Introduction

Histoire mouvementée d'un fonds d'archives exceptionnel.

Les archives de l'Agence d' du et des constituent un fonds exceptionnel dont l'intérêt s'est encore accru depuis les imposants travaux menés depuis 1982 sous l'égide de l'établissement public du grand Louvre (EPGL) dans l'ensemble de l'un des domaines les plus prestigieux du patrimoine français.

Les fouilles archéologiques effectuées parallèlement à l'agrandissement et à la modernisation du musée du Louvre et de ses abords, les nombreuses publications et expositions concernant l'histoire des lieux et des hommes qui y ont joué un rôle, ont réveillé la sensibilité toujours manifeste du public à l'égard du Louvre et des Tuileries. Plusieurs historiens du Louvre ont utilisé ce fonds, alors peu connu, avant son versement aux Archives nationales, en particulier Louis Hautecœur, Yvan Christ et Christiane Aulanier.

Le présent travail recense l'ensemble des documents émanant de l'Agence d'architecture constituée en décembre 1848, versés en plusieurs fois aux Archives nationales de 1971 à 1997. Il couvre une période s'étendant de 1848 à 1968. Il n'aurait pu voir le jour sans la ténacité des uns ni la bonne volonté des autres, conservateurs et membres du personnel des Archives nationales, de l'Agence d'architecture, du musée du Louvre...

La majeure partie de ces documents concerne l'activité des architectes du Louvre et des Tuileries depuis le début des restaurations du Louvre par Duban, en 1848. Presque tout le fonds antérieur a disparu lors du pillage des bureaux de Fontaine, le 24 février 1848, et dans l'incendie de la bibliothèque du Louvre, le 24 mai 1871.

Cet ensemble constitue, dans sa partie la plus ancienne, un remarquable panorama de l'art officiel du Second Empire, à travers les études, plans, dessins, photographies, réalisés pendant les travaux de restauration et d'achèvement du Louvre, menés par Duban, Visconti et Lefuel. Il représente aussi un précieux témoignage sur plusieurs importants bâtiments disparus : la partie occidentale de la et les anciens pavillons de Flore et de Marsan, le château des Tuileries, la bibliothèque du Louvre.

Postérieurement à 1871, il s'agit tout d'abord pour l'Agence d'effectuer des réparations partielles après l'incendie, d'étudier une éventuelle reconstruction des Tuileries, puis d'approprier les parties restaurées ou reconstruites — pavillon et aile de Flore, et aile Rivoli, pavillon de la bibliothèque — à de nouvelles affectations provisoires ou définitives : ministère des Finances, Cour des comptes, préfecture de la et conseil municipal de , ministère des Colonies, ou seulement envisagées, comme celles du Sénat et de la Chambre des députés. Après la mort de Lefuel, en décembre 1880, et la démolition des ruines des Tuileries en 1883, l'essentiel de l'activité de l'Agence du Louvre fut d'assurer les travaux courants d'entretien et de modernisation des bâtiments et des jardins, et surtout, de réaliser l'agencement muséographique de locaux devant présenter des collections toujours plus importantes, dans des conditions toujours plus contraignantes : transformation des salles des États et des Sessions, achèvement des escaliers Mollien et Daru, installation du musée des Arts décoratifs, aménagement de l'Orangerie, appropriation des combles de la Colin carrée pour l'administration du musée, et de la cour du Sphinx pour l'École du Louvre et la sculpture antique, mise en place progressive à partir de 1927 du regroupement des collections dans le cadre du « plan Verne », aménagements successifs des jardins du Carrousel, restructuration du après le départ des annexes du ministère des Finances en 1961, etc. Enfin, les deux guerres mondiales posèrent aux architectes du Louvre des problèmes de protection dont les difficultés apparaissent dans nombre de dossiers. Un premier versement aux Archives nationales des archives de l'Agence d'architecture du Louvre, décidé par le ministère de la Culture, fut effectué en 1971 et complété en 1986 et 1987 et de 1991 à 1995 par des apports partiels plus ou moins importants. Avec les derniers versements de 1997 (photographies), les Archives nationales conservent désormais la totalité des documents d'architecture du Louvre et des Tuileries antérieurs à 1968 (fin du mandat de l'architecte Lahalle). La partie du fonds postérieure à cette date a été transférée aux Archives nationales, centre des archives contemporaines (CAC), à Fontainebleau. Le rangement et le classement d'une telle masse d'archives (environ 70 000 pièces), déjà rendus difficiles par la diversité des documents, furent encore compliqués par le nombre des versements successifs que l'on devait intégrer, plus ou moins heureusement, au fonds déjà en place, parfois au détriment de la chronologie ou de la topographie. Il en résulte une certaine hétérogénéité, que le sommaire, la liste des cotes et les index, permettent d'atténuer. Le classement adopté a été autant que possible respectueux de la chronologie des travaux et des classements en usage à l'Agence avant les versements aux Archives nationales.

Enfin, une révision méticuleuse de l'ensemble du fonds permettant d'éliminer bien des inexactitudes a été assurée par Geneviève Bresc-Bautier, conservateur général, chef du département des sculptures du musée du Louvre, en charge de la section « Histoire du Louvre ».

