Visite du Château de Sassenage

Nous étions 25 à participer au cours de cette visite guidée à découvrir le Château du 17e et ses décors majestueux au fil d'une visite qui nous a éclairés sur la famille Bérenger-Sassenage et l'histoire des lieux.

Aux sources, on trouve Mélusine...

Représentée sur la façade du Château, la fée Mélusine semble veiller depuis des siècles sur les Bérenger-Sassenage !

D’après la légende, cette jeune fée des eaux, touchée par un sortilège, est vouée à se transformer tous les samedis, ses jambes devenant une queue de serpent !

La famille de Sassenage assurait descendre de Mélusine, mariée à un mortel, et dont l’histoire a pour décor les environs du Château…

Il était une légende …

Tout commence avec un certain Raymondin, fils du comte de Lyon et du Forez, de séjour auprès de son oncle, le Comte du Poitou. Au cours d'une partie de chasse, Raymondin tue accidentellement son oncle et, pris de panique, il prend la fuite et se perd dans les bois.

Au détour d'un chemin, certainement proche d'un cours d'eau, il fait alors la rencontre d'une magnifique jeune femme : Mélusine. Ensorcelée par sa mère Présine, épouse du roi d’Albanie, Mélusine était condamnée à se transformer tous les samedis en créature mi-femme mi-serpent jusqu’au jugement dernier. La durée de ce châtiment pouvait être écourtée si elle se mariait à un chevalier promettant de ne jamais chercher à percer son secret. Mélusine voit alors en Raymondin celui qui pourra la libérer de sa malédiction.

En échange d'un mariage et de la promesse de jamais chercher à savoir ce qu'elle faisait le samedi, la fée promet au jeune fuyard une vaste terre et une nombreuse descendance. Raymondin accepte et respecte durant de nombreuses années cet étrange serment. Le couple coule des jours heureux et a même dix enfants.

Toutefois, un jour, poussé par la curiosité, Raymondin perce un trou dans la porte de la chambre de son épouse et la découvre dans son bain au moment de sa mutation. Trahie, Mélusine s’envole par une fenêtre du château pour trouver refuge dans les cuves de Sassenage. On raconte que la fée avait coutume de survoler la région pour veiller sur sa descendance et qu’elle poussait un cri de lamentation pour prévenir de la mort d’un seigneur de Bérenger-Sassenage, trois jours avant que le malheur n'arrive.

Fiers de leur origine féérique, les Sassenage choisissent la légende de Mélusine pour devise : « Si fabula, nobilis est ! » (Si c'est une fable, elle est noble !).

D'où nous vient la fée des eaux ?

La légende de Mélusine se serait répandue dans la région à partir des années 1660 (époque à laquelle les Seigneurs de Sassenage font bâtir leur nouveau château).

Le personnage féérique de Mélusine nous viendrait originellement des Ligures (qui occupaient les Alpes), et qui vouaient un culte à la déesse de la fécondité Lucine. Cette divine créature aurait été transformée au fil de l’histoire en Mélusine.

L’histoire de la Maison, de l’an Mil au 17e siècle

Les Sassenage descendraient des comtes de Lyon et du Forez et se seraient établis en Dauphiné vers l’an mil. Au 14e siècle, la famille se lie aux Bérenger du Royans et étend son influence sur la partie Nord du Vercors et ses alentours : la Maison Bérenger-Sassenage était née ! Au fil des alliances, elle devint l’une des plus puissantes familles dauphinoises et atteignit le rang de seconde Baronnie du Dauphiné. Ses membres occupent alors de hautes charges au sein de la société (évêques, militaires, conseillers des Dauphins…). Ils évoluent sur un territoire qui conservera longtemps son autonomie : appartenant au Saint-Empire Romain Germanique, le Dauphiné est rattaché au Royaume de en 1349. Endetté et sans héritiers, le dernier Dauphin indépendant -Humbert II- cède son Etat au roi de France Philippe VI via le Traité de Romans mais s’assure, en échange, que le Dauphiné garde son statut particulier. Le Dauphiné sera traditionnellement réservé à l’héritier du trône de France : les fils aînés des rois de France prendront ainsi le titre de « Dauphin » dès leur naissance.

