Terrorisme Du Terrorisme Etducontre- Les Populationsprisesaupiège Dans Lecentre Dumali
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Dans le centre du Mali, les populations prises au piège du terrorisme et du contre- terrorisme Rapport d’enquête Novembre 2018 / N° 727f Novembre Photo de couverture : Capture d’écran d’une vidéo de propagande du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM ou JNIM Jamā’at Nusrat al-Islām Wa-l-Muslimīn en arabe) montrant des combattants djihadistes à moto, dans le centre du Mali. SOMMAIRE ACRONYMES 4 CARTE DU MALI 5 RÉSUMÉ EXÉCUTIF 6 MÉTHODOLOGIE 14 I. LE CENTRE DU MALI : UNE SITUATION EXPLOSIVE 19 A. Une zone de tensions anciennes 19 B. … livrée à elle-même en 2012… 23 C. … perturbée par le retour de l’État à partir de 2013… 25 D. … ciblée par les djihadistes comme une zone à « gagner » 26 E. … devenue aujourd’hui l’épicentre des violences au Mali 30 II. DES EXACTIONS GRAVES COMMISES PAR TOUTES LES PARTIES 35 A. Par les « hommes de Koufa » 35 1. Une présence de plus en plus marquée 35 2. Une organisation floue 36 3. Une administration brutale 36 4. Des exactions graves 38 Les violences sexuelles, un phénomène probablement sous-estimé 41 5. Les hommes de la katiba Macina s’impliquent dans les violences intercommunautaires 45 « On nous disait que si on partait, on deviendrait des ennemis » 46 B. Par les milices armées 50 1. Une foison de milices disparates… 50 2. … soutenues par l’État ? 51 C. Par les Forces armées maliennes 56 1. Un retour timide des militaires… 56 2. Des exécutions sommaires 57 3. Des cas de tortures et des détentions illégales 62 III. DES CRIMES DE GUERRE APPELANT UNE RÉPONSE JUDICAIRE ENFIN À LA HAUTEUR 67 A. Comment qualifier les crimes commis dans le centre du Mali ? 67 1. Des crimes de guerre commis par les djihadistes et les forces armées maliennes 68 2. Des violations graves des droits humains commises par les milices communautaires 69 B. Renforcer la réponse judiciaire nationale aux crimes de la crise malienne 70 1. Où en sont les procédures de 2012-2013 ? 70 2. Un pôle judiciaire spécialisé pour permettre la poursuite des crimes les plus graves 71 3. Protéger les victimes et les témoins 73 C. Ne pas céder aux sirènes de l’impunité 73 CONCLUSION : CHANGER D’APPROCHE POUR RAMENER LA PAIX AU CENTRE DU MALI 77 RECOMMANDATIONS 83 ANNEXE 91 ACRONYMES Al-Mourabitoune Les Almoravides ; connus également sous les noms de Al-Mourabitoune- Al-Qaïda pour le djihad en Afrique de l’Ouest puis Al-Mourabitoune-Al-Qaïda pour le djihad en Afrique AMDH Association malienne des Droits de l’Homme AQMI Al-Qaïda au Maghreb islamique ASS Alliance pour le Salut du Sahel, milice Peul CADHP Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples CPI Cour pénale internationale CSNU Conseil de sécurité des Nations unies DNA Dan Nan Ambassagou, milice dogon GSIM ou JNIM Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans / Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin El-Mouaguiine Biddam Les Signataires par le sang ou Ceux qui signent par le sang HCDH Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies HCR Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés FAMA Forces armées maliennes FIDH Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme ICG International Crisis Group MINUSMA Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali MISMA Mission internationale de soutien au Mali MNLA Mouvement national pour la libération de l’Azawad MST Maladie sexuellement transmissible MUJAO Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest OIF Organisation internationale de la Francophonie UA Union africaine 4 FIDH/AMDH – Dans le centre du Mali, les populations prises au piège du terrorisme et du contre-terrorisme CARTE DU MALI Crédit : Nations unies. Cerclé de noir, le centre du Mali traité dans ce rapport regroupe les régions de Mopti et Ségou. FIDH/AMDH – Dans le centre du Mali, les populations prises au piège du terrorisme et du contre-terrorisme 5 RÉSUMÉ EXÉCUTIF Au lendemain de la réélection du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), la litanie des attaques et des crimes au centre du Mali rappelle que, dans cette région, les populations sont prises au piège du terrorisme et du contre-terrorisme. Depuis le début de l’année 2018, la région – peut-être la plus stratégique et pluriethnique du Mali – est le théâtre d’un conflit armé mené par les djihadistes d’Amadou Diallo dit Koufa1, les milices communautaires et les forces de sécurité. Les populations sont les principales cibles et les premières victimes de la myriade d’acteurs armés qui se disputent le contrôle de ces territoires. Ce conflit caché dans les confins des zones peu accessibles du delta du fleuve Niger se déroule à huis clos, à l’abri des regards de l’opinion nationale et internationale. C’est