Rapport+Cannabis+FINAL+V4
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— 1 — N° 4283 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUINZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juin 2021. RAPPORT D’INFORMATION DÉPOSÉ en application de l’article 145 du Règlement PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE (1) relative à la réglementation et à l’impact des différents usages du cannabis Président M. ROBIN REDA Rapporteur général M. JEAN-BAPTISTE MOREAU Rapporteurs thématiques MME CAROLINE JANVIER ET M. LUDOVIC MENDES Députés —— (1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page. — 2 — La mission d’information sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis est composée de : M. Robin Reda, président ; M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur général ; Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Philippe Latombe, M. Éric Poulliat et Mme Michèle Victory, vice-présidents, Mme Caroline Janvier et M. Ludovic Mendes, rapporteurs thématiques, MM. Ugo Bernalicis, Moetai Brotherson, François-Michel Lambert et Éric Pauget, secrétaires, Mme Bérangère Abba, M. Saïd Ahamada, Mmes Valérie Bazin-Malgras et Sylvie Charrière, MM. Rémi Delatte, Loïc Dombreval, Jean-Pierre Door, Mme Nicole Dubré- Chirat, MM. Roland Lescure, Gérard Menuel, Pierre Morel-À-L’Huissier, Xavier Paluszkiewicz, Mme George Pau-Langevin, MM. Jean-Pierre Pont et Benoit Potterie, Mmes Cathy Racon-Bouzon, Huguette Tiegna et Michèle de Vaucouleurs. — 3 — SOMMAIRE GLOBAL ___ Page AVANT-PROPOS ROBIN REDA, PRÉSIDENT ................................... 5 AVANT-PROPOS DE JEAN-BAPTISTE MOREAU, RAPPORTEUR GÉNÉRAL ............................................................................................. 7 AVANT-PROPOS DE LUDOVIC MENDES, RAPPORTEUR THÉMATIQUE .................................................................................... 11 AVANT-PROPOS DE CAROLINE JANVIER, RAPPORTEURE THÉMATIQUE .................................................................................... 15 RAPPORT SUR L’USAGE THÉRAPEUTIQUE DU CANNABIS ........ 17 RAPPORT SUR LE « CHANVRE BIEN-ÊTRE » ................................ 87 RAPPORT SUR LE CANNABIS RÉCRÉATIF ................................. 185 EXAMEN EN COMMISSION ............................................................ 459 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION ............................................................................. 461 — 5 — AVANT-PROPOS DE ROBIN REDA, PRÉSIDENT Un débat inédit s’est invité à l’Assemblée nationale avec la création de la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis. Derrière un intitulé pouvant être jugé provocateur se trouve un débat de société qui aborde tous les pans de notre vie commune : la sécurité, la santé, l’alimentation et l’avenir de nos territoires. Car le cannabis n’est pas que de la drogue, c’est avant tout une plante dont les usages millénaires ont permis aux civilisations antiques et modernes de naviguer (cordages en chanvre), de diffuser leur savoir (manuscrits en chanvre au Moyen-Âge) ou encore d’alimenter des traités de médecine. C’est la prise en considération de l’état d’ivresse cannabique et des dérives de l’usage de la plante, principalement par la voie fumée, qui ont dans l’Histoire contemporaine renvoyé le chanvre à une image négative et diabolisée. Sur le plan agricole et industriel, la concurrence montante du bois et des matières premières synthétiques a anesthésié peu à peu l’économie chanvrière. Cette dernière subsiste néanmoins et tend à trouver une nouvelle voie de développement à l’heure des préoccupations écologiques Pendant près d’un an, la mission d’information commune a entendu 226 personnes au cours de 75 auditions. Elle a abordé méthodiquement les différentes thématiques liées au cannabis : thérapeutique, « bien-être » et stupéfiant. Chaque rapport d’étape a donné lieu à une validation interne des membres de la mission et à une présentation publique. Ces points d’étape furent autant de moments utiles pour expliquer avec pédagogie le travail de la mission d’information et prendre des positions affirmées sur des sujets d’actualité, comme le lancement de l’expérimentation du cannabis à usage médical ou la condamnation de la France par la CJUE pour sa rigidité face à la vente de produits non-stupéfiants à base de cannabidiol. Un débat doit maintenant s’ouvrir hors les murs de l’Assemblée Nationale. Il touche à notre vie collective et interroge notre rapport à une substance majoritairement appréhendée sous son usage psychotrope. Le débat sur la réglementation du cannabis stupéfiant a occupé la fin de nos travaux et capté l’attention médiatique. Dans ce débat, on ne peut que regretter les incompréhensions et les raccourcis souvent liés à des abus de langage : les