LA TOU R AI NE DANS L'HISTOIRE

A. de GIRY

LA TOURAINE DANS L'HISTOIRE 1800-1940

C.LD

La politique en Touraine 1 de 1800 à 1940

L'histoire politique de la Touraine fournit un reflet fidèle, quoique légèrement tamisé, de celle de la , de même que la Loire réfléchit en les adoucissant les lumières changeantes de son ciel. Le tamisage consiste en une modération des passions bien conforme au tempérament tourangeau. On peut parler ici d'esprit de mesure joint à un bienveillant opportunisme. Avec l'Empereur, puis avec le Roi, puis avec la République, avec ou sans l'Eglise, le jardinier et le pêcheur à la ligne des bords de Loire, quelles qu'aient été leurs convictions person- nelles, n'ont rien perdu de leur sérénité coutumière... Terre de non violence, le jardin de la France est un jardin secret.

La Touraine, après avoir été paisiblement révolutionnaire — la Terreur y fut beaucoup moins sanglante que dans bien d'autres provinces — traversa le Directoire, le Consulat et entra dans l'Empire sans impréca- tions ni murmures. La France, dans sa grande majorité, acclamait Napoléon I ; les Tourangeaux l'acclamèrent aussi. Ils lui firent une réception chaleureuse quand il s'arrêta à Tours, accompagné de Joséphine, le 2 août 1808. Son carrosse se fraya laborieusement un chemin à travers la foule enthousiaste pour parvenir au palais archiépiscopal où le couple impérial allait résider jusqu'au surlendemain. Son passage impressionna fortement les Tourangeaux. Le président de la Chambre de Commerce, Roze Abraham, fut si ému d'avoir été reçu le 3 août pendant un quart d'heure par « Sa Majesté Impériale et Royale » qu'il déclarait à ses collègues deux jours plus tard : « ... Je crois devoir vous retracer ce qui s'est passé pour le retransmettre à ceux qui nous remplaceront... ». De nombreuses personnalités locales étaient, d'ailleurs, dévouées à l'Empereur et entretenaient sur place une opinion favorable que le « général préfet » de Pommereul, en fonction à Tours de 1801 à 1806, avait su renforcer par son parfait savoir-vivre et son excellente administra- tion. Trois de ces grands partisans de l'Empire ont laissé des noms bien connus : — Joseph-Marie de Barral, promu de l'évêché de Meaux à l'arche- vêché de Tours en 1805, incarnation du prébendier courtisan, dont la carrière débuta sous la Révolution et se poursuivit brillamment sous l'Empire avec la charge — qui devait exiger de sa part beaucoup d'indul- gence — d'aumônier de l'impératrice Joséphine. — L'historien local Nicolas Chalmel, nommé par Bonaparte biblio- thécaire de la ville de Tours, puis, à partir de 1807, administrateur des droits réunis à Mayence, enfin sous-préfet de Loches en 1815 pendant les Cent-Jours. — Bernard François Balzac, père de l'illustre Honoré, agent en chef des subsistances de la 22e région militaire, adjoint au maire de Tours et administrateur de l'hospice. Sa gestion fut mise en cause, contestée notamment par de Pommereul et de Barral au point qu'il fut suspendu plusieurs fois mais toujours réintégré dans ses fonctions grâce à sa fidélité au régime. Les loges maçonniques, favorisées par Napoléon, groupaient, à l'époque, la plupart des représentants de la haute société : banquiers, propriétaires, hommes de loi, hauts fonctionnaires... de Pommereul, de Barral, Balzac, Chalmel, par exemple, étaient affiliés à « La Parfaite Union » de Tours. Ces cellules constituaient d'excellents foyers occultes de propagande pour le régime. Les francs-maçons de Chinon, poussant jusqu'au bout leur loyalisme, constituèrent en 1808 la loge « Saint- Napoléon-le-Grand » dont l'inauguration, en 1809, comporta des chansons, des discours et, naturellement, un banquet. Ainsi, à l'exception, peut-être, d'une faible partie de l'aristocratie et du clergé, la société tourangelle, après avoir accepté la République, ne s'opposa pas à l'Empire et le peuple des campagnes, presque entièrement analphabète, suivit docilement l'exemple que lui donnait la bourgeoisie.

1812-1815, le temps des désastres... La chute brutale des aigles avec l'intermède sanglant et inutile des « Cent-Jours »... « ... C'est votre vieille garde au loin jonchant la plaine, Demain c'est Waterloo, demain c'est Sainte-Hélène, Demain c'est le tombeau... » Les Français étaient largement revenus de leur vénération pour l'Empereur ; les Tourangeaux aussi. Leurs fils, happés par la conscription honnie, étaient tombés sur les champs de bataille ; les prix des denrées, d'ailleurs rationnées, s'élevaient en proportion des charges croissantes de la guerre. La paix, quelles qu'en fussent les conditions, répondait à une aspiration générale. Le culte de la personnalité n'avait pas résisté à l'épreuve du feu. Aussi cria-t-on en Touraine : « Vive le roi ! » après la première abdication de Napoléon en avril 1814. Honoré de Balzac a évoqué dans son roman « Le lys dans la vallée » le passage du duc d'angoulême, fils aîné du futur Charles X, « ... l'enthousiasme qui saisissait la vieille France au retour des Bourbons... La Touraine en émoi pour ses princes légitimes ; la ville en rumeur, les fenêtres pavoisées, les habitants endimanchés, les apprêts d'une fête... ». Il y eut bien ensuite l'épisode des Cent-Jours, mais il fut si court que la plupart des hauts fonctionnaires et dignitaires en place conservèrent leurs postes et leurs charges ; ils n'eurent qu'à faire en trois mois deux professions de foi politique diamétralement opposées. De hauts personnages locaux firent la preuve de leur agilité en ces exercices giratoires. Deux d'entre eux — et non des moindres — ont été évoqués par M. Pierre Leveel dans son « Histoire de la Touraine ». Leur comportement est symptomatique : Aussitôt après la première abdication, l'archevêque de Tours Joseph Marie de Barral, oubliant en un instant ce qu'il devait à l'Empereur déchu, célébra par un magnifique Te Deum chanté en la cathédrale la chute de l'aigle, et le baron Deslandes, maire de Tours depuis 1803, assista avec recueillement à cette cérémonie. L'excellent maire prit même la tête d'une délégation qui alla présenter au roi ses hommages. Cependant, « l'ogre » revint de l'Ile d'Elbe. Sans plus attendre, le baron Deslandes lui redonna en mai 1815 l'assurance de son dévouement absolu... limité, en fait, à bien peu de temps car, après Waterloo et la seconde abdication de juin, il mani- festa son attachement à Louis XVIII remonté sur le trône en assistant à un deuxième Te Deum sous les voûtes de la cathédrale. Tours était une ville importante mais il en alla de même dans les autres communes. M. J. Maurice a conté avec humour dans son « Histoire de la Vallée Verte » les pirouettes du maire de Ballan-Miré, M. Sain des