Dessin Raoul Boyer Sian tout d’ami galoi e libre

Frederi Mistral

REVISTO CULTURALO  REVUE CULTURELLE

PROUVENÇAU  FRANÇAIS

EDITOURIAU Georges Massieye Pierre Paul Henri Féraud

La valso di gameto Pierre Paul Georges Brassens et Pierre Paul André Chiron

Alphonse Tavan Mireille Bosqui Henri Bosco, poème inédit Michel Compan Marcel Pagnol et la langue provençale Jean-Pierre Monier Les droits linguistiques Jozef Sivák Utilité de l’ethnologie régionale Laurent-Sébastien Fournier L’identité des Alpes maritimes Henri Costamagna

Le pastel des teinturiers Christiane Mangiapan La bisnago, l’erbo i curo-dènt Hector Nourisi Li Mireieto M.R. Guérin/Anne Lambert La langue provençale menacée Lou Prouvençau à l’Escolo Li 700 an de l’Enclavo di Papo Simone Méance Fèsto prouvençalo Vaison Henri Féraud A Maria Arneodo Sergio Arneodo Amandier en fleur – février 2016 laLi langoustoLetro de Font -Segugno au Elon Agerup Le Grand Luberon vu de Saignon Danemark © photo Pierre Helen Grossi

N° 24 Semestrau Printèms 2016 Les Amis de Font-Ségugne – Lis Ami de Font-Segugno

Association culturelle bilingue (régie par la Loi de 1901) Siège historique : Le Château de Font-Ségugne Siège social : Mairie de Châteauneuf de Gadagne - 84470 Châteauneuf de Gadagne Correspondance : 6 bd Paul Chabas – 84000 courriel : [email protected]

PRESIDENCE D’HONNEUR Monsieur et Madame Geren, propriétaires du Château de Font-Ségugne

COMITE D’HONNEUR Alice Colby-Hall, professeur de langues romanes à la Cornell University of New York Patrick de Carolis, écrivain - Ex PDG de France Télévision Pierre Jourdan

MEMBRES DU CONSEIL D’ADMINISTRATION (élus à l’Assemblée générale du 19 avril 2015)

Michèle Benvenutti, Guy Bonnet, Mireille Bosqui , Dominique Boyer, Anne-Marie Chenivesse, Michel Compan, Fernand Deye, Henri Féraud, Christiane Mangiapan, Georges Massieye, Evelyne Ricord, Monique Site.

MEMBRES DU BUREAU (nommés par le Conseil d’Administration le 25 avril 2015)

Président : Henri Féraud Vice-Présidente : Mireille Bosqui Vice-Président : Georges Massieye, délégué aux relations internationales Secrétaire : Dominique Boyer Secrétaire adjoint : Fernand Deye Trésorière : Evelyne Ricord – Trésorière adjointe : Monique Site

L’association a pour but de contribuer au rayonnement international de l’Ecole littéraire de Font-Ségugne, de veiller au respect de ce lieu historique, et d’assurer la promotion et la sauvegarde de la culture et de la langue provençales illustrées par Frédéric Mistral.

Ses moyens d’action sont : A. L’organisation de conférences, de tables rondes, d’auditions poétiques et musicales, d’expositions, de signatures de livres, de festivités.

B. Le soutien aux autres associations qui œuvrent pour la défense du provençal moderne codifié par Frédéric Mistral et qui restent attachées, tout en faisant la part de la modernité, aux us et coutumes de la Provence.

C. La parution semestrielle d’une revue culturelle bilingue ayant pour titre « Li Letro de Font-Segugno » qui contribue au développement de l’Ecole littéraire de Font-Ségugne.

D. L’organisation, tous les trois ans, du « Grand Prix de Font-Ségugne » ayant pour but de favoriser la création contemporaine d'une œuvre littéraire, de musique, de peinture et arts plastiques ayant trait à la Provence, avec attribution d’une médaille aux lauréats.

COTISATIONS POUR L’ANNEE 2016 : 2 numéros par an Cotisation individuelle : 25 euros – Cotisation par couple : 30 euros A verser par chèque à l’ordre de : « Les Amis de Font-Ségugne » - Evelyne RICORD – 11 rue Augustin Tardieu – 13200 ARLES

Tous droits réservés sur l’ensemble des textes inédits publiés dans Li Letro de Font-Segugno. Déclaration de l’Unioun dis Escrivan Prouvençau signée en 1982 : Les écrivains en langue provençale, conscients de leur devoir de témoigner en faveur de leur culture authentique, déclarent s’opposer sans aucune limitation de durée et sans aucune exception, en France et à l’étranger, à toute transposition ou adaptation de leurs œuvres, demandent, au vu du droit moral de l’auteur (art. L.121-1 et 2 du CPI), la préservation de la graphie ou orthographe choisie par l’auteur. Il en résulte que, même tombée dans le domaine public, leurs œuvres ne pourront être transposées totalement ou partiellement dans un système autre que celui choisi par son auteur, qu’elles aient été publiées sous leur nom ou sous un pseudonyme. Aucun de leurs ayants-droit n’est autorisé ultérieurement à revenir sur tout ou partie de cette interdiction. Liste des 24 membres fondateurs (juillet 2002)

Arnaud Robert, vice-président du Collectif Provence

Barracan Madeleine, déléguée de Gascogne-Béarn

Bonnet Guy, auteur, compositeur de chants provençaux

Bosqui Mireille, maîtresse d’œuvre du Félibrige, administratrice au Palais du Roure

Boyer Raoul, professeur de médecine, diplômé de provençal moderne, maître en Gai Savoir du Félibrige, Prix Mistral

Boyer Sadia, avocate au Barreau d’Avignon, membre de la Nation Gardiane

Charrasse Alain, provençaliste, cadre secteur bancaire, ancien maire de Beaumont-du-Ventoux

Compan André, docteur es lettres, majoral du Fleurs d’amandier – février 2016 Félibrige © photo Pierre-Helen Grossi

Desiles Emmanuel, professeur de lettres, président du Prouvençau à l’Escolo N° 24 PRINTEMS 2016 Fabre Edmond, ancien élève de l’Ecole Normale 13ème année Supérieure, ex professeur de lettres au lycée Frédéric Mistral, ancien maire des Angles Sommaire 1

Favre Michel, président de l’association de musique EDITOURIAU Georges Massieye 2 ancienne Pierre Paul Henri Féraud 4

