Les pouvoirs de la fiction
L’auteur Zoom
Olivier Assayas, né en 1955, est scénariste et réalisateur. Il Assayas par Assayas. Des débuts aux Destinées sentimentales, débute sa carrière de cinéaste en 1985 avec Désordre, après avec Jean-Michel Frodon (Stock, 2014) avoir été critique aux Cahiers du cinéma. Parmi ses longs-métrages : L’Enfant de l’hiver (1989), Paris À l’origine de ce livre ambitieux et s’éveille (1991), Une nouvelle vie (1993), L’Eau froide (1994), Irma personnel, il y a d’abord la rencontre, Vep (1996), Fin août, début septembre (1999), Les Destinées puis le dialogue jamais interrompu sentimentales (2000), Demonlover (2002), Clean (2004), Paris, je entre le critique Jean-Michel Frodon et t’aime (2006), Boarding Gate (2007), L’Heure d’été (2008), Après le cinéaste Olivier Assayas. Au-delà de Mai (2012), Sils Maria (2014). leurs conversations, le résultat est une Il a également à son actif de nombreux courts-métrages et des passionnante autobiographie artistique, documentaires. Il a, par ailleurs, réalisé la mini-série Carlos autant le destin d’un cinéaste à part qu’une (2010). réflexion sans complaisance sur son métier, une plongée au coeur même de la machine à faire du cinéma. L’œuvre Une ronde entre producteurs, actrices, acteurs, glamour et misères, financements et déboires, Assayas par Assayas. Des débuts aux Destinées sentimentales, difficultés et victoires, des débuts jusqu’aux Destinées avec Jean-Michel Frodon (Stock, 2014) sentimentales, cette adaptation à grand spectacle du roman de Rock & cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Jacques Chardonne qui fera connaître Olivier Assayas du public. Martinière, 2012) Présences. Écrits sur le cinéma, préface de Laurence Schifano (Gallimard, 2009) Conversation avec Bergman, avec Stig Björkman (Cahiers du cinéma, 2004 ; 2006) Œuvres cinématographiques complètes. Guy Debord (TVZ, 2005) Une adolescence dans l’après-Mai. Lettre à Alice Debord (Cahiers du cinéma, 2005) Serge Daney, avec Xavier Beauvois, Raymond Bellour, Antoine Bernardini (collectif) (Cahiers du cinéma, 2005) Hou Hsiao-hsien, sous la direction de Jean-Michel Frodon, préface d’Olivier Assayas (Cahiers du cinéma, 2005) Les Destinées sentimentales, avec Jacques Fieschi et Jacques © Régis d’Audeville Chardonne (Cahiers du cinéma, 2000) Éloge de Kenneth Anger. Vraie et fausse magie du cinéma (Cahiers du cinéma, 1999) Olivier Assayas Scénarios de films Une nouvelle vie (Lettmotif Éditions, 2012) Ressources L’Enfant de l’hiver (Lettmotif Éditions, 2011) France Fin août, début septembre (Cahiers du cinéma, 1999) Sa filmographie sur www.imdb.com
9es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 25 au 31 mai 2015 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net Rock & cinéma, de Thomas Sotinel, préface Présences. Écrits sur le cinéma, préface de Conversation avec Bergman, avec Stig Œuvres cinématographiques complètes. Guy d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012) Laurence Schifano (Gallimard, 2009) Björkman (Cahiers du cinéma, 2004 ; 2006) Debord (TVZ, 2005)