Devises et armoiries

Les premières armoiries des Bérenger-Sassenage sont empruntées aux Princes de Royans, et représentent le lion. Prenez garde, deux fauves de pierre gardent, aujourd’hui encore, l’entrée du Château… La devise de la famille, « Si fabula, nobilis illa est », (« Si c’est une fable elle est noble », en référence à la légende de Mélusine), peut varier : Jacques de Sassenage adopte « Une sur toute » par amour, et les Sassenage de Pont-en-Royans lui préfèrent « J’en ai la garde du pont » !

L’AMBITION DE CHARLES DE SASSENAGE

Dispersées au cours des successions, les terres des Sassenage sont petit à petit rassemblées au 17e siècle. Pour illustrer ce renouveau et affirmer le prestige de sa famille, Charles fait bâtir le Château, entre 1662 et 1669, à l’emplacement d’une maison-forte. Avec cette construction, il souhaite impressionner, marquer les esprits et illustrer la puissance de sa famille ! Les décors des salles sont également au service de ce programme ambitieux...

La naissance du Domaine au 17e siècle

Aux 15e et 16e siècles, la maison Bérenger-Sassenage s’affaiblit au fil des héritages : les seigneuries sont divisées entre les descendants mâles et le patrimoine familial s’émiette progressivement. Au milieu du 17e siècle, Alphonse de Sassenage marie son fils Charles à Christine Salvaing de Boissieu, fille unique du très influent Denis Salvaing de Boissieu. Ce dernier n’est autre que le premier président de la Chambre des Comptes de . Il aide son gendre à faire bâtir un château d’apparat, prompt à afficher la puissance retrouvée des Bérenger-Sassenage !

L’élévation du Château

Le Château de Sassenage s’élève donc avec l’aide de Denis Salvaing de Boissieu, au pied du Vercors, non loin des ruines du Château féodal de la famille de Sassenage. L’architecte valentinois Laurent Sommaire est chargé des travaux qui vont nécessiter huit années (1662-1669). Il est bâti en pierre calcaire de Sassenage et se situe au cœur d’un magnifique parc, que l’on fait alors aménager en jardin à la française.

Les tableaux

Les collections comprennent aussi des œuvres picturales, représentant en majorité des membres de la famille Bérenger-Sassenage, mais aussi des membres de la famille royale, puisque les Bérenger- Sassenage furent à leur service durent de nombreuses années.

Marie-Françoise-Camille

Au 18e siècle, la Marquise de Sassenage se distingue à la cour de Louis XV, et intègre le cercle de Madame de Pompadour ! Grande esthète, elle passe commande auprès d’artisans renommés. Revenue en Dauphiné, elle anime avec éclat la vie mondaine grenobloise. « Libertine », indépendante, elle aurait inspiré Choderlos de Laclos pour le personnage de Mme de Merteuil dans les « Les Liaisons Dangereuses »…

Durant la majeure partie du 18e siècle, le domaine est la propriété de Marie-Françoise-Camille de Sassenage (1704-1786) qui toutefois n’y séjourne pas.

Née en 1704, Marie-Françoise-Camille est l'unique héritière de sa branche familiale ce qui pousse ses parents à la promettre en mariage à son grand cousin : Charles-François de Sassenage, afin de réunir le patrimoine familial.

L’union ayant été célébrée, la jeune marquise quitte le Dauphiné pour aller vivre dans la famille de son époux, à Paris.

L’expérience de la vie à Versailles…

Après avoir été présentés à la Cour en 1736, les époux Sassenage s’installent à Versailles suite à l'obtention par Charles-François de la prestigieuse charge de menin du Dauphin : il entre au service du fils aîné de Louis XV, et devra veiller sur lui.

De son coté, Marie-Françoise-Camille crée un solide réseau de relations. Elle est une amie proche de Jeanne-Antoinette Poisson, future Madame de Pompadour, favorite du Roi. Cette amitié de longue date, animée par une passion commune pour le théâtre, donne de nombreuses occasions à Marie- Françoise-Camille de compter parmi les proches de Louis XV. Le Marquis de Luynes écrit à ce sujet en octobre 1746 « le Roi soupa lundi dans ses cabinets. Les Dames étaient Mmes d’Estrades, de Sassenage et de Pompadour. Ce sont toujours à peu près les mêmes, ces trois-là ».

