note n°08/2014

22 avril 2014

Gérard Gerold, Mathieu Merino, Chercheurs associés à la Fondation pour la recherche stratégique

L’effondrement de l’État centrafricain au cours de la dernière décennie : origines de la crise et quelques idées pour en sortir

Résumé Abstract Après une décennie de grave instabilité, mar- Following a decade of instability characte- quée par l’incurie du « régime Bozizé », la pro- rised by the decay of the Bozizé regime, the lifération de groupes armés puis l’accès au proliferation of armed groups and the taking pouvoir de la coalition armée « Séléka », l’État up of power by the armed coalition “Séléka”, centrafricain s’est désormais effondré, avec de the state has col- lourdes conséquences humanitaires : près lapsed with serious humanitarian conse- d’un million de personnes ont été déplacées, quences. Nearly one million people have been tandis que les conflits confessionnels s’intensi- displaced and religious tensions are intensi- fient. Ni le gouvernement de Transition ins- fying. Neither the Transition government, tauré depuis mars 2013 pour une période de launched in March 2013 for an 18-month pe- 18 mois, ni les missions militaires internatio- riod, nor the international military forces in- nales visant à rétablir un ordre minimal, ne volved in restoring minimal order, will be pourront à elles seules mettre un terme à cette able to stabilise the situation in the country. instabilité. La crise étant profondément so- Given the social crisis in the Central African ciale, un processus de réconciliation doit être Republic, an urgent reconciliation process rapidement initié, qui ne peut se résumer au needs to be launched that is not limited only seul lancement d’un processus électoral, à ce to the (very difficult) planning of general jour hautement fragile. elections.

Introduction permis de freiner la chute dans l’anarchie aus- si bien en zone rurale qu’en zone urbaine, par- ticulièrement à dont la plupart des in- Le 15 mars 2003, le général Bozizé, ancien frastructures de base sont détruites. Cette dé- chef d’état-major, s’empare du pouvoir centra- térioration de la situation sécuritaire a conduit fricain par la force, renversant Ange Félix Pa- à deux résolutions récentes du Conseil de sé- tassé, chef d’État depuis 1993. Depuis cette curité des Nations Unies, respectivement en prise de pouvoir, la République Centrafricaine décembre 2013 et janvier 2014, et au déploie- (RCA) ne connaît plus ni stabilité politique, ni ment d’une Mission internationale de soutien paix civile. L’adoption d’une nouvelle Consti- à la Centrafrique (MISCA) sous la conduite de tution en décembre 2004, l’organisation de l’Union africaine (UA), épaulée par les forces deux cycles électoraux, aux niveaux législatif françaises de l’opération « Sangaris », et celles et présidentiel, en 2005 et 2011, même le lan- de la force européenne 2. Leur premier mandat cement d’un processus de réconciliation, dit est le rétablissement de l’ordre dans Bangui, la « Dialogue Politique Inclusif » (DPI), en dé- sécurisation de l’axe routier Bangui-Bouar- cembre 2008, n’ont pas permis au régime de Garoua-Boulai et la protection des popula- se stabiliser et d’ancrer sa légitimité. Marquée tions. par les arrière-pensées et les perpétuelles hési- tations d’un pouvoir de plus en plus népotique Cette situation délétère impose un retour sur et sourd, la situation politique et sécuritaire une décennie de crise pour mieux en mesurer des dix dernières années n’a cessé de se dégra- les perspectives de sortie. Depuis 2003, le ré- der, à Bangui et dans le reste du pays, avec gime Bozizé a ébranlé les deux socles sur les- l’apparition de mouvements de protestation quels repose la domination du pouvoir d’Etat : qui se sont peu à peu radicalisés et armés. sa légalité, compte tenu d’un scrutin présiden- tiel en 2011 hautement contestable, et sa légi- En mars 2013, la Séléka, une coalition armée timité, par son incapacité patente à maintenir hétéroclite composée majoritairement de com- son contrôle social et territorial sur le pays, battants musulmans, renverse François Bozizé conduisant à la prolifération de groupes armés et impose Michel Djotodia comme président et à la constitution de la Séléka qui finalement de la République. Après son arrivée au pou- déposera le président François Bozizé en mars voir, la Séléka – officiellement dissoute en 2013 (première partie). Cette contestation in- septembre 2013 par M. Djotodia – se mue en terne est accompagnée d’interventions étran- une multitude de groupes armés dont les com- gères, en premier lieu celle du Tchad, dont battants, poursuivant une logique d’accapare- l’influence sur le régime centrafricain est de ment par la violence, terrorisent les popula- plus en plus forte au cours de la décennie tions en particulier dans le nord et le centre du (deuxième partie). La crise étant désormais pays, riche des ressources minières. Elle pro- profondément sociale, la Transition en Cen- voque rapidement la réaction de milices trafrique conduite par la nouvelle présidente, d’autodéfense (les Anti-Balaka) mais égale- Mme Catherine Samba-Panza, n’appelle pas ment la propagation d’un conflit confession- de réponses toutes faites : la seule sécurisation nel, en particulier à l’ouest et au centre du militaire internationale, si elle est indispen- pays. Cette escalade des violences confession- sable pour le rétablissement d’un ordre mini- nelles entre musulmans et chrétiens a atteint mal, doit s’accompagner simultanément d’un son paroxysme au mois de septembre 2013 à processus de réconciliation qui ne peut se ré- Bossangoa, où les combats font une centaine sumer au seul lancement d’un processus élec- de victimes. toral, à ce jour hautement fragile et impro- Cette dernière année, ce qui restait de l’État bable (troisième partie). centrafricain s’est donc totalement effondré, avec de lourdes conséquences humanitaires : 935 000 personnes ont été déplacées depuis mars 2013 selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, tandis qu’une aide humanitaire est devenue nécessaire à plus de 1,6 million de personnes (sur 4,5 mil- 1. Déployée à partir de juillet 2008 en RCA, la MICO- lions d’habitants). Ni le gouvernement de PAX était une mission de la Force Multinationale des États d'Afrique Centrale, bénéficiant notamment du Transition instauré par Djodotia depuis mars soutien financier et logistique de l’Union européenne et 2013 pour une durée de 18 mois, ni la force de de la France. Elle a pris fin le 15 décembre 2013. sécurité régionale, la Mission de consolidation 2. « L'ONU approuve l'envoi de Casques bleus en Cen- de la paix en Centrafrique (MICOPAX) 1, n’ont trafrique », Le Monde , 10 avril 2014.

