VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE 1 2 Nancy DELHALLE VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE 3
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VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE 1 2 Nancy DELHALLE VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE 3 VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE Belgique francophone 1960-2000 4 Nancy DELHALLE DANS LA MÊME COLLECTION Les Réseaux littéraires, textes rassemblés et édités par Daphné DE MARNEFFE et Benoît DENIS, Le Cri, 2006. Remerciements Fruit dʼune thèse de doctorat, cette étude fut menée à bien grâce au soutien de personnes et dʼinstitutions, dont le FNRS, à qui je tiens à exprimer toute ma reconnaissance. Que Paul Aron, Directeur de recherche FNRS à lʼUniversité Libre de Bruxelles, Benoît Denis, Premier assistant à lʼUniversité de Liège et Jacques Dubois, Professeur émérite à lʼUniversité de Liège, qui ont indéfectiblement accompagné lʼélaboration de ce livre, soient ici vivement remerciés. Publié avec le concours de la Fondation Universitaire de Belgique VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE 5 Nancy DELHALLE Vers un Théâtre politique Belgique francophone 1960-2000 LE CRI / CIEL 2006 6 Nancy DELHALLE Distributions exclusives : France Belgique Casteilla Interforum Benelux 10, Rue Léon Foucault Boulevard de lʼEurope, 117 F-78180 Montigny-Le-Bretonneux B-1301 Wavre Tél. : 01 30 14 19 30 Tél. : 010/42 03 20 Fax : 01 34 60 31 32 Fax : 010/41 20 24 Diffusion C.E.D. France Le Cri 73, Quai Deshayes Rue Victor Greyson, 1 F-94200 Ivry-sur-Seine B-1050 Bruxelles Tél. : 46 58 38 40 Tél. : 32 (0) 2/646 65 33 Fax : 46 71 25 59 Fax : 32 (0) 2/646 66 07 Canada Les Messageries ADP 1261-A, Rue Shearer Montréal, Québec, H3K 3G4 Tél. : (514) 523-1182 Fax : (514) 939-0406 Catalogue sur simple demande. www.lecri.be ISBN 2-87106-417-2 © Le Cri édition, rue Victor Greyson, 1 B-1050 Bruxelles Cet ouvrage a été publié avec lʼaide de la Communauté française de Belgique. Imprimé en Belgique D/2006/3257/26 Tous droits de reproduction, par quelque procédé que ce soit, dʼadaptation ou de traduction, réservés pour tous pays. VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE 7 PRÉFACE Lʼhistoire du théâtre belge de langue française peut se prévaloir de quelques grands noms, tels ceux de Maurice Maeterlinck, de Fernand Crommelynck ou de Michel de Ghelderode. Mais, joués en Belgique selon les normes dʼune dramaturgie toute classique, ces auteurs nʼont pas en leur temps généré une mobilisation et une remise en cause de lʼinstitution théâtrale comparable à celle qui a agité dans le même pays les trente dernières années du XXe siècle lorsque sont apparus les tenants de ce que lʼon a appelé les jeunes compagnies. Lʼouvrage de Nancy Delhalle, que lʼon va ici lire, rapporte et analyse lʼhistoire de ces années, histoire, à son échelle, dʼun champ en effervescence. Certes, Nancy Delhalle fixe avant tout son attention sur les textes qui furent écrits et joués durant la période. Mais elle nʼen parle quʼen reliant ces mêmes textes et leurs auteurs à un contexte politique, à des groupes et projets de création, à des débats sur les conceptions de la mise en scène et du spectacle vivant. Car telle est bien la marque de ces années de feu — et pas seulement en Belgique dʼailleurs : les entreprises dramaturgiques qui virent le jour furent avant tout collectives et impliquaient écrivains, metteurs en scène, animateurs de « lieux » et responsables culturels. Ces années 1970-2000 furent donc dʼeffervescence. Certains souriront de les voir ainsi appréciées, rappelant quʼau total lʼaventure théâtrale de cette période ne concerna jamais que de petits cercles et des publics restreints. Il est vrai. Mais que, durant ces années-là, le théâtre de création sʼassume comme art minoritaire et quʼil ne connaisse pas lʼavènement auquel ses fractions les plus dynamiques aspiraient nʼenlève rien ou presque au fait quʼun épisode important sʼest alors joué 8 Nancy DELHALLE qui, de façon paradoxale, a permis à la production théâtrale dʼaccéder à une autonomie inconnue jusque-là en même temps quʼelle affirmait sur nouveaux frais sa capacité dʼintervention dans le champ des débats politiques. Isolement dans une sphère limitée dʼun côté et volonté de peser sur lʼespace public de lʼautre : on reviendra plus loin sur cette contradiction. Les sceptiques diront également que lʼon a fait à lʼépoque beaucoup de bruit pour peu et que le bilan de ces années reste maigre. Ils ajouteront que, dʼune part, les « jeunes compagnies », en dépit de leur force de rupture, nʼont pas véritablement pris le pouvoir et nʼont pas su fonder un nouvel ordre dramaturgique et que, de lʼautre, les formes diverses de questionnement du politique se sont exprimées dans la désillusion et un sentiment avéré dʼimpuissance. Cela étant, on ne peut ignorer quʼalors nombre de tentatives originales se sont fait jour, que des actes ont été posés, que des personnalités se sont affirmées, et si bien quʼau terme, ainsi que le démontre le présent travail, une nouvelle conception sʼest fait jour au moment où lʼon pouvait croire que le théâtre politique était à jamais un rêve du