Le fonds se présente en trois parties distinctes : • une partie administrative, constituée de registres et de cartons (1 à 262 et 801 à 922) comprenant inventaires, états de personnel, correspondance, rapports, études, devis, mémoires, attachements. La partie versée en 1971 fut classée par Perrine Ramin-Canavaggio et mise à jouir et augmentée par Pierre Jugie, avec intégration de nouveaux versements en 1987. L'inventaire complet de ces dossiers administratifs fut achevé lors des derniers apports de l'agence en 1997 ; • une partie iconographique, intimement liée à la précédente, très important ensemble de portefeuilles de plans, dessins, croquis, études, sur papier ou sur calque, souvent de grande qualité, qui constitue l'intérêt tout particulier du fonds (287 à 735). Un inventaire sommaire, datant de 1943, reprenant mie classification ancienne des portefeuilles, elle-même issue de registres établis par les collaborateurs de Duban, Visconti et Lefuel, a permis de garder l'essentiel du classement antérieur pour les documents établis jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. La suite (1944-1968) a été classée en suivant au plus près des localisations et une chronologie qu'il a fallu très souvent rétablir à partir de séries de pièces parfois très mélangées ; • un ensemble de photographies – plus de 5 000 – pour la plus grande partie réalisées par l'atelier d’Édouard Baldus pendant les travaux du Second Empire, relatives à la décoration sculptée du nouveau Louvre et des appartements privés des Tuileries. D'autres séries concernent les ruines des Tuileries après 1871, et les projets de reconstruction de Lefuel. Plus récentes, de nombreuses photographies se rapportent aux restaurations des sculptures et à des travaux effectués au Louvre depuis mie soixantaine d'aimées (263 à 286). Cet ensemble, d'un intérêt documentaire et artistique considérable, fut répertorié, pour ce qui remontait à l'époque de Lefuel, par Anne-Marie Joly à partir de 1971, avec le concours d'Hélène Servant à partir de 1997. Les photographies postérieures font partie, pour la plupart, des plus récents versements.

D'importantes lacunes apparaissent cependant dans ce fonds que l'on pourrait croire complet. Sont ainsi introuvables : les journaux de chantier du Louvre pour la période 1854-1857., ceux des nouveaux appartements privés des Tuileries de 1856 à 1861, la correspondance de Guillaume en 1888-1889, ainsi que les dossiers de Lefèvre concernant l'Orangerie dans les années 1920. On peut d'ailleurs espérer que ces documents, actuellement « égarés », feront un jour retour au fonds de l'Agence à la faveur d'une recherche ou d'un reclassement. On pourra également relever dans un certain nombre de portefeuilles des déficits imputables à l'usage constant des archives comme instruments de travail pendant des décennies (Guillaume travaillant sur les documents de Lefuel, Redon sur ceux de Guillaume, Ferrait sur ceux de Blavette), ce qui explique également que de nombreux portefeuilles renferment sous une même cote des études et projets relatifs à plusieurs campagnes de travaux de construction, d'aménagement ou de restauration effectués à des périodes différentes : reconstruction puis restauration du pavillon et de l'aile de Flore, aménagements successifs de la salle des États, des escaliers Daru et Mollien, etc. Par ailleurs, Lefuel, architecte de l'Empereur, supervisait toutes les constructions entreprises pour la Liste civile, ce qui explique la présence clans le fonds de documents concernant les résidences impériales de Marseille et de Biarritz, les écuries du Quai d'Orsay, ou la chapelle de l'hospice de Vincennes. Autre présence insolite, celle des cotes 701 à 713 bis qui concernent le Palais-Royal et la Comédie-Française, et proviennent du service départemental de l'architecture dont dépend administrativement l'Agence d'architecture du Louvre.

D'autre part, quelques incertitudes demeurent quant aux auteurs de certains dessins du fonds, qui ne peuvent être attribués à des collaborateurs de l'agence. Durban, Visconti, Lefuel, et leurs successeurs ont évidemment réalisé eux-mêmes de nombreux dessins, esquisses et études qui se retrouvent dans tout le fonds, mais sans que l'on puisse toujours savoir à qui ils reviennent. Seul , avec son crayon bleu, est immédiatement reconnaissable. En revanche, de nombreuses études de façades ou de décoration intérieure n'ont pu être exécutés que par des artistes étrangers à l'Agence, dont certains seulement ont été identifiés : Philippe Chaperon (1823-1907), célèbre décorateur de théâtre, est l'auteur des vues perspectives de plusieurs projets de façade de la place Napoléon (64 M 592) ; Victor Biennoury (1823-1893), qui a signé de nombreuses décorations intérieures du Louvre et des Tuileries, a réalisé le projet d'aménagement de la salle des États (64 AJ 316) qui sera exécuté par Charles-Louis Muller (1815-1892). Mais ce même Muller, auteur du décor peint du pavillon Denon, a-t-il dessiné toutes les études conservées par l'Agence (64 AJ 332) ? Nombre de dessins et aquarelles aux évidentes qualités artistiques nous laisseront longtemps encore dans une telle expectative. Enfin, lors du classement du plus récent versement de l'Agence, un certain nombre de documents ont pu être restitués à leur dossier d'origine; ou intégrés à des ensembles existants, ce qui implique de légers changements clans quelques cotes des anciens versements.

Plusieurs cotes sont restées vacantes, soit à la suite de disparitions ou de reclassements anciens, soit en raison du souci, lors des premiers versements, de réintégrations futures, souci manifestement exagéré en ce qui concerne les cotes vacantes séparant les parties figurées et administratives versées en 1986-1987, et qui passent des cotes 735 à 801.

Il existe une version détaillée de cet inventaire, où la plupart des cotes sont décrites pièce à pièce, sauf exception et sans compter les portefeuilles de dessins en grandeur d'exécution, qui n'avaient d'intérêt que pour les entreprises et les ouvriers chargés des travaux, dont seul le nombre des pièces est indiqué. Cette version est disponible dans Ici salle des inventaires du centre d'accueil et de recherche des Archives nationales (CARAN), à la section des cartes, plans et photographies des Archives nationales, et dans la salle de documentation de Ici section « Histoire du Louvre » du musée du Louvre. Le présent inventaire en est une version abrégée. Les dates précises et les informations intéressantes figurant sur les documents sont mentionnées ; des notes, renvois et commentaires, ainsi que quelques textes annexes, ont semblé utiles à la compréhension de l'histoire, de la structure, des aménagements et des transformations de cet immense domaine, que ce long travail collectif permettra de mieux faire connaître et admirer.