En 1955, le monde dé- Articles, scénarios, es- Au printemps 1990, deux Dans le cinéma, Debord couvre le rock’n’roll grâce sais, journal, Olivier As- critiques et cinéastes, s’est toujours proposé de au cinéma. Au générique sayas n’a jamais cessé Olivier Assayas et Stig ne rien faire de ce qu’on y de Graine de violence, d’écrire : sur ses goûts et Björkman, passionnés de faisait, et de faire tout ce Rock Around The Clock sa pratique du cinéma, sur leur aîné qu’ils admirent, qu’on n’y faisait pas. Tout fait danser les teena- la peinture, la musique, curieux de sa pensée du au long d’une période de gers. C’est le début d’une les années 1970, sur ses cinéma au moment où il vingt-cinq années, chacun longue et tumultueuse voyages... Écrit entre 1980 a déclaré urbi et orbi son de ses films, bien conçu histoire d’amour. Sans le et aujourd’hui, chacun œuvre achevée, décident pour aggraver son cas, cinéma, Elvis Presley ou les Beatles ne seraient des textes composant ce de partir à sa rencontre. a confirmé cette détestable ambition. On sait pas tout à fait les mêmes rock stars. De l’esprit recueil retrace une expé- La conversation qu’ils ont que la société ne compte plus d’« artistes mau- de rébellion du Nouvel Hollywood aux rêveries rience aussi vitale qu’intime, une recherche rapportée livre une vision à dits », depuis la destruction de l’art lui-même, inquiétantes de Spike Jonze ou David Fincher, qui passe tout d’abord par des rencontres. Pas la fois libre et profonde, sincère et sereine, dont suivie de la promotion de tout quidam de bonne images et musique ont appris à vivre en sym- seulement des rencontres de cinéma - Ingmar la relecture aujourd’hui après Sarabande est volonté au statut de petit fonctionnaire de la biose. Bergman, Hou Hsiao-hsien, Maggie Cheung, d’autant plus féconde pour éclairer l’ensemble culture. Au fil de cette histoire se croisent des monstres Jean-Pierre Léaud - mais des présences assez de l’œuvre. « Lorsqu’on est un artiste, qu’on Le négatif ayant été, au cinéma, moins goûté sacrés - Jean-Luc Godard et Mick Jagger -, des fortes pour le guider, pour le hanter. Fassbin- crée des films il est très important de ne pas encore que partout aillleurs, il n’y aurait peut- stars oubliées - Mamie Van Doren ou le Dave der, Visconti, Warhol, Cassavetes, Bacon et être conséquent. Il faut être inconséquent. Si être jamais eu de cinéaste maudit si Debord Clark 5 - et des personnalités qu’on croyait Debord, Godard et le cinéma d’Asie dont il a été vous êtes conséquent, la beauté vous échappe, n’avait pas fait de films. Le monde a répondu connaître se révèlent sous un nouveau jour, l’un des tout premiers explorateurs sont autant elle disparaît de votre œuvre. Au point de vue à ses excès en le considérant comme parfaite- comme Ringo Starr en bandit de western-spa- de repères dans un parcours solitaire, toujours des émotions, vous devez être cohérent. C’est ment insignifiant. ghetti. Des acteurs majeurs de cette histoire aimanté par les pôles les plus vivants, les plus interdit de ne pas l’être, mais si vous avez en racontent les grandes périodes. En préface, neufs de la création contemporaine. Dût-il les confiance en vos propres émotions, si vous Olivier Assayas porte son regard de réalisateur chercher jusqu’en Chine ou au plus profond de croyez en votre imagination créatrice, vous sur l’alliance de longue date entre la musique lui-même, en quête d’une modernité qui nour- pouvez être complètement inconséquent. Cela et le cinéma. rit à ses yeux le cinéma, « art qui se manie, ne fait rien. Parce que vous avez le pouvoir de Richard Lester parle des Beatles, Martin Scor- c’est le moins qu’on puisse dire, les mains dans saisir les conséquences de vos émotions. Pour sese des Stones, Julien Temple et Lech Kowals- le cambouis, art du romanesque et donc de la toujours. » ki des Sex Pistols et Michel Gondry de Björk et souillure du monde, et par là même, de la vie ». Debbie Harry, dans des entretiens exclusifs. Un demi-siècle après Graine de violence, tous montrent que l’histoire du rock et du cinéma n’a pas fini de s’écrire.
