1 Enregistré par Little Tribeca à l’Arsenal de Metz les 27, 28 et 29 septembre 2018

Direction artistique : Nicolas Bartholomée Prise de son : Nicolas Bartholomée et Maximilien Ciup Montage, mixage et mastering : Gaëtan Juge

Accord : la = 392 Hz

English translation by Charles Johnston Photos : couverture et p. 32 © Yags Murayenko ; p. 7, 34-35 © Caroline Doutre ; p. 33 © Aurélie Rémy Design par 440.media

Coproduction Centre de musique baroque de Versailles | Cité musicale Metz | Les Ambassadeurs Partitions éditées par le Centre de musique baroque de Versailles - responsable éditorial : Julien Dubruque

Les Ambassadeurs sont soutenus par la Caisse des Dépôts, la DRAC Nouvelle Aquitaine et la Spedidam.

AP209 Little Tribeca · CMBV ℗ 2019 Little Tribeca · CMBV © 2019 [LC] 83780 1 rue Paul Bert, 93500 Pantin, France apartemusic.com cmbv.fr

2 L’OPÉRA DU ROI SOLEIL

KATHERINE WATSON

LES AMBASSADEURS ALEXIS KOSSENKO direction

3 LOUIS DE LULLY – Orphée (1690) 1. « Ah ! que j’éprouve bien que l’amoureuse flamme… » (Eurydice) 6’14

MARIN MARAIS – Alcyone (1706) 2. Ouverture 3’14

MARIN MARAIS – Ariane et Bacchus (1696) 3. « Croirai-je, juste ciel ! ce que je viens d’entendre ? » (Ariane) 4’48 4. Symphonie du sommeil 1’40 5. Air pour les flûtes 1’13 (François Nicolet, Lorenzo Brondetta : flûtes allemandes ; Alexis Kossenko : basse de flûte)

ANDRÉ CAMPRA – Idoménée (1712, version de 1731) 6. Chaconne 2’43

JEAN-BAPTISTE LULLY – Acis et Galatée (1686) 7. « Enfin, j’ai dissipé la crainte… » (Galatée) 5’32

HENRI DESMAREST – Circé (1694) 8. « Sombres marais du Styx, Cocyte, Phlégéton… » (Circé) 3’28 9. « Calmez votre violence… » (Circé) 2’10

JEAN-BAPTISTE LULLY (double de Michel Lambert) – Psyché (1671) 10. « Deh, piangete al pianto mio… » (Une Femme affligée) 6’11 (Stefano Rossi, Tami Troman : violons solo ; Bruno Helstroffer : théorbe)

JEAN-BAPTISTE STUCK – Air ajouté à Thétis et Pélée (1708) 11. « Non sempre guerriero… » 3’52 (Jean-François Madeuf : trompette ; Guillaume Cuiller : hautbois)

ANDRÉ CAMPRA – L’Europe galante (1697) 12. « Mes yeux, ne pourrez-vous jamais… » (Zaïde) 4’04

4 ANDRÉ CAMPRA – Télèphe (1713) 13. Sarabande 1’39 14. « Soleil, dans ta vaste carrière… » (La Pythonisse) 1’48 15. « Charmant Père de l’harmonie… » (La Pythonisse) 1’24

MARIN MARAIS – Ariane et Bacchus (1696) 16. Rondeau 1’06

ANDRÉ CAMPRA – Télèphe (1713) 17. « Quelle épaisse vapeur tout à coup m’environne ? » (La Pythonisse) 1’50

MARIN MARAIS – Alcyone (1706) 18. Marche pour les Matelots 1’55

ANDRÉ CAMPRA – Idoménée (1712) 19. « Espoir des malheureux, plaisir de la vengeance… » (Ilione) 4’09

MARIN MARAIS – Alcyone (1706) 20. Deuxième Air des Matelots 1’01

MICHEL PIGNOLET DE MONTÉCLAIR – Les Fêtes de l’été (1716) 21. « Mais, tout parle d’amour dans ce riant bocage ! » (Sylvie) 3’13 (Alexis Kossenko : petit dessus de flûte ; François Nicolet : haute-contre de flûte ; Lorenzo Brondetta : flûte allemande ; Elisabeth Geiger : clavecin)

ANDRÉ CAMPRA – Idoménée (1712, version de 1731) 22. « Coulez, ruisseaux ; dans votre cours… » (Vénus) 2’36 (Alexis Kossenko : flûte allemande ; Tormod Dalen : violoncelle)

JEAN-BAPTISTE LULLY – Le Bourgeois gentilhomme (1670) 23. Marche pour la cérémonie des Turcs 2’27

JEAN-BAPTISTE STUCK – Polydore (1720) 24. « C’en est donc fait : le roi n’a plus de fils… » (Ilione) 5’04

5 LES AMBASSADEURS

Violons : Stefano Rossi (solo), Tami Troman (solo), Fabien Roussel, Virginie Descharmes, Diana Lee, Yannis Roger, Matthieu Camilleri

Haute-contres, Tailles, Quintes : Fanny Paccoud, Delphine Grimbert, Alain Pegeot, Laurent Muller, Marco Massera, Nicolas Mazzoleni

Basses de violon : Tormod Dalen, Elena Andreyev, Hager Hanana, Gulrim Choi, Thomas Luks

Violoncelle : Tormod Dalen (solo)

Basse de viole : Lucile Boulanger

Contrebasse : Luc Devanne

Clavecin : Elisabeth Geiger

Théorbe : Bruno Helstroffer

Flûtes allemandes : Alexis Kossenko, François Nicolet, Lorenzo Brondetta

Flûtes à bec : Alexis Kossenko, François Nicolet, Lorenzo Brondetta, Nathalie Petibon

Hautbois : Guillaume Cuiller, Nathalie Petibon

Taille de hautbois : Nicolas André

Bassons : Nicolas André, David Douçot

Trompette : Jean-François Madeuf

Percussion : Sylvain Fabre

6 7 LARMES D’OPÉRAS

Quoi, dans mon désespoir trouvez-vous tant de charmes ? Craignez-vous que mes yeux versent trop peu de larmes ? Racine, Bérénice (V, 5)