L'Agence d'architecture du Louvre et des Tuileries.

Les travaux de construction, d'entretien, d'aménagement et de réparation du palais et du musée du Louvre ont toujours été étudiés et réalisés par l'État, sous la direction d'architectes nommés par l'administration centrale. Leur était adjoint un personnel plus ou moins important, selon les périodes et la nature des travaux à accomplir.

Avant la Révolution, le Louvre et les Tuileries dépendaient de la Surintendance des bâtiments du Roi, supprimée en 1791. Gérés indépendamment l'un de l'autre par le ministère de l'Intérieur depuis 1792, les deux palais furent rattachés à la maison de l'Empereur en 1804. Depuis l'ouverture du musée, la tutelle administrative du Louvre a été exercée par : • le ministère de l'Intérieur jusqu’en 1804 ; • la maison de l'Empereur de 1804 à 1814 ; • la maison du roi de. 1814 à 1848 • le ministère des Travaux publics de 1848 à 1852 • la maison de l'Empereur de 1852 à 1870 • le ministère des Travaux publics de 1870 à 1882 ; • le ministère de l'Instruction publique puis de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts, de 1882 à 1959 (sauf un bref retour aux Travaux publics de 1890 à 1895) ; • le ministère de la Culture sous ses diverses dénominations depuis 1959.

L'Agence ainsi constituée était rattachée à l'administration dont la tutelle s'étendait au Louvre et aux Tuileries, clans le cadre du Service des palais nationaux, lui-même dépendant de la Direction des bâtiments civils, sauf lorsque les palais furent pris en charge par la Liste civile des souverains de 1804 à 1848, et de 1852 à 1870. Le Conseil des bâtiments civils, en revanche, était toujours consulté et donnait son avis sur tous les travaux importants relevant de l'Agence du Louvre et des Tuileries. L'Agence d'architecture du Louvre et des Tuileries est l'héritière directe du regroupement opéré en juin 1854 entre l'Agence des grands travaux du Louvre créée le 14 décembre 1848 lors des restaurations et aménagements entrepris par Duban, celle des Tuileries qui secondait Visconti depuis octobre 1852 dans le réaménagement du château redevenu le centre du pouvoir, parallèlement à l'importante Agence de la réunion des Tuileries au Louvre créée par Visconti, le 26 mai 1852. La démission de Duban et la mort de Visconti avaient alors réuni sous une même direction, celle de Lefuel nommé en février 1854, l'ensemble du personnel travaillant sur l'immense chantier ouvert par la Seconde République, et dont l'activité se prolongera jusque dans les années 1880. Ce fut avant la mise en route des travaux du Grand Louvre, la plus grande époque du domaine. Ce regroupement sous une même direction, à la fois artistique, technique et administrative, n'en préservait pas moins la spécificité et l'autonomie de chacune de ses composantes, dont le champ d'action était nettement délimité. Aux agents chargés du Louvre incombaient la poursuite de la restauration entreprise par Duban des anciens bâtiments, l'achèvement de leur décoration, et l'aménagement du musée selon les nouvelles conceptions élaborées par Jeanron et mises en œuvre par Nieuwerkerke. À ceux des Tuileries revenait l'exécution des travaux d'entretien et d'aménagement exigés par la présence des souverains, de la Cour, et de nombreux services. Les énormes travaux entrepris en 1852 pour l'achèvement du Louvre amenèrent la création d'un organisme technique et administratif considérable composé d'un bureau central et d'une agence pour chacune des quatre, puis six divisions du chantier.

En août 1857, lors de l'inauguration du gros œuvre du Nouveau Louvre, Lefuel se trouvait ainsi à la tête d'un ensemble de 49 personnes, y compris de jeunes architectes stagiaires connue l'Américain et l'Italien Marco Treves1.

1 Richard Morris Hunt (1828-1895) fit partie des collaborateurs de Lefuel d’avril 1854 à septembre 1855, chargé plus précisément des études du pavillon de la Bibliothèque. Il fit ensuite une brillante carrière aux États-Unis. Marco Treves (1814-1897) fut rattaché au bureau des études de l’Agence du Louvre de mai 1854 à septembre 1857. Il est, entre autres, l’auteur en Italie des synagogues de Pise et de Florence. En mai 1862, ce nombre se réduisait à 19 agents, dont 9 composaient l'Agence préposée à la reconstruction du pavillon de Flore et de la partie occidentale de la Grande Galerie. Ce chiffre fut maintenu jusqu'en mai 1870, date de l'arrêt des travaux décidé par le gouvernement Ollivier. En janvier 1871, l'Agence des travaux des palais du Louvre et des Tuileries ne comptait plus que 8 agents, mais la reconstruction des bâtiments incendiés lors de la Commune amena la formation de nouvelles agences (Marsais, Bibliothèque, Flore) dont l'activité se prolongea jusqu'en 1884. Dès lors, ses tâches étant essentiellement ramenées à l'entretien et aux aménagements intérieurs, l'Agence d'architecture du Louvre ne se composa plus que d'un nombre d'agents très réduit sous la direction d'un architecte et d un inspecteur. Mais à partir de 1982, le chantier du Grand Louvre, mené avec des moyens considérables, a nécessité la présence d'un personnel dont l'importance rappelle celle des chantiers du XIXe siècle.

Par ailleurs, indépendamment de l'Agence du Louvre, chargée du gros œuvre de l'ensemble des bâtiments et de la décoration des façades, l'entretien et l'aménagement du musée des Arts décoratifs furent placés depuis 1900 sous la responsabilité d'une équipe particulière. Il en fut de même de 1871 à 1988 pour le ministère des Finances.

