Présentation Des Communications Au Colloque
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Présentation des communications au colloque Séance inaugurale : JEAN A. GILI : Le cinéma politique italien des années soixante à nos jours Le cinéma politique connaît en Italie à partir du début des années soixante un grand épanouissement avec les films de Francesco Rosi et d'Elio Petri, deux cinéastes qui ont été assistants le premier de Luchino Visconti, le second de Giuseppe De Santis, poursuivant ainsi dans leur travail les enseignements du néoréalisme. Inauguré en 1958 par Francesco Rosi avec Le Défi, le cinéma de dénonciation des dysfonctionnements de la société trouve dans cet auteur son représentant le plus cohérent. Avec Salvatore Giuliano (1961), Rosi développe son analyse de la mafia dont il suivra les ramifications internationales avec Lucky Luciano (1973) ; il analyse aussi les ravages de la spéculation immobilière dans Main basse sur la ville (1963) avant d’évoquer les luttes internationales autour du pétrole dans L'Affaire Mattei (1972), puis de poser en termes métaphoriques la question de la survie d'un Etat de droit pris dans la tourmente des menées subversives avec Cadavres exquis (1976). Elio Petri, de son côté, poursuit le discours sur la mafia avec A chacun son dû (1967) avant de proposer l'analyse pénétrante de la schizophrénie du pouvoir policier avec Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon (1969). Ses films suivants, La classe ouvrière va au paradis (1971) et La propriété c'est plus le vol (1973) analysent les névroses qu'engendrent la société capitaliste. Avec Todo modo (1976), il dresse un portrait apocalyptique et prémonitoire de la dégénérescence du pouvoir démocrate- chrétien. Parmi les épigones du cinéma politique, on peut citer Francesco Maselli qui s'interroge sur la politique du parti communiste dans Lettre ouverte à un journal du soir (1969) et Le Soupçon (1975), ou Damiano Damiani qui ne recule pas devant le didactisme pour illustrer son propos (La mafia fait la loi, 1968 ; Confession d'un commissaire de police au procureur de la République, 1971 ; Nous sommes tous en liberté provisoire, 1972). D'une certaine manière, le cinéma des frères Taviani (Saint Michel avait un coq, 1971 ; Allonsanfan, 1974 ; Padre Padrone, 1977 ; La Nuit de San Lorenzo, 1981) entre dans le domaine de la réflexion politique malgré sa dimension métaphorique. Après un certain fléchissement des préoccupations politiques et sociales dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, beaucoup de jeunes cinéastes redécouvrent « le cinéma engagé ». Dans le droit fil des œuvres de Rosi ou de Petri, se consolide une forte tendance à un cinéma de témoignage. L’omniprésence de la criminalité organisée a fourni un grand nombre de sujets pour des films tournés à Naples, Palerme ou Bari (Tano da morire et Angela de Roberta Torre, I cento passi de Marco Tullio Giordana, Le conseguenze dell’amore de Paolo Sorrentino, Tornando a casa et Vento di terra de Vincenzo Marra, La siciliana ribelle de Marco Amenta, Fortapàsc de Marco Risi, Galantuomini d’Edoardo Winspeare, Gomorra de Matteo Garrone, Saimir, Anime nere de Francesco Munzi). En 2003, avec La meglio gioventù (Nos meilleures années), Marco Tullio Giordana réalise une sorte de synthèse en suivant l’histoire récente du pays. D’autres cinéastes lui ont emboîté le pas comme Michele Placido avec Romanzo criminale (2005). Quant aux malversations politiques, elles sont évoquées par Francesca Comencini dans A casa nostra (2007) et les dérives du berlusconisme ont fourni à Nanni Moretti la matière du Caïman (2008) ou à Daniele Vicari celle de Diaz (2012). Toujours en 2008, Sorrentino propose un portrait au vitriol d’Andreotti avec Il Divo. Les années de plomb, longtemps occultées dans la conscience nationale, reviennent avec force au travers de films comme Buongiono notte (2003) de Marco Bellocchio, La Prima Linea Page | 1 (2009) de Renato De Maria, Piazza Fontana (2012) de Marco Tullio Giordana. Enfin, depuis Lamerica de Gianni Amelio, de nombreux films posent la question de l’immigration clandestine (Quando sei morto non puoi più nasconderti de Giordana, Terra ferma d’Emanuele Crialese) ou de la difficile insertion en Italie des immigrants (Io sono Li et La prima neve d’Andrea Segre). Pistes d’approche NATHALIE NEZICK : Le cinéma politique italien des années 1960 à nos jours : évolution politique, idéologique et épistémologique de la notion d’engagement Cette communication, en s’inscrivant dans l’axe de réflexion suggéré « qu’est-ce que le cinéma engagé ? », se proposera de retracer, des années 1960 à nos jours, l’évolution de la notion d’« engagement » dans le cinéma italien en interrogeant notamment les concepts de « politique » et d’« idéologie » et ce en quoi ils seraient à même de définir un cinéma engagé : un film est-il engagé « en soi » ou l’est-il du fait de son positionnement politique et/ou idéologique revendiqué ? Un film n'est-il engagé que relativement au moment historique de sa production et de sa réception dans une société donnée ? La reconnaissance d’un film engagé se mesure-t-elle à l'aune du rejet ou de l’adhésion des spectateurs, ou