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Le régime Bozizé (2003-2013) : développement et la marginalisation du Nord- l’effondrement de l’État en tant Est et demande l’intégration de ses hommes qu’institution de contrôle social au sein de l’armée nationale (Forces armées centrafricaines – FACA). Mieux entraînée et et territorial mieux armée que les autres groupes politico- Malgré plusieurs tentatives de DDR militaires, l’UFDR affirmait compter 1 200 (Désarmement, Démobilisation et Réinser- combattants. À l’automne 2006, l’UFDR mène tion) soutenues par la communauté interna- plusieurs raids sur la ville de Birao, capitale de tionale, les groupes armés, centrafricains ou la Vakaga et sur plusieurs villes de la préfec- étrangers, ont prospéré et fini par contrôler la ture (Sam Ouandja, Ouanda Djale), obligeant partie nord et nord-est du pays. En septembre les FACA à intervenir avec l’appui du détache- 2012, le regroupement de plusieurs d’entre ment de l’armée française présente à Bangui. eux au sein d’une coalition, la Séléka, aura rai- La signature des accords de Syrte et de Birao son du régime moribond de François Bozizé en février et avril 2007 n’empêchera pas la si- qui finit par s’écrouler en mars 2013. tuation de rester très précaire dans le Nord- Est jusqu’au déploiement permanent, d’abord La prolifération de mouvements armés par l’EUFOR (force opérationnelle multinatio- nationaux nale dirigée par l'Union européenne), puis par Dès la publication des résultats des élections la MINURCAT (Mission des Nations Unies en de 2005 qui officialisaient la victoire contestée République centrafricaine et au Tchad), de 150 de François Bozizé avec 64,6 % des voix, d’an- Casques bleus à Birao. Michel Djotodia, d’eth- ciens membres de la Garde présidentielle nie Goula, né dans la Vakaga, fait partie des d’Ange-Félix Patassé qui avaient été tenus fondateurs de l’UFDR et la présidera. Abakar écartés du scrutin, créent l’Armée populaire Sabone, son porte-parole, se désolidarisera du pour la restauration de la république et la dé- groupe pour créer, en août 2008, le Mouve- mocratie (APRD). Majoritairement composée ment des libérateurs centrafricains pour la de Sara, une ethnie à cheval sur la frontière justice (MLCJ). tchado-centrafricaine, ce mouvement qui s’ap- Le MLJC est une création du capitaine Abakar parente plus à un regroupement de milices Sabone, personnage obscur, mais aussi très villageoises d’autodéfense, développe ses ac- représentatif des liens ambigus qu’entretien- tions dans les préfectures frontalières avec le nent depuis plus de dix ans les régimes de Tchad (Ouham-Pende, Ouham, Nana-Grebizi, N’Djamena et de Bangui. Originaire de la Bamingui-Bangoran). Jean-Jacques Dema- Vakaga, musulman d’ethnie Rounga, ancien fouth, ancien ministre de la Défense du prési- conseiller chargé de la sécurité auprès du pré- dent Patassé, en prendra la direction politique sident Patassé, il rompt avec ce dernier et re- sans jamais posséder un véritable contrôle sur joint François Bozizé en exil au Tchad où les les opérations menées sur le terrain. Dès jan- deux hommes recrutent des combattants et vier 2006, l’APRD attaque la ville de Paoua organisent leur coup de force sur Bangui, sous (Ouham-Pende) et garde sous son autorité une la protection d’Idriss Déby. Il entre avec le bonne partie de la région comprise entre nouveau président centrafricain, le 15 mars Paoua et Kaga-Bandoro (Nana-Grebizi) 3. 2003, dans la capitale et dirigera pendant un En septembre 2006, apparaissent, dans les peu plus d’un an sa garde prétorienne majori- préfectures du Nord-est (Vakaga et Haute Ko- tairement composée de Tchadiens. S’estimant to), les combattants de l’Union des forces dé- mal récompensé par le président Bozizé, il mocratiques pour le rassemblement (UFDR) complote et est à nouveau renvoyé à N’Djame- avec à leur tête le commandant Damane Za- na. Très vite, il rejoint Michel Djotodia, en exil charia. Fortement implantée dans l’ethnie à Cotonou, avec qui il fonde l’UFDR avant Goula, largement islamisée et composée d’être arrêté par les autorités béninoises à la d’hommes 4 ayant initialement aidé F. Bozizé à demande du président centrafricain. Relâché accéder au pouvoir, l’UFDR dénonce le sous- en juin 2008, Abakar Sabone rentre à Bangui pour participer au « Dialogue politique inclu- 3. Cf. carte de la Centrafrique en annexe 1. sif » lancé par Bozizé ; il quitte l’UFDR et 4. Quelquefois appelés les « libérateurs », ces combat- fonde le MLCJ, puis intègre, avec ses hommes, tants ont, pour une bonne partie d’entre eux, été recru- le processus de Désarmement, démobilisation tés au Tchad par F. Bozizé qui y avait trouvé refuge après avoir été déchu de son poste de chef d’état-major et réinsertion (DDR) qui a reçu l’appui de par le président Patassé qui le soupçonnait d’être impli- l’ONU et de la communauté internationale. En qué dans la tentative de coup d’État de mai 2001. Voir février 2009, il reprend les armes et se récon- Marielle Desbos, Fluid loyalties in a regional crisis , cilie avec Djotodia avec lequel il créera la Sélé- Oxford University Press, May 2008. 3

