La Zone Pré-Lacustre De Sendégué
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5.3 LA ZONE PRÉ-LACUSTRE DE SENDÉGUÉ Bréhima KASSIBO Notre étude se situe à deux niveaux. Au niveau géné- de première occupation a été partiellement gommé ral, elle porte sur l’Arrondissementde Sendégué,dont au profit des groupes hégémonistesqui l’ont recupéré le chef-lieu, relevant du Cercle de Mopti, est situé à grâce à l’emploi de la force devenue facteur de légiti- une centaine de kilomètres au nord-est de la capitale mation ; ce qui en rend la lecture de plus en plus régionale. Il se compose d’un ensemble de neuf vil- malaisée et contradictoire par les intéressés eux- lages ayant emprunté le même parcours historique, et mêmes, et assez confuse pour le profane. Le village d’un écosystèmevarié et riche constitutif du terroir de Déra semble être l’un des plus anciens sites de commun. À un niveau plus réduit, le village de peuplement de la zone avec Gourdo et Tioka. Le Sendéguéoffre la particularité de renfermer la majori- peuplement m&a apparaît aux yeux de la majorité té des pêcheurs qui, par leur position privilégiée, des autochtonescomme la strate la plus ancienne. Le contrôlent l’essentiel des activités halieutiques de la clan marka des Fofanü revendique la paternité de la zone. 11y a interférence constante entre ces deux fondation de Déra, ce que lui contestentles Bamanan niveaux, ce qui Offre I’opportunité d’utiliser plusieurs (Bouaré) qui en détiennent encore kd chefferie. Ce angles d’observation permettant d’appréhender la sont eux qui en ont fait - grâce à sa foire hebdoma- dynamique globale du système.La zone étudiée est daire - l’un des principaux centrescommerciaux de la intéressanteà plusieurs points de vue : elle constitue sous-région depuis le X?rIIIe siècle. Cependant, par une vaste cuvette d’inondation située à l’entrée des leur caractèreguerrier et leur nombre élevé, ils ont pu lacs Débo et Korientzé, elle est propice à l’exercice selon toute vraisemblanceassujettir les Marka minori- des trois activités séculairesdu Delta Central, c’est-à- taires et acquérir ainsi la maîtrisepolitique du terroir. dire la pêche, l’agriculture et l’élevage. Elle sert à l’accueil des pêcheurs migrants lors des pêches de Le représentant le plus ancien du groupe de pécheurs soro- saison froide et d’étiage. Zone de peuplement multi- go est le clan Sembé, qui revendique une communauté ethnique qui regroupe une mosaïque de groupes d’origine avec les autres clans marka de la zone, spéciale- humains, elle apparaît comme la représentation en ment les Fofana auxquels il est étroitement lie dans l’exécu- miniahue du macrocosmedeltaïque. Historiquement tion des sacrif?ces rituels de l’eau résultant strictement du considérée comme foyer de peuplement ancien, les droit de première occupation. Les Semhé auraient réside principaux groupes ethniques constitués de pasteurs avec les Fobna 2 Dém avant leur dëpart pour Sendégué. Plusieurs autres groupes de @heurs &nt les Kossiboi les (Peuls), d’agriculteurs (Marka, Bamanan, Rimaïbé), Kontao ( 1) et les Komou ont rejoint les Sembé à Send&é. de pêcheurs (Bozo, Somono) l’ont marqué - chacun à les Somono étaient d’abord installés dans le M&a à sa façon - de leur empreinte. M&ou d’où ils ont été d&portés pdr les Toucouleur 2 Sendégue. Constituts de patrilignages différents ils ont fini par former un groupe homogène sous la direction des Tiaké. Le groupe peu1 majoritaire est d’installation très HISTOIRE ancienne. Le clan des E%îissu de l’ancètre éponyme &z1so c.2) DU PEUPLEMENT Les migrations en direction de la zone se sont effec- tuées par vagues successives,l’ordre chronologique (1) Les Kossibo, littéralement IUw~ (serpent) et ShiDo, alliés d’arrivée se lisant à travers les préséancesfoncières du serpent noir, maître en sciences trc&es dont le foyer de sur la terre, l’herbe et l’eau, qui s’expriment à travers dispersion est le village de Sabü dans le lXdlloub6, seraient issus le monopole ethnique d’un de ces facteurs naturels originairement du clan des Kontao, maitre de la pluie (kzwn : de production. Cependantcet ordre fondé sur le droit pluie et iua : appeler), venu du iWmd& selon la tradition. reussita hltir une unité pastoraleappelée Ouroubé Doudé supérieures appelées cantons, à composante mono-eth- bien abant l’avènementde la Dina. SékouAmadou octroya nique, ont continué à assurer la gestion politique des la chefterieau clan des Ci& installéà Kontza.C’est sous la pêcheries (arbitrage des conflits) et des hommes (paiement colonisationfrançüise que le sort du cantontomba entre les des impôts et taxes). Les pêcheursde Sendéguéne rele- mains des Bâ de Send@ué.Ils transformèrentle village en vaient pas du canton de I’Ouroubé Doudé mais de celui de chef-lieujusqu’en 1%8, date de la suppressiondu canton- BCoulaka Bozo dont Ic chef-lieu était M’Bouna. nat. L’érection de I’ex-canton de I’Ouroubé Doudt! en wondissement-ampute de Iiontza et bien d’autresvillages dominés-permit aux diiérents clans des Bà de Sendégué La création de l’arrondissement de Sendégué en 1967 d’étendreleur pouvoir sur les autresgroupes ethniqueset et le pouvoir concédé au chef de village sur les chefs les vi&grs environnants,gr2ce à l’accaparementde la chef- de quartiers ont permis une intégration des différents ferie de village et des principalesfonctions politiques leur terroirs dans le finage villageois et leur insertion dans cc&rant le contr?