Arpentis, qui prêta serment en premier lieu, comme tous les maires de France, à l'Empereur tout puissant, puis, en 1814, à Louis XVIII, puis en 1815 à Napoléon de retour, enfin, en septembre de la même année, au roi revenant de Belgique. Cela faisait beaucoup de serments. Quant à Balzac père, il avait pris prudemment les devants en publiant un « opuscule sur la statue équestre que les Français doivent faire pour perpétuer la mémoire d'Henri IV et de leur amour envers sa dynastie avec des recherches sur les anciens monuments de ce genre ». L'occupation étrangère freina l'enthousiasme des populations pour le nouveau régime. A Tours, la bouderie larvée fut cependant de courte durée car la présence détestée se limita assez vite à un détachement prussien cantonné sur les hauts de Saint-Symphorien entre juillet et sep- tembre 1815. Enfin, les paysans, pour la plupart analphabètes, étaient peu informés — et généralement avec du retard — des grands événements nationaux. Les nouvelles ne leur parvenaient guère qu'apportées par les colporteurs, les ouvriers itinérants, les soldats permissionnaires, ou, parfois, tombaient de la bouche du plus instruit, quand il y en avait un, lisant à haute voix le journal au cabaret, à l'intention des autres. Aussi accordaient-ils certainement beaucoup plus d'intérêt à la santé de leurs vers à soie, de leurs vaches laitières et à l'état de leurs récoltes qu'au retour du roi de France. Paul-Louis Courier a décrit avec humour, en 1815, dans sa « pétition aux deux chambres » la prudente indifférence des ruraux du canton de Luynes : « ... Là, on ignore jusqu'aux noms des factions et des partis ; on cultive ses champs ; on ne se mêle d'autre chose. Les haines qu'a semées partout la Révolution n'ont point germé chez nous où la Révolution n'avait fait ni victimes ni fortunes nouvelles. Nous pratiquons surtout le précepte divin d'obéir aux puissances ; mais avertis tard des changements, de peur de ne pas crier à propos : Vive le Roi ! Vive la Ligue ! Nous ne crions rien du tout... »

Puis, ce furent « les Trois Glorieuses » des 27 au 29 juillet 1830. Elles firent plus de 1 800 victimes à Paris et assurèrent l'accession de Louis- Philippe à la Lieutenance Générale du royaume. La nouvelle n'en parvint que le 30 juillet en Indre-et-Loire. Elle y provoqua quelques manifestations sans lendemain, la plupart de caractère antireligieux, mais il n'y eut à déplorer ni morts ni blessés... Seulement des bandes vociférantes dans les rues de Tours et à la porte de l'archevêché où fut accroché un placard : « Archevêché à brûler, Saint-Gatien à vendre, Dufêtre (le grand vicaire) à pendre » ; à Chinon et à Châteaurenault, destruction de croix plantées par des missionnaires, bris de statues, et ce fut tout. Le vote du 7 août suivant qui fit du lieutenant général du royaume Louis-Philippe le « roi des Français » n'eut, lui non plus, aucune inci- dence explosive. La monarchie parlementaire fut bien accueillie. De rares tourangeaux la boudèrent. Ce fut le cas d'Etienne Giraudeau, ancien président du tribunal de commerce, maire de Tours de 1828 à 1830, qui démissionna à cette date pour rester fidèle à la cause légitimiste, mais, dans sa plus grande majorité, l'Indre-et-Loire s'accommoda aisément du nouveau régime, moins contraignant que le précédent. On ne portait plus le deuil moral des structures sociales qui avaient basculé en 1789 ; on était délivré de l'esprit de contrition et de pénitence imposé dans les campagnes par un clergé fanatique. Le ministre Guizot disait à la bourgeoisie possé- dante dont il était le soutien : « Enrichissez-vous par le travail et l'épar- gne ». Dans le même temps, soucieux de doter la masse de la population d'une instruction élémentaire en harmonie avec les exigences de la mécanisation industrielle qui prenait son départ, il faisait voter le 18 juin 1833 la charte de l'instruction primaire. Les paysans étaient plutôt conservateurs par tendance ; ils détestaient les « partageux ». Quant aux ouvriers, leur condition était très dure et elle le demeura fort longtemps, mais ils ne constituaient qu'une faible portion de la population tourangelle essentiellement rurale. Enfin, la bourgeoisie, petite, moyenne et grande, était tout naturellement acquise au « roi bourgeois ». La crise économique de 1825 à 1832 frappa lourdement la Touraine, comme toute la France. Cependant, alors que les canuts de Lyon se soule- vaient en 1831 jusqu'à leur sanglant écrasement par les troupes du général Soult, il n'y eut pas d'agitation en la ville de Tours qui était pourtant, elle aussi — et toutes proportions gardées — un centre de sériciculture et où, dès 1825, deux filatures avaient été équipées de métiers Jacquard. Aussi l'industrie locale se développa-t-elle paisiblement. Les fabriques de soieries, orientées désormais vers les tissus d'ameublement, livraient une production abondante et de qualité et les tanneries étaient toujours au travail. A côté de ces activités traditionnelles se créait peu à peu une polyindustrie à laquelle le chemin de fer allait apporter matières premières et combustibles. Les hommes placés aux leviers de commande de la vie publique professaient des opinions libérales. Ils représentaient une bourgeoisie dont les idées larges correspondaient assez bien à celles du roi. Tels furent, notamment trois maires de Tours à cette époque : — Noël Champoiseau, maire du 8 novembre 1831 au 2 février 1832, dynamique novateur de l'industrie de la soie, l'un des premiers utilisateurs de la vapeur dans sa manufacture d'étoffes de la Place d'Aumont. Esprit distingué, il employait ses loisirs à des recherches historiques et participa à la fondation de la Société Archéologique de Touraine dont il fut vice- président de 1841 à 1844 et président de 1844 à 1847. Il laissa des rapports extrêmement intéressants sur la sériciculture et la Fabrique de soie de Tours. Il reçut la croix de la Légion d'Honneur en 1847. Il était un « bourgeois éclairé » dans toute l'acception du terme. — Jean Joseph Febvotte, maire de septembre 1830 à novembre 1831 puis de février 1832 (date à laquelle il succéda à Noël Champoiseau) à juillet 1833. Directeur de l'Enregistrement, il a laissé le souvenir d'un excellent administrateur. — Eugène Marie Antoine Walvein, né en Belgique, naturalisé français, d'abord maire de Montreuil-sur-Seine puis notaire à Tours à partir de 1826 et maire de juillet 1835 à février 1847. Il procéda à l'inaugu- ration, le 26 mars 1846, du chemin de fer d'Orléans à Tours qui assurait désormais la liaison ferroviaire avec la capitale. Le « railway » avait amené les deux fils du roi, les ducs de Nemours et de Montpensier. La cérémonie attira un prodigieux concours de foule venue de toutes les localités de l'Indre-et-Loire et même des départements voisins. La journée se déroula en une débauche d'uniformes militaires, de salves d'artillerie, bénédictions épiscopales, acclamations et applaudissements. La locomotive fleurie « La ville de Tours » était la grande vedette de la fête qui prit fin sur un bal offert aux jeunes princes et un superbe feu d'artifice. Ainsi que la plupart des personnages considérables d'alors, Noël Champoiseau, Jean Febvotte et Eugène Walvein étaient francs-maçons. Ils appartenaient à la loge tourangelle « Les amis réunis ». Les choses se gâtèrent à partir de 1846. A Paris, le renforcement de l'opposition dynastique exploitant des scandales auxquels étaient mêlés des pairs de France se conjugua avec une crise économique grave. 