EXPOSITION > 16 septembre 2017 / 31 mai 2018

LA CARICATURE RACONTE L’HISTOIRE DE Livret d’accompagnement

musee-nogentsurmarne.fr MEUNIER La garde au viaduc de Nogent, île des loups. 1915.

2 Préface uatre millions de personnes se sont rassemblées en France pour protester contre l’attentat qui a ensanglanté QCharlie Hebdo le 7 janvier 2015. Les Français, toujours prêts à se diviser, se sont retrouvés dans une communion nationale. Cette mobilisation sans précédent trouve son origine dans l’histoire politique française. En effet, depuis la Renaissance, la caricature a pris une place déterminante dans la construction de l’identité de la France et de son opinion publique. Les caricatures sont devenues un mode d’expression qui a façonné notre représentation de l’Histoire de France.

Ce sont les fils spirituels de François Cavanna, enfant de Nogent et co-fondateur de , qui ont été assassinés : , , Honoré, et Wolinski.

Si leurs caricatures ont déclenché autant de violence, c’est qu’elles étaient conçues pour rire, mais aussi pour indigner et transgresser.

L’exposition La caricature raconte l’Histoire de France proposée par le musée de Nogent évoque une épopée tragi-comique de la naissance de la caricature politique (XVIe siècle) jusqu’en 2011, millième numéro de Charlie Hebdo intitulé « le journal qui enterre les présidents ».

Jacques J.P. MARTIN Maire de Nogent-sur-Marne Président de ParisEstMarneBois

3 Naissance et contrôle de la caricature politique XVIe – XVIIe siècles

La caricature existe de tous temps et sur tous supports Au Moyen Age, elle fait sourire. On la trouve dans les manuscrits enluminés, sur les chapiteaux. Elle ridiculise la noblesse et le clergé. Mais ces figures grotesques n’ont pas de réelle visée politique : le pouvoir est respecté.

XVIe siècle : naissance de la caricature dévastatrice L’homme de la Renaissance s’affranchit de la morale médiévale (qui était marquée par l’autorité, l’enseignement de textes théologiques). D’autre part, la Réforme protestante prône le « retour au texte » et l’écoute de la conscience individuelle. C’est dans ce contexte que la caricature attaque le dogme religieux et les institutions politiques. Pendant les guerres de religion, catholiques et protesta nts se déchirent par caricatures interposées. L’imagerie militante naît à cette occasion. Elle est personnalisée car on ridiculise des personnalités « réelles » : le pape en Allemagne et aux Pays-Bas ; le roi pendant la Ligue. La Ligue catholique (qui s’opposait au protestantisme et contestait Henri III) est caricaturée à son tour, sous forme d’une horrible bestiole à trois têtes. Le pape est ridicu lisé par les protestants : il a une tête d’âne pour symboliser sa sottise. François Ier avait autorisé la diffusion de la caricature avant de la censurer en 1520. De même, Henri III, Henri IV les font détruire systématiquement. La caricature est d’abord une gravure sur bois de petite taille, insérée dans des pamphlets. Mais on réalise aussi des affiches.

XVIIe siècle : censure Il est difficile de s’exprimer librement. La censure est imposée par Richelieu en 1629. La police veille : aucune critique du pouvoir ne doit être publiée. Par contre, d’admirables caricatures contre l’Espagne (en guerre contre la France) sont réalisées en 1632 : Louis XIII soutenait les princes protestants contre les Habsbourg d’Allemagne et d’Espagne (catholiques). Pendant la guerre de Trente ans (1618-1648), L’espagnol est ridiculisé : c’est un soldat fantoche, alcoolique et hâbleur. Comme il est impossible de s’attaquer à la cour, la satire utilise alors le texte, pour railler les mœurs de la bourgeoisie et de la noblesse : les fables de La Fontaine « utilisent » les animaux à la place des hommes. Les pièces de Molière dénoncent l’intolérance religieuse, la fausse science. Il n’existe pas d’images contre Louis XIV et Louis XV mais la critique politique s’exerce tout de même en attaquant les jésuites. À l’étranger, les Hollandais réalisent des caricatures contre Louis XIV.