Un esprit indépendant

Bien que le statut juridique de la femme au 18e siècle soit considéré comme mineur au regard de celui de l’homme, Marie-Françoise-Camille obtient en 1738 la séparation en biens de son époux, afin de protéger son patrimoine des dettes de ce dernier. Le couple reste cependant uni et continue à vivre sous le même toit.

Devenue veuve en 1762, la Marquise de Sassenage quitte Versailles pour s’installer à Paris. Loin de se replier dans un veuvage pieux, comme le voudrait l’usage, elle multiplie les activités mondaines et loisirs, comme la promenade sur les boulevards. Elle y achète aux marchands ambulants des biscuits, chocolats, glaces et sirops d’orgeat : sa passion du chocolat est telle que 15 tablettes sont retrouvées dans sa table de nuit lors de l’inventaire après décès !

La Marquise de Sassenage a également une autre passion : le jeu ! Jeux de hasard et jeux de cartes font alors fureur dans les salons et Marie-Françoise-Camille n’échappe pas à cette fièvre ! Tric-trac et piquet se jouent sans réserve, même si les jeux d’argent sont alors officiellement interdits. On conserve au Château de Sassenage plusieurs tables à jeu commandées par la Marquise aux célèbres ébénistes Hache. À 67 ans elle quitte Paris pour Grenoble. Elle ne réside pas dans son château de Sassenage puisqu’elle l’a loué entrepreneur désireux d'y installer une manufacture de dentelle. Logée près de l'actuelle place de Lavalette, elle participe et organise des évènements mondains et s’impose dans la vie grenobloise par son nom prestigieux et son expérience de la Cour.

Une muse en son temps

La nouvelle « Reine » de Grenoble aime se divertir, et affiche une personnalité joyeuse et affirmée. L’avocat François Letourneau écrira d’ailleurs qu’« [elle] respire le plaisir plus qu’une jeune femme de quinze ans, elle aime les bals, les fêtes, les soupers brillants ; elle donne à jouer et fait avec prodigalité les frais de tous ces plaisirs ».

Raymond-Pierre dans la tourmente révolutionnaire

Chevalier des ordres du Roi, Raymond-Pierre est à Paris lorsque les premiers troubles révolutionnaires éclatent. Sa correspondance, conservée dans les archives, présente un témoignage passionnant de ces moments clés ! Il suit à distance les travaux au Château tout en luttant pour qu'il ne soit pas saisi par l’Etat. D’exil en emprisonnement, d’exécution en « miracle », l’histoire de la famille s’avère tourmentée…

A la fin du 18e siècle, le château de Sassenage va connaître de très grandes transformations. Six années de travaux (de 1785 à 1790) sont orchestrées par Raymond-Pierre de Bérenger qui agit au nom de son fils, Raymond-Charles-Ismidon, devenu propriétaire du domaine de Sassenage dès 1775. Contrairement à l’aspect extérieur qui a été globalement conservé, l’intérieur du château va être profondément transformé.

Les travaux de rénovation du château, entrepris dès 1785, n’ont pas été interrompus pendant la Révolution. À cette époque, Raymond-Pierre de Bérenger a joué un rôle essentiel. À Paris, il assiste en 1789 aux événements révolutionnaires, continue à diriger la fin des travaux au château de Sassenage et tente de sauvegarder le patrimoine familial par tous les moyens.

Après être venu s’installer à Sassenage, Raymond-Pierre de Bérenger est arrêté, le 28 Avril 1793 (en pleine Terreur) et écroué à Grenoble avec son homme d’affaires. Leurs noms figurent sur la liste des suspects, à emprisonner immédiatement, pour le département de l’Isère. Après un an et cinq mois de détention, Aimard est finalement libéré. Transféré à la prison de la Conciergerie, le marquis de Bérenger, qui n’a donné aucune preuve d’incivisme, est libre de retourner vivre à Sassenage, le 2 novembre 1794.

