1

le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie-Bruxelles n° 15 - novembre / décembre 2015

Baloji Le nouveau négropolitain

John stargasm | antoine pierre | patton | stephane ginsburgh | femmes sur scènes musicales | le vecteur | lorenzo gatto larsen • novembre, décembre - 2015 2 Je 12 & ven 13 pièges qui peuvent novembre compromettre la commercialisation d’un disque 2015 en autoproduction. LES CONTRATS DE Horaire : 9h30 à 17h30 L’INDUSTRIE MUSICALE : Prix : 45 € NE SIGNEZ PAS N’IMPORTE QUOI ! Jean-Christophe Lardinois Ven 4 relève le défi de vous décembre permettre d’identifier les pièges que recèlent les 2015 principaux contrats. MASTER CLASS : LE MANAGEMENT ET Musiscope est un service du Conseil de la Musique Horaire : 9h30 à 17h30 LES RELATIONS Prix : 60 € dont les missions sont de conseiller et apporter CONTRACTUELLES de l’information aux acteurs du secteur des musiques Cette master class propose en Fédération Wallonie-Bruxelles. Musiscope propose Ven 27 d’éclaircir les différentes des formations axées sur la pratique et les enjeux novembre missions du manager des métiers de la musique, qui s’adressent à toute et d’analyser en profondeur 2015 les droits et devoirs personne exerçant ou ayant l’intention d’exercer une MASTER CLASS : ÉVITEZ de chacune des parties activité professionnelle liée au domaine musical. LES PIÈGES DE (artiste-interprète et L’AUTOPRODUCTION manager). Cette journée vous permettra Horaire : 9h30 à 17h30 de découvrir les principaux Prix : 45 € INFOS & INSCRIPTIONS Maison des Musiques : 39 rue Lebeau - B-1000 Bruxelles +32 (0)2 550 13 20 / [email protected] www.conseildelamusique.be

novembre, décembre - 2015 • larsen 3

Conseil de la Musique Quai au Bois de Construc- édito tion, 10 - 1000 Bruxelles www.conseildelamusique.be La place d’une femme est dans la cuisine et Contact par mail : [email protected] pas dans un orchestre symphonique, déclarait Contactez la rédaction : le célèbre chef allemand Herbert van Karajan. première lettre du Une déclaration très sexiste qu’on aimerait prénom.nom@conseil- delamusique.be imaginer désuète aujourd’hui ! Il aura cependant fallu attendre 1952 pour RéDACTION qu’une femme entre pour la première fois dans Directrice de la rédaction un orchestre symphonique. Et pour y parvenir, Claire Monville le Boston Symphony Orchestra aura dû orga- Comité de rédaction Nicolas Alsteen 08 niser une audition dans des conditions… pour Julien Chanet le moins particulières ! À l’aveugle et en fai- François-Xavier Descamps Christophe Hars sant retirer les chaussures aux candidats. La Claire Monville raison ? Le bruit des talons des candidat(e)s Coordinateur influençait - inconsciemment ? - les avis du jury. de la rédaction François-Xavier Descamps Les femmes, qui composent pourtant la moi- Rédacteur tié de l’humanité, sont toujours très peu pré- Nicolas Alsteen sentes dans des postes à responsabilité. Intui- Collaborateurs tivement, on tendrait à penser que le milieu Ayrton Desimpelaere Isabelle Françaix artistique, et plus spécifiquement musical, Véronique Laurent aurait tendance à être plus égalitaire mais on y Luc Lorfèvre Jacques Prouvost retrouve les mêmes discriminations qu’ailleurs. David Salomonowicz 12 15 Combien de cheffes d’orchestre, d’ingénieures Didier Stiers Benjamin Tollet du son, de programmatrices ? À cela, s’ajoute Correcteurs une très faible présence des femmes aux Christine Lafontaine 22 postes de direction. Les explications en sont Nicolas Lommers multiples : sociologique, culturelle, historique, Couverture DR éducationnelle. Mais surtout, la femme pou- vant être son pire ennemi, celle-ci aurait moins PROMOTION confiance en elle et s’interdirait d’accéder à & DIFFUSION certains postes. Même si les comportements François-Xavier Descamps tendent à changer, timidement. Fait assez contradictoire que pour être souli- ABONNEMENT gné, chaque année, le 22 novembre, les musi- Vous pouvez vous abonner gratuitement à Larsen. ciens fêtent leur divinité protectrice : Sainte- [email protected] Cécile… une femme… Tél. : 02 550 13 20

Conception Bonne lecture graphique Claire Monville supersimple.be Impression Paperland Sommaire ARTICLES Prochain numéro Aperçus La gazette du rock/Electronical Reeds p.25 Janvier 2016 OUVERTURE Le.com L'itinéraire bis pour un chic clip p.26 4x4 avec John Stargasm p.4 Décryptage Manager : le couteau suisse En vrac P.5 de l'artiste ? p.28 In situ Le Vecteur p.30 RENCONTRES LES SORTIES entretien Baloji p.8 Rencontre Askanyi p.11 En Fédération Wallonie-Bruxelles p.32 Rencontre GRANDGEORGE p.12 Listing des sorties p.34 Rencontre Michael et Moi p.13 Rencontre Antoine Pierre p.14 VUES D’AILLEURS Rencontre PaTTon p.15 échos d’Ailleurs p.34 Rencontre Stephane Ginsburgh p.16 Vue de flandre Chantal Acda p.35 Rencontre Alithéa Ripoll p.17 Vue d’ailleurs Okay Temiz Trajectoire Guy-Marc Hinant p.18 & la Fanfare du Belgistan p.36

ZOOM BONUS C'est arrivé près de chez vous p.20 L’interview indiscrète Lorenzo Gatto p.38 35 femmes sur scènes musicales p.22 C’était le… 10 avril 1937 p.39

larsen • novembre, décembre - 2015 4

4x4 4X4 John Stargasm

C’est le premier disque que je me suis offert. Je ne sais plus quel âge j’avais, mais je me rappelle par contre de l’"acte" que j’ai posé en l’achetant. DR Ma première révélation rock, je ne la dois pourtant pas à Queen, mais bien au groupe américain The Cramps. J’avais alors 16 ans et pas de permis Cinq ans après ses derniers de conduire. J’ai fait le mur, « emprunté » une bagnole et j’ai roulé dans la nuit jusqu’à Cologne où se produisaient les Cramps. Arrivé dans la salle, je faisais concerts belges, Ghinzu a pu dans mon froc. L’ambiance était électrique, hyper-tendue. J’essayais de jouer constater les 23 et 24 octobre au dur mais je savais que tous ces types avec leur bière à la main et leur sale gueule de rockeur n’étaient pas dupes. Le concert était d’une sauvagerie inouïe. dernier que le public ne l’avait Queen En sortant de la salle, j’ai pensé : c’est ça que je veux faire. John Stargasm, pas oublié. En choisissant A Night At The Opera mon nom de scène, c’est parce que j’ai fantasmé sur le pseudo Lux Interior, 1975, EMI le chanteur des Cramps. J’ai trouvé le nom John Stargasm dans un film porno un lieu atypique - le Théâtre et je me suis inventé un personnage. Aujourd’hui je dois assumer. National - et le très symbolique Dans mon top quatre des disques qui ont marqué mon existence, je placerais Festival des Libertés pour sceller sans hésiter Marquee Moon. La raison ? Les guitares. On entend rarement les retrouvailles, la formation des guitares comme ça. La vraie question, ce n’est pas pourquoi j’écoute toujours Marquee Moon. C’est plutôt quel nouvel album de rock dois-je acheter belge rappelle aussi qu’elle ne aujourd’hui pour entendre de bonnes grattes ? Je prends plus mon pied fait jamais les choses comme sur des disques de rap ou de plutôt que sur du rock. Le rock est devenu trop formaté en 2015. les autres. Et maintenant à quoi faut-il s’attendre ? Malgré Television ses activités professionnelles Marquee Moon parallèles -il a fondé sa boîte 1974, Elektra Records

de création Satisfaction-, John C’est probablement l’album que j ai le plus écouté dans ma vie. Stargasm, leader en chef de Un vrai disque de rock. Je ne sais pas quoi ajouter de plus... Je déteste qu’on théorise sur la musique. Je n’ai qu’un conseil à donner : achetez You’re Ghinzu, évoque sur les bouts des a Woman, I’am a Machine et faites-vous votre propre opinion. Comme disent lèvres un retour discographique les Américains, Less is more. Moins on en dit, mieux c’est. Vous savez, le rock, c’est quatre accords. Tout le monde peut y parvenir. Ce qui fait la différence pour 2016. Adepte du marketing entre un bon disque et un mauvais disque, c’est l’émotion. du silence, une stratégie qui lui a Et on ne peut pas mettre des mots sur l’émotion.

plutôt bien réussi jusqu’à présent, Death From Above 1979 il a bien voulu nous dévoiler les You’re a Woman, quatre disques qui ont marqué son I’m a Machine 2004, Last Gang Records parcours en y ajoutant de manière

très généreuse... une phrase Celui-là, je l’ai acheté parce que j’adore le titre. Tu t’appelles Mick Jagger de commentaires. Après l’avoir et tu choisis She’s the Boss comme titre de ton premier disque solo. Je trouve ça génial. Et vous savez quoi ? Il m’arrive aussi d’acheter harcelé et recoupé avec d’autres des disques uniquement pour la pochette. souvenirs évoqués à l’occasion de la sortie de Mirror Mirror, dernier album de Ghinzu paru en 2009, on en sait un peu plus. Ouf... Mick Jagger She’s the Boss Luc Lorfèvre 1985, Atlantic Records

novembre, décembre - 2015 • larsen 5

en vrac…

SegStar raccrocheflam le mic

Starflam a relayé via communiqué sur son site, la décision de Seg de se retirer de la scène. Nous tenons à lui dire MERCI pour toutes ces années où il s’est impliqué sur le devant de la scène mais aussi dans ses fonctions « d’Homme de l’ombre ». Seg est le fondateur de H Posse, le collectif qui a inspiré et fait naître les carrières des membres de Starflam.

. Too MuCH La Chapelle La Chapelle Musicale a ouvert une nouvelle page de son histoire en lançant Hard discount le concept MuCH et sa streaming saison MuCH Music. La Chapelle propose ainsi au La chaîne de super- Merci grand public plus de 60 marchés Aldi lance en concerts dans le nouveau Allemagne un service de Charles ! Studio Haas-Teichen muni streaming musical. Elle Majid Bekkas récompensé de 240 places face à la proposera des abonne- forêt de Soignes. Par cet ments appelés Aldi Life Le prix « Coup de Coeur 2015 » de l’Académie acronyme, la Chapelle à 8 euros par mois et ce, Charles Cros a été attribué à Majid Bekkas Musicale (Music Chapel) pour une écoute illimitée. pour son album Al Qantara. Les disques sélec- veut montrer par là qu’elle Une collaboration entre tionnés comme « Coups de cœur » figurent au- est à la fois et bien plus Napster (pour l’offre musi- tomatiquement dans la présélection de qu’une école et bien plus cale) et la filiale électro- disques soumis au vote des Grands Prix Charles qu’une salle de concerts. nique de Lenovo, Medion À vous de juger sur place ! (pour les aspects tech- Cros du palmarès annuel. niques). Il n’est pas encore www.musicchapel.org question actuellement d’importer le service en LaVallée a ouvert . Belgique, mais qui sait ? Au jardin ses portes des Olivettes . Du 3 septembre au 11 octobre 2015, le centre Et vous êtes cham- La rue Pied du Pont des pion ! de création LaVallée a célébré son ouverture Arches à Liège résonne officielle. LaVallée c’est 5.000m d’ateliers, des à nouveau grâce à la

Un nouveau champion de Herbinia Lara © salles d’exposition et des appartements qui musique qui s’échappe « Poetry Slam » a été dési- accueilleront des artistes en résidence ; ce sont des portes des Olivettes. gné en ce mois d’octobre. aussi 60 créateurs installés dans le quartier du Le célèbre café chantant Il s’agit d’un Bruxellois, Denis K reçoit le Les Olivettes, entièrement canal à Molenbeek : plasticiens, graphistes, Simon Raket. Chaque par- rénové, retrouvent ses ticipant disposait de trois prix francAuteurs peintres, stylistes, sculpteurs, décorateurs... Le habitués tout en ayant minutes pour s’imposer. Entre un premier EP remarqué et un album pré- lieu accueille de nombreux événements. conservé son esprit d’ori- Simon Raket représen- vu fin 2016, Denis K grossit les colonnes des ré- gine. Le déplacement de tera la Belgique lors du www.creativespot.be/spots/Lavallee la scène au fond du café championnat d’Europe dactions en faisant l’actualité. L’association francAuteurs lui a en effet décerné cette an- . (qui accueille également de « Poetry Slam », le 21 un tout neuf), a per- novembre en Estonie. Le née son prix annuel. Le Prix francAuteurs, d’une mis d’agrandir l’espace. prix du public a quant à valeur de 1.000 euros, est décerné annuelle- Didier Laloy Allez pousser la chanson- lui été attribué au Montois ment par l’association francAuteurs ; il s’agit nette ! Giovanni Centola. d’un prix d’encouragement dans la démarche & Kathy Adam artistique et créative, décerné à des créateurs au Womex membres de la SABAM. Pour l’année 2015 il Sélectionné par le jury Womex, le duo Belem s’est produit était donc attribué à la discipline « Musique ». fin octobre en showcase à l’occasion de l’édition 2015 du festival, à Budapest. Cela méritait d’être souligné, non ?

larsen • novembre, décembre - 2015 6

en vrac…

Qui veut une place ? Belgium La RTBF en collaboration RésidencesHost and’artistes artist avec la Fnac se lance dans Under- la vente en ligne de tickets chez l’habitant ground de concert (mais pas que). 1re apparition C’est déjà sur le web : Hostanartist est une plateforme en ligne qui à Bozar www.rtbf.be/ticket. permet à des « propriétaires » d’espaces privés ou publics - maisons de vacances, apparte- L’application Belgium [’tactus], ments, chambres, ateliers, locaux libres - d’of- Underground, chapeautée la sélection frir à des artistes des lieux de résidences de par PointCultue, a été pré- création. En échange de ces résidences, les ar- sentée pour la première Pour cette sixième édi- tistes offrent à leurs mécènes une œuvre d’art, fois au public du 8 au 10 tion de [’tactus], neuf octobre à l’occasion du candidats compositeurs un texte original, un cours particulier, un Bozar Electronic Art Fes- du monde entier ont été concert privé ou toute forme qui permet de tival. L’appli s’est donnée retenus. Composition créer un lien inédit avec leurs hôtes. Et si vous pour mission d’explorer pour orchestres : Daan prêtiez votre caravane à Blankenberge ? la musique underground Janssens (Belgique), Giu- belge entre les années lia Lorusso (Italie), David www.hostanartist.com 1976 et 2015. Un beau Mettens (USA), Hoi Chak projet, ambitieux, qui pas- Roydon TSE (Canada). sionnera les archivistes Pour la musique de et défricheurs en tous chambre : Guillaume Au- genres. Affaire à suivre. vray (Belgique), Hana Do ouH ellle Baz’art y àeah la RTBF! DR (Corée du Sud), Burzyńska Nikolet (Pologne), Emma- Les Belges Nouveau format de La Trois, cette émission pré- Ruth Richards (Royaume- Regards croisés en clip au FIFF Uni), Maria Romanova sentée par Hadja Lahbib suit son invité dans Les pratiques culturelles Parmi les clips sélection- (Italie). Ce Forum pour une de ses « journées-type », à la découverte en Fédération Wallonie-Bruxelles nés au FIFF dans la caté- Jeunes Compositeurs a des lieux qu’il apprécie, à la rencontre de per- pour objectif de leur per- Cette publication s’attèle à présenter les prin- gorie Courts-métrages sonnes qui comptent pour lui, ... L’idée étant – Clips, on retrouve des mettre de développer que d’étape en étape, l’invité se dévoile, par pe- cipaux enseignements issus d’un travail de re- artistes de la Fédéra- leurs connaissances et tites touches. Spécificité supplémentaire, l’une cherche commandité par l’Observatoire des tion Wallonie-Bruxelles, à de se familiariser avec les des étapes doit se dérouler nécessairement de Politiques Culturelles, dont le coup d’envoi a savoir les Great Mountain formes de l’orchestre sym- phonique et de la musique l’autre côté de la frontière linguistique, en sui- été lancé en mars 2012. L’objet de cette en- Fire, BRNS, Aksak Maboul ou encore Enkephalin. de chambre. vant le principe de « chacun dans sa propre quête réside dans l’étude compréhensive des pratiques culturelles des publics fréquentant Mais c’est un clip franco- langue ». Ont déjà été invités Arno ou Jean- américain qui aura été les lieux culturels subsidiés par la Fédération À la recherche Louis Colinet. Du côté des radios, ou plus exac- primé au final : She’s bad d’une partition ? tement des webradios, l’offre se diversifie avec Wallonie-Bruxelles et des modalités de récep- par DyE feat. The Egyptian notamment une chaîne consacrée au metal où tion de ces pratiques par les opérateurs cultu- Lover (FR/USA). Rendez- Music Shop Europe est un vous pourrez écouter 666 titres (oui oui 666) for- rels. L’étude peut être consultée dans son in- vous l’année prochaine. site de vente en ligne de gés dans un métal inoxydable. La Vie en Rose tégralité via le site de l’Observatoire : www.opc. partitions de musique (et a elle aussi droit à son pendant webchannel. cfwb.be. autres CD ou accessoires Discover musicaux). Vous y retrou- Discograph verez les partitions de Discograph est un site toutes les musiques, de Manège.Mons On ferme ! web qui permet de visua- tous les styles et genres, pour tous les orchestres et Degeneffe succède à Vasseur Après 19 années de bons et (loyaux) services, le liser de manière interac- tous les instruments, dans label Atmosphériques met la clé sous le paillas- tive les relations entre les Le Conseil d’administration du manège.mons artistes, leurs labels, leurs différents degrés de diffi- son. La maison française avait été créée et a arrêté son choix à la succession d’Yves Vas- différents groupes et col- culté. Très complet. était dirigée par le belge Marc Thonon, que nous laborations, etc. Cette seur comme directeur de l’institution. Le ma- www.musicshopeurope. rencontrions il y a 3 ans pour une « Trajectoire » visualisation est établie à nège.mons est en termes d’emploi (cent per- com au sein de Larsen. Nous sommes un label indé- partir des données de la sonnes) et de moyens financiers, une des plus pendant. La seule possibilité de continuer est DB du site discogs.com, le grosses institutions culturelles en Fédération de vendre des albums. Nous sommes condam- site qui répertorie tout ce Wallonie-Bruxelles. Et l’après Mons 2015 s’avère qui a trait à la musique – nés au succès. Nous sommes actuellement déjà comme un beau défi à relever. principalement- sur vinyl dans un ratio de 90/10 : 90% de ce que produit (c’est aussi la plus grande le label n’est pas rentable, les 10% qui restent plateforme de vente des nous rapportent de l’argent et nous permettent disques vinyls pour col- de tout financer. Mais ce n’est pas sain que de lectionneurs). Une façon compter sur un seul artiste du catalogue, ludique et ingénieuse de comme Louise Attaque à nos débuts ou Char- découvrir la galaxie de son groupe préféré. lie Winston aujourd’hui. Ces deux dernières an- nées ont été particulièrement difficiles. Noa http://discograph.mbrsi. Moon, la dernière signature belge du label, va org/ devoir retrouver un toit.

