Varengeville-Sur-Mer Et Sainte-Marguerite-Sur-Mer
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Varengeville-sur-Mer et Sainte-Marguerite-sur-Mer Didier Bondue Alain Dovifat Le cap et le phare d’Ailly. 3 Sommaire Introduction 8 Varengeville-sur-Mer, Un terroir marqué capitale des jardins 68 par la géographie et l’histoire 8 Le Bois des Moutiers, L’OPÉRATION JUBILEE 19 AOÛT 1942 12 référence de tous les amateurs 68 Le Vasterival, jardin et œuvre d’art 69 Entre terre et mer 14 L’aube des fleurs, un jardin préhistorique Falaises et valleuses 14 en construction 71 Deux plages très différentes 20 DES JARDINS POUR CHAQUE SAISON 72 Des chemins côtiers Le jardin Shamrock et ses hydrangéas 75 pour découvrir la nature 21 Le Bois de Morville, Pascal Cribier 77 Le cap d’Ailly, espace naturel remarquable 23 Une Athènes Normande 78 Talus et fossés, arbres et vents 25 Claude Monet et Varengeville 78 Herbages et cultures 30 La maison et l’atelier de Jean-Francis Auburtin 79 Une architecture marquée Albert Roussel 81 par les ressources naturelles 32 Georges Braque, enraciné à Varengeville 81 Les matériaux 32 LES ARTISTES DE VARENGEVILLE 82 Trace de l’époque romaine, Joan Miró, visiteur inspiré par Varengeville 84 la villa de Caprimont 35 Raoul Ubac, l’art du vitrail 85 Moyen Âge et Renaissance 36 Raoul Camuset 85 SAINT VALERY, MOINE AQUITAIN 38 Michel Ciry, une vie consacrée à l’art 87 CHÂTEAUX ET COLOMBIERS 52 Varengeville et le cinéma 88 e e Les XIX et XX siècles, Varengeville, muse des écrivains 89 l’architecture balnéaire 54 Infos pratiques 92 5 6 7 Introduction Un terroir marqué par la géographie et l’histoire « On ne peut parler d’un village français typique. Il y a de toute évidence des types nombreux de villages : la diversité, le pluriel gardent ici tous leurs droits » écrit Fernand Braudel. Cette définition ne semble pas s’appliquer à Varengeville-sur-Mer et Sainte- Marguerite-sur-Mer où la situation géographique dont les habitants, par leur culture et leur langage, et l’histoire ont façonné une unité originale sans se sentent rattachés à la Picardie. pour autant occulter leurs particularités propres. Le paysage diffère selon notre trajectoire : si l’on arrive de Pourville, les falaises du village restent Une histoire remontant à l’Antiquité inapparentes, ce qui n’est pas le cas si l’on arrive Ces deux communes rurales anciennes, situées à de Dieppe, on se trouve aussitôt cerné de hautes neuf et douze kilomètres de Dieppe, faisaient par- haies bien taillées, de grands arbres, de talus, d’une tie du territoire des Calètes, peuple gaulois qui a végétation soignée. On aperçoit de belles maisons donné son nom au pays de Caux. Les vestiges d’une nichées dans la verdure : Bienvenue à Varenge- villa, situés sur le territoire de la commune de Sainte ville-sur-Mer ! Marguerite-sur-Mer, au lieu-dit de la butte de Nolent, Un chemin de traverse nous emmène vers la mer témoignent de la conquête romaine. Des Ve et VIIIe et l’on s’émerveille soudain devant le panorama : siècles, période de la formation du royaume franc de « La perspective fuyante des falaises », comme l’écrit Neustrie et de l’évangélisation de l’Europe barbare, Buffon : « couches de craie si régulièrement coupées il subsiste la dédicace au moine Valery de l’église à plomb qu’on les prendrait de loin pour des fortifica- de Varengeville-sur-Mer. Au XIe siècle apparaît le tions », rythmée par des valleuses qui débouchent nom Warengierville, d’origine germano-latine. Bien sur la grève. au-delà de la Révolution française, l’enracinement Communes du pays de Caux situées entre Mordal rural, dont témoignent de nombreux clos-masures et le cap d’Ailly, Varengeville-sur-Mer et Sainte- issus de l’économie monastique, s’est confirmé. Marguerite-sur-Mer, quoique ressemblantes de Parallèlement à l’agriculture, l’extraction du grès a prime abord, abritent chacune des lieux diversifiés, constitué une activité économique marginale. Jusqu’à qu’ils soient façonnés par la nature ou de la main de la fin du XVIe siècle, le fief de Varengeville-sur-Mer l’homme. Logées sur une falaise surplombant la mer, appartenait en grande partie à l’abbaye de Conches. À serties entre la Scie et la Saâne, elles appartiennent la suite des coûteuses guerres de religion, Charles IX 8 au canton d’Offranville, aussi appelé Petit Caux, et Henri III ont été contraints de vendre une partie du 9 patrimoine de l’Église de France non nécessaire au souvenirs très vivaces et font l’objet de commémo- culte. À cette occasion, le fief de Varengeville-sur-Mer rations annuelles. a été vendu en 1569 à Jacques de Bauquemare (1518- Varengeville-sur-Mer et Sainte-Marguerite-sur-Mer 1584), déjà propriétaire des terres et du manoir de comptent environ 1 500 habitants permanents (985 Jehan Ango (1480-1551). L’armateur dieppois, dont les pour l’une et 480 pour l’autre au recensement de capitaines avaient découvert une partie du Nouveau 2015), mais voient affluer un grand nombre de tou- Monde, avait construit un manoir dont l’architecture ristes pendant la période estivale ou au cours des reste un témoignage exceptionnel de la Renaissance. week-ends. L’appellation de Sainte-Marguerite-sur-Mer date de Le maintien d’activités agricoles (le lin principa- 1981. Du « Caprimont » romain, son nom s’est modifié lement mais aussi des cultures traditionnelles en Quiévremont au XIVe siècle, auquel s’est rattachée comme le blé, la betterave, la pomme de terre) et la mention de Sainte Marguerite, plus tardivement. de l’élevage, permet à ce secteur du Pays de Caux de Le développement de ces deux communes et maintenir un niveau de vie confortable et de valoriser leur réputation datent de la deuxième partie du une image « mer et campagne ». À ces activités, il XIXe siècle, sous l’effet de la révolution industrielle faut ajouter, d’une part, la fabrication de briques et et de la construction d’une ligne de chemin de fer de tuiles (dont les produits originaux ont contribué reliant Paris à Dieppe, permettant le développement aux constructions du XXe siècle) et d’autre part, la du tourisme balnéaire. L’arrivée du train à Dieppe croissance des activités liées au tourisme. a favorisé l’installation de nombreux estivants et La spécificité du climat et des sols acides a suscité propriétaires parisiens désireux de trouver le repos. de nombreuses vocations de jardiniers dans la conti- De nombreux artistes, des peintres notamment, nuité de ce qu’a réalisé Guillaume Mallet au Bois ont découvert ces lieux où la lumière met en scène des Moutiers. Qu’ils soient particuliers ou ouverts la nature d’une manière incomparable. Les deux au public, les jardins constituent indéniablement guerres mondiales, pendant lesquelles les deux une des particularités de ces villages où l’on aime communes ont payé un lourd tribut humain (leurs vivre dissimulé derrière les talus et les arbres. Le monuments aux morts en témoignent), n’ont pas talent du paysagiste Pascal Cribier a su insuffler inversé cette tendance. Les tentatives de débar- un regain de passion pour cet art à des d’amateurs, quement (Opération Jubilee) de 1942, qui se sont toujours plus nombreux à affluer lors de la création 10 déroulées en partie sur leur territoire, ont laissé des des événements de ces dernières années. 11 L’OPÉRATION JUBILEE 19 AOÛT 1942 Place du 4e commando. « C’est un coup de main. Dans deux Au petit matin du 19 août, une heures, nous serons repartis ! Bye opération en tenaille, (un débar- Sainte-Marguerite, plaques souvenir bye » expliqua l’Anglais qui cou- quement sur la plage de Sainte- de l’opération. rait déjà en direction de la gorge Marguerite sous le commande- avec son camarade, rapportent ment de Lord Lovat et un autre Daniel Pégisse et Gérard Cadot débarquement par la valleuse de dans leur livre Enfance de guerre Vasterival sous le commandement sur les falaises. Cet extrait caracté- de Mills Robert) permit d’anéan- rise bien la rapidité de l’action qui tir rapidement les 6 canons de la s’est développée sur le territoire batterie et leurs hommes. Cette de Sainte-Marguerite et de Varen- réussite est due à l’entraînement geville-sur-Mer pendant l’été 1942, intense des officiers et des soldats et qui est la seule réussite d’une et à la lenteur de la réaction alle- vaste opération de débarquement, mande. Le commando n° 4, laissant laissant de nombreux morts sur le tout de même une cinquantaine de terrain. L’opération Jubilee devait morts, a pu rembarquer au bas de se développer sur seize kilomètres, la valleuse de Vasterival, avec une entre Quiberville et Berneval. Elle grande partie de ses hommes. a mobilisé 6 000 soldats (dont Le blockhaus abritant la batterie, 5 000 canadiens), 250 navires, un seul vestige de cette installation, petit millier d’avions ainsi qu’une est encore visible et, sur la place de cinquantaine de chars. Sainte- l’église de Sainte-Marguerite-sur- Marguerite fut la seule phase posi- Mer, près de l’entrée du cimetière, tive de ce débarquement avec la des stèles rappellent cet épisode. destruction d’une batterie anti- aérienne (dite 813) installée par les Sainte-Marguerite, 12 blockhaus de la 13 Allemands à Vasterival. batterie 813. Entre terre et mer Varengeville-sur-Mer et Sainte-Marguerite-sur-Mer se partagent un paysage commun comprenant un plateau cultivé, des falaises, des valleuses, des plages. La présence simultanée de la campagne et de la mer est inhabituelle. On peut ainsi aisément alterner de la plaine, avec ses champs cultivés, aux herbages surplombant les falaises. Cette singularité trouve son explication dans la géologie.