L'engagère De La Terre Et Seigneurie De Durbuy En 1628.Qxd
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L’ENGAGÈRE de la TERRE et SEIGNEURIE de DURBUY en 1628 par Marcel BOURGUIGNON 1. De toutes les villes du Luxem- distraite des domaines du prince et ailleurs au même degré. bourg, Durbuy est sans doute celle engagée à des familles opulentes, mais L’engagiste n’appréciait que les dont l’histoire est le moins bien con- étrangères au pays. Nos souverains résultats financiers de son opération: nue. Le modeste travail de l’abbé Am. trouvèrent dans l’amodiation des plus peu lui importaient les moyens que les de Leuze: Laroche et Durbuy, (1) publié beaux fleurons de leur couronne un habitants mettaient en œuvre pour il y a plus de soixante ans, n’a pas sus- moyen rapide et efficace de sortir de gérer leurs affaires et lui fournir ses cité d’émules. Il est du reste extrême- leurs difficultés financières et s’en revenus. Il était, du reste, en partie ment sommaire pour ce qui concerne servirent à profusion. C’est ainsi que e désarmé par les conditions auxquelles il les faits postérieurs au XlV siècle. Charles IV,par acte du 3 octobre 1346, avait dû souscrire et qui lui interdi- Reproduit à peu près textuellement engagea la terre et seigneurie de saient de modifier la situation existante, par Tandel, dans les Communes Durbuy à son conseiller Arnould de toucher aux droits acquis. Dès lors, Luxembourgeoises, (2) il résume assez d’Arlon. Celui-ci eut maint et maint la terre de Durbuy échappa à peu près bien l’état de nos connaissances successeur. Le prince conservait bien la complètement à l’emprise du pouvoir actuelles sur le passé de la localité et souveraineté politique sur le territoire central. Elle ne subit que très impar- c’est à peine si l’un ou l’autre point de ainsi concédé; l’engagiste se tenait pour faitement le contrecoup des mesures détail a fait, depuis, l’objet d’une étude son vassal. Ce n’en était pas moins que nos princes surent prendre à partir un peu approfondie. abandonner dans toute leur étendue et des ducs de Bourgogne pour renforcer Ce n’est pas que la documentation la juridiction et les revenus du fisc. leur autorité aux dépens du particula- nécessaire fasse défaut. Il existe aux En 1525, Charles-Quint fit procéder risme des provinces et des châtellenies. Archives de l’Etat à Arlon plus de 400 au retrait de la seigneurie, mais avec Elle conserva des institutions vétustes registres de la haute cour, de la cour l’intention de réaliser un placement telles la Cour des alleux, la Cour des féodale et de la justice de Durbuy. Ils plus avantageux puisqu’il s’en dessaisit terres et minières, les sireries, les remontent, avec quelques lacunes, à la dès 1539 en faveur de Jean, comte semonceurs. Nulle part ailleurs l’ef- fin du XVe siècle. Mais, s’ils apportent d’Oostfrise, chevalier de la Toison d’Or, fritement du pouvoir politique, judi- beaucoup de renseignements sur les gouverneur du duché de Limbourg, de ciaire et administratif ne se maintint institutions, sur la généalogie des Fauquemont, de Dalhem et des autres avec une telle persistance et une telle familles et sur la transmission des pro- Pays d’Outre-Meuse. continuité. La terre de Durbuy passa priétés, ils nous éclairent fort peu sur Cette aliénation fut maintenue pen- somme toute sans aucune transition du les événements qui ont marqué dans les dant 70 ans. Les Archiducs y mirent fin Moyen Age au régime moderne en annales de la petite cité. Pour se faire en 1609. Mais, Philippe IV, qui avait à 1795. La Révolution y trouva une si- une idée de l’évolution politique con- supporter les frais de ses guerres contre tuation qui rappelait encore à bien des temporaine, songerait-on à dépouiller la France et les provinces rebelles des égards la féodalité. les minutes notariales, les répertoires de Pays-Bas, eut recours une fois de plus à En raison de sa position excentrique l’Enregistrement ou les dossiers des tri- cet expédient des mauvais jours en aux frontières du pays de Liège, du bunaux de simple police? 