+ occulte des décisionspolitico-admi- une entité plus vaste dont la gestion est devenue nistfatwen. commune, sous la responsabilité du chef d’arrondisse- ment et des autorités traditionnelles. Étude de la morphologie villageoise Les groupes de lignages Le village de Sendégué, à l’instar de tous ceux de la La déftition classique du ligmage fait référence à un r+ion, est le lieu d’inscription des rapports interligna- ascendant commun à tous les descendants mâles d’un gers. La configuration alvéolaire de l’habitat regroupé groupe déterminé, ayant en commun un nom propre autour de la résidence de l’a*%&du groupe est typique et des traditions spécifiques. Les termes bozo : du regroupement par f&w (ensemble de segments de hzwynmn, kadioma, !+zco dont l’équivalent en patrilignages) et l’ordre d’arrivée est énoncé par Bamanan est le j&so (c’est-à-dire maison des pères) l’agencement des quartiers à prédominance ethnique ; correspondent à peu près à cette définition. il se lit à partir du centre de l’agglomération, qui est le Cependant le JISO peut signifier une unité résidentiel- lieu du pouvoir, vers la périphérie où résident les le (quartier de village), le village ou le pays d’origine, dépendants et les exclus du pouvoir. la patrie dans son sens le plus extensif. Dans le cadre de notre étude il représente le groupe de patrili- Les Sembé et les Bâ occupent le centre du village. Les gnages. Face à l’étranger et à l’administration, le grou- quartiers sont j composanteethnique. Tous les Peuls et pe est présenté comme unité biologique, résidentielle Iwrs dépendantssont regroupésdans le quartier Fzrnnmti, et sociale, dont tous les membres relèvent d’une auto- les Sorogo,dans le quartier Sorng~r~nsous la direction reli- rité commune qui est celle de l’aîné, le /~a ou chef du gieuse dei: Sembésacrificateurs et des Kossibo chefs de peche. Bien qu’ultérieurementinstallés, ces derniers leur faso. C’est ainsi qu’il apparaît dans les rôles adminis- ont ravi la chefferie politique des eaux et du quartier tratifs sous la forme d’unité administrative de paie- Swoguna. Les Somono occupent Konzonn,espace situ ment d’impôt. entre les SembCet les Bà, sur lequel ils ont éte conviés2 s’établirpar suite d’une alliance matrimonialeavec le chef de la fractiondirigeante des Peuls.IA gestiontraditionnelle Dans la réalité il en va autrement car le f&o est des territoires(p%urages, pecheriea, champs) était l’rruvre constitué de ménages autonomes qui sont autant des chefs de quartiers à composante mono-ethnique ; d’unités de production et de consommation placées chaqueélément du terroir relevait d’une entir traditionnel- sous l’autorité d’un chef de ménage. Cette confusion le (chef de pâturage ou dioro, chef de terre ou ~US&, de sens repose sur une indifférenciation entre proces- maitre des eaux appeléji durzznz~~. MEme insérés dans les sus de production et rapports sociaux qui s’exercent à entités étatiques(peules, toucouleur,française) les unités des niveaux différents et par des acteurs différents. C’est au niveau des rapports de production que l’on note i’existence de droits et de prérogatives liés au -~- statut social des producteurs, dans la distribution du (2) Mohamedag Youssouf (19‘841,à propos de la fondation de surplus. En réalité, le fmo correspond au groupe de I’Ouroubé Doudé, fait référence au mythe de création des patrilignages (3) constitué grâce au regroupement quatre clans peuls par quatre fr&es issus de la même mère. autour du segment aîné du lignage fondateur, de seg- C’est l’un des quatre fils de Juuso, Yero, qui serait â l’origine de ments cadets ainsi que de familles étrangères prove- la crtation du Wum Y&oobé de Sendégué.Cependant aux dires d’un chef des Ouroubé de Sendégué rapportés par Gdllais (1%7), leur depart du Fouta Toro daterait de 547 ans avant la Dina de Sékou Amadou, soit en 1271.Mais leur fmation (3) 11s’agit du regroupement de plusieurs segments d&itive dansles agglom&rationsfizzes a été l’asuvrede la Dina patrilignagers sous l’autorité du chef de la lignée aînée. 11existe au &but du XIXe siècle.Le clan des Uro Boulo s’estinstalli: à une différencede statutentre les différentssegments, les SendPgu6depuis le temps de la Dia& (paganisme) antérieur à repr6sentant.sdes groupes cadets, dominés ou assimilés, ayant l’islamisdtion du pays.