Féraud Henri, membre fondateur et Trésorier de La valso di gameto Pierre Paul 5 l’Union Provençale, Prix Mistral Georges Brassens et Pierre Paul André Chiron 6 Gabriel André, professeur au Conservatoire National de Région "Pierre Barbizet" de Marseille ainsi qu’au Alphonse Tavan Mireille Bosqui 13 Conservatoire à rayonnement régional d’Avignon Henri Bosco, poème inédit Michel Compan 23

Jourdan Pierre, cadre supérieur secteur bancaire, Pagnol et la langue provençale J.P. Monier 27 retraité Les droits linguistiques Jozef Sivák 37 Julian Claude, membre du Comité du Museum Arlaten, Membre du jury du Prix Mistral Utilité de l’ethnologie régionale Laurent Fournier 40

Moucadel René, professeur de lettres, prix Mistral et L’identité des Alpes maritimes Henri Costamagna 43

Grand Prix de Provence, ancien maire de Maillane Le pastel des teinturiers C. Mangiapan 47

Parat Thérèse, félibresse, professeur des écoles La bisnago Hector Nourisi 50

Mgr. Reyne André, doyen du Chapitre de N.D.des Li Mireieto R. Guérin/A. Lambert 52 Doms, Maître d’œuvre du Félibrige La langue provençale menacée Prouvençau à l’Escolo 54 Roche Christiane, co-présidente de l’Union 700 ans de l’Enclave des Papes Simone Méance 56 Provençale

Les Fêtes provençales à Vaison Unioun prouvençalo 57 Soubeyras Jean, professeur de mathématiques, la langousto professeur de provençal au Flourège d’Avignon Sus l’ièro vuéido Sergio Arneodo 57

Tennevin Jean-Pierre, ex professeur de lettres, Li Letro de Font-Segugno Elonn Agerup 58 majoral du Félibrige, prix Mistral au Danemark Tronconi Max, médecin, président de l’Académie de

Provence, membre de l’association des poètes français

Venture Rémy, bibliothécaire, prix Mistral, Grand Prix de Provence, Majoral du Félibrige

Vouland Pierre, professeur de linguistique à la Faculté de Nice, Majoral et ancien baile du Félibrige, adjoint au maire de Cannes

EDITORIAL Les liens internationaux de Font-Ségugne Par Georges Massieye

« La Nation est en effet la grande communauté des hommes qui sont unis par des liens divers, mais surtout, précisément, par la culture… Elle est cette communauté qui possède une histoire dépassant l’histoire de l’individu et de la famille. C’est aussi dans cette communauté, en fonction de laquelle toute famille éduque, que la famille commence son œuvre d’éducation par ce qui est le plus simple, la langue, permettant ainsi à l’homme qui en est à ses débuts d’apprendre à parler pour devenir membre de la communauté qu’est sa famille et sa Nation ». Jean-Paul II à l’UNESCO

FONT-SEGUGNE : mot magique où a germé une Renaissance provençale le 21 mai 1854. C’était l’époque du « Printemps des Peuples » en Europe. C’est-à-dire la découverte et la publication de chants, poésies et musiques de temps anciens pour tout un groupe de peuples désireux de maintenir ou de sauver leurs langues et leurs littératures pour ne pas mourir sous les dictatures.

Ont apparu alors quelques épopées comme « La Chanson de Roland » en 1834, « Kalevala » en Finlande en 1835, « Kalevipoeg » en Estonie en 1853. Nous avons les témoignages de Lamartine « Ossian fut l’Homère de mes premières amours » et de Goethe « Ossian a supplanté Homère dans mon cœur ».

Les premiers liens internationaux avec les Primadié (chefs de file) ont débuté dès la parution de « Mireille » traduite en beaucoup de langues au 19ème siècle. Cela a amené de nombreuses visites et de correspondances à la Librairie Roumanille en Avignon. La conférence de Valérie Siaud en novembre 2015 nous a bien informés sur cette époque. En plus d’écrire et de publier ses chefs-d’œuvre, Frédéric Mistral a fait preuve de solidarité envers quelques peuples comme les Polonais, les Grecs, les Roumains, et nos amis Catalans sous la conduite de Victor Balaguer et le résultat majeur : la Coupo Santo, l’hymne provençal.

N’est-ce pas un témoignage des liens internationaux, que la création du titre de « sóci » par le Félibrige : une de mes amies estoniennes en a bénéficié. Elle avait traduit « La Bête du Vaccarès » il y a quelques années. Auparavant, au temps de Mistral, l’Irlandais William Bonaparte-Wise a été élu majoral du Félibrige. En 1904, pour le cinquantenaire du Félibrige, c’est le couronnement de l’œuvre de Frédéric Mistral par la remise du prix Nobel de Littérature.

A cette occasion, Mistral avait écrit un chant de neuf quatrains dont un montre bien les liens internationaux que nous avons avec de nombreux peuples. Le voici : D’Espagne et même d’Irlande Et jusqu’en Finlande Nous arrivaient des renforts ! Nous criaient : courage !

Ainsi les liens se sont plus ou moins maintenus jusqu’aux massacres de la guerre de 1914 – 1918. Cet évènement a été le début d’un bouleversement horrible dans toute l’Europe. Mais la lumière de la poésie ne s’est pas éteinte. La grande poétesse chilienne Lucila Godoy Alcayaga prit pour pseudonyme Gabriela Mistral en hommage à Frédéric Mistral et sous ce nom a obtenu le prix Nobel de Littérature en 1945.

Après la fin de la seconde guerre mondiale, des poètes et des écrivains de renom ont essayé de créer ou de recréer une seconde Renaissance. Je pense ici à Louis Bayle de l’Astrado Prouvençalo, créé en 1965, qui avait réussi d’avoir un réseau de correspondants internationaux dès les années 1970. Pour nous autres « Amis de Font-Ségugne » notre tâche n’est-elle pas de s’ouvrir aux autres peuples ?

A la suite de Raoul Boyer, nous poursuivons le développement du réseau international des « Amis de Font- Ségugne ». Au travail ! Provence, longue vie !

Intrépide gardien de notre parler gentil, - Car, face contre terre, qu’un peuple tombe esclave, - Gardons-le franc et pur, et clair comme l’argent, - S’il tient sa langue, il tient la clef - Car tout un peuple là s’abreuve ; - Qui le délivre des chaînes.

