Un Témoignage Inédit: Foucauld Vu Par Meynier (1913)
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Un témoignage inédit : Foucauld vu par Meynier (1913) Paul Pandolfi To cite this version: Paul Pandolfi. Un témoignage inédit : Foucauld vu par Meynier (1913). Le Saharien, Paris:La Rahla : Amis du Sahara, 2020. halshs-03177249 HAL Id: halshs-03177249 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03177249 Submitted on 24 Mar 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Un témoignage inédit Durant son séjour au Sahara, le Père de Foucauld – lui-même ancien saint- cyrien – a rencontré plusieurs officiers et échangé avec eux de nombreuses correspondances. Tel fut le cas avec Laperrine “l‘ami incomparable” mais également avec Niéger, Dinaux, Gardel, Charlet... Octave Meynier figurait aussi parmi ces officiers. Le témoignage que nous publions ici est cependant davantage fondé sur les lettres, jusqu‘ici inédites, que Meynier a transmises régulièrement à son épouse alors qu‘il était à la tête du Territoire des Oasis de 1913 à 1917. Il y narre les deux rencontres qu‘il eut alors avec Foucauld à Tamanrasset. Photographie du général Meynier 20 Le Saharien 232 - 1er trimestre 2020 Foucauld vu par Meynier (1914) Paul Pandolfi Succédant au général Laperrine et au colonel Payn, le commandant Meynier est nommé à la tête du Territoire des Oasis à la fin de 1913. Il y demeu- rera jusqu’en avril 1917 date à laquelle il sera affecté au er1 régiment des tirailleurs. Il rejoindra alors le front à Verdun. Durant les trois années où il demeurera au Sahara, il entretiendra une correspondance régulière avec sa seconde femme, Valentine Gisclard, qu’il avait épousée en 1911. C’est de ces lettres, conservées dans la famille du commandant Meynier, mais jusqu’ici inédites, que nous avons extrait les passages concernant le Père de Foucauld reproduits ci-dessous. Le commandant Meynier, dès son arrivée sur le sol algérien, avait décidé d’entreprendre une grande tournée. Il désirait en effet parcourir l’immense territoire dont il était désormais le responsable. Il souhaitait aussi combiner une manœuvre d’ensemble avec les militaires de Tombouctou afin de s’opposer, si nécessaire, aux incursions des Beraber du Sud marocain qui régulièrement venaient razzier les tribus soumises à la France dans la zone frontalière entre Algérie et Soudan. Autre objectif : rencontrer Mûsa ag Amastan, le chef (amenûkal) des Kel-Ahaggar, qui se trouvait, avec ses proches, dans cette zone. Dans une lettre au gouverneur général d’Algérie, datée du 5 janvier 1914, le commandant Meynier écrivait : « Des renseignements reçus aujourd’hui même me donnent à penser que je pourrai, en arrivant à Boughessa, prendre immédiatement contact d’une part avec Moussa ag Amastane et les Touaregs nobles de son commandement, d’autre part avec d’importants détachements soudanais, venus de Gao le mois dernier et partis depuis vers Taodeni… » (in Galand 1999, p. 168) Le Saharien 232 - 1er trimestre 2020 21 Paul Pandolfi La première lettre « saharienne » de Meynier à sa femme est datée « El Golea, 14 décembre 1913 ». On y apprend qu’il a quitté Ouargla et se dirige vers In Salah qu’il atteindra le 26 décembre. Après une halte de quelques jours, la tournée reprend la piste le 2 janvier 1914. Son escorte est réduite. Elle est composée pour moitié de méharistes arabes et pour moitié de méharistes touaregs. Font également partie de cette tournée : le journaliste, Jean Lefranc, et le médecin militaire Paul Vermalle. Le pre- mier nommé, dont le but est une traversée du Sahara, a été intégré dans la tournée. Il sera ensuite confié aux troupes du Soudan lorsque la jonction avec celles-ci aura été effectuée le 9 février 1914 à Bou-Ghessa dans le nord de La page de titre de l’ouvrage p osthume du Dr Vermalle est entachée d’une l’Adrar des Ifoghas. Dans ses correspondances, erreur sur le nom de l’auteur ! Meynier se montre souvent très critique envers lui. Ne supportant que fort mal les contraintes imposées par ce type de tournée, le journaliste se montrera aussi très insistant (voire indiscret) auprès du Père de Foucauld. Quant au médecin militaire, Paul Vermalle, il avait été nommé – à sa demande – dans l’Ahaggar fin 1913. La tournée entreprise par le commandant lui permet donc de rejoindre son poste. C’est lui qui, fin 1914, soignera Charles de Foucauld atteint du scorbut. Il deviendra très vite un ami du Père qui l’encouragera dans les diverses études qu’il entreprend alors sur