Médée Héroïne De L'opéra Italien Au Xixe Siècle
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” ...ira pietatem fugat / iramque pietas... ”, ou lorsque, se taisant Hadès, Ilithye n’a de cesse d’enfanter Thanatos : Médée héroïne de l’opéra italien au XIXe siècle Camillo Faverzani To cite this version: Camillo Faverzani. ” ...ira pietatem fugat / iramque pietas... ”, ou lorsque, se taisant Hadès, Ilithye n’a de cesse d’enfanter Thanatos : Médée héroïne de l’opéra italien au XIXe siècle. Cahiers d’Etudes Romanes, Centre aixois d’études romanes, 2013, 1 (27), pp.143-171. hal-01005227 HAL Id: hal-01005227 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01005227 Submitted on 1 Jul 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. « …ira pietatem fugat / iramque pietas... », ou lorsque, se taisant Hadès, Ilithye n’a de cesse d’enfanter Thanatos : Médée héroïne de l’opéra italien au XIXe siècle Camillo FAVERZANI Université Paris VIII Résumé Analyse du traitement du personnage de Médée dans l’opéra italien du XIXe siècle, à savoir à une époque où le romantisme prend le dessus sur un certain classicisme, toujours très enraciné en Italie. Se pose alors la question de la survivance de ce per- sonnage dans trois livrets italiens : Medea in Corinto (1813) de Felice Romani pour Gianni Simone Mayr, Medea (1842) de Benedetto Castiglia pour Giovanni Pacini, Medea (1851) de Salvatore Cammarano pour Saverio Mercadante. Une réécriture du mythe qui tient également compte des témoignages les plus anciens, en réservant un regard privilégié au théâtre (Euripide, Sénèque). Sans oublier d’autres textes in- termédiaires, tels que la Médée (1635) de Pierre Corneille et le précédent opératique français de Luigi Cherubini (1797). Étude des personnages dans leur évolution, de la structure des trois partitions et des textes dans une perspective comparative. Le mythe et l’opéra ont toujours entretenu des rapports privilégiés. Le livret peut donc tout à fait être considéré comme un lieu de réécriture du mythe, et ce dès les origines du genre. À la fin du XVIIIe siècle, le Ro- mantisme naissant dans les pays de culture anglo-saxonne et germanique se démarque de la tradition en abordant des sujets que l’on ressent à l’époque comme nouveaux. Ainsi la littérature et plus en général les arts puisent-ils progressivement leur matière ailleurs que dans les sujets my- thologiques et les événements de l’histoire de l’Antiquité, abandonnant 1 Camillo Faverzani conjointement les poèmes de l’Arioste et du Tasse, leurs épigones. Dans la production opératique – où une évolution perceptible se fait néan- moins sentir dès la fin de ce même siècle pour ce qui est de la composi- tion musicale – l’apparition de thèmes romantiques connaît un certain retard par rapport aux autres créations artistiques. En Italie – où les der- nières approches esthétiques s’imposent plus tardivement que dans le reste de l’Europe –, c’est dans le courant de la première moitié du XIXe siècle que le théâtre en musique se penche de plus en plus sur l’histoire du Moyen Âge et de la Renaissance et sur des situations fournies par la littérature contemporaine, non sans écarter complètement les lectures précédentes. Nous nous proposons alors d’analyser le traitement du per- sonnage de Médée dans le livret d’opéra italien de cette période et de nous poser la question de la survie de cette héroïne qui, sans être une déesse, participe quelque peu du divin en tant que magicienne. S’inscrivant dans le cycle de la Toison d’or, Médée se situe aussi dans la sphère des récits d’amour et d’aventure des origines, ce qui la place très près du mythe : si sa légende ne raconte ni la création du monde (cos- mogonie) ni la naissance des dieux (théogonie) ni la naissance de l’homme (anthropogonie), elle met en scène une forme de séparation du divin et de l’humain par le biais de l’invention de la mort. Notre étude prendra donc en considération Medea in Corinto (1813) de Felice Romani pour la musique de Giovanni Simone Mayr, Medea (1843) de Benedetto Castiglia pour Giovanni Pacini et le remaniement du livret de Romani par Salvatore Cammarano pour la Medea (1851) de Saverio Mercadante. Trois titres qui nous semblent tout particulièrement significatifs à la fois par le renom de leurs auteurs – compositeurs et li- brettistes confondus, à l’exception peut-être de Castiglia1 – et par un échelonnement chronologique devant nous amener des derniers feux d’un certain Néoclassicisme au cœur du Romantisme2. Après avoir situé 1 Ce n’est pas le lieu ici de fournir des fiches biographiques sur l’un ou sur l’autre de ces auteurs, cette tâche