Frédéric Mistral : Aux poètes catalans, 1861 « Lis Isclo d’or » EDITOURIAU Li liame internaciounau de Font-Segugno pèr Jòrgi Massieye

« La Nation est en effet la grande communauté des hommes qui sont unis par des liens divers, mais surtout précisément, par la culture… Elle est cette communauté qui possède une histoire dépassant l’histoire de l’individu et de la famille. C’est aussi dans cette communauté, en fonction de laquelle toute famille éduque, que la famille commence son œuvre d’éducation par ce qui est le plus simple, la langue, permettant ainsi à l’homme qui en est à ses débuts d’apprendre à parler pour devenir membre de la communauté qu’est sa famille et sa Nation ». Jean-Paul II à l’UNESCO FONT-SEGUGNO : mot magi mounte a greia uno Respelido prouvençalo lou 21 de mai de 1854. Ero l’epoco dóu « Printèms di Pople » en Europo. Es-à-dire la descuberto e la publicacioun di cant, pouësìo e musico di tèms ancian pèr tout uno meno de pople desirous de manteni vo de sauva si lengo e literaturo pèr pas mouri souto li ditaturo.

An espeli alor quàuquis epoupèio coume « La Chanson de Roland » en 1834, « Kalevala » en Finlando en 1835, « Kalevipoeg » en Estounìo en 1853. Avèn aqui li testimòni de Lamartine « Ossian fut l’Homère de mes premières amours » e de Goethe « Ossian a supplanté Homère dans mon cœur ».

Li proumié liame internaciounau emé li Primadié an debuta tre l’espelido de Mirèio revirado en un mouloun de lengo au siècle dès-e-nouven. Es acò qu’a adu forço vesito e courrespoundènci à la Librarié Roumaniho en Avignoun. La counferènci de Valerìo Siaud en nouvèmbre 2015 nous a bèn assabenta sus aquelo epoco. En mai d’escriéure e de publica si cap-d’obre, Frederi Mistral a fa provo de soulidarita emé quàuqui pople coume li Poulounès, li Grè, li Roumanesc e nòstis ami catalan souto la beilié de Vitour Balaguer e la resulto majouro : la Coupo Santo, l’inne prouvençau.

Es-ti pas un testimòni di liame internaciounau que la creacioun dóu titre de « sóci » pèr lou Felibrige. Uno de mis amigo estouniano a pouscu en beneficia. Avié revira « La Bèstio dóu Vacarés » i’a quàuquis annado d’acò. Plus avant, dóu tèms de Mistral, l’Irlandés William Bonaparte-Wyse es esta elegi majourau dóu Felibrige. En 1904 pèr lou cinquantenàri dóu Felibrige, a vist lou courounamen de l’obro de Frederi Mistral emé la remesso dóu pres Nobel de Literaturo. En aquelo escasènço, Mistral avié escri un cant de nòu quatrin mounte n’ia un que mostro bèn li liame internaciounau qu’avèn emé forço pople. Es aquèu : « D’Espagno emai d’Irlando Enjusquo d’en Finlando Nous venié de ranfort ! Nous cridavon : Tafort ! »

Em’acò li liame se soun mantengu mai au mens enjusqu’au chaple de 1914-1918. Aquest evenimen es esta la debuto d’uno boulegadisso ourriblo en Europe. Mai la lus de la pouësìo s’es pas amoussado. L’ufanouso pouëtesso chiliano Lucila Godoy Alcayaga prenguè l’escais-noum de Gabriela Mistral en oumenage à Frederi Mistral e emé aquest escais-noum a reçaupu lou pres Nobel de Literaturo en 1945.

Après la fin de la segoundo guerro moundialo, de pouëto e d’escrivan de trìo an buta à la rodo pèr assaja de crea vo de recrea uno segoundo Respelido. Pènse aqui à Louïs Bayle de l’Astrado Prouvençalo, creado en 1965, qu’avié reüssi d’agué uno telaragno de courrespoundènt internaciounau tre lis annado setanto. Pèr nous àutri « Ami de Font-Segugno » noste pres-fa es-ti pas de se durbi is-àutri pople ?

A la seguido de Segne Roudòu Boyer perseguissèn lou desveloupamen de la telaragno internaciounalo dis « Ami de Font-Segugno ». Au travai ! Prouvènço, longo mai !

Intrepide gardian de noste parla gènt, Car, de mourre-bourdoun qu’un pople toumbe esclau, Garden-lou franc e pur e clar coume l’argènt Se tèn sa lengo, tèn la clau Car tout un pople aqui s’abéuro ; Que di cadeno lou deliéuro.

Frederi Mistral :I troubaire catalan, 1861 « Lis Isclo d’or » Pierre Paul Par Henri Féraud

La Provence perd un de ses écrivains les plus talentueux. Beaucoup ont apprécié ce génie de la langue provençale sans jamais avoir entendu son nom. Et pourtant presque tout le monde connaît sa maîtrise de la langue provençale grâce au talent d’André Chiron qui, concerts après concerts, portait sur scène ses adaptations des chansons de Georges Brassens. Il a adapté également en provençal les chansons de Michel Fugain interprétées par Stéphane Manganelli.

Pierre Paul, homme de discrétion, d’humilité, est le traducteur plein de sensibilité qui a adapté en langue provençale pour les enfants les quatre librihoun de la collection du Père Castor éditée par Flammarion « li tres pichot poucèu » « Lou pichot catoun perdu » « Li bon coulègo » « la cabro e li cabrit »

Fidèle collaborateur des Letro de Font-Segugno, il avait reçu le Grand Prix littéraire de Font- Ségugne. Par ses poèmes et contes humoristiques, il nous a donné sa fine critique de la société.

Il participa à la correction du dictionnaire français-provençal « Le Coupier » pour lequel il mit à son service sa connaissance approfondie de la langue provençale.