Les architectes du Louvre et des Tuileries et leur personnel ont toujours occupé des locaux situés dans le périmètre de leur activité : entresol de la Grande Galerie, rez-de-chaussée près de la chapelle, aux Tuileries, immeuble du Carrousel, puis trois pièces sur la cour d'honneur du Palais- Royal pour Fontaine qui était également chargé de cet édifice, aile ouest de la Cour carrée pour Duban, rez-de-chaussée de l'aile Rivoli puis de l'aile de Flore pour Lefuel, qui installa la finalement les bureaux de l'Agence près du pavillon Mollien. Ils ne le quittèrent qu’en 1903.

Les Tuileries et le Louvre pendant trois guerres.

Les Tuileries et le Louvre en 1870-1871.

Dès la déchéance de l'Empire et le départ de l'impératrice Eugénie, le 4 septembre 1870, le château de Tuileries qui, contrairement à 1830 et 1848, ne subit aucune dégradation, fut confié aux soins du liquidateur de la liste civile de Napoléon III nommé par le gouvernement de la Défense nationale. Le Mobilier national et les musées rentrèrent en possession des meubles, objets d'art et tableaux leur appartenant, tandis que les objets et effets personnels de la famille impériale étaient regroupés dans le pavillon de Flore. Les déménagements et récupérations se poursuivirent tout au long du siège, et jusqu'aux premiers jours de la Commune. Au début du siège, le jardin devient un parc d’artillerie où les soldats, un millier environ, souffrent cruellement du froid durant un hiver exceptionnellement rigoureux. Dans le château logent plusieurs bataillons de gardes mobiles de l'Ouest qui seront très éprouvés par les combats autour de Paris et plus encore par le froid et le manque d'hygiène. Dans les nouveaux bâtiments longeant la Seine, on établit des ateliers d'armement et d’habillement. Des ambulances sont installées dans tout le château où sévissent la variole et le typhus. On comptera 215 décès jusqu'au début février. Après l'armistice le 28 janvier, le nettoyage et les réparations durèrent jusqu’en mars.

Puis vint la Commune. Début mai, on peut visiter le château, vide et désert surmonté d’un drapeau rouge moyennant 50 centimes versés au profit des blessés et des orphelins. Des concerts y sont donnés qui attirent une nombreuse assistance populaire.

Enfin le 23 mai, la moitié ouest de Paris déjà occupée par l'armée de Versailles, et les combats s’intensifiant, des éléments de la Commune agonisante, après avoir passe plusieurs heures à répandre sur les lambris et les parquets le pétrole, l'alcool, et l'essence de térébenthine contenus dans cinq fourgons, mettent le feu au château vers 21h. Ce sont les mêmes qui quelques heures plus tard au petit matin, brûleront le Palais Royal et la bibliothèque du Louvre qui lui faisait face.

Les combats qui font rage dans le quartier empêchent les pompiers er l’armée d’intervenir avant 11h du matin. L’incendie ne sera complètement éteint que dans la soirée du 25 mai. Tous les bâtiments compris entre la rue de l'Échelle au nord et la porte des Lions au sud étaient ravagés. Dans les parties anciennes ne subsistaient que le gros œuvre et les façades noircies tandis que le pavillon et l'aile de Flore, inachevés par Lefuel et en grande partie inoccupés, n’étaient que peu atteints. Par contre si le feu avait progressé au-delà des Grands Guichets, c'est tout le musée qui risquait de flamber, et s'il s'était étendu de part et d'autre de la bibliothèque, tout le nord du nouveau Louvre pouvait être consumé. Les cendres refroidies, s'ouvrirent alors douze années de polémiques et de tergiversations sur le sort des Tuileries, qui aboutirent finalement à la démolition complète du château. Contrairement aux Tuileries, rien de trop dramatique ne se produisit au Louvre pendant. « l'année terrible ». Les locaux de l'ancien ministère d'État furent occupés par le général Trochu, gouverneur militaire de Paris et président du gouvernement de la Défense nationale. Dès le mois d'août et le début de l'invasion allemande, les tableaux et objets parmi les plus précieux du musée du Louvre furent mis à l'abri dans les arsenaux de Brest et de Toulon. Les fenêtres des salles les plus sensibles furent protégées par des blindages de madriers.

Le 2 mars 1871 pendant la brève occupation de l'ouest de Paris., un petit nombre d'officiers allemands privilégiés parcourut quelques salles du musée, vides de la plupart de leurs œuvres, sous les huées et les quolibets de la foule massée sur le quai. Durant les combats de la Semaine sanglante, la façade de la galerie d’Apollon d’où tiraient les soldats versaillais du 26e bataillon de chasseurs, fut criblée de projectiles et quelques vitrines furent brisées à l'intérieur. Le dôme du pavillon de l’Horloge fui atteint par des obus tirés du cimetière du Père-Lachaise, ainsi que celui du pavillon Denon ce qui endommagea la décoration intérieure due à Charles-Louis Muller. Dans le pavillon Richeileu la composition destinée à l'escalier des souverains (actuel plafond de la salle de consultation du département des arts graphiques) à laquelle travaillait le peintre Alexandre Cabanel, fut également sérieusement détériorée par l'incendie de la bibliothèque.

Le musée fut partiellement réouvert dès le 20 juin.