étant le plus souvent magistralement accomplie par les dictionnaires et les encyclopédies consacrés à la musique et à l’opéra dans beaucoup de langues et de pays différents. Cependant, la réputation de Benedetto Castiglia (1811-1877) étant moins bien établie que celle de ses confrères, du moins en tant que librettiste, rappelons que ce juriste n’est venu que de manière épisodique à la rédaction de vers pour la scène musicale ; défen- seur de l’unité italienne, il est député du Parlement sicilien en 1848, puis du Parlement na- tional italien après 1861 ; directeur du périodique La Ruota, il s’exile d’abord à Paris, en- suite à Milan ; il laisse une importante production d’écrits touchant à la politique, à l’histoire et à la littérature. 2 Pour ce qui est de la légende de Médée et de ses variantes, nous nous permettons de ren- voyer également aux ouvrages spécialisés ; de même pour l’opéra, notamment, pour ceux 2 Médée héroïne de l’opéra italien au XIXe siècle ces œuvres dans le contexte historique de leur création, nous procéde- rons d’abord à une analyse de la trame des livrets pour en faire ressortir le traitement que réservent les poètes à la réécriture des péripéties de l’héroïne colchidienne. Nous aborderons ensuite la structure des trois partitions afin de souligner la manière dont chaque compositeur entend raviver la tradition antique dans le contexte culturel qui est le sien. Nous examinerons enfin les transformations que subissent les personnages – nous focalisant plus singulièrement sur le rôle-titre – dans le dessein de mettre l’accent sur leur évolution d’une version à l’autre. Lorsque, bien après la mort de Romani, Emilia Branca rédige la bio- graphie de son mari, elle se souvient des débuts de l’activité du libret- tiste en évoquant la rencontre avec Mayr et leur travail commun à Ber- game autour de Medea in Corinto3. Sans entrer dans le détail de qui lisent l’italien, à l’entrée « Argonauti » du Dizionario enciclopedico universale della musica e dei musicisti. I titoli e i personaggi, diretto da Alberto Basso, Torino, UTET, 1999, vol. I, pp. 108-111. Rappelons cependant, entre Il Giasone (1649) de Francesco CAVALLI, sur un livret de Giacinto Andrea Cicognini, et le Medeamaterial (1992) de Pas- cal Dusapin, sur un texte de Heiner Müller, et sans doute plus loin, qu’au XIXe siècle l’opéra de Mayr est précédé d’un certain nombre d’œuvres musicales appartenant aux genres les plus variés (ballet, Trauerspiel, Schauspiel et Travestie) en terre germanique (Munich, Würzburg, Vienne), au Portugal (Porto) et à Prague, et de l’opéra en cinq actes Médée et Jason (1813) de Georges Granges de Fontenelle sur un livret de Jean-Baptiste de Milcent. Dans le courant du siècle, nous relevons trois autres opéras en Suède (Stockholm) et en Allemagne (Postdam et Leipzig) au début des années 1840 et à la fin des années 1860. Pour notre propos, l’opéra de Mercadante marque quelque peu la fin d’une certaine manière d’entendre un melodramma profondément ancré dans le goût romantique, tout en étant en- core ouvert aux réminiscences de certaines formes du Classicisme. En revanche, l’opéra de Gustav Mahler de 1879, la tragédie de Vincent d’Indy de 1898, un ballet et d’autres scènes, cantates et symphonies dramatiques s’échelonnant tout le long de la seconde moitié du siècle entre France, Allemagne, Italie et Grande Bretagne, s’inscrivent désormais dans une esthétique entièrement renouvelée. Dans la période qui nous concerne plus particulièrement, évoquons encore les opere serie de Carlo Coccia – Medea e Giasone (1815), créé au Teatro Regio de Turin – et de Prospero Selli – Medea in Corinto (1839), donné au Teatro Apollo de Rome –. Si ce dernier ouvrage ne fait que reprendre le livret de Romani pour Mayr, le premier aurait constitué une étape très intéressante pour notre propos puisqu’il est l’œuvre d’un compositeur non négligeable et qu’il semble se servir d’un poème original, alors qu’il suit chronologiquement de près la création mayrienne ; dans l’état actuel de nos recherches nous n’avons pu retrouver trace ni de la partition ni du livret dont nous ne connaissons même pas le nom de l’auteur. Par ailleurs, c’est volontairement que nous omettons la Médée (1797) de Luigi Cherubini, opéra comique sur des vers français de François-Benoît Hoff- mann ; sans doute plus connue et plus jouée, son adaptation en italien n’est qu’une traduc- tion du début du XXe siècle se servant de récitatifs orchestrés au milieu du XIXe. Nous au- rons cependant l’occasion de revenir sur la forme originale de ce titre en tant qu’œuvre- jalon à laquelle ont pu se rapporter nos auteurs.