Les nombreux articles de Pierre Paul parus dans le mensuel Prouvènço d’Aro dont André Ariès fut l’initiateur, ont mis en valeur des artistes provençaux tels que Baboulène, professeur aux Beaux- Arts de Toulon où il naquit ; Gilbert Louage, maître de la tapisserie, élève de Baboulène ; Pertus, qui reçut le Grand Prix de la ville de Toulon ; Jean-Frédéric Canepa, Marseillais, professeur aux Beaux-Arts de Marseille qui donna des leçons de peinture à Pierre Paul en l’accueillant dans son atelier et l’encourageant, lui donnant un exemple de travail et de modestie « nous sommes tous des amateurs, et c’est en peignant que petit à petit on s’améliore ». Jean Canepa fut le professeur de nombreux artistes connus dont le plus célèbre est le sculpteur César …

Il confia à la revue universitaire La France Latine, dirigée par Philippe Blanchet et Suzanne Thiolier-Méjan, ses recherches dans les archives de Marseille. Nous citerons : « Les comptes de l’hôpital du Saint-Esprit de Marseille » (fondé en 1188 à l’emplacement de l’Hôtel-Dieu, aujourd’hui désaffecté), N° 136 – 2003 ; « Deux documents du fonds Jacques Stornel, commerçant marseillais (1355 – 1398) : Comptes de P. Aycart (beau-père de Jacques Stornel) et comptes de Guillaumette Aycart, veuve de Jacques Stornel, qui nous renseignent sur les provenances des achats de marchandises et les mœurs de cette période proches de ceux qui se sont maintenus jusqu’en 1939, N° 142 – 2006 ; « Etat des biens de l’abbaye Saint-Victor de Marseille 1469, Péages de Tarascon 1490, Statuts de la confrérie du Saint-Sacrement 1305, Bar-sur-Loup, texte accompagnant la représentation de la danse macabre (fin XV° siècle) » ce texte est proche du provençal d’aujourd’hui, N°148 – 2009 ; « Le livre de Raison (1329 à 1337) de Jean Blaise » Médecin de Robert, Roi de Naples et Comte de Provence, de1313 à 1324, année où le roi retourne à Naples. Jean Blaise s’installe, alors, négociant à Marseille. N° 154 – 2012. En transcrivant ces textes et en les commentant, Pierre Paul a transmis aux Marseillais et aux Provençaux une partie de leur mémoire.

Es de la generacioun di Delavouët, Dourguin, Galtier, Bayle, Tennevin, Farfantello, Marìo Mauron…seguissènt la proumiero guerro mondialo e qu’après la segoundo a fa soun proun pèr la trasmessioun de la culturo e de la lengo prouvençalo e de lis ilustra pèr de cap-d’obro literàri. Medecin, Pèire Paul, nous a baia soun Pichot Tresor de Cupidoun , rejouncho de la vèrbìo dóu voucabulàri galant prouvençau. Nous a leissa lou dilun 7 de mars de 2016, dins si nonanto an. Sis ami que dintre èli se vesié Andrièu Chiron, Clemènt Serguier, Estefan Manganelli, i’an fa sis adessias à la Gleiso Sant-Pèire – Sant-Pau de Marsiho. LA VALSO DI GAMETO Par Pierre Paul

Un espermo d'eici, uno Óuvulo d'eila, un uterus louga ; avès tout lou fourbi. I'a plus que de mescla tout acÒ pèr farga un paure nouvèu na, ourfanèu de neissènço fabrica tout à tros, que de paire n'es sènso e de maire n'a dos.

Fau un dounet branlur que fai lou semblo-paire, uno femo que porto e que presto sa maire. Emé lou frigouristo e l'enseminatour, qàuqui labourantino e proumié li dÓutour, acÒ fai proun de mounde e d'argènt degaia pèr ço qu'à dous sarié lèu fa

E lis iÒu emplanta s'an tÓuti arrapa lou subre lou faudra jita à la bedoulo, dÓu tèms que dins la foulo i'aura quàuqui mié-fraire e de sorre à mita nascu d'uno autro maire e que soun esta fa pèr lou mume brandaire e lou mume caiat.

© dessin original « la valso di gameto » de JEPIDA Es qu'aquéu dounarèu d'uno soulo gisclado de mai d'uno jacènt fai au cop la meinado. E aquéu biais de faire es pamens dangeirous que fara proun de gènt belèu incestuous. Em'un parèu nourmau i'a pas tant de tracas pèr faire à dous un nouvèu na.

Pèire PAUL

AIDE A LA LECTURE DES CHANSONS DE BRASSENS

TRADUITES EN PROVENÇAL PAR PIERRE PAUL

Par André Chiron

Avant d’ entreprendre la lecture de cet essai comparatif entre les chansons de Georges Brassens et les traductions de Pierre Paul, il convient d’avoir en mains le livre édité par Louis Bayle aux éditions de l’Astrado intitulé : « CANSOUN » paraulo prouvençalo de Pèire Pau, images de Jan Arene. En effet ce livre fait suite au premier livre édité et intitulé « Sege cansoun revirado au prouvençau » du même auteur. Ce premier « librihoun » peu connu (et c’est grand dommage) a été édité sur les instances de Louis Bayle et c’est en quelque sorte pour moi la pierre de touche de mes débuts dans la chanson provençale, c’était en 1976… J’ai aimé Georges Brassens depuis ma plus tendre enfance et le fait qu’il soit traduit dans ma langue maternelle ajoute au respect que j’ai pour ce grand poète. Il y a en tout quarante chansons traduites, ou plutôt, « adaptées » et depuis le temps de la première découverte du premier livre, bien des mois et des années ont passé, deux disques vinyle ont été « esquichés » puis, modernisme aidant, trois réenregistrements sur support C.D car nous ne voulions pas céder à la facilité de la transposition d’un support à un autre. Si ces disques ont eu un assez bon succès, c’est grâce à ceux qui ont voulu que ce livre voie le jour et surtout grâce à celui qui a fait de si belles traductions. Qu’ils en soient tous ici remerciés.

APOUNDOUN

Les Italiens ont coutume de dire « Tradutore, traditore » ce qui équivaut à dire en français : « traducteur, traître ». L’on est toujours un peu traître quand on veut traduire une langue dans une autre tant il est vrai que chaque langue a son propre génie, sa propre syntaxe, ses doubles sens, ses significations parfois cachées, toutes sortes d’interprétations qui lui sont particulières, aussi ne soyez pas choqués si parfois Pierre Paul a pris des libertés avec le texte original, mais soyez assurés que, toujours, il a gardé le sens profond et l’esprit des chansons de Georges Brassens qui d’ailleurs ne s’y était pas trompé quand il a donné l’autorisation d’enregistrement de ses chansons.