ka en septembre 2012. CPJP intègre, lui aussi, la coalition de la Sélé- Dès le renversement d’Ange-Felix Patassé par ka, en 2012 et participe aux négociations de le général Bozizé en mars 2003, le colonel Ab- Libreville qui mettent en place la première doulaye Miskine, de son vrai nom Martin Kou- Transition. Abdoulaye Hissene obtient le mi- tamadji, ancien chef de l’Unité de sécurité pré- nistère de la Jeunesse, des sports et de la cul- sidentielle (USP) à Bangui, crée le Front Dé- ture au sein du gouvernement Tiangaye ; le mocratique du peuple centrafricain (FDPC) chef militaire du CPJP, le général Noureddine qui va combattre résolument le nouveau pou- Adam, sera nommé chef de la sécurité prési- voir à partir d’une zone exiguë située à la fron- dentielle. tière tchadienne en face de la ville de Maro Étudier la genèse de la Séléka permet de dont il est originaire. En décembre 2006, mieux comprendre la nature de ce mouve- grâce aux bons offices du colonel Kadhafi, il ment : une nébuleuse de combattants, issus de signe un cessez-le-feu avec le gouvernement mouvements différents, sans idéologie com- centrafricain, mais reprend les combats en mune mais avec un objectif temporairement 2008 après l’échec du processus de DDR, ac- fédérateur : renverser Bozizé, accéder au pou- cusant le président Bozizé de mauvaise foi et voir et ce faisant accaparer des ressources, no- d’inconséquence. En février 2009, le FDPC tamment celles de l’État. Ce qui se passe au- s’allie avec le MLCJ d’Abakar Sabone et mène jourd’hui à Bangui, pillages et banditisme, avec son appui plusieurs attaques dans la pré- était inscrit dans la nature même de ce mouve- fecture d’Ouham, notamment contre la ville de ment. Batangafo. En août 2012, le FDPC se joindra à la coalition Séléka pour renverser le président Les incursions de groupes armés étran- Bozizé. gers La fin de l’année 2008 voit également la nais- Le premier groupe à se signaler fut le Front sance du CPJP (Convention des Patriotes pour populaire pour le redressement (FPR) du gé- la Justice et la Paix). Ce mouvement qui naît, néral Baba Laddé, de son vrai nom Mahamat lui aussi, dans la préfecture de la Vakaga, ras- Abdoul Kadre. Cet ancien gendarme tchadien semble avant tout des combattants de l’ethnie d’ethnie Peuhl, né dans la préfecture du Mayo- Rounga qui ne se sentent pas représentés par Kebbi, est entré en rébellion contre le régime l’UFDR qui, selon eux, ne défend que les inté- du président tchadien Idriss Déby dès 1998. rêts des Goula. Le CPJP compte entre 500 et La forte pression militaire exercée contre son 1 000 hommes en armes sous le commande- millier d’hommes au Tchad l’oblige à s’instal- ment des généraux Abdoulaye Hissene et ler en RCA d’abord, puis au Darfour où il re- Moussa Dhaffane qui, en juin 2012, créera son joint notamment les rebelles de Mahamat propre mouvement, la Convention patriotique Nour. Après l’échec des raids sur Ndjamena, du Salut du Kodro (CPSK). D’abord considéré en 2008, il revient avec ses hommes en RCA et comme un groupe d’autodéfense contre les s’installe dans la région de Kaga Bandoro éleveurs venus du Soudan et contre les Goula, (Nana-Grebizi) d’où les FACA, aidées par l’ar- le CPJP se mue rapidement en mouvement mée tchadienne, tenteront de le déloger en politico-militaire opposé au gouvernement de janvier 2012. Certains de ses hommes rallie- Bangui, notamment sous l’impulsion de ront la Séléka, tandis que lui-même rentrera Charles Massi, pharmacien des armées, ancien au Tchad pour occuper un poste de conseiller ministre des présidents Patassé et Bozizé et à la Primature. candidat malheureux à l’élection présidentielle De même, dès le début de l’année 2008, la de 2005. Son arrestation par le gouvernement Lord Resistance Army (LRA) ougandaise pé- tchadien, en décembre 2009, et sa mort, dans nétrera en RCA, à partir des bases qu’elle pos- des circonstances non élucidées, après qu’il ait sède dans le parc de la Garamba au nord de la été remis aux autorités centrafricaines et em- République Démocratique du Congo. D’abord prisonné, ont contribué à la radicalisation du signalée dans l’extrême Sud-Est, dans la ré- CPJP qui multipliera ses attaques contre de gion d’Obo (Haut Mbomou), elle poursuivra sa nombreuses localités du Nord-Est (Ndele, progression vers le nord, poursuivie par les Bossembele, Birao, Kassimanga, Bria) jus- forces spéciales ougandaises et commettra qu’en septembre 2011, date à laquelle il ac- certaines exactions jusque dans la préfecture cepte d’entrer dans le processus de DDR. Le de Haute-Kotto. CPJP a étendu son contrôle sur une large zone d’exploitation diamantifère et il ne fait aucun doute que ses ressources financières provien- L’incurie des Bozizé nent majoritairement du trafic des pierres. Le Face au développement accéléré de ces grou- 4

pes armés sur une bonne partie du territoire cartes d’électeurs, l’installation de nom- national, le gouvernement de François Bozizé breux bureaux de vote au domicile des se révèle totalement incompétent ou incapable chefs de village ou de quartier, soit au- de réagir. Refusant de procéder à une restruc- tant de choix qui ne sont pas neutres po- turation des FACA, par peur d’être un jour, lui litiquement et attestent de la partialité aussi, la victime d’un coup d’État militaire, le d’une Commission électorale présidée président Bozizé en confie la destinée à son fils par un proche de F. Bozizé. Jean-Francis qui ne possède visiblement ni les ii. La journée électorale de janvier 2011 se- compétences, ni la détermination, pour mener ra marquée par des irrégularités pa- à bien une telle tâche. Par ailleurs, le président tentes : la réorganisation à la « dernière gâche, par petits calculs politiciens, les occa- minute » de la cartographie des bureaux sions de désarmer les milices que lui offre la de vote et la ventilation du corps électo- communauté internationale, même si celle-ci ral en faveur de certains candidats ; une présente souvent un front divisé face à ce pro- gestion biaisée des registres qui permet- blème et ne montre que peu d’enthousiasme tra le développement des pratiques de pour encadrer et sécuriser les opérations sur le « votes multiples » (en faveur de Bozi- 5 terrain . Malgré un « Dialogue politique inté- zé) ; la centralisation des résultats par gré », lancé en décembre 2008 dans la foulée les seuls représentants de la majorité de l’accord de paix global de Libreville (juin présidentielle, sans possibilité de contre- 2008) qui rassemble plusieurs mouvements expertise compte tenu d’une rétention rebelles, dont l’APRD, l’UFDR et le MLCJ et généralisée des copies des procès- qui parait relativement bien mené et suffisam- verbaux des résultats par l’administra- ment productif pour apaiser le climat poli- tion électorale. tique, le président Bozizé s’obstine et bâcle le scrutin de 2011. Ce scrutin partial permettra au président Bozi- zé d’être élu dès le premier tour de l’élection Le déroulement calamiteux du processus élec- présidentielle, devant Ange Félix Patassé, tan- toral en 2010-2011 ruinera, en effet, définiti- dis que le scrutin législatif offre au parti au vement la légitimité et la légalité du régime pouvoir une large majorité dès ce même pre- Bozizé. La mission d’experts électoraux de mier tour, avec l’entrée en force de la « famille l’UE soulignera en particulier les dysfonction- Bozizé » qui obtient 31 sièges à l’Assemblée nements et irrégularités majeurs de l’adminis- nationale (sur un total de 105). Les recours en tration électorale, les nombreuses violations annulation de l’élection présidentielle formu- du code électoral et les atteintes à la liberté de lés par les trois candidats de l’opposition se- la presse et au pluralisme des médias en vue ront rejetés par la Cour constitutionnelle, ce du premier tour des scrutins présidentiel et qui les conduira à retirer l’ensemble de leurs 6 législatif de janvier 2011 – dont l’organisation candidats encore en lice pour le second tour aura cependant mobilisé près de 20 millions en signe de boycott. Le 6 avril 2011, la majori- 7 USD (à 80 % financés par la communauté té présidentielle obtiendra ainsi une confor- internationale) : table majorité avec 65 sièges à l’Assemblée i. La phase électorale préparatoire sera nationale (dont 55 au Kwa Na Kwa – KNK, le massivement entachée par des processus parti du Président 8), auxquels s’ajoutent 24 irréguliers, notamment le remplacement députés apparentés « indépendants » mais en par une liste manuelle de la liste électo- réalité très proche du parti au pouvoir 9. Enfin, rale informatisée prévue par le code F. Bozizé persistera par ailleurs à laisser en- électoral, l’absence de sécurisation des tendre ouvertement qu’il sera, le moment ve- nu, candidat pour un nouveau mandat, ce que 5. On ne peut pas dire que la MICOPAX ait déployé la Constitution interdit. beaucoup d’efforts pour sécuriser les tentatives de dé- sarmement dans le Nord-Est du pays. Quant à l’Organi- Cet entêtement va galvaniser l’opposition qui sation des Nations Unies, sa volonté de maintenir un souhaite son départ, provoquer le regroupe- profil « civil et de développement », plutôt que ment de la plupart des mouvements politico- « politique et militaire » au BINUCA (Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en militaires au sein de la Séléka en septembre République centrafricaine), ne peut s’interpréter que comme une politique à très court terme. 8. Kwa na Kwa (KNK) signifie « Le travail, rien que le travail » en langue Sango. 6. Central African Republic Republic – Presidential and Legislative Elections, Final Report, Mission d’Expertise 9. Au final, et après l’annulation des votes dans 13 cir- Électorale de l’Union européenne, 19 avril 2011. conscriptions en avril 2011, donnant lieu à des élections partielles, la majorité présidentielle obtient 78 sièges à 7. USD : dollars américains. Environ 15 millions € de l’Assemblée nationale. l’époque.