rapporteurs ont tenté d’y parer, et nous ne pouvons que reconnaître leur travail de pédagogie. Au regard de nos travaux et des évolutions à l’œuvre dans d’autres pays, notre connaissance « des » cannabis et leurs différentes réglementations sont appelées à évoluer en France. C’est donc désormais à la fois une question de calendrier et de volonté politique. Ou bien nous courrons le risque de continuer de subir toutes les conséquences négatives de notre refus des réalités. — 7 — AVANT-PROPOS DE JEAN-BAPTISTE-MOREAU, RAPPORTEUR GÉNÉRAL Après plus de 18 mois d’auditions et de travaux, la mission d’information relative à la réglementation et à l’impact des différents usages du cannabis présente aujourd’hui son rapport définitif. Collectivement et de tout bord politique, les membres de la mission ont travaillé afin d’appréhender le cannabis de la manière la plus pragmatique et dépassionnée possible, loin des postures idéologiques et dogmatiques, pour réfléchir à une évolution réglementaire qui puisse à la fois répondre à des enjeux de santé publique, sociaux, économiques et agricoles. Le constat global sur la question du cannabis sous tous ces usages est que notre pays est à la traîne. Si l’expérimentation du cannabis thérapeutique a enfin pu être lancée pendant que la mission poursuivait ses travaux, la question de sa pérennisation doit être largement et collectivement soutenue. Combien de patients nous ont contactés ces derniers mois, pour nous demander de pouvoir bénéficier de l’expérimentation car leurs douleurs n’étaient plus supportables ? Combien de patients souffrent encore et ne peuvent pas avoir accès à ces produits qui soulageaient un peu leurs douleurs ? Nous devons pérenniser cette expérimentation. Nous devons le faire pour eux. Pendant de nombreux mois, nous avons également tenté d’appréhender de façon pragmatique, scientifique et médicale grâce aux multiples auditions menées, la question du cannabidiol (CBD). Ce sujet, dont les derniers rebondissements jurisprudentiels nous obligent à avancer sur le volet de la réglementation est particulièrement ardu tant le CBD est perçu par une grande partie de notre classe politique et dirigeante comme une drogue. Cette posture, à défaut d’être politique, est en réalité erronée et infondée. Grâce à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en novembre dernier, la jurisprudence européenne a dénué le CBD de caractère psychotrope. Le CBD ne présente aucun risque pour la santé publique. Alors, combien de temps allons-nous continuer à en faire la victime collatérale du cannabis récréatif, du joint, du splif ? Nombreux sont les consommateurs qui en vantent les bienfaits, sur leur stress, leur anxiété, leurs douleurs articulaires. Alors encore une fois, jusqu’à quand allons-nous rester dans cette posture politique qui freine aujourd’hui l’émergence d’une filière française – que tant d’agriculteurs attendent – tout en continuant de vendre des produits à base de CBD dont la teneur en THC est supérieure à celle que nous voulons instaurer et qui est pourtant légale chez nos voisins ? — 8 — Jusqu’à quand sacrifier le potentiel de NOS producteurs au détriment de nos voisins européens ? Nos producteurs sont prêts, enthousiastes, engagés. Enfin, la question du cannabis récréatif divise et oppose les tenants d’une répression-pour-tous aux défenseurs d’une politique de santé publique. Si le débat est loin d’être tranché et que les camps s’opposent, tout laisse à penser que le sujet fera définitivement partie d’arguments politiques défendus aux prochaines échéances électorales. J’ai eu la chance d’être nommé rapporteur général de la mission d’information pendant 18 mois et j’ai également cumulé cette fonction avec celle de rapporteur thématique sur le volet du cannabis thérapeutique. Ainsi, concernant plus précisément le cannabis thérapeutique, le décret, prévu par l’article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, devant définir les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation du cannabis thérapeutique, a finalement été publié le 7 octobre 2020 (1), soit peu de temps après la publication du rapport d’étape de la mission. Ce décret suit les lignes directrices strictes qui avaient été tracées par le CST de l’ANSM au début de l’année 2020. Il prévoit notamment que l’usage médical du cannabis sera autorisé « pour certaines indications thérapeutiques ou situations cliniques réfractaires aux traitements indiqués et accessibles ». 3 000 patients seront traités et suivis dans le cadre de cette expérimentation qui aura une durée de deux ans à compter de la première prescription, au plus tard le 31 mars 2021. Le décret précise que, afin de garantir leur qualité, leur sécurité et leur usage thérapeutique, les produits seront soumis aux référentiels pharmaceutiques et seront soumis au