1846 fut une année sèche ; le déficit des récoltes entraîna une terrible hausse du prix des céréales ; le pain de dernière qualité finit par se vendre, à l'automne pour le montant d'une journée de travail d'ouvrier moyen : 1 franc 70. Dans les pays de la Loire, la situation fut encore aggravée par des inondations dévastatrices. Les incidents se multiplièrent dans toute la province française. Une partie des troupes stationnées à Paris durent être envoyées dans plusieurs départements pour assurer le maintien de l'ordre, notamment dans l'Indre où le château de Buzançais fut pillé. Il y eut aussi en Indre-et-Loire une certaine agitation, mais beaucoup moins violente. Dans de nombreux cantons on assista à des scènes de désordre, « des bandes de plusieurs centaines d'individus, déclaraient les gendarmes, enlevant de vive force sur les marchés les plus importants le blé au-dessous des cours ». A Tours, des placards apparurent : « ... c'est le pain à 30 sous qu'il nous faut sous 24 heures, ou réunissons-nous tous et commençons par anéantir les deux plus forts accapareurs de blé qui sont le maire et le préfet... » Des bousculades suivirent mais causèrent surtout des dégâts aux devantures des boutiques de la rue Royale (actuelle- ment rue Nationale) et de la rue du Commerce ainsi qu'aux lanternes à gaz qui éclairaient les grandes artères de la cité. Il y eut pourtant un blessé léger : l'infortuné maire Walvein, qui avait tenté de calmer la populace. La police procéda à 56 arrestations... Des ouvriers pour la plupart, avec cependant un... phrénologue ! Qui étaient les meneurs ? On parla des communistes, de Cabet et du socialiste révolutionnaire Blanqui, alors interné et soigné à l'hôpital-hospice de Tours, mais aucune preuve ne vint étayer ces suppositions. En réalité, le véritable instigateur était le prix du pain. La faim fait sortir les loups du bois, dit-on. Encore faut-il remarquer qu'en Indre-et-Loire, si les pauvres loups affamés s'agitèrent, ils ne s'avé- rèrent pas bien méchants... Puis il y eut en 1847 une crise financière, commerciale et industrielle. La crise frumentaire de 1846 était au nombre de ses origines, mais il y en avait d'autres, tout particulièrement la spéculation effrénée sur les actions des compagnies de chemins de fer. La valeur de ces titres qui avaient atteint des cotes inouïes ne cessait de s'amoindrir. Des épargnants qui avaient ainsi perdu leur corne d'abondance connurent la ruine. Une crise de confiance secoua dans toute la France les établissements financiers dont beaucoup avaient imprudemment surinvesti. Le crédit, et par voie de conséquence l'activité commerciale et industrielle en supportèrent les incidences. Le préfet Romieu, qui avait remplacé cette année-là le préfet Godeau d'Entraigues à Tours signalait en un rapport la multiplication des faillites et l'aggravation des passifs non recouvrés... Crise de consom- mation, crise industrielle, baisse des salaires, accroissement du chômage. Les fabriques de soieries recevaient des annulations de commandes... L'évolution démographique est accusatrice de cette situation : entre 1846 et 1847, le nombre des naissances à Tours diminua de 7 % et celui des décès augmenta de 23 %. Cependant, aucune banque d'Indre-et-Loire ne fut acculée à la fermeture de ses guichets, à l'inverse de nombreux établissements finan- ciers sur le plan national, la Caisse Laffitte, notamment, que dirigeait à Paris Alexandre Goüin. La Touraine conserva donc à peu près son calme alors que la fièvre révolutionnaire de 1848, conséquence inéluctable du marasme économi- que, enflammait Paris. Il n'y eut point, sur le plan local, de violences qui fissent écho aux journées des 23 et 24 février se soldant par la chute du trône, ni à la dramatique insurrection du 23 juin noyée dans le sang par les trente mille hommes de troupe de Cavaignac. Comme en 1830, l'agita- tion se borna, à Tours, à des défilés de cortèges bruyants dans les rues, sans voies de fait ni horions. Les ouvriers du Ripault amorcèrent une marche sur la cité mais l'intervention du chanoine Marceau suffit à les arrêter. En revanche, un vent républicain de style quarante-huitard, légère- ment teinté de socialisme, souffla sur le département. La plantation d'un arbre de la liberté le 2 avril à proximité de la gare fut l'objet d'une liesse populaire. Des clubs politiques fort à la mode, où l'on faisait et défaisait la société, s'installèrent. L'un d'eux tint même ses réunions durant quel- ques semaines dans l'un des locaux du vénérable hôtel consulaire, le commissaire de la République ayant demandé au président de la Chambre de Commerce, Ernest Mame, d'y consentir en un moment où une requête de ce genre revêtait la couleur d'un ordre. Dans le même esprit de « changement », les deux députés de Tours, C. Barot et Alexandre Goüin, représentants de la grande bourgeoisie libérale, s'étaient déjà rangés, dès la fin de 1847, parmi les opposants au gouvernement de Louis-Philippe. Alexandre Goüin avait bien été député de la monarchie parlementaire et ministre du commerce en 1840, mais il déclara en se présentant aux élections du 23 avril 1848 : « J'accepte la République comme seule base sur laquelle nous devons désormais nous appuyer, mais je l'accepte comme un élément de force et d'ordre, je repousse toutes les théories qui pourraient nous conduire à l'anarchie. » Il exprimait ainsi l'état d'esprit de la majorité des élus de 1848 dans toute la France, une majorité républicaine mais hostile à la « république sociale ». Comme lui, la province tout entière répugnait à l'anarchie, au « péril rouge », le péril de juin. Enfin, le changement d'un régime politique provoquant toujours une « valse de préfets », en la même année 1848 trois préfets prirent leurs fonctions à Tours pour en repartir presque aussitôt : MM. Marchais, Gauja et de Sivry.