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2012 et raviver l’interventionnisme des pays Tchad et avec l’aide d’officiers tchadiens sous étrangers qui devinent une fin proche du ré- l’autorité du général Daoud Soumaïn, il re- gime et y voient une occasion de pousser plus crute les futurs « libérateurs » de la Centra- avant leurs intérêts, au premier rang des- frique, à la fois parmi d’anciens rebelles tcha- quels, le Tchad. diens démobilisés, des jeunes Arabes du Sala- mat et des binationaux, souvent fils de mi- grants, généralement d’ethnie Rounga et Gou- L’influence tchadienne : un ac- la, auxquels il promet des primes et une future teur incontournable dans la réso- intégration dans l’armée centrafricaine. À par- lution de crise tir de l’entrée triomphale de cette troupe, com- À son arrivée au pouvoir à Ndjamena, en dé- posée au 4/5 ème d’éléments tchadiens 12 , dans cembre 1990, Idriss Déby doit faire face à la capitale Bangui, en mars 2003, les mili- deux défis majeurs : taires tchadiens qui y sont déjà présents, sous i. Pacifier le sud du pays toujours en proie, l’uniforme de la FOMUC (Force multinatio- depuis la grande crise de 1979/1980, à nale en Centrafrique), ne quitteront plus la une instabilité récurrente ; RCA et feront partie du paysage politique et sécuritaire centrafricain, jusqu’à aujourd’hui 13 . ii. Faire accepter puis réaliser l’oléoduc Do- Le noyau dur de ces hommes arrivés avec le ba-Kribi qui permettra au Tchad d’ex- général Bozizé constituera l’ossature de sa ploiter ses champs pétrolifères du sud- Garde présidentielle qui assurera la sécurité ouest et d’intégrer le club fermé des pro- de ses résidences et de ses déplacements et ducteurs de pétrole. imposera sa loi sur certains arrondissements Les deux terribles vagues de répression me- de la capitale centrafricaine. Leur remplace- nées en septembre 1994 et février 1995 dans la ment progressif par des hommes recrutés au région du Logone et l’accord passé avec la sein de son ethnie, les Gbayas, et finalement Banque mondiale, en décembre 2000, sem- l’arrivée, fin 2012, d’une unité de protection blent régler les problèmes pour le pouvoir en sud-africaine d’environ 200 hommes, contri- place. Toutefois, des difficultés grandissantes bueront à détériorer encore un peu plus des se font jour avec le gouvernement centrafri- relations tchado-centrafricaines déjà tendues. cain et le président Ange-Felix Patassé, d’eth- Grâce à cette forte présence militaire, et en 10 nie Sara , élu en 1993 à Bangui que le prési- l’absence d’appareil sécuritaire national effi- dent Déby accuse de protéger les opposants cient, le président tchadien va parvenir à 11 sudistes à son régime et de faire alliance avec « piloter » à distance le régime de Bangui et à son ennemi libyen, le colonel Kadhafi. L’atti- s’en faire un allié inconditionnel dans la sous- tude ambiguë adoptée par Bangui à propos du région, notamment dans le long conflit qui dossier du pipeline Tchad-Cameroun finit par l’oppose au président soudanais, Omar el Bé- convaincre Ndjamena de la « nécessité » d’ins- chir. Le Tchad et son président paraissent, taller à Bangui un pouvoir plus docile. La ten- pendant cette décennie 2003-2013, avoir sup- tative de coup d’État d’octobre 2001 contre planté le Gabon et son Président, El Hadj Ange-Felix Patassé et le limogeage du chef Omar Bongo, dans le rôle de faiseur de roi et d’état-major des FACA, le général François de mentor du pouvoir centrafricain. Principal Bozizé, lui offrent l’occasion de mettre en contributeur de troupes au sein de la FOMUC œuvre son projet, jusqu’au tournant de 2012. (2002-2008), puis de la MICOPAX, avec un Cette omniprésence tchadienne interroge sur contingent de 610 hommes, le Tchad exerce le le rôle que doit désormais jouer ce pays en leadership politique de cette mission de la RCA. CEEAC 14 et y joue un rôle majeur en matière de maintien de l’ordre et de sécurité. Idriss Déby, faiseur de roi La Centrafrique détenant, sur le continent, le Depuis Ndjamena où il s’est réfugié, François Bozizé et ses proches préparent leur coup de 12. International Crisis Group, « République Centrafri- force sur la capitale centrafricaine. En effet, au caine : anatomie d’un état fantôme », Africa Report , n° 133, p. 16. 10. Les Sara peuplent une grande partie du Sud du 13. Malgré le départ de 200 policiers et militaires de Tchad, entre Kyabe, à l’est et Moundou, à l’ouest ; ils Bangui le 4 avril 2014, 850 hommes de l’armée sont à cheval sur la frontière centrafricaine et sont divi- tchadienne sont toujours positionnés dans le pays au sés en de très nombreux sous-groupes (Sara-Kaba, sein du contingent de la MISCA. « Le Tchad menace de Mbaye, Ngambaye, Gor, etc.). retirer toutes ses troupes de Centrafrique », Le Monde , 11. Avant d’être le chef de la sécurité présidentielle à 7 avril 2014. Bangui, Abdoulaye Miskine dirigeait des groupes ar- 14. La Communauté Économique des États de l'Afrique més, dits « codos » dans le sud du Tchad. Centrale. 6