4 ANONYME Portrait d’un monstre prodigieux trouvé à Rome l’An 1496 Gravure extraite d’un recueil de Luther, Calvin et Melanchton 1557 - BNF Une caricature protestante contre le pape Alexandre VI. Il a une tête d’âne, des écailles, un ventre de femme, un pied de bouc… La main droite est le pied d’un éléphant : le pape écrase les consciences. La poitrine de femme symbolise la volupté du clergé. À gauche, le château Saint-Ange. À droite, la tour des nonnes, considérée comme le lupanar pontifical.

Dresse la liste des animaux utilisés pour représenter ce «monstre» Pour la tête : La peau : Le pied droit : Le pied gauche : Le bras droit : La queue :

GODEFROY ENGELMANN Moyens sûrs et honnêtes pour ramener les hérétiques à la foi catholique : 1-la roue 2- la prison 3- le fouet 4-la potence 5-les galères 6-le feu Lithographie (1819, d’après un dessin de 1686) - BNF En 1685, Louis XIV révoque l’édit de Nantes, qui autorisait les protestants à pratiquer leur religion. Dans la conception de la monarchie absolue de droit divin, pouvoir et religion sont indissociables : le roi ne peut accepter la critique d’une partie de ses sujets. Mais des foyers de résistance se forment. Les dragons du roi obtiennent par la force la conversion des protestants au catholicisme.

5 La Révolution française : une explosion inédite de la caricature

Sous la Révolution, la caricature explose. Mille caricatures environ sont réalisées, presque toujours anonymement, pour ne pas trop se compromettre dans une imagerie obscène. Le prix des planches est très abordable, sauf pour les gravures soignées et de grand format. Elles sont vendues en feuilles volantes. On peut aussi en trouver dans des pamphlets. L’image « frappe » une population aux deux tiers analphabète. Louis XVI est relativement épargné au début de la Révolution. Mais tout change après son arrestation à Varenne (juin 1791). Le clergé, lui, était une cible récurrente. La caricature sert la Révolution : elle est moyen de propagande. Elle convertit l’opinion publique aux idéaux révolutionnaires (égalité, dénonciation des traitres). En fait, la censure existe encore. La caricature contre-révolutionnaire reste donc clandestine (sauf de juin 1791 au début 1792). Mais, trop subtile, elle est moins « efficace ». Les Anglais, d’abord favorables aux idées révolutionnaires, se moquent des patriotes français. Ils les représentent comme des rondouillards un peu niais ou des bêtes féroces. James Gillray (un des plus grands caricaturistes anglais) ridiculise autant les Jacobins que Louis XVI (ivrogne et goinfre) et Marie-Antoinette (hystérique et échevelée).

ANONYME Le ci-devant grand couvert de Gargantua moderne en famille. Gravure (eau forte) (1791) - BNF Louis XVI est associé au géant Gargantua. Le roi est le plus grand. Les nobles sont plus petits et le peuple est minuscule. La taille dit le statut. On voit une France qui travaille à satisfaire le souverain. Le roi, glouton, dévore des victuailles mais aussi son peuple (à travers les impôts.). Une grande partie des princes représentés ici ne sont plus en France. Ils ont émigré. S’ils participent à ce banquet, c’est que le roi est en pensée avec eux…

Qui est représenté ? A En grand ? 1 Le peuple B En moyen ? 2 Louis XVI C En petit ? 3 La noblesse

6 JAMES GILLRAY The Zenith of French Glory… Gravure (février 1793) – BNF Le sans-culotte est juché sur une lanterne où sont pendus des hommes d’Église. La guillotine est surmontée du drapeau révolutionnaire. Le sans-culotte est… réellement sans culotte, les fesses à l’air ! Le pied posé sur le crâne du prêtre, il ressemble à un vulgaire bandit. La France a abandonné les lumières pour plonger dans les tén èbres de la barbarie.