Le spectre de l'insurrection de juin 1848 fit éclore en France une large majorité conservatrice et catholique. Le « parti de l'ordre » se situait encore plus à droite que le républicain modéré briseur d'émeutes et dicta- teur de fait Cavaignac. Comme Diogène, sa lanterne à la main, ce parti cherchait un homme. L'homme providentiel se présenta : Louis Napoléon Bonaparte, neveu du premier, surnommé plus tard « Napoléon le petit » par le vénérable Victor Hugo. Du fait de son passé d'agitateur politique qui fleurait vaguement le socialisme, de sa parenté avec l'oncle illustre qui s'était fait donner avec la couronne « le mandat de gérer les affaires de la République », il eut le curieux avantage d'être accepté par la droite comme par la gauche modé- rée. Des journaux vantaient ses mérites, des médailles étaient frappées à son effigie. Il se déclarait libéral mais non socialiste, pacifique, ennemi de la violence et de la guerre. Aussi, à l'élection présidentielle du 10 décem- bre, recueillit-il 5 millions et demi de voix sur 7 millions de votants. L'Indre-et-Loire lui apporta, pour sa part, 54 566 oui pour 76 797 votants et 92 543 inscrits. Le 20 décembre, il prêta serment de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible. Il fut néanmoins tenu en lisière par la majorité conservatrice qui fit voter le 15 mars 1850 la Loi Falloux accordant à l'Eglise la liberté de faire de l'enseignement secondaire, puis, le 31 mai, une nouvelle loi électorale qui supprimait le suffrage universel et subordonnait le droit de vote à une résidence de trois années attestée par la qualité de contribuable. Alors, assuré des sympathies de l'armée et des partisans du retour au suffrage universel, Louis Napoléon fit son coup d'état du 2 décembre 1851 en rétablissant le dit suffrage, dissolvant l'Assemblée Nationale et faisant arrêter les parlementaires suspectés d'opposition. Paris bougea. Quelques barricades furent enlevées par la troupe. Le 4 décembre, une fusillade injustifiée tuant plusieurs centaines de personnes sur les grands boulevards terrorisa la population et mit fin aux actes de résistance sporadique. La province s'agita aussi. Dans six départements (la Nièvre, l'Allier, l'Yonne, l'Hérault, le Gers, les Basses Alpes), des colonnes de paysans entraînées par des chefs républicains furent dispersées par la troupe. Il y eut des arrestations dans toute la France ; les tribunaux d'exception sié- gèrent, condamnèrent les agitateurs au bagne et des milliers de suspects à la déportation en Algérie. Le nouveau dictateur se fit plébisciter et obtint plus de 7 millions de suffrages « La France a compris que je n'étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit, déclara-t-il très sérieusement, plus de 7 millions de suffrages viennent de m'absoudre. » Dans leur presque totalité, les campagnes tourangelles avaient voté « oui ». Les événements ne perturbèrent pas le calme proverbial de l'Indre-et- Loire. La bourgeoisie, après les alarmes de l'année 1848, aspirait au rétablissement d'un principe d'autorité. Les paysans n'étaient toujours pas « partageux » et votaient pour l'empire qui fut proclamé en novembre 1852. Les ouvriers, malgré leur condition misérable, étaient satisfaits que le suffrage universel leur eût été rendu et croyaient en l'idéal démocratique promis par Napoléon. C'est pourquoi, lorsque le prince président rendit visite à Tours le 15 octobre 1852, il fut ovationné au long de sa promenade à travers la ville ornée de banderoles et de drapeaux. C'était un test probant de popularité pour l'apprenti empereur. On logea le prince à la Préfecture et sa suite à l'hôtel ou chez l'habitant. L'accueil fut partout chaleureux. et d'appels des vendeurs. L'animation et la joie qui emplissent les rues se rapprochent, à travers le temps, de la bruyante atmosphère des foires du XVI siècle. La Grande Semaine est une pleine réussite pour Camille Chautemps. Par la suite, d'autres problèmes se poseront à Tours : la circulation automobile croissante qui se heurtera à l'engorgement des artères de la ville pendant ces jours de fête, alors surtout que l'autoroute A-10 n'exis- tera pas encore et que la rue Nationale sera la route d'Espagne ; la variété et le nombre des matériels et marchandises découlant d'une production industrielle démultipliée, dont l'exposition nécessitera de l'espace en même temps qu'une concentration que leur éparpillement dans les diverses artères de la cité ne permettra plus... Il faudra renoncer à la formule initiale de la Grande Semaine et la remplacer par une foire dotée de surfaces d'exposition et d'équipements spéciaux, d'un cadre à l'échelle de notre fin de siècle baignant dans le machinisme et la consommation. Cet ensemble sera réalisé dans la banlieue de Tours, à Rochepinard, par M. J. Royer et son conseil municipal en 1964.

Si Camille Chautemps est maire de Tours, il est aussi député d'Indre- et-Loire. Ses interventions au Parlement ont été nombreuses entre 1919 et 1928, date à partir de laquelle il ne représente plus le département. On peut citer quelques-unes de ses initiatives qui dénotent un sens aigu des grands problèmes administratifs et économiques : — En 1920 est discuté un projet de réforme judiciaire tendant à la suppression des tribunaux d'arrondissement. Ceux de Loches et Chinon vont, évidemment, être concernés. Camille Chautemps s'élève contre un tel projet, mettant l'accent sur le sort inéquitable qui sera fait aux popula- tions des petites localités en les privant de la justice à leur porte. — En 1920 également, il dépose un projet de loi tendant à une refonte de la loi du 5 avril 1884 sur l'administration communale. Il fait ainsi curieusement figure de précurseur dans le vaste problème de la décentralisation administrative qui, débordant le cadre de la troisième république, a agité la cinquième. Il combat l'étendue de la tutelle gouver- nementale, legs anachronique du passé napoléonien. Il veut un aménage- ment et une réduction de cette tutelle, qui se traduirait notamment, pour les communes, par une autonomie financière beaucoup plus large. En tant que maire de Tours, il s'est rendu compte des difficultés, des lenteurs qu'une réglementation paralysante impose pour obtenir l'octroi des appro- bations ministérielles, de la paperasserie incroyable qui les conditionne, du chassé-croisé des dossiers entre Paris et la province, alors qu'au lendemain d'une guerre destructrice, tant de communes de France auraient à prendre des initiatives urgentes. C'est également en précurseur qu'il souhaite que certains pouvoirs détenus par le Conseil d'Etat soient transférés aux préfets. Il manifeste sur ce point une conscience du rôle agrandi des préfets de l'avenir qui, à l'inverse de « M. le sous-préfet aux champs », deviendront de véritables administrateurs, gestionnaires et économistes à la fois. — En 1924, il combat, en sa qualité de président du Groupe Parle- mentaire de Défense des Viticulteurs du Centre et de l'Ouest, une proposi- tion de loi dont le vote aboutirait à la fixation du prix de vente des vins en fonction de leur degré alcoolique. Ce système défavoriserait les produc- teurs de vins de la région tourangelle. La proposition de loi est repoussée. Les viticulteurs d'Indre-et-Loire ont envers lui une dette de reconnais- sance ; les vins qu'ils soignent avec amour dans l'ombre de leurs caves aux noms prestigieux ne seront pas dégradés par une taxation trop sim- pliste. Il profite de l'occasion pour faire bénéficier de l'appellation d'origine une partie du vignoble départemental qui ne possédait pas encore cet apanage. — En 1927, poursuivant son œuvre en faveur de l'appellation d'origine, il dépose et fait voter une nouvelle proposition de loi très favorable aux producteurs du Chinonais. ... C'est cependant à Chinon, en 1928, que prendra fin sa carrière publique en Indre-et-Loire. Chinon lui refusera son investiture. Oubli, ingratitude, ou, plus simplement, déroulement du mécanisme d'usure dont la plupart des hommes politiques, grisés par leur succès, méconnaissent la réalité ?