record absolu du nombre de coups d’État et de verrou de Damara et entrer dans Bangui, mutineries en tous genres, c’est, paradoxale- en mars 2013. À Ndjamena, les 3 et 18 ment, encore vers Ndjamena que l’on se avril 2013, la CEEAC fixe alors les con- tourne quand il s’agit, comme en avril 2004, tours de la nouvelle Transition qui se de chercher un médiateur pour réconcilier les fera sous l’autorité du chef de la Séléka, « libérateurs » mécontents d’Abakar Sabone et Michel Djotodia devenu président et de les autorités de Bangui. Ainsi, qu’ils soutien- , Premier ministre, nent activement le Président centrafricain ou pour une période de transition de 18 qu’ils le combattent, les hommes de guerre mois (soit une fin en février 2015). présents sur le territoire centrafricain restent, La présence de N. Tiangaye à la tête de ce gou- dans leur majorité, sous le contrôle ou sous vernement masque, en fait, un véritable l’influence du président Déby et de son entou- séisme dans l’histoire de la Centrafrique ; en rage militaire. Idriss Déby qui possède un réel mars 2013, le pouvoir politique passe, en effet, talent de « recycleur de rebelles », va, au cours pour la première fois, des communautés de des dix années de règne de François Bozizé, l’ouest à celles de l’est. Démographiquement ème faire de la RCA la « 24 province tcha- très minoritaires (20 % de la population to- 15 dienne » et se comporter en suzerain du pou- tale) et politiquement marginalisées depuis voir centrafricain. l’Indépendance, ce sont les communautés Goula, Rounga et Banda qui accèdent au pou- Le virage de 2012 voir à travers la coalition de la Séléka, même si Lassé par l’impotence du régime de François une bonne partie de ses combattants sont Bozizé, par son incapacité chronique à stabili- d’origine étrangère (tchadiens et soudanais ser son pouvoir et à assurer la surveillance de notamment). Pour ajouter à cette impression ses frontières, irrité par certaines déclarations de tremblement de terre politique, ces com- audacieuses du président centrafricain à pro- munautés sont, en plus, musulmanes dans un pos des conditions d’exploitation du futur pé- pays à 80 % chrétien. Ce bouleversement n’est trole découvert par les Chinois dans la Vakaga pas sans rappeler ce qui s’est passé au Tchad et finalement exaspéré par le rapprochement en 1979-1980, quand les rebelles du FROLI- diplomatique initié par Bangui avec l’Afrique NAT 16 ont conquis le pouvoir à Ndjamena, du Sud, le suzerain tchadien va alors amorcer, puis étendu leur emprise militaire sur l’en- en 2012, un changement de stratégie et pro- semble du pays. Certes, le contexte sociolo- grammer l’abandon du « soldat Bozizé ». Cette gique tchadien était différent, avec des rap- volte-face se fait ainsi en deux temps : ports de force démographiques et confession- i. Entre septembre et décembre 2012, les nels moins tranchés, mais l’impression, dans autorités tchadiennes utilisent la Séléka les deux cas, qu’un changement historique est comme moyen de pression sur le prési- en train de se produire, est la même. dent Bozizé. Elles sauvent militairement sa tête, en bloquant, in extremis , à Tchad, partie du problème ou partie de 70 km de Bangui, une attaque de la Sélé- la solution ? ka ; elles organisent dans la foulée, le Finalement, le Tchad va s’avérer incapable de 11 janvier 2013, une conférence de la piloter, à sa main, la succession du président CEEAC à Libreville qui contraint Fran- Bozizé. La Transition de Michel Djotodia et de çois Bozizé à partager le pouvoir avec la Séléka va durer moins d’un an et se briser son opposition et à accepter de quitter le sur l’incompétence de ses dirigeants et l’indis- pouvoir à l’issue de son mandat, en cipline de ses combattants. En effet, depuis 2016 ; mars 2013, les autorités apparaissent impuis- ii. Quand il apparaît que François Bozizé santes face aux défis qui se sont accumulés : n’est nullement décidé à jouer le jeu du i. Elles se sont certes attelées à installer les compromis de Libreville, le pouvoir autorités de la Transition, en l’occur- tchadien renforce son emprise sur rence : le Conseil National de Transition l’équipe de seigneurs de guerre qui diri- (CNT), qui joue le rôle de Parlement et gent la Séléka, à travers des hommes qui est présidé par Ferdinand proches tels Noureddine Adam, Abdou- Nguendet ; la charte constitutionnelle, laye Hissene et Dhaffane Moussa. Il promulguée en juillet 2013 par M. Djo- laisse finalement la Séléka franchir le todia ; et la Cour constitutionnelle, de-

15. Expression employée par les leaders de l’opposition 16. Le Front de libération nationale du Tchad à François Bozizé. (FROLINAT).

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puis août 2013. Ces autorités ont adopté qui font de lui un acteur incontournable dans une feuille de route présentée en no- la recherche d’une solution : vembre 2013, articulée autour de quatre i. D’une part, même s’il est aujourd’hui axes : restauration de la sécurité et de la impossible de vérifier si, en marge des paix, assistance humanitaire, politique négociations de Ndjamena du 9 janvier et gouvernance et relance économique. 2014, un « pacte secret » a été conclu Quant à M. Djotodia, il a prêté serment entre le pouvoir tchadien et la Séléka, comme Président de la Transition le comme une rumeur persistante le laisse 18 août 2013 et répété qu’il quitterait le entendre, l’analyse de la composition du pouvoir au sortir de la période de transi- gouvernement du Premier ministre An- tion. Ces institutions sont néanmoins dré Nzapayeke montre que la Séléka est demeurées des coquilles vides faute d’ar- parvenue à obtenir 3 ministères 19 sur 20, gent et de sécurité. alors que les Anti-balaka n’en ont qu’un, ii. Aucune restauration de l’État ne semble tout comme le parti KNK 20 de l’ancien possible tant que le rapport de forces est président Bozizé. En outre, la Séléka bé- en faveur de la Séléka. Or M. Djotodia néficie d’une présence forte dans le Ca- n’exerce plus aucun contrôle sur la ma- binet de la nouvelle présidente Samba- jorité des combattants rebelles et les Panza à travers deux de ses forces de sécurité en sont encore au « généraux », Abdoulaye Hissene, mi- stade embryonnaire. Les tentatives de nistre-conseiller chargé de la jeunesse et reconstruction de l’armée se sont heur- des sports et Ousman Mahamat Ous- tées à un manque de volonté politique man, ministre-conseiller chargé des tra- mais également aux éléments de la Sélé- vaux publics et des transports. ka qui ne veulent pas d’un retour des ii. D’autre part, contrairement au nouveau militaires de l’armée régulière dans la gouvernement, composé majoritaire- nouvelle armée (en attestent les enlève- ment de technocrates et de membres de ments et assassinats d’anciens militaires la diaspora, qui ne semble avoir que peu des FACA à Bangui). L’incapacité des de prise sur les événements et les popu- autorités de Transition à imposer des lations, le Président tchadien conserve règles est patente : leurs appels aux can- un contact direct avec les hommes dont tonnements et les opérations de désar- dépend certainement, aujourd’hui, le mement de la Séléka menés conjointe- retour du pays à la paix civile. C’est le ment par la MICOPAX et les policiers cas notamment de Noureddine Adam, centrafricains produisent des résultats d’Abakar Sabone et de Moussa Dhaffane très limités 17 . qui n’ont aujourd’hui aucune fonction iii. Les provocations de M. Djotodia, notam- officielle, mais sont restés au contact des ment sa volonté d’intégrer 5 000 com- troupes de la Séléka pour la plupart re- battants de la Séléka dans les rangs des pliées dans le nord et l’est du pays. FACA, ajoutées à la multiplication des iii. Enfin, le Tchad et son Président peuvent exactions et rapines commises dans se prévaloir, dans une région d’Afrique toutes les villes où passent les rebelles, centrale de plus en plus instable et qui vont précipiter la constitution d’un front aura à gérer, dans les années qui vien- 18 « Anti-balaka », puis l’internationalisa- nent, des transitions politiques difficiles, tion de la crise, obligeant le Tchad à d’atouts diplomatiques incontestables. s’adapter à une nouvelle donne au sein La stabilité de son régime, notamment de laquelle il dispose, cependant, d’im- depuis la « trêve » signée en 2010, avec portants atouts. le Président soudanais, la qualité de son Idriss Déby dispose, incontestablement, dans armée, particulièrement reconnue de- la Transition actuelle, de cartes et d’hommes puis l’intervention internationale au Ma- 17. International Crisis Group, « Centrafrique : l’inter- 19. Le gouvernement Nzapayeke comprend 20 mi- vention de la dernière chance », Briefing Afrique , nistres dont : Herbert-Gotran Djono, neveu de Michel n° 96, décembre 2013. Djotodia, est ministre d’État chargé des Travaux pu- blics ; Abdalla Kadre, ministre des Postes et Télécom- 18. « Anti-balles AK » orthographié « Anti-balaka », munications et Djoubaye Abazene, ministre des Trans- semble bien signifier, comme nous l’ont dit plusieurs ports. interlocuteurs centrafricains « la coalition qui lutte contre les porteurs de Kalachnikov (AK 47) », c’est-à- 20. Kwa na Kwa (KNK) signifie « Le travail, rien que le dire contre les hommes armés de la Séléka. Il n’y aurait travail » en langue Sango. Ce parti, fondé par François donc pas de référence à la machette, comme le préten- Bozizé, disposait d’une majorité de 78 députés sur 105, dent certains journalistes. dans la dernière Assemblée nationale. 8

