Les Algonquins De La Rivière Dumoine Au Xixe Siècle
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Document généré le 27 sept. 2021 02:17 Recherches amérindiennes au Québec e Les Algonquins de la rivière Dumoine au xix siècle The Algonquins of Dumoine River during the nineteenth century Los Algonquinos del río Dumoine en el siglo XIX Serge Goudreau Identités, savoirs, archéologie… Résumé de l'article Volume 45, numéro 2-3, 2015 Cet article s’intéresse à l’existence d’une bande autochtone, celle de la rivière Dumoine, sommairement décrite dans la production anthropologique de Frank URI : https://id.erudit.org/iderudit/1038037ar G. Speck en 1915. Au moment de son enquête de terrain, Speck signale que la e DOI : https://doi.org/10.7202/1038037ar bande de la rivière Dumoine s’est désintégrée à la fin du xix siècle et que ses membres se sont vraisemblablement joints aux autochtones de la rivière Aller au sommaire du numéro Coulonge. L’objet de la présente recherche est d’identifier les familles de la rivière Dumoine et de démontrer leur continuité de fréquentation sur le territoire outaouais. Dans le cadre de cette démonstration, les données de tradition orale collectées par Speck sont confrontées à des sources d’archives à Éditeur(s) caractère démographique, aux registres d’état civil et aux recensements Recherches amérindiennes au Québec nominatifs de la région outaouaise. ISSN 0318-4137 (imprimé) 1923-5151 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article e Goudreau, S. (2015). Les Algonquins de la rivière Dumoine au xix siècle. Recherches amérindiennes au Québec, 45(2-3), 3–14. https://doi.org/10.7202/1038037ar Tous droits réservés © Recherches amérindiennes au Québec, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Les Algonquins de la rivière Dumoine au XIXe siècle Serge A PRODUCTION ANTHROPOLOGIQUE de la rivière Dumoine signalées par Speck Goudreau Frank G. Speck (1881-1950) a eu en 1915 et de démontrer la continuité conseiller en L un impact considérable sur l’étude de leur fréquentation sur le territoire histoire des groupes autochtones du nord-est outaouais. Les familles autochtones autochtone, de l’Amérique du Nord. Ses concepts de la rivière Dumoine se sont-elles ministère de relatifs aux territoires de chasse fami- maintenues dans la région pendant l’Énergie et des liaux demeurent une thématique qui a plusieurs décennies ? Se sont-elles Ressources soulevé des échanges passionnés. intégrées à la bande du bassin du lac naturelles (MERN) Dès 1915, Speck publie un mémoire Kipawa ou à celle de Fort William sur ainsi qu’un article sur sa repré sen- la rivière des Outaouais lors de la tation des territoires de chasse autoch- désintégration de la bande vers 1870 ? tone. Dans son mémoire, il aborde plus Dans le cadre de cette démonstration, spécifiquement cette question chez les données de tradition orale extraites les bandes autochtones de la rivière de l’étude de Speck sont confrontées à des Outaouais, notamment dans le des sources d’archives démo gra phi- secteur de Timiskaming. Il consacre ques : les registres d’état civil et les également quelques pages aux bandes recensements nominatifs de la région de la rivière Dumoine et de Kipawa outaouaise pour la seconde moitié du tout en admettant qu’il possède peu XIXe siècle. Ces sources documentaires d’informations sur celles-ci. Au moment paraissent d’une grande utilité pour de son enquête de terrain, il signale compléter les éléments de la tradition que la bande de la rivière Dumoine orale recueillie par Speck. s’est désintégrée et que ses membres se sont vraisemblablement joints aux LA NOTION DE BANDE AUTOCHTONE autochtones de la rivière Coulonge, La famille nucléaire ou élargie associés au poste de traite de Fort est à la base de l’organisation sociale William sur la rivière des Outaouais. des Algonquiens et de la formation des Speck fournit certaines informations groupes de chasse familiaux. Le groupe sur les familles de la rivière Dumoine de chasse passe une bonne partie de et il dresse une carte distribuant l’année sur ce que la littérature anthropo- celles-ci sur le territoire (Speck 1915 : logique appelle le territoire de chasse. La 2-3, 2015 OS 9-10) (carte 1). présence de ces territoires de chasse , N V L’objet de la présente recherche est familiaux est attestée chez les Algonquins depuis au moins la deuxième moitié du . XL d’identifier les familles de la bande de XVIIIe Vol siècle (Inksetter 2015 : 107). Dans 3 RECHERCHES AMÉRINDIENNES AU QUÉBEC, XLV, NOS 2-3, 2015 « bandes de poste de traite ». Leurs membres partagent un même dialecte et