JOUDREVILLE : son club de BASKET ASNE

Par Daniel BORACE

Joudreville est une cité minière (mine de ) du nord de la Meurthe et Moselle, distante d’une quinzaine de kilomètres de Briey. Les ouvriers de la cité, pour la plupart des immigrés italiens et polonais qui présentaient de par leur condition physique (indispensable à leur travail) et leur gabarit, des éléments précieux pour n’importe quelle équipe sportive. Le sport amorcé dans les centres d’apprentissage ne tarde pas à s’imposer dans la région : Si le football était roi à Piennes, le basket introduit en Lorraine par Pichon (qui créa l’U.S. Auboué en 1936) et André Tondeur, ne tarda pas à avoir des adeptes à Joudreville, surtout sous l’influence de messieurs Streiff et Chabidon du centre d’apprentissage de la mine de Piennes. Un peu avant la guerre fut décidée la création d’un club directement dépendant de la mine qui lui fournit un terrain (celui du centre). C’est en 1938 que fut créée l’Association Sportive du Nord- 1 Est (nom donné aux cités de la mine de Piennes qui exploite pour le compte des forges du Nord et de l’Est. Inscrite d’entrée aux championnats de Lorraine, elle y tiendra une place assez effacée jusqu’en 1954 où son nom apparaît au palmarès du championnat de Lorraine excellence. Ce titre lui permet d’accéder au championnat de honneur (actuel Fédéral II. Entre temps elle remporte la coupe de Lorraine en 1952. Vainqueur de sa poule en 1957, elle dispute la phase finale du championnat de France honneur. Nettement vainqueur de Domène à Autun en demi- finale, les « verts et blancs » doivent s’incliner en finale à Mézières-Charleville contre les Ménil- montagnards. L’année suivante, en championnat de France. L’A.S.N.E a du mal à tenir le contact et les premières années, elle joue surtout le maintien. Pourtant au bout de 4 années assez pénibles, elle commence à jouer la première place dans ce championnat. (4ème de sa poule en 1960-1961, 2° en 1961-1962 et 1962-1963), elle manque d’un rien le droit de disputer la phase finale. Elle se qualifiera à cette dernière l’année suivante (1963- 1964) mais devra s’incliner d’un tout petit point d’écart devant les futurs champions : le J.S.A.Vichy, en demi-finale à Audincourt. Cette saison, Joudreville a opéré en division nationale 1. Dès le début, un manque de chance évident s’acharna sur elle et ce, malgré une défense courageuse, les résultats ne traduisirent pas exactement la valeur de l’équipe. Rares sont en effet les matches qu’elle arriva à enlever. Par contre, l’écart minime de points concédés par défaite est plus éloquent (5 points devant Caen, le leader incontesté et longtemps invaincu ; 3 points devant Antibes son second ; 4 points devant Limoges ; 1 point devant l’A.S.P.G Tours ; 1 point devant Graffenstaden (à Strasbourg) également second ; 2 points devant le S.A. Lyon. L’équipe qui ne comptait que sur les matches à domicile étant dans l’impossibilité de se déplacer au complet se démoralisa peu à peu. Le seul

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déplacement avec l’équipe complète fut celui de Graffenstaden. Résignée déjà avant la fin des matches retour à réintégrer le rang inférieur, ce fut au contraire la nouvelle réforme qui la fit gravir encore un échelon dans la hiérarchie du basket, lui permettant ainsi d’arriver au dernier stade de la compétition. Mais les dirigeants ne se montent pas la tête pour autant. Nous verrons en temps voulu, en quoi consiste cette réforme et les difficultés du club de Joudreville parmi l’élite nationale du basket. Il faut toutefois souligner que jamais le club n’a été ennuyé pour une question d’installations sportives. Dès sa création, il disposa d’un terrain de bonne qualité et bénéficia par la suite d’une des premières salles du pays haut, construite gracieusement par la direction de la mine à son intention. Il ne faut tout de même pas croire que les joueurs étaient des « petits gâtes » n’ayant qu’à faire un geste pour obtenir selon leurs désirs. La mine était consciente du besoin d’installation, cela lui permettait d’allonger sa liste de frais généraux mais elle ne tenait pas, toutefois, pas à gaspiller son argent. C’est ainsi que les joueurs entretenaient eux-mêmes leur salle (balayage, peintures) et ce sont eux-mêmes qui ont posé le parquet de chêne (d’une excellente qualité). En outre, l’A.S.N.E possède une section natation avec la jouissance d’une piscine assez spacieuse (ce qui est assez rare dans la région). Après cette présentation rapide, il serait surtout intéressant de se pencher sur tous les problèmes que le club doit surmonter pour survivre et ils ne sont pas des moindres. Le premier de ces problèmes est celui du recrutement et de la formation des joueurs, sans lesquels on ne pourrait pas concevoir une équipe.