Le congrès 9 socialiste de Tours

Le Congrès de Tours s'ouvre le 25 décembre 1920. C'est le jour de Noël. Cependant, ce ne sont pas les rois mages qui sont venus dans la cité des Turones, mais 285 délégués de fédérations socialistes. Lieu du grand rendez-vous : la salle du Manège, un affreux bâtiment situé derrière l'Ecole Voltaire. Il avoisine l'Eglise Saint-Julien. On y accède par la rue Nationale. Il sera détruit en 1940 par un bombarde- ment allemand. Avec son sol cimenté, ses murs blanchis à la chaux, sa verrière qui laisse passer la lumière cafardeuse d'un ciel d'hiver, son chauffage de fortune, elle n'est pas accueillante ; elle engendre plutôt la morosité mais elle est vaste. Les délégués y débattront pendant cinq jours. Trois portraits de Jaurès et un large calicot écarlate portant en lettres blanches la célèbre formule marxiste « Prolétaires de tous pays, unissez- vous ! » surplombent la tribune. Il y a eu auparavant bien d'autres congrès socialistes mais celui-ci présente une exceptionnelle importance en raison de l'une des questions inscrites à l'ordre du jour : l'adhésion à la Troisième Internationale. Un bref rappel du passé s'impose : La Première Internationale a été fondée en 1864 à Londres par les mandataires des organisations ouvrières de France, d'Allemagne, d'Italie et de Pologne. Ses objectifs avaient été formulés par Karl Marx dans son manifeste communiste de 1848 : « ... Ils (les communistes) déclarent ouvertement que leurs desseins ne peuvent être réalisés qu'en renversant par la force tout l'ordre social établi... Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes et ils ont un monde à gagner. » Cinq ans plus tard était créé le premier parti socialiste en Allemagne. A la fin du siècle, il en existait sous des formes diverses dans presque tous les pays d'Europe. La Deuxième Internationale a vu le jour à Paris en 1889. Elle s'est bien donné pour but, elle aussi, un renversement de l'ordre social, mais ses conceptions sont plus souples en matière de prise de pouvoir. Elles ne se réduisent pas à quelques mots fracassants comme celles de la Première car elle englobe la plupart des partis socialistes européens qui cultivent leurs formules personnelles. Cependant, en 1920, elle sort très affaiblie de l'épreuve de la grande guerre. Son unité s'est effritée. Beaucoup de politi- ciens estiment qu'elle a rejoint les vieilles lunes. La Troisième Internationale, dite « Internationale communiste » (Komintern) a été fondée au Congrès de Moscou en mars 1919 sur l'initia- tive de Lénine, d'ailleurs contre la volonté de la majorité des socialistes européens. Elle est alors dirigée par les soviets, bien que théoriquement indépendante de leur gouvernement. Ils ont, à cette époque, la conviction que, pour être durable, leur révolution doit se répercuter au-delà de leurs frontières. La Troisième Internationale sera, dans l'esprit de Lénine, le vaisseau qui permettra l'exportation de l'idéologie marxiste. Au Congrès de Tours, c'est donc pour ou contre l'adhésion à la Troisième que vont avoir à se prononcer les délégués de la Section Française de l'Internationale Ouvrière — la Deuxième moribonde. En fait, la question n'est pas nouvelle. Elle rebondit seulement d'un congrès tenu à Strasbourg en février 1919 où elle a été débattue sans résultats positifs. Néanmoins, une décision importante y a été votée à une forte majorité : celle de « lâcher » la Deuxième Internationale et d'envoyer à Moscou deux mandataires chargés de demander à quelles conditions la Troisième admettrait l'adhésion du parti socialiste français. Les deux mandataires choisis ont été et Ludovic-Oscar Frossard. A leur retour, ils ont communiqué ces conditions. Elles sont au nombre de vingt-et-une. Elles impliquent une stratégie de prise du pouvoir par tous les moyens, violence comprise, la combinaison de l'action légale et de l'action illégale, une propagande révolutionnaire clandestine dans l'armée, l'agita- tion méthodique des campagnes, le rejet des formules de social-pacifisme, de politique centriste ou trop calmement opportuniste, la lutte ouverte du prolétariat ouvrier et paysan contre les classes dirigeantes, le soutien matériel des républiques soviétiques aux prises avec la contre-révolution. Le journal « L'Humanité » en a publié une traduction ; c'est pourquoi leur lecture n'est pas donnée au Congrès de Tours. Roland Gaucher, dans son « Histoire du parti communiste », a écrit qu'il y avait une vingt-deuxième condition restée secrète : l'interdiction d'appartenance aux loges franc-maçonniques, qui sera officialisée en novembre 1922, au cours du quatrième congrès de l'Internationale commu- niste. Cette interdiction serait due à Trotski, pour qui l'affiliation à une société secrète est incompatible avec l'action révolutionnaire. Ces conditions sont la pierre d'achoppement des débats qui vont s'ouvrir. Les réticences sont nombreuses. On va assister à l'affrontement entre les partisans d'une acceptation inconditionnelle des thèses moscou- taires et les socialistes plus modérés, plus indépendants, dont Léon Blum est le grand représentant. Les premiers veulent en découdre avec la bour- geoisie, bousculer la société capitaliste à la force du poignet ; les seconds entendent la faire basculer après avoir pris le pouvoir dans la légalité. C'est l'antagonisme entre le gourdin et la loi. La partie s'annonce dure. Il n'y aura pas de ces compromis si fré- quents et si commodes lorsque des congressistes ne parviennent pas à se mettre d'accord. Il n'en sortira pas de motion « nègre blanc ». Avant d'entrer dans le détail de cette lutte dont la conclusion aura des conséquences imprévisibles sur l'histoire politique de la France, il est bon de tracer les silhouettes de ceux qui en seront les principaux me- neurs : Jean Lacouture les a évoqués avec humour dans son « Léon Blum » : « Les deux maîtres des cérémonies, Marcel Cachin à la moustache encore noire de Vercingétorix mûri et Ludovic-Oscar Frossard, crâne luisant et regard froid derrière le lorgnon. Face à eux, une gauche nombreuse et sonore où s'ébrouent notamment Vaillant-Couturier, Renoult et Rappo- port... » Marcel Cachin (1869-1958) a adhéré en 1891 au « Parti Ouvrier » fondé par et Paul Lafargue en 1879. Délégué à la propa- gande générale du parti socialiste unifié de 1906 à 1912, Conseiller muni- cipal de Paris en 1912 et député du 18e arrondissement en 1914, il a figuré parmi les partisans qui entouraient Jaurès. Après l'assassinat du tribun, il a opté pour le ralliement socialiste à l'effort de guerre. Il a alors fait preuve de patriotisme dans « l'Union sacrée ». Son attitude a changé à la suite de son voyage en Russie en 1917. Il a fait partie d'une mission officielle chargée d'exhorter les bolcheviks à poursuivre la guerre sur tous les fronts. La mission s'est traduite par un échec mais Cachin est revenu communiste résolument pro-soviétique. « Je viens de voir la révolution russe et je suis debout à ses côtés », déclare-t-il au Conseil National du Parti Socialiste. Au cours de son deuxième voyage en Russie en 1920 décidé par le Congrès de Strasbourg, il a rencontré Lénine et a assisté au deuxième Congrès de la Troisième Internationale. Il en a rapporté une lettre destinée aux « travailleurs et socialistes de France » qui leur suggère la création d'un parti communiste français. Elle leur conseille également l'action illégale et l'application des décisions de l'Internationale. Cette discipline rigoureuse est exigée par Lénine. Dès lors, Marcel Cachin, fervent prosé- lyte, directeur de « l'Humanité » de 1918 à 1920, publie dans son journal les fameuses 21 conditions et mène fougueusement campagne pour gagner l'opinion à l'adhésion dont le Congrès de Tours va décider. Ludovic-Oscar Frossard, qui a accompagné Cachin dans son deuxième voyage en Russie soviétique, est secrétaire général du parti socialiste depuis 1918. Il se situe dans l'aile gauche du parti. Il seconde Marcel Cachin dans sa campagne pour l'adhésion à la Troisième Interna- tionale. Journaliste, il aura, lui aussi, « l'Humanité » pour tribune. Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx, est le fils de Charles Longuet qui fut membre de la Commune et condamné à mort par les versaillais. Journaliste, l'un des rédacteurs de l'Humanité à ses débuts en 1899. Louis Vaillant-Couturier (1892-1937), journaliste, membre du parti social révolutionnaire, violent polémiste, sera, plus tard, rédacteur en chef de « l'Hunianité » de 1928 à 1937. Il figure comme un héritier spirituel du mouvement blanquiste hostile à « l'ordre bourgeois ». Léon Blum est député socialiste de Paris en 1920. Il a été élu en septembre 1919 dans le deuxième secteur de la Seine en même temps que ses deux colistiers Pierre Dormoy et Paul-Boncour. Il a 48 ans. Il est l'un des leaders du groupe socialiste qui vient de subir un échec aux élections de 1919 en perdant 34 sièges. Il a été élu secrétaire du groupe parlemen- taire S.F.I.O. au Palais-Bourbon. Il est donc l'un des premiers personna- ges du parti où ses opinions le situent au centre par rapport à une gauche nouvelle dont Frossard et Daniel Renoult sont les chefs de file. Jusqu'à 1920, sa vie active a été orientée par trois motivations : — Une vocation littéraire à laquelle il a pu tout d'abord s'adonner grâce à l'aisance que lui assurait sa situation de famille. Tant que la politi- que ne l'a pas trop accaparé, il a collaboré à diverses revues : « La Conque » de Pierre Louys, « Le Banquet » de Ferdinand Gregh, « La Revue Blanche » des frères Natanson, « Gil Blas », « Comoedia ». Ses articles sont bientôt remarqués. « La Revue de Paris » publie en 1914 son remarquable essai sur « Stendhal et le Beylisme ». Entre 1904 et 1907, il compose son célèbre ouvrage : « Du mariage », qui soulève de violentes polémiques. Ne défend-t-il pas la liberté, pour les jeunes filles, de faire des expériences pré-nuptiales ? Scandale dans les salons car on est encore loin de l'ère de la pilule et du ciné porno... En 1945, à son retour de déportation en Allemagne, il publiera un nouvel ouvrage : « A l'échelle humaine », dans lequel il exprimera sa pensée politique. — L'exercice d'une profession sérieuse. La littérature ne nourrit pas son homme ; c'est pourquoi Léon Blum, après avoir fait son droit à la Faculté de Paris, s'est présenté au concours d'admission au Conseil d'Etat. Il a été reçu second en 1896 et a débuté en qualité d'auditeur de seconde classe. Il est maître des requêtes en 1920. — Une vocation politique. C'est la fameuse affaire Dreyfus qui a déclenché sa vocation. Bien qu'israélite, il ne s'y était guère intéressé jusqu'au fougueux « J'accuse » de Zola. Il met à la disposition de Labori, l'avocat du grand romancier, ses connaissances juridiques. Le procès le met en relation, en 1897, avec Jaurès, et une indéfectible amitié se noue entre les deux hommes. L'illustre tribun devient le maître à penser de Léon Blum qu'il entraîne au combat socialiste. Il y a alors deux grands courants d'opinion dans le parti : L'un a pour chef de file Jules Guesde. Il s'amalgame au « Parti ouvrier français » (P.O.F.) au sein duquel s'agitent Bracke, Marcel Ca- chin et Compère-Morel. Ces hommes sont partisans des méthodes brutales. C'est l'aile dure du parti. L'autre est le mouvement des indépendants. C'est celui qui convient à Léon Blum. Il a Jean Jaurès à sa tête. On note ici les noms de Renaudel, Thomas, puis de transfuges du mouvement guesdiste : Millerand, Briand, Viviani. Il compte à la Chambre trente députés en 1889. Les indépendants sont légalistes. Ils ne rêvent pas de culbuter la société capitaliste à grands coups de matraque. La révolution, estiment-ils, doit se faire dans l'ordre républicain. Le parti doit d'abord progresser puis, une fois majoritaire au Parlement, pourra modifier la constitution et la législation dans le sens souhaité. Les indépendants se montrent même opportunistes à l'occasion. C'est ainsi qu'ils approuvent en 1899 la participation, blâmée par les guesdistes, de Millerand au cabinet Waldeck-Rousseau. Encore, à l'intérieur de ces deux grands courants, de nombreuses fractions divisent-elles le parti. C'est contre ce cloisonnement que Léon Blum, dans le sillage de Jaurès, va lutter pendant des années. Son objectif, comme celui de son maître, est celui de l'unité. C'est pour en faciliter la réalisation qu'il fonde, avec l'aide de Luc Lévy-Bruhl, le journal « l'Hu- manité ». Le quotidien connaît un départ foudroyant, puis des vicissitudes financières, mais ne coule pas. Blum atteint son but en 1905. L'unité du parti se réalise au cours d'un congrès tenu à Rouen. Il devient la « Section Française de l'Internationale Ouvrière » (S.F.I.O.). Il s'agit, naturellement, de la Deuxième Internatio- nale. Il a subi quelques abandons. Viviani, Briand, l'ont quitté, le trouvant trop insurrectionnel. Il n'en reste pas moins le parti socialiste français dont le nombre de députés passe de 51 en 1906 à 103 en 1914. Puis, c'est 1914, l'explosion du cataclysme mondial, la grande guerre contre laquelle Jaurès a tenté de soulever la Deuxième Internationale sans y parvenir avant d'être assassiné par Raoul Villain. La plupart des politiciens français de gauche se résignent à ce qu'ils considèrent comme l'inévitable. La campagne contre la guerre s'est tue avec la voix de Jaurès. Alors se constitue « L'Union sacrée » devant une situation irréver- sible dont les socialistes eux-mêmes rejettent la responsabilité sur l'Allemagne. On assiste à un ralliement massif à l'effort de guerre assumé par le Cabinet Viviani. Jules Guesde, Edouard Vaillant, Marcel Cachin, Léon Jouhaux, embouchent, eux aussi, la trompette guerrière. Les crédits militaires sont votés à l'unanimité. En août 1914, la S.F.I.O., contactée, accepte aussitôt de participer au Gouvernement. Jules Guesde devient Ministre d'Etat et Marcel Sembat prend en charge le Ministère des Travaux Publics avec Léon Blum comme chef de cabinet. Cette collabora- tion durera jusqu'en décembre 1916 où constitue un nouveau gouvernement. De 1914 à 1916, Blum a fait, dans ses fonctions de chef de cabinet de Marcel Sembat, une excellente besogne. Cependant, l'usure des volontés provoquée par la longueur de la guerre, les mutineries de 1917 dans l'armée française, la révolution bolche- vique en Russie amènent une nouvelle scission au sein du parti socialiste français. Le « jusqu'au-boutisme » est battu en brèche. Dès 1917, un journal créé par Jean Longuet et Paul Faure, « Le Populaire du soir », se manifeste pacifiste, à l'inverse des conceptions de Blum qui tente de soutenir et stimuler la foi patriotique dans la victoire. A la session du Conseil National du parti, en juillet 1918, ce sont les extrémistes qui l'emportent. Frossard accède au secrétariat général ; Cachin brûle ce qu'il a adoré, cette Union sacrée dont il était en 1914 un ardent partisan. Le parti risque de voler en éclats. Léon Blum reprend alors sa croisade pour l'unité. En avril 1919, il occupe la tribune d'un congrès extraordinaire et, par la force de son éloquence, conquiert l'auditoire. « ... Camarades, il faut qu'il (le parti) se déplace tout entier, comme se déplace un système stellaire, selon les lois de la gravitation, emportant tout à la fois dans sa translation non seulement l'étoile mais tous ses satellites... » L'orateur a séduit la foule. Il devient dès ce moment le tribun officiel du parti socialiste, une sorte de valeur classée. Il se lance dans la campagne électorale de 1919 dont il sort, nous l'avons vu, député de Paris. Pourtant, cette unité si difficilement sauvegardée va affronter l'épreuve décisive de Tours en 1920.