novembre, décembre - 2015 • larsen 7

en vrac…

Klara en chansons Depuis un an, Patrick Sabam Riguelle et Jan Hautekiet Alors, présentent ensemble, sur Jazz Klara, La Vie est Riguelle, Awards heureux ? une émission de radio Don’t Stop Us Now ! La sixième édition des Sa- dédiée à la chanson fran- bam Jazz Awards, récom- çaise. Patrick Riguelle dit Selon une étude « scientifique » menée par un pensant les meilleurs musi- vouer un amour incon- chercheur en neuroscience néerlandais, la ciens de jazz en Belgique, ditionnel à la chanson ont été décernés à Laurent chanson Don’t Stop Me Now de Queen arrive française, comme il le Blondiau et Antoine Pierre en tête du classement des titres de ces cin- confiait lors du lancement à l’issue du Belgian Jazz quante dernières années qui mettraient les de l’émission : Jan et moi Meeting se déroulant cette gens « le plus de bonne humeur ». Le chercheur sommes deux Bruxellois, année à Bruges. Le trom- nous avons donc été éle- s’est référé à trois critères dit-il « essentiels » pettiste et compositeur vés dans un environne- pour faire d’une chanson une « feel good song ». Laurent Blondiau a rem- ment bilingue. La musique Il faudrait donc des paroles positives, un tem- porté le Sabam Jazz Award que nous diffusons est du musicien confirmétant po de 150 battements par minute et des notes celle de notre jeunesse. pour la qualité de ses mu- dans la tonalité majeure. Mouais… L’occasion d’écouter siques dans MikMâäk et chaque samedi, une émis- dans les groupes auxquels sion qui aborde un thème il participe que pour sa différent… et de re-dé- volonté d’attirer tous les couvrir des trésors de la publics, selon la société chanson qui ne passent belge des auteurs, compo- que très rarement sur les siteurs et éditeurs. Quant ondes de la partie franco- au batteur et compositeur phone du pays ! Antoine Pierre (voir la ren- contre dans ce numéro – Les 35 ans ndlr), il a quant à lui obtenu ONB & le Sabam Jazz Award du de l’Ancienne jeune talent. Les Sabam Monnaie Jazz Awards récompensent La Fusion les meilleurs musiciens de dansBel ung livreique jazz par un soutien finan- À terme donc, il ne de- cier (10.000 et 5.000 euros) Du music-hall des années 1930 à la salle occu- vrait en rester qu’un… qui doit servir au dévelop- pée par les Allemands durant la Seconde Guerre L’échéance de 2026 est pement de leur carrière mondiale, des yéyé au punk, en passant par la avancée, ce qui peut pa- musicale. Une Muse de la raître assez éloigné mais Sabam a été attribuée à new-wave, sans oublier Jacques Brel, Georges il s’agit avant tout de Jean-Pierre Bissot, le direc- Brassens, Édith Piaf, Johnny Hallyday, David répondre au souci d’évi- teur du Gaume Jazz, « pour Bowie, Lou Reed ou plus récemment Puggy ou ter une catastrophe so- son inlassable volonté de Stromae, Johan Ral plonge avec délectation ciale en lissant les effets favoriser des expériences dans l’histoire de ce temple dédié à la musique. de la réforme. En effet, musicales et de donner à les départs à la retraite des musiciens belges les Johan Ral, AB. Une salle de légende, Renais- devraient éviter d’ici-là moyens de concrétiser des LeEFF guide !E Awards sance du Livre des licenciements purs et projets musicaux auxquels durs. La réforme prévoit ils rêvaient ». 250 représentants de festivals de toute l’Eu- l’engagement d’un direc- rope se sont réunis à Paris le dimanche 27 sep- teur musical commun Postulez ! Avant aux deux formations et la Prix Henri tembre pour l’annonce des premiers Prix remis création d’une académie Pousseur 2015 par EFFE (Europe for Festivals, Festivals for Eu- le 30 novembre d’orchestre commune à rope). Un jury international, présidé par e Attribué toutes les années À l’occasion de la 8 édition de la « Résidence l’ONB et à la Monnaie. On Vincent Baudriller, directeur du Théâtre de Vidy impaires, le Prix Henri Pous- recherche artistique », l’Ircam propose aux com- évoque aussi la mise sur à Lausanne, a récompensé 12 des festivals eu- seur récompense un jeune positeurs et artistes de soumettre leurs projets pied d’un ensemble de lauréat d’un Conservatoire ropéens les plus avant-gardistes en 2015. Une musique contemporaine portant sur de nouveaux paradigmes nécessi- de la Communauté fran- sélection effectuée parmi 760 festivals dissé- et l’organisation d’un tant des collaborations avec les recherches de çaise Wallonie Bruxelles. minés dans 31 pays. En Belgique, c’est le festi- concert annuel réunis- Doté d’un montant de l’Ircam. Le programme de résidence est ouvert val NEXT qui s’est vu récompensé, pour son ap- sant les effectifs des deux 1.500 euros, il consiste en aux artistes internationaux sans restriction orchestres dans la salle de proche transfrontalière et inter-linguistique la commande d’une œuvre d’âge ou de nationalité. Ceux-ci devront mener Bozar. On se donne ren- innovante. EFFE édite également un guide pa- mixte (instrumentarium à des recherches expérimentales en utilisant les dez-vous dans dix ans ? négocier avec le Centre) pier contenant des articles inspirants sur la vie installations des partenaires de l’Ircam et le que le Centre Henri Pous- des festivals labellisés ainsi que des informa- vaste environnement de recherche de l’Ircam. seur créera l’année sui- tions essentielles sur chaque festival partici- Chaque candidat sélectionné se verra accorder vante dans le cadre du pant à la plateforme. festival Images Sonores. une résidence à l’Ircam ou un de leurs parte- Les candidatures sont à www.effe.eu naires pendant une période de trois ou six mois. envoyer au plus tard le 18 Les lauréats recevront également 1.200 euros décembre 2015. par mois pour couvrir leurs frais de résidence. larsen • novembre, décembre - 2015 8

entretien DR

Baloji le nouveau négropolitain

Né au Congo, élevé en Belgique, le rappeur pluridisciplinaire est surtout un citoyen du monde qui assume parfaitement ses contradictions. Déjouant les codes de la culture hip-hop dont il se réclame plus que jamais, Baloji poursuit ses aventures artistiques loin du formatage. Précis dans le verbe, inventif dans sa musique et toujours juste dans l’esthétique, il revient au grand jour avec l’épatant EP 64 Bits et Malachite. Avant l’arrivée en 2016 de son nouvel album solo et de son premier long métrage comme réalisateur, il prend la pose et s’impose dans un entretien d’une rare sincérité. Pas de doute, ce mec-là, il a la classe...

luc Lorfèvre

novembre, décembre - 2015 • larsen 9

entretien

« Je suis d’ici et de là-bas et j’assume mes contradictions » En 2010, votre deuxième album solo Kinsha- de cette campagne. Je trouvais ça très beau sa Succursale avait été refusé par EMI, votre sur le plan esthétique. Je me suis dit qu’il y maison de disques de l’époque. Votre EP et avait aussi un message intéressant à faire l’album qui suivra en 2016 sont distribués par passer, cette idée de surpassement de soi, de le label Island France qui est venu vous cher- l’effort. On n’arrête pas de nous balancer des cher. Vous le vivez comme une revanche ? trucs négatifs à la télé et là, il y avait un mes- e clip de Capture que vous venez de Pas du tout, je ne fonctionne pas comme ça. sage presque naïf qui me touchait. J’ai donc réaliser au Congo s’ouvre avec le Le passé, c’est le passé. Avec le recul, je me accepté de faire un casting de voix où je de- slogan Nouveau Negropolitan. Est- dis seulement que mon album Kinshasa vais lire un texte en français mais que je n’ai- ce une manière de vous définir ? Succursale est peut-être sorti deux ans trop mais pas du tout. J’ai demandé à écrire moi- Le terme Negropolitan vient d’Haï- tôt. Ce n’était pas le bon timing. EMI s’at- même le texte et Coca-Cola l’a accepté. Je ti. Il est utilisé par les Haïtiens tendait à ce que je fasse un truc commercial me suis dit aussi que c’était « fort » de faire restés sur l’île pour définir leurs compa- à la Magic System. Finalement quand le passer une pub en français dans les cinémas triotes partis vivre dans des grandes mé- disque a été disponible (il a été distribué gra- flamands. Fort pour la communauté congo- Ltropoles où ils se sont accaparés les codes tuitement sous blister dans l’hebdomadaire Fo- laise également. culturels et vestimentaires européens. cus Vif - ndlr), le bouche à oreille a bien fonc- étant donné mon parcours (Baloji est né à tionné. Je me suis retrouvé dans des Lors de l’un de ses premiers concerts de Lubumbashi mais a été emmené en Belgique play-lists de dj’s et de producteurs très in- reformation, votre ancien groupe Starflam par son père dès l’âge de trois ans - ndlr), je fluents en Angleterre ou auxÉ tats-Unis. a dédié la chanson Amnésie internationale me sens un peu comme un Nouveau Négro- J’ai aussi bénéficié d’un bon relais sur les à tous ces rappeurs qui vendent leur âme politain. Au Congo, je suis considéré réseaux sociaux. Finalement, Kinshasa Suc- à Coca-Cola. Ça vous a touché ? comme quelqu’un issu de la diaspora alors cursale a eu une belle vie grâce à tous les Je n’étais pas au courant. Je l’ai appris lors qu’en Europe, je suis toujours un Africain. concerts que nous avons donnés. Deux la- d’une récente interview radio (c’est notre Je suis d’ici et de là-bas et j’assume mes bels français, Because et Island France, consœur Myriam Leroy qui l’a évoqué avec Ba- contradictions. m’ont approché et j’en suis très heureux. loji dans son émission Coupé au Montage - Mais ce n’est pas une revanche. nldr). Je m’en fous. J’en ai un peu marre de Vos deux premiers albums solo mariaient ce discours de victime qu’on entend trop hip-hop et musique africaine. Votre EP 64 Est-ce encore important d’avoir un label souvent dans le hip-hop. Beaucoup de rap- Bits & Malachite ajoute aussi de l’électro. derrière vous aujourd’hui ? peurs se plaignent qu’on ne parle jamais C’était une évolution logique pour vous ? C’est important d’avoir des gens qui vous d’eux alors qu’ils s’excluent eux-mêmes des La base de ma musique, c’est le hip-hop. Et soutiennent. Si Island France est une nou- médias. Je suis un rappeur africain et on ma démarche est finalement la même que velle entité, le label Island a, quant à lui, est venu me chercher pour véhiculer un celle des autres rappeurs. Aux États-Unis, déjà une belle histoire (fondé par Chris message qui propose le bonheur aux gens. les artistes hip-hop s’expriment en s’inspi- Blackwell, il a signé Grace Jones, U2 ou en- J’ai bien fait d’accepter. rant de leurs racines et samplent James core Disclosure - ndlr). Mais je reste un pro- Brown, Otis Redding ou des jazzmen. Sur fond adepte du « do it yourself ». Ma mésa- Vous êtes allé voir sur scène Starflam de- mes deux premiers albums solo Hotel Im- venture avec EMI m’a poussé à une puis que le groupe s’est reformé sans vous ? pala et Kinshasa Succursale, j’ai souhaité certaine autonomie et à une multiplication Non. Je n’ai plus de contact avec eux. Ils ont moi aussi remonter le fil en introduisant des casquettes. Je suis musicien, mais pour essayé de me joindre via un de mes frères plusieurs éléments propres à la culture avancer, je dois m’impliquer dans tous les mais ils ne m’ont pas appelé directement. congolaise. Mais plutôt que de m’appuyer aspects du métier : management, direction S’ils me l’avaient demandé, j’aurais décliné sur des samples, j’ai misé sur de vrais mu- artistique, relations presse... Cela permet l’invitation. Les reformations, j’appelle ça siciens et sur les instruments traditionnels. de conserver une cohérence sur l’ensemble « le plan Machiavel ». Ce n’est pas pour moi. Je devais faire mes preuves, j’étais prudent. du projet. Je crée la musique, mais aussi la Je préfère travailler sur mes nouveaux pro- Maintenant, je peux revenir à quelque pochette, les photos, les clips que je réalise, jets. Je suis très fier de mon parcours avec chose de fondamentalement plus hip-hop les vêtements que je dessine. Starflam, mais Starflam, c’est le groupe de et électro. Et si un morceau comme Cap- mon adolescence. Ça doit en rester là. ture peut parfois évoquer le côté sombre de Qu’est-ce qui a motivé votre décision de par- Joy Division, c’est aussi du à l’influence de ticiper à la campagne de pub Choose Happi- Olugbenga du groupe Metronomy et du ness de Coca-Cola cette année ? L’argent, producteur Thomas Azier avec qui j’ai tra- l’exposition médiatique, le thème ? vaillé sur mon EP. Ils sont tous les deux C’est l’ensemble de tous ces éléments. J’avais fans de la musique des années 80. adoré les images de la version américaine

larsen • novembre, décembre - 2015 10

entretien DR

Bien avant Stromae, vous avez joué au festi- cadre d’Edun, sa marque de vêtements « équi- Que pouvez-vous déjà nous dire sur votre val Coachella en Californie, vous avez réussi tables ». Je savais qu’elle aimait bien ma mu- album et vos projets pour 2016 ? à percer en Flandre en chantant en français sique. Ce soir-là, nous étions invités à nous Il y aura des invités mais je veux garder la et vous avez côtoyé des stars internationales. produire dans une villa en marge du festival. surprise. L’album est terminé mais, comme Pourquoi le public belge l’ignore-t-il alors qu’il J’ai vu Bono dans la foule qui avait l’air de toujours, j’ai encore envie de rajouter des sait tout de Stromae ? prendre du plaisir et je suis allé le chercher choses. J’ai aussi écrit deux scénarios de Sa démarche ressemble à la mienne dans la sans arrière-pensée. longs métrages. J’espère réaliser mon pre- mesure où il contrôle son projet de A à Z. Et si mier film l’année prochaine. c’est vrai que j’ai enfoncé certaines portes avant Vous avez aussi croisé du beau monde sur lui, la comparaison s’arrête là. On ne fait pas la la tournée Africa Express en 2012. Faites-vous encore de la musique au- même musique. Et puis, je suis plutôt de na- C’est mon plus beau souvenir. Pour cette jourd’hui pour les mêmes raisons qui vous ture discrète alors que Stromae, il commu- tournée anglaise initiée par Damon Albarn, ont poussé à rejoindre les Malfrats Linguis- nique sur tout ce qu’il fait, tout est mis en scène. un train avait été affrété. La seule règle pour tiques au milieu des années 90 ? les musiciens invités était de voyager à bord Oui. Pour moi, la musique, c’est viscéral. Lors du festival Coachella de 2013, vous du train sans manager et sans entourage. C’est dans mes tripes. avez invité Bono à danser pendant votre Une super idée parce que ça vous oblige à concert. À quoi avez-vous pensé ce soir-là parler avec votre voisin, ce qui n’arrive ja- Baloji avant d’aller vous coucher ? mais par exemple dans le backstage d’un fes- 64 Bits & Malachite À rien ! Mais le lendemain, quand j’ai vu tival. C’est notamment là que j’ai rencontré Island France qu’un spectateur avait posté la vidéo sur You- Olugbenga de Metronomy. Il y avait Ama- Tube et que ça faisait le buzz sans qu’on parle dou & Mariam, Damon Albarn, la fille des de ma musique, je me suis dit : Balo, tu devrais Noisettes qui sera sur mon disque, The faire plus de marketing ! Ce n’était pas Kooks ou encore Massive Attack avec qui j’ai prémédité, même si je savais que Bono était joué. Paul McCartney nous a aussi rejoints dans la salle. Il se trouve que je connais sa sur une date et nous avons jammé sur Indé- femme pour avoir travaillé avec elle dans le pendance tcha-tcha. Oui, un grand souvenir. www.facebook.com/BALOJIofficiel

novembre, décembre - 2015 • larsen 11

rencontre

truments qui ne sont pas percussifs, alors que la musique africaine est percussive dans son essence. Il fallait essayer de faire ressentir ces rythmes dans la composition tout en gardant l’univers du quatuor à cordes qui a un côté beaucoup plus lyrique, raconte Sebastien Paz, qui s’est également tourné vers des amis compositeurs/arrangeurs pour l’aider à transcrire la musique : Ben Iriks, Ludovic Jeanmart, Robrecht Kessels et Jasper le Clercq. Je n’avais pas envie de me limiter à un style d’écriture, tout comme je ne voulais pas me limiter à un style africain.

C’est comme ça que la chanteuse d’origine congolaise Nicole Letuppe entre en jeu, elle qui à son tour invite le chanteur/rappeur de Congo-Brazzaville, Fredy Massamba, pour les polyphonies africaines et pour les har- monies vocales. Un travail fou que Fredy a fait à merveille ! © Lara Herbinia Lara © rencontre Fusion world classique Pour avoir un équilibre entre les musiciens « européens » et les chanteurs « africains », il fallait une quatrième voix africaine. C’est la chanteuse d’origine burundaise Marie- Ange Teuwen qui s’est greffée au projet. e projet est tout aussi inattendu Quatre plus quatre font huit, un chiffre qui que logique dans une ville cosmo- symbolise l’éternité. Une belle symbolique. Askanyi polite comme Bruxelles, une ville où les Zinnekes se croisent et se Questions existentielles Quand la musique « pollinisent ». Si notre société Le contenu des chants, spirituels au départ multiculturelle peut créer des fric- avec Jupiter Diop, est devenu le fil conduc- classique tions, elle est aussi une source infinie de teur thématique de l’album. Les chants possibilités pour les artistes. C’est le cas touchent à des questions existentielles que rencontre l’Afrique Ld’Askanyi, né d’une étincelle quand Sébas- chaque peuple se pose : d’où venons nous, quelle Askanyi est un nouveau projet tien Paz Ceroni et Jupiter Diop jouaient en- est la destinée de l’homme sur terre, quelle est semble dans le groupe de reggae Jupiter & sa relation avec Dieu, la mort et l’après-mort... tout à fait hors du commun qui Massive 5. Pendant une répétition, Jupiter a Des questions qu’on se pose encore toujours et semble faire l’impossible : lier joué un morceau traditionnel qu’il avait har- qui peuvent faire le pont entre deux cultures, monisé. Normalement, ils sont cinquante à l’Europe et l’Afrique, mais aussi à l’intérieur la musique classique au chant chanter, toute la nuit. C’est une vénération à de l’Afrique. Car le Sénégal et le Congo sont africain. Sur son premier album Dieu lors de laquelle ils rentrent en transe, ra- deux pays complètement différents. éponyme, quatre belles voix conte Sébastien Paz en parlant du « zikr » en question, à savoir un morceau tradition- D’où aussi le nom Askanyi. Au départ, on africaines se font accompagner nel de la confrérie musulmane baye fall s’était donné le nom de Zikr Project car on tra- par un quatuor à cordes pour créer sénégalaise dont Diop fait partie. vaillait essentiellement avec la musique de Ju- une musique à la fois classique, piter. Quand les autres chanteurs ont apporté La ressemblance avec la musique baroque m’a leur répertoire, on a changé le nom. Askanyi africaine et contemporaine. frappé. Je me suis mis alors à écrire un arran- veut dire « les peuples » en wolof, la langue de gement pour quatuor à cordes que j’ai enregis- Jupiter. Les peuples, au pluriel. Benjamin Tollet tré sur ordinateur dans mon home studio. Je lui ai fait écouter, il a chanté et ça marchait, Askanyi raconte Paz au sujet du morceau ZIKR en Askanyi D mineur, le premier issu de ce projet. On Igloo Records était stupéfié que deux genres si différents, la musique baroque et la tradition baye fall séné- galaise, puissent se marier !