9es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 25 au 31 mai 2015 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net Une adolescence dans l’après-Mai. Lettre à Serge Daney, avec Xavier Beauvois, Raymond Hou Hsiao-hsien, sous la direction de Jean- Les Destinées sentimentales, avec Jacques Alice Debord (Cahiers du cinéma, 2005) Bellour, Antoine Bernardini (collectif) (Cahiers Michel Frodon, préface d’Olivier Assayas Fieschi et Jacques Chardonne (Cahiers du du cinéma, 2005) (Cahiers du cinéma, 2005) cinéma, 2000)
Une destinataire inat- À la disparition de Serge Chef de file de la Nouvelle Lorsque Jean (Charles tendue pour un récit à la Daney, ses amis, tous ces Vague taiwanaise appa- Berling) et Pauline (Em- première personne où interlocuteurs avec qui il rue au début des années manuelle Béart) se ren- Olivier Assayas revient sur partageait inlassablement 80, Hou Hsiao-hsien s’est contrent pour la première ses années de formation. ses idées, éprouvent le affirmé depuis comme fois, elle a vingt ans et lui Le réalisateur a ressenti besoin de continuer à l’un des grands cinéastes est pasteur, marié, père le besoin de s’adresser parler de lui, de la place contemporains. Notam- de famille et vient de se à Alice Debord avec qui centrale et irremplaçable ment récompensé d’un résigner à l’échec de son il a tissé des rapports de qu’il occupe pour penser le lion d’or au Festival de union avec Nathalie (Isa- travail et d’amitié depuis cinéma comme art autant Venise 1989 pour La Cité belle Huppert). Qu’im- la disparition de Guy De- que comme éthique. On des douleurs, il connaît en portent les pressions de bord afin que son œuvre retrouve dans ce recueil les signatures des Occident un succès crois- la bonne société protes- cinématographique puisse être à nouveau dif- trois « familles » que Serge Daney s’étaient sant. Construit collectivement sous la direction tante qui les entoure, dès lors que leurs « des- fusée. Mais quel lien secret relie à un auteur choisies, les Cahiers du cinéma d’abord, puis de Jean-Michel Frodon, directeur des Cahiers tinées sentimentales » sont liées à une chose situationniste celui qui fut adolescent dans la Libération et enfin Trafic. S’ajoutent les voix du cinéma, cet ouvrage est composé d’essais qui m’a toujours hanté, c’est le passage du tourmente de l’après-Mai 68, marqué par le des cinéastes et des philosophes, devenus consacrés à l’œuvre de Hou Hsiao-hsien, son temps, la façon dont le monde change, dont les rock et la contre-culture et qui voulait devenir au fil du temps de véritables partenaires. inscription dans l’histoire du cinéma, son rap- choses se perdent... Je retrouvais ce sentiment peintre ? Comment tout simplement continuer Le témoignage de deux amis d’enfance, son port aux arts chinois, à l’histoire de son pays. d’une manière idéale, parfaite dans le roman à vivre au beau milieu des années soixante- premier texte publié en 1962 sur Rio Bravo, ainsi Le cinéaste a accordé deux longs entretiens de Jacques Chardonne. Peut-être pourrais-je dix quand tout paraissait fini ? Parcours pour que sa dernière intervention publique au Jeu de à Emmanuel Burdeau, rédacteur en chef des mettre l’émotion éprouvée à cette lecture au le moins paradoxal que celui d’Olivier Assayas Paume, complètent cette tentative collective de Cahiers du cinéma, où il raconte son enfance, service d’un film... Ce que je craignais de ne pas qui, pour atteindre le cinéma, prend appui sans cerner une pensée en forme de boussole pour évoque la genèse de son cinéma, analyse cha- réussir, c’est la restitution du passé, je me suis état d’âme sur les écrits situationnistes comme comprendre le cinéma et le monde. cun de ses films, et parle de ses projets. Les mis à annoter le scénario pour préciser nies sur le renouveau de la scène musicale avec le textes sont rédigés par des auteurs français intentions, pour me donner plus de chances de mouvement du punk rock. À partir de cette pour la plupart, mais également taiwanais, donner au passé la vibration du présent. » O.A. lettre en forme de journal intime se dessinent japonais et américains, afin d’offrir l’approche Entre l’écriture du scénario, entreprise en 1995 des pistes autour d’une question à caractère la plus ouverte de cette œuvre reconnue dans avec Jacques Fieschi, et la réalisation de son universel qui garde toute sa part de mystère le monde entier. L’ouvrage est complété par film, Olivier Assayas a élaboré un commen- « comment devient-on cinéaste ? ». La force une étude critique de chacun des films de Hou taire critique de chacune des scènes princi- et la sincérité de ce texte pourraient aider de Hsiao-hsien. La présente édition est augmen- pales de son film, comme un rituel de passage nombreux jeunes gens attirés par le cinéma à tée d’un nouvel entretien avec le cinéaste et de l’écriture à la mise en scène. Ces notes trouver leurs propres réponses. d’une analyse de ses trois derniers films, Mil- constituent un document de travail exception- lenium Mambo, Café Lumière et Three Times. nel sur la « préparation » au tournage, alliant des réflexions sur le sujet-même du film, sur l’adaptation d’un roman au cinéma, sur les per- sonnages, leurs gestes et leurs costumes, les rapports entre le récit, l’action et le décor.