li, l’appui de la France avec le partena- au sein de l’appareil militaire, comme ce fut riat militaire renouvelé qui lie étroite- souvent le cas dans le passé, à cause de la pro- ment les deux pays, la place importante fonde déliquescence de l’État centrafricain 21 et prise par le président Deby dans la de l’intervention de plus en plus décisive de CEEAC au sein de laquelle existe, depuis forces étrangères 22 dans le processus de dévo- la mort d’Omar Bongo, une réelle va- lution du pouvoir, la crise apparaît aujour- cance de leadership , le poste de repré- d’hui beaucoup plus complexe et implique très sentant non-permanent que le Tchad largement les pays de la sous-région. Les occupe depuis janvier 2014 au sein du forces politiques locales en présence, armées Conseil de Sécurité, lui donnent un ou non-armées, bénéficient toutes, à divers poids diplomatique et politique dont les titres, du soutien d’un et quelquefois de plu- nouveaux dirigeants de la Transition sieurs « sponsors » étrangers. centrafricaine et les acteurs internatio- Les affrontements qui ont lieu depuis naux impliqués dans cette crise devront quelques mois semblent motivés par des rai- tenir compte. sons religieuses et sont généralement décrits par les médias comme un « nettoyage ethnico- Inventer une voie nouvelle pour religieux », voire comme une guerre de reli- gion. Pourtant, aucun des mouvements poli- sortir de la crise tiques, partie prenante à cette crise, n’affiche Force est de constater que, ni l’intervention un agenda religieux et les autorités religieuses des troupes françaises depuis le mois de dé- du pays, dans leur grande majorité, appellent cembre 2013, ni la désignation en janvier 2014 à la désescalade ainsi qu’à la réconciliation. d’une nouvelle présidente, Catherine Samba Les lynchages, pillages et attaques ciblés per- Panza, en lieu et place de Michel Djotodia, ne pétrés par les Anti-Balaka prétendent ré- sont parvenues à réduire les tensions poli- pondre aux exactions et aux meurtres commis tiques et communautaires en RCA. Au con- par la Séléka lors de son avancée victorieuse, traire, les changements récents et la forte im- mais apparaissent bien plus souvent comme plication internationale semblent quelquefois l’expression violente d’une frustration sociale avoir libéré les haines et les vengeances. Au- de déshérités vis-à-vis de personnes ou de jourd’hui, il apparaît de plus en plus impro- communautés considérées comme nanties ou bable que la crise centrafricaine puisse être privilégiées, même si leurs biens se limitent à dénouée selon la méthode classique de résolu- une échoppe en tôle ou à quelques équipe- tion des conflits, employée dans d’autres pays ments ménagers. africains, et consistant en une intervention militaire suivie d’une période de transition la La crise actuelle est avant tout une crise so- plus courte possible, débouchant elle-même ciale : une immense foule de marginaux ur- sur des élections générales. Certes, l’instaura- bains, mise en mouvement ou simplement dé- tion d’une paix durable passera inévitable- sinhibée par un contexte politique trouble et ment par un retour au calme et par l’indispen- violent, croit que le moment est venu de dire sable mise en place d’autorités légitimes, mais sa colère et de profiter du désordre. Cette un examen attentif des causes et du déroule- masse de « laissés-pour-compte », souvent ment de cette crise tend à montrer que ni jeunes et sans emploi, n’a pas de porte-parole l’intervention militaire, ni l’organisation ra- politique et ne se sent pas représentée par les pide d’élections ne pourront assurer à elles responsables de la société civile ou par les seules une pacification sociale et territoriale, autorités religieuses, elle est seulement déses- pierre angulaire d’une sortie de crise un tant pérée et mobilisable. La crise est, de facto , soit peu durable. La crise centrafricaine est d’abord banguissoise : après avoir subi le joug avant tout sociale et le processus électoral en- de la Séléka pendant des mois, les Banguissois visagé d’ici un an ne saura à lui seul rétablir ont commencé à résister et veulent en décou- un pacte social anéanti, ce qui plaide pour des dre. Mais les exactions auxquelles elles don- actions préalables et rapides en matière de 21. International Crisis Group, « République Centrafri- réintégration, si ce n’est de réconciliation. caine : anatomie d’un état fantôme », Africa Report , n° 133. 22. Recours du président Patassé aux milices du Mou- Une crise avant tout sociale vement de libération congolais (MLC) en plus du sou- La crise centrafricaine est, comme la plupart tien d’un contingent libyen déployé dans la capitale ; de celles qui l’ont précédé, étroitement liée à la prise du pouvoir du général Bozizé, en 2003, avec l’ap- pui des troupes tchadiennes et la « neutralité » du dé- lutte pour le pouvoir et ses ressources. Cepen- tachement français. dant, au lieu de se limiter à des escarmouches 9

