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26 mars - 1er juin 2014 Ateliers Berthier - 17e TARTUFFE de Molière mise en scène Luc Bondy création Location 01 44 85 40 40 / www.theatre-odeon.eu Tarifs de 6€ à 36€ (série unique) Horaires du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h relâche le lundi Odéon-Théâtre de l’Europe Ateliers Berthier 1 rue André Suarès Paris 17e (angle du boulevard Berthier) Métro (ligne 13) et RER C Porte de Clichy Service de presse Lydie Debièvre, Camille Hurault 01 44 85 40 73 / [email protected] Dossiers de presse et photographies également disponibles sur www.theatre-odeon.eu 26 mars - 1er juin 2014 Ateliers Berthier - 17e TARTUFFE de Molière mise en scène Luc Bondy création décor Richard Peduzzi costumes Eva Dessecker lumière Dominique Bruguière maquillages/coiffures Cécile Kretschmar avec Lorella Cravotta Dorine Gilles Cohen Orgon Victoire Du Bois Mariane Jean-Marie Frin un exempt Françoise Fabian Madame Pernelle Laurent Grévill Cléante Clotilde Hesme Elmire Yannik Landrein Valère Micha Lescot Tartuffe Yasmine Nadifi Flipote Fred Ulysse Monsieur Loyal Pierre Yvon Damis et en alternance Ethan Salczer un valet Ulysse Teytaud Manfred et Tancrède Coudert production Odéon-Théâtre de l'Europe avec la participation du jeune théâtre national avec le soutien du Cercle de l’Odéon Extrait ORGON [...] Vous le haïssez tous ; et je vois aujourd'hui Femme, enfants et valets déchaînés contre lui ; On met impudemment toute chose en usage, Pour ôter de chez moi ce dévot personnage. Mais plus on fait d'effort afin de l'en bannir, Plus j'en veux déployer à l'y mieux retenir ; Et je vais me hâter de lui donner ma fille, Pour confondre l'orgueil de toute ma famille... DAMIS À recevoir sa main on pense l'obliger ? ORGON Oui, traître, et dès ce soir, pour vous faire enrager. Ah ! je vous brave tous, et vous ferai connaître Qu'il faut qu'on m'obéisse et que je suis le maître. Allons, qu'on se rétracte, et qu'à l'instant, fripon, On se jette à ses pieds pour demander pardon. Tartuffe, Acte III, scène 7 Qui est-il, ce monsieur Tartuffe ? Que veut-il, que vaut-il ? Depuis qu’Orgon l’a rencontré, sa piété tranquille est devenue fanatisme, et son amitié pour Tartuffe a tout d’une passion. Comment donc un père de famille apparemment sans histoires, soudain aliéné et comme dévoré de l’intérieur par un effroyable parasite, a-t-il pu succomber à une telle emprise, jusqu’à faire don de tous ses biens et vouloir livrer sa propre fille à un inconnu rencontré par hasard quelques semaines plus tôt ? Et jusqu’où devra aller Elmire, son épouse, pour lui ouvrir les yeux ? Il y a peu, Luc Bondy a signé l’adaptation d’un Tartuffe en version allemande dont l’épaisseur balzacienne et la vivacité digne de Lubitsch ont fait l’un des grands succès du printemps 2013 à Vienne. Il revient aujourd’hui à l’original pour explorer les mécanismes intimes, familiaux et sociaux qui rendent possible le succès de l’imposture, tout en nous met- tant sous les yeux, entre farce et terreur, le portrait génial d’un incroyable aveuglement. Voyage de Monsieur Molière de Vienne à Paris En mai 2013, Luc Bondy a présenté à l'Akademietheater, qui est la deuxième salle du Burgtheater de Vienne, un Tartuffe dont il cosignait la version allemande avec Peter Stephan Jungk. Bondy choi- sit de saisir dans cette nécessité de traduire l'occasion d'une libération. La réussite du spectacle a tenu pour une bonne part à ce refus initial de se laisser dicter d'avance les moindres détails de la mise en scène au nom d'une fidélité trop littérale à l'original. Tant dans le fond que dans la forme, la traduction, d'une grande cohérence, jouait franchement la carte de la transposition. Bondy et son collaborateur ont renoncé d'emblée à restituer le vers moliéresque pour s'en tenir à une prose contemporaine, confirmant l'ancrage de l'action dans une époque qui pourrait être la nôtre. Chez Molière, Madame Pernelle reproche à sa bru d'aller «vêtue ainsi qu'une princesse » ; à Vienne, au XXIe siècle, Elmire s'est retrouvée «attifée comme une diva» (aufgedonnert wie eine Diva). Cette décision de privilégier la vivacité moderne de l'expression explique également que le rythme des échanges ait été généralement accéléré. Lorsque Madame Pernelle allonge un soufflet à Flipote pour la presser de sortir, il lui faut deux vers et demi (trente syllabes, donc) pour commenter son geste ; il ne lui en faut que neuf dans l'adaptation allemande. Cependant, à quelques détails et cou- pes près, l'enchaînement des répliques ainsi que leur teneur étaient rigoureusement respectés. L'actualisation et l'explicitation du sens, délivré