Le programme imaginé pour le premier récital de interprétations historiquement informées, Katherine Watson au disque témoigne de l’art questionnant et renouvelant les pratiques d’attendrir, à l’Opéra, aux XVIIe et XVIIIe siècles. instrumentales, vocales et théâtrales. Sous la Charmer, toucher, émouvoir, tel était l’emploi des baguette experte d’Alexis Kossenko, partenaire héroïnes tendres et pathétiques de la tragédie fidèle de Katherine Watson et du Centre de lyrique et de l’opéra-ballet. Par sa voix, par son musique baroque de Versailles, l’orchestre Les charisme, par sa physionomie même, Katherine Ambassadeurs s’est plié à un respect scrupuleux Watson semble toute destinée à incarner ces des sources conservées et des témoignages rôles typiques de l’opéra baroque français… Tant du temps, dans le choix des instruments, des mieux d’ailleurs, car c’est le répertoire qu’elle effectifs, des tempos, et jusque dans une tenue affectionne le plus et pour lequel elle est solli- d’archet « à la française ». citée, partout dans le monde, depuis plusieurs années. Ce projet discographique est donc un Dès sa création en 1672, la troupe de l’Académie projet d’artiste ; mais c’est aussi un projet d’insti- royale de musique se structure en catégories tution. Il a vu le jour sous les auspices du Centre de chanteurs bien distinctes : pour les femmes, de musique baroque de Versailles, soucieux de l’emploi le plus convoité – car le plus apprécié du faire découvrir des répertoires rares (c’est le cas public – est celui des rôles tendres ou rôles pathé- pour ce récital, avec plusieurs inédits enregistrés tiques. C’est celui des princesses, des nymphes pour la première fois), et d’encourager des et, en général, des « premières amoureuses ».

8 La fidélité, le courage, la résignation sont leurs abondant ou épais ». (Livoy, Dictionnaire de principales vertus ; la sincérité et la fragilité en synonymes français, 1767). En termes pictural, font des victimes toutes désignées. Les rôles l’onctuosité évoque « une certaine douceur tendres et pathétiques incarnent parfaitement de coloris, […], un choix de teintes grasses, le goût des larmes qui se développe, en France, bien fondues et mises en harmonie, dans des au milieu du XVIIe siècle : sur la scène tragique contours coulants, dans un dessein où il n’y a et plus encore la scène lyrique, le plaisir de rien de trop fortement prononcé » (Lacombe, voir pleurer – et de pleurer en retour – devient Dictionnaire portatif des Beaux-Arts, 1769). presque une volupté coupable. Ce goût modèle Une voix onctueuse sera donc épaisse, ronde, en profondeur l’écriture théâtrale et lyrique. Les profonde, colorée, sensuelle : on la dira volon- librettistes – Quinault à leur tête – imaginent tiers moelleuse, à la fois « pleine et douce » des héroïnes précipitées au sein de passions (Dictionnaire de l’Académie française, 1762). Mais, coupables ou contradictoires, de situa- au XVIIIe siècle, onctueux décrit aussi ce qui est tions désespérées et de choix impossibles : « pathétique, pieux, plein d’onction, pénétrant », qu’elles soient mélancoliques, élégiaques ou relevant d’une « éloquence touchante », d’un héroïques, les femmes pleurent à l’Opéra, et « mouvement pieux », d’une « piété entraî- jusqu’aux caractères les plus élevés comme nante », d’un « ton pénétrant » et d’un « tour , Médée ou Didon. Dans Circé (1694) pathétique » (Livoy, op. cit.) ou, plus généra- de Desmarest, la puissante magicienne implore lement, de choses « qui touchent le cœur et les enfers de calmer leurs transports, par amour portent à la dévotion » (Le Génie de la langue, pour celui qu’elle aime, après les avoir pourtant 1764). Une voix onctueuse sera donc naturel- excités à la haine. lement portée à la beauté tragique, au pathé- tique noble et au sublime théâtral. Pour remplir au mieux les rôles tendres et pathétiques, on exige des chanteuses une voix Au-delà de la voix, l’emploi des rôles tendres et onctueuse ou pleine d’onction, selon les termes pathétiques requiert surtout un jeu d’acteur fin consacrés de l’époque. Est onctueux ce qui et sensible, rejetant l’outrance. En effet, « dans est « tendre ou suave », mais surtout « riche, le rôle d’amoureuse, quelque violente que soit la

9 situation, la modestie et la retenue sont choses elle l’élève et perce les nues vigoureusement, nécessaires ; toute passion doit être dans les puis la rabaisse et la radoucit agréablement, inflexions de la voix et dans les accents. Il faut comme elle donne dans le tendre par ses accents laisser aux hommes et aux magiciens les gestes et soupirs étudiés, comme elle regarde le ciel violents et hors de mesure ; une jeune princesse avec des yeux languissants pour le fléchir et doit être plus modeste ». (Lettres de Mademoi- l’attirer à son secours. Considérez ses gestes, selle Aïssé..., 1726). Si ces rôles sont les plus ses regards étincelants en penchant la tête applaudis, c’est qu’ils se révèlent très difficiles amoureusement, comme elle tourne ses mains à interpréter : « la tendresse malheureuse est d’une nonchalance affectée, comme elle étend de l’exécution la plus délicate ; c’est presque ses bras en croix comme un Saint-François pour le désespoir de l’art : la voix entrecoupée de exprimer la douleur qu’elle ressent si bientôt l’acteur, ses mots à peine articulés, son attitude elle n’est unie à son fidèle amant. Elle y emploie incertaine, ses mouvements absorbés de même ses larmes et ses regrets, comme une douleur, sont peut-être ce qu’on a vu de plus biche navrée d’amour qui ne soupire que pour pathétique au théâtre » (Garrick ou les acteurs son dictame » (Description de la vie et mœurs, anglais, 1770). de l’exercice et l’état des filles de l’Opéra, 1694). Cette action théâtrale est d’ailleurs soulignée En matière de jeu scénique, le savoir-faire des par les préludes et les ritournelles d’orchestre, interprètes chargées des rôles tendres aux XVIIe qui accompagnent le jeu muet des actrices et XVIIIe siècles est incontestable : Marie Aubry, quand elles ne chantent pas, par exemple dans Françoise Moreau, Françoise Journet, Marie la grande scène de la Pythonisse de Télèphe Pélissier, Catherine-Nicole Lemaure et Sophie (1713) de Campra. Lorsque se donner la mort est Arnould – cinq générations de chanteuses impossible, le sommeil est une alternative pour entre 1680 et 1780 – développent un jeu tout calmer les souffrances, comme c’est le cas pour aussi caractérisé que leur chant. Ladvocat en l’héroïne d’Ariane et Bacchus de Marais (1696), témoigne déjà à la fin du XVIIe siècle : « voyez dont le compositeur a si bien souligné l’évolution celle-ci pour inspirer l’amour à son amant, avec des sentiments et l’assoupissement progressif. quels charmes elle conduit sa belle voix, comme Mais l’excès de larmes donne plus souvent lieu

10 à des scènes d’évanouissement ou de pâmoison : sentations lyriques. L’imitation des convulsions ne supportant plus physiquement les déchirures vomitives, et des soubresauts du hoquet, ne sont de son âme, la jeune femme perd connaissance. pas assurément de bons moyens pour donner des sons pleins et harmonieux » (Théorie de la Si le public s’émerveille de cet art raffiné, les musique vocale, 1798). À la veille du Roman- parodistes de la Foire lui reprochent d’être trop tisme, l’antique savoir-faire – devenu manié- figé, trop convenu et trop prévisible, comme un risme – allait céder la place à un nouveau genre anonyme le fait dire à la princesse Callirhoé : d’expression, plus immédiat et plus réaliste.