2 LE RECRUTEMENT DE L’EFFECTIF DU CLUB

L’A.S.N.E, depuis qu’elle opère en championnat de France et surtout, depuis son accession à la Nationale II, s’est heurtée à des problèmes d’effectif qu’elle a jusqu’ici, résolus avec plus ou moins de bonheur. Ce n’est pas en quantité mais en qualité que les éléments devant former l’équipe première se sont raréfiés. Cette carence s’est accentuée au fur et à mesure que la valeur du championnat s’élevait dans l’échelle nationale. Le recrutement des joueurs est uniquement local et c’est là l’origine des soucis de l’équipe. Voici la composition de l’équipe qui arracha sa qualification en nationale II en battant Thumeries et Championnet au panier « average » pour la première place :

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Wronko César, capitaine – profession mineur., 31 ans Ham Richard, 22 ans, travaille à la mine Rog Léon, 24 ans, mineur ; Kosina Joseph, 30 ans, ouvrier au service des eaux de Piennes ; Campos René, 25 ans, mineur ; Stanisière Roland, 29 ans, porion mineur ; Wenglarz Georges, 26 ans, mineur. Cette équipe, à quelques éléments près (Stanisière venu à Joudreville en 1962 seulement et deux ou trois plus anciens qui ont décroché ; Chotte manager, Sakala sélectionné de Lorraine, Boémo, un excellent joueur ayant changé de discipline sportive….) est celle qui a gagné sa place en championnat de France. De l’examen de sa composition, deux remarques viennent immédiatement à l’esprit. La moyenne d’âge de l’équipe est assez élevée et à part l’un d’entre eux, tous les joueurs travaillent à la mine. Bien que cela ne paraisse pas évident, ces deux éléments sont étroitement imbriqués l’un dans l’autre et pour comprendre cet état de fait, il faut se pencher sur le point de départ de la formation des basketteurs de Joudreville. Les jeunes de la cité, désireux d’être embauchés, étaient admis dans un centre d’apprentissage dépendant directement de la mine où ils recevaient les connaissances nécessaires pour leur 3 permettre de passer un C.A.P. dans la branche qu’ils avaient choisie (ajusteur, électricien, tourneur mais dans la plupart des cas mineur. Le dur métier de mineur nécessite une condition physique à toute épreuve et l’éducation physique au centre était une des matières les plus importantes. D’après monsieur Chabidon, responsable de cette spécialité au centre de la mine de Piennes, l’emploi du temps comportait régulièrement deux heures d’éducation physique par jour. Ce qui revient à dire que 12 heures par semaine, les apprentis qui étaient engagés dans ces championnats inter-centre avaient le loisir de s’entraîner à toutes les disciplines athlétiques et sportives, sous l’influence de son moniteur, le centre de la mine de Piennes se spécialisa dans le basket. C’est là que les joueurs apprirent l’A.B.C de ce sport d’équipe qu’ils avaient déjà d’ailleurs pratiqué à l’école primaire. La formation technique individuelle était quasi complète après les 4 années passées au centre par les apprentis. Il ne leur restait plus le soir à l’entrainement de basket, sous la direction bénévole du même moniteur, qu’à travailler leur adresse et le jeu collectif. Le centre d’apprentissage :

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Ce système n’était pas particulier. Au centre voisin de La Mourière, la spécialisation était le football et c’est dans ce centre que des joueurs comme Roger Piantoni, Thadée Cisowski, Zaetta, René Domagala ont commencé à travailler le football avant de faire les beaux jours de l’E.S Piennes, puis des grandes équipes professionnelles et enfin de l’équipe de France.

