Brexit, Les Leçons De La Négociation Pour L'union Européenne
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POLICY POLICY PAPERPAPER Question d'Europe n°494 Brexit, les leçons de la négociation 26 novembre 2018 pour l’Union européenne Eric MAURICE Le 25 novembre, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne ont approuvé le projet d’accord sur la sortie du Royaume-Uni conclu le 14 novembre, ainsi que la déclaration politique qui définit les grandes lignes de la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. La formalisation de l’accord par les dirigeants européens Et surtout, à l’exception de la tension des derniers suit l’approbation donnée par le gouvernement jours autour de Gibraltar, les 27 ont mené jusqu’au britannique le 15 novembre et confirmée le 22 bout la négociation en maintenant leur unité, placée novembre. dès le 24 juin 2016 au rang de priorité absolue face au défi existentiel posé par le Brexit. Pour entrer en vigueur et garantir un Brexit ordonné, l’accord doit désormais être ratifié par le Parlement Quelle que soit l’issue du processus de ratification à européen – ce qui devrait être une formalité après un Londres, ou la manière dont se déroule effectivement débat entre groupes politiques -, et par le Parlement le Brexit au printemps 2019, la négociation sur britannique. l’accord de retrait constitue une phase particulière de l’histoire de l’Union qu’il convient d’examiner La faible majorité du gouvernement de Theresa May et d’évaluer, afin de déterminer si des leçons, et à la Chambre des Communes, ainsi que la complexité lesquelles, peuvent être tirées pour le développement des intérêts politiques vis-à-vis du Brexit – au sein du futur de l’Union. Parti conservateur comme de l’opposition travailliste, et des unionistes nord-irlandais aux nationalistes La sortie de l’Union européenne du Royaume- écossais – rendent la ratification de l’accord avec l’Union Uni s’organise sur la base de l’article 50 du Traité hautement aléatoire. sur l’Union européenne (TUE), qui a introduit par l’intermédiaire du Traité de Lisbonne la possibilité Pour l’Union, cependant, la conclusion de l’accord de pour un Etat membre de se retirer de l'Union. retrait marque la fin d’une phase politique inédite et périlleuse ouverte par le référendum du 23 juin 2016 , à Au-delà du délai, fixé à 2 ans après notification par l’issue de laquelle elle est parvenue à « réduire les risques l’Etat membre sortant, pour procéder au retrait et les pertes résultant du retrait du Royaume-Uni».[1] effectif de l’Union, l’article 50 fournit un cadre méthodologique que les institutions et les Etats Dans une large mesure, les 27 Etats membres ont membres ont su utiliser, davantage que le Royaume- atteint les objectifs qu’ils s’étaient fixés avant le début Uni, au service de leurs objectifs. L’organisation mise des discussions, en particulier sur les trois points qu’ils en place, le séquençage des discussions, ainsi que la avaient déterminés comme cruciaux pour la conclusion nomination de Michel Barnier comme négociateur en d’un accord : les droits des citoyens, le règlement chef, ont en particulier doté l’Union d’un avantage financier, la frontière entre la République d’Irlande et décisif sur le gouvernement britannique dès le début l’Irlande du Nord (Ulster). du processus. A quelques semaines près – fin novembre au lieu de Ce cadre méthodologique explique également mi-octobre - ils ont atteint ces objectifs dans les délais pour une grande part l’unité des 27, à travers la 1. Donald Tusk, lettre qu’ils avaient établis, afin de laisser le temps d’organiser répartition, la hiérarchisation des compétences et d’invitation aux membres du les ratifications parlementaires et la sortie effective du des responsabilités au sein des institutions et avec Conseil européen, 24 novembre 2018 Royaume-Uni, le 29 mars 2019. les Etats membres. FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D'EUROPE N°494 / 26 NOVEMBRE 2018 Brexit, les leçons de la négociation pour l’Union européenne L’Union européenne a su, en outre, traduire sa méthode création du groupe du travail mené par Didier Seeuws en termes politiques pour assurer son unité tout au a permis sur le long terme de fluidifier les relations long de la négociation. Le contexte politique au sein entre les deux institutions. 