passé, lié à lʼémergence puis au déclin des grandes doctrines relatives à la place de lʼhomme en société comme le marxisme ou lʼexistentialisme. On concédera volontiers que cette conception sʼest élaborée dans lʼincertitude et le tâtonnement, avec la conscience que les années glorieuses étaient révolues. Mais un nouveau théâtre ne sʼen est pas moins affirmé comme lieu de convergence pour une série dʼexpériences et comme instance fédératrice des questionnements les plus critiques sur la légitimité de la représentation dramaturgique. Et cʼest au sein dʼun théâtre politique en recherche de lui-même quʼauteurs et metteurs en scène assumèrent le plus pleinement la destinée de leur art, en se demandant si et comment les débats relatifs au gouvernement des hommes pouvaient encore trouver place sur une scène, quel quʼen soit lʼaspect. Nancy Delhalle sʼest donc attelée à écrire lʼhistoire sociale dʼun mouvement culturel dont elle a perçu dʼemblée quʼelle nʼétait nullement dʼun seul tenant mais se constituait, pour toute une part, de pièces et de morceaux emportés dans un flux. Elle a donc tenu à en respecter lʼaspect in progress, comme lʼindique la préposition qui ouvre son titre. Réalité mouvante mais quʼil lui a fallu endiguer. Cela revenait pour lʼauteure à marquer des régularités. Elle a ainsi fait ressortir que chacune des trois décennies prises en compte avait son climat singulier. Elle a aussi pris VERS UN THÉÂTRE POLITIQUE 9 appui sur des « agents » repères, ceux dont les noms reviennent tout au long du travail, de Louvet à Piemme et de Liebens à Delcuvellerie. Elle a enfin su pratiquer des coupes dans le matériau prospecté, laissant apparaître comment des logiques plus ou moins souterraines pouvaient se dégager. Cʼest dʼailleurs à travers ces coupes que sʼest imposée à plusieurs reprises la nécessité pour elle de se reporter aux réalités sociopolitiques du temps et dʼen procurer une analyse au moins sommaire. Sʼil est un fil rouge qui traverse tout lʼouvrage, cʼest la question commune à ceux qui donnèrent vie au nouveau théâtre : comment « sortir de Brecht », sans pour autant perdre le bénéfice de ses leçons ? Certes, on voulait rompre avec un passé lourd mais les solutions de rechange nʼexistaient pas. Cʼest que, au théâtre plus quʼailleurs, sévissait une crise de la représentation, entretenue par diverses expériences dramaturgiques, depuis le théâtre de lʼabsurde jusquʼau théâtre du corps. Et la question de la représentation était dʼautant plus cruciale quʼelle sʼavérait double : 1° le théâtre peut-il encore « figurer » ? 2° comment représenter un politique devenu opaque, au temps de la péremption des grandes doctrines et des rationalités rassurantes ? Restait alors à mettre en œuvre des moyens de fortune pour conjoindre malgré tout théâtralité et sens politique. Seront convoqués tour à tour le recours à des expériences immédiates, la relance des subjectivités, lʼappel à lʼaspect le plus mémoriel de lʼhistoricité. Cela peut sembler mince. Ce nʼen est pas moins à lʼorigine de ce que Nancy Delhalle nomme un nouveau paradigme, où seront interrogés les signes incertains auxquels le réel donne accès, indices ici, symptômes là. Lʼanalyse de cette séquence souvent désordonnée dʼactions dramaturgiques posait à Nancy Delhalle une question particulière de méthode. Comment penser une production qui sʼest déjà largement pensée elle-même, sans tomber dans une manière de paraphrase ? Comment faire la sociologie dʼun courant dʼart et dont la démarche est déjà largement sociologique ? Lʼauteure va appliquer à son objet une méthode en quelque sorte homéopathique. Elle mettra ainsi en œuvre une analyse institutionnelle lui permettant de procéder par déplacement dʼobjet et de redoubler un ensemble dʼœuvres dont la visée sociologique est affirmée par ce que lʼon nomme désormais une socio- analyse. Travail dʼobjectivation qui manifeste un respect constant des intentions et des projets traités, mais engage dans un second temps un examen à vif des contradictions dans lesquelles ces intentions et projets se trouvent nécessairement pris. Il y va dʼune méthodologie toute 10 Nancy DELHALLE relationnelle réinscrivant les faits étudiés dans un contexte les lestant de signification. Même lorsquʼil part à la recherche de son statut incertain, le théâtre politique est par la force des choses celui qui a le mieux conscience de sa position institutionnelle, étant déchiré entre sa position dʼart à part entière et de reflet quʼil procure du champ social et de ses luttes. Il lui revient donc de justifier son existence sur deux tableaux. Et revoici le paradoxe du théâtre belge francophone tel que Nancy Delhalle nous le donne à voir et quʼen a posé les bases le mouvement des jeunes compagnies. Art minoritaire et forme autonomisée dans son intention vive et dans sa stratégie de réinvention des lieux scéniques et de mise en cause des grandes institutions (le TNB de Jacques Huisman, par exemple), il nʼen fut pas moins un théâtre activement critique qui entendait penser la réalité sociale dans sa plus dense actualité. Il entretint si bien ce paradoxe quʼil se rendit, jusquʼà un certain point tout au moins, irrécupérable par lʼInstitution et le pouvoir dʼÉtat.