Or c’est là que le bât blesse, depuis quelques années une grave crise a atteint le bassin minier lorrain. La mine a commencé par ne plus embaucher ses apprentis, puis les centres ont été dissous dans chaque mine et regroupés en un centre plus important qui forme les jeunes au C.A.P., sans pour cela leur fournir un emploi sur place. Le centre de Joudreville fut donc déplacé dans une localité voisine où une place beaucoup moins importante fut laissée au basket et à l’éducation physique en général (4 heures par semaine). Le club se vit obligé de former lui-même ses joueurs, or, sans entraîneur c’était un problème épineux. C’est ce que dit monsieur Chabidon lors d’une entrevue en février 1968 : « Ce qui nous a fait le plus de mal, c’est la disparition du centre d’apprentissage. Les gars qui y restaient 4 ans consécutifs n’avaient pratiquement plus rien à apprendre et il ne leur restait plus qu’à maintenir leur condition. Je m’étais moi-même chargé de leur entrainement mais au fur et à mesure que l’équipe montait dans la hiérarchie du championnat, les conseils étaient de plus en plus dépassés. De plus, le nouveau travail qui me fut confié à la fermeture du centre me laissait moins de loisirs et je me résolus finalement de délaisser l’équipe première au profit des jeunes. Mais depuis que le centre a disparu, aucun jeune n’a eu sa place en 1ère (les derniers formés étant Ham et Rog), à part Cenni qui a été essayé cette saison et qui doit devenir titulaire à part entière » 4 Donc depuis lors, un seul nouveau joueur a fait son apparition dans l’équipe fanion, si l’on ne tient pas compte de la venue de Stanisière de l’ A.S. Joeuf, la solution d’un recrutement extérieur a été envisagée mais elle n’a rien donné. Pendant la saison 1959-60, le joueur de , Helle qui s’était immédiatement imposé par son sens du panier, avait signé à l’A.S.N.E mais n’ayant pas trouvé d’embauche sur place, dut retourner dans son club d’origine. Ce n’était en effet pas une solution de faire déplacer une voiture tous les dimanches pour aller chercher un joueur (80 km de là), n’ayant même pas la possibilité de s’entraîner avec ses partenaires. Pour la même raison, le club dut renoncer aux services de l’excellent Leclerc (sélectionné de Lorraine) n’eut aucune peine d’émigrer à Sochaux où on lui offrait un emploi.

De cette même saison, pour avoir l’effectif règlementaire de 10 joueurs, il fut fait appel au joueur de (Zielkowski) qui, bien qu’habitant une localité très proche ne fit même pas la moitié de la saison avant de renoncer à se déplacer continuellement. La seule recrue qui eut la chance de trouver un emploi à la mine (en remplacement d’un porion retraité) fut Stanisière. C’était une excellente affaire pour Joudreville qui trouvait là un entraineur joueur de grande valeur, le jeu d’équipe en fut bien amélioré, il faut dire que le grand jouait sur du velours en entrainant ses anciens adversaires qui avaient déjà huit ans de championnat de France derrière eux. Les résultats le prouvèrent sans attendre (3° du championnat fédéral I en 61-62 ; 2° en 62-63.

L’année suivante fut à nouveau pénible, Stanisière, pour des raisons familiales devant renoncer à son rôle d’entraineur et à jouer des matches à l’extérieur. Toutefois, c’est cette année là (63-64) que Joudreville arracha la première place sur sa vieille connaissance Thumeries

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et sur Championnet bien que l’ayant moins mérité que les deux années précédentes. C’était déjà une équipe affaiblie qui emporta ce championnat. L’âge commençait à se faire sentir chez les joueurs. C’est une équipe encore plus amoindrie (défection de Campos) qui disputa le championnat de Nationale II et qui se voit, par la force du nouveau règlement catapultée en Nationale I pour la saison prochaine. Paradoxalement, plus l’équipe s’affaiblit, plus le niveau où elle opère s’élève et la relève ne suit toujours pas la trace de ses aînés. Le fossé creusé entre l’équipe fanion et les équipe de jeunes, ne semble pas pouvoir être comblé un jour.

LES JEUNES SPORTIFS DE L’A.S.N.E

Avant de parler des jeunes de l’A.S.N.E, je crois qu’il est bon de dire quelques mots sur le capitaine de l’équipe fanion : César Wronko, un extraordinaire meneur d’hommes et également un technicien qui possède le basket à fond.