d’ailleurs la région du Mali qui a le moins voté au cours de l’élection présidentielle de 20182. « Le centre du Mali n’avait jamais connu de telles violences », a témoigné un bon connaisseur de la zone aux chargés de mission de la FIDH et de l’AMDH qui ont effectué, entre mai et juillet 2018, une enquête sur le conflit en cours dans la zone. Au travers de près de 120 interviews de victimes, de témoins, d’anciens djihadistes, de responsables communautaires ou associatifs, d’autorités locales, la FIDH et l’AMDH ont mené une recherche sur les graves violations des droits humains et leurs auteurs présumés ainsi que sur les dynamiques et les ressorts du conflit en cours au centre du Mali. L’épicentre actuel des violences au Mali Depuis le début de l’année 2018, le Centre du Mali est en proie à des violences d’une extrême gravité. On y recense environ 40 % de toutes les attaques du pays, ce qui en fait actuellement la zone la plus dangereuse du Mali. Le conflit asymétrique s’est intensifié et complexifié et aurait fait, selon les chiffres disponibles, environ 500 victimes civiles entre janvier et août 2018 et causé la mort de plusieurs dizaines de combattants au cours de massacres, d’attaques ou de combats : assassinats, exécutions sommaires, tortures, disparitions forcées, etc. Des villages ont été brûlés, d’autres sont assiégés par des blocus, leurs habitants sont pourchassés. Plus de 15 000 personnes ont dû fuir les persécutions, les violences et parfois les combats menés par plusieurs acteurs en présence : les djihadistes regroupés dans cette zone au sein de la katiba Macina dirigée par le prédicateur Amadou Koufa, et membre de la nébuleuse djihadiste Al-Qaïda au Magrheb islamique (AQMI) regroupée depuis mars 2017 au sein du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM) d’Iyad Al Ghaly ; les forces de défense et de sécurité et principalement les forces armées maliennes (FAMA) qui mènent des opérations anti-terroristes ; les milices locales communautaires, qu’elles soient dogon, bambara ou peule qui se présentent plus volontiers comme des groupes d’autodéfense de leur communauté attaquée. Pour les seuls mois d’avril à juin 2018, au moins 287 personnes auraient été tuées dans les violences communautaires dont 91 % étaient des hommes3. 1. Il y a plusieurs versions au sujet de son nom de famille. Certains évoquent Cisse, d’autres Sangaré, d’autres Diallo. Dans le présent rapport, il sera appelé Amadou Koufa. 2. Calcul effectué par l’AMDH et la FIDH sur la base des données fournies par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. 3. Rapport du Secrétaire général des Nations unies, S/2018/866, 25 septembre 2018, https://minusma.unmissions.org/sites/ default/files/n1829039.pdf 6 FIDH/AMDH – Dans le centre du Mali, les populations prises au piège du terrorisme et du contre-terrorisme En mai 2017, la FIDH et l’AMDH recensaient déjà au minimum 117 personnes décédées et 87 blessées lors d’affrontements intercommunautaires dans les régions de Mopti et de Ségou en 2016 et 20174. « Ces incidents violents s’accompagnent par ailleurs de vagues de déplacement de populations qui fuient les violences. Ils seraient environ 10 000 déplacés internes dans le centre du pays à ce jour » alertaient déjà l’AMDH et la FIDH. Le bilan humain de la crise au Centre du Mali depuis deux ans serait donc d’au moins 1 200 tués, des centaines de blessés et probablement près de 30 000 déplacés et réfugiés. Le nombre de personnes déplacées au Mali a fortement augmenté depuis le début de l’année pour atteindre plus de 75 000 à la fin du mois de juillet. Rien qu’à Mopti, le nombre de déplacés est passé de 2 000 en avril à 12 000 en juillet. Toujours dans la région de Mopti, 972 000 personnes ont besoin de protection et d’assistance humanitaire selon les Nations unies. C’est la proportion la plus élevée de personnes dans le besoin au Mali5. Il ressort de l’enquête de l’AMDH et de la FIDH que les principaux acteurs armés de la région ont commis des violations du droit international humanitaire et de graves violations des droits humains contre les populations civiles, pouvant être qualifiées de crimes de guerre. Une situation explosive et des violations graves des droits humains commises par toutes les parties La katiba d’Amadou Koufa : entre terrorisme, insurrection paysanne et révolte sociale Le centre du Mali est depuis 2015 touché, lui aussi, par la fièvre djihadiste. Menée par un homme issu de la région, le prêcheur djihadiste Amadou Koufa, l’insurrection a gagné en terrain et en intensité jusqu’à plonger de larges zones des régions de Mopti et de Ségou, notamment le Nampalari, le Macina, le Seno et le Hayré, dans un conflit meurtrier d’une intensité inconnue jusque-là dans cette zone, même lors des débuts de l’insurrection touarègue et djihadiste de 2012-2013.