1 Comment est représenté le révolutionnaire juché sur une lanterne ?

2 Que symbolisent les pendus ?

3 Qui est l’homme que l’on guillotine, au second plan ?

7 XIXe siècle La caricature interdite, permise, interdite, permise…

Napoléon Ier stoppe l’essor de la caricature en 1804, sous peine d’emprisonnement. Mais les Anglais, eux, continuent de le ridiculiser. Ils montrent la prospérité de leur pays en présentant une matrone épanouie et bien en chair qui s’oppose à un Napoléon famélique. Ou bien l’Empereur est représenté comme une misérable toupie fouettée par des souverains européens hauts sur pattes. En 1814 et 1815, la caricature royaliste connaît un regain. Elle exprime son mépris pour Napoléon Bonaparte, cet usurpateur, ce mégalomane qui singe la Monarchie !

CHARON Le Nec plus ultra du cannibalisme Gravure (eau forte) (1815) - BNF Cette caricature de Napoléon Ier s’inspire d’un tableau d’Ingres. L’Empereur, portant turban, est assis sur une panthère, au-dessus d’un tas de cadavres. Parmi eux, le duc d’Enghien (fusillé en 1804) et Pichegru, général révolutionnaire ayant trahi la cause révolutionnaire.

1 Quels traits de personnalité de Napoléon le dessinateur veut-il montrer ?

2 Pourquoi le fleuve en bas de l’image est-il rouge ?

8 ANONYME Le coup de griffe ou prenez-la comme vous voudrez Gravure (1815) - BNF Une caricature bonapartiste contre Louis XVIII. Le roi est représenté en cochon (comme l’était déjà Louis XVI). Un aigle impérial fait tomber sa couronne. Le roi est obèse. Il est soutenu par un héron portant une croix et par un âne habillé en jésuite : c’est le retour en force de l’Église. À l’arrière-plan, à droite, s’envo le l’oiseau de la liberté : on ne peut pas l’enfermer dans la volière.

La Restauration (1814-1830)

Louis XVIII est roi. Mais les français n’ont pas fermé la parenthèse de la Révolution : ils gardent l’esprit frondeur. Le roi contrôle la presse écrite mais épargne les images (jugées moins dangereuses). Les caricatures contre Napoléon se multiplient. De même, celles contre les émigrés arrogants qui veulent récupérer leurs biens d’autrefois. Charles X, conservateur, amoureux des « fastes d’antan » est moqué par les chansonniers. Mais la censure est vigilante : restriction de la liberté de la presse en 1827, suspension en 1830 (Ordonnances de Saint-Cloud). C’est après la chute de Charles X que sont publiées les images qui singent sa suffisante et sa bigoterie. Comme il était pieux, on le représente comme un… pieu, planté dans un paysage de chardons (la nourriture des ânes). LANGLUMÉ La plus grande bête qu’on ait jamais vue Une lithographie (1830) - BNF Une caricature de Charles X. La girafe porte l’habit, les bottes et l’épée du roi. L’animal est tenu par un gros abbé, symbolisant la soumission de la monarchie au cléricalisme. En 1827, Charles X avait fait venir une girafe au Jardin des plantes d’où la malice des caricaturistes qui « utilisent » le fait après la Révolution de 1830.

9 La monarchie de Juillet (1830-1848)

7 août 1830 : Louis-Philippe rétablit la liberté de la presse, plus de censure ! Mais le roi supporte mal de se voir ridiculisé. Il interdit qu’on représente son visage. Charles Philipon, (directeur de La Caricature) le représente alors avec une tête de poire. La planche, diffusée en feuilles volantes, amuse le peuple qui gribouille des poires sur les murs.

La Caricature représente pour toute l’Europe le journal des républicains. En deux ans, le périodique connaît 7 procès, 4 condamnations, une interdiction (provisoire) en 1834. Philipon lance alors Le Charivari, qui connaîtra les mêmes démêlés. Philipon s’entoure des meilleurs artistes de son temps : Nadar, Grévin, Gill, Gustave Doré, Honoré Daumier…

1835 : suite à un attentat contre Louis-Philippe, la censure se durcit (non pour « l’écrit » mais pour « l’image »). Aucune caricature ne peut être publiée sans autorisation préalable du ministère de l’Intérieur ou des préfets. Comme on ne peut plus ridiculiser le roi, Le Charivari se moque de types sociaux. Robert Macaire est un bonimenteur qui se paie la tête des valeurs de Louis-Philippe, notamment du fameux « Enrichissez-vous » de Guizot.