Par contre, l’arrangement pour Zikr en D mi- neur m’a pris quatre mois de travail. J’allais mettre quatre ans pour faire un album entier, un travail fou car il fallait réécrire pour des ins- www.askanyi.com

larsen • novembre, décembre - 2015 12

Rencontre

rencontre POP

GRANDGEORGE L’invité surprise Survenue de nulle part et attendue par personne, la chanson So Fine a été la ritournelle pop de notre été. À la fois légère, bucolique, pleine de vie et parfumée d’un charme discret, elle est parfaitement à l’image de son auteur, GRANDGEORGE. Derrière ce nom écrit DR GRANDGEORGE en lettres capitales, se cache un bonhomme attachant au parcours So Fine [PIAS] professionnel et géographique atypique. Arrivé sur le tard dans le monde de la musique, cet artiste a très vite trouvé sa place dans nos cœurs avec audace et sans esbroufe. Et on l’aime aussi pour cela. Enregistré chez nous et mixé à New York par Mark Plati, producteur de David Bowie, The Cure ou... Puggy, le premier album de GRANDGEORGE est annoncé pour le 9 janvier prochain. Une bonne nouvelle : grâce à lui, on sait déjà que l’hiver sera un peu moins froid...

Luc Lorfèvre

e qui arrive à GRANDGEORGE convenable et j’ai tout terminé comme pré- Paris, j’y suis et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de aujourd’hui, c’est un rêve de vu pour la fin de mon année sabbatique. sept ans. J’ai ensuite suivi mes parents à gamin qui se concrétise ? J’avais atteint mon but. Le premier jour où Londres et maintenant je bosse à Bruxelles. Enfant, il m’arrivait de j’ai recommencé à bosser, un ami m’a pro- Ce sont trois villes où je me sens particuliè- m’imaginer sur une scène posé de me mettre en contact avec le label rement dans mon élément. Paris et Bru- avec une guitare, mais cela te- [PIAS] et j’ai signé un contrat avec un pre- xelles, c’est un peu la maison. Londres est nait plus du jeu, voire du conte de fée, que mier album à la clef... davantage synonyme de plaisir. du rêve. Je suis plutôt du genre pragma- Ctique. Et bien que passionné de musique, Vous débarquez assez tard dans le monde So Fine s’est imposé comme le tube feel je n’ai jamais rêvé de devenir artiste car ça impitoyable de la chanson. C’est un atout good de l’été 2015. C’est ce ton léger et bu- m’a toujours semblé inaccessible. J’ai donc ou un inconvénient ? colique qu’on retrouvera sur votre premier suivi des études traditionnelles et je suis Moi, je le vois comme un avantage. Je ne album qui sort le 9 janvier prochain ? devenu ingénieur commercial. Arrive l’an- crois pas que j’aurais pu atteindre un tel ré- Je suis d’une nature optimiste et So Fine née 2013... J’approche de la trentaine, j’ai sultat si j’avais enregistré mon premier al- reflète parfaitement mon état d’esprit. Sur un chouette boulot, un chouette patron, une bum à l’âge de dix-huit ans. Et je ne parle le EP qui est paru avant l’été, il y a aussi If, chouette vie, mais je me dis quand même pas seulement de la qualité des chansons. une chanson moins légère adaptée d’un que je devrais essayer, juste pour voir, On est plus mature à trente-quatre ans qu’à poème de Rudyard Kipling. L’album navi- d’écrire un album. dix-huit, c’est indéniable. J’ai aussi acquis guera entre ces deux pôles. Ce EP est plus une expérience professionnelle qui me per- qu’une carte de visite, c’est une porte d’en- Vous avez pris une année sabbatique pour met de mieux appréhender le côté business trée pour l’album. écrire vos premières chansons. Comment de la musique, de ne pas m’emballer trop se sont-elles mises en place ? vite, de gérer un projet en me fixant un ré- J’avais économisé de l’argent, prévu un bud- tro-planning et de rester les pieds sur terre. get et même renoncé à des vacances. Le pre- Et puis, en cas de coup dur, je sais que j’ai mier jour de mon congé, j’ai acheté de la toujours un job et une vie à côté. moquette pour isoler l’acoustique de mon appartement afin de ne pas emmerder les Dans votre biographie de presse, vous com- voisins. En trois mois, j’avais plus d’une di- mencez par citer les noms des trois villes de zaine de chansons. J’ai ensuite recruté des « votre vie » : Paris, Bruxelles, Londres. Pou- musiciens pour enregistrer une maquette vez-vous nous expliquer ? www.facebook.com/GrandGeorge.official

novembre, décembre - 2015 • larsen 13

Rencontre

rencontre jeune public Michael et Moi Bambi, bambins, BD et autres curiosités En pleine préparation d’un spectacle jeune public, Karin Clercq et Marie Warnant unissent leurs forces pour donner vie à une bande dessinée et ressusciter l’âme de Michael Jackson. Sans « moonwalk », mais avec beaucoup d’humour et d’énergie.

Nicolas Alsteen © Marco Paulo Marco ©

uelle est la genèse du projet filles avec de gros caractères. On aimait verture aux autres, le fait d’oser se lancer, de Michael et Moi ? bien son approche de la bande dessinée. répondre à l’appel de ses rêves dans un Karin Clercq : En 2012, Marie Son univers était parfaitement en phase monde de plus en plus formaté. On a vrai- Warnant m’a contactée pour avec l’idée qu’on se faisait du projet: ment cherché à mettre sur pied un projet sus- me faire part de sa volonté quelque chose de mignon et d’incarné, ceptible de plaire aux enfants et aux parents. de créer un spectacle jeune sans pour autant tomber dans les clichés Tant dans l’écriture que musicalement. public. Quelque chose de visuel et d’un peu gagas et les raccourcis « enfantins ». Une inhabituel. Ça correspondait aussi à l’envie fois la BD terminée, nous avons affiné cer- Parallèlement à la BD, vous publiez un al- Qde se détacher de nos projets respectifs, de tains textes et peaufiné la musique pour bum de douze chansons. S’agit-il d’un ré- se retrouver autour d’une collaboration. proposer un tout cohérent. pertoire original ou de reprises de Michael Pendant un an, nous nous sommes vues Jackson ? une fois par semaine en vue d’écrire le scé- Sans tout dévoiler, pouvez-vous planter le C’est un répertoire original. Bien que, à un nario. Nous sommes parties de cas concrets décor du spectacle ? moment dans la BD, Luce croise deux – nos filles – en essayant de voir comment C’est l’histoire de Luce, une petite fille de jeunes chanteuses – plus si jeunes que ça – faire évoluer notre personnage principal, la six ans. Elle est assez timide. C’est une « rê- qui reprennent un morceau de Michael petite Luce. Très vite, on a eu l’idée de faire veuse professionnelle ». Un jour, sa grand- Jackson (Don’t Stop ‘Til You Get Enough). intervenir Michael Jackson dans l’histoire. mère lui offre Thriller, un album de Michael Cette reprise sera sur le disque… Je ne sais plus pourquoi ni comment. Tou- Jackson. Luce l’adore et elle se met à dan- jours est-il qu’on adore le funk, la soul, et ser sur la musique. Mais uniquement dans Pour mettre en œuvreM ichael et Moi, vous l’énergie positive qui peut se dégager d’un sa chambre parce qu’elle n’ose pas le faire êtes passées par KissKissBankBank. Pour- album comme Thriller. devant les autres. Un matin, elle va rencon- quoi recourir à une plateforme de finance- trer Michael Jackson. Ce dernier va lui pro- ment participatif comme celle-là ? Michael et Moi intègre à la fois une BD, un poser de danser le « moonwalk » sur la lune. La question s’est posée. Au final, on a voulu disque et un spectacle. Dans quel ordre les Mais d’un coup, il disparaît… rester libre et garder la main mise sur le pro- choses se sont-elles précisées ? jet. Aujourd’hui, compte-tenu du contexte, On a d’abord écrit l’histoire. Dans la fou- Le spectacle aborde la question de la liber- quand tu défends le potentiel d’un spectacle lée, on a travaillé sur la musique et puis, té, de l’émancipation et de la confiance en dans lequel tu crois profondément, mieux on a rencontré le dessinateur Marco Pau- soi. Ce sont les thèmes principaux ? vaut rester autonome. KissKissBankBank lo. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’hu- La confiance en soi est vraiment le sujet cen- nous offrait cette opportunité. C’est donc vo- mour, un mec capable de supporter deux tral de Michael et Moi. Mais il y a aussi l’ou- lontaire et totalement assumé.

larsen • novembre, décembre - 2015 14

Rencontre

rencontre jazz Antoine Pierre Urbex : Jazz et friche Antoine Pierre est l’un des jeunes drummers que beaucoup de jazzmen veulent avoir dans leur groupe. On l’a vu aux côtés de Jean-Paul Estiévenart, de Toine Thys, d'Enrico Pieranunzi, DR de Philip Catherine et au sein de groupes tels que LG Jazz Collective ou TaxiWars. Cette fois-ci, ce surdoué de la batterie Oui. New York a été une expérience in- propose son propre projet : Urbex. croyable pour moi. C’était très intéressant Jacques Prouvost de se connecter autant avec la tradition. Pen- dant un an, je suis sorti presque tous les soirs dans les clubs de jazz pour assister à des concerts plus incroyables les uns que les autres. Ce qui m’a frappé c’est le jeu incisif rbex, cela veut dire quoi et d’où Avez-vous fait le « casting » du groupe après que la plupart des batteurs ont. Il y a quelque vous vient cette fascination avoir écrit ou imaginé la musique, ou avez- chose de tranchant qui ne laisse rien au ha- pour les villes et bâtiments vous écrit en fonction des musiciens ? sard et qui te fait sentir que c’est « here and abandonnés ? J’ai fait le casting avant de concrétiser les now ». Je crois aussi avoir eu la chance de Antoine Pierre : Urbex est la morceaux. J’avais un son en tête et je savais faire des rencontres qui m’ont poussé musi- contraction des mots Urban et que j’avais envie d’un grand groupe avec des calement dans une voie que je n’aurais pas Exploration. Il s’agit d’une discipline qui est souffleurs, une basse électrique et des per- prise autrement. à la croisée du sport et de la photo et qui cussions. J’ai choisi les musiciens en fonc- Uconsiste à visiter des lieux abandonnés pour tion des rencontres musicales que j’ai eues Vous avez beaucoup joué avant d’enregis- en faire des photos « spectaculaires ». C’est avec eux auparavant. Lorsqu’on a commen- trer ? Le disque s’est fait dans les condi- une expérience mystique. Tu arrives dans cé à jouer, le groupe avait déjà trouvé un tions d’un live ? un lieu parfois presque intact depuis qu’il a chemin dans le son. J’ai écrit toute la nou- Quand je suis rentré de New York, on a joué été abandonné. La seule chose qui change velle musique en fonction du son du groupe. l’ancien répertoire au Bravo et au Brosella. c’est la nature qui s’y est réinstallée. Durant le mois d’août, j’ai organisé des répé- Comment avez-vous écrit les morceaux ? Sur titions partielles avec les musiciens pour La musique s’est-elle construite autour de un rythme, un « système », une mélodie ? parcourir les nouveaux morceaux et s’habi- ce « concept » de chaos, d’abandon, de ré- J’ai toujours un petit carnet avec moi dans tuer aux formes, aux systèmes rythmiques habilitation ? lequel je note toutes mes idées. De temps à et harmoniques et approfondir quelques in- Mes morceaux sont construits principale- autre un déclic me donne l’idée précise du tentions. Ensuite, on s’est réunis pour 3 ment à partir d’un état dans lequel je me son que je veux avoir. Une fois que j’ai l’idée jours de résidence à la Jazz Station. On a trouve quand j’arrive dans un lieu abandon- du son et de l’atmosphère que je veux dé- joué ce répertoire pour la première fois au né : c’est comme si j’arrivais à comprendre peindre, j’utilise le matériel de ce petit car- Marni et le lendemain, on est rentrés pour tout ce qui s’y est passé et que je vois tout ce net, qu’il soit rythmique, harmonique, mé- 3 jours en studio. Complètement isolés du qui pourrait s’y passer. C’est ce concept lodique, conceptuel,... Je connecte les idées monde, juste concentrés sur cette musique. « d’énergie » qui est devenu de plus en plus entre elles et puis je travaille sur la forme. concret pour moi et que j’ai voulu rendre tel quel dans ma musique. La nature reprend Le fait d’avoir passé un an aux States a-t-il le dessus et se sert de ce que l’homme a changé votre façon d’appréhender le jazz. construit pour renaître et prouver qu’elle Cela a-t-il influencé votre façon d’écrire pour https ://antoinepierre.wordpress.com est toujours là et que rien ne peut la vaincre. Urbex ?

novembre, décembre - 2015 • larsen 15

Rencontre

rencontre Rock expérimental PaTTon The Sound of C Dans un monde musical où les frontières n’existent pas, où les flux migratoires font partie d’un tout parfaitement ouvert et maîtrisé, PaTTon imagine des mélodies transgéniques. Sur la route du changement depuis plus

DR de vingt ans, les frères Bodson mettent leurs instruments au service d’une formule unique : du math-rock qui ne calcule pas, de l’électro court-circuitée par des mots anglais ou français, un a discographie de PaTTon se résume Vos chansons se caractérisent par un parti assez facilement : trois albums en pris franco-anglais. Ce double emploi des jazz totalement libéré. De retour vingt ans. Votre rythme de produc- langues, c’est votre marque de fabrique ? avec l’album C, le duo lance huit Au départ, on chantait exclusivement tion n’est pas très soutenu. Com- M.B. : nouveaux morceaux sur les traces ment l’expliquez-vous ? en anglais. La formule était presque instru- Sam Bodson : Par essence, notre mentale. L’usage du français, ça s’est préci- d’illustres laborantins (Cluster, processus créatif est lent. On chipote énor- sé comme une démarche volontaire. Chan- Battles, PVT, Don Caballero). mément. L’architecture des morceaux est ter dans notre langue maternelle, ça donne Lassez complexe. Pour arriver à rassembler une autre perspective aux textes. Car, au fi- Mais qu’on ne s’y trompe pas : un toutes nos idées sur un disque, on a besoin nal, l’anglais reste un mode d’expression as- groupe de la trempe de PaTTon, de temps. Ça tient aussi au fait qu’on enre- sez neutre. On ne court pas après un conte- gistre tout nous-mêmes. La production, c’est nu narratif. Passer de l’anglais au français, il n’y en a pas deux comme ça. du fait maison. Comme on est assez minu- c’est d’abord l’assurance de toucher à des Nicolas Alsteen tieux et tenus à des délais de livraison indé- ambiances musicales radicalement diffé- terminés, on remanie les chansons, on rec- rentes. Chez PaTTon, l’énergie et le rythme tifie quelques sons, on prolonge nos sessions. diffèrent fortement en fonction de la langue En trois albums, on n’a jamais arrêté une utilisée et ce, indépendamment du sens des seule date de sortie officielle. On ne planifie mots. Sur C, la voix est utilisée comme un rien. Chez PaTTon, il n’y a pas d’échéances. instrument.

Que signifie la lettreC qui orne la pochette Pour la première fois de l’histoire, vos vi- du nouvel album ? sages apparaissent sur la pochette d’un al- Maxime Bodson : Déjà, ça se tenait de choi- bum. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? sir la troisième lettre de l’alphabet pour un M.B. : Contrairement aux disques précé- troisième album. Ensuite, comme les chan- dents, on s’est lancé dans l’enregistrement sons de PaTTon naviguent systématique- de C avec l’envie de faire quelque chose de ment entre le français et l’anglais, le « C » simple. On voulait proposer un truc plus ou- semblait parfaitement approprié. Sa pro- vert, moins hermétique. Cette démarche se nonciation change d’une langue à l’autre, traduit à travers la pochette de l’album. À tout comme la signification connotée. D’un partir du moment où on souhaitait renfor- côté, on est confronté à « C’est » et de l’autre cer la lisibilité du projet, il semblait cohérent à « Sea ». On peut aussi voir ce titre comme de se présenter au public, de dévoiler nos vi- un clin d’œil à Confetti’s et à la vague new sages, de prendre un tournant un peu plus beat des années 1980. pop. Cette pochette nous permet aussi d’af- firmer la formule duo : à chaque face du PaTTon disque son portrait. Notre démarche est C beaucoup moins abstraite que par le passé. Prohibited Records

larsen • novembre, décembre - 2015 16

Rencontre

Quels sont vos paramètres, influences pour l’interprétation de ce répertoire ? Comme toujours lorsque l’on se plonge aus- si intensivement dans un répertoire, on es- saie de développer une vision aussi person- nelle que possible et en accord avec ses propres conceptions. Avec Prokofiev, il est évidemment très difficile de faire abstrac- tion de certaines interprétations aujourd’hui devenues historiques, en particulier celles de Richter mais aussi du compositeur lui- même. Paradoxalement, cela m’a peut-être aidé à poursuivre dans le sens d’une inter- prétation dénuée de tout romantisme exces- sif et à souligner à la fois le côté néo-clas- sique de la mélodie « prokofievienne » mais aussi le modernisme de la déformation har- monique opérée par le compositeur. C’est finalement une inspiration de pouvoir écou- ter les enregistrements de compositeurs pia- nistes tels que Rachmaninov et Prokofiev pour se rendre compte du caractère assez simple et direct qu’ils donnaient à l’inter- prétation de leur musique. Ce que j’ai donc recherché en particulier est la clarté for-

© Fabienne Cresens melle et sonore des sonates combinée de la meilleure manière possible à leur massivité rencontre classique et à la richesse qu’elles déploient.