L'INCENDIE DES TUILERIES PENDANT LA COMMUNE

« Tout le centre de Paris est en flammes. Deux cents maisons, dix palais, le théâtre de la porte Saint-Martin, la rue Royale„ les Finances, les Tuileries, le Théâtre lyrique, l'Hôtel de Ville, la rive gauche depuis la Légion d'honneur jusqu’au Palais de justice et la préfecture de police, trouent les ténèbres d'une splendeur pourpre, pareils à de grandioses bûchers de funérailles. A tout instant crèvent des nuages d'étincelles, de brusques bouquets blancs d'explosions. La Seine semble, en feu, rouler une eau de sang et de lumière. Une odeur âcre étreint la gorge, pique aux yeux. » (Paul et Victor Margueritte, Commune)

« Le Paris ouvrier, en accomplissant sur lui-même son héroïque holocauste, enveloppa dans ses flammes des monuments publics et des édifices particuliers. Alors qu'ils mettent en pièces le corps rivant du prolétariat, ses maîtres ne doivent plus compter entrer triomphalement dans l'architecture intacte de leurs demeures. Le gouvernement de Versailles crie : "incendiaires I" et sotte cette consigne à tous ses agents, jusqu'au plus reculé des hameaux : donner partout la chasse à ses ennemis, sous la suspicion d'être des professionnels de l'incendie. La bourgeoisie du monde entier, qui regarde complaisamment le massacre en grand après la bataille est convulsée d'horreur par la profanation de la brique et du mortier... » (Karl Marx, La Guerre civile en )

« Oui, je suis de ceux qui approuvèrent comme absolument moral de brûler ce palais essentiellement monarchique, symbole abhorré d’un exécrable passé, et qu’on appelait les Tuileries ! Oui je suis de ceux qui ont tressailli de joie en voyant flamber ce sinistre palais d’où était parti tant de fois l’ordre de massacrer le peuple, et où tant de crimes antisociaux avaient été prémédités et glorifiés ! Les Tuileries sont brûlées ! Gloire en soit rendue à ceux qui en prirent l'initiative courageuse, et ont accompli cet acte de haute moralité et de haute justice populaire. » (Gustave Lefrançais. Étude sur le mouvement communaliste)

Le Louvre pendant la guerre de 1914-1918 Au tout début de la guerre, en août 1914, les pièces les plus précieuses de chaque département furent mises à l'abri sous la direction de Victor Navette dans les locaux du musée paraissant pouvoir le mieux résister à d'éventuels bombardements sous-sols voûtés ou salles aux murs particulièrement épais, protégés de surcroît par des remparts de sacs de terre. Juste avant la bataille de la Marne, Paris étant dangereusement menacé, la plus grande partie des tableaux et des dessins fut évacuée à Toulouse dans l'église des Jacobins. Le front se stabilisant, le musée fut partiellement réouvert jusqu'au bombardement du printemps 1918 pendant lesquels deux obus de la Bertha atteignirent le jardin. De nouvelles évacuations furent alors effectuées vers Blois. Le domaine et les bâtiments ne subirent cependant presque aucun dommage.

Le Louvre durant la Seconde Guerre mondiale.

En septembre 1938, pendant la crise internationale qui aboutit aux accords de Munich, une première et brève évacuation d'œuvres d'art fut effectuée au Louvre. Un an plus tard, un déménagement d'une tout autre envergure fut entrepris, et, malgré d'extrêmes difficultés de transport, la plupart des grandes œuvres du musée furent envoyées en province. Parallèlement, la protection des bâtiments fut renforcée. Le musée sera cependant réouvert en septembre 1940. Pendant l'Occupation le jardin bénéficia des douteuses attentions des autorités allemandes. En 1941, l'état-major du « Gross Paris » fit étudier la construction d'un auditorium pour y donner des concerts de musique militaire. Albert Ferran en dressa les plans mais la commission des sites s'y opposa et l'armée allemande n’insista pas. De mai à juillet 1942, l'Orangerie accueillit une grande exposition des œuvres du sculpteur Arno Breker, alors artiste officiel du Troisième Reich. Ce sera la plus grande manifestation culturelle de l'Occupation2 ; mais une activité d'un tout autre genre se déroulait au Jeu de Paume : c’est là en effet qu’étaient entreposées les œuvres d’art volées aux familles juives déportées ou exilées, butin que se partagèrent organismes officiels et hauts dignitaires nazis, en particulier Hermann Göering. La guerre n’épargna pas le domaine ni ses alentours. Dans la nuit du 23 septembre 1943 un bombardier allié touché par la DCA allemande s’abattit sur les magasins du Louvre (actuellement Louvre des antiquaires). Les sept membres de l'équipage périrent. A la fin des combats de la Libération, dans l'après-midi du 25 août 1944, un violent engagement entre des éléments de la division Leclerc et des blindés allemands se déroula , à l’entrée des Champs- Elysées et à l’ouest du jardin des Tuileries. Des statues furent brisées et l’Orangerie atteinte de plusieurs obus qui endommagèrent gravement Les Nymphéas de Monet. Enfin le 26 décembre 1944, pendant l’offensive allemande dans les Ardennes, l’unique avion ayant pu franchir les barrages de la DCA alliée lâcha une ou deux petites bombes dans le jardin en face de la rue Castiglione, ne détruisant qu’un manège et le théâtre Guignol. Plusieurs années seront nécessaires à Jean-Jacques Haffner pour réparer les dégâts de la guerre et réinstaller les collections dans le musée.

Les architectes du Louvre et des Tuileries.

Avant la création du musée du Louvre.

Au XIVe siècle, Raymond du Temple transforme la forteresse de Philippe Auguste en résidence royale pour Charles V.

Au XVe siècle, (v. 1515-1578) et Jean-Baptiste Androuet du Cerceau (v. 1555-y. 1590) travaillent au Louvre des Valois. Parallèlement Philibert Delorme (1515-1570) et Jean Bullant (y. 1510-1578) édifient les Tuileries pour Catherine de Médicis.

De 1594 à 1610, les grands chantiers de Henri IV sont menés par Thibaud Métezeau (y. 1533-v. 1596), Étienne Dupérac (y. 1535-1604), Jacques II Androuet du Cerceau (1556-1614), Louis Fournier, Jean Coin et Louis Métezeau (y. 1559-1615).