« Il faut que je pleure, pleure Monologues pathétiques, plaintes languis- Du soir jusqu’au matin, santes et airs mélancoliques fleurissent déjà Je maudis, je vous assure, sous la plume du créateur de l’opéra français, Mon déplorable destin. Jean-Baptiste Lully. Si l’on peut remonter au La mort seule, je l’assure, Ballet de la naissance de Vénus (1665) pour Finira tout mon chagrin. trouver un air larmoyant de Lully, c’est incon- Il faut que je pleure, etc. » testablement la magnifique plainte italienne de (Critique de l’opéra de Callirhoé, 1750) sa comédie-ballet Psyché (1671) qui deviendra un modèle. L’intensité tragique doit tout autant Tomeoni se moque aussi de ce que le public à la solennelle introduction orchestrale et à prend « pour de l’expression » car, selon lui, la mélodie poignante, qu’au « double » orné, « ce n’en est que la charge. Peut-on s’imaginer œuvre de Lambert. Lully exploitera la plainte, en effet que des personnages célèbres, des en l’étoffant, jusque dans son ultime pastorale, princesses ou des héros, tels qu’on les repré- Acis et Galatée (1686) : moins « musical » et plus sente sur la scène française, s’étudiassent à « théâtral », le monologue « Enfin j’ai dissipé la pleurer à chaque instant comme des enfants, crainte… » montre l’héroïne en proie à des ou à sangloter comme de petites filles !... Ces passions complexes, soulignées par un orchestre aspirations barbares et déplacées devraient sans cesse changeant. être sévèrement bannies du chant et des repré-

11 Dès la fin du XVIIe siècle, les successeurs de Rault porteront loin « l’art de jouer de la flûte, Lully introduisent de nouveaux éléments pour et surtout celui d’accompagner une voix » (La suggérer larmes et gémissements. Ainsi son fils, Borde, Essai sur la musique, 1780). Campra en Louis de Lully, imagine une longue passacaille tire un excellent parti en mêlant flûte et violon- variée avec originalité soutenant le monologue celle solistes dans le petit air orné de Vénus d’Eurydice esseulée aux enfers (Orphée, 1690). (Idoménée, version de 1731). Dans Les Fêtes de Campra enrichit les lamentations de Zaïde, l’été, Montéclair convoque un trio de flûtes pour captive d’un sérail, par des harmonies disso- figurer, en un seul geste orchestral, le ramage des nantes et expressives (L’Europe galante, 1697) ; oiseaux, l’invitation au sommeil et les plaintes de il fait de même dans le monologue d’Ilione l’héroïne. Stuck recourt aussi aux flûtes dans la (Idoménée, 1712), privilégiant toutefois la tonalité grande scène d’Ilione de son Polydore (1720), les lumineuse de mi majeur, chargée d’espoir plus opposant à d’énergiques scansions des cordes que de regrets. Au début du XVIIIe siècle, la qui évoquent tout ensemble une tempête agitant flûte est presque systématiquement associée les flots et l’âme agitée de l’héroïne. aux pages expressives. Raguenet s’émerveille ainsi des « flûtes que tant d’illustres savent Avec l’air italien « Non sempre guerriero… » de faire gémir d’une manière si touchante dans Stuck, ajouté pour la reprise de Thétis et Péléede nos airs plaintifs, et soupirer si amoureusement Colasse à l’Opéra en 1708, Katherine Watson dans nos airs tendres » (Parallèle des Italiens déborde du cadre des rôles tendres, mais dévoile et des Français…, 1702). Plus qu’aucun autre une autre facette de son talent. Destinée à la instrument, la flûte sait se marier aux accents jeune Mlle Dun, célèbre pour sa voix brillante et de la voix, comme l’évoque le célèbre Quantz : légère, la partition fait dialoguer la voix avec une « lorsqu’un joueur de flûte doit concerter avec trompette soliste dans un dispositif fort rare, une voix, il faut qu’il s’applique à s’unir avec elle, évoquant plutôt l’univers de Haendel que celui par rapport aux tons et à l’expression, autant de la tragédie lyrique française. qu’il lui est possible » (Essai d’une méthode pour apprendre à jouer de la flûte traversière, 1752). Benoît Dratwicki À l’Opéra de , Michel Blavet et Félix Centre de musique baroque de Versailles

12 OPERATIC TEARS

Quoi, dans mon désespoir trouvez-vous tant de charmes ? Craignez-vous que mes yeux versent trop peu de larmes ?1 Racine, Bérénice, Act Five, Scene 5

The programme devised for Katherine Watson’s de Versailles, which is keen to promote the first recital on CD illustrates the art d’attendrir, discovery of rare repertory (as is the case with the art of inspiring tender emotion, at the Paris this recital, in which several unpublished works Opéra in the seventeenth and eighteenth are recorded for the first time) and to encourage centuries. To charm (charmer), to touch (toucher), historically informed interpretations which call to move (émouvoir): such was the function of the into question and renew instrumental, vocal and ‘tender and pathetic’ heroines oftragédie lyrique theatrical practices. Under the expert direction and opéra-ballet. In her voice, her charisma, her of Alexis Kossenko, a loyal partner of Katherine very appearance, Katherine Watson seems Watson and the Centre de Musique Baroque de destined to embody these roles typical of French Versailles, the orchestra of Les Ambassadeurs Baroque – which is all to the good, for that has scrupulously respected the extant sources is the repertory closest to her heart and in which and contemporary descriptions in the choice of she has been in demand throughout the world instruments, performing forces, tempos, even for several years now. This recording project is down to holding the bow à la française. therefore the project of an artist; but it is also an institutional project. It was created under From its creation in 1672 onwards, the troupe of the auspices of the Centre de Musique Baroque the Académie Royale de Musique was structured