nent lieu et l’exemple qu’elles constituent, font frustration sociale et de l’autre, le contingent craindre une extension des troubles à l’en- français est coincé entre un laisser-faire cou- semble des villes et des régions du pays et une pable aux yeux de la communauté internatio- transformation possible de la crise en un af- nale et une intervention robuste risquant de frontement généralisé entre communautés. Il creuser encore un peu plus le fossé existant semble que l’on soit, à Bangui et en Centra- entre militaires français et population centra- frique, en face d’une crise « classique » par fricaine, notamment à Bangui. son origine, mais aggravée par les effets dévas- tateurs et cumulés de l’appauvrissement social mondialisé 23 et de la faillite totale de l’État. Il Un processus électoral déjà fragilisé est peu probable qu’une intervention militaire Le consensus diplomatique international reste puisse suffire à la résoudre. arrêté sur la tenue très rapide d’élections, por- tant dans un premier temps sur un référen- À propos des interventions militaires étran- dum constitutionnel, puis dans un second gères et tout particulièrement de la présence temps sur la désignation des autorités poli- des troupes françaises, l’impression qui do- tiques. Ainsi, la résolution du Conseil de sécu- mine est qu’elles sont autant responsables de rité de janvier 2014 mandate les Nations l’exacerbation des tensions que facteurs Unies pour apporter tout le soutien nécessaire d’apaisement. Le déploiement de militaires à la tenue d’élections « aussi vite que possible français à Bangui et leur implication directe et et au plus tard en février 2015, et si possible, quotidienne dans les affrontements sont durant le second semestre 2014 24 », en cohé- d’abord vécus par une partie de la classe poli- rence avec la demande d’appui formulée par le tique traditionnelle, comme un « retour » de Premier ministre de la Transition en janvier. l’ancienne puissance tutélaire dans les jeux de pouvoir centrafricains. Pour les membres de Si la nécessité d’un scrutin dans un processus cette élite politique retreinte et disqualifiée, il de sortie de crise est incontestable et le respect s’agit d’un « signe » que tout va redevenir de la date de fin de la Transition (soit le 18 fé- comme avant. La mise à l’écart de Michel Djo- vrier 2015) hautement symbolique, la question todia, et la concentration des premières opéra- de la soutenabilité de ce calendrier peut d’ores tions de désarmement sur les combattants de et déjà être posée, et par la même celle de la la Séléka, au lieu de contribuer à un retour au légitimité (et donc de l’acceptation) du scrutin calme, a aussi redonné espoir à tous les per- si ce calendrier devait être à tout prix imposé. dants des dernières années (les partis d’oppo- Certes, la mise en place de l’ensemble des ins- sition) ainsi qu’aux nostalgiques du régime de titutions de Transition relatives au domaine Bozizé, déjà en proie à la radicalisation et ob- électoral, préalable incontournable au scrutin, sédés par le désir de revanche. Même si les a été réalisée : dirigeants français ont tenté de rétablir un i. En novembre 2013, le nouveau code équilibre dans les opérations engagées par électoral a été promulgué, et réitère l’in- « Sangaris », il ne fait guère de doute que le terdiction pour M. Djotodia et les déploiement envisagé des troupes françaises membres du gouvernement de Transi- dans l’intérieur du pays s’accompagnera aussi tion de se présenter à l’élection, en cohé- d’un même sentiment de protection, cette fois rence avec les principes actés lors de au sein de la population de ces régions, pou- l’accord de Libreville. vant les encourager davantage à la vengeance ii. L’Autorité nationale des élections (ANE), qu’à la réconciliation. créée par la loi de novembre 2013, a éga- Les foules désœuvrées de Bangui qui consti- lement été installée le 24 décembre et tuent le terreau des fauteurs de trouble, sont s’est vue confier la préparation, l’organi- directement confrontées aux troupes fran- sation et la supervision de l’ensemble du çaises dont la tâche actuelle s’apparente plus à processus électoral et référendaire, ainsi du maintien de l’ordre qu’à des opérations de que la veille sur la régularité des scrutins désarmement. Ce face à face ne peut mener et la publication des résultats provi- qu’à l’escalade ou à la « bavure » puisque d’un soires 25 . Ses sept membres ont été nom- côté, le réflexe nationaliste qui est souvent, en més par décret, prêtant serment la veille Centrafrique, la seule opinion politique expri- de Noël devant la Cour d’Appel de Ban- mée par l’homme de la rue, vient exacerber la gui et consacrant ainsi l’opérationnalité

23. La Centrafrique se situe parmi les 15 pays ayant 24. Résolutions 2127 et 2134 du Conseil de sécurité. l’Indice de développement humain (IDH) le plus faible. Le pays se situe au 180 ème rang (sur 187) avec un indice 25. Loi n° 13.003 du 13 novembre 2013 instituant de 0,352. l’ANE.

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de l’ANE 26 . Mi-février 2014, cette autori- du scrutin centrafricain résidera en té a diffusé un chronogramme des diffé- grande partie dans le caractère inclusif rentes étapes électorales à venir, afin de de la liste électorale qui sera arrêtée, sa- tenir un scrutin en février 2015 27 , le con- chant que la feuille de route de la Transi- ditionnant néanmoins à « la disponibili- tion a tranché en faveur de l’introduction té des ressources et à la sécurité ». de biométrie. Cette tâche sera particu- iii. La nouvelle élection de la Présidente de lière ardue, pour trois motifs : la Transition, Catherine Samba-Panza, 1) Les contours concrets de la citoyenneté maire de Bangui depuis six mois, a été électorale devront être actualisés. En réalisée en quelques jours seulement en effet, le dernier recensement administra- janvier 2014 par le Conseil National de tif date de 2003. Surtout, depuis mars la Transition. 2013, de nombreux registres d’état-civil La légitimité des futures élections, indispen- ont été détruits et près d’un million de sable pour rétablir le pacte social, dépendra de personnes ont été déplacées. Enfin, l’ad- la capacité à conduire un processus transpa- ministration des 16 préfectures est ex- rent, à toutes ses étapes : de l’enregistrement sangue, alors que les fonctionnaires sont des électeurs à la gestion du contentieux. Or payés au compte-goutte. les défis à relever en moins d’un an sont gigan- 2) L’exercice d’enrôlement biométrique se- tesques : enregistrer entre 2,2 et 2,5 millions ra très difficile à mettre en œuvre, d’électeurs et conduire cinq scrutins dans plus comme en attestent les lourdes difficul- de 5 000 bureaux de vote à travers le pays. tés rencontrées dans d’autres pays tels Dans un calendrier devant tenir sur moins de que la Guinée ou la République Démo- 12 mois, les points de fragilité du futur proces- cratique du Congo, pourtant mieux ro- sus sont d’ores et déjà prévisibles 28 : dés aux recensements électoraux. La du- i. L’institution capitale, celle qui fait et dé- rée d’enregistrement pourrait prendre fait la légitimité d’un scrutin dans l’opi- jusqu’à huit mois, estimation basse, sans nion, est la commission électorale, ici même évoquer son coût. l’ANE. Or cette dernière est d’ores et dé- 3) L’enregistrement des électeurs devra jà confrontée à des difficultés matérielles également être précédé par un pro- et logistiques patentes. Bien qu’installée gramme d’éducation civique et électo- physiquement en décembre 2013, elle ne rale, dont la mise en œuvre sera délicate. dispose d’un local que depuis mars 2014 La légitimité du processus électoral reposera (dont les frais de rénovation ont été pris également sur une donnée tout aussi sensible, en charge par l’UE et le mobilier financé celle d’un chronogramme jugé soutenable afin par le PNUD) mais n’a toujours aucun d’arrêter une stratégie réaliste. Or ce chrono- 29 moyen de projection sur le terrain . En gramme désormais de moins d’un an n’est ma- l’absence du décret régissant l’organisa- tériellement pas tenable (surtout en cas de tion et le fonctionnement de l’ANE, création d’un nouveau fichier des électeurs) : l’autorité ne dispose en effet à ce jour d’aucun budget, et n’a pu procéder à au- i. Sous hypothèse – extrêmement opti- cun recrutement. miste – d’un début d’enregistrement des électeurs dès le mois de mai 2014, ce ii. Le caractère extrêmement court du chro- dernier ne serait au mieux réalisé qu’en nogramme retenu par l’ANE implique- décembre ; rait de trancher très rapidement des questions extrêmement sensibles, ce qui ii. Deux mois, soit jusqu’en février 2015, paraît difficilement réalisable dans le seront nécessaires au processus de contexte politique actuel. La légitimité « nettoyage » du fichier électoral (sup- pression des doublons et vérification 26. Décret présidentiel n° 13.502 du 16 décembre 2013. d’une inclusivité suffisamment satisfai- 27. Chronogramme électoral du 11 février 2014 diffusé sante de la liste électorale) jusqu’à la pu- par l’ANE. blication officielle de la listes d’inscrits 30 . 28. Cf. le cycle électoral et ses fragilités en RCA en an- Le périmètre de la liste électorale con- nexe 2. duira, comme dans la plupart des scru- 29. La teneur du communiqué de presse, diffusé par tins, à une ouverture de négociations, l’ANE le 24 mars 2014, permet de mesurer l’ampleur des difficultés à venir. Il s’agit d’un appel criant pour gourmandes en temps et qui politiseront que les sept membres de l’autorité disposent enfin de véhicules (n’en disposant que d’un seul à ce jour, prêté 30. Pour les points i) et ii) voir les articles 29 à 46 du par la communauté internationale). Code électoral (CE).