Clément Métezeau, puis (y. 1585-1654) édifient le pavillon de l'Horloge et poursuivent l'œuvre de Lescot de 1624 à 1654 en prolongeant l'aile Renaissance vers le Nord.

Sous Louis XIV, (1612-1670) achève la Cour carrée et transforme la Petite Galerie, tandis que la Colonnade est réalisée par Louis et François Le Vau (1613-1676), (1613-1688) et François d'Orbay (1634-1697). Le château des Tuileries est terminé par Le

2 Voir 64 AJ 595/91 à 96 et 64 AJ 844/3. Vau et le jardin réaménagé par André Lenôtre (1613-1700).

Au XVIIIe siècle, Jacques-Ange Gabriel (1698-1782), Jacques-Germain Soufflot (1713-1780) et Maximilien Brébion (1716-v. 1796) continuent les travaux et étudient l'aménagement des bâtiments en vue de la présentation publique des collections royales. Pendant la période révolutionnaire, après la chute de la royauté, Jacques-Pierre Gisors (1755-1828) puis Étienne- Chérubin Leconte (1766-1818) accommodent les Tuileries à l'usage des assemblées.

Depuis la création du musée.

Auguste Cheval de Saint-Hubert (1755-1798), membre du comité d'embellissement du Jardin national en 1794, inspecteur du Palais national des sciences et des arts, puis inspecteur général des bâtiments nationaux en 1797-1798, organise le musée des Antiques, mais il meurt au cours des travaux.

Jean-Arnaud Raymond (1742-1811), architecte du Palais national des sciences et des arts du 30 frimaire an VI (20 décembre 1797) au 22 frimaire an XIII (13 décembre 1804), poursuit l'aménagement du musée.

Pierre-François-Léonard Fontaine (1762-1853), nommé architecte du Premier Consul aux Tuileries avec , le 26 nivôse an IX (16 janvier 1801), architecte des bâtiments de la Couronne de la division rie Paris, le 22 frimaire an XIII (13 décembre 1804), premier architecte de l'Empereur, le 25 avril 1813, reste en poste pendant la Restauration et la monarchie de Juillet et démissionne, le 24 septembre 1848.

Charles Percier (1764-1838), nommé architecte du Premier Consul aux Tuileries en même temps que Fontaine, le 16 janvier 1801, quitte cette fonction, le 13 décembre 1804 lors de l'organisation du service des bâtiments de la Couronne après l'instauration de L'Empire., mais son activité durant toute sa vie reste toujours étroitement associée à celle de Fontaine. Ils réalisent tous deux tant au Louvre qu'aux Tuileries de très importantes extensions et transformations des bâtiments existants, donnent au musée un cache digne de son accroissement, et édifient l' du Carrousel.

Firmin Bourgeois de Ribeaucourt (1786-1853) collaborateur de Fontaine, remplace celui-ci aux Tuileries, de septembre 1848 à octobre 1852. On lui doit l'actuelle orangerie du jardin. Félix Duhan (1798-1870), architecte du Louvre d'octobre 1848 à mars 1854, restaure les façades du Vieux Louvre et la galerie d'Apollon, réalise la décoration du Salon carré et de la salle des Sept Cheminées, et aménage la Cour carrée.

Louis-Tullius-Joachim Visconti (1791-1853) est architecte de la réunion du Louvre aux Tuileries en mars 1852, des Tuileries en octobre 1852, de l'ensemble du Louvre et des Tuileries le 24 décembre 1853, cinq jours avant sa mort. Il élabore les plans du Nouveau Louvre et met le chantier en route, réaménage les Tuileries.

Hector Martin Lefuel (1810-1880) est architecte du Louvre et des Tuileries de février 1854 à décembre 1880. Il achève le Nouveau Louvre, reconstruit le pavillon de Flore et la partie occidentale de la Grande Galerie, et effectue la restauration des bâtiments incendiés par la Commune, sauf les Tuileries. Il procède également aux nombreux aménagements intérieurs nécessités par le développement du musée. Edmond Guillaume (1826-1894), architecte du Louvre de février 1881 à juillet 1894, réalise de nombreux travaux d'appropriation pour le musée, et crée le jardin du Carrousel sur l'emplacement du château des Tuileries. Paul Blondel (1847-1897), architecte du Louvre de 1894 à 1897, est l'auteur de quelques projets d'aménagements pour le musée. Gaston Redon (1854-1921), architecte du Louvre de 1897 à février 1910, aménage l'ancienne salle des Sessions pour les Rubens de Marie de Médicis, installe le musée des Arts décoratifs dans le pavillon de Marsan et l'aile Rivoli, et réalise les terre-pleins du Carrousel. Charles Girault (1851-1932) est architecte du Louvre de février à août 1910. Victor Blavette (1850-1933), architecte du Louvre d'août 1910 à décembre 1921., achève la décoration de l'escalier Mollien et assure la protection du musée pendant la Première Guerre mondiale. Camille Lefèvre (1876-1946), architecte du Louvre de janvier 1922 à décembre 1929, aménage pour le musée l'ancien manège et les anciennes écuries de l'En-cas et installe dans l'Orangerie Les Nymphéas de Claude Monet. Il effectue les études et la mise en route du « plan Verne » continuera. à surveiller en tant qu'inspecteur général des bâtiments civils.

Albert Ferrare (1886-1952) est architecte du Louvre d'avril 1930 à décembre 1943 dans le cache du « plan Verne ». On lui doit l'achèvement de l'escalier Daru, la couverture de la cour du Sphinx et l'aménagement des sous-sols pour l'École du Louvre, l'installation de la conservation et de la bibliothèque dans les combles de la partie sud de la Cour carrée, l'aménagement des salles du département des Sculptures au rez-de-chaussée du pavillon des Sessions, et des Antiquités égyptiennes au sud de la Cour carrée.