Magnifique athlète, César domine tous ses équipiers et il est le point de mire et l’exemple de toute la jeunesse de la cité, au moins au même titre que l’équipe elle-même. Ce n’est d’ailleurs pas une réputation usurpée, elle lui valut en 1958, la sélection en équipe de France B.

Une soirée inoubliable pour tous les supporters joudrevillois qui s’étaient déplacés à Metz pour le match contre la Suisse. Lorsqu’à 10 minutes de la fin, la France perdait de 13 points, ils forcèrent en le réclamant à corps et à cris, le manager Buffière à faire entrer en jeu l’équipier de l’A.S.N.E (qui n’avait pas encore joué). Pendant cette période, Wronko, déchaîné, aligna 14 5 points sans que les suisses en rendent un seul à l’équipe de France. Dans la salle c’était le délire et César fut le héros de la fête. Victime de la politique des « géants » du basket, ce fut sa seule sélection, il en eut pourtant mérité d’autres, ne fusse que pour cet exploit. C’est lui qui se chargeait des internationaux des équipes visiteuses qui n’avaient pas la partie facile devant un tel joueur. Ce n’est pas le monceau Baltzer, qui me démentira, lequel ne réussit à mettre qu’un seul panier à Wronko, attaché à ses basques alors que celui-ci lui passa 22 points. Joudreville avait d’ailleurs l’habitude d’infliger dans sa salle, la première défaite du championnat aux grandes équipes, venues passer un an de purgatoire en fédérale I avant de prendre le pas sur la dernière en date ; Championnet. Seules Denain et le stade français échappèrent à cette règle en 8 années

Wronko emmena toujours son équipe avec la même ardeur qu’avant et c’est à lui que Joudreville doit d’avoir bien résisté aux équipes de l’élite nationale.

Merveilleux stimulant pour la jeunesse qu’un tel joueur et qu’une telle équipe, dans une petite cité de 3000 âmes, où le basket se passe pour ainsi dire en famille, en communion intime entre supporters et joueurs. Dès son arrivée à l’école primaire, l’enfant commence à jouer au basket et à disputer le championnat U.S.E.P. que le groupe scolaire remporte assez souvent. Au club, il joue en benjamins. L’A.S.N.E depuis qu’elle a engagé des équipes de cette catégorie a toujours obtenu de bons résultats.

- 1959 champions de Lorraine - 1960 coupes de Lorraine

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- 1961 finaliste du championnat, vainqueur de coupe - 1962 finaliste Meurthe et Moselle - 1963 coupes de Lorraine - 1964 champion Meurthe et Moselle - 1965 toujours qualifié en championnat de Lorraine.

Déjà en minimes, on constate une légère baisse qui s’accentue en cadets mais toutefois rien d’alarmant puisque bien souvent ces équipes remportent le championnat Meurthe nord et participent aux phases finales du championnat ou de la coupe. Ce qui devient alarmant, c’est l’équipe juniors, celle qui devrait fournir les éléments capables de renforcer la « première ». Depuis 1959, une seule équipe a été engagée en championnat, en 1961-1962, encore se fit-elle battre au premier tour de la coupe de France et au premier tour de la coupe de Lorraine, tout en finissant 7ème sur 10 de son championnat.

Que se passe-t-il entre la première équipe de jeunes et la dernière ? Il y a tout d’abord ceux qui se rendent compte que jamais ils ne pourront tenir leur place dans une équipe aussi forte que la première et qui abandonnent, d’autant plus facilement, qu’ils atteignent un âge où l’on aime plus se divertir. D’autres sont éloignés simplement par suite de leurs études, qui ne leur permettent pas de revenir tous les dimanches, sinon sans entrainement. D’autre part, n’ayant pas d’entraineur officiel, l’A.S.N.E, ne peut compter que sur des bénévoles pour leurs jeunes. 6 Rendons leur ici, hommage, c’est une chose admirable que le dévouement pour un sport qu’on aime, mais regrettons tout de même qu’un club opérant parmi les grands du basket français en soit réduit à ceci.

