Par Anne-Marie Fortier Mémoire De Maîtrise Soumis À La Faculté Des
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par Anne-Marie Fortier Mémoire de maîtrise soumis à la Faculté des études supérieures et de la recherche en vue de l'obtention du diplôme de Maîtrise ès Lettres Département de langue et littératures françaises Université McGill Montréal, Québec Octobre 1992 \,é) Anne-Marie Fortier, 1992 • Ce mémoire est un essai pour reconstituer les couches successives des interprétations dont l'oeuvre et la vie de Rimbaud ùnt fait l'objet entre 1883 et 1935 environ. Ces lectures successives font vivre le texte, assurent son passage à travers le temps et, par là, lui servent aussi de ~~. Le concept de «préface)) donc, est ici élargi jusqu'au texte critique. Constituées de lectures et de cOlrunentaires influencés à la fois par la révélation progresslve du texte et les circonstances historiques et intellectuelles dans lesquelles elles se forment, les strates d'interprétations, en s'ajoutant les unes aux autres sans se détruire, ne cessent d'enrichir et de transformer le texle originel, d'en «épaissir)) le sens et la portée, de lui donner des valeurs et des significations nouvelles, et ainsi de le garder vivant, sinon plus r:"l"':~~:l' à travers le temps gui passe qu'au jour de sa première apparition. De plus en plus, avec les années, l'interrogation centrée d'abord sur le «cas)) Rimbaud, tend à s'élargir pour viser finalement, à travers Rimbaud, la poésie elle-même, sa nature, sa signification, sa portée. Associés dans l'esprit des préfaciers, le destin de Rimbaud et celui de la poésie son~ examinés ensemble comme si dans le premier se jouaient la valeur et la signification du second . • 3 Abstract • Rimbaud's life and works have been the subject of n'lrnerous readings ever since the poet' s first appearance on the llLerary scene. This thesis is an attempt to reconstitute the mu l UpIe J ayers of interpretatlons which were grafted onto Rimbaud's life and works between 1883 and 1935 approximately. Successlve readings keep a text alive and, in so doing, fonction also as prefaces. The concept of «preface)) is thus expanded here to include the critical text. 'l'hese st rata consist of readings and commenta:-ies influenced both by the historical and intellectual circumstances in which they were fonned and by the progressive revelation of the texti added one to another without cùncelllng each other out, these layers continually enrich and transform the original, making both i ts meaning and i ts import denser, investing i t with new signlficance and new values and thereby keeping it alive, in fact making lt even more present wlth the passing of the years. OVer the years, the focus of reflexion on Rimbaud has shifted from the study of his particular «case)) to a more profound questioning, via Runbaud, of poetry itself, its nature, its meaning, its scope. In the minds of the connnentators, Rimbaud and poetry' s destinies are intertwined; thus, they «read)) them together as if the value and the meaning of the poetry' s destiny were dependent on the destiny of RlInbaud . • 4 • Table des matières • 5 • Introduction ............................. _ ................ D, Chapitre 1: 1" ,,1' JI J ()TJ~ ou dE:'\L'/ RJ mbaud (1883-1899) .•.....•....• 18 Verlaine: Maudit par lui-même, poète maudit ...••.....•.... .2IJ l sabe lie: Rimbaud, héros de Charleville .................•• :n Verlaine: Heurt préfaciel ....................•.....•..••• 43 Chap.ilre 2: (__ 'll_~L'~J,1 ;;{ l'~fIo"o (19]2-1914) ..•.....••..•.•••..• SO PauJ Claudel: Le retour de la Source ....•.....•.....••...• 56 Ben lehon-Cou Ion: À propos d'une édition de Rimbaud ....•... .65 Mar cel Coulon: Apparition et disparition du génie .......... 69 Jacques Rlvlère: L'ange furieux .......................... :75. Chapitre 3: 1'),_' 111'.'L_.'.'-Lll" (l(, '-'-)JllIl1t:nt \'lvre: (1914-1924) •.....92 « Incohérence harmonique)) .....................•.....•.•••. 96 Première impasse.... .. • • ••. .. 104 La cont,radJct_ion cohérente ...................•.....••..•• 116 Rimbaud, hOImne de métier ...........................•.•••. 119 L' hOlTune en mouvement .................•......•....•••...• .122 Prallque de la vie: poésie pratique ...........•.....•..... 13.0 Chapitre 4: l.'-'~_l,k'llr fr,~qlle (1925-1935) .......••.•.••••.•. 139 Renévi 11 e: La suspension des puissances du voyant ......•... l42 De quelques falsifications ......•......................•• 151 uArt.huI" est le roman d'Isabelle» ...........•.....•...•. 1~1 Intervention d'une autre Isabelle? .................... 155 Fondane: RlnÙJaud, mystique civilisé ...•.•.....•••...•..... 1~8 Breton: La révolution parallèle de Rimbaud ................ .1:72 L' obJectl vation des idées .....•.....•.......•......... 173 Situation de l'objet surréaliste ...........•.•...••.... 17.9 Conclusion .... , ........................• _ •................ 166 Bibliographie .............................