Jeudis De L'esra
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
alain Débat animé par Yves Alion après la projection du film La Cité de la peur, à l’École Supérieure berbérian de Réalisation Audiovisuelle de Paris le 26 novembre 2009 Alain Berbérian travaille dans un premier temps comme monteur à Canal + quand son chemin croise celui de Les Nuls. Il travaille avec ce joyeux gang d’humoristes qui fait à ce moment-là les beaux jours de la chaîne criptée, proposant un humour assez décapant qui régale la France entière. Quand le quatuor, qui est devenu entre-temps un trio (Chabat, Lauby, Faruggia) décide de se lancer dans l’aventure d’un long métrage, Berbérian en fait évidemment partie. De la même façon que Patrice Leconte avait démarré dans la carrière avec le Splendid, le cinéaste prend son envol avec Les Nuls et La Cité de la peur , une comédie déjantée qui deviendra très vite culte. La voie du succès est ouverte, et notre homme alignera les réussites, jouant sur toutes les facettes du cinéma de comédie, y compris quand celle-ci rencontre le grand spectacle ( Le Boulet et ses effets spéciaux n’ayant pas à rougir de la comparaison avec certains blockbusters américains). Mais Berbérian n’est pas pour autant abonné au succès systématique. Il échoue à retenir le public La Cité de la peur quand il veut changer de registre : son thriller, Six-pack , passe injustement inaperçu. Et son dernier film (à ce jour), une assez réjouissante parodie de L’Île au trésor de Stevenson laisse le public assez froid. Suffisamment pour marquer un coup d’arrêt dans la carrière du cinéaste, un coup d’arrêt dont nous souhaitons qu’il ne soit pas définitif. I Alain Berbérian A. B. : J’ai toujours aimé les films très noirs. Le film qui m’a fait aimer le cinéma, quand j’avais treize ans, c’est Psychose, d’Hitch - “... le film a été cock. J’étais sorti en me disant que le cinéma était une chose tourné avec géniale. J’avais passé une 1h45 de pure plaisir cinématogra - tout le sérieux phique. À treize ans c’était plutôt effrayant de voir ce genre de d’un thriller.” films et très jouissif. Aujourd’hui, on fait plus sanglant dans l’hor - reur. Ainsi donc, avec Les Nuls, il y a eu une rencontre. Ce sont des gens qui me font vraiment rire, et je pense qu’ils ont aimé en moi le fait que je faisais de la comédie comme si je m’attelais à quelque chose de sérieux. La Cité de la peur comporte un vrai travail de décou - page, le film a été tourné un peu avec tout le sérieux d’un thriller, tout Entretien en étant une comédie. Le thriller est dans le film, puisque vous présentez un film d’horreur qui se nomme Red is dead. La Cité de la peur est votre premier film. Pour un coup d’essai, c’est un A. B. : L’ouverture de La Cité de la peur est un film coup de maître… de série B, voire de série Z, tourné en 35mm, que A. B. : Vivre un premier film est un moment vraiment intense car il s’agit les producteurs à l’époque voulaient couper car ils de quelque chose d’inespéré qui tout à coup se réalise. Je voulais faire trouvaient que cela ne faisait pas rire. Heureusement du cinéma depuis l’âge de vingt ans, mais à l’époque, le cinéma fran - les Nuls étaient de mon côté, et nous avons répondu qu’il ne fallait pas Le film Red is dead dans La Cité de la çais était très fermé. Il y avait très peu de premiers films, et pour celui couper car il s’agissait-là de l’esprit même des Nuls. Nous avons donc peur . qui avait envie de faire du cinéma, les portes se fermaient. organisé une avant-première, et les producteurs ont été très étonnés de L’arrivée de Canal + a, je crois, changé un peu le monde du voir que tout le monde éclatait de rire. C’est pourquoi je vous conseille cinéma. Tout à coup, tout s’est démocratisé, les portes se sont de toujours faire ce que vous avez envie de faire. Si vous pensez que vous ouvertes, et tout est devenu un peu plus facile. J’avais été cri - avez raison, battez-vous, et n’écoutez pas les autres. Dites oui, mais ne tiqué à l’époque avec Les Nuls, car nous passions pour des le faites pas. Ensuite j’ai fait Le Boulet , principalement parce que j’avais pantins, des gens de la télé qui font du cinéma. 