Finalement, les rares jeunes qui ne s’éloignent pas de la région pour leurs études ou pour des raisons professionnelles, atteignent un niveau qui est loin de leur valoir une place en équipe fanion où, reconnaissons le il faut déjà de nombreuses qualités pour pouvoir ne pas être ridicule. Alors qu’Auboué où Pichon et Swiatek conjuguent leurs efforts, la progression est continue jusqu’à la nationale, il se crée à Joudreville un trou entre l’élite et les jeunes, qui a toujours inquiété les dirigeants et qui ne va pas tarder à être l’origine de la chute de cette vaillante équipe.

Il est difficile de faire jouer un junior qui constituerait un handicap pour l’équipe. C’est très rarement que de tels essais sont faits à l’A.S.N.E. Les jeunes ont conscience d’être barrés par Wronko et ses camarades et finissent par se lasser d’attendre et jouer en 2ème équipe. Ainsi les rares qui avaient persévéré, se dégoûtent de voir qu’on essaye d’attirer du renfort valable de l’extérieur sans faire attention à eux. C’est un danger inévitable de la compétition si un élément se présente en n’ayant pas la valeur requise, il doit être délaissé. C’est ce qui se passe à Joudreville où la matière première ne manque pas mais où il n’y a personne pour le façonner ni rien pour le retenir sur place. La plupart des jeunes, en effet, émigrent vers d’autres régions et même en outre-mer, dans des mines de fer plus rentables pour eux. Là le club est victime d’une situation sociale se dégradant. L’emploi de ses joueurs à la mine pose également des problèmes au club.

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LES PROBLEMES QUI SE POSENT AUX JOUEURS

Les joueurs de la première travaillent, comme nous l’avons vu, à la mine. Déjà les complications apparaissent pour libérer tous les joueurs, le jour de l’entrainement. En effet, le travail se fait par postes : 6h à 14h – 14h à 22h – 22h à 6h. Bien souvent les joueurs doivent s’arranger à l’amiable avec d’autres ouvriers pour se retrouver du même poste. En cas d’impossibilité, l’entrainement est coupé en deux : une partie s’entraine le matin et l’autre l’après-midi, ce qui n’arrange pas la cohésion de l’équipe.

Le plus ennuyeux sont les déplacements. L’A.S.N.E a dû, cette année disputer des matches à Antibes, Lyon, Paris, Limoges, Vichy, Tours, le plus proche étant Graffenstaden. Outre le prix de revient élevé de tels voyages, le temps nécessaire à de tels voyages à ces déplacements est gênant pour les titulaires de l’équipe senior. Bien souvent, ils doivent quitter leur famille le samedi dans l’après-midi, voyager en train toute la nuit et revenir aussitôt le match joué pour arriver à l’aube du lundi. Les mineurs, s’ils sont mis au chômage tous les samedis, reprennent leur labeur le lundi. Les basketteurs n‘échappent pas à cette règle et suivant leur poste, certains doivent se rendre à la mine à la descente du car les ramenant de la gare. L’inconvénient sur le plan humain apparaît tout de suite, d’autant plus qu’à présent, la plupart des joueurs sont mariés et chefs de famille. Ce n’est pas une situation idéale que devoir délaisser sa famille pendant son seul jour de congé, sans parler des fatigues entraînées immanquablement par un tel rythme de vie. 7 Pendant la saison, le titulaire de la première de l’A.S.N.E doit sacrifier tous ses loisirs à son sport de prédilection pour pouvoir défendre une place chèrement acquise parmi les 2 meilleurs équipes françaises. C’est une situation peu enviable, surtout lorsque les résultats n’apportent pas la satisfaction escomptées. Constamment sur la brèche, depuis plus de 10 années pour certains, les joueurs aspirent maintenant à un repos mérité, mais sont obligés de persévérer, compte tenu que les éléments de relève n’apparaissent toujours pas. Un homme comme Wronko, toujours indispensable, doit à plus de 30 ans, supporter le poids des matches de plus en plus difficiles et tous les supporters craignent avec hantise le jour où il devra abandonner la compétition officielle.

LES PROBLEMES FINANCIERS DU CLUB

Les déplacements demandent non seulement des sacrifices pour les joueurs mais le budget du club se ressent lourdement face à de telles dépenses.