10 DAUMIER Gargantua Lithographie La Caricature, 29 décembre 1831 (mais tous les exemplaires furent saisis…)-BNF Louis-Philippe est représenté en Gargantua (le géant vorace imaginé par Rabelais). Mais les victuailles sont remplacées par l’argent. Le roi-ogre dévore la fortune que le pays doit lui verser. À droite, pauvres et petits-bourgeois déposent leur obole dans des hottes. À gauche, le nouvel ordre pr ivilégié de la finance et de la politique, qui accourt vers la Chambre des pairs. Le roi est assis sur le « trône », c’est-à-dire sur une chaise percée. Il digère les écus et évacue des récompenses pour des soutiens.

Cette image se lit de droite à gauche. Qu’est-ce que les gens du peuple mettent dans les paniers ? La récolte nourrit le géant Gargantua, qui représente le roi Louis-Philippe. Regarde sous la chaise percée du roi : ce sont des récompenses et des médailles qui sortent ! Elles servent à récompenser des notables, qui ont comme Louis-Philippe un « bon ventre ». C’est sur ces notables que la monarchie repose.

11 Deuxième République (1848- 1852)

Suite à la révolution de 1848, La République est proclamée, la liberté de la presse restaurée. Daumier publie « à chaud » une lithographie où on voit Thiers et Guizot épouvantés par l’apparition de Marianne. Mais cette liberté est restreinte dès juin 1848 : une douzaine de journaux sont interdits pendant les révoltes ouvrières. Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République. En 1850, la majorité conservatrice de l’Assemblée durcit encore la censure par crainte de l’instabilité révolutionnaire.

Second Empire (1852-1870)

Sous Napoléon III, aucune image ne peut être publiée sans une double autorisation (celle du ministère del’Intérieur et celle de la personne représentée). L’opposition est réduite au silence. La fidélité des journalistes à l’Empereur est surveillée. Un journal peut être suspendu après trois avertissements. La profession se tourne alors vers la satire sociale et la caricature d’artistes. Daumier passe en revue la justice, l’école. Dès 1860, le régime se libéralise progressivement. Mais un journal comme La Lune, fondé en 1865, est interdit en 1867, suite à une caricature contre Napoléon III. En 1868, l’autorisation préalable, les avertissements sont supprimés (ce qui suscite la parution de nouveaux journaux, tels Le Rappel, La Lanterne, opposés à l’Empereur).

Certains traits de caractères humains peuvent faire penser à des animaux. Le dessinateur Paul Hadol a représenté des proches de Napoléon III en animaux : relie le personnage à l’animal. A Jerôme David 1 Le dindon B La princesse Mathilde 2 Le crapaud C Pinard 3 Le dogue D Maupas 4 La truie

12 LA MÉNAGERIE IMPÉRIALE DE PAUL HADOL Lithographies (1870)

13 Troisième République (1870 – 1940)

1870-1871 La chute de Napoléon III libère le dessin. La Ménagerie impériale est une série de 31 planches, signées Paul Hadol. D’une grande cruauté, elles vont contribuer à la « mauvaise réputation » du Second Empire. Napoléon III (« féroce ») est montré avec un corps de vautour. La princesse Mathilde (« impudique ») est représentée en truie.

Pendant la Commune, la caricatu re prolifère : feuilles volantes, chansons, jeux. Ce sont des supports moins contraignants que le cadre fixe des journaux satiriques qui sont très rares dans ce contexte. Des feuilles volantes peuvent être tirées à 50 000 exemplaires.

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse Cette loi remplace plus de 300 articles dispersés dans 42 textes, accumulés tout au long du XIXe siècle ! Les délits de presse tel l’outrage aux mœurs sont très rares et peu sanctionnés. Un dessinateur peut passer en jugement, mais « après » la publication (pas de censure préalable).

Il s’ensuit une belle époque de la presse satirique qui durera jusqu’en 1914. La caricature est omniprésente, quel que soit le type de journal (satirique ou non). La presse satirique française est une référence pour toute l’E urope. On dénombre 28 revues satiriques en 1899.

Les années 1880-1900 sont marquées par des scandales. Les caricaturistes dénoncent les manœuvres des hommes politiques. On vise soit des « groupes » (Juifs, francs-maçons, « cosmopolites ») soit des personnalités.