Jean-Jacques Haffner (1885-1961), architecte du Louvre de janvier 1944 à décembre 1952, répare les dégâts causés par l'Occupation et la Libération, procède à la réinstallation des collections après la guerre, poursuit la réalisation du « plan Verne » dans la Cour carrée, la Grande Galerie, la salle des États, et procède à une nouvelle présentation des Rubens de Marie de Médicis.

Olivier Lahalle (1907-1986), architecte du Louvre de janvier 1953 à juin 1968, aménage le pavillon et l'aile de Flore évacués par le ministère des Finances, installe la collection Walter- Guillaume dans l'Orangerie, et, avec Jean Trouvelot, exhume les fossés devant la Colonnade.

Par ailleurs, il a été quelquefois fait appel à des architectes extérieurs à l'Administration pour certains chantiers exceptionnels, tels Jean-Charles Moreux, Emilio Terry ou Jean Trouvelot. Depuis 1968, date à laquelle a été arrêté approximativement le présent inventaire, les architectes suivants se sont succédé à la conservation du domaine

Marc Saltet (né en 1906), conservateur du Domaine national du Louvre et des Tuileries de juin 1968 à septembre 1976, construit le central des télécommunications sous la terrasse du Bord- de-l'eau.

Jean-Claude Daufresne (1924-2005), conservateur du Domaine national du Louvre et des Tuileries d'octobre 1976 à février 1982, établit une réserve pour le musée sous la cour Napoléon, restaure l'Orangerie et la façade du pavillon des États.

Georges Duval (1920-1993), conservateur du Domaine national du Louvre et des Tuileries de février 1982 à décembre 1986, effectue l'aménagement de la Cour carrée et réalise la couverture des vestiges du Louvre médiéval.

Guy Nicot (1933-2002), conservateur du Domaine national du Louvre et des Tuileries de janvier 1987 à avril 1999, a restauré les façades et la décoration sculptée de la place Napoléon et du pavillon de Flore et réaménagé l'aile de Rohan. Michel Goutal (né en 1957), architecte en chef (1984) restaure la galerie d'Apollon au Louvre depuis 1997. Ioeh Ming Pei (né en 1917), est architecte du Grand Louvre de 1982 à 1993, avec Michel Macary.

TROIS PORTRAITS Duban

Duban bénéficiait à l'évidence d'un grand crédit dans les milieux artistiques comme en témoigne ce portrait tracé dans ses Souvenirs d'un directeur des Beaux-Arts par Philippe de Chennevières : « Inutile de rappeler qu'au l'endentait? du 24 février le vieil architecte des Tuileries et du Louvre, l'homme de Napoléon T et de la Restauration, l'ami de Louis- Philippe, M. Fontaine, que nous rencontrions souvent encore clans ses dernières années sur le pont des Arts, traînant un peu la jambe et traçant par habitude des plans du bout de sa canne, avait été mis au rancart par le pouvoir nouveau. Son successeur, bien choisi d'ailleurs, citait été M. Duban. M. Duban, artiste d'une immense valeur, du goût le plus pur et le plus ingénieux, bien qu'incertain parfois et tâtonnant, chef incontesté, avec Labrouste, de notre jeune école d'architectes, respecté et admiré de tous avec sa belle tête au front superbe, couronné de son abondante chevelure. Duban nommé architecte du Louvre en pleine maturité de ses forces, après avoir construit les bâtiments nouveaux de l'École des beaux- arts et restauré le château de Blois, c'est-à-dire donné la double mesure de ses talents comme inventeur et comme restaurateur, ne pouvait dans ce poste nouveau, responsable de la splendeur du premier monument de France, demeurer inactif. Il vit aussitôt ce qu'il y avait à entreprendre, et se sentant fort de son propre crédit et du branle donné par Jeanron et ses conservateurs à un classement nouveau des musées, il sut émouvoir, d'accord arec le directeur du Louvre, les personnages de l'Assemblée nationale qui s'intéressaient aux arts. Ils étaient plus nombreux alors qu'aujourd'hui et surtout d'autre importance... Il en résulta en moins de trois ans la décoration monumentale du grand salon, celle plus heureuse peut-être encore de la salle des Sept Cheminées et la restauration admirable de la galerie d'Apollon. » (Éditions Arthéna, Paris, 1979)

Visconti

« (..) Monsieur Visconti venait d'atteindre le point culminant de la gloire pour un artiste en se volant confier l'achèvement du Louvre qui a occupé le génie des architectes français pendant deux siècles. Il avait recueilli le fruit d'études laborieuses et approfondies clans une des plus hautes disciplines de notre art pour résoudre des problèmes qui semblaient présenter des difficultés apparemment irréconciliables et quasi insurmontables ; et il avait commencé à réaliser (jusqu'à la hauteur de 30 pieds à certains endroits), avec une inconcevable rapidité, les grandes lignes de son grand projet qui réunissait tous les se-tiges et promettait de faire des Palais du Louvre et des Tuileries, les plus belles résidences de souverains du monde. Par ailleurs, il finit également admettre que les conceptions d'autres architectes, connue Percier et Fontaine, l'ont considérablement aidé à arriver à cette solution. J'ai entendu de sa bouche le récit suivant de sa désignation à cette tâche importante Il reçut d'une manière tout à fait inattendue, il y a environ trois ans, une note d'un officier de la maison tin Président de la République pour le prier de se rendre le lendemain à l'Élysée-Bourbon. II s'y rendit à l'heure dite et, aussitôt introduit clans le cabinet du chef de l'État par lequel il fut accueilli avec la plus grande bienveillance. « Il m'apparaît, dit Louis-Napoléon, que le Palais du Louvre ne doit pas rester plus longtemps clans un état qui déshonore le gouvernement et il est souhaitable que du travail soit fautai aux classes laborieuses. J'ai, par conséquent, conçu le projet de l'achèvement de ce palais, dont je souhaite que vous vous changiez. »