Le principal soutien financier du club est fourni par la mine (10000 francs par an, en plus des installations sportives). Une autre subvention de 2000 francs, venant de la commune (avec à sa tête Antoine Crociati) et le reste étant assuré par les recettes des matches et les diverses manifestations organisées par l’A.S.N.E (bals, challenges…).

Lors de l’accession à la nationale II, le club se trouve devant un problème. Longtemps il hésite avant d’accepter de tenir sa place. Ce qui le força à cette option, c’est qu’un joueur comme Wronko avait pris la décision d’aller jouer à Auboué (qui espérait depuis longtemps ® Daniel BORACE 2016 Pas de reproduction ou transfert vers un autre site sans l’autorisation préalable de l’auteur SVP, merci!

obtenir sa signature si l’A.S.N.E déclarait forfait pour le nouveau groupe. Le choix se résumait ainsi : soit l’équipe tentait l’aventure de la Nationale II en risquant d’en supporter les conséquences financières désastreuses, soit elle s’inscrivait dans le championnat promotion d’honneur de Lorraine (par suite de la défection des joueurs. Grave dilemme qui se posait aux dirigeants qui, finalement, par respect pour les supporters, firent une campagne parmi les commerçants pour avoir un appui financier. La mine elle-même augmenta sa subvention de la moitié ainsi que la commune. La vente de cartes de membres honoraires, de photos de l’équipe etc.… rapporta également une somme appréciable. L’A.S.N.E décida de s’engager dans le championnat de nationale II avec l’intention de déclarer forfait dès que les fonds manqueraient. Le déroulement de la saison laisse à penser que le budget put tout de même être équilibré. Il faudrait connaître le compte rendu de l’assemblée générale de la saison pour être fixé avec certitude sur un éventuel déficit financier qui n’aurait rien de surprenant.

Les seules entrées d’argent du club sont les subventions qui lui sont accordées et les recettes de ses matches. De ce côté, les supporters sont assez fervents et même en période de mauvais rendement, une galerie de 300 spectateurs était assurée. Le record d’affluence se situe vers les 800 personnes à l’occasion de la venue d’équipes renommées (Stade français, Le Mans, Auboué, Denain, Varsovie etc.…). Lorsqu’on pense que des clubs comme le S.A de Lyon joue devant une dizaine de badauds, la situation de l’A.S.N.E n’est pas alarmante de ce côté.

Mais les dépenses du club sont assez élevées par rapport à ces recettes. Tout d’abord, chaque joueur reçoit une paire de patins de basket chaque année et un équipement chaque fois 8 qu’il s’avère utile de le changer (1 maillot sans manches, 1 maillot à manches longues, 1 short et pour les équipiers première et de la première B, 1 survêtement). Monsieur Ravasio, trésorier, prévoit toujours une dépense de 3000 francs pour l’équipement des quelques 120 licenciés. Le montant de la prime d’assurance des joueurs se fixe à 700 francs. Ce sont là des dépenses premières auxquelles le club doit se sacrifier, estimant en effet qu’il ne peut pas demander à chaque joueur de fournir son équipement et prenant cette charge à son compte. Ensuite il doit payer les frais d’arbitrage de ses matchs, et surtout, le plus gros, les déplacements de ses équipes. Généralement 6 équipes sont engagées dans les divers championnats et coupes (2 benjamins, 1 minime, 1 cadet, 1 première B, 1 équipe seniors fanion). Les équipes de jeunes sont appelées à rayonner dans tout le pays haut, tandis que la 1ère B, engagée dans le championnat de Lorraine promotion doit souvent déborder les limites du département. Les frais de déplacement de ces équipes secondaires varient de 100 à 600 francs. Les plus coûteux sont sans aucun doute ceux de l’équipe première à laquelle il faut bien souvent un hôtel et 2 ou 3 repas chaque fois qu’elle joue à l’extérieur (11 matches dans la saison) La plupart du temps effectués en train, il arrive que les déplacements se fasse par air (luxair) comme celui d’Antibes C’est un voyage bien plus intéressant pour les joueurs qui perdent moins de temps mais qui revient à plus de 2000 francs pour la caisse de l’A.S.N.E. C’est en plus risqué pour le club car l’assurance ne couvre pas une éventuelle catastrophe aérienne.