des discours théoriques et critiques qu’il peut produire ? Elle interrogera également les notions de droite et de gauche qui relèvent des catégories principales de l'identification des idéologies politiques et de la perception du monde social et économique, de la manière dont elles investissent ou désinvestissent le « discours » des films (voir les débats convoqués par l’antimétabole benjaminienne sur la politisation de l’esthétique ou l’esthétisation de la politique). Pourquoi parle-t-on plus communément de cinéma engagé lorsqu’il véhicule une idéologie « de gauche » ? Le cinéma politique italien a-t-il produit des films engagés « de droite », et/ou ont-ils été définis comme tels ? Comment a évolué la notion d’antifascisme très présente et très clivante dans la société italienne ? Comment un modèle de cinéma engagé, issu des années 1960-1970 où prévalait un courant de pensée dominé par une idéologie marxiste qui structura fortement tant la production filmique que théorique et critique du cinéma, nouant un dialogue assez inédit entre production filmique et discours sur cette production (dans les propos des réalisateurs, les revues spécialisées de cinéma, les ouvrages de théorie du cinéma qui tentèrent d’instituer le cinéma politique comme un genre à part entière) s’actualisera ou s’effacera dans les années 1980 qui seront marquées par un reflux momentanée du discours politique et idéologique militant pour exprimer un discours plus « social » et plus réflexif, dans une veine historique, et les années 1990 avec un « retour au politique » plus frontalement militant. La notion d’engagement a-t-elle connu une rupture épistémologique significative ? Interroger l’évolution de la notion d’engagement pourra se faire en mettant en regard la structure des récits filmiques et le contexte historique (évolution des institutions politiques, instabilités des gouvernements politiques, « affaires » judiciaires concernant l’exécutif, apparition de nouveaux partis politiques, etc.) qui pourront donner quelques clés dans la compréhension de la dynamique de l’idée d’engagement dans son rôle historique, et cinématographique. Page | 2 GRAZIANO TASSI : Le privé est-il politique ? Vie privée et vie publique des acteurs politiques et religieux dans le cinéma italien des années 2000 : l’exemple de Marco Bellocchio, Paolo Sorrentino et Nanni Moretti Pierpaolo Antonello, dans un article publié en 2012 dans la revue Italian Studies1, soutient que, dans le cinéma italien des années 2000, un certain engagement politique peut aller de pair avec une modalité narrative autoréférentielle, métanarrative et distanciée. L’engagement politique cinématographique n’est donc pas l’apanage d’une modalité narrative « réaliste », mais peut très bien s’exprimer à travers une modalité « postmoderne ». C’est le cas par exemple du cinéma politique et « engagé » de Nanni Moretti (Palombella Rossa, Il Caimano, Habemus Papam), de Paolo Sorrentino (Il divo, La grande bellezza) et de Marco Bellocchio (Buongiorno, notte). Dans ces films, les réalisateurs abordent certains aspects de la vie politique italienne en évitant volontairement une méticuleuse et rigoureuse reconstruction historique. En effet, tout en s’appuyant sur des faits réels et sur des documents historiques (dans la plupart de ces films, on voit des extraits provenant d’authentiques documents audiovisuels d’archive), les réalisateurs (chacun à leur façon) explorent et mettent en images soit des scénarios fictifs différents de la réalité historique (Buongiorno, notte et Habemus Papam), soit la vie privée des dirigeants politiques ou, plus généralement, des acteurs politiques et religieux qui ont occupé le devant de la scène italienne depuis l’après-guerre jusqu’à nos jours. On dirait que Moretti, Sorrentino et Bellocchio essayent de voir ce qui se cache derrière le masque du pouvoir, de montrer et de représenter ce qui existe derrière l’activité politique ; d’explorer les liens qui se tissent entre la sphère publique et la sphère privée. La question est, bien évidemment, de savoir dans quel but ces réalisateurs s’intéressent à la vie privée des acteurs politiques et religieux. Pourquoi imaginer et montrer Giulio Andreotti dans son intimité avec sa femme ? Quel intérêt de voir des membres de Brigades Rouges à table, manger une soupe et regarder Raffaella Carrà à la télévision ? Ou encore, pourquoi imaginer et montrer un pape fraîchement élu, en proie à la panique, se promener incognito dans les rues secondaires de Rome ? Autant de questions auxquelles on essayera d’apporter une réponse, en analysant tout particulièrement la relation/opposition entre vie privée et vie publique des acteurs politiques et religieux tels qu’ils apparaissent dans Buongiorno, notte (2003) de Marco Bellocchio, Il Divo (2008) de Paolo Sorrentino et Habemus Papam (2011) de Nanni Moretti. Analyse qui prendra en compte également la dimension spatiale de cette relation/opposition, en se penchant sur la représentation et sur la valeur symbolique de certains espaces privés (l’appartement des Brigades Rouges, l’appartement de Giulio Andreotti, par exemple) et de certains espaces publics (le Vatican, les Palais du Pouvoir…).