Durant la détention de son époux, Marie-Françoise-Camille de Bérenger (1738-1810) réside au château de Sassenage, désormais meublé. Pour ne pas être inquiétée, elle se comporte en citoyenne irréprochable et manifeste son soutien à la République en faisant don de draps, de couvertures et de matelas pour l’armée des Alpes.

« Sauve la vie »

Le devenir des trois enfants de Marie- Françoise-Camille et Raymond-Pierre de Bérenger témoigne des épreuves subies par la noblesse sous la Révolution.

Françoise-Camille de Bérenger, mariée au Duc de Saint-Aignan, est arrêtée avec son époux en Mai 1794. Après un jugement au tribunal révolutionnaire, son mari est guillotiné, mais elle, enceinte de trois mois, voit son exécution repoussée à la naissance de l’enfant. L’exécution de Robespierre, en Juillet 1794, mettant fin à la Terreur, les charges retenues contre Françoise-Camille sont alors abandonnées. Elle donne naissance le 1er Janvier 1795 à une petite fille, Pauline-Arthémie, qu’elle aurait surnommée « Sauve la vie » !

Des intérieurs remaniés au 18ème siècle

Loué à un entrepreneur en vue d'y installer une Manufacture de dentelle (la Blonde), le Château subit, de 1770 à 1784, des dommages importants. Peu soucieux d'honorer leur engagement (réaliser des réparations utiles au bâtiment), les entrepreneurs de la fabrique y logent près de 400 jeunes filles orphelines ou abandonnées, censées être formées au métier de dentellière. Les mauvaises conditions de vie des jeunes filles et les dégâts causés dans le château motivent, en 1784, la décision de Raymond-Pierre : le bail n'est pas renouvelé.

Dès lors, la famille reprend le domaine en main. Les travaux commandés par le marquis de Bérenger occasionnent alors un bouleversement dans l’agencement des pièces afin d’adapter la demeure aux normes et à l’art de vivre en vigueur.

De nombreuses cloisons sont installées, permettant d’optimiser la distribution des appartements et de créer des espaces spécifiques : cabinets (ou boudoirs) et garderobes (cabinets de toilette). Au rez- de-chaussée, Raymond-Pierre de Bérenger fait aménager une bibliothèque. Des entresols sont également construits pour créer de nouveaux logements destinés aux domestiques.

Le deuxième étage est entièrement aménagé. Au 17e siècle, ce niveau correspondait aux combles et ne comptait que quatre pièces. À la fin des travaux commandés par le marquis, on en dénombre dix- sept, essentiellement réservées aux invités, aux domestiques ou au rangement.

Le mobilier

Les pièces conservées et exposées au château de Sassenage vont de l’époque Louis XIII à la période Napoléon III, avec une forte majorité de meubles du 18e siècle. Ces derniers proviennent des ateliers d’ébénistes parisiens (un secrétaire est attribuable à Oeben, ébéniste de Louis XV), mais également des ateliers de la famille Hache, de prestigieux ébénistes grenoblois.

Après s’être initié au décor à l’italienne (entrelacs, guirlandes florales, etc.) Thomas Hache (1664- 1747), fils d’un ébéniste toulousain, s’installe à Grenoble en 1695. Il profite d’une évolution du style Louis XIV vers le style Régence (plus allégé) pour établir sa renommée. Ce spécialiste des marqueteries de bois régionaux devient, dès 1721, ébéniste ordinaire du Duc Louis d’Orléans, Gouverneur du Dauphiné.

Son fils, Pierre Hache, travaille à partir de 1725 dans l’atelier paternel. Grâce à l’estampille « Hache à Grenoble », ses œuvres sont connues. Il utilise également des bois des Alpes pour réaliser ses marqueteries (ce qui constitue la « patte » de la famille) et met au point un procédé permettant de teinter les bois régionaux en vert ou en rouge.

Des liens avec la famille de Sassenage…

Marie-Françoise-Camille de Sassenage (1704-1786) fait partie des clients réguliers de Jean-François Hache. Nous savons que l’ébéniste a réalisé de nombreux meubles pour les demeures de la marquise. Ainsi, commodes, bidets, chaises percées, fauteuils ou encore tables de jeux apparaissent dans les factures de Mme de Sassenage, dès la fin des années 1770.

