Pierre Clémenti: La liberté à tout prix Belle de jour Ciné-club universitaire Luis Buñuel Activités culturelles www.a-c.ch

Lundi 7 avril 2014 à 20h | Auditorium Arditi âge légal: 16 ans

Générique: FR, 1967, Coul., 35mm, 101’ Belle de jour selon Lionel Dewarrat* Interprétation: , Jean Sorel, Beaucoup de choses ont été dites sur le film , Pierre Clémenti, Geneviève Page Belle de jour. On a essayé d’expliquer le ma- sochisme de Séverine par le flash-back dans Séverine est une jeune bourgeoise bien sous lequel on la voit, jeune enfant, subir les attou- tous rapports. En couple avec Pierre, un jeune chements d’un ouvrier alors que sa mère lui médecin à qui elle se refuse parce qu’il est trop ordonne de se rendre au salon: le plaisir cou- gentil, elle trompe son insatisfaction en se pable mêlé aux injonctions maternelles serait livrant à des passes de jour dans une maison à l’origine de ses fantasmes inavoués. On parle close. Mais bientôt sa double vie la rattrapera: aussi beaucoup de l’influence du surréalisme un client sadique et possessif au charme sur le film, qui mêle réalité et rêves de Séverine, duquel elle n’est pas insensible, s’immisce annoncés par le tintement caractéristique des dans son quotidien avec la ferme intention de clochettes accrochées au landau dans lequel prendre la place de Pierre. elle voyage avec son mari, Pierre, au début du film. Mais c’est le personnage de Marcel, inter- Le rôle du truand sadique joué par Pierre prété par Pierre Clémenti, un acteur majeur Clémenti permettra à l’acteur de se faire mais trop méconnu du cinéma français, qui va connaître internationalement. nous intéresser ici. Marcel est le client sadique et possessif qui loue les services de Séverine, alias Belle de jour. On ne sait pas grand-chose de lui, si ce n’est qu’il s’agit d’un petit caïd qui trempe dans des affaires louches avec son comparse Hippolyte. Mais malgré son côté voyou et vulgaire, il parvient à toucher le cœur de l’héroïne. Certes, c’est une brute, toutefois lorsqu’il dévoile ses dents en or ou quand Belle de jour découvre la cicatrice qu’il a sur l’omoplate, héritage d’un coup de couteau, il paraît soudain plus fragile. De plus, même s’il se donne un air détaché, son attachement à Belle de jour est manifeste: il l’aime comme un fou, d’une passion qui s’avérera meurtrière Séverine sur son couple s’estompe en même (c’est une des raisons pour lesquelles il lui en temps que les fantasmes eux-mêmes. veut lorsqu’elle s’absente de la maison close Pour l’anecdote, la mort de Marcel, abattu durant plusieurs jours). Le ton qu’il emploie, en pleine rue, fait référence au filmÀ bout bien que sec et impératif, est dénué de toute de souffle de Jean-Luc Godard, de même que agressivité, et dénote plutôt sa fermeté et le vendeur à la criée du Herald Tribune sur les son sang-froid, qu’il ne perd que lorsque Belle Champs-Élysées. de jour lui échappe. Car sa violence n’a d’égal que son amour pour elle, et s’il emploie la * Membre du Ciné-club universitaire force, c’est pour garder auprès de lui celle qu’il aime. De surcroît, son insolence n’est qu’une façade. Sa façon de bomber le torse, de faire le fier démontre un mal-être intérieur. D’autre part, lorsqu’il fronce les sourcils, il semble tout autant exprimer la colère, la virilité, que la méfiance, la crainte. Pour finir, un côté en- fantin transparaît tout à la fois dans sa façon de jouer avec sa canne, lors des crises qu’il fait subir à Belle de jour et au travers de son caractère irresponsable (il ne se remet jamais en question et fait toujours porter la respon- sabilité de ses malheurs à Belle de jour). Si Séverine aime Marcel, c’est aussi bien sûr parce qu’il satisfait ses pulsions masochistes. Comme si, face à celui qui apparaît comme un ange rédempteur, Belle de jour avait besoin d’expier le pêché adultère par la souffrance tout autant que par la jouissance. D’autre part, Marcel sauve en quelque sorte le couple Pierre-Séverine. Tout d’abord, il transforme l’aveuglement au sens figuré de Pierre (qui ne voit pas que Séverine lui est infidèle) en aveu- glement réel: il lui tire dessus, ce qui lui laisse- ra des séquelles irréversibles. Ensuite, une fois que son mari est paralysé, Séverine lui avoue qu’elle ne rêve plus. Elle cesse d’être étouffée par sa tendresse et n’a donc plus besoin de chercher le plaisir dans des pratiques sado- masochistes. Enfin, avec la mort de Marcel, l’ombre que projetaient les fantasmes de

Prochaine séance du Ciné-club: Benjamin ou les mémoires d’un puceau, Michel Deville, 1968 ▶ 14 avril à 20h, Auditorium Arditi