Les amis du général Boulanger le poussent à tenter un coup d’État contre la République (1889). Le scandale de Panama éclabousse la presse et les députés, « achetés » pour cacher une faillite lors du creusement du canal (1892). L’affaire Dreyfus déchire la France de 1894 à 1906 : Paul Déroulède défend « l’honneur de l’armée » face à la trahison du « Juif » Dreyfus tandis que Clemenceau et la Ligue des droits de l’homme réclament la révision du procès. La presse se déchaîne avec une violence graphique parfois inouïe.

14 ANONYME Le fils du Père Duchêne illustré. Les guignols politiques. 17 floréal an 79 (7 mai 1871). En février 1871, les parisiens refusent la capitulation devant les Prussiens. Ils se sentent incompris par une Assemblée monarchiste et sont gagnés par des idées d’extrême gauche. En mai, Thiers réprime la Commune de dans le sang. On voit ici la Commune qui bastonne Thiers. Il tient une caisse marquée « Cayenne » : c’est le bagne où étaient envoyés, notamment, les opposants politiques.

P. DOUS Y’ NELL 17 février 1898 – MUS - Musée d’Histoire Urbaine et Sociale de Suresnes Émile Zola a pris parti pour le Capitaine Dreyfus. Les anti-dreyfusards en font leur tête de turc.

15 Première Guerre mondiale

La caricature nationaliste haineuse est à son apogée, notamment dans Le Rire rouge. Même des journaux grivois tels que Le Pêle-Mêle, La Vie parisienne, Fantasio sont germanophobes. On réutilise les clichés des années 1870-1890 : l’Allemand est pillard et glouton. Mais on ne ridiculise pas les Poilus. Le premier numéro du Canard enchaîné paraît le 10 septembre 1915. C’est le plus ancien journal satirique français paraissant encore aujourd’hui. Il s’attaque à la guerre, à la censure, aux politiques, aux curés, mais doit ruser constamment avec la censure (notamment pour que les Poilus sur le front ne le lisent pas). 1919-1939 Crises politiques et scandales financiers reviennent. Le dessin de presse renoue avec la virulence « d’avant 1914 ».

Une nouvelle génération de caricaturistes Les dessins publiés sont petits, épurés, en noir et blanc. Généralement, le caricaturiste n’est plus un peintre formé aux Beaux-Arts : il est avant tout journaliste. En 1920, Gassier (socialiste) dessine le président Alexandre Millerand devant des tableaux représentant les quatre premiers présidents : Thiers, Mac Mahon, Grévy, Sadi Carnot. Quelle dérision… Les trois premiers présidents ont été contraints à la démission et le dernier assassiné. Quelques années plus tard, la caricature « de gauche » s’illustrera avec Jean Effel et Raoul Cabrol. Mais l’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches (1924) relance le dessin de droite. Sennep représente le Cartel sous forme de trinité hindoue. On voit Herriot avec sa pipe, Blum avec ses lorgnons et le ministre Renaudel qui est un vulgaire derrièr e. Ils brandissent des feuilles d’impôts.

Des scandales (telle l’affaire Stavisky qui avait convaincu de malhonnêteté des députés) attisent l’antiparlementarisme. En 1934, les anciens combattants et L’Action Française (royaliste) de Charles Maurras manifestent devant la Chambre des députés. On crie : « À bas les voleurs ! »… Dans Candide, Sennep représente Edouard Daladier (président du Conseil) com me un coq juché sur le Palais Bourbon, transformé en un tas de fumier.

Les régimes totalitaires sont personnifiés : on dessine la mèche d’Hitler et la moustache de Staline. Hitler est représenté par Jean Effel comme un peintre en bâtiment, badigeonnant de brun les pays d’Europe. La droite pense que le communisme manœuvre la gauche française. En 1936, Marcel Cachin (PCF), Edouard Herriot (Parti rad ical) et Léon Blum (SFIO) sont montrés comme des pantins articulés par Staline.

16 1 En haut de l’image : quel animal est placé au-dessus des militaires allemands ?