1628. C’est de cette engagère que je comté de Namur et de la principauté D’autres collections conservées à me propose de narrer les débuts dans de Stavelot-Malmédy, la seigneurie put Bruxelles, à Luxembourg, à Liège ou à les pages qui vont suivre: elle devait prendre pourtant, surtout du point de Arlon aideraient à peine davantage le sortir ses effets jusqu’à la fin de l’ancien vue économique, un certain avantage chercheur. Les papiers du Conseil régime. sur le reste du Luxembourg. Elle se rat- provincial créé par Charles-Quint en En somme, de 1346 à 1795, la terre tachait par l’Ourthe au bassin de la 1531 sont relatifs à des questions de Durbuy ne fut rattachée directe- Meuse: les chalands remontaient aisé- administratives ou à des procédures en ment au domaine du prince que pen- ment jusqu’à Barvaux et les barques appel. La série des comptes de la dant 33 ans et demeura aliénée pendant jusqu’au chef-lieu. La sidérurgie, qui prévôté ou de la recette domaniale 416 ans. C’est donc dans les papiers des n’apparaît ailleurs dans la province qu’à commence en 1380, mais ne se pour- familles engagistes — pour autant partir du XVIe siècle, y est déjà solide- suit que jusqu’en 1628. On y constate qu’ils existent encore — qu’il faudrait ment implantée à la fin du XIVe : elle y d’ailleurs de nombreuses lacunes, pou- rechercher les renseignements les plus périclitera et disparaîtra aussi beaucoup vant couvrir un siècle entier. Quant importants sur cette longue période, plus tôt, à partir de 1550, malgré la aux archives des couvents ou des cor- avec une exception pour les années proximité du marché liégeois. porations, elles ont presque com- 1525-1539 et 1609-1628. 4. C’est par lettres patentes du 30 plètement disparu. 3. On devine que ce système d’en- mai 1625 que Philippe IV fit connaître 2. Cette situation particulière tient gagère quasi permanent eut pour toute son intention d’engager diverses parties en grande partie au sort que l’histoire a la contrée des conséquences incalcula- de ses domaines pour sortir de ses réservé à Durbuy et à la seigneurie bles. Il créa pour la population des con- embarras financiers. L’Infante Isabelle, étendue dont il a été le centre. Celle-ci ditions de vie très différentes de celles gouvernante générale des Pays-Bas, avait rang de comté dès le XIe siècle. qui avaient cours à La Roche ou à transmit ses ordres aux fins d’exécution Rattachée au Luxembourg par le traité Bastogne pourtant très proches. au Conseil privé, au Conseil des de Dinant de 1199, elle devint un élé- L’introduction de dynastes étrangers ne Finances et à la Chambre des Comptes. ment, d’un ensemble plus vaste. Elle résidant pas sur leurs terres donna aux Celle-ci prescrivit aux fonctionnaires n’en connut pas moins cette curieuse fonctionnaires locaux une importance dirigeants des châtellenies de lui adres- destinée d’être à peu près constamment et un prestige qu’ils n’eurent jamais ser un rapport détaillé sur la situation — 1 — des juridictions et des revenus de leur à titre de fief du duché de Luxembourg Comptes. (9) ressort. Nicolas de Blier, capitaine- par devant le Gouverneur de la La longue description des juridic- prévôt, gruyer et receveur de Durbuy, province. Il se préoccupera de faire tions et du domaine de la terre de répondit dès le 11 avril 1626 aux effectuer les reliefs de tous les arrière- Durbuy qui suit l’énoncé de ces dispo- instructions reçues le 15 mars précé- fiefs, en tiendra registre et en adressera sitions reproduit en partie le rapport de dent. Après avoir consulté les anciens une copie de trois en trois ans à la Nicolas de Blier de 1626. Nous ren- dénombrements, les registres des dif- Chambre des Comptes à Bruxelles. voyons pour les détails à ce document férentes cours et les comptes de sa 2°. Le Roi conservera indéfiniment dont on trouvera plus loin le texte. Il recette, il rédigea une «Description des le droit de procéder au retrait de l’en- importe de remarquer cependant que juridictions, droits et revenus de la terre et gagère, à condition seulement de don- les fonctionnaires bruxellois qui eurent seigneurie de Durbuy et de ses apparte- ner un préavis de six mois.Afin que ses à dresser les lettres patentes d’engagère nances et dépendances», document d’une droits soient sauvegardés pour l’avenir, se servirent en ordre principal de très grande précision dont nous re- un dénombrement complet des biens, relevés plus anciens: produisons plus loin le texte intégral. revenus, cens et rentes constituant le (3) 1°) le Verbal de Pierre Boisot, con- domaine de Durbuy sera établi contra- seiller et maître ordinaire et de Jérôme En possession de ce rapport, la dictoirement. Van Hamme, conseiller et maître extra- Chambre des Comptes, qui avait à sa 3°. La terre engagée demeurera ordinaire de la Chambres des Comptes disposition tous les éléments néces- soumise comme toutes les hautes-jus- en Brabant, du 25 juillet 1538, rédigé à saires pour en vérifier l’exactitude, fit tices aux charges ordinaires décrétées l’époque où la terre de Durbuy fut en outre procéder à une enquête sur par le Roi. Celui-ci en conservera la amodiée à Jean, comte d’Oostfrise. (10) place dont elle chargea deux de ses souveraineté et les privilèges qui en conseillers: Pierre Roberti et Corneille dépendent: droit de grâce, de légitima- 2°) le Rapport de Gérard Cymont, de Backer.