Le cycle d’Enée : le message de Joseph de Sassenage

Au décès de son père en 1679, Joseph-Louis-Alphonse (1662-1693), hérite de la bâtisse et fait réaliser un décor allégorique à la gloire des Sassenage dans la grande salle du rez-de-chaussée, aujourd’hui appelée « salle des états ». Sculptures en stuc et toiles du peintre Louis Cretey soulignent les valeurs fondatrices de l’aristocratie guerrière du Grand Siècle : valeur militaire et protection de la lignée.

Les tableaux de Louis Cretey reprennent des scènes mythologiques tirées de l’Enéide : au fil des épreuves que rencontre Enée, (jeune troyen, ancêtre mythique des romains, et dont les parents ne sont autres qu'Anchise et Vénus). La famille Bérenger-Sassenage expose au regard des visiteurs un ensemble à sa propre gloire, faisant siennes les qualités du jeune héros.

Enée et la Sibylle de Cumes

Ce tableau dépeint la rencontre entre Enée et la Sibylle de Cumes, prêtresse qui communique avec les morts. La Sibylle est ici médiatrice entre Enée et le monde des Enfers, dans lequel elle guide le jeune héros.

Dans cette scène, tirée du livre VIII de l’Enéide, Vénus demande à son époux Vulcain de forger des armes pour Enée et ses compagnons. La guerre étant devenue inévitable, la déesse s’assure ainsi que son fils remporte les combats.

20ème siècle : protéger et transmettre

Le legs de Pierrette-Élisa…

Pierrette-Elisa Baudin épouse Raymond de Bérenger en 1922. Dans les années 60, elle multiplie les recherches pour connaître les œuvres des collections et contacte des spécialistes afin de les protéger au mieux. Elle s'éteint en 1971, sans enfant, et lègue le Domaine à la Fondation de France. Ses vœux? Protéger le Château et faire connaître l’histoire des Bérenger-Sassenage ! Sa foisonnante correspondance, conservée au Domaine, offre un aperçu des épisodes majeurs du 20e siècle…

Fille de l’ancien Ministre des travaux publics et de la marine et député-sénateur de l’Ain Pierre Baudin (1863-1917) et de Françoise Jacqueline Alice Lafargue, Pierrette donne l’impulsion d’ouvrir le Château au public et s'intéresse vivement à l'histoire des collections.

Son mari, Raymond (le fils du Marquis photographe), se passionne pour l'industrie (il participe à la mise au point d'une recette de chaux inédite), et s'implique citoyennement : il sera Maire de Sassenage durant deux mandats.

La famille et le domaine sous la seconde guerre mondiale

Dès les années 1930, le couple réside principalement boulevard Courcelles à Paris, et au château de la Bothelleraye, délaissant celui de Sassenage.

En 1936, craignant que son épouse ne puisse gérer et entretenir seule les biens familiaux s’il venait à disparaître, Raymond commence à rechercher des acquéreurs sérieux pour son château à Sassenage. En 1939, lorsqu’éclate la seconde guerre mondiale, Raymond n’a toujours pas trouvé d’acheteur et le château fait l’objet de réquisitions. Ainsi, du 10 septembre au 30 novembre 1939, on installe dans la demeure un service d’intendance pour les besoins de la défense nationale puis, en avril 1942, un bureau de chômage du secrétariat d’état au travail.

Afin d'éviter d'autres réquisitions, le marquis demande et obtient en août 1942 le classement du château et du parc au titre des Monuments historiques.

Malgré cette démarche, le domaine est à nouveau occupé. Au mois d’août 1944, une formation allemande s’installe au rez-de-chaussée et fait paître ses chevaux dans le parc. En septembre, sur ordre de la Préfecture, le château est réquisitionné au profit d'une formation américaine comprenant sept officiers, une quarantaine de soldats et quelques camions. La population féminine de Sassenage est alors conviée à un grand bal populaire organisé par les militaires dans la grande salle du rez-de- chaussée. Raymond de Bérenger demande l’appui de Charles Halley, architecte en chef des Monuments historiques sur Paris, pour mettre un terme à cette réquisition.

Enfin, de juillet à octobre 1945, seules les dépendances du château seront occupées par une troupe de l’armée d’Afrique.