Pierre Paul, marseillais, a traduit en provençal de nombreuses chansons de Georges Brassens. Il a également publié aux Editions Librairie Contemporaine, le « Pichot Trésor de Cupidon ». Ce Cupidon provençal porte dans son carquois, des proverbes malicieux, des allusions imagées, qui constituent les éléments d’un langage érotique, du seizième au vingtième siècle. Un florilège accompagne ce vocabulaire, témoin d’une langue et d’une culture avec Bellaud de la Bellaudière (1543-1588), Pierre Paul (1554-1615), Michel Tronc (1562-1597), Claude Brueys (1570-1636), Seguin ( ? ?), Louis Bernard Royer (1677-1755), Alphonse de Sade (1740-1814), Castil-Blaze (1784-1857), Victor Gelu (1806-1885), Théodore Aubanel (1829-1886), Louis Roumieux (1829-1894), Frédéric Mistral (1830-1914), Joseph Bourrely (1878-1929), Sully-André Peyre (1890-1961), Max-Philippe Delavouêt (1920-1990), Emile Bonnel (1915-2009), Jean- Yves Royer (1944).

A commander au Prouvènço Bus de l’Union provençale – 249 chemin du Dt Félix Reynaud – 201 allée des lilas – 83500 La Seyne

LA MAUVAISE REPUTATION LA MARRIDO REPUTACIOUN

4 Strophes en français 4 Strophes en provençal Le titre en provençal est littéral

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Au village sans prétention Au village dins moun endré Au village chez moi J’ai mauvaise réputation. me siéu carga lou capelet On me charge d’un petit chapeau Qu’je m’démène, ou qu’je reste coi Que que digue o que digue rèn Quoi que je dise ou quoi que je ne dise pas Je pass’pour un je ne sais quoi me tenon pèr un pau de sèn Ils me tiennent pour insensé

La première strophe voit les deux premiers vers légèrement différents de la version française, mais conserve l’esprit. Dins moun endré Chez moi, dans mon pays Me siéu carga lou capelet se perdre de réputation, mettre le petit chapeau, expression qui rejoint le français : porter le chapeau Pau de sèn Peu de sens

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Je ne fais pourtant de tort à personne Crese qu’en res pamens fau de daumage Je crois qu’en rien cependant je fais de dommage En suivant mon ch’min de petit bonhomme en me plegant pas à si bons usage En ne me pliant pas à de si bons usages

La traduction des vers 5 et 6 est quasi littérale. Cependant le « tort » est devenu « daumage » et le vers 6 dit « en ne me pliant pas à de si bons usages »

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Mais les brav’s gens n’aiment pas que Mai li bràvi gènt amon pas Mais les braves gen s n’aiment pas L’on suive une autre route qu’eux que se marche pas à soun pas Qu’on ne marche pas à leur pas Non les brav’s gens n’aiment pas que Noun, li bràvi gènt amon pas Non, les braves gens n’aiment pas L’on suive une autre route qu’eux que se marche pas à soun pas Qu’on ne marche pas à leur pas

Le refrain est littéral chaque fois

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Tout le monde médit de moi Me mascaron. Que digon rèn Ils me noircissent. Qui ne disent rien Sauf les muets, ça va de soi i’a que li mut e se coumpren. Il n’y a que les muets, et ça se comprend.

Pierre Paul au vers 11 dit : « Me mascaron » avec un point de ponctuation. Mascara = noircir, sous-entendu dire du mal. Et en fin il reprend une dernière phrase « Qui ne disent rien, il n’y a que les muets, et ça se comprend » (I’a que li mut, e se coumpren).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron ……………… ……………. ……………… Je reste dans mon lit douillet iéu me radasse dins moun lié Je paresse dans mon lit

Dans la 2ème strophe Pierre Paul traduit « reste dans mon lit douillet » par « me radasse dins moun lié ». Se radassa = se prélasser Par extension une « radasse » est une fille de mauvaise vie. Le reste de la strophe est une traduction littérale.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Quand j’croise un voleur malchanceux Quouro vese un raubo-galino Quand je vois un voleur de poules Poursuivi par un cul-terreux, que ié fan senti la sapino Qu’ils le mettent aux abois J’lanc’la patt’ et pourquoi le taire un pèd-terrous e si vesin, Un rustre et son voisin, Le cul-terreux s’retrouv’par terre iéu l’ajude à grata camin. Moi je l’aide à faire son chemin.

Dans la 3ème strophe, les 4 premiers vers sont un peu différents de la version française. Le « voleur malchanceux » est devenu un « raubo-galino » (voleur de poules) et là où Brassens lance la patte pour faire choir le poursuivant Pierre Paul traduit par « iéu l’ajude à grata camin » (aider à faire son chemin).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Tout le monde se rue sur moi, Tóuti me picon sus lou su, Tous me tapent dessus, Sauf les culs-d’-jatte, ça va de soi franc de nanet, bèn entendu. Sauf les nains, bien entendu.

Les deux derniers vers de Brassens parlent d’un cul de jatte, Pierre Paul parle lui d’un nanet, un nain (*). Et si tout le monde se rue sur le héros, sauf les culs de jatte qui ne peuvent marcher, dans la version provençale, « Tous me tapent dessus » (lou su = le sommet, la tête) sauf les nains qui bien entendu ne sont pas suffisamment grands pour cela, les culs de jatte et les nains ont en commun leur petite taille.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Pas besoin d’être Jérémie Ges de besoun d’un devinaire Pas besoin d’être un devin Pour d’viner l’sort qui m’est promis, pèr saupre ço que me van faire. Pour savoir ce qu’ils vont me faire. S’ils trouv’nt une corde à leur goût Tre qu’auran un tiroun di bèu Dès qu’ils auront une corde de pendu Ils me la passeront au cou. me ié penjaran autant lèu. Ils me pendront aussi vite …. …. …. Tout l’mond’viendra me voir pendu, Me vendran vèire à moun gibet Ils viendront me voir à mon gibet Sauf les aveugl’s, bien entendu. franc di calu, ço vai soulet. Sauf les calu, ça va de soi

La 4ème strophe est très intéressante dans la traduction puisque Brassens parle de Jérémie qui dans la Bible est un prophète, traduit par Pierre Paul en « devinaire ». La corde est devenue un « tiroun » (corde de pendu, le reste est littéral. Les deux derniers vers parlent de « calu » : si le mot calu en provençal veut dire, par extension, un peu bête c’est parce qu’une brebis « caludo » est une brebis atteinte du tournis, sorte de maladie, et que ses yeux sont aussi atteints. Par là même, elle n’a pas un comportement normal d’où l’extension à la bêtise. Il est vrai que c’est aussi un animal qui ne brille pas par une intelligence hors du commun. Mais « calu » signifie aussi myope et par extension aveugle (borgne des deux yeux comme on dit en Provence). Entre le mot myope et le mot aveugle que Brassens emploie il n’y avait qu’un pas à franchir et Pierre Paul l’a fait.

