N°17, 5 Août 2019
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
ISSN 1662 – 4599 5 août 2019 17e année Horizons et débats No 17 Case postale, CH-8000 Zurich Tél.: +41 44 350 65 50 Fax: +41 44 350 65 51 [email protected] www.horizons-et-debats.ch CCP 87-748485-6 AZA Horizons et débats 8044 Zürich Bimensuel favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité Pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Edition française du journal Zeit-Fragen La neutralité comme ligne directrice, Editorial la démocratie directe comme fondement La semaine du 1er-Août, nous offre la possibilité de réfléchir à la singularité de Réflexions de Paul Widmer sur l’histoire de la politique étrangère suisse notre pays: et sans réaliser une longue réflexion, il s’avère que sans notre démo- par Marianne Wüthrich, docteur en droit cratie directe, la Suisse ne serait pas ce Une histoire de la politique extérieure de Charles Pictet de Rochemont, qui négocia qu’elle est. De nombreuses autres spéci- la Suisse de 1815 à nos jours, retracée au la reconnaissance internationale de la neu- ficités y sont liées – notamment le fédé- fil des carrières et des activités de sept tralité permanente au Congrès de Vienne en ralisme, l’autonomie communale, la personnalités y ayant joué un rôle déci- 1815, le Thurgovien Johann Konrad Kern, neutralité de la politique étrangère, la tra- sif: l’historien et diplomate de longue date premier diplomate «pur-sang» dans l’Etat dition humanitaire, un équilibre social Paul Widmer* décrit une fascinante page fédéral de 1848; et le conseiller fédéral neu- relativement élevé et la recherche typique- de l’histoire de la Suisse dans sa «Poli- châtelois Numa Droz. Pour le XXe siècle, il ment suisse d’un bon compromis fédéral. tique étrangère suisse. De Charles Pictet de choisit le Zurichois Max Huber, constitu- De nombreuses personnes dans notre Rochemont à Edouard Brunner».1 Ce n’est tionnaliste et professeur de droit internatio- pays – et pas seulement les électrices et que dans le contexte historique que l’on nal, qui prôna la suprématie du droit sur le électeurs – pensent intuitivement qu’en peut comprendre l’importance de la neutra- pouvoir à la Société des Nations et s’enga- dépit de certains disfonctionnements aux- lité dans la politique étrangère de la Suisse, gea pour l’adhésion de la Suisse; le Tessinois quels nous sommes également confron- précise Widmer. Une lecture merveilleuse Giuseppe Motta, membre du Conseil fédé- tés, nous jouissons toujours et encore pour les lecteurs suisses et étrangers afin ral pendant une période exceptionnellement d’un degré de liberté inexistant pour de comprendre (encore mieux) le caractère longue et difficile (de 1911 jusqu’à sa mort d’autres peuples, et l’outil de la démo- unique du modèle suisse. en 1940); le Neuchâtelois Max Petitpierre, ISBN 978-3-03823-632-0 cratie directe nous permet d’avoir voix au membre du Conseil fédéral dès 1945 qui eut chapitre dans nos affaires. Il va de soi que Conscient que l’Etat suisse avec son fon- une influence décisive sur la politique de 71 et complétés par les pierres angulaires de le lobbysme et les entreprises de relations dement coopératif «ne place pas l’individu l’Après-guerre. Et finalement, le diplomate la politique d’asile dans les années 1880. publiques sont largement actifs égale- au premier plan» mais «résulte des efforts bernois Edouard Brunner, contemporain et ment dans notre pays. Mais tant que nous de beaucoup», l’auteur a néanmoins fait compagnon de route de Paul Widmer (Wid- La politique étrangère en tant que lien une sélection de personnalités politiques, mer, Préface, pp. 7–10). entre la démocratie directe et la neutralité ne nous soumettons pas à des juridictions diplomatiques et scientifiques pour sa pré- A l’image du chapitre introductif, nous «La neutralité et la démocratie directe sont étrangères et maintenons notre propre sentation: pour le XIXe siècle, le Genevois allons d’abord présenter les «particularités profondément enracinées dans la population système juridique, nous avons toujours la de la politique extérieure suisse». Certaines suisse et sont largement approuvées.» (Wid- possibilité d’y apporter des rectifications, car dans notre pays les droits constitu- * L’historien et philosophe Paul Widmer est chargé déclarations centrales tirées des «Remarques mer, p. 11) Ce fait est confirmé chaque année de cours en relations internationales à l’Univer- finales» de l’auteur donneront certainement par une enquête menée par l’Ecole polytech- tionnels sont réels – l’égalité et l’autodé- sité de Saint-Gall. Il a étudié à Zurich et à Cologne. envie à une partie de nos lecteurs de lire cet nique fédérale de Zurich (EPFZ) auprès d’un termination ne sont pas des chimères. En 1977, il a rejoint le service diplomatique suisse, ouvrage dans son intégralité. Le