2 En bas de l’image : au-dessus de quel animal les Français dansent-ils ?

CIP En Allemagne : « L’Allemagne au-dessus de tout ». En France : « La France au-dessous de nous ! » Gravure Le Pèlerin, 6 novembre 1927 En haut, Paul von Hindenburg, président du Reich allemand. Le parti nazi comporte déjà 72 000 membres. Dessous : à gauche, Léon Blum. Au milieu, Edouard Herriot. À droite, un leader communiste. Tous trois portent le triangle maçonnique et dansent au-dessus du coq français emprisonné.

PHIL Visitez Paris pour la grande saison L’Espoir français, le 19 juin 1936 Une caricature du Front Populaire élu en mai 1936. Cette « une » présente un Paris ruiné par la gauche. L’Assemblée nationale est assimilée à une guignolade. En bas : Léon Blum (poing levé), à côté de Maurice Thorez.

17 La Seconde Guerre mondiale.

Les Allemands contrôlent tout, la censure est réintroduite. Les caricatures antisémites, antibolcheviques, anti franc- maçonnerie inondent les publications collaborationnistes. Gringoire publie en 1940 un dessin où on voit le maréchal Pétain balayer les marches du Parlement. Il « éjecte » tous les symboles qui représentent « l’anti-France » : faucille et marteau des communistes, équerre des francs-maçons, souvenirs de scandales, grèves de 1936. La IIIème République est considérée comme une « gueuse » corrompue. Dans Je suis partout, en 1942, Ralph Soupault dessine l’Archevêque de Lyon protégeant un Juif assis sur des sacs de monnaie. On montre aussi de Gaulle à Londres : assis à son bureau, il est entouré de financiers juifs aux ordres de Churchill. Après-guerre, la tradition du dessin d’extrême droite ne disparaitra pas (Pierre Pinatel dans Minute, Chard dans Rivarol).

SIGNATURE ILLISIBLE - C’est celui là ! qu’il te faudra bientôt lire ! Staline qui promet à Hitler son châtiment. - Petiot !! peuh !!. un petit garçon… !!! Pour Hitler, le docteur Petiot n’est qu’un « amateur ». Petiot est un faux passeur qui promettait à des Juifs fuyant le nazisme de les emmener en Argentine. Il les attirait chez lui, leur injectait une dose mortelle de poison puis les brûlait. Il est jugé en 1944 pour 27 assassinats alors qu’il en revendique 63. Il est guillotiné en 1946.

18 ANDRÉ-RENÉ CHARLET Les Émigrés Je suis partout (21 juillet 1941) Une charge contre les Juifs installés en Amérique et le Général de Gaulle réfugié à Londres pour organiser la Résistance. À gauche, de Gaulle est représenté entouré de financiers juifs aux ordres de Churchill. Il est montré comme l’otage de puissances occultes qui constituent « l’anti-France ».

19 1944-1970

La Libération marque le retour de dessinateurs de gauche, tel Jean Effel. Dans France-Soir du 30 décembre 1944, il montre la Tour Eiffel prête à sauter au cou d’un général de Gaulle aussi grand qu’elle. Dans les années 50, les dessinateurs caricaturent principalement les débats à l’Assemblée nationale. Mais le passage à la Vème République (1958) concentre les caricatures sur de Gaulle.

Tim (L’Express), Siné (L’Express, puis Siné Massacre), Effel attaquent sa politique algérienne. À droite, Le Figaro publie Sennep puis, dès 1967, Faizant (dont le conservatisme politique est assumé et marqué par son admiration pour de Gaulle).

Siné réintroduit dans le dessin politique une violence qui n’a rien de commun avec les compositions élégantes de Sennep et celles, poétiques, d’Effel. L ’esprit contestataire des années 60-70 suscite un durcissement du dessin politique.

L’Enragé, qui paraît de mai à novembre 1968, rassemble des dessinateurs venus d’autres journaux : Siné, Reiser, Cabu, Topor, Wolinski, Willem. Le général de Gaulle est la cible principale : on l’accuse d’être un autocrate. Jean Effel, déjà, dans L’Express du 30 janvier 1964 suggérait que de Gaulle muselait l’information : « Veuillez, messieurs les journalistes, fournir vos questions à mes réponses » déclare-t-il lors d’une conférence de presse. Le Canard enchaîné est dans la même veine. Moisan met en scène de Gaulle et ses successeurs dans des situations façon « Louis XIV ». Valery Giscard d’Estaing sera du « pain béni » pour les caricaturistes (Pinatel, Moisan), car son image est contradictoire : il se veut « peuple » (joua nt de l’accordéon) tout en tenant à un protocole suranné.

