UNE FOULE D'objets Parlez-Moi
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Parlez-moi Restaurer Mettre en valeur PATRIMOINES... Protéger 100 ans de monuments historiques en Pays de la Loire UNE FOULE D’OBJETS Sommaire 04 La patrimonialisation des objets d’art en France de la Révolution à la loi de 1913 par Louis BERGÈS, Directeur régional des affaires culturelles des Pays de la Loire Le Tigre terrassant l’aigle, 12 PROTÉGER bronze de Gardet, p 38 Redécouvrir par la restauration 1913-2013 : Bilan et perspectives 72 ANGERS - Les ornements de la protection des objets liturgiques de Mongazon, une œuvre exceptionnelle... mobiliers en Pays de la Loire vers 1750 74 RUFFIGNÉ - Cloche de l’église 18 SAINT-JEAN-DES-ÉCHELLES e Saint-Pierre, 1771 Panneaux peints du XVI siècle 76 SAINT-MARS-LA-JAILLE 22 NANTES - Christ espagnol La fuite en Égypte de Laurent de la cathédrale Blanchard, vers 1819 24 YVRÉ-L’ÉVÊQUE - Cadran solaire 78 FONTENAY-LE-COMTE e de La Groirie, XVII siècle Les Muses de Terre-Neuve, 26 DUNEAU - Cinq retables de Joseph e e début du XIX siècle Lebrun, XVIII siècle 82 LA CHÂTAIGNERAIE - Le Baiser 28 CHEFFOIS - Les derniers vestiges de Judas de Félix Lionnet, 1854 de la collection Fillon 32 SAINT-LAURENT-SUR-SÈVRE 84 METTRE EN VALEUR Dessins préparatoires aux vitraux, De la conservation 1868-1870 préventive à la sécurisation : 3 34 LAVAL - Les deux bateaux-lavoirs quelques projets de mise 36 NANTES - Le « Lechalas », en valeur bateau centenaire 38 MOUILLERON-EN-PAREDS 90 SAINT-JULIEN-DE-VOUVANTES Le Tigre de Georges Clemenceau Fragments du dépôt lapidaire 42 PIRIAC-SUR-MER 92 BÉHUARD - La redécouverte La Marianne de Paul Belmondo, de la Vierge de Béhuard vers 1950 94 ANGERS - Présentation des sculptures de la collégiale 44 RESTAURER Saint-Martin La politique de restauration 98 ANGERS - Conservation et du patrimoine mobilier présentation de la Tenture de en Pays de la Loire l’Apocalypse 102 ÉVRON - Le reliquaire 50 FONTEVRAUD-L’ABBAYE e du Lait de la Vierge Le Jugement dernier, XII siècle 104 VENDÉE - Trésors d’églises 54 ANGERS - Vitrail de la cathédrale 108 LE BERNARD - L’église 56 SAUMUR - Tapisserie Saint-Martin et son mobilier La Chasse au faucon 58 LE CROISIC - Statue de Saint 110 e Glossaire Jacques, fin du XVI siècle 113 Bibliographie 60 LE MANS - La Vierge à l’Enfant 115 e Loi de 1913 relative aux de Charles Hoyau, XVII siècle monuments historiques : 62 TURQUANT - Reliefs en bois les objets mobiliers sculpté, XVIIe siècle 64 LUÇON - La Descente de Croix de Lubin Baugin, vers 1650 68 LA FLÈCHE - L’ Annonciation de Jean Jouvenet, 1687 Vue de La Sainte Famille pendant la fuite en Égypte avant et après restauration, p 76 Vue du vitrail de l’église Saint-Serge d’Angers LA PATRIMONIALISATION DES OBJETS D’ART en France de la Révolution à la loi de 1913 : de la collection au monument historique, naissance d’une mission d’État les sculptures funéraires ; d’autres PAR LOUIS BERGÈS, garderont leur caractère utilitaire DIRECTEUR RÉGIONAL (calice ou patène des collections DES AFFAIRES CULTURELLES liturgiques) ou de luxe (pot de DES PAYS DE LA LOIRE pharmacie en porcelaine des col- AUX ORIGINES lections hospitalières) sans bascu- RÉVOLUTIONNAIRES : Lorsqu’un concept aussi courant ler dans le patrimoine artistique SOUSTRAIRE L’ART À aujourd’hui que celui d’objet en raison de leur sérialité ou de LA PUISSANCE DU ROI 4 d’art apparaît dans le paysage leur manque de monumentalité. ET DE L’ÉGLISE juridique français de la IIIe Répu- blique naissante, nul n’a pensé à Un siècle plus tard, les objets Le transfert à la Nation des biens saluer l’émergence d’une nouvelle mobiliers font partie, à côté des du clergé, en 1790, à la suite de catégorie de représentation artis- édifices civils et religieux, d’une la Constitution civile, est à l’ori- tique et culturelle, tant le proces- classification nouvelle, celle des gine des premières réflexions sus vient des origines même de la monuments historiques. Cette publiques autour de la conserva- République, tant ce mouvement, progressive évolution vers ce que tion des biens artistiques patri- lent et imperceptible, est direc- l’on peut qualifier de « patrimo- moniaux. Que faire de milliers tement lié au développement du nialisation », est le résultat de la d’œuvres conservées dans les patrimoine monumental. volonté de l’État d’affirmer, aux églises et monastères après leur dépens de l’Église, son autorité transfert au domaine public ? En 1789, le terme de monument sur les trésors artistiques hérités Cette réflexion s’est également existe déjà au sens d’œuvre majes- des siècles passés. accompagnée d’un impératif tueuse, exceptionnelle, durable : politique, celui de fonder un nou- aucune distinction n’est encore veau régime sur les décombres faite entre l’édifice et l’objet. Le de l’ancien. C’est le décret du 20 monument