Comment s’est organisé le projet ? La préparation se déroule forcément sur Stephane Ginsburgh plusieurs années et avance au gré des Après des enregistrements consacrés à Morton Feldman, Satie concerts et du reste de l’actualité musicale. ou encore Jean-Luc Fafchamps, Stephane Ginsburgh se lance dans Quant à l’aspect organisationnel, il peut se résumer en ces quelques démarches prin- une intégrale des Sonates pour piano de Prokofiev. Un projet ambitieux cipales : recherches d’un label, de finance- nourri de nombreuses influences, des musiques du passé à la création. ments, d’un studio et d’un piano. Dans mon cas et malgré la longueur du processus, j’ai Ayrton Desimpelaere eu beaucoup de chance : le label belge Cypres a immédiatement accepté ma pro- position ; Flagey m’a accueilli pour 7 jours dans le Studio 4 ; et j’ai pu travailler avec ianiste, pédagogue et doctorant à mon enfance, je ne sais pas si cela m’a Aline Blondiau, une ingénieure du son ab- la VUB, le pianiste belge Sté- conduit en particulier à Prokofiev, mais il solument extraordinaire. La recherche d’un phane Ginsburgh arpente la est certain que par son sens particulier de piano a été plus compliquée car je ne vou- scène internationale tout en déve- l’harmonie et la place centrale qu’il accorde lais pas d’un Steinway moderne trop uni- loppant son intérêt pour le réper- à la pulsation, il y figure en bonne place. En- forme. Après quelques hésitations autour toire contemporain, sans pour au- fin, je ne peux cacher que c’est véritable- d’un Bechstein pour me rendre compte que tant négliger l’héritage du passé. C’est ainsi ment par Pierre et le Loup que je suis entré malgré sa clarté ce piano était un peu trop qu’en décembre 2015, le label Cyprès fera dans sa musique. Et comme le dit avec hu- fragile, je suis tombé sur un Steinway D des Pparaître l’intégrale des Sonates pour piano de mour Frederic Rzewski : Un compositeur qui années 70 dont le son m’a paru convenir Prokofiev. Le co-fondateur du Bureau des a écrit Pierre et le Loup ne peut pas être tout parfaitement à ce que je cherchais, même Arts – devenu Sonar en 2011 – pour qui le re- à fait mauvais ! S’engager dans une intégrale si l’instrument n’avait jamais été rénové : nouvellement du répertoire et des formats n’est pas au départ un projet construit. Sou- des basses profondes, un médium chantant de concerts est primordial, nous dévoile l’es- vent les choses ne se déroulent d’ailleurs pas et un aigu brillant. Enregistrer près de trois sence de son projet artistique. selon un plan clairement établi ou comme heures de musique compliquée pour piano on l’avait imaginé. Cela se révèle petit à pe- seul en 7 jours sans pause est certes une Quelle est la genèse du projet ? tit et se concrétise finalement lorsqu’on se épreuve mais je doute que les conditions Les rapports particuliers que l’on développe dit : Tiens j’ai déjà joué toutes ces pièces ! Et si aient pu être meilleures ! avec la musique sont souvent très anciens et je complétais le cycle ? Puis vient l’idée d’un nourris de toutes sortes d’influences qu’il est enregistrement comme approfondissement toujours intéressant d’examiner. J’ai baigné de la réflexion sur la musique et besoin de dans un univers musical hétéroclite toute fixer quelque chose.

novembre, décembre - 2015 • larsen 17

Rencontre

Qu’est-ce qui vous attire dans les nouveaux rencontre répertoires ? contemporain Le renouvellement constant et le brassage d’idées. Je ne peux pas envisager la mu- sique sans création, elle est vitale, et c’est elle aussi qui nourrit ma réflexion sur la Alithéa musique ancienne. Je me souviens m’être précipité avec avidité sur le premier volume des études de Ligeti dès sa publication en Ripoll fac-similé chez Schott. Aujourd’hui, ce sont des classiques et la création poursuit quant à elle son chemin. Pour ce qui est de ma Slap et LAPS sensibilité, je suis très ouvert à toutes les dé- au LOOP marches esthétiques, même si je sais que je n’ai matériellement pas le temps de toutes Alithéa Ripoll, issue du les embrasser. Conservatoire de Liège, et Pierre Slinckx tout droit sorti de celui Des projets pour l’avenir ? L’avenir est essentiellement incertain et de Mons, recevront le Prix André mouvant, c’est ce qui attise ma curiosité et Souris offert par la SABAM nourrit mon désir de continuer. Mes projets et décerné aux talents prometteurs se partagent pour l’instant entre l’approfon- dissement d’un répertoire classique (avec par le Forum des Compositeurs une affection spéciale pour Beethoven) et lors du Festival Loop 2015 des collaborations avec des compositeurs. (du 24 au 28/11). La jeune Je travaille en particulier avec Stefan Prins Isabelle© Françaix pour la création de son cycle Piano Hero à compositrice, forte d’une trentaine Darmstadt et Oslo en 2016 mais aussi avec de pièces, écrit pour l’ensemble Fabian Fiorini – qui écrit aussi en ce mo- LAPS un trio pour clarinette ment un cycle d’études pour moi - autour d’une réinterprétation de Bach au Concer- ette commande étant arrivée in et deux laptops, Ghosts (s)LAP(s) tgebouw de Bruges. Je poursuis aussi ma extremis, explique Alithéa, j’y it up !, qui sera créé le 26 novembre recherche sur un répertoire pour piano hy- développerai une pièce courte bride lors d’une résidence à New York avec déjà travaillée avec Rudy Ma- dans le cadre du festival. des compositeurs de là-bas dont Mark they, le clarinettiste de LAPS : Isabelle Françaix Applebaum, Guy Barash et Alec Hall ; et en des sons percussifs à la clari- Europe avec Christophe Guiraud et David nette(les slaps) seront enregistrés en live, réin- Shea entre autres. Je continue à faire vivre jectés, transformés en direct et gérés par les por- au fil des saisons tout ce répertoire pour Ctables de Gilles Gobert et Gilles Doneux, tous speaking pianist que j’ai suscité et abordé deux à la console et aux manettes de jeux vidéo nière. J’écoute mes émotions et celles des ar- ces dernières années avec Frederic Rzews- de cet ensemble dynamique, inventif et hors- tistes avec lesquels je travaille. Michel Fourgon ki, François Sarhan, Jean-Luc Fafchamps norme. Il faut penser leurs ordinateurs comme a encouragé ses élèves à écrire pour être joués : et de nombreux autres. des instruments de musique ; j’aimerais donc toute pièce doit pouvoir vivre et il est aussi im- prévoir une part d’improvisation pour ouvrir portant de choisir ses musiciens, de s’essayer à Sergeï Prokofiev la partition. J’écris toujours en m’inspirant des la production que de composer. Nine Sonatas musiciens qui interpréteront ma pièce : c’est Cypres Records une source d’échanges profitables. Une collabo- Micro-opéra, musique pure, couplées au ration n’est pas un collage ni un gadget, mais théâtre ou aux arts plastiques, peu de pièces une rencontre d’où naissent une forme et un sont restées dans les tiroirs d’Alithéa qui tra- sens. La combinaison acoustique-électronique vaille à plusieurs commandes : Dis-moi dix prendra ici une dimension supplémentaire en mots à Radio France pour choristes collé- créant un trio inédit. giens et orchestre de lycéens, un quintette à cuivres graves pour Open Slide et un pro- Inventive, déterminée, soucieuse de mêler jet pour flûtes et électronique. Et ce n’est les disciplines artistiques et d’encourager la qu’un début… découverte musicale dans tous les milieux socio-culturels, Alithéa Ripoll est conféren- cière au Conservatoire de Liège et enseigne le clavier et le chant rock dans différentes asbl, n’acceptant les systèmes que pour en repousser les limites. Je compose en créant un alphabet couplé à un système de notes, mais www.ginsburgh.net si cela ne sonne pas, je n’en suis pas prison- www.compositeurs.be/fr/festival_loop

larsen • novembre, décembre - 2015 18

trajectoire

J’aime bien poser exagérément sur une photographie, à l’ancienne… confie Guy-Marc Hinant, en acceptant l’œil ultra-rapide de l’appareil-photo numérique qui le saisit en un cinq- centième de seconde. Boutade ? Cinéaste, j’aime, plus que les images fixes, capter un fragment temporel à travers leur mouvement. Cette photo figée cache donc la mobilité de l’artiste : réalisateur de portraits de compositeurs, en quête cinématographique d’énigmes suspendues, conférencier du bruit et de l’écoute, scénariste et personnage de BD avec sa compagne Dominique Goblet, tête du label Sub Rosa… Guy-Marc Hinant décrypte les traces éphémères du temps.

© Isabelle© Françaix Isabelle Françaix

Guy-Marc Hinant Au bord de la disparition

novembre, décembre - 2015 • larsen 19

trajectoire

« Cette attention envers moindre de leurs griffes et m’intéressais beau- Aujourd’hui, nous terminons un film entamé coup à ce son répétitif quand l’aiguille butait il y a 5 ans : Rage. Nous désirions passer à l’accident me guide contre une rayure et tournait en boucle. autre chose pour éviter de tomber dans un pro- cédé de fabrication. Nous avons tourné spora- encore aujourd’hui, Cette attention envers l’accident me guide en- diquement pendant 4 ans, filmant des théori- core aujourd’hui, plus que toute volonté affir- ciens de l’anarchie, auscultant les débuts de la plus que toute volonté mée. Le label Sub Rosa est né comme cela. Bien musique techno et acid qui se fait dans les affirmée. » avant d’en avoir l’idée, c’est en feuilletant un squats. Ce sera le premier d’un cycle de Films- vieux dictionnaire anglais que j’ai noté cette Mondes. expression latine du siècle d’Oscar Wilde uti- lisée telle quelle pour évoquer l’intimité feutrée UNE MISSION, PEUT-ÊTRE… d’un conciliabule entre amis : on devisait « sub J’ai entamé seul un autre cycle, très personnel, rosa ». Je savais que j’en ferais quelque chose intitulé Oubli et Résistance ; j’y interroge ce un jour… Cela m’était consubstantiel, même si qui est au bord de la disparition. Le premier je devais encore en établir les liens. film sera consacré à Charleroi, ma ville natale, CE QUI NOUS (RE)LIE où l’industrie s’est effondrée bien avant ma J’ai toujours un carnet avec moi, dans lequel je CRYPTOGRAMMES, TRACES ET CYCLES naissance, avec la culture ouvrière, le wallon, note ce que je vois, ce que je vis, ce qui survient J’ai fait deux ans de philo puis étudié le cinéma le socialisme… Le deuxième, Birobidjan, est et me paraît essentiel. J’évite d’y consigner mes à l’INSAS. À la fin de notre cursus, en 1984, déjà sorti car c’est en faisant des repérages sentiments ; ce n’est pas un journal intime. Nous Frédéric Walheer et moi avons raclé nos fonds pour le premier que j’ai rencontré Benjamin sommes aveugles à notre époque. Mes carnets de tiroir pour sortir un premier LP : Myths 1, Silberberg ; l’histoire de son père, venant de Po- m’aident à voir clair. Mon activité principale Instructions for survival, en référence à Lévi- logne, m’a conduit vers cette terre promise, éra- est sans aucun doute l’écriture, même si elle n’est Strauss, dans lequel William Burroughs expli- diquée par l’antisémitisme de Staline, en pas destinée à la publication. J’en ai besoin pour quait comment détruire un état. Les années 80 même temps que le yiddish… Le troisième vo- comprendre le monde, me comprendre et sur- grouillaient de vitalité. Dans l’incroyable lieu let traitera de la guerre d’Espagne dans la- vivre. Une fois un carnet achevé, j’en interroge presque en ruines du Plan K à Molenbeek, on quelle le père de Silberberg s’était engagé dans le contenu que je transcris sur ordinateur. Guy- pouvait écouter dans la même soirée et sur les brigades internationales. Marc Hinant écoute méthodiquement le quatre étages Joy Division, Cabaret Voltaire et réel et son permanent chaos, au-delà des William Burroughs ! Cette émulation nous a Qu’est-ce qu’une histoire ? Comment capter règles de bonne conduite : je tente de tisser des donné envie de créer un objet témoin, écoutable l’énigme d’une vie ? On pourrait s’arrêter à liens naturels entre les faits et les êtres. La so- et lisible, au design reconnaissable. Ce fut le pre- l’intensité d’une émotion lors d’une rencontre ciété nous oblige à compartimenter notre exis- mier d’une série de 7 mythes, comme il y a 7 et se réjouir simplement du fait qu’il s’est passé tence : on n’est pas à la fois compositeur, écrivain lettres dans Sub Rosa, et comme nous sortirions quelque chose, mais je ressens fortement l’in- et gérant du commerce de son père, quelle que dans les années 2000, les 7 volumes de l’antho- time devoir d’inscrire cela dans un art. Ce qui soit notre énergie ! Cette tyrannie de la pensée logie du bruit et de la musique électronique. en résulte (enregistrement, documentaire, est une souffrance en vérité. D’emblée, je me suis Cela s’est fait naturellement, sans prémédita- film…) nous en dit beaucoup sur nous-mêmes, lancé dans différentes directions, avec le senti- tion mais avec ce type de structure qui prête au-delà des faits historiques. Toute création est ment lancinant que ce n’était pas l’idéal… bien après-coup à l’exégèse, au commentaire du com- ténue, tremblante : à la fois trace, disparition qu’incontournable. Ici, je ne songe même pas mentaire. Sub Rosa mène un travail de profon- et… réapparition, plus éclairante. au talent (qui est une notion que je n’évoque ja- deur en restaurant des bandes magnétiques mais), mais à la nécessité intértieure. Et aux comme celles d’André Stordeur, Léo Kupper, et accidents qui, au fil d’une vie, peuvent nous en récemment les enregistrements des cérémonies indiquer la direction. yanomami de chamanes d’Amazonie rassem- blés par David Toop. En éditant parallèlement Vers 7-8 ans, j’étais invité à un goûter aux les recherches musicales de nos contemporains Beaux-Arts de Charleroi quand j’ai vu la (sortent actuellement les travaux de Jean- fresque de Magritte au-dessus de la scène. Luc Fafchamps et Stephane Ginsburgh - J’ignorais absolument ce que c’était et, sans au- ndlr), nous gardons des traces de ce qui existe, cune référence, terrifié et transporté, je me suis vibre et se délite. rendu compte que certaines personnes pou- vaient recréer des rêves au cœur du réel. Peu Dans les années 2000, j’ai entamé un travail ci- importe la valeur esthétique de cette peinture nématographique d’une douzaine d’années avec murale, elle m’a permis de prendre conscience, Dominique Lohlé autour de trois questions qui comme les femmes nues perdues dans les gares nous semblaient fondamentales, créant pour cela des toiles de Paul Delvaux, d’une certaine l’OME (l’Observatoire des Musiques électro- étrangeté. Il y avait donc d’autres possibles au- niques) : qu’est-ce que composer de la musique ? delà des apparences. Cette prise de conscience Qu’est-ce qu’écouter ? Est-ce que l’avant-garde a est totalement subjective, mais je ne suis objec- encore un sens ? Nous n’écrivions pas de scéna- tif en rien. rios mais chaque portrait d’artiste était lié à une contrainte, un contexte prédéfini : David Toop de- À la même époque, j’écoutais inlassablement vant sa discothèque, Henri Pousseur dans une les 45 tours de ma mère, comme ceux des Beat- voiture... Que filmer dans un documentaire, com- les et d’autres. Je connaissais par cœur la ment saisir le réel qui nous fait face ? www.subrosa.net

larsen • novembre, décembre - 2015 20

zoom

zooC’est m arrivé près de chez vous

Ces derniers temps, en Belgique, les documentaires musicaux ont la frite. Un film passionnant se penche aujourd’hui sur une page arrachée du récit : le jazz des années 1930. Refoulée dans l’inconscient (collectif) d’une nation meurtrie par la guerre et - DR les affres du nazisme, la carrière de Stan Brenders

tan Brenderstan déroule le fil conducteur deManneken Swing, une S intrigue belge – donc surréaliste – où le destin dévale les pentes d’impressionnantes montagnes russes. Entre triomphe et tragédie, looping et grand huit, on aperçoit au loin les fondations de Flagey et la porte d’entrée d’un célèbre petit troquet.

Nicolas Alsteen

ruxelles, fin de l’été. Les feuilles mortes ne se ramassent mane du producteur, on devine déjà l’itinéraire qui le conduit à pas encore à la pelle mais, du côté de Forest, elles réaliser Manneken Swing : la passion de la note bleue. En réalité, jonchent déjà le pavé. En cavale dans la rue, on frôle plu- pas du tout. L’idée du film n’est pas de moi. Elle vient de David Deroy, sieurs fois la glissade avant d’atterrir devant la porte de un féru des pages oubliées de l’histoire belge et des personnages hauts en PlayTime, boîte de production orchestrée par Matthieu couleurs. Il adore les anecdotes sur les mecs ambitieux et charismatiques Frances et Julien Bechara. Ce dernier s’est fait un nom qui ont marqué les annales sans jamais avoir eu les honneurs d’un trai- dans le cinéma en passant par la case musique : des clips pour Aus- tement journalistique. Dans ses tiroirs, l’homme cache notamment tin Lace, un documentaire sur Superlux et Not Here, un film de le scénario d’un improbable feuilleton : la vie de Stan Brenders. BChristopher Yates consacré à Girls In Hawaïï. On avait adoré le Elle lui a été racontée par Jean-Louis Hennart, le propriétaire de docu sur Radiohead. En 1998, Meeting People Is Easy donnait le ton l’Archiduc, lieu emblématique de la vie nocturne bruxelloise. du rockumentaire. C’était l’exemple à suivre : l’antithèse du documen- Quand on pénètre dans cet établissement, on fait attention à tout sauf taire commercial. Ça a beaucoup inspiré notre travail quand on s’est au portrait de Stan Brenders encadré sur un mur. Historiquement, c’est mis en tête de filmer l’envers du décor de la tournée des Girls in Hawaïï. lui qui a ouvert l’Archiduc. Mais avant ça, il avait été un grand compo- Depuis, Julien Bechara laisse toujours traîner une caméra à proxi- siteur, musicien et chef d’orchestre : un emblème du jazz entre la fin des mité des amplis. Sur son tableau de chasse, on voit défiler des clips années 1920 et le début des années 1940. David Deroy saute sur l’oc- pour Les Hoquets, V.O., Hey Yeah ! ou Moaning Cities. La musique casion et commence à investiguer cette époque un peu folle : l’âge dans la filmographie de PlayTime ? Ce n’est pas innocent. Je suis tom- d’or du jazz en Belgique. On tenait un truc. On avait là l’occasion de bé dedans quand j’étais enfant. À la maison, ma mère écoutait du jazz. mettre en perspective un lieu mythique de Bruxelles, tout en retraçant J’ai grandi avec Miles Davis, John Coltrane... Vu le pedigree mélo- le parcours de Brenders, un artiste qui a cherché la synthèse entre la

novembre, décembre - 2015 • larsen 21

zoom zoom adio - DR aison de la R rchestra à la M

SCÉNARIO DAVID DEROY RÉALISATION JULIEN BECHARA IMAGE TRISTAN GALAND SON LENI ANDRIEUX MONTAGE MATTHIEU PIERRAT MIXAGE ROLAND VOGLAIRE VOIX NARRATEUR LAURENT BONNET UNE PRODUCTION IMAGE CREATION.COM COPRODUIT PAR LA RTBF DÉPARTEMENT DOCUMENTAIRE / LE WIP (WALLONIE IMAGE PRODUCTION) / PLAYTIMEFILMS AVEC LE SOUTIEN DE LA LOTERIE NATIONALE ET L’AIDE DU CENTRE DU CINÉMA DE LA FÉDÉRATION WALLONIE BRUXELLES. DR Brenders & O