À la mort de de Gaulle (novembre 1970), Jacques Faizant dessine dans Le Figaro un chêne déraciné sur lequel pleure Marianne. Hara Kiri, par contre, rédige une « une » insolente. La cassure est définitive entre la caricature issue de l’après- guerre et l’insolence contestataire des années 60.

20 CORAL Années 1970 François Mitterrand en petite fille devant un imposant Georges Marchais manipulé par Moscou.

21 Années 1980

Dans les années 1980, la caricature investit la voix télévisuelle : Le Bébête show (TF1, 1982 - 1995) puis Les Guignols de l’info (canal + depuis 1988). Dans Le Bébête show, les marionnettes « animalières » s’inspirent des ménageries caricaturales du XIXème siècle, à la manière de Grandville ou Hadol. François Mitterrand est une grenouille ; Jacques Chirac un aigle ; Jean-Marie Le Pen est représenté avec une tête de bouledogue. Leurs propos stupides traduisent les rivalités politiques. Les Guignols de l’info oublient « l’animalerie » au profit du « réalisme ». Les coulisses de la vie politique sont montrées en même temps que le « vrai » journal de 20 heures.

CABU Après le crime d’Althusser…Mitterrand a peur ! Charlie Hebdo (26 Novembre 1980) © V. Cabut En novembre 1980, Louis Althusser (philosophe et membre réformateur du Parti communiste) étrangle sa femme pendant une crise de démence. Charlie court-circuite deux évènements : Althusser est ici remplacé par Georges Marchais, étranglant François Mitterrand. Dans un climat de campagne présidentielle, Marchais contestait Mitterrand, prétendant qu’il ferait une politique de droite s’il était élu président.

22 23 (1960-1970) : l’histoire du dessin de presse est bouleversée

Le journal, fondé par Cavanna et le en 1960, est en décalage avec la morale de l’époque. D’abord en noir et blanc, constitué de textes et de dessins, le journal s’ouvre à la couleur et à la photographie (qui parodie la publicité et les romans photos). Hara-Kiri est soutenu à la télévision et à la radio par deux « fans » : Jean-Christophe Averty et Francis Blanche. Cavanna manage l’équipe mais chaque journaliste est absolument libre. Hara-Kiri, « bête et méchant », démolit la presse traditionnelle française. Tout est considéré comme sujet d’humour (même le plus tragique). Cet humour, brutal, dérisoire, est déconnecté de l’actualité. Hara-Kiri n’a pas d’étiquette politique et ne commente pas les « événements ». Mais il « massacre » l’ensemble de la société gaullienne : l’Église, l’armée, la police (comme le faisait soixante ans plus tôt L’Assiette au beurre.) Mais aussi la société de consommation, la publicité, les icônes de la télévision et du sport. Graphiquement, Roland Topor est l’héritier d’Honoré Daumier et des surréalistes. Wolinski est influencé par Albert Dubout. Il existe des correspondances entre le trait de Reiser et celui de Sempé. Mais Cavanna évoque un « genre maison », qui n’est pas de la bande dessinée, mais quelque chose de beaucoup plus enlevé : un entremêlement entre textes et dessins, donnant une impression d’inachevé, de brouillon.

1970-1981 En novembre 1970, Hara-Kiri est interdit suite à une couverture évoquant la mort du général de Gaulle. Il est relancé sous un autre titre : Charlie Hebdo, avec la même équipe. Le journal soutient les causes écologique, antimilitariste, antiraciste. En 1981, Charlie Hebdo sert de journal officiel à la candidature de Coluche. Mais la ligne éditoriale évolue vers un humour plus vulgaire. Endetté, insuffisamment renouvelé, Charlie dépose le bilan fin 1981.