(*) Cul de jatte se traduit par « Quiéu de gerlo » mais il y avait un trop grand nombre de pieds (si l’on peut dire à propos d’un cul-de-jatte).

LE BULLETIN DE SANTE BON GAU ES JAMAI ESTA GRAS

11 Strophes en français. 11 Strophes en provençal

Pierre Paul aurait pu traduire mot à mot le titre de cette chanson, mais il a préféré employer à juste titre – si j'ose m'exprimer ainsi – une vieille expression provençale qui dit : "qu'un bon coq n'a jamais été gras" et quand on connaît l'activité sexuelle de ce volatile on comprend pourquoi ce dernier à cette réputation (bonne ou mauvaise). C'est une chanson traduite quasi littéralement mais avec toutefois ces petites différences qui font la saveur d'une langue.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

J'ai perdu mes bajou's, j'ai perdu ma bedaine, Ai perdu mi gaugnoun, ai perdu ma ventresco Et, ce, d'une façon si nette, si soudaine, me siéu entre-seca talamen à la lèsto Qu'on me suppose un mal qui ne pardonne pas, que se dis que siéu tout rousiga en dedins Qui se rit d'Esculape et le laisse baba. d’un mau que, davans éu, clavon li medecin.

1er couplet : Le héros est "tout rousiga en dedins" (rongé de l'intérieur) on pense immédiatement au cancer devant qui les médecins sont impuissants "clavon li medecin" (clava = fermer, mais aussi donner sa langue au chat) et quand on sait que Brassens est mort de cette maladie cette chanson devient prémonitoire bien que le texte ne le laisse pas entendre et que Brassens s'en défende.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Le monstre du Loch Ness ne faisant plus recette Moun anequelimen fai crèisse li receto Durant les moments creux dans certaines gazettes, de tóuti li journau, mesadié e gazeto Systématiquement, les nécrologues jou'nt, ounte em’oustinacioun, li necroulogue fan À me mettre au linceul sous des feuilles de chou. l’anounço de ma mort au mens dès cop pèr an.

2ème couplet : "l'anequelimen" est l'exténuation par manque de nourriture, ici c'est plutôt par excès d'exercice physique…et les journaux annoncent la mort du héros au moins dix fois l'an.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Or, lassé de servir de tête de massacre, Aro, n’ai proun d’entèndre lou mounde que rison Des contes à mourir debout qu'on me consacre, di conte de ma grand la borgno que se dison. Moi qui me porte bien, qui respir' la santé, Saunant de gaiardiso e petant de santa Je m'avance et je cri' toute la vérité. fau pièi que vous la digue enfin la verita.

3ème couplet : le premier vers voit une forme d'écriture typiquement provençale avec un mot au singulier (lou mounde) et le verbe au pluriel (que rison), on traduirait en français littéral "le monde qui rient". Ça n'est pas une faute en provençal, mais d'un usage courant. Les "contes de ma grand-la-borgno" pourraient se traduire par "sornettes, bêtises", le héros saigne de "gaillardise" (plein de sang, de sève, il pète de santé)

Le 4ème couplet est littéral.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Si j'ai trahi les gros, les joufflus, les obèses, S’ai trahi li boufi, li boumbu, li boudenfle Si j'ai trahi les bouffis, les bombus, les enflés C'est que je baise, que je baise, que je baise es que, maigre que maigre, ai un quicon qu’es C'est que, maigre que maigre, j'ai quelque chose Comme un bouc, un bélier, une bête, une brut', enfle. qui est enflé Je suis hanté : le rut, le rut, le rut, le rut ! Coume un tau, un aret, vertadié garagnoun Comme un taureau, un bélier, véritable étalon tout l’an, ivèr-estiéu, siéu de longo en sesoun. Tout l'an, hiver, été je suis toujours en "saison "

Le refrain venant en cinquième position est différent du refrain français, et je vous en livre in-extenso la teneur. Si j'ai trahi les bouffis, les bombus (convexes), les enflés / C'est que, maigre que maigre, j'ai quelque chose qui est enflé/ Comme un taureau, un bélier, véritable étalon (cheval entier)/ Tout l'an, hiver, été je suis toujours en "saison " (rut).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Qu'on me comprenne bien, j'ai l'âme du satyre Tóuti li femo me fan cènt bòni maniero Et son comportement, mais ça ne veut point dire e pèr souna moun clar se fasènt campaniero, Que j'en ai' le talent, le géni', loin s'en faut ! bord que n’en siéu, se dis, is ultìmi badai, Pas une seule encor' ne m'a crié " bravo ! " volon un darrié cop esmòure moun matai

Ce 6ème couplet voit notre héros avoir cent bonnes manières de la part des femmes qui pour sonner son glas se font sonneuses de cloches (campaniero) et puisqu'il en est à son dernier souffle (ultime badai, dernière ouverture de la bouche), elles veulent une dernière fois "émouvoir" le "matai" (mettre en branle (!) le battant de la cloche (dame ! quelle dimension !)

P…. DE TOI BOUGRO DE GARÇO

7 Strophes en français 7 Strophes en provençal Les titres français et provençal se passent de tout commentaire. Mais nous en ferons quand même un peu.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

En ce temps-là, je vivais dans la lune, D’aquéu moumen restave dins la luno. Les bonheurs d'ici-bas m'étaient tous défendus, Souto mis èr bravache ère un pau badalu. Je semais des violett's et chantais pour des prunes Semenave de flour, cantave pèr de pruno Et tendais la patte aux chats perdus... assoustave li catoun perdu.

Dans ce premier couplet la traduction est proche du français. « Souto mis èr bravacho ère un pau badalu », badalu: = nigaud, naïf « Tendais la patte aux chats perdus" est traduit par "assoustave li catoun perdu" (assousta= aider-abriter – mettre à la "sousto").

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Ah ah ah ah! putain de toi! Bougro de garço que tu siés ! Bougre de garce que tu es Ah ah ah ah ah ah! pauvre de moi… Niais que cresiéu que m’amariés ! Niais moi qui croyais que tu m'aimerais

Le mot de "putain" a disparu dans la version provençale ce qui a fait dire à certains amoureux de la langue que les chansons de Brassens étaient mieux qu'en français. Je laisse à ces personnes l'entière responsabilité de leur propos, mais ça fait quand même plaisir à entendre. Toute langue a son génie, sa saveur, sa couleur et celui qui manie bien une langue, quelle qu'elle soit, reste persuadé que c'est sa langue qui est la plus belle. Il en est de même pour les paysages, les villes, pays etc…d'ailleurs Brassens en a fait une chanson intitulée "Balade des gens qui sont nés quelque part".