1. What, do you find such charms in my despair? / Do you fear lest my eyes should shed too many tears?

13 into distinct categories of singers destined to fill To fill the rôles tendres et pathétiques to best a particular type of role or ‘emploi’: for women, effect, singers were required to have a voice the most coveted emploi – because it was the described in the established vocabulary of one most appreciated by the public – was that of the time as onctueuse or pleine d’onction. The the rôles tendres or rôles pathétiques. This meant adjective onctueux (smooth) was defined as playing princesses, nymphs and, in general, ‘tender or sweet’, but above all ‘rich, abundant the leading parts for women in love (premières or dense’ (Livoy, Dictionnaire de synonymes amoureuses). Fidelity, courage, resignation were français, 1767). In terms of painting, l’onctuosité their main virtues; their sincerity and fragility evoked ‘a certain softness of colouring . . . a predestined them to be victim figures. Therôles choice of thick tones, well blended and harmo- tendres et pathétiques perfectly embody the nised, in flowing contours, in a design where taste for tears that developed in France in the nothing is too strongly pronounced’ (Lacombe, mid-seventeenth century: in tragic theatre and Dictionnaire portatif des Beaux-Arts, 1769). A even more so on the operatic stage, the pleasure voice regarded as onctueux would therefore be of seeing a character weeping – and weeping in dense, rounded, profound, coloured, sensual; one’s turn – became almost a guilty delight. This contemporaries also frequently called it moelleux fashion had a far-reaching effect on writing for (mellow), at once ‘full and soft’ (Dictionnaire de the spoken and sung theatre. Librettists – with l’Académie française, 1762). But in the eight- Quinault first in the field – imagined heroines eenth century, onctueux also described that thrust into guilty or contradictory passions, which was ‘pathetic, pious, full of unction, desperate situations and impossible choices: touching’, coming into the category of ‘moving whether melancholic, elegiac or heroic, women eloquence’, a ‘pious sentiment’, ‘persuasive piety’, wept on the stage of the Opéra, even the most a ‘touching tone’ and a ‘pathetic turn’ (Livoy, op. elevated characters such as Armida, Medea or cit.) or, more generally, things ‘that touch the Dido. In Desmarest’s Circé (1694), the powerful heart and encourage devotion’ (Le Génie de la enchantress begs the infernal deities to calm langue, 1764). Hence a voix onctueuse tended their furies, out of love for her own beloved, naturally towards tragic beauty, noble pathos even though she has just roused them to hatred. and theatrical sublimity.

14 Aside from this specific , the 1680 and 1780 – developed a style of stage rôles tendres et pathétiques called chiefly for performance as strongly characterised as their delicate and sensitive acting, which excluded singing. Ladvocat already testified to this at overplaying. Indeed, ‘in the role of a loving the end of the seventeenth century: ‘See how woman, no matter how violent the situation, this actress goes about inspiring her suitor’s modesty and restraint are necessary; all the love: with what enchantments she guides her passion must be in the inflections and tone of beautiful voice, how she raises it and vigorously the voice. One must leave violent and immod- pierces the clouds, then lowers it and softens it erate acts to men and to sorcerers; a young pleasantly; how she expresses tenderness by princess must be more modest’ (Lettres de her studied accents and sighs; how she gazes Mademoiselle Aïssé . . ., 1726). If these roles at the heavens with languishing eyes to sway were those that garnered the greatest applause, them and convince them to come to her aid. it is because they were very hard to perform: Consider her gestures, her sparkling glances ‘tenderness in misfortune is extremely difficult to as she leans her head lovingly, how she wrings render; it is almost the despair of art: the actor’s her hands with affected nonchalance, how she voice broken by sobs, her barely articulated stretches out her arms in the form of a cross words, her uncertain attitude, her movements like St Francis to express the sorrow she feels if consumed with grief, are perhaps the most she is not swiftly united with her faithful lover. pathetic thing to be seen in the theatre’ (Garrick She even employs her tears and regrets, like a ou les acteurs anglais, 1770). lovesick doe that sighs only for balm’ (Description de la vie et mœurs, de l’exercice et l’état des filles de As far as acting was concerned, the abilities of l’Opéra, 1694). This theatrical action was under- the artists cast in ‘tender’ roles in the seven- pinned by the orchestral preludes and ritornellos, teenth and eighteenth centuries were indis- which accompanied the jeu muet (dumb show) putable: Marie Aubry, Françoise Moreau, of the actresses when they were not singing, Françoise Journet, Marie Pélissier, Cathe- for example in the big scene for the Pythoness rine-Nicole Lemaure and Sophie Arnould – five (soothsayer) in Campra’s Télèphe (1713). When generations of singers in the century between taking one’s own life is impossible, sleep is an

15 alternative to ease suffering, as is the case with Tomeoni too mocked what the public took the heroine of Marais’s Ariane et Bacchus (1696), for ‘expression’, since, in his view, ‘it is merely whose changing feelings and gradual drowsiness a caricature of such. Can we imagine that are so skilfully depicted by the composer. But celebrated figures, princesses or heroes, as they excess of tears more often leads to scenes of are represented on the French stage, could have fainting or swooning: unable physically to bear applied themselves to weeping constantly like her heartrending situation, the young woman children, or sobbing like little girls? . . . These loses consciousness. barbarous and misplaced aspirations should be strictly banned from singing and operatic perfor- While the public marvelled at this refined art, mances. The imitation of vomiting convulsions the parodists of the Théâtres de la Foire criti- and hiccupping fits is certainly not an appro- cised it for being too rigid, too conventional priate means of producing full and harmonious and predictable, as an anonymous author had sounds’ (Théorie de la musique vocale, 1798). On Princess Callirhoé observe: the eve of Romanticism, the skill of an earlier age – now become mannerism – was to give way to Il faut que je pleure, pleure a new kind of expression, more immediate and Du soir jusqu’au matin, more realistic. Je maudis, je vous assure, Mon déplorable destin. Pathetic monologues, languid laments and La mort seule, je l’assure, melancholic airs already flourished under the Finira tout mon chagrin. pen of Jean-Baptiste Lully, creator of French Il faut que je pleure, etc. opera. Although an air larmoyant by Lully can (Critique de l’opéra de Callirhoé, 1750)2 be found as early as the Ballet de la naissance de Vénus (1665), it was undoubtedly the magnif- icent Italian lament of his comédie-ballet Psyché

2. I must weep, weep / From morn to eve. / I do assure you, I curse / My deplorable fate. Death alone, I declare, / Will end all my grief.