Tout d'abord, selon l'usage, le Congrès s'amuse. « De la musique avant toute chose », écrivit il y a fort longtemps le doux Verlaine à sa table de bistrot... Aussi la Société Philharmonique « L'Avenir du peuple » puis la Chorale du Patronnage laïc Paul Bert ouvrent-elles la séance du 25 décembre, la première en jouant l'Interna- tionale, la seconde en chantant des hymnes révolutionnaires. Puis c'est le tour des affaires sérieuses. Selon une suggestion de Frossard et malgré l'opposition de Blum, on décide de modifier l'ordre du jour en faisant passer en priorité le débat sur la question de l'adhésion à la III Internationale. Chaque fédération va faire entendre son point de vue. Quatre-vingts délégués vont parler au nom de 66 fédérations car certaines d'entre elles ont plusieurs porte-parole. Ce défilé effectué par ordre alphabétique dure jusqu'au lendemain après-midi. Nombreuses sont les fédérations qui se prononçent pour l'adhésion inconditionnelle (motion Cachin-Frossard). D'autres, l'Indre-et-Loire notamment, optent pour la motion Longuet laquelle demande « le contact avec toutes les organisations ayant quitté la II Internationale » et rejette plusieurs des 21 conditions. Certaines, plus rares, sont réticentes. Un jeune indochinois prend aussi la parole. Il exerce le métier de retoucheur de photographies à Paris et se déclare socialiste. Il s'élève contre le régime imposé par la France à son pays. Il se nomme Nguyen Ai Qouc. Plus tard, il sera Ho Chi Minh, président de la République Démocratique du Vietnam. Les exposés des fédérations étant achevés dans l'après-midi du 26 décembre, la parole appartient aux leaders des grands mouvements en présence. C'est Marcel Sembat qui ouvre le feu contre les partisans de l'adhé- sion. Il a évolué depuis que, jeune député élu en 1892, il s'était inscrit au groupe d'Edouard Vaillant. Il figure à présent dans l'aile droite du parti socialiste. Il évoque les possibilités de répression si le parti s'engage dans la voie révolutionnaire : « Vous allez livrer beaucoup plus complètement que vous ne le croyez le parti à la discrétion de tout gouvernement qui aura besoin, comme aux approches du mois de mai dernier, de montrer de la poigne et de tenter un coup de force... J'ai le devoir de vous montrer le péril que vous créez pour le parti... Je crains que vous ne serviez les calculs de la bourgeoisie. J'ai peur, j'ai atrocement peur... » « Les approches du mois de mai dernier » auxquelles il fait allusion sont les mesures de répression, avec le recours à l'armée, des grèves qui ont déferlé du 1 mai 1919 à l'été 1920. Il évoque Jaurès : « La vérité, selon Jaurès, est aux antipodes de la vérité selon Moscou », dit-il. Vaillant-Couturier lui oppose « qu'entre ces deux conceptions, il y a eu la guerre ». L'intervention de Marcel Sembat ne va guère au-delà de cette passe d'armes. Elle n'a constitué qu'un intermède. On attend l'entrée en scène de Marcel Cachin, le communiste qui rapporte de Russie les 21 conditions stipulées par Lénine. ... Et le débat s'engage entre Cachin et Paul Faure. Cachin fait l'apologie de la révolution bolchevick. Il évoque le spectacle « d'un grand pays, le plus grand d'Europe, radicalement débar- rassé de toute bourgeoisie, de tout capitalisme, dirigé uniquement par les représentants de la classe ouvrière et de la classe paysanne ». Il rappelle que le vieux socialiste Jules Guesde lui-même préconisait en 1895 la prise du pouvoir par tous les moyens. « Notre devoir, conclut-il, c'est de signifier à la bourgeoisie notre volonté d'aller là-bas nous mettre côte à côte avec la grande révolution russe qui est présentement dans l'univers la forteresse essentielle contre l'impérialisme. » Ces propos sont évidemment sans équivoque ; le fer est engagé. Paul Faure lui répond. Il appartient au centre « reconstructeur » de la II Internationale, par conséquent hostile à l'adhésion à la III Il critique les 21 conditions, notamment la propagande antimilitariste. Il partage les appréhensions de Marcel Sembat : « Cette bourgeoisie que vous avertissez tous les jours que vous allez faire la révolution s'amuse de vous et vous attirera dans un guet-apens. » C'est au tour de Léon Blum de prendre la parole. Elle sera calme et raisonnée car, à l'inverse des tribuns vociférants et gesticulants, il pose toujours les problèmes, expose des hypothèses, formule des idées déjà méthodiquement classées avec une clarté rigoureuse. C'est ainsi qu'il conquiert les auditoires. « Il semblait planer dans le monde des idées », dira Herriot en 1950 lorsqu'il prononcera son oraison funèbre devant la Chambre des députés. Il a en face de lui une majorité favorable à l'adhé- sion. Parviendra-t-il, par son seul talent, à renverser la vapeur ? Bien qu'il paraisse las, il prononce un très beau discours qui est resté comme un modèle du genre. Il commence par souligner les incompatibilités structurelles et l'anta- gonisme des principes entre la liberté qui imprègne l'organisation du parti socialiste et le cadre contraignant que les moscoutaires entendent imposer : « ... Le socialisme n'est pas un parti en face d'autres partis. Il est la classe ouvrière tout entière. Son objet, c'est de rassembler par leur communauté de classe, les travailleurs de tous les pays... Notre parti était donc un parti de recrutement aussi large que possible. Comme tel, il était un parti de liberté de pensée, car les deux idées se tiennent et l'une dérive nécessairement de l'autre... » « ... Que sera le parti nouveau que vous voulez créer ? Au lieu de la volonté populaire se formant à la base et remontant de degré en degré, votre régime de centralisation comporte la subordination de chaque orga- nisme à l'organisme qui lui est hiérarchiquement supérieur : c'est au sommet un comité directeur de qui tout doit dépendre, c'est une sorte de commandement militaire formulé d'en haut et se transmettant de grade en grade jusqu'aux simples militants, jusqu'aux simples sections... » Il en arrive à l'objectif commun, la révolution, et aux cheminements pour y parvenir : « Révolution, cela signifie, pour le socialisme français traditionnel : transformation d'un régime économique fondé sur la propriété privée en un régime fondé sur la propriété collective ou commune... Cette rupture de continuité qui est le commencement de la révolution elle-même a comme condition nécessaire, mais non suffisante, la conquête du pouvoir politique. Cela est la racine même de notre doctrine. Nous pensons, nous, socialistes, que la transformation révolutionnaire