Paul Buissonneau : Portrait Chaleureux D’Un Grand Mouvementé Alexandre Cadieux
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Document generated on 09/26/2021 4:09 p.m. Jeu Revue de théâtre --> See the erratum for this article Paul Buissonneau : portrait chaleureux d’un grand mouvementé Alexandre Cadieux Liberté d’expression Number 165 (4), 2017 URI: https://id.erudit.org/iderudit/87163ac See table of contents Publisher(s) Cahiers de théâtre Jeu inc. ISSN 0382-0335 (print) 1923-2578 (digital) Explore this journal Cite this article Cadieux, A. (2017). Paul Buissonneau : portrait chaleureux d’un grand mouvementé. Jeu, (165), 93–95. Tous droits réservés © Cahiers de théâtre Jeu inc., 2017 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ JEU 165 MÉMOIRE | 93 PAUL BUISSONNEAU : PORTRAIT Ami de longue date de Paul Buissonneau, CHALEUREUX D’UN Jean-Fred Bourquin lui consacre une nouvelle biographie GRAND MOUVEMENTÉ près de trois ans Alexandre Cadieux après sa mort. Portrait en clair-obscur d’une boule de nerfs essentielle, qui a marqué l’imaginaire québécois tout en le faisant fleurir. Paul Buissonneau. © Ronald Labelle 94 | MÉMOIRE JEU 165 icolo s’en est allé, et avec lui au développement d’un champ théâtral de vue distincts. Insistons surtout sur la quelques bonnes pages de notre alors embryonnaire, où tout est à faire, sera chaleur, l’affection, le sentiment général qu’il histoire culturelle. Trois ans déjà considérable. L’importance durable de ce faut rendre hommage à Buissonneau. Ce qui que Paul Buissonneau est parti rôle de défricheur, qui tient notamment à n’empêche personne d’aborder les aspects les rejoindre ses vieux potes, les son goût pour la transposition visuelle et plus rébarbatifs du bonhomme, notamment PMillette et Léveillé, ou encore la môme Piaf poétique en tant que metteur en scène, et à ses excès d’humeur légendaires ; le comédien avec qui il tourna du temps des Compagnons ses encouragements aux jeunes créateurs Bernard Meney y voyait « une part de vérité et de la chanson. Il en reste quelques-uns, dont prodigués en tant que directeur artistique, le une part de spectacle ». Parmi ceux qui disent Yvon Deschamps, Marcel Sabourin et Jean- principal intéressé jouera de modestie toute lui devoir tout, le regretté François Barbeau, Fred Bourquin, journaliste et éditeur suisse sa vie en la niant vigoureusement. Ce refus costumier d’exception, expose avec lucidité justement parti à la recherche des traces qu’a contraste avec les efforts répétés et salutaires à quel point ses apprentissages auprès du laissé « Paulo le prolo » sur sa terre d’accueil. de son biographe pour inscrire son sujet dans grand patenteux ingénieux ont été marquants Paul Buissonneau, en mouvement (Boréal, le siècle et l’évolution générale du théâtre dans son parcours – il fut lui-même génial 2017) est le compte rendu, en 314 pages, d’une d’ici et même d’ailleurs. Ce n’est là qu’un récupérateur. enquête de cœur menée par « cet étranger qui des nombreux paradoxes personnels mis à vient s’occuper des affaires de la culture et du jour par les voix qui se font entendre dans ce Il y a toutefois des limites à ne se fier qu’aux théâtre québécois ». livre afin de recomposer le gueulard au cœur souvenirs ou presque, à commencer par des tendre, l’anti-intellectuel cultivé, l’estimé approximations non vérifiées, comme ce En puisant à la mémoire du large éventail professeur qui détestait la pédagogie. supposé « triomphe » de Gratien Gélinas aux de ceux et celles qui l’ont connu et s’en États-Unis, qui relève d’une folklorisation réclament – de Jean Asselin à Valérie Blais, en Refaire ainsi un parcours, c’est aussi exhu- que démentent toutes les études. Difficile passant par Lothaire Bluteau, Denis Marleau, mer