9es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 25 au 31 mai 2015 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net Scénarios de films Éloge de Kenneth Anger. Vraie et fausse magie Une nouvelle vie (Lettmotif Éditions, 2012) L’Enfant de l’hiver (Lettmotif Éditions, 2011) Fin août, début septembre (Cahiers du cinéma, du cinéma (Cahiers du cinéma, 1999) 1999)
Pour les dictionnaires, À la mort de sa mère, Tina, Malgré l’enfant qu’elle « Fin août, début sep- Kenneth Anger se situe vingt ans, part à la ren- attend, Stéphane ne veut tembre est la chronique quelque part dans la contre de celui dont elle plus vivre avec Natalia et d’une année depuis la fin rubrique « cinéma expé- ignore tout, son père. Mais prend la fuite. Il rejoint août jusqu’au début sep- rimental », figure de ce n’est pas à lui qu’elle Sabine, jeune décoratrice tembre de la suivante. l’underground américain, sera confrontée, c’est à de théâtre très perturbée Depuis la séparation de avec à ses côtés Andy Lise, sa demi-sœur. par l’échec d’une relation Gabriel et Jenny, jusqu’à Warhol, et il reste davan- amoureuse avec un comé- l’affirmation d’un nouvel tage connu pour son récit Scénario complet et dialo- dien. Sabine et Stéphane amour, celui de Gabriel scandaleux, Hollywood gues du film. vont tenter de vivre la fra- et d’Anne, malgré leurs Babylone, paru en 1959 chez Pauvert. Dans Introduction et interview gile histoire d’amour qui craintes et leurs incerti- sa filmographie pourtant, plusieurs titres sont d’Olivier Assayas. les attire l’un vers l’autre. tudes. C’est aussi la chronique d’une dispari- devenus des films-cultes : Inauguration of the tion, celle d’Adrien Willer, l’ami le plus proche pleasure Dome (1956), rituel érotico-mytho- Scénario complet et dialogues du film. de Gabriel, un romancier qui, rattrapé par une logique à la manière de ceux qu’organisait au Introduction et interview d’Olivier Assayas. ancienne maladie, se trouve confronté au terme début du siècle le Mage Aleister Crowley dans précoce de son existence. Mais il n’est pas son abbaye sicilienne ; Scorpio Rising (1963), le seul à l’être. Car son drame personnel est mi-document mi-fiction sur les milieux des aussi celui de ses proches et on le verra réson- motards new-yorkais, sur fond de pop music ; ner parmi le tissu vivant d’amitiés, d’amours, Invocation of my Demon Brother (1969), tourné les réseaux qui se constituent autour d’un être. à San Francisco et monté à Londres sur une Tels que l’approche de la mort les transforme. musique de Mick Jagger. Kenneth Anger est le Tels qu’ils lui survivent. » O.A. premier cinéaste à avoir transcrit frontalement On parle toujours du travail de deuil, mais la à l’écran les fantasmes homosexuels. Remar- force du film d’Olivier Assayas consiste plutôt à qué lors d’un voyage à Paris par Cocteau, il a creuser le « travail du vivant », cette façon qu’a travaillé quelque temps en France, toujours en le vivant de continuer simplement au quotidien. butte à la censure américaine. En 1996, une ré- Fin août, début septembre porte donc en son trospective de ses films à Paris a permis à toute cœur le personnage d’Adrien (François Cluzet), une partie de la critique de prendre la mesure qui va mourir. Mais, paradoxalement, les per- de son œuvre. Pour Olivier Assayas, nul doute sonnages principaux du film sont les vivants : que Kenneth Anger est un maillon indispen- Gabriel (Mathieu Amalric), Jenny (Jeanne Bali- sable pour comprendre le cinéma contempo- bar), Anne (Virginie Ledoyen), et leurs manières rain. Tout son cinéma est traversé par la ques- de faire face à la maladie, à la mort, au souve- tion de la magie du cinéma et des rituels par nir. À la fin du film, Gabriel et Jenny ont accepté lesquels elle advient, ou au contraire disparaît leur séparation, ils l’ont vécue, Gabriel et Anne des images. ont accepté leur amour, ils l’ont appris. Récon- ciliés.
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