•••............. J.95 • 6 • Introduction • 7 • Le temps qui sépare un texte de son lecteur est l'espace de lectures successives qui sont autant de filtres par lesquels le texte parvient jusqu'à nous. Chaque lecture fait donc vivre le texte, assure son passage à travers le temps et, par là, Dans son sens premier, la préface, comme le note Antoine Compagnon, est l'épreuve de réalité du livre: ((elle marque l'entrée du livre dans [l' ]univers de l'aliénation, de la publication, de la circulation, elle est une dépossession"·, Elle assure le glissement du livre dans le réel et, par là, conjure la A. Compagnon, La secc'nde l1lêllI1, p. 345; nous renverrons • désonnais à cet ouvrage par le nom de l'auteur suivi de la page. 8 mort par la lecture, qu'elle continue en la préparant. La toute • première pléface, qu'elle soit autographe ou al lographe , est une première distance prise avec l'oeuvre. L'auteur, d'abord, au moment de rédiger une préface à son oeuvre, doit en sortir et porter sur elle un regard critique (ou un regard de critique). Il annule la dér l ve du livre en la posant comme son rivant -d i re, son origine. De la même manière, un premier préfacier, contemporain de l'auteur 1 valorise, lui, ce qui permet d' lnscrire l'oeuvre dans l'institution, c'est-à-dire qu'il cherche à montrer que l'oeuvre est à la fois poursuite et rupture d'une tradition, au risque de s'écarter du coeur de ce qui la sous-tend. Le préfacier assujettit l'oeuvre, il la recrée en la réénonçant, il la fabrique en réordonnant son propos: «L'auteur citant est celui qui met de l'ordre dans les systèmes cités, qui conçoit leur cadastre; et, rétrospectivement, il s'IdentIfie à l'image de cet ordre» (Compagnon, p. 400). Dans cet assujettissement de la parole d'autrui se joue la légjtimité de l'oeuvre mais aussi celle du préfacier. C'est par la cohérence qu'il offrira à la préface que le texte viendra, en retour, légitimer le préfacier. Mais, alors même qu'il ménage des creux et des attentes que le texte viendra combler, le préfacier détourne l'attention du lecteur, il le soustrait à la sollicitation inrnédiate du texte. A cet égard, que la préface se répartisse dans les notes en bas de pages ou qu'elle participe d'une politique éditoriale (le choJX et • l'organisation des textes), qu'elle précède ou suive le texte, qu'elle paraisse séparément, ailleurs ou plus tard, elle remplit, 9 nous semble-t-il, le même rôle. La notion de préface s'étend dès • lors à la périgraphle, c'est-à-dire à tout ce qui, corrune un mode d'emploi, donne des instructions àU lccte'.lr. La préface, tout comme le texte critique, est une fonne d' interprétatJon par laquelle «l'oeuvre n'est plus seulement un objet à lire: elle est devenue un lieu d'engendrement d'une autre oeuvre)) . Car « l'interprétation d'un texte ne peut être jamais que la tentative de proposer un autre texte, équivalent mais plus satisfaisant pour telle ou telle raison. Une lecture comporte toujours [ ... J des possibilités mal définies d'interprétation, mais tacites)) . Plus largement, on peut donc dire gue tout texte criUque est aussi une préface au texte. Le préfacier, au sens strict ou au sens large, définit une problématique dont les thèmes et les termes seront ceux-là mêmes que r eprendr ale lecteur qui veut soumettre la préface à l'épreuve du texte. Voudrait-il nuancer la préface, y apporter une correction ou s' y opposer farouchement, c'est-à-dire s'élever contre elle, se situer à son opposé, gu 1 il viendrait encore renforcer cette problématique par une sorte de contre-idéalisation qui, selon Jauss, CIne rompt pas pour autant avec les nonnes positives qu'relIe) implique [mais] accroît au contraire leur pouvoir de persuasion [ ... 1 en les faisant apparaître comme les A. P. Bobika, «Le discours préfaciel", p. 82. • O. Mannoni, u Le besoin d'interpréter", p. 202 . 10 prédicats de la plénitude, en face de ceux du manque))'. C'est ce • qu'ailleurs Althusser dénonce comme le ((mythe spéculaire de la vision» . La problématique que pose le préfacier- émerge d'un contexte général d'interprétation, ce qu'Althusser dppelle les conditions de productlon, et, à cause de cela, le lecteur contemporaln de la préface, ayant du ma] à sortlr de ces conditions qui sont aUSSl les siennes, arrivedjfficilement à redéfinir la question, à la poser autrement. La véritable lecture d'un texte, celle qui pennettra d'apercevoir ce qu'il met en lumière et porte à la conscience, sera celle qui prendra sa mesure: une deuxième préface qui s'élaborera dans les failles de la première. Au gré de leur voyage dans le temps, les préfaces, pour s'accumuler, se «textualisent», selon l'expression de Genette'. En s'additionnant à elles, la préface la plus récente repousse les précédentes dans le passé et Jes rapproche du texte jusqu'à les y résorber; elles feront désormais partie du texte et celui-cl ne pourra plus, en quelque sorte, être lu sans elles. L'oeuvre et la vie de Rimbaud, sorte de texte premier auquel se greffent les préfaces successives dont il fait l'objet, vont constituer dès lors l'intertexte de toute nouvelle préface.