16 (1671) that came to serve as a model. Its tragic contrive to make moan so touchingly in our intensity owes as much to the solemn orchestral plaintive airs, and sigh so lovingly in our tender introduction and the poignant melody as to the airs’ (Parallèle des Italiens et des Français . . ., ornamented ‘double’ composed by Lambert. 1702). More than any other instrument, the Lully continued to exploit the lament and flute was capable of blending with the tones expand its scope right down to his last stage of the human voice, as the celebrated Quantz work, the pastorale Acis et Galatée (1686): less mentions: ‘When a flautist has to in concert ‘musical’ and more ‘theatrical’, the monologue with a voice, he must strive to unite his tone ‘Enfin j’ai dissipé la crainte’ shows the heroine in and expression with it as far as possible’ (Essai the grip of complex passions, underlined by an d’une méthode pour apprendre à jouer de la flûte ever-shifting orchestral texture. traversière, 1752). At the Paris Opéra, Michel Blavet and Félix Rault mastered to a high degree From the end of the seventeenth century, ‘the art of playing the flute, and especially the Lully’s successors introduced new elements to art of accompanying a voice’ (La Borde, Essai sur suggest tears and moans. His son, Louis de Lully, la musique, 1780). Campra took full advantage conceived a long passacaille, varied in original of this by combining solo flute and cello in the fashion, to support the monologue of a forlorn short air orné for Venus (Idoménée, 1731 version). Eurydice in the underworld (Orphée, 1690). In Les Fêtes de l’été, Montéclair convened a trio Campra enriched the lamentations of Zaïde, of flutes to depict, in a single orchestral gesture, held prisoner in a seraglio, with dissonant and the warbling of the birds, the invitation to sleep expressive harmonies (L’Europe galante, 1697); and the heroine’s lament. Stuck also uses flutes he did the same in Ilione’s monologue (Idoménée, in Ilione’s big scene in his Polydore (1720), setting 1712), though casting it in the luminous key of them against energetic string rhythms that E major, implying hope rather than regret. At evoke both a storm stirring the waves and the the beginning of the eighteenth century, the agitated soul of the heroine. flute was almost systematically associated with expressive vocal numbers. Raguenet marvelled With Stuck’s Italian aria ‘Non sempre guerriero’, at the ‘flutes that so many illustrious musicians added for the revival of Colasse’s Thétis et Pélée

17 at the Opéra in 1708, Katherine Watson steps outside the framework of rôles tendres, but reveals another facet of her talent. This number, intended for the young Mademoiselle Dun who was famed for her brilliant and light voice, sets the voice in dialogue with a solo trumpet – a very rare scoring more evocative of Handel than of the world of French tragédie lyrique.

Benoît Dratwicki Centre de Musique Baroque de Versailles Translation: Charles Johnston

18 1. LOUIS DE LULLY – Orphée Acte II, scène 1 Act Two, Scene 1

Ritournelle Ritornello

EURYDICE, seule EURYDICE, alone Ah ! que j’éprouve bien que l’amoureuse flamme Ah! how keenly I feel that the flame of love Au-delà du trépas règne encor dans une âme. Still reigns in the soul beyond death. Des Champs Élyséens j’ai vu tous les attraits, I have seen all the delights of the Elysian Fields, Ces forêts toujours verdoyantes, Those evergreen forests, Ces beaux astres formés exprès Those beautiful stars expressly created Pour luire aux âmes innocentes. To shine upon innocent souls. Mais rien n’y peut charmer l’ennui que je ressens ; But nothing can charm away the distress I feel here; Privée, hélas ! de ce que j’aime, Deprived, alas, of the one I love, Je regrette un plus heureux temps. I look back regretfully to a happier time. L’amour content est le bonheur suprême ; Contented love is the ultimate happiness; Tous les autres sont languissants. All the others are but languid. Ah ! que j’éprouve bien que l’amoureuse flamme, etc. Ah! how keenly I feel that the flame of love, etc.

Un tendre souvenir m’occupe incessamment : A tender memory preys ever on my mind: Que fait Orphée en ce moment ? What is Orpheus doing at this moment? Puis-je en douter ? Il m’aime, il m’est fidèle, Can I doubt it? He loves me, he is faithful to me, Il soupire, il gémit, sa triste voix m’appelle. He sighs, he moans, his sad voice calls me. Ô Dieux ! que ne peut-il pour son soulagement O gods! If only, to relieve his thoughts, Être aussi le témoin de ma peine cruelle ? He could witness my cruel grief! Mon cher Orphée, hélas ! je souffre également. My dear Orpheus, alas, I too suffer! Pourquoi faut-il que Why must Proserpine Aujourd’hui me destine Destine me today À l’honneur d’augmenter sa cour ? For the honour of swelling the ranks of her court? Je trouvais l’Élysée un plus charmant séjour. I found Elysium a more delightful abode. Que de moments va perdre ma tendresse ; How many moments my love will lose; Hélas ! avec tranquillité, Alas! when I lived in peace Je pouvais y rêver sans cesse. I could dream of it constantly. Cette douce liberté That sweet freedom Faisait ma félicité. Ensured my bliss.

19 Mais déjà de ces lieux on trouble le silence. But already someone troubles the silence here. Pluton paraît, évitons sa présence. Pluto is approaching: let me avoid his presence.

3. MARIN MARAIS – Ariane et Bacchus Acte III, scène 5 Act Three, Scene 5

Ritournelle Ritornello

ARIANE ARIADNE Croirai-je, juste ciel ! ce que je viens d’entendre ? Righteous Heaven, can I believe what I have just heard? Bacchus, qui me jurait de m’aimer constamment, Bacchus, who swore he would love me with constancy, Vient de faire à Dircé un semblable serment. Has just made the same vow to Dirce. Est-ce là le bonheur que j’en devais attendre ? Is this the happiness I was to expect? Une seconde fois, prétends-tu m’abuser ? Do you presume to deceive me a second time? Amour, avec Bacchus es-tu d’intelligence ? Cupid, are you colluding with Bacchus? Ou donne-lui plus de constance, Either grant him greater constancy, Ou de mon faible cœur laisse-moi disposer. Or give me back my weak heart.

Hélas ! ce n’est point la tendresse Alas! It is not tenderness Qui nous fait d’heureux jours. Which brings us days of happiness. Le fruit des plus tendres amours The outcome of the most tender loves N’est très souvent qu’une affreuse tristesse. Is very often seen only in dreadful sadness. Et c’est sans raison qu’on s’empresse And it is unreasoningly that we hasten De risquer un repos qu’on regrette toujours. To imperil a tranquillity that we always miss. Hélas ! ce n’est point la tendresse, etc. Alas! It is not tenderness, etc.