« Monsieur, répondit Visconti, je suis flatté par une S grande marque de votre confiance, mais je me permets de vous rappeler que c'est Monsieur Duban qui est architecte du Louvre, et il m'est impossible d'interférer avec une situation qu'il remplit avec beaucoup de mérite et d'habilité. » « C'est vrai, répondit le Président, mais Monsieur Duban est l'architecte des travaux du Vieux Louvre. Je souhaite que vous vous chargiez de cette entreprise comme architecte des travaux du Nouveau Louvre, qui sont bien distincts, entièrement séparés, et sans interférence avec les autres. » Dans ce cas, dit Monsieur Visconti, je suis entièrement à vos ordres. » Le prince expliqua alors le schéma qu'il culait conçu et esquissé lui-même, dont il souhaitait que Visconti le transposât en termes d'architecture et il demanda combien de temps cela prendrait. Quand il sut qu'il s'agissait d'un mois, il répondit. : « Bien, je vous attends dans un mois et vous serez reçu immédiatement ». Un mois après, Monsieur Visconti apporta les plans et les soumit au Président qui approuva chaleureusement la façon dont ses intentions avaient été menées à bien. Monsieur Visconti se risqua alors à suggérer que, durant l'étude des plans qu'il m'ait dressés, il lui était apparut qu'une disposition beaucoup plus noble et plus avantageuse polirait être adoptée, et qu'il souhaitait la soumettre à l'approbation de Son Altesse. Le prince encouragea immédiatement l'architecte à développer ses vues, ce qu'il fit d'une manière succincte, claire et convaincante qui colporta la conviction du Président qui lui demanda alors de combien de temps il aurait besoin pour préparer les dessins nécessaires. « Six semaines ». « Très bien, dit Louis-Napoléon, dans six semaines apportez-moi votre projet minutieusement étudié ». Six semaines après Visconti revint à l'Élysée-Bourbon mais, dans l'intervalle, la République était devenue un Empire et le président, empereur [il y a ici confusion entre le coup d'État du 2 décembre 1551 et le rétablissement de l'Empire. un an après]. Il suffit à Louis-Napoléon de voir le projet que son architecte avait préparé pour saisir immédiatement la supériorité des dispositions proposées et s'en déclarer parfaitement satisfait. Sortant alors un papier de sa poche, il le présenta à Visconti en disant : « Prenez ce document, il vous nomme architecte des nouveaux travaux du Louvre ». En fait, il s'est avéré être un document officiel signé par les autorités compétentes. L'empereur désirait qu'il soit prêt à assister à un conseil fie Conseil Général des Bâtiments civils] quelques jours plus tard, pour expliquer les plans et présenter une estimation globale de la dépense. :Votre architecte, bien sûr, fin ponctuel au rendez-vous et, en attendant la réunion du Conseil. Ici conversation s'engagea avec plusieurs de ses membres. Un peu anxieux et souhaitant s'infirmer de leurs sentiments, il demanda leur opinion. L'un pensait que c'était tut très bon projet. un antre que cela coûterait beaucoup d'argent, mais aucun ne se hasarda à déclarer que c'était un projet souhaitable et exécutable. Le Conseil eut lieu et alors surgirent les plus véhémentes objections. La principale étant, je crois l'étendue de la dépense. A la fin, le ministre d’État dit : « C'est un souhait de l'Empereur ». A ces mots, l'orage se calma connue par de l'huile jetée sur des ragues. Aucun contradicteur ne fut plus entendu et plusieurs voix s'élevèrent pour louer la noble conception de l'Empereur et l'immense talent de l'architecte. Quant aux millions requis, ils ne présentèrent plus aucun obstacle. Le projet fret approuvé. l'exécution ordonnée et les crédits nécessaires accordés. » Éloge de Visconti au Royal Institute of British Architects.1853.

Lefuel

« Un des plus élégants discoboles Ide la villa Médicis] était , qui allait bientôt rentrer en France après avoir terminé sa cinquième année "d'architecture" et qui, en décembre 1853 lorsque Visconti mourut subitement, devait être chargé de relier le Louvre 011 palais ries Tuileries. Il est mon (26 décembre 1550) et. plus heureux que bien d'autres, il a pu voir son œuvre achevée. Il avait la curiosité des choses de la littérature et rie l'histoire ; sa culture intellectuelle était sérieuse, il était de ceux avec lesquels il Y a profit a s'entretenir malgré une certaine raideur apparente qui tenait surtout de la régularité de ses traits ; ii était avenant, bon camarade et dévoué a ses amis. 11 travailla sans relâche et si l'on réfléchit au peu d-années qui lui furent accordées pour con,struire les palais que nous voyous, on sera surpris de son activité et de sa fécondité. Un soir de printemps, vers 1.5'60. je l'avais rencontré et, tout en causant nous allâmes sur la regarder l'effet que ries groupes de sculpture, nouvellement placés au sommet du Louvre, produisaient an clair rie lune. Après quelques instants de contemplation il leva les épaules avec découragement. « Qu'est-ce qui vous mécontente, lui-demandai-je ?Rien, répondit- il, mais je pense qu'aux prochaines « Glorieuses » on brûlera tout cela ; il n'est vraiment pas la peine d'avoir tant besogné ». Il s'en fallut de peu, en mai 1571, que la prédiction ne lût accomplie ; si les pierres encore fraîches du pavillon de Flore et de la salle des É lots nrwaient résisté an pétrole, le Louvre ne serait qu'une ruine, routine les Tuileries. Hector Leidel a laissé sa trace ; il a inscrit son nom à côté rie celui des grands artistes constructeurs qui sont une des gloires de notre pals. »

Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires, Paris, 1882, t. I, p. 282-283.