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Un soir de plui', v'là qu'on gratte à ma porte, Un jour d’ivèr que plouvié à cop d’ase Je m'empresse d'ouvrir (sans doute un nouveau chat!) de-vèspre entènde un brut. Me sèmblo qu’an grata. Nom de Dieu! l'beau félin que l'orage m'apporte, D’un paure cat bagna iéu que toujour mau-trase, C'était toi, c'était toi, c'était toi... duerbe, èro uno chato e noun un cat.

Dans le deuxième couplet Pierre Paul se sert d'une locution provençale fort intéressante.

"un jour d'ivèr que plóuvié à cop d'ase" En effet cette locution dit :" Plóuvié tant que lis ase aurien begu de dre" (il pleuvait tant que les ânes auraient bu droit). Brassens lui, parle simplement de pluie. A noter que "l'ase" est aussi une meule de moulin (en français on dit : il tombe des pierres de moulin). Le mot ase va donc rimer avec "mau-trase" qui signifie : se faire du souci. Pierre Paul se sert du mot "chato" qui en provençal veut dire "jeune fille" et non pas chatte (cato en provençal).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Les yeux fendus et couleur de pistache, Çai èro tu ! Quistant la retirado T'as posé sur mon coeur ta patte de velours... as pausa sus moun cor ta pato de velout. Fort heureus'ment pour moi, t'avais pas de moustache Cresiéu pas d’aculi uno cato-bagnado Et ta vertu ne pesait pas trop lourd... qu’avié deja vist peta lou loup !

Çai èro tu (c'était toi) qui était dans le dernier vers de la 2ème strophe de Brassens se trouve en début de la 3ème strophe de Pierre Paul toujours dans un souci de garder le cheminement de Brassens. Cette "chato" quêtant une retraite (retirado) pose sur le cœur de celui qui l'accueille sa patte de "velout" (comme en français) et il ne pensait pas abriter une "cato bagnado" (chatte mouillée qui en provençal veut dire : sainte nitouche) qui avait déjà fait des siennes. La traduction de Pierre Paul est vraiment savoureuse et je laisse au lecteur le soin …d'interpréter.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Aux quatre coins de ma vi' de bohème, Au bèu mitan de ma vido bóumiano Tu as prom'né, tu as prom'né le feu de tes vingt ans, as bouta, gastadou, lou fiò de ti vint an. Et pour moi, pour mes chats, pour mes fleurs, mes poèmes, Óublidère pèr tu mis abitudo anciano, C'était toi, la pluie et le beau temps... s’agoutè lou sourgènt de mi cant

Dans la quatrième strophe l'auteur parle de sa vido "bóumiano" (bohémienne) qui est la traduction littérale et que la jeune fille est "gastadou" ce mot se rapporte au feu (fiò) (ravageur) et le héros en oublie ses anciennes habitudes et l'inspiration de ses chansons se tarit (s'agoutè lou sourgènt de mi cant).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Mais le temps passe et fauche à l'aveuglette, Lou tèms s’envai couchant lis amoureto. Notre amour mûrissait à peine que, déjà, Espelissié tout just moun amour qu’adeja Tu brûlais mes chansons, crachais sur mes violettes, brulaves mi cansoun, caucaves mi floureto, Et faisais des misères à mes chats... e fasiés de misèri à mi cat.

La cinquième strophe est presque littérale

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Le comble enfin, misérable salope, Pas proun d’acò, fasènt mesuro grasso, Comme il n'restait plus rien dans le garde-manger, un jour que lou dina èro esta proun lougié, T'as couru sans vergogne, et pour une escalope, siés anado rempli de saussisso ta biasso Te jeter dans le lit du boucher! mai dins lou lié dóu car-saladié.

Dans la sixième strophe la jeune fille fait "mesuro grasso" (elle en rajoute en somme) et le dîner avait été très léger. Les deux derniers vers sont de traduction coquine car l'héroïne va remplir sa "biasso" de saucisses (là aussi joli clin d'œil érotique).

CHANSON POUR L’AUVERGNAT CANSOUN PÈR L'AUVERGNAS

3 Strophes - 3 refrains en français 3 Strophes - 3 refrains en provençal

C'est certainement la chanson qui fait le plus penser à Brassens tant le public l'a assimilée à son auteur. Hormis la beauté du texte et de la musique il n'y a pas grand-chose à dire sur la reviraduro car, cette dernière est littérale. C'est une chanson qui en provençal est bien "venue". Quelques renseignements toutefois.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Tous les gens bien intentionnés, tóuti aquéli marrit rascas M'avaient fermé la porte au nez… m’avien barra la porto au nas. Ce n'était rien qu'un feu de bois, Ero un fiò qu’èro pas di grand Mais il m'avait chauffé le corps, mai que m’avié caufa lou cors Et dans mon âme il brûle encor’ e crèmo encaro dins moun cor A la manièr' d'un feu de joi’. coume un grand fiò de la Sant-Jan.

Dans la première strophe « les gens bien intentionnés » sont devenus des "rascas" (teigneux) ; à noter au passage que le terme injurieux anglais de "rascal" est le même mot qui vient donc de la langue d'Oc. Le feu de joie a été remplacé par le grand feu de la St Jean.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Toi, l'Auvergnat quand tu mourras, Tu l’auvergnas quand mouriras, Quand le croqu'-mort t'emportera, que liuen d’eici t’enanaras, Qu'il te conduise, à travers ciel, toun darrié viage te gandi- Au Père éternel. -gue au Sant Paradis.

Dans la deuxième partie de la première strophe le mot "mourras" se dit "mouriras" en provençal (verbe mourir). Les enfants qui commencent à parler, vous le remarquerez, préfèrent dire naturellement "mouriras". Ex : Quand tu seras vieux tu mouriras". Notez aussi l'emploi d'une coupure de mot (vu dans d'autres chansons) ….te gandi- -gue au Sant Paradis.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Toi qui m'ouvris ta huche quand Que tu m’as assadoula quand Les croquantes et les croquants, li croucanto emé si croucant Tous les gens bien intentionnés, tóuti aquéli marrit rascas S'amusaient à me voir jeûner… risien de me vèire flacas.