musique classique et le jazz. Son rêve, c’était Bing Bang Boum : le nerf de la guerre la moindre archive filmée du personnage vraiment de faire du Gershwin. Dans les an- En mai 1940, la guerre éclate et joue les principal. On a visité toutes les banques d’ar- nées 1930, il est au sommet de son art. C’est l’un trouble-fêtes. Les Allemands débarquent à chives connues en Europe. En vain. On a aus- des chefs de file d’un mouvement national qui Bruxelles et trouvent une Maison de la Radio si cherché à éviter le piège des interviews. C’est irradie le continent européen. Il joue carrément profilée pour distiller des messages de propa- un parti-pris. Comme Stan Brenders a eu une des coudes avec les Anglais. Le jazz belge des gande dans l’air. Face à l’envahisseur, le gou- célébrité relative, on ne voulait pas tomber dans années 1930 devient hyper influent. Moi, je vernement belge adopte une position défen- un truc de spécialistes avec des rats de disco- compare ça aux Diables Rouges d’aujourd’hui. sive. Depuis Londres, les ministres votent en thèques qui parlent de lui. Manneken Swing Qu’est-ce qui fait qu’un si petit pays a beaucoup faveur d’une reprise partielle des activités. Les traverse ainsi les couloirs du temps pendant de talents en football ? À un moment donné, en journalistes sont écartés de Flagey pour leur cinquante-deux minutes pour conter, en Belgique, on avait la meilleure équipe de jazz éviter d’être à la solde des Allemands. Les mu- voix off, une histoire illustrée d’incroyables européenne : Jean Omer, Fud Candrix, Stan siciens, eux, sont invités à reprendre le boulot… images historiques. On a opté pour une façon Brenders… Que des pointures ! Des gens sortis On est alors à mille lieux d’imaginer les consé- de retracer le récit qui a les défauts de ses qua- des écoles de musique, des passionnés qui quences d’une telle décision : rassembler les au- lités. Seul l’avenir nous dira si c’était judicieux avaient complètement assimilé le style noir diteurs autour du jazz comme pour mieux leur ou pas. En attendant, ce documentaire re- américain de la Nouvelle-Orléans. Pourtant, balancer des bulletins de propagande… Le film colle avec brio les morceaux d’une saga sans quand on évoque les souvenirs du jazz dans évoque cette période et, par extension, héros. Soit un film pour la légende. les parages de Manneken-Pis, ce sont les pointe du doigt les sinistres nuages qui noms de Robert De Kers, Toots Thielemans planent au-dessus de Stan Brenders et de ou Philip Catherine qui reviennent le plus son orchestre. Était-il un collaborateur ? À la souvent. C’est justement la thèse du film,in - base, la décision de reprendre le travail venait dique Bechara. Manneken Swing cherche à du gouvernement. Mais bon, quand tu com- comprendre pourquoi on a jeté deux décennies mences à piger l’enroule, tu es en droit de te po- de jazz aux oubliettes. En tant que producteur ser des questions... Brenders a fait l’autruche, de films, tu cherches à remettre les choses en continuant son boulot sans déranger personne. La Belgique de Julien Bechara contexte en t’appuyant sur le vécu des protago- Dans ce cas de figure, on pose toujours l’exemple en 5 documentaires musicaux nistes. Par rapport à Omer et Candrix, le des- du boulanger qui a continué à faire son pain, 1. Marcel Superstar, 2004, Olivier Monssens tin de Stan Brenders était le plus improbable. tout en le vendant aux Allemands. Collabo ou 2. The Sound of Belgium, 2012, Jozef Devillé En plus, le début de sa carrière correspond à la pas ? C’est un peu « la » question du film. Fruit 3. Marvin Gaye Transit Ostende, 1989, Richard Olivier construction de Flagey, temple ultra moderne de trois longues années d’investigations, 4. Belpop, 1999-2005, VRT 5. Not Here, 2009, Christopher Yates de la radio. Manneken Swing déroule la pellicule sans

larsen • novembre, décembre - 2015 22

zoom © Alexandre Causin © line Blondiauline A

zooFemmesm sur scènes musicales Place à prendre !

À tous les étages, elles sont moins nombreuses : artistes, mais aussi compositrices, directrices, programmatrices, productrices, ingénieures du son ou roadies, même si la donne est en train de changer. Larsen a voulu savoir pourquoi ; rencontres avec quelques femmes dans la place.

Véronique Laurent

novembre, décembre - 2015 • larsen 23

zoom

« Le métier est difficile pour tous, et plus particulièrement encore pour les femmes, parce que toujours soumises à des stéréotypes. »

n compte moins de femmes que d’hommes dans le tâche de les éradiquer d’autant plus ardue, la prise de conscience monde musical, c’est un constat récurrent. Le web- d’autant plus nécessaire. Björk poussait un coup de gueule à ce zine musical québécois 99scènes a eu l’idée visuel- propos en début d’année dans une interview accordée au maga- lement géniale de sélectionner sur les affiches des zine Pitchfork à l’occasion de la sortie de son dernier opus : marre grands festivals internationaux les groupes incluant de voir dans la presse tout le travail de composition crédité aux au moins une femme… ou plutôt de retirer tous ceux hommes qui sont intervenus, certains même très brièvement, sur qui n’en comptaient pas ! Résultat interpellant publié en avril 2015 : son album. La femme muse, d’accord ; compositrice et créatrice, des affiches presque vides où flottent encore ici et là un cinquième il semble que cela soit beaucoup plus difficile à accepter. Odes groupes, en moyenne. Quelques noms de grandes artistes re- connues ne cachent pas la foule absente derrière eux, même si le L’image et l’instrument bilan ne s’applique pas de façon identique dans tous les styles mu- Catherine De Biasio, musicienne, chanteuse et compositrice pour sicaux et métiers connexes, et n’est pas aussi criant que sur la scène les projets Blondy Brownie, Mièle et Ici Baba, a fait de la musique pop/rock. Une infographie sur Pinterest intitulée Women in music son métier il y a 25 ans. Elle confirme que la parité est loin quand by the numbers partage des chiffres tout aussi significatifs. Pour on débarque dans les salles, que des gonzesses, il n’y en a pas des exemple, dans le top 100 des meilleurs albums aux États-Unis ne masses. On pourrait pister les causes plus loin, suivant l’anecdote figurent que 17 réalisés par des femmes. En Belgique, difficile de qu’elle raconte : Pendant mon apprentissage classique en Académie, rendre visible l’invisible, alors qu’il n’existe pas d’études, pas de quand il a été temps de choisir un instrument, j’ai voulu jouer de la bat- chiffres officiels disponibles à ce jour concernant l’accès aux moyens terie. Suite aux réactions de mon entourage, j’ai fini par opter pour la de production et de diffusion, l’accès aux postes à responsabilité, la clarinette ! Dès le plus jeune âge, les stéréotypes enfoncent leurs présence des femmes dans la programmation artistique ou encore clous qui coincent ; les jeunes filles commenceront moins facile- les écarts de rémunération. Mais pensez compositrices, cheffes d’or- ment que les garçons du même âge à taper la baguette ou gratter chestre, solistes, manageuses, groupes au féminin… Ok, il en existe, la guitare électrique avec des copines dans le garage. Il existe tout mais combien moins que des homologues masculins. un imaginaire populaire lié aux instruments de musique. Pas de mec derrière la harpe, pas de cuivres pour les filles, que l’on trou- En boucle vera plutôt dans les cordes ou flûte traversière et clarinette au bec. Les femmes n’apparaissent pas autant que les hommes parce Mais, poursuit la musicienne, le projet de fanfare Babelouze auquel qu’elles disposent de moins de visibilité ou elles n’apparaissent pas je participe, sous la direction de Michel Massot, présente une majorité autant parce qu’il y en a moins dans le milieu ? Les deux réalités de femmes aux cuivres : 8 tubas féminins, 5 percussions féminines et s’auto-nourrissent et alimentent un cercle vicieux, avance Brigitte Ka- même une au souzaphone, le plus gros des cuivres… Le rapport tradi- quet, directrice du festival Voix de Femmes dont le défi est de pro- tionnel aux instruments est en train d’évoluer. Des batteuses, il y poser un festival entièrement dédié à la création féminine. Selon en a de plus en plus, comme des ingénieures du son – et où, sinon mon expérience, la femme artiste va rencontrer plus d’obstacles dans dans cet article, prendre la liberté de l’usage du langage fémini- son parcours artistique et moins de soutien dans la création, la produc- sé –, ce que confirme Aline Blondiau, exerçant elle-même le mé- tion ou la diffusion. Le métier est difficile pour tous, et plus particuliè- tier côté musique classique et s’accordant difficilement le titre de rement encore pour les femmes, parce que toujours soumises à des sté- directrice artistique : À l’INSAS, pendant mes études, le ratio filles/ réotypes. Mais c’est surtout l’accès à une reconnaissance d’artiste « à part garçons, c’était fifty-fifty ; plus tard, on retrouve moins de filles, mais de entière » qui pose problème. plus en plus tout de même. L’évolution du matériel technique vers un matériel plus léger et compact est une des raisons expliquant Les résultats d’une étude pionnière réalisée aux États-Unis et pu- selon elle l’arrivée des femmes dans ce métier. Cependant, mère bliée en 2000 concluaient que les musiciennes d’orchestre avaient d’un fils de trois ans à l’époque, la « soniste » a voulu tout arrêter il une probabilité plus importante d’avancer dans le processus de y a quelques années ; ses absences répétées, de la maison, la culpa- recrutement et/ou d’être embauchées quand l’audition se dérou- bilisaient beaucoup. Au même moment, son compagnon a décidé lait... à l’aveugle, à savoir derrière un paravent : la possibilité d’être de quitter un boulot qui ne le satisfaisait plus pour s’occuper de retenue au tour suivant s’accroissait alors de 50 %, celle d’être re- leur fils à temps plein. Dilemme résolu, lui donnant la possibilité crutée, de 30 %. Détail qui claque : tant que les candidates n’enle- de poursuivre sa brillante carrière. vaient pas leurs chaussures à talons, les statistiques ne bougeaient pas. Cette étude montre l’application de différents critères de ju- Quand on voit arriver une fille comme DA ou ingé son, le milieu est gement à un homme ou à une femme, issus de standards sexistes d’abord « étonné », ajoute encore Aline Blondiau, mais la présence logés et bien ancrés dans notre inconscient collectif, rendant la d’une nana dans un monde de mecs est ensuite plutôt appréciée. L’ar-

larsen • novembre, décembre - 2015 24

zoom © Bernard Babettee Biasio Bernard © atherine D C Dufrenoy Isabelle © Kaquet Brigitte

tiste bruxelloise de Blondy Brownie la rejoint sur ce point et La directrice de Voix de Femmes doit souvent expliquer que ce fes- évoque aussi le contrepoint induit par un moins grand nombre tival est « l’égal d’un autre », aussi fort que tout autre, face à la pen- de musiciennes : Quand tu fais un groupe féminin, c’est quand même sée insidieuse que ce type de manifestation suscite encore trop très agréable ; ça met une autre ambiance. Question voix, ça amène souvent : labelliser les artistes féminines comme s’il s’agissait d’une plein de choses différentes. Plus il y aura de filles, plus ce sera catégorie spécifique, voire d’une « sous-catégorie » impliquant un chouette... Quand tu vieillis, il y en a de moins en moins, par contre. intérêt artistique de moindre qualité. Quand Brigitte Kaquet l’a Rien à faire, être en couple, avoir des enfants, être une femme dans lancé en 91, elle n’imaginait pas que vingt-quatre ans plus tard, il la musique, c’est pas évident. serait toujours d’actualité. En 2015, son fil conducteur, valoriser le rôle des femmes à travers une scène artistique, reste une priorité : Musicienne, et mère. Il n’y a jamais eu un moment où on s’est dit : ça ne tient plus la route, La chanteuse a un bébé depuis six mois. Les gens s’imaginent que c’est obsolète. Si elle est l’égale de l’homme, la femme a droit exactement du jour au lendemain, tu vas refuser des jobs, ralentir tout ce que tu fais. aux mêmes chances au niveau artistique, au niveau du discours, de la La société n’aide pas à croire que les deux peuvent se réaliser en même pensée, à tous niveaux. En ce sens, les événements dédiés à la valo- temps : t’épanouir dans ta vie professionnelle et avoir un enfant. Je risation du rôle des femmes restent indispensables si l’on veut don- connais plein de potes musiciens et pères de famille, et ça ne pose aucun ner une visibilité au travail d’artistes femmes, parce que leur place, problème qu’ils partent tous les week-ends… Concilier vie privée et dans le monde musical comme ailleurs, n’est pas acquise, et que professionnelle, autre écueil pour les femmes, alors qu’une part la présence des femmes en musique crée des modèles, que suivront d’inégalités persistent dans l’attribution des fonctions ; le soin des de nouvelles générations. enfants restant majoritairement dévolu à la mère. Des questions posées par certains journalistes au duo de filles de Blondy Brow- nie montrent le chemin qu’il reste encore à parcourir : « Vous êtes ensemble ? », c’est arrivé. « Quel âge avez-vous ? », je l’ai entendue sou- (http ://99scenes.com/voici-a-quoi-ressemblerait-la-programmation- vent. Ou, « Avez-vous des enfants ? ». Et même une fois : « Comment vos de-13-festivals-sils-avaient-juste-les-artistes-feminins/) compagnons vivent-ils la chose ! ». Est-ce que l’on pose ces questions à des musiciens ? Sans parler des commentaires relevant du sexisme ordinaire : « T’as été engagée parce que t’es une fille ». Ou alors l’inverse : « On ne te prendra jamais parce que t’es une fille… ». En fait, tu dois tout le temps te justifier,poursuit la jeune femme, je le prends en rigolant, mais quand même, on ne dira jamais : « Toi, on t’a pris parce que t’es un garçon ! ». Cela dit, je ne pense pas que le milieu musical soit plus ma- chiste que le reste de la société…

novembre, décembre - 2015 • larsen 25

aperçus aperçus La Gazette Du Rock Fétichistes, déçus du virtuel et amateurs de bon esprit, ceci est pour vous : il existe encore en ce bas monde des fanzines de qualité ne mégotant pas sur le côté ludique du média. Le dernier en date à nous être passé sous les yeux s’intitule La Gazette Du Rock. Tout est dans le titre, ou presque.

DR Didier Stiers

’objet (car ce « canard » est vendu après quelques brainstormings (à base de Bush- chaque numéro, on retrouve des chroniques de sous plastique toujours agrémenté mills 12 ans d’âge et de vin rouge) avec les dessi- livres, de disques, mais pas toujours liées à l’ac- d’un petit quelque chose, façon Pif nateurs et illustrateurs Det, Jean Bourguignon tualité… Vu que tous les auteurs sont bénévoles, Gadget de nos ancêtres), l’objet donc et Jampur Fraize que La Gazette Du Rock a vu les « invités » sont des passionnés de rock, des est une sorte de déclinaison de la le jour. Nous avions envie de raconter l’histoire motivés, des dessinateurs qui ont envie d’une Maison du Rock, l’ASBL liégeoise du rock (quelque peu bousculée), de parler de tout bouffée d’air, de sortir de leur travail quotidien. née en 2008. Une association où l’on aime ce qui touche à cet univers musical. La Gazette du Rock se veut être un « fanzine » allier musique (rock, donc), arts graphiques dans lequel il n’y a pas de censure et qui permet Let arts platiques, édition de cartes postales, À raison de deux numéros par an (quadri beaucoup de liberté aux auteurs. badges, organisation de concerts et d’expos. – A4 – petit tirage), pas question d’accorder C’est un jour d’avril 2011, raconte Stella Di Mat- une grande place à la sacro-sainte actualité. Infos : [email protected], facebook.com/maisondurock, teo, initiatrice de cette même association, Le plaisir est par contre de mise ! Dans maisondurock.blogspot.be Electronical Reeds La plaque tournante House ou techno, le cœur d’Electronical Reeds affiche un excellent bilan santé. Depuis cinq ans, l’électrocardiogramme du label bruxellois est au beau fixe. En plein effort sur le « dancefloor », la structure s’apprête aujourd’hui à publier Fer-De-Lance, un album communautaire qui entend synthétiser une esthétique singulière en dix unités élémentaires.

Nicolas Alsteen DR

ollectionneur de pépites élec- qu’ils ne trouvaient pas de label. Ce n’était pas berger techno, house et autres rythmes di- troniques et expert en sorties un souci : j’allais en créer un. Electronical gitaux traditionnellement ancrés dans les d’anthologie, Laurent Huls- Reeds découle donc d’une impulsion, d’un mœurs de la culture berlinoise. Electroni- taert aborde le 21ème siècle véritable coup de tête. C’était instinctif. Cela cal Reeds se structure plutôt à l’allemande. On avec l’envie de partager sa étant, j’ai vite compris que de nombreux ar- va plus loin que juste « signer » un artiste. On passion pour le « dancefloor ». tistes s’épuisaient dans l’anonymat, faute de se définit davantage comme une plateforme ar- Aux premiers jours de l’an 2000, il crée trouver une structure adéquate… Au- tistique. On fait du conseil managérial, on as- TheClubbing.com, un site de référence en jourd’hui, Electronical Reeds agence ses siste les artistes, on offre une assistance en Cla matière. Agenda, albums photos, inter- activités autour d’un catalogue à géométrie communication. Hyperactif sur les réseaux views, reviews : on a développé ce magazine en variable : huit artistes – belges, principale- sociaux, Electronical Reeds diffuse des ligne en cherchant à mettre en avant l’actu tech- ment – s’agitent au cœur d’une centrifu- bons sons dans tous les sens. On part du no, house, deep house ou minimale. Des genres geuse électro qui ne ferme la porte à aucune principe que ce n’est pas aux gens de chercher qui, à l’époque, n’avaient aucune visibilité dans collaboration extérieure. À la tombée de la des infos sur nous, mais l’inverse. L’émotion les médias traditionnels. À l’été 2010, le nuit, le label reprend ses droits et envoie musicale doit être partagée. Une œuvre est garçon accompagne un duo en studio, Op- ses artistes sur le terrain : dans les friches faite pour être entendue. C’est donc à nous d’al- tional Feast. En écoutant leur production, j’ai industrielles, en club ou au sommet d’un ler à la rencontre des gens, via les réseaux so- craqué. Pour moi, leur musique ne pouvait pas immeuble pour une soirée « rooftop ». Soit ciaux principalement. Juste de quoi aimer rester dans un tiroir. Là-dessus, ils m’ont dit des endroits parfaitement profilés pour hé- en un clic. Et plus si affinités.

larsen • novembre, décembre - 2015 26

Le . com ortz © Boris G awaii irls in H irls in G

L’itinéraire bis pour un chic clip

Des guitares sur le trottoir, une batterie dans un tram, un chanteur dans une piscine : on aura tout vu. Ou presque. À l’initiative de sites internet spécialisés, les musiciens désertent aujourd’hui la scène pour s’exhiber autrement devant la caméra. Captées dans des positions improbables et des lieux incongrus, ces prestations sorties des sentiers battus par quelques équipes de tournage mélomanes offrent un nouveau contexte à nos chansons préférées. Au point de devenir une carte de visite incontournable pour certains artistes. Dans le genre, la France a sa Blogothèque. La Belgique, elle, possède Bruxelles Ma Belle : tout un programme patrimonial.