2 de l’Union, mais également à Londres et à l’échelle globale, a été un facteur déterminant de l’unité des 27. La force de négociation s’est concentrée sur l’équipe Barnier, au quotidien et lorsque les négociateurs UNE MÉTHODOLOGIE britanniques étaient à Bruxelles. Michel Barnier, ses adjoints ou les membres de son équipe ont informé les L’article 50 TUE stipule que « l'Union négocie et conclut Etats membres avant, pendant et après chaque cycle avec cet État un accord fixant les modalités de son de discussions, parfois en temps réel. retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. » Il précise que l’accord est Le groupe Seeuws, au Conseil, a structuré et organisé négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, le travail des Etats membres, en particulier pour du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne préparer les réunions des représentants permanents (TFUE). des 27 et les réunions du Conseil Affaires Générales. Cette disposition, incluse dans la partie du TFUE Le Parlement européen a également été étroitement relative à l’action extérieure de l’Union, assimile de associé et consulté, par l’intermédiaire de son président fait le Brexit à un sujet portant « exclusivement ou et d’un coordonnateur pour le Brexit nommé le 8 principalement sur la politique étrangère et de sécurité septembre 2016, l’ancien Premier ministre belge Guy commune ». Verhofstadt. Chaque étape du Brexit, dès la définition des objectifs de l’Union, a impliqué le Parlement, Elle prévoit que la Commission désigne, « en fonction en particulier pour assurer la ratification de l’accord de la matière de l'accord envisagé, le négociateur ou le par l’ensemble des députés européens à l’issue du chef de l'équipe de négociation de l'Union. » processus. C’est sur cette base que Michel Barnier a été nommé En mettant en place cette méthodologie, l’Union a négociateur en chef de l’Union par le président de la réparti les responsabilités de manière horizontale, Commission européenne Jean-Claude Juncker le 27 incluant l’ensemble de ses institutions, et verticale, juillet 2016, un mois après le référendum britannique. des équipes de fonctionnaires et diplomates jusqu’au Le 14 septembre était mise en place la « task force Conseil européen. article 50 », l’équipe de négociateurs au sein de la Commission. En accord avec l’article 50, le Conseil européen a été l’instance d’orientation et de décision finale pour les Mais l’Union, rapidement, a étoffé le dispositif prévu principales étapes de la négociation. Mais la chaîne de par les traités. responsabilité mise en place a visé à protéger les chefs d’Etat et de gouvernement et les maintenir dans le rôle Dès le 25 juin 2016, soit deux jours après le référendum, d’autorité supérieure, garant de l’unité générale. le Conseil, qui représente les Etats membres, a nommé Didier Seeuws, un ancien représentant permanent Contrairement aux grandes négociations habituelles adjoint de la Belgique auprès de l’Union, à la tête d’une de l’Union, et à la différence de la négociation « task force Brexit ». avec l’ancien Premier ministre britannique David Cameron sur la place et le statut du Royaume-Uni Considérée sur le moment comme une tentative des dans l’Union européenne, menée en 2015 et 2016 Etats membres de s’assurer la maîtrise des futures avant le référendum, les dirigeants européens négociations au détriment de la Commission, la n’ont jamais été entraînés dans des discussions FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D'EUROPE N°494 / 26 NOVEMBRE 2018 Brexit, les leçons de la négociation pour l’Union européenne bilatérales pour résoudre des désaccords ou UN CALENDRIER débloquer certains points. Entre le référendum et la lettre de Theresa May notifiant Dès le 29 juin 2016, les dirigeants des 27 prévinrent la volonté du Royaume-Uni de quitter l’Union le 29 mars 3 qu’il n’y aurait pas de négociations avant la notification 2017, l’Union européenne avait eu le temps de mettre britannique. Dans les orientations du 29 avril 2017, le en place son dispositif de négociation et de préparer Conseil européen ajouta « afin de ne pas compromettre les orientations du Conseil européen, adoptées lors d’un la position de l'Union, il n'y aura pas de négociations sommet extraordinaire le 29 avril 2017. séparées entre tel ou tel État membre et le Royaume- Uni. » Lorsque Theresa May s’est adressée à ses 27 Dans ses orientations, le Conseil européen rappelait en homologues lors des Conseils européens, seul son particulier : « un accord sur des relations futures entre président, Donald Tusk, lui a répondu, au nom de l'Union et le Royaume-Uni ne pourra être mis au point et l’Union, et sans entrer dans une discussion de fond. conclu, en tant que tel, qu'une fois que le Royaume-Uni sera devenu un pays tiers. » Les désaccords avec les Britanniques ont ainsi été traités uniquement pas l’équipe Barnier, unique interlocuteur Il précisait qu’une « conception d'ensemble partagée » pour Londres malgré les efforts britanniques pour le sur les relations futures serait définie « au cours d'une contourner, et non pas au sein des instances habituelles deuxième étape » des négociations de retrait, et que ou par la diplomatie bilatérale entre Etats membres. les discussions sur le sujet ne pourraient débuter que lorsqu’il aurait décidé que « des progrès suffisants » Les désaccords entre les 27 ont été traités et résolus auraient été réalisés au cours de la première étape.