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la préparation électorale si ces points i. La mise en œuvre urgente, au plan na- n’ont pas été tranchés plus en amont ; tional et local, d’un programme, aussi iii. Les mois de mars et avril 2015 seraient concret que possible, de réconciliation, alors consacrés à l’enregistrement des s’appuyant à la fois sur une Commission candidatures 31 et au déroulement de la nationale ad hoc et sur l’appareil judi- campagne électorale 32 . ciaire existant, assistés l’une et l’autre, si nécessaire, par des experts étrangers iv. Dans ce contexte optimiste, c’est au qualifiés et reconnus (San Egidio, Offi- mieux en mai – juin 2015 que le scrutin ciers des Nations Unies spécialisés dans pourrait se tenir. la justice transitionnelle, etc.). La justice Le respect du chronogramme sera également devra se prononcer rapidement dans les altéré par des contraintes techniques lourdes, cas d’exactions les plus graves, la Com- dont nombre d’entre elles ne sauraient être mission pourra décider de l’attribution levées dans un délai aussi restreint : de dédommagements et se portera pré- i. L’insécurité dans le pays ; ventivement dans tous les endroits où les tensions sont les plus fortes. ii. La fragilité des infrastructures, qui sera aggravée par les intempéries (saison des ii. Le démarrage immédiat des opérations pluies de mai à octobre) ; DDR, laissées en déshérence par l’ancien régime, mais dont la planification tech- iii. Le découplage des scrutins présidentiel nique existe (le gouvernement de Tran- et législatif prévu par le Code électoral, sition a déjà créé un ministère du DDR ouvrant d’ores et déjà la voie à un report ainsi que des comités stratégiques et prévisible du second scrutin ; en effet, techniques) et qu’il s’agit désormais de les leçons à tirer du premier scrutin né- mettre en œuvre avec l’appui des forces cessiteront un temps d’adaptation que internationales et un financement des l’on peut déjà préjuger long ; donateurs à la fois conséquent et orienté iv. Le coût de l’exercice et son financement. vers la réinsertion sociale et profession- Le budget est d’ores et déjà estimé entre nelle. 33 65 et 75 millions USD , soit trois fois iii. La relance urgente de l’économie par le plus que le précédent scrutin de 2011. paiement de la dette nationale aux en- Ses modalités de financement ne sont treprises, le lancement d’un vaste pro- toujours pas arrêtées à ce jour, à l’excep- gramme de réhabilitation des infrastruc- tion d’un financement de l’Union euro- tures (routes, ponts, production élec- péenne à hauteur de 20 millions €. trique, bâtiments administratifs, etc.) et Sans une transparence suffisante du proces- des équipements sociaux (écoles, centres sus, et dans un contexte délétère, les élections de soins). Priorité sera donnée aux pro- risquent d’accentuer les tensions plutôt que de jets à haute teneur en main-d’œuvre, à les réduire, l’expérience kenyane de ceux qui concernent les régions les plus 2007/2008 en porte témoignage 34 . À court affectées par la crise ou par les tensions terme, la priorité doit être accordée à l’ANE, sociales ainsi qu’aux projets permettant qui doit se voir allouer au plus vite un budget une reprise rapide des flux commerciaux et des moyens conséquents. A tout aussi court et d’approvisionnement. terme, des actions prioritaires doivent être En parallèle, le gouvernement de Transition conduites, les seules à même de garantir un devrait être invité à lancer deux chantiers ur- processus électoral inclusif et donc pacifica- gents : teur dans la durée. i. Celui de la restructuration de l’armée et de la police avec application de quelques Les actions prioritaires à court principes simples : modestie des effec- et moyen terme tifs, recrutement décentralisé dans les Trois actions devraient être menées en priorité préfectures, chacune d’elles devant être et de façon conjointe : représentée au sein des nouveaux appa- reils sécuritaires, « vetting » des candi- 31. Voir les articles 51 à 55 du CE. dats permettant d’écarter ceux qui ont 32. Voir article 60 du CE. un passé criminel. 33. Entre 47,2 et 54 millions €. ii. La remise en ordre des services finan- 34. Se reporter au dossier « Elections et violences au Kenya », Politique Africaine , n° 109, 2008/1, pp. 107- ciers et fiscaux ainsi qu’une réorganisa- 166. tion de la douane. 12

Enfin, deux actions concernant le cadre électo- ii. Amender l’article 106 de la Charte ral peuvent être envisagées afin de faciliter constitutionnelle concernant l’éligibili- l’organisation rapide d’élections et le retour té des acteurs de la Transition. Actuel- d’un gouvernement légitime en RCA : lement très restrictif – aucun des prin- i. Réduire le prochain exercice démocra- cipaux acteurs de la Transition ne peut tique à deux élections (présidentielle/ être candidat aux élections présiden- législatives) au lieu des cinq prévues tielles et législatives organisées durant (référendum, présidentielle à deux tours la transition – cet article risque de pri- et législatives à deux tours). Les élec- ver le pays de leaders dans un contexte tions doivent avant tout permettre une de manque de personnel politique qua- sortie de crise. lifié. ◊

Auteurs Dernières publications Gérard Gerold, chercheur associé à la Fonda- í tion pour la recherche stratégique - Marco Cepik, « Pol tica de Defesa no Brasil : instituições, doutrina, capaci- Mathieu Mérino, chercheur associé à la Fon- dades e economia », note n° 07/14, dation pour la recherche stratégique 2 avril 2014 - Alcides Costa Vaz, « Agenda de sécurité et processus décisionnel dans la poli- tique étrangère brésilienne », note n° 06/14, 2 avril 2014 - Marco Cepik, « La politique de défense brésilienne : institutions, doctrine, ca- pacités et économie », note n° 05/14, 2 avril 2014 - Alfredo G. A. Valladão, « Brésil – une défense sans menaces », note n° 04/014, 2 avril 2014

Les opinions exprimées ici n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs .

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2014 Annexe 1 : Carte: Centrafrique 1 de la Annexe Source: Ministère français desAffaires étrangères,

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RCA Source: @Mathieu Mérino, février 2014 Annexe 2 : Les étapes fragiles du processusélectoraldu en fragiles étapes Les 2: Annexe

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