Nicolas Alsteen

novembre, décembre - 2015 • larsen 27

Le . com

l’époque où on est entré en contact avec Bruxelles Ma Belle, on cherchait à mettre en images l’état d’esprit des versions acoustiques de notre album Hello Strange, se rappelle Antoine Wielemans, l’une des voix du groupe Girls In Hawaii. On a réalisé un clip dans le cadre somptueux de la bibliothèque Solvay. Cette vidéo, c’est une trace vi- vante de notre travail. La grande différence entre Bruxelles Ma Belle et Sessions privées et visites guidées les nombreux blogs du même genre, c’est la dimension participative. Ici, J’ai très vite compris qu’il serait compliqué d’obtenir un financement Àla mise en place d’une session passe par un véritable échange entre l’ar- via les artistes et les maisons de disques... Pendant deux ans, on a réa- tiste et l’équipe de réalisation. L’idée, c’est de trouver un lieu qui s’accorde lisé toutes les vidéos bénévolement. Au bout d’un moment, les amis qui parfaitement à l’atmosphère musicale. Au taquet depuis cinq ans, m’accompagnaient dans l’aventure en ont eu assez de faire ça pour la Bruxelles Ma Belle doit son existence à un jeune bouclé. Originaire beauté du geste. J’ai donc mis le blog entre parenthèses, le temps d’ima- de la région parisienne, Emmanuel Milon a découvert Bruxelles giner des sources de financement, de préparer des dossiers, des de- en 2005. Je suis arrivé pour mes études, retrace-t-il. Diplômé en mon- mandes de subsides… Emmanuel Milon se tourne alors vers la Ré- tage à l’IAD (Institut des Arts de Diffusion), il rallie assez vite gion de Bruxelles-Capitale, Direction des Monuments et Sites. Via Reyers et les équipes de la RTBF. J’y avais fait mon dernier stage le blog, il obtient un budget pour son engagement en faveur du pa- comme monteur. J’ai été engagé là-bas pour bosser sur le JT et les émis- trimoine bruxellois. Dans le même temps, on a réussi à débloquer sions sportives. En marge de mon job, je me passionnais pour les d’autres subventions. Ce n’était pas gigantesque, mais suffisant pour Concerts à Emporter : des podcasts vidéo réalisés par un site français faire tourner la machine. Depuis son lancement, Bruxelles Ma Belle appelé La Blogothèque. J’ai déniché de nombreux groupes grâce à ces a déjà visité le répertoire de plus de septante artistes (Milky sessions filmées à l’arrache dans un bar, une rue, un parc. J’adorais le Chance, Camille, Editors, BRNS, Ozark Henry…) et autant d’en- concept, l’idée de capturer l’instant, de filmer la musique sans prépara- droits à travers la ville. Trouver des lieux, ça prend du temps et c’est tion, sans artifices.Mélomane, Emmanuel Milon passe alors l’es- plutôt stressant. Généralement, tout se négocie par e-mails ou, préala- sentiel de ses soirées au Botanique, un lieu parfait pour apercevoir, blement, par une visite sur place. À chaque fois, j’explique le projet en de près, ses artistes préférés. Mais au fil des concerts, j’ai ressenti de insistant sur le côté sérieux de la démarche. Ce modus operandi m’a la lassitude. J’étais un peu agacé par ma passivité. Le fait d’être là, figé ouvert les portes d’endroits incroyables, comme le pavillon chinois à Lae- dans la fosse sans intervenir davantage, ça me chiffonnait. C’est comme ken, par exemple. Pour obtenir les autorisations de filmer, on concrétise ça que j’ai mûri l’idée de mettre en œuvre une sorte de Blogothèque. Mais le plus souvent à l’arrache, sans aucune convention avec les lieux. Au- je ne voulais pas limiter ça à quelques sessions filmées un peu n’importe jourd’hui, Bruxelles Ma Belle souffle sa cinquième bougie avec pas où. J’ai donc songé à la possibilité de prendre Bruxelles comme décor mal d’inspiration et de nouvelles envies. Désormais, on se considère des capsules vidéo. Avec sa petite idée en tête, le monteur rassemble comme une sorte de média. Notre but, c’est que les vidéos soient vues et des amis de l’IAD autour du projet. À partir de là, il commence à partagées par le plus grand nombre. Nos sessions permettent au public contacter des artistes. Le souci, c’est que je n’obtenais aucune réponse. de découvrir ses artistes préférés sous une autre facette, plus personnelle Les gens ne pigeaient pas les tenants et aboutissants de la proposition. et authentique. Là, on va développer un prolongement des sessions en Jusqu’au jour où j’ai monté un sujet RTBF sur le groupe Été 67. La jour- invitant quelques personnes à assister à des concerts privés : des shows naliste m’a refilé le nom du manager et j’ai tenté ma chance… Quelques qui vont s’inscrire dans un cadre patrimonial bien spécifique. L’idée semaines plus tard, Emmanuel Milon reçoit une invitation du la- n’est pas d’utiliser l’endroit comme un simple espace de concert. On va bel d’Été 67. Le garçon détaille alors ce qui va devenir la marque chercher à donner une plus-value à cette démarche en invitant un(e) de fabrique de Bruxelles Ma Belle : Filmer un artiste avec un son pro guide professionnel(le) à raconter l’histoire des lieux aux gens invités dans des lieux du patrimoine bruxellois. Le nom du blog est à cher- au spectacle. Tout l’art d’associer l’œil et l’oreille et de tisser des liens cher dans la chanson française d’un parolier hollandais. Je suis un privilégiés sur la Toile. méga fan de Dick Annegarn. Depuis l’âge de dix ans, j’ai le morceau Bruxelles ma belle dans un coin de la tête. Un premier deal en poche, www.bruxellesmabelle.net Emmanuel Milon se retrouve sur un toit de Saint-Josse avec Été 67 devant la caméra. Pour le groupe, l’équation était simple. Si ça se mettait bien, il bénéficiait d’un nouvel outil de promotion. Si l’exercice n’était pas concluant, ça ne changeait absolument rien… Le fruit de cette collaboration séduit, la vidéo sert quasiment de clip à la chan- son. Dans la foulée, la maison de disques propose de renouveler l’expérience avec d’autres noms de son catalogue. Les labels sont en recherche de contenus visuels, de chouettes vidéos à glisser sur le Web. Sauf que la réalisation des clips a un prix. Ce n’est pas donné. Du coup, Des sessions sans concessions pour une maison de disques, une initiative comme celle de Bruxelles Sur Internet, de nombreux blogs aux styles variés donnent libre cours à leurs Ma Belle, c’est un peu du pain béni. L’information se confirme du idées décalées à travers des sessions acoustiques, atypiques (sous la douche) côté de Girls In Hawaii : Pour un groupe, une session comme celle-là, et toujours en mouvement (certains n’hésitent pas à filmer des musiciens en c’est une belle opportunité en termes de visibilité. Aujourd’hui, si on veut action dans un taxi). À proximité de Bruxelles Ma Belle, on trouve ainsi d’autres sites, pensés pour apprécier la musique autrement : The Mahogany Sessions, réaliser « un vrai » clip, ça coûte cher. Du coup, pour de nombreux mu- e siciens, ce genre de plan, c’est l’occasion d’obtenir une cool vidéo sans dé- Scène de Bain, 3 Gauche, La Blogothèque, Black Cab Sessions, Soul Kitchen Sessions, … bourser un euro.

larsen • novembre, décembre - 2015 28

décryptage DR

u as le permis et tu sais conduire ce genre de véhicule ? Tu aimes voyager et t’occuper de pseudo mu- Manager : siciens qui font les guignols ? Tu as des notions en son/lumière et une expérience du monde du spec- tacle ? Tu as le sens de l’organisation, de l’anti- le couteau suisse cipation et tu parles bien anglais ? Tu es libre Tdu 24.09 au 18.10 ? Alors Thot a besoin de toi comme tour manager/euse pour sa prochaine tournée européenne (…). Qu’est-cede quel’ leartiste management ? ? En quoi consiste cette fonction ? Un manager n’est pas l’autre. La petite annonce que vous venez de lire, pla- Certains sont un peu les « hommes à tout faire », d’autres cée sur sa page Facebook par Grégoire Fray en août dernier, a beau avoir été écrite sur plutôt des coaches qu’autre chose. Décryptage… un ton quelque peu rigolo (le « tu aimes t’oc- cuper de pseudo musiciens qui font les gui- Didier Stiers gnols »), elle n’en souligne pas moins deux idées conséquentes. Petit un : l’importance pour l’artiste que peut avoir le fait d’être ou non épaulé par un manager. Et petit deux : le contenu lui-même de cette fonction.

novembre, décembre - 2015 • larsen 29

décryptage

De mon point de vue, nous explique quelques tion de manager devrait se limiter à la ges- Y aller en solo ? mois plus tard le chanteur et tête pensante tion des aspects administratifs et financiers Pour Nicolas Renard, qui s’occupe donc de de Thot, un manager est une sorte de couteau liés à l’activité de « son » artiste. Du moins, Puggy (mais aussi de Kiss & Drive et An- suisse qui doit autant maîtriser l’aspect busi- en théorie. En Belgique, rares sont les mana- toine Chance), le manager fait le lien entre ness que les aspects humains, artistiques et gers qui, peut-être comme Nicolas Renard (qui l’artiste et le business musical : les maisons de techniques d’un projet. Ceci afin de pouvoir ré- « drive » Puggy - ndlr) et Mike Toch (avec disques, les attachés de presse… Nous sommes pondre aux demandes de l’artiste, à ses exi- ARE Music - ndlr), peuvent se targuer d’en une sorte de tampon. Ses qualités ? Avoir un gences mais aussi savoir lui donner du recul faire une activité lucrative. bon réseau et savoir dire non. (L’Avenir, 19 quant à ses choix, et anticiper sur l’avenir ou juillet 2014) avoir une vision à long terme. Le « management à la belge » consisterait dès lors le plus souvent en une foule de petites Et s’il venait à l’artiste l’idée ou l’envie de La profession a évolué tâches… De facto… Cela va du booking à la re- se gérer tout seul ? Possible ? Par les temps Un couteau suisse ? L’image a du sens, sur- cherche de bons plans studio, de passages radio qui courent, et en Belgique ? Je ne pense pas, tout de nos jours, dans un métier qui a aux revues de presse avisées. Toutes ces tâches répond Lino Grumiro. Au départ, c’est pos- beaucoup changé. Et pas que sur la scène incombant, dans le meilleur des mondes, à des sible, mais ensuite, on mélange affaires et ar- rock d’ailleurs. Chez Skinfama, à Bruxelles, agences spécialisées qui, trop souvent, restent tistique, et ce n’est pas bon ! Comment, effec- on ne se contente pas de booker et de pro- inabordables pour la grande majorité des chô- tivement, défendre un point de vue duire dans le secteur des musiques ur- meurs émargeant au statut de l’artiste. artistique s’il faut dans la foulée défendre baines, on manage également. On peut se un budget ? C’est très compliqué ! Ceux qui le demander à quoi se limite le travail d’un ma- Chris Dillen ironise un brin, mais n’em- font sont soit très forts, soit souvent lésés par nager, réfléchit Lino Grumiro.Et justement, pêche. La Belgique n’est pas l’Amérique, et leurs interlocuteurs qui comprennent vite que j’ai l’impression qu’il ne se limite à rien. Le notre pays ne compte pas trop de colonels l’artiste a du cœur, ce qui est souvent le cas ! « boss » s’explique : Auparavant, on savait Parker… Loin de moi l’idée de la jouer Cosette, L’envie de partager, de faire découvrir son art exactement où se trouvaient les revenus et vers mais je dirais pour ma part que le management est « opposé » à la dimension financière. Et quoi il fallait aller. Aujourd’hui, ce n’est plus en Belgique est une forme d’artisanat, consti- concilier les deux avec succès est difficile. aussi clair. Et on ne peut rien délaisser : le tuée d’oiseaux rares, de passionnés irréduc- disque, la scène, mais aussi les produits satel- tibles, et autres fous exaltés ! Reste la formule un peu hybride, où l’artiste lites de la musique, le merchandising, la publi- prend en main son « business », les déci- cité, le cinéma… Le théâtre, pourquoi pas ? Ou La piste des agences sions, après discussions, et drive son repré- aller chercher un producteur de films et lui pro- Des boîtes spécialisées ? Il y en a, chez sentant légal. Mais il enverra souvent une poser une composition de B.O. ou un produc- nous… Aubergine, par exemple. L’agence personne de confiance au front pour signer les teur de jeux vidéo pour lui enregistrer le pro- de booking et de management bruxelloise contrats et discuter avec les clients ! Le but du chain jingle à la mode ? s’est spécialisée dans des genres comme le manager, c’est que son artiste brille par son art. jazz, la musique improvisée, la musique ur- S’il doit commencer à se fâcher pour une Les univers qui se croisent de plus en plus : baine et le hip-hop, les musiques du monde, clause de contrat non respectée, il brillera et voilà pourquoi le métier évolue… I l n’es t l’opéra contemporain et l’avant-garde. Des moins, c’est certain ! pas rare que je bosse sur les contrats d’une B.O. noms de clients ? Aka Moon, mais aussi de film ou d’un partenariat commercial avec Dans Dans ou encore Kris Defoort. Auber- une marque ou l’autre, reprend Lino Grumi- gine est peut-être une agence de manage- ro. Les boulevards sont moins tracés. On doit, ment, mais elle exerce également de mul- en qualité de manager justement, aller trouver tiples activités : gestion, production, de nouvelles ressources. Pour moi, le terme de communication, organisation de tournées… « limites » n’est donc pas vraiment d’actualité. Nous représentons des artistes belges à l’échelle Les limites, ce sont les affaires courantes. nationale et internationale, y précise-t-on, Après, il faut la magie, et elle est illimitée : aller grâce au soutien de la Communauté fla- chercher des ressources, charbonner… mande. De fait, depuis 2010, elle bénéficie de fonds structurels dispensés par le gou- Faire en sorte que l’artiste puisse rester vernement du nord du pays. concentré sur son art, pour notre interlocu- teur, finalement, c’est cela qui compte ! Et À Bruxelles toujours, Zig Zag World, fon- quand certains mélangent art et affaires per- dée en 1997 par Poney Gross (à qui l’on doit sonnelles ? Il arrive qu’on se retrouve à jouer au notamment le festival Couleur Café), se psy. Ce n’est pas vraiment dans les tâches, mais concentre sur le management internatio- bon, il faut tout faire pour que cela se passe bien. nal de groupes et d’artistes (Mamady Keita, Et donc, cela se fait parfois par le biais d’une re- Manou Gallo, Zap Mama, Recital Boxon…), lation qui devient profonde et personnelle. dans des genres comme les musiques du monde ou le jazz. Mais si le management Artisan avant tout et le booking restent ses principales activi- Chris Dillen, manageur du rappeur Akro, tés, elle travaille aussi à la production de « co-manage » également les Bruxellois de dvd et de cd, en matière de publishing et Beautiful Badness et Getch Gaëtano. Un effectue de la consultance. Tout comme Au- rôle qui est avant tout celui d’une personne bergine, Zig Zag World collabore à divers de confiance, souligne-t-il. Pour lui, la fonc- événements.

larsen • novembre, décembre - 2015 30

in situ…

In LeS iVecteurtu… Le renouveau culturel du Pays Noir © Alexandre Van Battel © Rémy Venant

En zigzaguant à travers les travaux pour arriver jusqu’au Vecteur, on s’arrête quelques instants sur l’immense cratère qui engloutit littéralement toute la Ville Basse. Tout le long de ce chantier, des panneaux sur lesquels revient un leitmotiv : Charleroi, relève-toi. Le renouveau de la plus grosse ville de Wallonie est en effet global et passe également par le redéploiement culturel du Pays Noir : le Rockerill et ses apéros industriels qui cartonnent, l’Eden qui va s’agrandir, l’émergence de nouveaux lieux comme le Quai 10 et le BPS 22. Une vitalité retrouvée qui n’est pas étrangère à une nouvelle génération de directeurs et également à une complémentarité entre les différents centres culturels qui misent sur l’entraide et sur un esprit de non-concurrence.

David Salomonowicz itué rue de Marcinelle en plein centre-ville, le Vecteur est symptomatique de ce nouvel élan carolo. Équipe jeune, entreprenante et audacieuse, elle se veut le relais d’un témoin passé par Pascal Verhulst, le fondateur et la cheville ouvrière du centre pendant une dizaine d’an- nées et qui est désormais parti sous d’autres fronts, tou- jours culturels et proches de la Ville. À l’aube du projet, aux dé- tours des années 2000, il transforme son travail de fin d’études en Sune rencontre littéraire, le Festival Livresse et celui-ci progressi- vement se mue en projet pluridisciplinaire autour de la musique,

novembre, décembre - 2015 • larsen 31

in situ…

la performance et l’art plastique. Le projet vaque de lieux en lieux : l’Amicale Solvay, le Musée de l’Industrie, une ancienne usine de piano à Marcinelle, avant d’investir en 2008 un bâtiment inoccu- pé et mis à disposition par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je me rappelle qu’à l’époque, on se disait entre nous qu’on avait gagné à la lo- terie. Après, on s’est surtout retrouvés avec un espace immense et un très petit budget, donc la question a été : Comment transformer ce lieu in- telligemment et faire tenir le centre sur la longueur. On a donc opté pour une programmation alternative qui prenait volontairement le contrepied de ce qui se faisait ailleurs et on a surtout travaillé avec le réseau des jeunes structures locales.

Cela commence par l’annexion de l’espace d’exposition rebaptisé Galerie V2 et par des travaux étalés sur 2 ans pour rendre le lieu compatible avec des normes acoustiques de qualité. Un bureau d’architecture et 3 artistes sont également sollicités pour interve- nir sur et dans le bâtiment. Cela va des fenêtres aux espaces de

travail ou encore à la bibliothèque, mais la partie la plus visible DR de cet iceberg artistique est sans conteste la fresque qui orne la façade du bâtiment. Une fresque faite de vagues noires et blanches aux couleurs de la ville et qui est complétée, comme la charte gra- phique globale, par un « V » rouge symbole de force. Une énorme bâtisse qui a également vu les habitants des environs mettre la main à la pâte, comme le décrit Romain Voisin, nouveau coordi- nateur du Vecteur : Ce n’est pas un quartier forcément facile et d’em- blée attiré par ce genre d’activités, mais on a senti une vraie émulation autour du centre et on a petit à petit réussi à fidéliser certains publics qui reviennent et qui aiment passer d’un endroit à l’autre dans les rues avoisinantes. On a aussi appuyé notre stratégie de médiation pour faire venir d’autres sphères, comme les maisons de jeunes, à l’art plas- tique, au cinéma, à la littérature ou encore en organisant des concerts jeune public le samedi après-midi.