80% des gens très envie de travailler avec Benoît Poelvoorde. J’ai horreur que l’on ne croyaient pas du tout au film et pensaient vraiment que vienne me demander de réaliser des films à la Veber, car dans ce cas, Au premier rang, Chantal Lauby, Alain nous courrions à l’échec. Cependant, quelques journaux comme Studio mieux vaut s’adresser directement à Francis Veber, qui est très efficace Chabat et Dominique ou Première , surtout Studio , nous avaient soutenus. Et enfin, même au dans ce qu’il fait. J’avais donc envie de travailler avec Benoît Poel - Farrugia, trois des Nuls, L’En - dans La Cité de la peur sein de Canal +, à part Pierre Lescure, nous étions regardés comme des voorde, qui est devenu un ami depuis. J’aime également beaucoup (1994). Martiens. Aujourd’hui il y a plus de premiers films qui se font, même si quête corse . Dans un premier temps, j’avais refusé le film car je ne nous amorçons une période un peu difficile pour tout le monde. connaissais pas bien les Corses, et je ne voyais pas l’intérêt de faire un film sur des gens que je ne connaissais pas. Ils ont donc eu l’intelli - Pensez-vous qu’il va devenir plus difficile de faire un premier gence de me suggérer de passer quelques jours sur l’île et de me décider film ? “J’ai surtout fait des ensuite. Et il se trouve que dès les cinq premières minutes de mon arrivée A. B. : Sans doute. J’ai surtout fait des comédies, et quand je en Corse, j’ai adoré. Ce n’est pas tant l’île qui m’a plu, même si elle est comédies, et quand me suis frotté au thriller, cela n’a pas marché. Quand vous effectivement très belle, que les gens qui l’habitent, et cela m’a donné je me suis frotté au faites deux films qui marchent, qui marchent bien même, envie de faire le film. Vincent Lindon et thriller, cela n’a pas que vous sentez que tout le monde est content, il ne faut pas Patrick Timsit dans marché.” tomber dans le piège d’être trop sûr de soi, de se dire que Vous utilisez des acteurs dotés d’un fort capital sympathie. Paparazzi (1998). finalement tout va vous réussir. Pour Six-Pack , tout s’est passé Lors de l’écriture, vous adaptez-vous à la personnalité des trop rapidement, pas assez de réflexion, et il est vrai que c’était une acteurs, et prévoyez-vous de leur laisser une certaine liberté époque où je pouvais parvenir à mes fins plutôt facilement. de jeu ? A. B. : Il est vrai que mes films ont été faciles à faire grâce Vous étiez effectivement étiqueté comme auteur de comédies. Je me aux comédiens qui m’ont fait confiance. Pour Paparazzi , souviens que quand j’y suis allé voir Six-Pack, je m’attendais à voir une dès le départ, nous avions envie de travailler avec Vincent parodie de thriller… Lindon et Patrick Timsit, et c’est un des rares films pour 38 39 Alain Berbérian lequel j’ai participé au scénario, avec Danièle Thompson et Jean-Fran - çois Halin. Nous avons écrit l’histoire comme nous avions envie de la raconter, puis nous avons fait quelques ajustements par rapport à la per - sonnalité de Patrick et de Vincent. Dans une comédie, il est nécessaire de donner de l’espace aux comédiens, de les laisser jouer, sans les enfermer dans une mise en scène. C’est peut- “Une comédie qui être pour cette raison que l’on dit parfois que dans la comédie, ne fonctionne pas il n’y a pas de mise en scène. Et pourtant il y en a bien une, est un objet mais elle ne doit pas empêcher de s’adapter aux comédiens, car ce sont eux qui vont amener le rire et vont faire que le sinistre.” film sera réussi ou pas. C’est pourquoi, sur un plateau, je donne toujours de l’air, de l’espace aux comédiens, et je revois parfois mon découpage par rapport à cette nécessité. Il faut savoir s’adapter, trouver la bonne alchimie pour que tout fonctionne, car une comédie qui ne fonctionne pas est un objet sinistre. Si au bout de vingt minutes, si vous n’entendez pas les gens rire, c’est mauvais signe. Fina - lement je suis un peu le premier spectateur de mes films. Certains cri - tiquent ceux qui restent derrière le combo, et qui sont à des kilomètres de l’acteur, mais ce n’est pas vrai. Le combo est un luxe que nous avons aujourd’hui qui me permet d’être le premier spectateur du film. Quand je tourne un plan, je vois tout de suite si cela fonctionne ou pas. Si ça ne va pas je refais une prise en ayant parlé au comédien. Dans une comédie, il faut penser à la personnalité de chacun. Benoît Poelvoorde ne peut pas jouer le rôle de Gérard Lanvin et vice-versa.