État Des Lieux : Trois Histoires De L'architecture Des Musées
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Musées et architecture en France : neutralité ou décor, collection ou concept ? ÉTAT DES LIEUX : TROIS HISTOIRES DE L’ARCHITECTURE DES MUSÉES Musées et architecture en France : neutralité ou décor, collection ou concept ? Nabila Oulebsir Musées et convenance : exemples helvétiques Leïla El-Wakil Il museo italiano del xx secolo : cent’anni di progetti e architetture Alessandro Martini Musées et architecture en France : neutralité ou décor, collection ou concept ? État des lieux : trois histoires de l’architecture des musées Nabila Oulebsir Musées et architecture Maître de conférences en histoire du patrimoine en France : neutralité ou décor, et de l’architecture à l’Université de Poitiers, collection ou concept ? CRIA-EHESS. Nabila Oulebsir Résumé L’histoire des musées en France s’ancre dans le projet des Lumières d’une part, Le rôle du musée est aujourd’hui plus que jamais mis en exer- XIX e siècle offrant au musée son architecture palatiale déco- et dans l’histoire du patrimoine et du vandalisme révolutionnaire d’autre part. gue dans la redynamisation des villes, particulièrement dans les rative puisant dans les styles historiques, le fonctionnalisme Afin d’analyser l’évolution architecturale des musées, des repères sont ici fixés : capitales européennes comme Paris, Berlin, Londres ou Madrid des années 1930 imposant au musée sa neutralité architectu- ou dans les pôles régionaux en croissance comme Bilbao, Metz, rale, et enfin, la culture visuelle transformant en ce XXI e siècle le projet des Lumières formulé au XVIII e siècle sur les humanités, qui privilégie une Lens … Dédié initialement à la conservation de collections la forme architecturale en signe et où l’on voit se disséminer vision encyclopédique du musée, croise les Lettres, les Sciences et les Arts, inscrit patrimoniales et d’œuvres d’art, le musée est désormais asso- une nouvelle génération de musées reflétant simultanément la celui-ci dans la ville comme un élément participant aussi bien à son embellisse- cié à un geste architectural fort qui le transforme en un espace complexité de la société et une simplification de son horizon ment qu’à son évolution sociale et culturelle, dont on retrouve la typologie dans culturel définissant formellement une nouvelle centralité d’attente à une surprésence architecturale. D’où l’interrogation le modèle enseigné au début du XIX e siècle à l’École polytechnique par Jean-Nicolas- urbaine structurant la ville contemporaine du XXI e siècle. Cette structurant la réflexion développée dans ce texte : l’architec- Louis Durand ; l’éclectisme architectural de la seconde moitié du XIX e siècle qui place prépondérante accordée à l’architecture des musées sou- ture contemporaine peut-elle agir comme vecteur de perfor- offre au musée son langage formel de palais-musée puisant dans un registre déco- lève une question majeure relative à la neutralité de l’espace mance de l’institution muséale, ou bien la détourne-t-elle de sa architectural. Cette notion défendue en France dès les années mission pédagogique et éducative ? ratif associant peinture, sculpture et architecture ; et enfin la modernisation des 1930, tant par les conservateurs que par les architectes, per- musées imposant dans les années 1930 une neutralité de l’espace muséal, prônée mettait un effacement de l’architecture en faveur de l’œuvre par l’ensemble des professionnels sollicités lors de l’enquête internationale lancée d’art considérée comme seul ornement, tout en inventant un Le musée dans la ville : par Georges Wildenstein et confirmée par Louis Hautecœur dans sa conférence nouveau modèle, le musée moderne, dont le principe reposait le projet encyclopédique des Lumières présentée au Congrès de muséographie de Madrid (octobre 1934, Office internatio- sur l’idée d’une architecture envisagée essentiellement comme nal des musées). espace et parcours de cheminement. La réflexion sur l’architecture des musées est omniprésente dans les débats accompagnant leur création. Précédée en Ce texte invite à réfléchir sur le rôle de l’institution muséale France par le cabinet de curiosités ou par la galerie d’art, l’insti- Cette dernière période est cruciale pour nous projeter dans l’actualité contempo- en France, sa forme et sa fonction, en l’inscrivant à l’intérieur tution moderne du musée s’ancre simultanément dans le projet raine. Si le projet de créer une « cité des musées » à Paris, sorte d’axe muséal reliant de l’évolution qui a été la sienne depuis le siècle des Lumières des Lumières et dans l’histoire du patrimoine et du vandalisme la place Dauphine à la place d’Italie (Perret, 1933), n’aboutit pas, il montre l’intérêt jusqu’à nos jours, favorisant dans cette longue durée des révolutionnaire 1. C’est à la Révolution qu’un