Longtemps déficitaire, le budget du club était équilibré ces dernières années. En sera-t-il de même après une saison bien lourde ?

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La prochaine saison avec une répartition géographique des poules serait peut-être moins pénible du point de vue financier mais la participation de Joudreville au prochain championnat de France nationale I devenait plus que douteuse. L’avenir était en effet des plus sombres. Le titulaire de l’équipe fanion, Jean Zybala, émigrait en effet à Nancy où il venait de trouver une place dans les postes en même temps qu’à l’A.S.P.T.T. La situation de plus en plus alarmante du bassin minier était à l’origine de ce départ auquel d’autres pourraient faire suite car la mine de Piennes allait licencier 100 de ses ouvriers cette année.

La survie du club a toujours été liée à la prospérité de la mine. Le déclin a commencé avec la suppression des centres, poursuivi avec l’émigration des jeunes et pourrait avoir une triste issue avec cette vague de licenciés. C’est bien regrettable de voir ainsi s’effriter un club aussi attachant que celui de Joudreville, dirigé avec dévouement par des amoureux du basket. Il y a longtemps d’ailleurs que ceux-ci sont sur le qui-vive et parfaitement conscients des difficultés ainsi qu’en témoignent ces extraits du rapport moral de l’assemblée générale de 1961, prononcé par le président d’alors, monsieur Borace.

C’est ainsi que j’en terminerai avec ce court exposé sur Joudreville, club sur lequel on pourrait s’étendre indéfiniment.

ASSEMBLEE GENERALE DE LA SAISON 60-61

Abordons donc immédiatement le rapport moral de la saison. Peut être n’ a-t-elle pas 9 apporté tout le réconfort que nous aurions souhaité mais étant donné les circonstances défavorables dans laquelle elle s’est déroulée, il faut se réjouir des résultats obtenus. Si l’on considère l’ensemble des sections du club et si l’on excepte les performances très satisfaisantes et parfois même inattendues des équipes fanion et débutantes, ces derniers ne sont pas comparables à ceux des années précédentes. Les raisons d’un déclin certain, vous les connaissez sans doute et il faut désormais se rendre à l’évidence. Entre débutants et séniors, un vide qui va s’élargissant d’année en année, semble se creuser. Pour les équipes benjamins et minimes, rien à signaler. Leur comportement est normal et donne toute satisfaction. Les difficultés commencent avec l’équipe cadet qui rarement complète, se trouve dans l’obligation d’emprunter des éléments aux minimes de sorte que des enfants de quatorze ans sont parfois contraints de participer à deux rencontres au cours de la même journée. Ceci va à l’encontre même du but recherché car des jeunes, en période de croissance, en pleine évolution physique demandent à être ménagés.

Passons aux juniors. Cette année, par manque d’éléments, une équipe n’a pu être mise sur pied. C’est dommage car c’est généralement dans son sein que se révèlent les futurs piliers de l’équipe première. Quant à la réserve, si brillante l’année précédente, elle s’est considérablement appauvrie à la suite de départs au régiment. Malheureusement aucune rentrée n’est venue combler ce lourd handicap. L’équipe première composée de valeurs sures s’est trouvée réduite à sa plus simple expression. Avez-vous songé à ce qu’il aurait pu advenir si, à la suite de maladie ou de blessures, quelques uns de ses membres lui avaient fait défaut au cours de matches décisifs ?

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La rentrée probable de Campos fera-t-elle oublier les départs d’Ham et Wenglarz pour la saison prochaine ? J’ignore totalement si le 5 de Wronko sera renforcé. Les craintes exprimées l’an passé au cours de l’assemblée générale se trouvent justifiées. Il faut examiner sainement la situation telle qu’elle se présent dans son implacable réalité et, si l’on ne veut pas voir un jour, sombrer dans la médiocrité, un club qui compte parmi les plus vivants de la région, il faut nécessairement prendre des mesures susceptibles, sinon de le renforcer, tout au moins de lui donner la possibilité de lutter sur un pied d’égalité avec des adversaires en progrès constant et dont le recrutement est assuré.