de sa gangue historique, ne visaient qu'à rendre plus accessibles les enjeux de chaque scène, sans jamais affecter la logique du développement dramatique. Même sans connaître l'allemand, un bon connaisseur de l'original pouvait donc recon- naître sans mal la plupart des grands moments de la comédie et leurs mouvements caractéristi- ques. Et apprécier l'humour qui sous-tendait certains écarts. Chez Molière, Madame Pernelle n'en- tre en scène et ne lance la pièce qu'avec la ferme intention d'en sortir au plus vite, à toutes jambes s'il le faut ; selon Bondy, elle est clouée dans une chaise roulante, et le tempo qui en découle donne à toute l'exposition un relief assez inattendu... Le public viennois, lui, n'avait garde de com- parer des textes. Emporté par le plaisir du jeu, il adhérait d'autant plus volontiers au contrat pro- posé qu'il n'est pas familier autant que nous le sommes (ou que nous sommes censés l'être) d'un texte qui à nos yeux est un classique. Lorsqu'il s'est demandé comment compenser la perte irréparable du Comme il vous plaira que devait monter Patrice Chéreau, Luc Bondy a songé à son Tartuffe. Il ne pouvait cependant pas être question de programmer huit ou dix semaines durant un spectacle en langue allemande, même au Théâtre de l'Europe. Le retour au français s'imposait – mais lequel ? La tentation était grande de réintroduire la liberté, la fraîcheur, la légèreté de ton de la version viennoise dans la recréation pari- sienne. Autrement dit, d'adapter à son tour l'adaptation de Bondy et Jungk. Le geste pourrait surprendre, voire choquer certains spectateurs. Il ne serait pourtant pas sans exemple, puisqu'il reviendrait en somme à traiter Molière comme le sont souvent les grands maîtres du répertoire étranger. Shakespeare, Tchekhov ou les tragiques grecs ont fourni plus d'une fois un matériau théâtral que les metteurs en scène ajustent à leur guise, en s'autorisant d'ailleurs des interventions autrement plus radicales que celles de Bondy abordant Molière. Si personne n'y trouve à redire, sans doute est-ce pour deux raisons. D'abord, parce que le public aujourd'hui a moins de réticence à admettre que le fait théâtral obéit à ses propres lois, et que s'il plie parfois le texte à ses exigences, le livre, après tout, n'y perd rien : l'autorité reste à l'auteur, la reconnaissance du rôle créateur du metteur en scène est à peu près acquise, et chacun reste maître chez soi tout en négociant au coup par coup ces imprévisibles trêves armées que sont les spectacles. Ensuite, parce que dans le cas du répertoire étranger, les licences que le théâtre s'accorde avec les mots qui l'animent (et qu'il anime) se trouvent être comme imposées d'entrée de jeu, pour un public français, par le fait brut de la traduction – condition préalable, inévitable, de toute entrée en rapport avec le texte quand on n'en parle pas soi-même la langue. Nous ne sommes pas dépositaires de la lettre de Shakespeare ; ce n'est pas au français qu'en est confiée la garde. Mais nous pouvons faire de nécessité vertu, et puisant dans cette non-responsabilité (ou dans cette irresponsabilité, comme on voudra) une autre chance, nous pouvons tirer de la distance même qui nous sépare des mots origi- naux l'espace d'une liberté, d'une aisance qu'on ne s'accorderait peut-être pas aussi facilement dans l'idiome du poète. Pourquoi dès lors ne pas envisager Molière comme si les siècles avaient creusé de nous à lui une distance analogue, et l'approcher avec toute la latitude de jeu que l'on s'accorde avec Shakespeare, Eschyle ou même Tchekhov ? Ce serait tout à fait envisageable. Certains puristes, nombreux peut-être, se récrieront au motif que l'oeuvre originale de Molière est inscrite dans notre langue : n'a-t-on pas tout à perdre à réécrire un tel chef-d'oeuvre ? Mais il ne s'agit pas de sup- planter un original ; il n'est pas question de l'effacer sous un nouveau texte, mais d'en proposer un autre abord. Une telle approche offre d'ailleurs aux classiques un bain de jouvence que bien des auteurs historiquement plus proches de nous pourraient leur envier (la mise en scène de certains grands dramaturges du XXe siècle, verrouillée dans des limites strictes par leurs ayant-droit, contri- bue-t-elle à préserver dans sa première jeunesse un «bon» sens primitif fixé une fois pour toutes, ou plutôt à en accélérer le vieillissement ?). Cette liberté, comme toujours, ne va pas sans risques. Supposons pourtant qu'on veuille les pren- dre – et il se trouve des artistes pour aimer en prendre. Alors il faudrait marquer nettement, ce serait bien le moins, qu'il ne s'agit plus d'une oeuvre de Molière, mais d'après Molière.