1992-2015 En 1992, Charlie est relancé par , Gébé, Cabu, Wolinski et . On retrouve les signatures vedettes des années 70 (Cavanna, Delfeil de Ton, Siné, Willem…). La maquette est la même. Parmi les nouveaux, venus : Charb, , Tignous. « L’esprit Charlie » demeure : rire de tout. Parmi ses cibles : les militaires, les religieux intégristes, le libéralisme économique, l’extrême droite. La nouvelle version du journal est alors plus marquée à l’extrême gauche que la précédente. La rédaction connaît des divergences, l’autorité de Philippe Val est contestée, mais une diversité d’opinions s’exprime (notamment lors du référendum sur la constitution européenne en 2005). Charlie se définit comme athée et anticlérical, mais la religion ne constitue que 7% de ses unes. Le journal a été accusé par certains d’islamophobie mais, de 2005 à 2015, l’ a été moqué par sept « unes » alors que le catholicisme l’a été par 21.

24 CABU Numéro 1000 : le journal qui enterre les présidents Charlie Hebdo (17 août 2011) © V. Cabut Pour sa millième édition, Charlie choisit de représenter les présidents en gisants. Mitterrand est mort, Chirac est vivant mais particulièrement fatigué et Sarkozy, assis, est… sonné.

Que signifie le titre « le journal qui enterre les présidents » ? r 1 Que Charlie Hebdo « tue » les présidents r 2 Que le journal survit alors que les présidents meurent r 3 Que les lecteurs sont invités à l’enterrement des présidents

25 CABU 3 ans de Sarkozy. Du Fouquet’s à Camping 2. Charlie Hebdo (5 mai 2010) © V. Cabut A l’occasion de la sortie du film Camping 2, Cabu associe les politiques à des vacanciers. De gauche à droite : Martine Aubry qui tient François Hollande dans un couffin, Dominique Strauss-Kahn, Cécile Duflot, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, Marine Le Pen, François Bayrou.

26 2015 : après l’attentat, soutenu par ceux qui le pourfendaient.

L’attentat perpétré contre Charlie le 7 janvier 2015 tue 8 membres de la rédaction, dont Cabu, Charb, Tignous, Honoré, Wolinski. Le 11 janvier, plus d’un million et demi de personnes et 44 chefs d’État et de gouvernement défilent à Paris pour une « marche républicaine ». Or, plusieurs journalistes de Charlie constatent que ces soutiens sont contraires à l’esprit du journal. Gérard Biard (rédacteur en chef) s’étonne que les cloches de Notre-Dame sonnent pour Charlie. (qui écrit sur le thème des religions) aurait voulu que les morts soient soutenus de leur vivant. Luz est content que le journal soit soutenu mais pointe un contresens. Cette unanimité sert aux hommes politiques de tous bords pour rassembler la Nation. Mais les dessinateurs assassinés n’auraient pas apprécié. Charlie, justement, détruisait les symboles…

27 OUVRAGES CONSULTÉS

Caricaturesque, la caricature en France, toute une histoire…, par Bertrand Tillier, éditions de la Martinière, 2016

Petite histoire de la caricature de presse en 40 images, par Dominique Moncond’huy, Folioplus classiques, 2015

Histoire de France par la caricature, par Annie Duprat, Larousse, 1999

Malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé les ayants droit de certains illustrateurs.

Septembre 2017 Créa’3P - 08 2017 Créa’3P

2 p.25 / coq un aigle, un p.17 / D1 C2, B4, A3, p.12 / argent Leur p.11 / sang. de fleuve un C’est conquérant. Violent, p.8 / XVI Louis 3.

1. Il joue du violon, les fesses à l’air assis comme sur des toilettes. 2. Les pendus symbolisent l’Eglise (évêque, prêtres) prêtres) (évêque, l’Eglise symbolisent pendus Les 2. toilettes. des sur comme assis l’air à fesses les violon, du joue Il 1. 7 p. / C1 B3, A2, p.6

Tête : âne, peau : poisson, pied droit : bouc, pied gauche : poule ou autre volaille, bras droit : éléphant, queue : coq : queue éléphant, : droit bras volaille, autre ou poule : gauche pied bouc, : droit pied poisson, : peau âne, : Tête 5 p. RÉPONSES : : RÉPONSES