Une programmation musicale qui est toutefois essentiellement ba- sée sur du rock avec des groupes issus de la mouvance garage, punk ou noise. Des concerts à fort volume, comme le dit Rémy Venant en

charge de la coordination musicale, mais complétée par des concerts DR d’électro, de hip-hop, de jazz et même de musique expérimentale et par des performances. Une sélection éclectique confiée à diffé- permettent de prendre des risques artistiques et dont la proximi- rents opérateurs auxquels le centre offre également une structure té, justement, illustre toute la bonhomie d’une ville qui se bat contre de travail composée de bureau et de matériel pour leur bon fonc- les clichés négatifs… et qui jouit actuellement d’une hype montante tionnement. Un système de co-working space, avec 10 bureaux, qui dans le milieu culturel. Charleroi nouveau Berlin ? Charleroi est suscite surtout l’échange de services, de réseau et de compétences, une ville jeune et n’a pas le même passé culturel que des villes comme et qui permet également de proposer des résidences aux artistes Berlin, Manchester ou Liverpool. Mais, conclut Pascal Verhulst, on des différentes disciplines. Ainsi, le groupe bruxellois Mont-Doré assiste ces dernières années aux retours d’acteurs culturels qui avaient y a préparé et réalisé sa release party ; Jean Jass, figure montante choisi l’exil parce que la ville ne leur offrait pas de cadre, comme avec le de la scène hip-hop carolo et finaliste du concours Du F. dans le Vecteur ou d’autres structures. Une fille comme Mélanie de Biasio met texte l’année dernière, y a répété de nombreuses fois. d’ailleurs également en avant son identité carolo dans chaque interview et la ville n’a jamais autant investi dans la culture. On n’est plus du tout dans un simple lieu de diffusion,renchérit Pas- cal Verhulst. Cette polyvalence des missions est le signe clair de l’évo- Charleroi, relève-toi ? C’est en bonne voie ! lution des centres culturels. Aujourd’hui, ce sont des vrais lieux de pro- duction, et surtout de création, où le but est de (re-)mettre l’artiste au milieu du jeu, de faire du travail sur le long terme, d’avoir une histoire en commun. On ne peut pas juste choisir des projets, les accueillir. Il faut les suivre, les accompagner et leur mettre le pied à l’étrier.

Camille Loiseau en charge des aspects de communication nous fait visiter le bâtiment et l’on découvre une salle parsemée d’énormes poufs où les spectateurs des premiers rangs peuvent ainsi se prélasser pour regarder le spectacle. En bas, un bar convi- vial où les groupes viennent se mêler à la foule pour encore plus Vecteur. Rue de Marcinelle, 30 - 6000 Charleroi www.vecteur.be de proximité et ressentir les « bonnes vibes ». Des petites jauges qui

larsen • novembre, décembre - 2015 32

les sorties

de ses 19 ans, le garçon pioche des idées dans fwb le passé et conjugue ses compos au présent. Tout l’art de faire du neuf avec du vieux. Le flow en mouvement sur un muret érigé dans les années 1990 (Talib Kweli, Mos Def, Fugees, Luniz), Meso suspend son flow sur quelques notes de piano (Savemoney), poussant le plus souvent

Taïfun DR Of Coyotes And Men son rap à bourlinguer Honest House/Mandaï vers des contrées l’aventure en français, raconte le chanteur bercées de mélopées Lieutenant Dans un registre pop- Laurent Van Ngoc. Par le passé, on a connu soul-jazz (Better of des déceptions sur scène, des malentendus. folk, on connaissait Alone). Au-delà des Au cœur de l’arène déjà les embardées Quand on jouait nos titres les plus mélanco- genres et avec un style Autoproduction volcano-épiques des certain, l’artiste vit son liques, il n’était pas rare de voir le public sautil- Islandais d’Of Monsters rêve américain sous le ler. Le message ne passait pas. Avec Au cœur And Men. Voici Of ciel gris du plat pays Depuis 2010, Lieutenant se tenait un peu au de l’arène, son premier album, Lieutenant Coyotes And Men, le (Rain). NA garde à vous de la pop moderne. Subordon- conjugue enfin ses sentiments personnels nouvel album du groupe Taïfun. Autrement plus né aux faits d’armes des généraux les plus dans sa langue maternelle. En dix mor- alternatif et aventureux, généreux (Kings of Convenience, Belle & Se- ceaux, ornés d’arrangements de cordes et de l’objet arrose le jardin bastian), le groupe liégeois enfilait sagement garnitures sophistiquées, la chanson fran- du rock indépendant ses mélodies dans la langue de Paul Simon. çaise traverse ici les frontières au bras du d’hommages bien Après deux EP’s, Lieutenant s’est posé pour globe-trotter Thomas Belhom (Tindersticks, trempés à la scène US méditer et réfléchir à l’avenir. Par amour des Calexico), multi-instrumentiste et produc- (Modest Mouse, Built To mots, le bassiste Philippe Lecrenier s’est teur tout-terrain. Au cœur de l’arène pénètre Spill). Nostalgiques dans le riff et dans l’âme, les amusé à traduire les morceaux du groupe en le train-train quotidien d’une société pressée Liégeois déposent même aMute français. Contre toute attente, l’initiative et oppressante via une fresque poétique. Une la pochette du disque Bending Time in Waves conduit à l’écriture d’un conte. Lieutenant démarche conceptuelle qui, comme chez comme un clin d’œil aux Humpty Dumpty Records entrevoit alors l’histoire de sa propre méta- Dionysos (La Mécanique du Cœur) ou Ibra- camarades des regrettés morphose : Ce livre a été inspiré par notre uni- him Maalouf (Au Pays d’Alice) choisit de ne Depuis une dizaine Foxes in Boxes (autrefois vers et il a défini notre envie de poursuivre pas trancher entre musique et littérature. signés sur le label Honest d’années, Jérôme NA House). Porté entre Deuson rassemble ses océans chavirés et idées à l’ombre d’aMute. navires en pleine tem- Le projet évolue ainsi au it, hé oui) ou encore soul trip apocalyptique et pête, cet album traverse gré des envies et autres sur Nowhere Somewhere sans espoir. Au cœur du les flots d’une histoire lubies du multi-instru- ou country (Tiritas)… chaos, là où la guitare agitée avec la rage au mentiste montois. En alors que l’ombre de se distord et libère des ventre et l’envie de solo ou accompagné d’un Pierre Rapsat plane sur drones menaçants, là où surprendre (le saxophone groupe, l’artiste décline Plain Shame. Il s’est fait les bandes des cassettes sur le morceau Bouba sa vision plurielle du post- plaisir Marka ! FXD audio se manipulent régénère parfaitement rock. Moderne et décom- sans scrupule et sans l’ADN de Taïfun). Le plexée, son approche peur, on se laisse quatuor franchit ici ne ligote jamais le genre Marka emporter par deux Aurélie Dorzée un cap. Avec l’art et la aux cordes de la guitare. Days of Wine & Roses vagues instrumentales & Tom Theuns manière. NA Chez lui, les atmosphères Daring Music successives : des marées L’art de Voler Home Records s’étirent dans un enche- noires qui se jouent L’album s’ouvre tout en vêtrement de brumes du monde réel via des puissance avec Jump Retrouvailles des deux électriques et de vapeurs bruits, des silences et In or Fall et ses accents comparses pour un électroniques. Entre quelques instants de « Black Keys » pour se re- cinquième disque au nom mélodies piochées à poésie. Expérimental et fermer 10 morceaux plus évocateur et présenté même le rock (shoegaze) Jean D.L. et radical, ce disque un peu tard sur une jolie ballade aujourd’hui sous leurs et arrangements conçus Sandrine Verstraete flippant, mais vraiment deux noms respectifs à l’aune de la musique atmosphérique. Days Jean D.L. et Sandrine trippant, tisse d’inces- (anciennement Aurelia). classique, aMute crée de of Wine & Roses, c’est Verstraete sants va-et-vient entre On ne change pas une remarquables passerelles un voyage en 10 pistes Instant Jazz/Rockerill Records cinéma (regardez John formule qui gagne et la entre la Belgique et une et autant d’influences : Josly Meso Mots tourmentés, cris Carpenter), musique musique dispensée au fil Amplify constellation canadienne electro & dancefloor stridents, trame instru- (écoutez Sunn O))) et de ces 12 morceaux sil- Autoproduction (Esmerine, Jerusalem In avec What’s Going mentale aux horizons littérature (lisez Cormac lonne les tranchées déjà My Heart) qui s’active Wrong ? (et son clip cafardeux : le premier McCarthy). Un bel exer- creusées lors des enre- Nouveau visage du hip- inlassablement sous la dédié aux associations hop d’ici, Josly Meso met album de Jean D.L. et cice de style. NA gistrements précédents, feuille d’érable. NA venant en aide aux plus toute son ingéniosité au démunis), pop-rock sur Sandrine Verstraete à savoir une folk music service d’une musique Won’t You Tell Me ou It’s se vit comme une multi-instrumentée où décomplexée. Du haut Only Football (but I like descente aux enfers, un Aurélie, son violon et les

novembre, décembre - 2015 • larsen 33

les sorties

cordes de tout poil volent John Carpenter pour les faisait du skateboard devant la maison des pa- là, tout en haut. Des ambiances atmosphé- rents des Girls In Hawaïï. Dans cet environne- valses musette, du tango, riques, inquiétantes et des ambiances un peu planantes (Downfall), ment décidemment propice à la pop, les trois fado, un peu americana, de Toto et Brian Eno garçons découvrent la musique. La fin de un peu jazz… souvent pour David Lynch’s Dune l’adolescence vient fractionner les envies de en français, parfois en (Capital) pour le côté trio. En 2011, les frangins écument leurs pas- allemand ou encore pour rock progressif un brin sions pop-rock avec le groupe Yellow-Straps. un instrumental aux voix métallique et chambre De son côté, Fabien a endossé un pseudo – Le gutturales. Embarque- d’écho. On pense aussi Motel – pour loger ses sons électro. Au prin- ment pour un joli vol à Supertramp, époque plané d’une heurette. Crime of the Century, temps 2013, l’idée d’un nouveau projet germe FXD pour les envolées lyriques dans les esprits et un premier morceau (Pol- où s’entrecroisent piano len) bourgeonne en territoire inconnu. En une et guitare. Le tout avec journée, on a composé une chanson et lancé les brio. FXD bases d’une nouvelle entité. Cette formation va plus loin qu’une simple collaboration. On a créé DR une esthétique en marge de nos projets respectifs. YellowStraps En un disque, les musiciens fusionnent des horizons lointains : des paysages bordés de x Le Motel matières synthétiques, des décors bercés par Mellow des mélodies acoustiques. Toile de fond idyl- Sigrid lique d’un rêve éveillé, l’album distille onze Vandenbogaerde Tangram Records Gift morceaux soyeux et toujours onctueux. Quand on s’est penché sur le titre du disque, on a Home Records Colline Hill Skimmed Amis d’enfance, les frères Murenzi et Fabien cherché une anagramme. En vain. Mais dans Gift est un joli cadeau de Hill & Lake Productions Leclercq ont tout partagé : même meute, Mellow, on retrouve des lettres communes à Yel- 12 compositions pour vio- même école primaire, même quartier. À lowStraps et Le Motel. Et le mot caractérise bien loncelle solo. Un présent Bretonne aux envies sur lequel se croisent des voyageuses, Blandine l’époque, on habitait à Braine-l’Alleud et on notre musique, son côté moelleux. Soit un oreil- compositeurs aussi diffé- Coulet s’est méta- traînait tout le temps ensemble, raconte le ler pour l’esprit, une couette pour le cœur : une rents que Jean-Sébastien morphosée en Colline chanteur Yvan Murenzi. Je me souviens qu’on literie de première classe. NA Bach (Sarabande Suite V, Hill au contact de ses Prélude Suite II), Renaud héros (Johnny Cash, Lhoest (Gift), Line Adam Neil Young, Nick Drake). (Cuminum Cyminum) Inconditionnelle de la d’Indy, protégé d’Ysaÿe qui lui commande ou Manu Hermia (Fluide culture folk, l’artiste Guillaume Lekeu Suit I) et d’autres encore pose d’abord sa guitare une Sonate pour violon et piano et admira- qui, tous, viennent acoustique du côté de Les Fleurs pâles teur de Beethoven et de Wagner, Lekeu se partager leur amour du Galway, en Irlande. Elle du souvenir… jette dans la composition à 15 ans avec un violoncelle. Un disque délaisse ensuite les style encore bien maladroit bien que déjà apaisant que Sigrid traditions celtiques pour Complete Works très mature et sensible : Le langage est là, la Vandenbogaerde offre en un morceau de Belgique. outhere / Ricercar personnalité aussi. On a là un compositeur guise de remerciement Installée à Liège, Colline dont le mélange des cultures allemandes et à son instrument, son Hill imagine aujourd’hui compagnon de toujours. un album (Skimmed) à En 1994, Ricercar édite une quasi-intégrale françaises aurait pu le mener à l’écriture d’un FXD la mélancolie gracieuse. de l’œuvre du compositeur belge Guillaume Pelléas et Mélisande. Cette intégrale et sa En dix morceaux, tota- Lekeu, mort prématurément à l’âge de 24 brochure remaniée nous laissent entendre lement raccords avec ans d’une fièvre typhoïde. Pour Jérôme Le- celui qui aurait pu – s’il avait vécu plus long- les vagues à l’âme de la jeune, directeur artistique, graver sur temps – devenir l’un des piliers musicaux scène anglo-saxonne (de disque l’œuvre de Lekeu est l’aboutissement du 20e siècle. Cat Power à Laura Veirs AD d’un long processus : Il y a quelques années, en passant par Angus & Julia Stone), ce disque j’ai eu un choc en entendant le célèbre Adagio flirte avec les ondes pour quatuor d’orchestre par l’Orchestre (But In My Days) et le Royal de Liège sous la direction de Pierre Bar- petit monde de Beirut tholomée. De là, j’ai entrepris un travail appro- We Stood Like Kings (la trompette deT o Die fondi sur le compositeur, sa correspondance et USSR 1926 Like A King). Mise en sons sur les nombreuses partitions achevées ou non. Cargo Records entre Paris et Bruxelles, Lekeu est un compositeur atypique, mort trop Conçu comme bande- l’affaire est passée entre les doigts experts de tôt pour qu’il puisse avoir le temps de nous ap- son du film muet de porter tout son génie créateur. Le label réunit Dziga Vertov, A Sixth Stéphane Grégoire (Matt Part of the World, cet Elliott, Yann Tiersen) à nouveau en 2015 l’œuvre achevée du com- album de We Stood et Benjamin Joubert positeur, classée cette fois par ordre chro- Like Kings emboîte bel (Charlotte Gainsbourg, nologique : Le contenu est le même mais les et bien les pas de ses Fauve, Miossec). Soit sources, aujourd’hui, nous permettent de clas- deux pointures pour un illustres compositeurs ser les œuvres et entendre ainsi l’évolution du de bandes originales album qui ne trébuche jamais. NA langage, entre les premiers balbutiements aux de films. On y croise les œuvres plus accomplies. élève de Frank et de ombres de Vangelis ou de

larsen • novembre, décembre - 2015 34

les sorties

Ô Celli Ivan Paduart PaTTon Aurélie Dorzée Taxidi Dances Enivrance C & Tom Theuns Dreamy Train LISTE Outhere/Fuga Libera Mons Records Prohibited Records L’Art de Voler Home Records Home Records Roland de Lassus Jérémy Dumont Trio Petula Clark Photis Ionatos DES Biographie musicale vol. Resurrection Alle Apen Vrij ! Myriam Fuks Périples V : Lassus l’Européen Autoproduction Rockerill Records/Attila Tralala Ver Bin Ikh ! Home Records SORTIES Vox Luminis, Avanti Classic Lionel Meunier Myriam Alter Rraouhhh ! Envoyez-nous la (direction artistique) Cross/Ways Relax Musique en Wallonie Enja Cheap Satanism Records/Rockerill date de sortie de Records vos productions. Romantic Heroines Philip Catherine Nous relaierons dans ces colonnes : from the Revolution The String Project Rising Sparks échos d’ailleurs [email protected] to the Empire ACT Hey World ! Autoproduction Chanson Jennifer Borghi, Karim Gharbi Les Agrémens, Jeune public Silicon Tree Il frappe fort ! Hughes Maréchal Guy Van Waas Pop Sonic Toucouleur Outhere/Ricercar Adeline Plume Moonzoo Il frappe fort, Karim Gharbi ! Et pourtant c’est dans Livre CD / Autoproduction & son orchestre Sergeï Prokofiev la lenteur qu’il commence, avec Prévert justement, et Funky (livre CD) Stigman Lieutenant Nine Sonatas nous en restons définitivement conquis.D éjà comblé Team4Action Fathers Au cœur de l’arène Stephane Ginsburgh Autoproduction nous aurions pu quitter la pièce après ce Pour toi mon Autoproduction Cypres Records Les Déménageurs amour, qu’il termine en sifflant doucement. L’atmos- Bonjour tout va bien, Taïfun Marie de Condé Sigrid phère est installée(…) le voyage continue, porté par le meilleur Of Coyotes and Men Les amours de passage Vandenbogaerde la déraison de l’artiste. L’ambiance est chaudement des Déménageurs Honest House Autoproduction Gift habitée par le piano, piano-bar, piano jazz, piano Team4Action Home Records The Imaginary lyrique, c’est selon, mais partenaire à part entière qui Olivia Auclair Suitcase se débride, se déchaîne tout autant que le chanteur. Pas ce soir chéri ! Wagner – Pop – Rock Fake blood from real Il ose alors toutes les facéties, clowneries et pitreries. Autoproduction Opera arias wounds Evgeny Nikitin, amute Autoproduction Lu sur www.nosenchanteurs.eu, posté par Claude Christian Arming, Bending Time in Waves Classique - Fèvre le 29 septembre 2015 Orchestre Humpty Dumpty Records The K Contemporain Philharmonique Royal Burning Pattern de Liège Android 80 Etiquette Chopin, Debussy, Naïve The Awakenig JauneOrange/[PIAS] Griffes, Liszt, of Operative 13 Palmgren, Ravel, etc. Freaksville Records Ulysse Jeux d’eau Expérimental Cashmere Guns Éliane Reyes Beautifull Badness Autoproduction Azur Classical Jean D.L. & Sandrine Many Years Verstraete Autoproduction We Stood Like Kings Felix Mendelssohn S/T USSR 1926 Piano Trios nos. 1 & 2 Instant Jazz/Rockerill Records Bunny Black Bones Cargo Records Trio Carlo Van Neste Eclectricity Pavane Records Mr Diagional’s 2Vox Records YellowStraps Midlife Crisis x Le Motel Francesco Cavalli Autoproduction Colline Hill Mellow © Bernard Babette Babette Bernard © Heroines of the Venitian Skimmed Tangram Records Baroque OSA Hill & Lake Productions Mariana Flores, RE-CONNECT Le Colisée Anna Reinhold, Autoproduction Coubiac Soul Cappella Mediterranea, Lunch Les nouvelles têtes Leonardo García Autoproduction Dyna B Jazz-Blues de la scène tricolores sont là ! Alarcón Soul Vibrations Dr Voy Autoproduction Outhere/Ricercar Aka Moon Crazy Chaque mois, le laboratoire de découvertes des in- Scarlatti Book RocKs passe l’internet au peigne fin à la recherche des Godard Autoproduction Outhere/Instinct perles francophones qui sauront combler son appétit Piano work 1 Urbain Electric) insatiable. Pour la rentrée, il vous propose 20 mor- Éliane Reyes Bernard L’hoir Badi Noise(Machine ceaux de jeunes pousses et grands espoirs de l’année Grand Piano She’s… Pardon Matongé Home Records 2015… avec notamment Le Colisée. Guillaume Lekeu Black Basset Records Autoproduction er Les fleurs pâles Charles Loos Trio Baloji Lu sur lesinrocks.com, posté le 1 septembre 2015 du souvenir… En public, au Travers - he died 64 Bits and Malachite Complete Works Remasterisé while hunting Island France Outhere/Ricercar Igloo Records with reckless abandon dear deer records Josly Meso Orchestre Philharmonique Jean-Philippe Dani Klein Amplify Rameau & Sal la Rocca Jeremy Walch Autoproduction royal de Liège Zaïs Dani Sings Billie Jeremy Walch Des éloges pour Respighi Les Talens Lyriques, Sony Music Autoproduction Ypsos Christophe Rousset 10e Étage It’s dazzlingly done here, with plenty of grace and (clavecin & direction), Emmanuel Baily Laura Crowe Wakos Music panache, by Neschling and his Belgian orchestra. Chœur de Chambre Night Stork Blank Pages de Namur Igloo Records Autoproduction Dans le Hors-séries “Awards 2015” de Gramophone Aparte World – Trad Fabien Degryse Marka Voilà sans conteste, pour les trois œuvres, des ver- Askanyi Le temps Summertime Days & Wine & Roses sions de tout premier rayon, qui confirment la proxi- Askanyi de Monteverdi Midnight Muse Records Autoproduction mité du chef avec Respighi. Jérôme Lejeune Igloo Records Outhere/Ricercar Dans Diapason, septembre 2015

novembre, décembre - 2015 • larsen 35

vues d’ailleurs

Vue de flandre Chantal Acda Un cocon de soi Chantal Acda aime les gens et tout le monde l’adore. Sur les cordes de sa guitare acoustique, cette histoire d’amour touche au sublime. Entre introspection et collaborations haut de gamme, son nouvel album solo suspend le temps et libère les cœurs.

