENDREDI 18 NOVEMBRE 2016 / 20:30 Rocher de Palmer, Cenon Casino Barrière, Bordeaux Fréderic Couderc & Vincent Bourgeyx JEUDI 15 - VENDREDI 16 DÉCEMBRE 2016 / 20:30

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Les festivals partenaires

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