De ces tranquilles lieux rien ne trouble la paix ; Nothing disturbs the peace of this tranquil spot; Les oiseaux gardent le silence, The birds remain silent, Les vents ne soufflent plus que pour donner du frais, The winds blow only to cool the air, Et les ruisseaux coulent sans violence. And the streams flow without turbulence. Flore, de toutes parts, étale ses attraits, Flora displays her charms on all sides, Et les Zéphyrs, d’une amoureuse haleine, And the Zephyrs, with loving breath, Portent l’odeur de la brillante plaine Bear the fragrance of the bright plain Aux bocages les plus épais. To the densest groves. Dans cette aimable solitude, In this lovely solitude,

20 Un doux sommeil surprend mes sens ; A gentle slumber surprises my senses; Je cède à ses charmes puissants. I yield to its powerful charms. Lui seul peut de mon cœur calmer l’inquiétude. It alone can calm the anxiety of my heart.

7. JEAN-BAPTISTE LULLY – Acis et Galatée Acte II, scène 5 Act Two, Scene 5

Prélude Prelude

GALATÉE, seule GALATEA, alone Enfin, j’ai dissipé la crainte At last I have dispelled the fear Qui m’arrêtait au fond des flots ; That gave me pause beneath the waves; Je vois régner ici le calme et le repos ; I see that calm and tranquillity reign here; Ma flamme désormais ne sera plus contrainte. Henceforth my passion will no longer be constrained. Cherchons seulement Let me but seek Le berger charmant The charming shepherd Que mon cœur adore. Whom my heart adores. Hélas ! il ne vient point encore. Alas! he does not come yet.

Acis, mon cher Acis, en quels lieux êtes-vous ? Acis, my dear Acis, where are you? Revenez près de moi, tout est ici tranquille, Come back to me: everything is quiet here, Vous n’avez plus besoin d’asile You no longer need to seek refuge Contre un injuste courroux. From an unjust wrath. Quoi ? Tu ne réponds point à ma voix qui t’appelle ? What? Do you not answer my voice that calls you? Je commence à sentir une peine mortelle I begin to feel mortal anguish De ton éloignement. That you remain far from me. Acis, mon cher Acis, dois-tu perdre un moment ? Acis, my dear Acis, must you waste a moment?

Mais, quelle terreur secrète But what secret terror M’alarme et m’inquiète ? Alarms and troubles me? Quelle image, grands Dieux ! vient frapper mon What image, great gods, comes to my mind! [esprit ! I tremble. What a sight appears before my eyes? Je tremble. Quel objet à mes yeux se présente ? The overturned rocks and the bloodstained earth Les rochers renversés et la terre sanglante Assure me of the disaster that my heart foretold. M’assurent le malheur que mon cœur m’a prédit.

21 Que ne puis-je expirer après ce coup funeste ? Why can I not expire after this fatal blow? Mon amour à jamais fera couler mes pleurs. My love will make my tears flow for evermore. Heureux mortels ! dans de pareils malheurs, Happy mortals! In such misfortunes L’espoir de la mort vous reste. The hope of death is still left to you. Fut-il jamais un destin plus affreux ? Was there ever a more dreadful fate? Quel cœur a ressenti la douleur qui me presse ? What heart has felt the grief that oppresses me? Je perds l’objet de ma tendresse I lose the object of my love Quand nous sommes près d’être heureux. When we were about to find happiness.

Faut-il encor pour croître mon supplice Must it be, to increase my torment, Que de sa mort je sois complice ? That I should be an accessory in his death? J’ai pu l’abandonner I was capable of deserting him Dans ce pressant danger, In that pressing danger, Quand son amour faisait éclater son courage. When his love made his courage blaze forth. Ah ! je ne puis y songer Ah! I cannot think of it Sans frémir de honte et de rage ; Without quivering with shame and rage; Songeons du moins à le venger. Let me, at least, think of avenging him.

Poursuivons le géant, invoquons les Furies, Let me pursue the giant; let me invoke the Furies, Qu’il ne puisse trouver d’asile ni d’appui ! That he may find neither refuge nor support! Qu’elles exercent sur lui Let them wreak upon him Toutes leurs barbaries ! All their savageries! Mais ce cruel châtiment But will this cruel punishment Me rendra-t-il mon amant ? Bring my lover back to me? Pour soulager ma peine extrême, To relieve my extreme grief, Il faut me rendre ce que j’aime. The swain I love must be restored to me.

22 8. HENRI DESMAREST – Circé Acte IV, scène 1 Act Four, Scene 1

Prélude Prelude

CIRCÉ CIRCE Sombres marais du Styx, Cocyte, Phlégéton, Dark swamps of the Styx, Cocytus, Phlegethon, Impitoyable Alecton, Pitiless Alecto, Dieux ténébreux du vaste empire, Gloomy gods of the vast empire Qui s’étendra toujours sur tout ce qui respire, Which will always extend over all that breathes, Servez mes jaloux transports ; Serve my jealous transports; Que d’Elphénor l’ombre sanglante, Let the bloody shade of Elpenor Pour un moment, quitte vos tristes bords, Leave your sad shores for a moment; Qu’elle répande ici l’horreur et l’épouvante. Let him spread horror and dread here. Démons, que vous tardez à remplir mon espoir ! Demons, how long it takes you to fulfil my hopes! Démons, redoutez mon pouvoir ! Demons, fear my power! Je vais ouvrir vos cavernes affreuses, I will open your fearful caverns, J’y ferai pénétrer le soleil qui nous luit, I will let the bright sun penetrate them; Je chasserai le silence et la nuit I will drive away the silence and the night De vos demeures ténébreuses. From your gloomy abodes. Hâtez-vous, hâtez-vous ! Tarderez-vous encor Make haste, make haste! Will you still delay D’envoyer l’ombre d’Elphénor ? Sending the shade of Elpenor? Vois ce tombeau : je veux que pour jamais Behold this tomb: I want your manes Tes mânes soient en paix. To be at peace for evermore.

9. Acte IV, scène 3 Act Four, Scene 3

Prélude Prelude

Calmez votre violence, Calm your violence, Transports impétueux, n’agitez plus mon cœur ; Impetuous transports, agitate my heart no longer; N’ai-je pas satisfait ma jalouse fureur Have I not satisfied my jealous rage Par une affreuse vengeance ? With an awful vengeance? Que dis-je ? Malheureuse, est-ce là me venger, What am I saying? Unhappy Circe, is this my vengeance, Quand le cruel Amour m’oblige à partager When cruel Love forces me to share Toutes les peines d’un coupable All the pains of a guilty man Qui me paraît toujours aimable ? Who still appears lovable to me?