de la propriété ne pourra s'accomplir que lorsque nous aurons conquis le pouvoir politique... » Puis il analyse les formes de dictature du prolétariat : « ... Nous avons toujours pensé en France que, demain, après la prise du pouvoir, la dictature du prolétariat serait exercée par les groupes du parti socialiste lui-même, devenant en vertu d'une fiction à laquelle nous acquiesçons tous, le représentant du prolétariat tout entier... Dictature exercée par un parti reposant sur la volonté et la liberté populaires, sur la volonté des masses, par conséquent dictature impersonnelle du prolé- tariat. Mais pas une dictature exercée par un parti centralisé, où toute l'autorité remonte d'étage en étage et finit par se concentrer entre les mains d'un comité patent ou occulte. Dictature d'un parti, oui, dictature d'une classe, oui, dictature de quelques individus connus ou inconnus, cela, non ! » Ses conclusions sont formulées en une véritable envolée lyrique qui consacre son talent personnel : « ... Nous sommes convaincus jusqu'au fond de nous-mêmes que pendant que vous irez courir l'aventure, il faudra que quelqu'un reste pour garder la vieille maison où vous reviendrez peut-être un jour. Nous sommes convaincus qu'en ce moment, il y a une question plus pressante que de savoir si le socialisme sera uni ou s'il ne le sera pas. C'est la ques- tion de savoir si le socialisme sera ou s'il ne sera pas. Demain, nous serons peut-être divisés comme des hommes qui comprennent différemment l'intérêt du socialisme, le devoir socialiste. Ou serons-nous divisés comme des ennemis ?... » Le tribun a donné le meilleur de lui-même mais il n'a pas, pour autant, gagné la partie. Il a contre lui la majorité du Congrès. De plus, la surexcitation des extrémistes de gauche se trouve encore stimulée par deux incidents qui apportent de l'eau à leur moulin ... rouge, sans mauvais jeu de mots : — Le lendemain, 28 décembre, lecture est donnée par André Le Trocquer, secrétaire administratif du parti, d'un télégramme de Zinoviev : « Longuet et son groupe ont été et restent des agents déterminés de l'influence bourgeoise sur le prolétariat. L'Internationale communiste ne peut rien avoir de commun avec les auteurs de pareilles résolutions. » — L'arrivée inattendue d'une vieille militante communiste à cheveux blancs, Clara Zetkin, une compagne de Rosa Luxembourg que la gauche ovationne, messagère du communisme international. « Il faut faire peau neuve, dit-elle, il ne faut pas seulement confesser par les livres la III Inter- nationale. Le communisme n'oblige pas seulement les politiciens français à traduire sur le papier la révolution. Il faut des actes révolutionnaires. » La vieille dame remporte un succès d'autant plus vif que les congressistes savent qu'elle est entrée en France en fraude. Elle disparaît d'ailleurs dès qu'elle a parlé mais un tel épisode a beaucoup plus d'impact sur une assemblée populaire que les plus beaux discours. D'autres orateurs succèdent à Blum : Frossard, Rappoport, favorables à l'adhésion, puis Jean Longuet, chef de la minorité des « reconstruc- teurs », Le Trocker et de nouveau Paul Faure pour l'unité, mais ils n'apportent pas d'éléments nouveaux. On peut considérer que la partie s'est jouée principalement entre Marcel Cachin et Léon Blum. Les jeux sont faits. C'est pourquoi la dernière séance, celle du 29 décembre, s'ouvre sur les motions proposées. Il y en a quatre. A celles, précisées plus haut, de Cachin et Longuet, s'ajoutent celle de Leroy, variante de la motion Cachin-Frossard, et celle de Pressemane, variante de la motion Longuet. Léon Blum avait préparé une motion, mais sentant venir le vent de la défaite, ne l'a pas présentée. Il sait qu'il a déjà perdu la partie. Sa péro- raison a d'ailleurs été une prise de congé dans les formules dont il a le secret, une sorte d'adieu à l'unité... « Qui gardera la vieille maison ? »... Le vote confirme spectaculairement cette conviction : Pour la III Internationale 3 208 mandats Pour la motion Longuet 1 022 mandats Pour la motion Leroy 44 mandats Pour la motion Pressemane ...... 60 mandats Abstentions ...... 397 mandats « L'annonce de ces chiffres, conte Jean Fréville, est accueillie par le chant de l'Internationale. La droite crie : « Vive Jaurès ! ». La gauche répond : « Vivent Jaurès et Lénine ! ». Elle entonne le chant « Révolu- tion ». Il est 22 heures. La Section française de l'Internationale Communiste est née. Les « reconstructeurs » tentent une dernière contre-attaque. Ils présentent une nouvelle motion, la motion « Mistral », à laquelle les partisans de l'adhésion en opposent une autre, la motion « Renoult- Vaillant-Couturier ». Le vote fournit des résultats sensiblement identiques à ceux du premier : 3 247 mandats pour la motion « Daniel-Renoult », 1 398 pour la motion « Mistral ». Paul Faure fait alors connaître la décision prise par son Comité parisien de la « Reconstruction » d'abandonner le parti. Il donne rendez- vous à ses amis dans une salle de l'Hôtel de Ville mise à leur disposition. Le Comité socialiste déclare, lui aussi, par la bouche de Paoli, qu'il quitte le Congrès devenu communiste et poursuivra ses travaux dans la salle du Démophile, 72, rue de La Riche ; ce sont des locaux dans lesquels est installée une très ancienne loge franc-maçonnique de Tours. Le lendemain, 30 décembre, dans la salle du Manège, un comité directeur du parti majoritaire est constitué. Il se compose de 24 membres au nombre desquels figurent Marcel Cachin, Vaillant-Couturier, Daniel- Renoult, Frossard et Rappoport. Il adopte un manifeste rédigé par Vaillant-Couturier : « Le Congrès de Tours marquera une date historique dans la vie longue déjà et glorieuse du socialisme en France. S'il restaure parmi nous les conceptions traditionnelles de Marx et d'Engels, les doc- trines jadis consacrées et trop souvent désertées dans la pratique, il adapte en même temps aux nécessités des temps nouveaux, aux obligations impé- rieuses que nous impose la crise révolutionnaire mondiale, les méthodes de préparation et d'action qui doivent désormais prévaloir... » Le même jour, Léon Blum a repris avec son groupe les travaux en cours dans la salle du « Démophile ». « Le parti socialiste régénéré ne saurait en aucun cas représenter une déviation de droite », déclare-t-il. Ainsi, d'un côté le parti de la III Internationale qui s'intitule pour quelques mois encore « Parti socialiste » (Section française de l'Inter- nationale communiste), puis prendra définitivement le nom de « Parti