tel qu’il est perçu au juin 1790, fixant le principe de ne début de la Révolution véhicule « laisser subsister aucun monu- plusieurs valeurs souvent contra- ment qui rappelle les idées d’es- dictoires : beauté, ancienneté, au- clavage », qui lance le grand mou- thenticité, rareté, significativité. vement de destruction de tous L’ objet mobilier n’appartient pas les symboles de l’Ancien Régime, à cette représentation : certains véritable point de départ d’une d’entre eux peuvent se transfor- tempête iconoclaste qu’aucun mer en œuvres d’art, tels les ta- texte de loi ne pourra plus arrêter bleaux ou les retables des églises, jusqu’à la fin de la Révolution. © P. Giraud - Région Pays de la Loire Inventaire général © P. Dernière question posée par le plus vaste changement de pro- À chaque coup de boutoir contre priété de biens meubles sur le ter- les chefs-d’œuvre du passé censés ritoire français depuis la Réforme : porter des symboles monarchiques, le sort des objets d’art après LE TEMPS DU MONUMENT une réelle prise de conscience inventaire et identification. La HISTORIQUE : patrimoniale se manifeste : après destination des objets identifiés RETROUVER LES RICHESSES chaque installation d’une assem- et collectés va donner lieu à une D’UN ART NATIONAL blée nouvelle se met en place une réflexion centrée sur la création commission des monuments, de- de dépôts ou musées pour les Aux lendemains de la Révolu- venue, le 31 mai 1792, Commission chefs-d’œuvre les plus précieux tion, l’état général du patrimoine des Monuments et des Arts (sous et l’idée d’un maintien provisoire monumental et mobilier français l’Assemblée législative), puis Com- in situ pour les autres. À partir de est désastreux. Si l’on excepte les mission temporaire des arts (sous 1791, elle aboutira à l’installation pièces des dépôts des musées en la Convention) le 1er septembre par Alexandre Lenoir du musée formation, toutes arrachées à leur suivant. Outre un important travail des Monuments français à Paris. environnement, la plupart des d’inventaire, cette institution objets d’art identifiés comme tels mène un combat de tous les ins- À la fin de la Révolution, le pou- meublent partout des édifices dé- tants pour freiner le mouvement voir politique a pris définitivement gradés. C’est dans ce contexte que de « vandalisme », selon l’expres- acte de la nécessité de conserver le Concordat entre l’Église et l’État sion de l’abbé Grégoire, qui frappe dans un espace neutre les objets de 1801 remet l’ensemble des © P. Giraud - Région Pays de la Loire Inventaire général © P. Vue ancienne du relief Massacre des innocents à l’église Saint-Pierre de Solesmes l’ensemble du patrimoine artis- et chefs-d’œuvre de l’art français églises et leur mobilier à la dis- tique et historique français. en les dépouillant de leur signifi- position du clergé sans possibilité cation religieuse, monarchique ou pour ce dernier d’intervenir sur le féodale. sort des œuvres d’art récupérées. 6 Cette contradiction fondamentale 7 de la Révolution face aux trésors artistiques de l’Ancien Régime est Vue de la Vierge à l’Enfant de Germain Pilon dans l’église Notre-Dame de la Couture au Mans bien à l’origine des nombreuses Mais lorsqu’a été votée, par initiatives populaires visant à l’Assemblée, la nouvelle législa- détruire ou faire disparaître Le risque de disparition générale tion sur la destruction des signes objets, manuscrits, édifices du des chefs-d’œuvre de l’art fran- de féodalité, un orateur a prévenu : Moyen Âge, de la Renaissance çais n’échappe pourtant pas aux « Respectons les monuments des et de l’Époque Classique, rappe- Constituants comme Talleyrand arts mais abattons ceux du des- lant la puissance de l’Église et de lui-même, l’instigateur du transfert potisme... Que la statue subsiste la royauté. Car si la volonté du des biens ecclésiastiques : le 13 mais que les esclaves qui portent législateur est de conserver une octobre 1790, il proclame que des chaînes à ses pieds soient œuvre d’art, il souhaite dans le « les chefs-d’œuvre des arts sont enlevés! 2». L’art qui fait étalage même temps détruire la signifi- de grands moyens d’instruction de la souveraineté royale et de cation qu’elle exhibe. Dès lors, dont le talent enrichit sans cesse la puissance de l’Église ne peut seuls échapperont aux destruc- les générations suivantes...1». que heurter les principes de la tions et seront même restaurés de L’utilité de la conservation des nouvelle souveraineté populaire. façon désordonnée les vestiges de bâtiments et des objets d’art est Mais, dans le même temps, il l’Antiquité gréco-romaine auxquels ainsi officiellement posée. s’agit aussi de réorganiser les an- la Révolution entendait désormais ciens trésors royaux et ecclésias- se référer. tiques en vue d’instruire le peuple et de briser le monopole du savoir des privilégiés.