23 10. JEAN-BAPTISTE LULLY - Psyché

Acte I, 1er intermède Acte I, 1er intermède Act One, First Interlude

Symphonie Symphonie Symphony

UNE FEMME AFFLIGÉE UNE FEMME AFFLIGÉE AN AFFLICTED WOMAN Deh, piangete al pianto mio, Hélas, pleurez à mes pleurs, Alas, weep at my tears, Sassi duri, antiche selve. Dures pierres, forêts antiques, Hard rocks, ancient forests; Lagrimate, fonti e belve, Versez des larmes, fleuves et Shed tears, springs and wild D’un bel volto il fato rio. [bêtes sauvages, [beasts, Sur la destinée malheureuse d’un Over the cruel fate of a fair [beau visage. [countenance.

(double de Michel Lambert) (double de Michel Lambert) (double by Michel Lambert) Rispondete a’ miei lamenti, Répondez à mes plaintes, Answer my lamentations, Antri cavi, ascose rupi. Antres creux, rochers cachés, Hollow caverns, hidden crags. Deh, ridite, fondi cupi, Répétez, profondeurs obscures, Repeat, pitch-black depths, Del mio duolo i mesti accenti. Les tristes mots de ma peine. The sad strains of my sorrow.

(trad. Barbara Nestola, CMBV)

24 11. JEAN-BAPTISTE STUCK – Thétis et Pélée

Air ajouté Air ajouté Additional air

Non sempre guerriero Le son de la trompette The sound of the trumpet È il son della tromba, N’est pas toujours belliqueux, Is not always warlike. Talora rimbomba Parfois il résonne Sometimes it blares Per legge d’amor. Par la loi de l’Amour. On behalf of the law of love.

Talor del cimiero L’éclat du cimier Sometimes the gleaming helmet È pallido il lampo Blêmit parfois, Grows pale, E armato nel campo Et, armé dans le champ, And, armed on the battlefield, L’arciero severo L’archer sévère The stern archer [Cupid] Disfida il valor. Défie la valeur. Challenges courage.

Non sempre guerriero, etc. Le son de la trompette, etc. The sound of the trumpet, etc.

(trad. Barbara Nestola – CMBV)

25 12. ANDRÉ CAMPRA – L’Europe galante La Turquie (4e entrée), scène 1 La Turquie (Fourth Entrée), Scene 1

ZAÏDE, seule ZAIDE, alone Mes yeux, ne pourrez-vous jamais My eyes, will you never be able Forcer mon vainqueur à se rendre ? To force my vanquisher to surrender? Faut-il, avec un cœur si tendre, Must I, with such a tender heart, Avoir de si faibles attraits ? Have such feeble charms? Mes yeux, ne pourrez-vous jamais, etc. My eyes, can you never, etc.

Au moment de mon esclavage, At the time when I was enslaved, Quand on me conduisit dans ce riche palais, When I was led to this rich palace, Il parut à mes yeux l’antre le plus sauvage ; It seemed to my eyes like the most savage lair; Je le fis retentir de mes tristes regrets. I made it echo with my sad regrets. Je me fis une image affreuse I formed a fearful image Du souverain que j’adore aujourd’hui ; Of the sovereign I adore today; Mais, sa présence enfin dissipa mon ennui, But his presence finally dispelled my distress, Et je me trouvai trop heureuse And I found myself all too happy D’être captive auprès de lui. To be a captive at his side. Les beautés dont il est le maître The beauties of whom he is the master Par son ordre bientôt s’assemblent dans ces lieux. At his command will soon assemble here. Amour, Amour, fais-lui connaître Cupid, Cupid, make him realise Le cœur qui le mérite mieux. Which heart most deserves him.

Mais, c’est lui que je vois ; gardons-nous de But I see him coming; let me beware of being seen; [paraître ; It is not yet time to present myself before him. Il n’est pas temps encor de m’offrir à ses yeux.

26 14. ANDRÉ CAMPRA – Télèphe Acte II, scène 3 Act Two, Scene 3

LA PYTHONISSE THE PYTHONESS Soleil, dans ta vaste carrière, Sun, in your vast course, Tes feux embellissent les cieux ; Your beams embellish the heavens; L’éclat de ta vive lumière The splendour of your dazzling light Est le charme de tous les yeux. Charms all eyes. Tu ne vois rien qui ne t’adore ; You see nothing that does not love you; Toute la terre est ton autel ; The whole earth is your altar; Les richesses que font éclore The rich treasures made to blossom Cérès, Bacchus, Pomone et Flore By Ceres, Bacchus, Pomona and Flora En sont l’ornement immortel. Form its immortal ornament.

15. Charmant Père de l’harmonie, Entrancing Father of Harmony, Tout ressent ton pouvoir divin ; Everything feels your divine power; Quand ta voix touchante est unie When your touching voice is united Aux sons qui naissent sous ta main, With the strains produced by your hand, Tout se tait : les vents sont paisibles, Everything falls silent: the winds are peaceful, Les rochers deviennent sensibles, The very rocks are moved; Tu sais attirer les forêts ; You know how to draw the forests to you; Tu suspends l’onde fugitive, You suspend the fleeting wave; Toute la nature attentive All nature, attentive, Se rend à de si doux attraits. Yields to such sweet charms.

17. Quelle épaisse vapeur tout à coup m’environne ? What dense vapour suddenly surrounds me? Quels mouvements soudains ! Quelle secrète What sudden movements? What secret horror? [horreur ! I tremble! I shiver! Je tremble ! Je frissonne ! I feel the transports of a divine frenzy! Je ressens les transports d’une sainte fureur ! The god by whom my soul is possessed Le dieu dont mon âme est saisie Unveils the future to my amazed eyes. À mes yeux étonnés découvre l’avenir. (to Ismene) (À Isménée) What splendour! What honours will make your life Quel éclat ! Quels honneurs feront briller ta vie ! [glitter! Avant la fin du jour, l’Hymen te doit unir Before the day is at an end, Hymen will unite you Au destin du roi de Mysie. With the destiny of the King of Mysia.

27 19. ANDRÉ CAMPRA – Idoménée Acte IV, scène 1 Act Four, Scene 1

ILIONE, seule ILIONA, alone Espoir des malheureux, plaisir de la vengeance, Hope of the unfortunate, joy of vengeance, Calmez les maux que j’ai soufferts. Assuage the woes that I have suffered. Le cruel ennemi qui me chargea de fers The cruel enemy who loaded me with chains Du céleste courroux ressent la violence. Feels the violence of divine wrath. Espoir des malheureux, plaisir de la vengeance, etc. Hope of the unfortunate, joy of vengeance, etc.