Nicolas Alsteen © Terry Magson Terry ©

ey ! Ho ! Let’s Go. À l’heure où les coupes de douilles des Ra- mones s’agitent furieusement au fond du CBGB pour la lé- gende du punk new-yorkais, une âme sereine et apaisante de refuser une collaboration. C’est plus fort que l’intimité y est relative. Ici, on respire volon- voit le jour du côté d’Eindhoven. Chantal moi. Ce penchant pour les associations se tiers l’air extérieur et les chansons ne Acda est née aux Pays-Bas. Mais la Belgique cristallise ensuite à travers les chansons de sentent jamais le renfermé. Ce disque est une Hoccupe, depuis toujours, une place essen- Sleepingdog, duo formé en compagnie main tendue vers les autres. C’est un album ou- tielle dans son parcours. Avec mes parents, d’Adam Wiltzie (A Winged Victory For The vert sur le monde. Avant, j’avais peut-être ten- on traversait souvent la frontière pour visiter Sullen). Depuis 2009, elle orchestre aussi le dance à me replier sur moi-même. Avec The Anvers, révèle la musicienne. Un jour, j’ai dé- petit monde féérique d’Isbells. Je fais partie Sparkling In Our Flaws, c’est le big bang : cidé de venir m’y installer. C’était au moment du groupe, mais ce n’est pas mon projet. Ici, je l’univers de Chantal Acda s’inverse. Désor- où dEUS triomphait. Quelque part entre In m’adapte. Je suis davantage un membre de mais, ce sont les plus grands magiciens de A Bar, Under The Sea et The Ideal Crash, l’équipe. Après, ça reste une expérience hyper la pop alternative qui se glissent derrière ses Chantal Acda pose ses valises dans la ville enrichissante. J’aime les connexions entre les cheveux dorés. Dans les coulisses du disque, de Tom Barman. C’est là qu’elle entrevoit, musiciens, les relations humaines. Plusieurs on croise ainsi le producteur islandais Val- pour la première fois, la possibilité de chan- artistes ont un impact important sur ma per- geir Sigurðsson (Sigur Rós, CocoRosie, Ca- ter. Avant ça, je n’osais pas. Ma mère était chan- sonnalité. Mais c’est plus lié à leur énergie qu’à mille), les ex-Efterklang Peter Broderick teuse à l’opéra. Pour elle, la voix relevait du sa- la musique qu’ils font. (proche de Nils Frahm) et sa sœur, Heather cré. À la maison, de peur de la décevoir, je ne (bras droit de Sharon Van Etten), Shahzad me risquais pas à fredonner. Par contre, dès Magiciens et mégas chakras Ismaily (Secret Chiefs 3) ou Eric Thiele- l’âge de douze ans, j’ai pris des leçons de gui- Depuis 2013, Chantal Acda avance à visage mans (Ben Sluijs Quartet). Tous ces gens tare… C’est finalement au lendemain de son découvert. Let Your Hands Be My Guide, son m’ont poussée vers l’avant. Ils m’ont incitée à me vingtième anniversaire que Chantal se met premier album solo, est ainsi venu souligner libérer. Ce sont des proches. En bossant avec à écrire des chansons avec la volonté de les les caractéristiques atypiques de sa person- eux, je n’ai pas songé un instant à leur renom- interpréter. Quelques mois plus tard, sans nalité artistique. Attirée par les matières mée ou à leur prestige. J’ai vécu ça comme une faire de bruit, elle délivre un premier essai synthétiques, obnubilée par les mélodies relation de confiance, un processus créatif ultra sur la pointe des pieds… Ce disque, folk et ar- acoustiques, la chanteuse déploie sa voix naturel. Des copains extraordinaires, une tisanal, c’était surtout l’histoire de quelques soyeuse dans des paysages lunaires. À tra- confiance en soi retrouvée, Chantal Acda exemplaires sortis sous le manteau. Depuis, vers mes différents projets, j’ai toujours eu ten- touche cette fois la perfection du bout des l’artiste a parcouru du chemin et rencontré dance à me cacher derrière de fortes personna- doigts. des gens biens. Par pudeur ou simple ins- lités. Ces derniers temps, j’ai essayé de me tinct de repli, Chantal Acda s’est souvent libérer, de m’accepter en tant que chanteuse et planquée sous des noms étranges ou retran- musicienne. Ça n’a l’air de rien comme ça. chée derrière des épaules rassurantes. En Pourtant, c’est un long cheminement. Ce pro- 2003, sous l’enseigne Chacda, elle s’aban- cessus d’émancipation avait déjà pris forme sur donne dans les bras de Teuk Henri (Sharko) l’album précédent. Là, il se concrétise. Au- et Boris Gronemberger (V.O., Girls In jourd’hui, je me sens épanouie. The Sparkle in Hawaïï). J’aime ces gens, leurs personnalités, Our Flaws marque une transition. Les nou- leur façon de faire et comprendre la musique. veaux titres creusent une veine assez mélanco- Si nos agendas respectifs le permettaient, je leur lique. Les auditeurs vont peut-être trouver ça proposerais directement de monter un nouveau triste. Mais, pour moi, c’est d’abord une source Chantal Acda projet... En fait, dès que je me sens connectée de réjouissances. Si The Sparkling In Our The Sparkle In Our Flaws spirituellement à quelqu’un, je suis incapable Flaws est son album solo le plus personnel, (Records)

larsen • novembre, décembre - 2015 36

vues d’ailleurs DR Vue de turquie & de belgique Okay Temiz & La Fanfare du Belgistan Temiz OK, Fanfare KO Depuis 1969, Europalia scrute le monde et ses cultures. Cette année, le festival place la Turquie au cœur de sa programmation. Pour sa 25ème édition, la manifestation dresse donc des ponts entre Bruxelles et Istanbul. Impliquée dans ces transactions artistiques, La Fanfare du Belgistan découvre le pays d’Okay Temiz, percussionniste, improvisateur et collaborateur privilégié de quelques légendes du jazz (Marcus Miller, Dexter Gordon, ). Au-delà des genres et des frontières, la rencontre révèle ses mystères et des envies d’ailleurs.

Nicolas Alsteen

novembre, décembre - 2015 • larsen 37

vues d’ailleurs

mélodies festives à même le trottoir, sur boration. On s’est notamment familiarisés avec scène ou en appartement, La Fanfare du Bel- les rythmes africains. Là, on prépare un nou- gistan devient rapidement un référent en veau répertoire en vue d’enregistrer notre troi- matière de bamboula orchestrée de mille sième album. Ce sont ces morceaux-là que nous idées. Au début, on était à fond dedans. On cher- avons envoyé à Okay Temiz. chait à revenir aux racines du projet en jouant ébut de l’automne. Sur le pavé dans la rue. En 2002, on est même partis faire Türkische Delikatessen de la Place du Jeu de Balle, c’est la manche à Barcelone. De fil en aiguille, le Le fait de travailler avec un jazzman, réputé la fin de la brocante matinale. côté déambulatoire se détricote au profit d’un dans le domaine de l’improvisation, c’est assez L’heure de nettoyer pour les tissu électrique et d’une assise beaucoup plus rassurant, confie Grégoire Tirtiaux, quelques uns, le moment de passer à solide. On ne voulait plus être la fanfare de ser- semaines avant de faire connaissance avec table pour les autres. Pour le vice : le groupe qu’on tape sur la pelouse ou à l’en- l’artiste turc. L’idée n’est pas de construire un saxophoniste de La Fanfare du Belgistan, trée d’un événement pour interpeller le passant... groupe autour de lui, mais bien d’interagir avec c’est temps libre. Grégoire Tirtiaux vient On a vraiment ressenti le besoin de monter sur sa musique. Dans notre esprit, Okay Temiz va Djuste de sortir d’une répétition. But de l’opé- scène, de jouer dans des salles. Les prémices véritablement intégrer La Fanfare du Belgistan. ration : réviser le répertoire du percussion- de cette aspiration sont, peut-être, à chercher La commande d’Europalia n’est absolument pas niste turc Okay Temiz. Ce n’est pas évident dans la tournée partagée avec Les Ogres de figée. Il s’agit quasiment d’une carte blanche. On d’évoquer cette collaboration avec Okay, souffle- Barback. Le groupe français nous avait propo- vit ce projet comme une relation d’échanges entre t-il entre deux gorgées de café. Pour l’instant, sé d’ouvrir tous les concerts de sa tournée. Entre musiciens. Après Europalia, le projet se dé- on n’a pas encore eu l’occasion de se rencontrer... 2002 et 2004, nous étions systématiquement sur place sur le continent pour célébrer l’union On s’envoie des maquettes via Internet. Ce pro- la route avec eux. Cette expérience nous avait belgo-turque autrement. Un concert est an- cessus doit nous permettre d’être irréprochable déjà poussés à réintégrer des éléments élec- noncé à l’affiche du prestigieux festival et totalement opérationnel pour la mise en com- triques. La relation entre les deux collectifs Guess Who ?, à Utrecht. Un autre est pro- mun de nos compositions. Entre la première est au beau fixe. Tenanciers d’un label, Les grammé à Cologne dans le cadre du Tür- rencontre physique et le moment où l’on va mon- Ogres de Barback recrutent La Fanfare du kische Delikatessen (Musik-Kultur-Festi- ter ensemble sur la scène de l’AB – le 19 no- Belgistan pour deux albums : La Fanfare du val). En Allemagne, la communauté turque est vembre –, on a seulement trois jours pour tout Belgistan (2004) et l’excellent Musiques Et importante. Là-bas, le public connaît très bien préparer. À l’origine, cette association découle Danse du Belgistan (2009). Dans sa formule Okay Temiz. C’est vraiment une star. Du coup, d’une proposition du festival Europalia. Ce sont actuelle, le corps de l’orchestre repose sur on va se retrouver dans un contexte assez parti- les organisateurs de l’événement qui nous ont sept membres, des multi-instrumentistes culier. C’est difficile d’imaginer ce qui va nous mis en relation. On ne connaissait pas spécia- pour la plupart. Percussions, saxophones, arriver. Au lendemain de ces trois dates de lement Okay Temiz avant de recevoir cette sol- flûte, basse, clavier, guitare ou eupho- prestige avec Okay Temiz, La Fanfare du licitation. Et il y a fort à parier qu’il ne connais- rium viennent ici nourrir des mélodies in- Belgistan envisage d’ores et déjà d’entamer sait pas non plus La Fanfare du Belgistan… souciantes et inspirées, souvent remuantes les sessions d’enregistrement de son nouvel Apparue à Bruxelles au moment même où et parfois intenables. Au carrefour des styles, album. Notre musique englobe déjà des racines les tours jumelles s’écroulaient de l’autre côté le groupe belge tourne autour du jazz, du orientales, balkaniques et asiatiques. On intègre de l’Atlantique, cette fanfare pas comme les folklore des Balkans et des effluves cuivrées aussi des éléments propres au jazz, au rock, au autres naît sur les cendres du groupe Orange de La Nouvelle-Orléans. En 2013, La Fanfare blues. Avec Okay Temiz, on va traverser des Kazoo. À l’époque, l’idée était de passer en mode du Belgistan se fend d’une joute amicale avec sons issus du folklore turc. Aujourd’hui, on joue acoustique afin de se présenter comme une for- Gangbé Brass Band, un ensemble originaire une musique sans frontières. Dans un avenir mation tout-terrain. Capable de déplier ses du Bénin. On a beaucoup appris de cette colla- plus ou moins proche, le groupe bruxellois entend même s’affranchir des clichés fanfa- rons, changer de nom et parcourir les che- mins d’un autre monde : Le Belgistan. Soit une nouvelle identité pour un projet ouvert aux mélodies venues d’ailleurs.

www.europalia.eu

Okay Temiz Okay Temiz est un percussionniste et batteur turc plutôt orienté jazz & fusion. L’artiste peut se vanter d’une discographie impressionnante et d’exception, émaillée de collaborations très prestigieuses, que ce soit auprès du pionnier de la world music Don Cherry (Orient en 1971, Dona Nostra en1993), Mongezi Feza (connu pour ses collaborations avec Robert Wyatt) ou encore sur scène aux côtés de Dexter Gordon. La biographie officielle d’Okay Temiz lui attribue des apparitions à l’occasion de 350 festivals et avance le nombre de 3.000 concerts que ce soit en Europe, en Amérique ou en Inde.

www.okaytemiz.com © Aykut Uslutekin

larsen • novembre, décembre - 2015 38

l’interview indiscrète L’interview indiscrète Chez

Lorenzo Mon parapente

En dépit d’une carrière artistique active, Lo- Gatto renzo Gatto ne se cantonne pas uniquement à la pratique de son instrument, il développe Entre deux concerts, la création aussi une passion pour le sport aérien, une d’un festival, des enregistrements activité où, comme la musique, la concentra- tion est de mise : C’est contradictoire, car j’ai studio… le violoniste belge, malheureusement peu l’occasion d’en faire... Mais Lorenzo Gatto, a pris le temps dès que je suis en route vers un pays avec des mon- de nous présenter trois objets, tagnes (ou de belles collines), j’essaie de le mettre dans ma valise (bien que très souvent, il n’y ait trois centres d’intérêt qui lui sont pas assez de place). Je possède un matériel très lé- chers et qui ont une importance ger et le bonheur que cela procure de grimper avec ce petit sac-à-dos, étaler mon aile dans un alpage capitale dans sa vie. Lorenzo Gatto et décoller, ne me lassera jamais. J’y pense ne se cantonne pas uniquement presque tous les jours, même si je vole assez peu. au répertoire classique, il se plaît Ce n’est pas la longueur du vol que je cherche, mais davantage la sensation grisante de décoller et at- à interpréter seul ou en groupe terrir en pleine nature et de se laisser glisser dans des tubes tant issus du classique la masse d’air. Finalement, c’est plus naturel que que de la pop ou des musiques de marcher ! J’aime particulièrement les Alpes suisses et françaises pour cette activité. Je pense de films. C’est ainsi que le lauréat que si Beethoven avait pu essayer en son temps, du Concours Reine Élisabeth vient il aurait certainement adoré... de publier en ligne une vidéo de son groupe TRILOGY, autour du thème Les livres des séries et films à succès,Mission Je n’ai pas de préférence particulière pour un Impossible, tout en participant aux livre ou un autre, n’importe lequel fera l’affaire. C’est un objet qui m’accompagne partout, tout enregistrements de l’Orchestre le temps, à la maison, en voyage, et même par- Philharmonique Royal de Liège fois quand je sors en ville. Qu’il s’agisse d’un classique, d’un roman policier, d’un livre d’his- consacré au compositeur français, toire ou encore d’un manuel de météorologie al- Mon étui de violon Édouard Lalo. Un parcours atypique pine, le livre est à la fois une source de liberté entrecoupé d’objets inattendus. et de bien-être. Curieusement, le livre élargit Comment ne pas parler de lui ! Si mon violon (un mes horizons et compense la dépendance for- violon français J.B Vuillaume de 1864 - ndlr) Ayrton Desimpelaere cée aux Smartphones qui finissent malheureu- est évidemment l’objet (le mot est mal choisi) de sement toujours par étriquer la pensée des uns loin le plus important dans ma vie, son étui en est et des autres. À ce niveau-la, je pense qu’il n’y son protecteur, une vraie petite maison portable. a pas vraiment de mauvais livre, car la lecture Il accueille sans rechigner mes bouquins, mes rétablit un courant continu dans un cerveau partitions, mon bureau - un iPad -, un grenier qui est en court-circuit perpétuel. Mes trois der- avec plein de « brol » parfois inutiles : des crayons niers livres : Limonov d’Emmanuel Carrère, cassés, pièces de monnaies diverses, élastiques, Le rouge et le noir de Stendhal et À moi seul cordes cassées... ; mais c’est comme dans une mai- bien des personnages de John Irving. son que l’on aime, on ne se sépare pas facilement de ce qui en fait sa personnalité et son individua- lité ! Quand je me balade sans ma caisse de vio- lon (chose rare), il m’arrive régulièrement d’avoir des sursauts de panique, équivalents à ceux d’un parent qui, un jour de distraction, aurait oublié d’aller chercher son enfant à l’école…

novembre, décembre - 2015 • larsen 39

C’était le… C’était le … 10 avril 1937

Dans le magazine Cassandre, un hebdomadaire fondé par le très controversé Paul Colin.

Le présent article est reproduit avec l’autorisation de l’Éditeur, tous droits réservés. Toute utilisation ultérieure doit faire l’objet d’une autorisation spécifique de la société de gestion Copiepresse : info@ copiepresse.be

larsen • novembre, décembre - 2015 40

ÇA BALANCE CLASSIQUE/ THE VIRTUAL ORCHESTRA jeudi 12 novembre 19h00 WE ARE FROM BELGIUM vendredi 13 novembre 19h30 HELLO! THÉÂTRE DE LIÈGE samedi 14 novembre Info et tickets: 18h00 www.images-sonores.be

novembre, décembre - 2015 • larsen

Centre Henri Pousseur, Quai Banning 5, 4000 Liège - www.centrehenripousseur.be