les populations de l’Ahaggar. Mais, le docteur Vermalle trouvera la mort, le 13 février 1917, lors du combat d’Aïn el-Hadjadj. En 1926, à l’initiative d’Augustin Bernard, sera publié un ouvrage intitulé Au Sahara pendant la guerre européenne qui regroupe des extraits du courrier envoyé par Paul Vermalle à ses parents ainsi que ses notes de terrain. Dans ses lettres Meynier se réjouit de pouvoir rencontrer Foucauld à Tamanrasset. Dès le 8 janvier alors qu’il se trouve à 160 km au sud d’In Salah, il écrit à son épouse : « Tamanrasset, village du Hoggar où nous devons rencontrer le Père de Foucauld ». Et le 17 janvier alors qu’il vient de dépasser 22 Le Saharien 232 - 1er trimestre 2020 Foucauld vu par Meynier (1914) In Amguel : « Nous en avons encore pour quelque temps avant de rencontrer à Tamanrasset le Père de Foucauld ». Ce dernier n’est pas un inconnu pour lui. Dans un article publié en 1946, le commandant Meynier narre comment très tôt il eut le désir de rencontrer le « marabout de Tamanrasset ». Il faut dire que deux illustres Sahariens lui en avaient vanté et la personnalité et le rôle. C’est en premier lieu le général Laperrine ren- contré en 1909 à Niamey1 : « A chaque instant, dans ses propos, revenait le nom du R. P. de Foucauld, dont son ami ne se faisait pas faute de louer le dévouement et la profonde connaissance du Sahara L‘ouvrage que Meynier et de ses habitants. Il nous le décrivait comme un offrit au Père de Foucauld savant modeste et un homme de bien. » (1946, p. 91). Enfin, en 1911, Meynier participe à une reconnaissance destinée à étudier l’éventuel tracé d’un chemin de fer transsaharien. À la tête de cette mission se trouve le capitaine Nieger, grand ami du général Laperrine et du Père de Foucauld. Là encore, il eut l’occasion d’entendre plusieurs fois parler du « marabout », car le capitaine Nieger « ne perdait aucune occasion de nous (en) vanter les mérites et la vertu ». Meynier aurait alors souhaité rencontrer Charles de Foucauld, mais les contraintes de la tournée ne lui permirent pas de réaliser ce projet. « Je dus me contenter de lui adresser une courte lettre et un de mes livres pieusement dédicacé. Je ne devais recevoir sa réponse que bien après ma rentrée à Alger. » (ibid. p. 95)2 1. Lors de ce séjour à Niamey, le général Laperrine et le colonel Venel mirent au point l’important accord connu sous le nom de Convention de Niamey, censé régler les relations entre les deux territoires dont étaient alors déterminées les limites. 2 Le livre évoqué ici est celui que Meynier publia aux éditions Flammarion début 1911. Intitulé L’Afrique Noire, il figurait dans la bibliothèque de Foucauld comme en témoigne la liste des ouvrages détenus par Foucauld établie après sa mort. Voir Cahiers Charles de Foucauld, 22, 1951, p. 41. Le Saharien 232 - 1er trimestre 2020 23 Paul Pandolfi La première rencontre (janvier 1914) C’est le 20 janvier au matin que le commandant Meynier arrive à Taman- rasset. Il y demeurera trois jours. Voici comment dans la lettre qu’il écrit à son épouse il narre cette première rencontre et dresse le portrait de Charles de Foucauld. « C’est ici l’ermitage du Père de Foucauld, et dès que nous sommes en vue du village, dédaignant les vains honneurs que m’annonce le tambour battu de tous les côtés, je me dirige droit vers sa petite maison que surmonte une croix de bois. Le R. P. de Foucauld vient au-devant de nous. Homme de 55 ans qui en porte dix de plus, fagoté à la diable dans un vague habit de père blanc, ceinturé au-dessous du ventre par une ceinture de cuir où pend une poche mobile en toile d’Alsace certainement fabriquée par lui. Il a une physionomie extraordinairement vivante et bonne et nous fait un accueil paternel. C’est lui qui nous guide près de notre zériba installée près d’un immense éthel, arbre vert phénomène dans ce pays. Ensuite il nous ramène chez lui pour prendre une tasse de thé. C’est ici le point culminant du voyage de M. Lefranc qui compte beaucoup rapporter de son contact avec le P. de Foucauld et lui pose parfois des questions un peu gênantes. Il est entendu que le père prendra tous ses repas avec nous, mais il refuse absolument, en raison d’un travail très urgent (livre en préparation) de nous accompagner jusque dans l’Adrar soudanais. J’espère le décider à nous suivre au moins sur une partie de la route. » 1 Il est intéressant de comparer ces lignes écrites sur le vif au récit de cette rencontre que donnera Meynier quelque trente années plus tard.