STENDHAL ET LE THÉÂTRE DE 1802 À 1806 Ill STENDHAL ET LE THEATRE
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STENDHAL ET LE THÉÂTRE DE 1802 À 1806 Ill STENDHAL ET LE THEATRE DE 1802 A' 1806 by GECEWICZ, Gertrude E~ B.A. A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research McGill University, in partial fulfilment of the requirements for the degree of Master of Arts Department of French Language April 1966. and Literature. TABLE DES MATIERES- Page INTRODUCTION • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 1 CHAPITRE I - Le Théâtre h Paris au début du dix-neuvième sibcle 8 CHAPITRE II - Stendhal et la Comédie • • • • • • • • • • • • • • 30 CHAPITRE III - Stendhal et la Tragédie • • • • • • • . • • • • • 54 CONCLUSION 75 1 } REFERENCES . 79 APPENDICE A . 89 APPENDICE B . 93 APPENDICE C . 99 BIBLIOGRAPHIE 102 I N T R 0 D U C T I 0 N Je me vois prenant médecine seul et délaissé dans une chambre économique que j'avais louée sur le quinconce des Invalides au bout ••• l Je n'avais confiance en personne ••• 2 En un mot, je n'étais point habile aux choses de la vie et par conséquent je ne pouvais @tre appré cié.3 Je vivais solitaire et fou comme un Espagnol, h mille lieues de la vie réelle.4 Ce portrait de Stendhal tracé par lui-même dans La Vie de Henri Brulard, offre, probablement, le cadre le plus exact ob placer le futur écrivain h son arrivée h Paris. Henri Beyle a 16 ans et demi lorsqu'il part, le 30 octobre 1799, de son Grenoble natal. Préparé par une forte éducation mathématique, enhardi par les résultats brillants qu'il a ob- tenus aux examens de l'Ecole Centrale de Grenoble, il arrive dans la capitale sous le prétexte de se présenter au concours d'entrée à l'Ecole Polytechnique. Nous savons que l'Ecole Polytechnique ne le verra point; en 1836, se remémorant cette période de sa vie, il écrit: Quant aux mathématiques, elles n'avaient été qu'un moyen. Je les ha!ssais même un peu en novembre 1799 car je les craignais. J'étais résolu à ne pas me faire examiner h Paris, ••• Or si mon p~re avait pris quelque soin il m'ent forcé h cet examen, je serais entré à l'école, et je ne pouvais plus vivre à Paris en faisant des comédies.S L'idée de faire carri~re au théatre, comme nous l'allons voir dans l'étude qui suit, hante donc le jeune Stendhal d~s sa jeunesse greno- blaise, voire, le pousse à "monter" à Paris. Dans Brulard encore, Stendhal décrit son amour de littérature. Jeune homme passionné de lecture, plongé - 2 - par La Nouvelle Hélo~se dans des transports de bonheur impossibles ~ décrire, Stendhal arrive ~ Paris, disciple de Jeàn-Jacques Rousseau: Cet amour pour Shakespeare, l'Arioste, et La Nouvelle Hélo!se en second rang, qui étaient les maîtres de mon coeur mon arrivée~ Paris vers la fin de 1799 ••• 6 Cet état "rousseauiste11 de son âme va figurer, lui aussi, dans le développement intellectuel et l'orientation de son esprit et de son am- bition juvénile vers une carrière dramatique. Il serait faux de limiter la formation de Stendhal écrivain aux ma- thématiques et aux lectures. Car lui-même, dès sa jeunesse, se reconnaî- tra encore un 11 précepteur", qui lui a fourni certaines des idées qui le suivront pendant toute l'époque parisienne qui nous intéresse: son oncle Gagnon sera, pour le jeune Beyle, son premier maître dans l'art de vivre et réussir en société. Romain Gagnon, homme charmant, plaisant, délicat, et dont la conversation élégante étaient délicieuse pour les femmes "a eu exactement toutes les jolies femmes qui, vers 1788, faisaient de Grenoble l'une des plus agréables villes de province".7 C'est le même Romain Gagnon qui met son jeune neveu dans le courrier de Lyon, le 30 octobre 1799. Trente-trois ans plus tard, dans ses Souvenirs d'égotisme, Stendhal citera encore les conseils et les encouragements que lui donne son oncle ~ ce moment: Mon ami, me dit-il, tu te crois une bonne tête, tu es rempli d'un orgueil insupportable ~ cause de tes succès dans les écoles de mathématiques, mais tout cela n'est rien. On n'avance dans le monde que par les femmes. Or tu es laid, mais on ne te reprochera jamais ta laideur parce que tu as de la physionomie ••• 8 Ajoutons à ces dernières paroles de l'oncle Romain l'influence forma- triee de son grand'père, le Dr. Henri Gagnon, qui a communiqué à son petit- - 3 - fils son culte pour la "belle littérature", et nous aurons les influences majeures gouvernant le développement de l'esprit de Stendhal dans les années qui suivent. Au début du mois de novembre 1799 Henri Beyle arrive donc h Paris: "un solitaire sans