Un monstre excité par Neptune A monster, urged on by Neptune, Sur ces bords désolés venge mon infortune. On these desolate shores avenges my misfortune. Que l’effroi, que l’horreur accompagnent ses pas, May fear and horror accompany its progress; Qu’il couvre de mourants cette rive sanglante, May it strew this bloody shore with the dying; Que de son haleine brûlante May its fiery breath Il porte partout le trépas. Bring death everywhere!

Que dis-je ? Mon cœur s’épouvante ! But what am I saying? My heart is appalled! Qui me fait soupirer ? Ah ! je sens qu’Idamante What makes me sigh? Ah! I feel that Idamantes Pour tous les autres Grecs a calmé mon transport : Has calmed my rage against all the other Greeks: Il veut de tant de maux délivrer ce rivage… He wants to deliver this land from so many woes . . . Arrête, cher amant… ! Que prétend ton courage ? Desist, dear lover! Whither does your courage Tu cherches à périr : je frémis de ton sort. [aspire? Dieu des mers, pour ses jours j’implore ta You seek to perish: I tremble at your fate. [puissance ; God of the seas, I implore your might to preserve Ilione à ce prix ne veut point de vengeance. [his life; Iliona does not desire vengeance at such a cost.

28 21. MICHEL PIGNOLET DE MONTÉCLAIR – Les Fêtes de l’été Les Matinées d’été (1re entrée), scène 3 Les Matinées d’été (First Entrée), Scene 3

Sommeil Sommeil

SYLVIE SYLVIA Mais, tout parle d’amour dans ce riant bocage ! But everything speaks of love in this smiling grove! Des oiseaux le tendre ramage The tender warbling of the birds Est répété par les échos. Is repeated by the echoes. Le sommeil vient sur moi répandre ses pavots. Sleep comes to spread his poppies over me. Sur ce gazon, sous cet ombrage, On this grass, beneath this shade, Jouissons un moment des douceurs du repos Let me enjoy for a moment the sweet repose Que m’a fait perdre mon volage. Of which my fickle lover has deprived me.

22. ANDRÉ CAMPRA – Idoménée Prologue, scène 3 Prologue, Scene 3

VÉNUS VENUS Coulez, ruisseaux ; dans votre cours, Flow, streams; in your course, Que vous sert-il de prendre What does it avail you to make De longs détours ? Long detours? Dans l’empire des mers vous viendrez tous vous You will all come to the empire of the seas to [rendre. [surrender.

Vous aussi, jeunes cœurs, You too, young hearts, Vous avez beau vous défendre However strenuously you defend yourselves Des tendres ardeurs, From tender ardour, Dans l’empire d’Amour vous viendrez tous vous You will all come to the empire of Love to surrender. [rendre.

29 24. JEAN-BAPTISTE STUCK – Polydore Acte II, scène 1 Act Two, Scene 1

Ritournelle Ritornello

ILIONE, seule ILIONA, alone C’en est donc fait : le roi n’a plus de fils. So it is done: the king no longer has a son. Je crains que tôt ou tard mon frère ne partage I fear that, sooner or later, my brother will share Le sort affreux dont je frémis. The dreadful fate at which I shudder. Dieux, éloignez de ce rivage Ye gods, keep away from this shore De si terribles ennemis. Such terrible enemies.

Ô toi, puissant maître de l’onde, O mighty master of the waves, Neptune, si jamais Ilion te fut cher, Neptune, if ever Ilium was dear to you, Détourne le coupable fer Ward off the guilty blade Qu’on destine à verser le plus beau sang du monde. That is about to shed the noblest blood in the world.

Déchaînez-vous, vents furieux, Rage, furious winds, Dispersez les vaisseaux qui menacent ces lieux. Scatter the ships that threaten this place. Que tous les éléments leur déclarent la guerre, Let all the elements declare war upon them, Que les flots mutinés s’élèvent jusqu’aux cieux. Let the rebellious waves rise up to the skies. Et vous, juste vengeur des projets odieux, And you, just avenger of hateful schemes, Si sur les crimes de la terre If to the crimes committed on earth Vous n’avez pas fermé les yeux, You have not closed your eyes, Jupiter, lancez le tonnerre. Jupiter, hurl your thunderbolts. Le sang des rois doit être cher aux dieux. The blood of kings should be dear to the gods.

Translations: Charles Johnston

30 katherinewatsonsoprano.com 31 alexiskossenko.com 32 les-ambassadeurs.com 33 34 © Pierre Grosbois FAIRE RAYONNER LA MUSIQUE FRANÇAISE DES XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES

Rayonnant aux XVIIe et XVIIIe siècles sur l’ensemble de l’Europe, la France voit naître des genres musicaux atypiques aux formes audacieuses qui font toute la valeur de son patrimoine. Les noms de Lully, Rameau, Campra, Charpentier témoignent, aux côtés de tant d’autres, de l’extraordinaire foisonnement artistique de cette période. Ce riche patrimoine musical sombre pourtant dans l’oubli après la Révolution française. Il faudra attendre les années 80 pour que le mouvement du « renouveau baroque » s’emploie à le faire revivre.

Le Centre de musique baroque de Versailles est alors créé en 1987 pour redécouvrir et valoriser le patrimoine musical français des XVIIe et XVIIIe siècles dans le monde. Il met en œuvre des activités de recherche, d’édition, de formation vocale et instrumentale, de production artistique et d’actions culturelles avec ses partenaires, et met à leur disposition une diversité de ressources.

Le CMBV est soutenu par le ministère de la Culture (Direction générale de la création artistique), l’Éta- blissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, le Conseil régional d’Île-de- France, la Ville de Versailles et le Cercle Rameau (cercle des mécènes particuliers et entreprises du CMBV).

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35 DISSEMINATING THE FRENCH MUSIC OF THE SEVENTEENTH AND EIGHTEENTH CENTURIES

As its influence spread throughout Europe in the seventeenth and eighteenth centuries, France saw the birth of atypical musical genres, cast in bold formal schemes, which constitute a priceless heritage. The names of Lully, Rameau, Campra and Charpentier, among so many others, bear witness to the extraordinary artistic profusion of the period. Yet this rich musical heritage sank into oblivion after the French Revolution. It was not until the 1980s that the ‘Baroque revival’ movement set about bringing it back to life.

It was at this point that the Centre de Musique Baroque de Versailles was founded in 1987 to rediscover the French musical patrimony of the seventeenth and eighteenth centuries and promote it around the world. It now organises activities including research, publishing, vocal and instrumental training, concert and opera production and outreach programmes with its partners, and places at their disposal a wide range of resources.

The CMBV is supported by the French Ministry of Culture (Direction générale de la création artistique), the Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, the Conseil régional d’Île-de- France, the Ville de Versailles and the Cercle Rameau (the circle of private and business patrons of the CMBV).

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