On fera peut-être remarquer que le but du sport n’est pas de former une poignée d’athlètes, remarquables par leurs qualités physiques exceptionnelles, mais de travailler la masse pour créer chez l’individu, un équilibre physique et moral, pour le plus grand bien de son épanouissement intellectuel. Mais que demandent nos jeunes animés du plus pur esprit de compétition ? Ne sont-ils pas hantés par le désir de briller, la volonté de dominer l’adversaire ? Pourquoi freinerait-on cette ardeur juvénile, cette ambition légitime, source d’émulation, créatrice de progrès.

Si nous les interrogeons, ils nous répondront certainement que leur vœu le plus cher est de faire partie d’une équipe digne de ce nom, dynamique et homogène capable de se mesurer avantageusement avec les formations les plus valeureuses.

N’est ce pas aussi ce que souhaitent vivement les supporters les plus acharnés sur qui, 10 somme toute, repose la vie d’un club. Pour qu’ils conservent le goût de l’effort, il faut donc leur donner la possibilité de réussir et, pour cela, remédier à une situation qui s’avère de plus en plus délicate. Il faudrait donc prendre une décision dont dépendra l’avenir de l’association sportive. Une équipe sans entraineur à une époque où toutes les sociétés, dont des efforts considérables pour l’éducation de leurs joueurs, va à sa perte.

Il faut former physiquement et moralement cette jeunesse qui ne demande qu’à se dépenser, il faut lui inculquer une technique approfondie qui lui permettra de mettre en pratique une technique valable. Pour cela il est indispensable de disposer d’un sportif expérimenté, dévoué, convaincu pouvant contribuer efficacement à redresser une situation fort compromise.

Depuis la disparition du centre d’apprentissage où les débutants recevaient une formation complète, le recrutement devient de plus en plus difficile. Dès leur sortie de l’école, les jeunes se dispersent dans des établissements différents, parfois très éloignés de notre localité et il est très malaisé, sinon impossible de les regrouper.

L’entraînement de ce fait, est plus ou moins régulier et les résultats s’en ressentent. Pour gagner définitivement au basket les adolescents restant disponibles, il faut donc les intéresser à ce sport en leur offrant la possibilité de le pratiquer sous la direction constante d’un homme compétent qui ne soit pas obligé de sacrifier tous ses loisirs et sa vie de famille, à son amour du sport. Ceci devient impératif. Il est indispensable d’aborder la nouvelle saison, tous les atouts en main, ou se résigner à voir, graduellement s’effriter les résultats d’une solide éducation sportive et disparaître à jamais le fruit d’un labeur méthodique, régulier, persévérant.

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Ce qui est exposé en ce moment, l’a déjà été . Malheureusement, aucune suite n’a été donnée à ces propositions.

Faut-il en déduire qu’il est matériellement impossible de toucher à une organisation technique, qui, valable à une époque où fonctionnait normalement le centre d’apprentissage, ne l’est plus ? Malgré toute leur bonne volonté, leur dévouement, leur expérience, leur amour du basket, les responsables actuels ne peuvent assurer un entraînement régulier et véritablement efficace.

LE BASKET EN FRANCE dans les années 60

L’équipe de France :

L’équipe de basket chargée de représenter la France dans les diverses compétitions internationales est formée par une sélection des meilleurs joueurs de la métropole (depuis l’indépendance des diverses colonies françaises). La 1ère équipe de France dont nous ayons connaissance a perdu son premier matche en 1926 contre l’Italie à Milan : 24 à 20. Si les deux années de départ se sont soldées par des échecs, la sélection française est ensuite invaincu de 1928 à 1935. De 1935 à 1955 elle a gagné 124 matches sur 188 joués. Son meilleur classement aux championnats du monde fur la 4ème place en 1954 aux jeux olympiques ; 2ème à Londres en 1948 ; aux championnats d’Europe : 3ème à Moscou en 1953. 11 L’équipe de France a toujours bien rempli son contrat jusqu’à ces dernières années. Les derniers championnats d’Europe remportés par les polonais à Varsovie se sont soldés par une très modeste place de 11ème sur 13, alors qu’aux deux derniers jeux olympiques, la France n’avait même pas obtenu sa qualification en tournoi final.

Victime de l’évolution générale du basket mondial, évolution technique et tactique, l’équipe de France doit surtout surmonter des problèmes d’effectifs et de recrutement dont la ressemblance avec ceux de l’A.S.N.E est évidente.

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