rapport étroit s’éta- d’une réflexion exprimée en ces années-là sur le rapport entre musée, ville et archi- repères historiques : l’encyclopédisme au XVIII e siècle formulé blit entre patrimoine et construction de la Nation. Le Musée tecture, que celles des années récentes tentent de réactiver en réinterrogeant le à l’intérieur du projet sur les humanités où le musée occupe des monuments français créé en 1794 par Alexandre Lenoir rôle du musée dans la ville, la place de l’architecture dans le musée et le statut de une place fondamentale dans la vie de la cité, l’éclectisme au dans l’ancien couvent des Petits-Augustins est représentatif, la collection ou de l’objet. Le musée est une institution culturelle et patrimoniale indispensable à la dynamique de la ville mais les conceptions architecturales et muséographiques contemporaines génèrent conflits et ambiguïtés : le musée est-il décor et objet-sculpture dans la ville ? Lieu de conservation, d’exposition et lieu vivant ? Un concept en devenir ? Rencontres du Léman Architecture et quotidien du musée 15 Musées et architecture en France : neutralité ou décor, collection ou concept ? 1 2 Vue aérienne du Musée du Louvre, Gabriel Davioud (architecte) Paris, fin des années 1920. et Jules Bourdais (ingénieur), (L. Hautecœur. 1928. Histoire du Le Palais du Trocadéro, Paris, Louvre. Le Château – Le Palais – 1878, vue prise à partir de la Le Musée : des origines à nos jours Tour Eiffel lors de l’Exposition 1200 -1928, Paris : L’Illustration : 99). universelle de 1900. (BnF Estampes, Paris) 1 dans l’organisation de ses collections patrimoniales, d’une nou- transfert ordonné par Louis XVI des 127 plans reliefs du Palais velle conception de l’histoire de France incluant désormais le du Louvre aux Invalides, libérant quatre ans plus tard d’impor- Moyen Âge. Son existence est cependant éphémère, il est tants espaces dans l’ancienne demeure royale. Transformer fermé en 1816 par Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy, un palais en un lieu d’exposition implique une intervention secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, défavora- urbaine, architecturale et muséographique, même si cette der- ble à l’existence d’un musée, qui avait certes le mérite de pro- nière n’était pas définie à cette époque en tant que science. poser la première classification des collections, mais qui arra- Le débat qui était alors d’ordre social et politique prend chait aux provinces son patrimoine. une tournure où les considérations architecturales et techni- ques revêtent une importance primordiale. Celles-ci concernent Avant d’être perçu comme un lieu patrimonial national, une l’organisation des espaces destinés aux collections royales et 2 fonction précise au cœur de la ville est attribuée au musée par l’éclairage des œuvres : une longueur de galerie de 460 mètres les Lumières. Ces derniers conçoivent une vision des humanités est-elle appropriée à un espace muséographique ? Quel éclai- dans laquelle le musée est pensé dans une acception encyclo- rage favoriser : zénithal ou latéral, et dans ce dernier cas, les pédique : le musée est un « cabinet des gens de lettres » et un 46 fenêtres se trouvant de chaque côté de la galerie – soit un lieu « où l’on s’applique à la culture des sciences et des beaux- total de 92 fenêtres – sont-elles suffisantes ? Enfin, comment arts » 2. Il a un rôle éducatif dans la ville, ses collections et les se prémunir des incendies ? œuvres d’art qu’il abrite ont une valeur pédagogique. La question de l’éclairage et de la sécurité d’un musée est une C’est au milieu du XVIII e siècle qu’un débat social et politique problématique contemporaine qui se pose à ce jour comme est lancé avec le souci d’organiser les collections royales un élément important du cahier des charges de l’architecte. et les rendre accessibles au public. Son protagoniste, Étienne On constate ici la précocité d’une réflexion en un siècle encore Lafont de Saint-Yenne, prône leur exposition dans la galerie loin de l’invention de l’électricité. Parmi les acteurs de ce débat, du Louvre 3, palais délaissé en 1682 par Louis XIV au profit du se trouvent les architectes de la Surintendance des Bâtiments Château de Versailles. L’état du bâtiment est si déplorable du roi : Jacques-Germain Soufflot, Charles-Louis Clérisseau, que Voltaire lui consacre des vers intitulés « Sur le Louvre » Maximilien Brébion et Michel-Barthélemy Hazon. La diver- et que Diderot en recommande une prise en charge rapide et sité des avis n’a pas permis de prendre une décision rapide : utile par la conservation de l’édifice, le développement d’une ouverture zénithale, reconstruction des escaliers de la galerie, activité d’érudition, la culture du goût et de l’esthétique, la mise division de cette dernière ou, au contraire, interdiction d’inter- en valeur des œuvres d’art et collections