La Cabale Des DéVots
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DePaul University Via Sapientiae Assorted Studies 1902 La Cabale des Dévots Raoul Allier Follow this and additional works at: https://via.library.depaul.edu/vdpstd_assorted Recommended Citation Allier, Raoul. (1902) La Cabale des Dévots. https://via.library.depaul.edu/vdpstd_assorted/10 This Article is brought to you for free and open access by the Studies at Via Sapientiae. It has been accepted for inclusion in Assorted by an authorized administrator of Via Sapientiae. For more information, please contact [email protected]. Raoul ALLIER LA CABALE DES DÉVOTS 1627 - 1666 Librairie Armand Colin Paris, 5, rue de Mézières 1902 LA CABALE DES DÉVOTS INTRODUCTION Le manuscrit 14 489 du fonds français de la bibliothèque Nationale est intitulé : Annales de la Compagnie dit Saint-Sacrement par le comte Marc-René de Voyer d'Argenson. C'est le document principal de l'histoire qu'on va raconter ici. Il n'a pas été rédigé par le personnage dont il porte le nom. On ignore par qui et à quelle date ce nom a été inscrit, par erreur, en tète de ces pages. Il suffit de les parcourir, même rapidement, pour voir qu'elles sont de René II de Voyer d'Argenson, né le 13 décembre 1623, maître des requêtes en 1649, ambassadeur à Venise de 1651 à 1655, mort en 1700. Celui-ci était admirablement qualifié pour nous donner la relation que nous lui devons. Il a été mêlé de la façon la plus intime à la vie de la société secrète dont il nous révèle l'existence, l'organisation et les actes. «Le 7e de septembre 1656, après mon retour de Venise, écrit-il, j'eus l'honneur d'être proposé pour être admis dans la Compagnie, en suite du résultat de l'assemblée des officiers où l'on examinait toujours les sujets avant que d'en parler publiquement... Je fus agréé le 15e du même mois ; mais comme j'étais absent, je n'y entrai qu'au retour d'un voyage que je fis en province, et je ne remarque une chose de si peu de conséquence que pour faire voir à ceux qui liront ces Annales que j'ai eu le loisir de connaître cette sainte Compagnie, parce que je l'ai fréquentée avec assiduité pendant sept ans dans sa splendeur et trois autres - 2 - années dans sa décadence. J'eus l'honneur d'y entrer le 26e de novembre de cette année... J'y ai passé, dit-il ailleurs, par toutes les charges laïques,pre et une fois supérieur. J'en ai vu tout le fond et le secret 1.» Il put à son aise travailler avec la Compagnie, la cour lui ayant fait des loisirs. Son petit-fils, le marquis d'Argenson, nous l'explique ainsi dans son Journal : Mon aïeul s'était ruiné dans l'ambassade de Venise. Il n'avait pas les vertus propres à la cotir : il avait des parties pour l'ambassade, une très belle figure, de l’esprit, du savoir et infiniment de vertu, et surtout de courage. Mais il allait trop haut : il était fier et avec cela grand dévot ; il déplaisait aux gens du monde et surtout aux ministres avec qui il faut, même aux honnêtes gens, quelque sorte de souplesse, et, de plus, il n'eut ancun succès dans les négociations, d'abord par le hasard dit temps, et puis parce qu'il était nu gros fin... Sans doute que mon bisaïeul, homme de grand mérite et, à aller à tout, homme du monde et agréable à la cotir, autant pour le moins homme de probité que de religion, s'était trompé sur l'article de mon aïeul en lui procurant si jeuneune ambassade ; il avait été séduit par les bonnes et idoines qualités que j'ai dit d'abord, et, aveuglé par quelque amour-propre sur soit fils, n'avait pas prévu ce qui arriva, quoique cela dût résulter des défauts de mon aïeul. C'est qu'il sortit d'ambassade ruiné de fortune et de biens ; il n'eut pas l'adresse de tirer ses appointements de la cour ; il paraissait se complaire à être maltraité ; on ne gagne rien à la cotir à ce personnage d'homme plaintif et malheureux. Il se fit détester par le cardinal Mazarin. Ce fut bien pis sous M. Colbert : la dévotion se mêlait de tout et lui servait à déclamer contre les vices des grands ; sa hauteur fit que le roi lui-même le trouva insupportable. Il était conseiller d'État ; on fit une réforme ; il tu [supprimé fort jeune ; il n'avait que trente-deux ans à son retour d'ambassade, et jamais il n'a pu rattraper la place, aucune pension de la cotir, aucune grâce, aucune justice. La dévotion qui avait contribué à ses malheurs lui fut certes d'une grande ressource... D'Argenson ne s'est pas contenté d'aligner à la suite des souvenirs personnels. Ç'aurait été sans doute intéressant, 1 Annales. p. 92,116 (B.