Ouvrir les lieux au public et connaître les collections...

Après la seconde guerre mondiale, Pierrette, devenue veuve, revient au Château de Sassenage et décide d’en apprendre plus sur les collections. Elle établit plusieurs inventaires et contacte de nombreux spécialistes afin de mieux connaître les œuvres présentes au Château. En 1971, sans héritiers, elle lègue le Domaine de Sassenage et ses collections à la Fondation de France (créée en 1969), avec la volonté que la mémoire de la Maison Bérenger-Sassenage soit préservée, et que les lieux soient ouverts au public. LA CUISINE DU CHATEAU

Fraîchement restaurée, remplie de trésors et d’accessoires tous plus ingénieux, remarquablement conservés et mis en valeur, cette pièce nous en apprend beaucoup sur l’histoire de la cuisine

Les cuivres en fanfare

C’est ce qui frappe en arrivant : la quantité et la variété des cuivres. Casseroles, marmites, pots, moules.

La cheminée est très large, avec une hotte qu’on devine retravaillée au fil du temps. La plaque de fond, en fonte où est inscrit « 1787 » a bien sûr l’utilité qu’on imagine, mais on apprend que le mur qui se trouve derrière elle est lui-même percé. La plaque, puis le mur percé, et de l’autre côté à nouveau une plaque qui sert donc de poêle pour chauffer cette pièce attenante, l’office.

On a la chance d’avoir ici une présentation des trois modes de cuisson possibles.

 À la broche : jusqu’à trois poulies disponibles pour cuire les rôts. Les tournebroches sont actionnés par le marmiton depuis le côté, le système est caché dans un coffret en bois.  À l’étouffée, dans des marmites fermées  À la cendre, comme son nom l’indique…

On n’oublie pas le four à pain, utilisé à la fois pour le pain et les pâtisseries.

Sur le côté, un très grand égrugeoir en pierre, pour concasser le sel, le poivre ou le sucre, ainsi que le pétrin qui m’a rappelé celui de la maison.

La fontaine filtrante

Cet objet imposant est tout en cuivre, étamé sur les parois internes. À l’intérieur, un système de couches successives de sable, gravier, charbon, lave et éponge naturelle permet de filtrer l’eau et de la récupérer par le robinet du bas.

Le potager

Le potager (du potage, la soupe) est l’ancêtre de la cuisinière, du fourneau. Ici il est à l’écart de la cheminée, alors que parfois un recoin était creusé directement dans le mur du foyer. En plaçant des braises sur les grilles ou dans un trou creusé dans , cela permet de cuire doucement, de réchauffer ou de maintenir au chaud. La pierre, la même qu’à l’intérieur de la cheminée ou que le four à pain, est de la molasse de , à quelques kilomètres de Sassenage.

L’égouttoir

LE PARC DU CHATEAU AU FIL DES SIECLES

Début 17e, les seigneurs de Sassenage font réaliser ici un jardin à l’italienne, avec de vastes parterres, une grotte peinte ornée de statues, ainsi que des jeux d’eau. Cet ensemble paysager aurait été conservé jusqu’à la construction du Château en 1662, et laisse place à un jardin à la française.

Etabli à la même période que celui du Château de Versailles, il comportait un labyrinthe, des parterres de buis taillés de différentes formes, des fontaines et jets d’eau, ainsi qu’un petit pavillon. L’hiver, on plaçait dans l’orangerie du Château les orangers et autres arbres craignant le froid.

En 1780 un jardin anglais remplace celui à la française. Finies les formes géométriques et la rigueur, place à la nature libre et sauvage ! En 1853 le Marquis redessine tout le parc du Château dans le style anglais afin de créer une atmosphère romantique et des points de vue poétiques sur les massifs du Vercors et de la Chartreuse : plus de 3000 arbres et arbustes sont alors plantés, dont le majestueux Cèdre du Liban.

Après une étude scientifique poussée et l'élaboration du plan de gestion, l'ensemble du parc a bénéficié d'une restauration entre 2017 et 2019. La restauration du parc représente un double enjeu historique et écologique, avec la prise en compte d'un environnement en perpétuelle mutation.