d’autres traits culturels communs. Au mitan du XIXe siècle, le système des bandes de poste de traite est bien établi en Outaouais. Le poste de traite pouvait réunir quelques bandes locales ou régionales (Frenette 1993 : 297). Selon Speck, les membres de la bande de la rivière Dumoine étaient rattachés au poste de traite de Fort William sur la rivière des Outaouais, tout comme l’étaient les bandes de la rivière Coulonge, de la Noire et de la Petawawa. Le poste de traite de Fort William regroupe alors plusieurs bandes locales au XIXe siècle. LE POSTE DE TRAITE DE FORT WIllIAM (1823-1869) [CARTE 2] Lors de sa fusion avec la North West Company (1821), la Hudson’s Bay Company (HBC) devient proprié- taire de trois postes de traite sur la rivière des Outaouais, ceux du lac des Deux Montagnes, des Chats et de Fort Coulonge (Anick 1976 : 154). Malgré la fusion des deux compagnies rivales, l’Outaouais devient le royaume des commerçants indépendants qui dési- rent prendre le contrôle de la rivière Carte 1 par l’implantation de petits postes de Détail de la carte de Frank G. Speck intitulée « Hunting territories of the Timagami, Timiskaming, traite dans des endroits stratégiques. Kipawa and Dumoine Indian Bands », in Speck 1915. À la fin de 1823, Aeneas MacDonell, un ancien employé de la HBC, s’ins- ses études anthropologiques, Speck cherche à démontrer que talle sur le lac des Allumettes, en les bandes autochtones ont acquis des connaissances bien amont du poste de traite de Fort Coulonge. La HBC ne tarde définies de leur habitat, ce qui leur permet d’en revendiquer pas à intervenir en dépêchant sur les lieux l’un de ses l’usufruit. Il est essentiel pour les autochtones d’exercer un commis, John McLean, qui y construit une hutte devant contrôle sur l’exploi tation des ressources animales s’ils veulent servir d’avant-poste de traite (Lapointe 1976 : 45). La HBC conserver la possibilité physique de survivre sur ce territoire finit par s’implanter sur le site du lac des Allumettes en y (Deschênes 1981 : 210-211). construisant des bâtiments dignes de ce nom. En 1845, le La bande locale, qui est généralement associée à un gouverneur George Simpson autorise la construction de la bassin versant de rivière, fréquente un territoire relative- maison du Bourgeois. Le poste du lac des Allumettes ment bien défini dans l’espace. Les groupes de chasse fami- devient le lieu de résidence d’Hector McKenzie, principal liaux se reconnaissent des privilèges sur des territoires de administrateur de la HBC sur cette partie de l’Outaouais. chasse hérités de façon patrilinéaire. En période estivale, les Les Algonquins et leurs missionnaires fréquentent assidû- membres de la bande se réunissent au même endroit pour y ment le poste de traite, et la HBC y construit une chapelle commercer. Avec le développement du commerce des four- en 1857 pour favoriser la desserte des missionnaires. Le poste rures, des bandes locales se réunissent régulièrement aux de traite de Fort William est finalement vendu en 1869 à postes de traite et finissent par y être identifiées. Certains James McCool qui continue d’y exploiter un magasin anthropologues, et plus particulièrement Leacock et général et un bureau de poste (Lapointe 1991 : 524-526). Rogers, ont qualifié ces regroupements sous le nom de 4 RECHERCHES AMÉRINDIENNES AU QUÉBEC, XLV, NOS 2-3, 2015 Carte 2 Les bassins versants septentrionaux de la rivière des Outaouais LES VISITES MISSIONNAIRES AU FORT WILLIAM responsable de la mission du lac des Deux Montagnes (1836-1888) (Riopel 1991 : 7). Le journal de voyage de l’abbé de En 1836, l’Évêque de Montréal, Mgr Lartigue, confie Bellefeuille permet de suivre les péripéties de cette première l’évangélisation des Algonquins, dispersés sur les rives de mission sur l’Outaouais supérieur. Le 3 juillet 1836, les mis- l’Outaouais, à l’abbé Charles de Bellefeuille, sulpicien d’Oka, sionnaires atteignent le poste de Fort William, communément 5 RECHERCHES AMÉRINDIENNES AU QUÉBEC, XLV, NOS 2-3, 2015 connu sous le nom du fort des Petites Allumettes. Lors de des réparations à leur canot. Ils profitent de ce laps de temps leur arrivée, les « Sauvages infidèles » se tiennent groupés pour instruire quelques autochtones, y baptiser six enfants près des maisons et des hangars sans oser s’avancer sur le tout en confessant un jeune sérieusement malade. Arrivés à rivage. Une messe est célébrée en leur présence, et deux la Roche Capitaine, ils y trouvent quatre ou cinq familles du jeunes guides du lac des Deux Montagnes y chantent des lac des Deux Montagnes qui se sont fixées à cet endroit pour cantiques.