texte suivant échantillon représentatif de la population. Quelle que soit la façon de voir la d’abord à New York et à Washington, puis, en 1992, 2 situation: malgré toutes les lacunes, les comme ambassadeur à Berlin, en Croatie, en Jor- présente les éléments constitutifs de la poli- Dans l’étude de 2019 publiée récemment, 96% danie, au Conseil de l’Europe à Strasbourg et enfin tique étrangère suisse ayant été rassemblés problèmes et les tâches non résolues, le auprès du Saint Siège jusqu’en 2014. pendant la guerre franco-allemande de 1870– Suite page 2 système suisse de la démocratie directe, mis en œuvre et ancré dans la Constitu- tion, reste à tous égards le modèle d’Etat le plus humain, le plus raisonnable, La politique extérieure du jeune Etat fédéral: le plus social et donc le plus réussi, le plus moderne et le plus durable existant corrélation entre la neutralité et l’action humanitaire jusqu’à ce jour. Certes, il s’agit là d’une mw. Dans les premières décennies s’écou- dos de personnes privées». A cette occa- Paris en 1870, Kern tint à rester aussi liste exhaustive de superlatifs pour la tra- lant après la fondation de l’Etat fédéral, sion, il fut soutenu par les envoyés améri- longtemps que possible. Il organisa dans ditionnelle modestie suisse … toute la structure de la politique étrangère cains et russes, représentant la Fédération Paris assiégée la distribution de colis ali- Ce n’est pas une raison de se pava- de la Suisse se développa en lien avec les de l’Allemagne du Nord, respectivement le mentaires venus de Suisse au profit des ner, car avec un peu de conscience his- exigences de l’époque. Elle fut édifiée avant Royaume de Wurtemberg: «Son compor- 18 000 Suisses, se soucia de l’évacuation torique, on réalise que les gens vivant tout par le diplomate Johann Konrad Kern tement ferme fit impression. Certes, la plu- de la population civile de Strasbourg et en Suisse n’ont pas une nature particu- (1808–1888) et le Conseiller fédéral Numa part des protestations sombrèrent dans le fonda un hôpital pour les blessés de guerre lière. Nous avons certes eu de la chance. Droz (1844–1899). tumulte des combats. Mais de temps en et les malades, dont s’occupa notamment Nous sommes reconnaissants envers les La première réelle mise à l’épreuve pour temps, il parvint à obtenir un bon résul- sa femme. (Widmer, p. 130 et 132). développements historiques ayant per- la Suisse neutre résulta de la Guerre franco- tat grâce à ses démarches. Et c’est davan- – L’internement de l’armée de Bourbaki: le mis aux habitants de cette région de réa- allemande de 1870/71. «En 1871 naquit pour tage que ce qu’on peut attendre pendant 1er février 1871, le Général Charles-Denis liser au sein de notre Confédération un ainsi dire le caractère particulier de la politique une guerre […].» (Widmer, p. 133) Bourbaki demanda pour ses troupes système de droit et de liberté dans une étrangère de la Confédération: le lien entre la – Tentative de conciliation de paix: dans de l’armée française de l’Est, épuisées, mesure sans pareille. Malgré les struc- neutralité et l’action humanitaire, imposé pour cette affaire, l’intervention de Kern fut meurtries par le froid et la faim, coupées tures installées par les autorités au cours la première fois comme objectif par le Conseil rapidement étouffée par Bismarck. A ce de leur ravitaillement, à être internées en des siècles, l’ordre s’est développé du bas er fédéral et mis aussitôt en pratique dans les acti- sujet, Paul Widmer remarque: «Les bons Suisse: «Le 1 février 1871 constitue non vers le haut, autorisant le droit à l’empor- vités de politique étrangère.» (Widmer, p. 130) services d’un petit Etat échouent plus sou- seulement un jalon incontournable dans ter sur l’arbitraire du pouvoir. En effet, Le Thurgovien Johann Konrad Kern, envoyé vent dans les conflits internationaux qu’ils l’histoire de la politique de neutralité du toutes les personnes impliquées ont réa- à Paris pendant de longues années (de 1857 à ne réussissent […].» (Widmer, p. 98) Mal- pays, mais aussi une étape importante lisé, à un moment ou un autre comment 1883), prit cette mission en main en 1870/71 gré tout, leur offre ouvre toujours une dans l’essor du Mouvement de la Croix- leur propre liberté dépendait également (Widmer, p. 96s.): opportunité. Rouge.» de celle des autres. C’est ainsi que les – Déclaration de la neutralité: pour la pre- – CICR et la Première Convention de principes de l’autogestion, de l’entraide mière fois depuis la reconnaissance de la Genève: le livre d’Henry Dunant «Un sou- La participation humanitaire et du partage des responsabilité des coo- Suisse comme Etat neutre en 1815, celle-ci venir de Solferino» bouleversa le monde et de la population suisse pératives médiévales ont pu maintenir dut exiger dans une guerre entre deux Etats aussi la Suisse.