ressort, une épave dans une chambre misérable". Restée h Grenoble, sa soeur cadette Pauline recevra des nouvelles de lui tr~s réguli~rement; il partage avec elle ses expériences et ses impressions; mais surtout illui fait part de sa mis~re. Les lettres que Pauline reçoit de son fr~re en 1799 et 1800 témoignent des difficultés matérielles que le jeune Beyle affronte dans la capitale: Prie-le (son p~re] de m'envoyer au moins .de quoi avoir du bois; car mes bottes trouées me font en rhumer d~s que je sors, et je souffre comme un diable dans ma chambre sans feu.10 Je dois h la pension oh je mange et oh je ne suis guère connu; je dois h mon portier; je dois h mon tailleur ••• il y a longtemps que ma montre est enga gée. Je ne vais nulle part depuis quinze Iours, faute d'avoir douze sous dans ma poche ••• l Dis h mon papa que je suis altéré d'argent, que je suis obligé d'emprunter à gros intérêt, et qu'il me fera bien plaisir de me retirer des mains des prêteurs.l2 Comme le temps et un peu de succès peuvent faire oublier les malheurs passés~ En 1835, Stendhal peint de cette même période un tableau très différent dans La Vie de Henri Brulard: Il me semble que mon p~re me donnait alors cent f(rancs) par mois, ou cent cinquante f(rancs). C'était un trésor; je ne songeais nullement à manquer d'argent, par conséquent je ne songeais nullement à l'argent.13 Heureusement la Correspondance remet les choses au point, car les sou- - 4 - venirs du Consul de 52 ans ne refl~tent pas du tout la réalité de ses 18 ans. La mémoire s'est embuée d'attendrissement par une jeunesse qui, de loin, parait heureuse ••• Le seul souvenir exact dont l'exactitude est confirmée par des documents authentiques apparait dans la phrase: "Ce qui me manquait, c'était un coeur aimant, c'était une femme". Mais la mis~re de Stendhal en 1799 ne se manifeste pas seulement dans ses affaires financi~res et sentimentales. Il est seul, il est sans le sou et, par dessus le marché, le voil~ qui tombe gravement malade. Dans ces circonstances tragiques, sa bonne étoile conduit ~ sa mansarde ses cousins Daru qui le recueillent dans leur h8tel confortable. Pour la premi~re fois depuis son arrivée ~Paris, le petit provincial malheureux sera entouré de sa famille, soigné, guéri et introduit dans le "grand monde". C'est encore dans sa correspondance avec Pauline que l'on trouve ses impressions et ses jugements de cette société que les Daru lui font connaître. La réaction n'est gu~re favorable: Il faut toujours être en sc~ne, avoir toujours de l'esprit, être toujours agréable: la bonne et franche simplicité n'ose plus se montrer .•• lS Albert Thibaudet, dans son chapitre sur Stendhal, donne la raison de cette premi~re réaction: Les maths, contraire absolu et pur de l'hypocrisie sociale, un monde de signes, de rapports et de véri tés abstraites qui ne tol~re aucune concession h l'opinion, c'est-~-dire l'hypocrisie.l6 Dans la na~veté de sa jeunesse provinciale, Stendhal continue ~ re- chercher la franchise, la simplicité; il remarque que le premier rang h Paris est occupé par le "Tartuffe de sentiments tendres" qui a les femmes pour lui, que la société n'est qu'une sc~ne où il faut savo{r jouer et - 5 - faire jouer. Et il en conclut que pour arriver h la gloire et à la réussite dans cette société hypocrite, il est indispensable d'entrer dans le jeu, de rire et de faire rire, donc d'écrire les comédies qui refl~tent la comédie continuelle de la vie mondaine et plaisent à ceux qui la jouent. Le 7 mai 1800, Stendhal quitte Paris pour l'Italie, oh commenceront les études dramatiques qu'il poursuivra pendant les six années suivantes. Son caract~re dauphinois ainsi que son esprit scientifique exige~que ses études soient conduites de façon à lui donner, bien précisément, la "for- mule" mathématique dont 1' application aboutit à la création de comédies. Il lit voracement; il fréquente le théâtre autant que ses obligations bu- reaucratique~ puis militaire~ le lui permettent. Son Journal pour l'année 1801 rapporte, entre autres, qu'il y a deux théâtres à Bergame, et Stendhal va, chaque soir, à celui qui se trouve sur la place de la Cité. Stendhal note aussi, dans le Journal, les pi~ces et opéras auxquels il assiste, en ajoutant ses commentaires sur les représentations: 11 mai 1801 L'Avventuriere notturno de Federici. 17 mai ~ Prevenzione paternella. 18 mai Epicharide ~ Nerone, assez bonne tragédie. 19 mai Zelinda ~ Lindoro, excellente comédie de Goldoni, on pourrait en tirer une bonne pi~ce française. 21 mai 1l podesth di Chioggia, opéra vu à Milan.