des échecs, des ratés, des rendez-vous aussi d’éviter les répétitions de toutes sortes, Pascale Montpetit et Ginette Noiseux –, riche manqués. Le récit que livre Yvon Deschamps surtout dans le dernier tiers de l’ouvrage, où aussi d’un dialogue soutenu avec le fondateur à propos d’un spectacle (Les Éphémères, le propos se fait redondant. Cette tendance à de la Roulotte et du Théâtre de Quat’sous 1961) annulé in extremis, revers que la redite est aussi exacerbée par la structure jusqu’à la mort de ce dernier, Bourquin Buissonneau aurait traîné toute sa vie, s’avère elliptique favorisée par l’auteur, qui a préféré remonte le fil du temps. Sont ainsi explorés, plutôt bouleversant. Cela dit, parfois quand travailler par thèmes plutôt que de s’en tenir à entre autres, sa méfiance à l’égard de l’autorité, une chose s’effondre, une autre pousse à sa la stricte chronologie. son refus de suivre les modes, sa lecture aussi place : il en fut ainsi de ce premier spectacle attentive qu’intuitive des textes dramatiques projeté du Théâtre de Quat’Sous, un Brecht En ce sens, le présent volume est moins et son souci de toucher les publics de tous abandonné faute d’accès aux droits mais qui fiable et plus libre que Paul Buissonneau ou les âges. servit néanmoins à baptiser la compagnie. Une la Vigoureuse Impatience, la biographie à douzaine d’années plus tard, triste de ne pas quatre mains pondue par Jean-Marie Bioteau Les assises de ce parcours artistique sur six accueillir 15 comédiennes sur sa petite scène, et Olivier Lasser, parue chez Lanctôt il y a décennies sont à chercher dans le Paris Buissonneau abandonnait l’idée de créer Les 20 ans. Jean-Fred Bourquin s’y réfère avec occupé des années 1940, où l’adolescent forcé Belles-Sœurs, accordant le trou laissé dans sa parcimonie, tout comme il cite parfois Les d’être homme assiste aux rafles des familles programmation à son copain Deschamps et Comptes de ma mémoire (Stanké, 1991), micro- juives de son 13e arrondissement natal. Fils à quelques hippies qui fomentèrent alors un récits au « je » d’une vie sans compromis. On d’ancien combattant et orphelin à 15 ans, il Osstidcho, avec la fortune que l’on sait. pourra aller relire avec bonheur cette prose y fait l’apprentissage de la résilience comme sémillante, qui nous fait encore regretter que de l’insécurité. L’apprenti rembourreur déve- Buissonneau n’ait pas pris la plume plus loppe pendant la guerre les bases de l’artisanat souvent. • de toute une vie : se débrouiller avec ce que DES QUALITÉS ET DES DÉFAUTS l’on a, soigner son ouvrage manuel, ne rien Jean-Fred Bourquin pratique l’histoire orale, jeter, faire rire pour attendrir momentanément dans laquelle les témoins – ici, près d’une Alexandre Cadieux enseigne à la dureté du monde. quarantaine – tiennent principalement lieu l’UQAM et à l’Université d’Ottawa. d’archives. Le procédé a ses qualités et ses Anciennement critique au Devoir En s’établissant au Québec au cours de la défauts. Parmi les premières, retenons la et membre de la rédaction de Jeu, Grande Noirceur, Buissonneau ne sait pas confirmation des traits essentiels du sujet il travaille à une thèse de doctorat que va s’y confirmer sa vocation d’homme par le plus grand nombre, mais aussi les consacrée à Jean Duceppe. de théâtre ; il ignore aussi que son apport contrastes offerts par le croisement de points JEU 165 MÉMOIRE | 95 Sont ainsi explorés, entre autres, sa méfiance à l’égard de l’autorité, son refus de suivre les modes, sa lecture aussi attentive qu’intuitive des textes dramatiques et son souci de toucher les publics de tous les âges. Paul Buissonneau en compagnie de François Barbeau. © Archives de la Ville de Montréal, photo tirée de l’ouvrage de Jean-Fred Bourquin (Boréal, 2017)..