-F. 163,200). Je cite directement le manuscrit, en indiquant, quand il y a lieu, par le signe b le verso des pages. J'indique entre parenthèses les pages de l'édition que dom Beauchet-Filleau a donnée de ces Annales. - 3 - curieux, suffisant pour provoquer des recherches. Mais le moindre document authentique de la société secrète aurait bien mieux fait notre affaire que les simples impressions d'un témoin, Or ce que nous avons, grâce à notre annaliste, c'est précisément un résumé et, sans aucun doute, des extraits abondants de pièces officielles. Les archives du «Saint-Sacrement» ont disparu. «Tous les registres de cette sainte Compagnie, dit d'Argenson, ont été abîmés par des raisons de prudence... » Ailleurs il a l'air d'affirmer autre chose : «On retira le mieux qu'on put tous les registres des cantons ils furent mis dans le dépôt commun dont très peu de personnes avaient connaissance 2.» Où était ce dépôt ? Ne serait-ce pas au séminaire de Saint-Sulpice ? On rencontrera dans cette histoire un document qui nous vient de cette maison et dont l'origine première n'est pas douteuse. Il est possible que les procès-verbaux de la Compagnie et ses actes divers aient été distribués entre les confrères. Dans une lettre à l'archevêque de Paris, qui est en tête de son ouvrage, d'Argenson écrit que les «mémoires» dont il s'est servi lui «ont été confiés par un grand nombre de serviteurs de Dieu». C'est d'après ces documents qu'il a fait son récit. En 1651, le 4 mai, M. du Belloy avait été «chargé de mettre en ordre les papiers de la Compagnie pour en composer l'histoire». Il conduisit son récit depuis les origines jusqu'à cette date. «C'est de ce qu'il a écrit, dit d’Argenson, que j'ai tiré le commencement de ces Annales. Mais toute la suite, je l’ai composée des extraits que j'ai faits moi-même des registres qui, par un arrêté de la même Compagnie, me furent mis entre les mains pour travailler à cet ouvrage 3.» A, lire avec quelque soin cette relation, on se rend compte très vite que d'Argenson a suivi pas à pas les pièces qu'il avait sous les yeux, copiant des pages entières de procès- verbaux, n'intervenant que pour des remarques insignifiantes. Son travail est précieux, il 2 Annales, p. 140, 141 (B.-F. 239, 241). 3 Annales, p. 66 b, 68 b (B.-F. 121, 125) - 4 - remplace, autant que cela est possible, les archives encore introuvables du pieux comité. Si pourtant l'on examine son travail d'un peu près, on s'aperçoit qu'il n'est pas complet. L'historiographe est très préoccupé de faire l'apologie de la société disparue. Il a, sur certains points, des silences qui donnent à réfléchir. On verra qu'il a supprimé toute allusion aux désaccords que le jansénisme avait mis dans la Compagnie. Il a été d'une discrétion étudiée dans tout ce qui concernait la Fronde. Il semble que les saints conspirateurs, d'après lui, n'aient jamais intrigué contre Mazarin. Certaine lettre de M. Olier, qu'on lira plus loin, établit le contraire. Il est clair que d'Argenson n'a pas tenu à faire œuvre d'historien. Son seul but était de communiquer au cardinal de Noailles le désir de ressusciter la Compagnie défunte. Dès lors, des omissions s'imposaient. L'annaliste a su taire ce qui aurait risqué de mécontenter son correspondant. Il commença sa rédaction le 17 juillet 4691 et la termina le 18 août 1695. Son travail terminé, il en remit l’original au séminaire des Missions étrangères. Le 21 mai 1696, il en envoya un duplicata au cardinal Louis-Antoine de Noailles, archevêque de Paris, avec une lettre dans laquelle il disait : «Voilà, Monsieur, tous les mémoires et toutes les Annales de la Compagnie du Saint- Sacrement... que j'ai rédigés dans un corps d'histoire par l'ordre de la Compagnie mourante... Je charge un de mes amis qui part d'ici d'en porter le paquet à mon fils l'abbé qui aura l'honneur de vous le rendre en main propre, mais ni l'un ni l'autre ne savent point de quel ouvrage ils sont porteurs. Jusqu'ici les choses se sont conduites avec un entier secret, et je crois que c'est le moyen de faire renaître cette pieuse Compagnie pour le service de la religion et de l'État». D'Argenson méditait de faire un autre legs au cardinal. Sa lettre, en effet, continue ainsi : «J'ai reçu des nouvelles de M.