Tu m’as assadoula : toi qui m’as rassasié Ici encore « les gens bien intentionnés » sont devenus des "marrit rascas" (méchants teigneux). Dans cette strophe le mot "jeûner" a été remplacé par "flacas" (mou, sans force, indolent) et il est vrai que quand on jeûne les forces nous abandonnent. Toujours chez Pierre Paul le souci de rester dans l'esprit de la chanson.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Toi qui n'as pas applaudi quand Que tu te siés pas gaudi quand Les croquantes et les croquants, li croucanto emé si croucant Tous les gens bien intentionnés, tóuti aquéli marrit rascas Riaient de me voir emmené m’ensourdien de si cacalas.

Dans la troisième strophe « les gens qui rient » de voir emmener le héros de la chanson, "l'ensourdien de si cacalas" (ricanements, moqueries) : l’assourdissaient de leurs ricanements A suivre…

AIDE A LA LECTURE DES CHANSONS DE BRASSENS

TRADUITES EN PROVENÇAL PAR PIERRE PAUL

Par André Chiron

Avant d’ entreprendre la lecture de cet essai comparatif entre les chansons de Georges Brassens et les traductions de Pierre Paul, il convient d’avoir en mains le livre édité par Louis Bayle aux éditions de l’Astrado intitulé : « CANSOUN » paraulo prouvençalo de Pèire Pau, images de Jan Arene. En effet ce livre fait suite au premier livre édité et intitulé « Sege cansoun revirado au prouvençau » du même auteur. Ce premier « librihoun » peu connu (et c’est grand dommage) a été édité sur les instances de Louis Bayle et c’est en quelque sorte pour moi la pierre de touche de mes débuts dans la chanson provençale, c’était en 1976… J’ai aimé Georges Brassens depuis ma plus tendre enfance et le fait qu’il soit traduit dans ma langue maternelle ajoute au respect que j’ai pour ce grand poète. Il y a en tout quarante chansons traduites, ou plutôt, « adaptées » et depuis le temps de la première découverte du premier livre, bien des mois et des années ont passé, deux disques vinyle ont été « esquichés » puis, modernisme aidant, trois réenregistrements sur support C.D car nous ne voulions pas céder à la facilité de la transposition d’un support à un autre. Si ces disques ont eu un assez bon succès, c’est grâce à ceux qui ont voulu que ce livre voie le jour et surtout grâce à celui qui a fait de si belles traductions. Qu’ils en soient tous ici remerciés.

APOUNDOUN

Les Italiens ont coutume de dire « Tradutore, traditore » ce qui équivaut à dire en français : « traducteur, traître ». L’on est toujours un peu traître quand on veut traduire une langue dans une autre tant il est vrai que chaque langue a son propre génie, sa propre syntaxe, ses doubles sens, ses significations parfois cachées, toutes sortes d’interprétations qui lui sont particulières, aussi ne soyez pas choqués si parfois Pierre Paul a pris des libertés avec le texte original, mais soyez assurés que, toujours, il a gardé le sens profond et l’esprit des chansons de Georges Brassens qui d’ailleurs ne s’y était pas trompé quand il a donné l’autorisation d’enregistrement de ses chansons.

Pierre Paul, marseillais, a traduit en provençal de nombreuses chansons de Georges Brassens. Il a également publié aux Editions Librairie Contemporaine, le « Pichot Trésor de Cupidon ». Ce Cupidon provençal porte dans son carquois, des proverbes malicieux, des allusions imagées, qui constituent les éléments d’un langage érotique, du seizième au vingtième siècle. Un florilège accompagne ce vocabulaire, témoin d’une langue et d’une culture avec Bellaud de la Bellaudière (1543-1588), Pierre Paul (1554-1615), Michel Tronc (1562-1597), Claude Brueys (1570-1636), Seguin ( ? ?), Louis Bernard Royer (1677-1755), Alphonse de Sade (1740-1814), Castil-Blaze (1784-1857), Victor Gelu (1806-1885), Théodore Aubanel (1829-1886), Louis Roumieux (1829-1894), Frédéric Mistral (1830-1914), Joseph Bourrely (1878-1929), Sully-André Peyre (1890-1961), Max-Philippe Delavouêt (1920-1990), Emile Bonnel (1915-2009), Jean- Yves Royer (1944).

A commander au Prouvènço Bus de l’Union provençale – 249 chemin du Dt Félix Reynaud – 201 allée des lilas – 83500 La Seyne

LA MAUVAISE REPUTATION LA MARRIDO REPUTACIOUN

4 Strophes en français 4 Strophes en provençal Le titre en provençal est littéral

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Au village sans prétention Au village dins moun endré Au village chez moi J’ai mauvaise réputation. Me siéu carga lou capelet On me charge d’un petit chapeau Qu’je m’démène, ou qu’je reste coi Que que digue o que digue rèn Quoi que je dise ou quoi que je ne dise pas Je pass’pour un je ne sais quoi Me tenon pèr un pau de sèn Ils me tiennent pour insensé

La première strophe voit les deux premiers vers légèrement différents de la version française, mais conserve l’esprit. Dins moun endré Chez moi, dans mon pays Me siéu carga lou capelet se perdre de réputation, mettre le petit chapeau, expression qui rejoint le français : porter le chapeau Pau de sèn Peu de sens

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Je ne fais pourtant de tort à personne Crese qu’en res pamens fau de daumage Je crois qu’en rien cependant je fais de dommage En suivant mon ch’min de petit bonhomme En me plegant pas à si bons usage En ne me pliant pas à de si bons usages

La traduction des vers 5 et 6 est quasi littérale. Cependant le « tort » est devenu « daumage » et le vers 6 dit « en ne me pliant pas à de si bons usages »

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Mais les brav’s gens n’aiment pas que Mai li bràvi gènt amon pas Mais les braves gnes n’aiment pas L’on suive une autre route qu’eux Que se marche pas à soun pas Qu’on ne marche pas à leur pas Non les brav’s gens n’aiment pas que Noun, li bràvi gènt amon pas Non, les braves gens n’aiment pas L’on suive une autre route qu’eux Que se marche pas à soun pas Qu’on ne marche pas à leur pas

Le refrain est littéral chaque fois

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Tout le monde médit de moi Me mascaron. Que digon rèn Ils me noircissent. Qui ne disent rien Sauf les muets, ça va de soi I’a que li mut e se coumpren. Il n’y a que les muets, et ça se comprend.

Pierre Paul au vers 11 dit : « Me mascaron » avec un point de ponctuation. Mascara = noircir, sous-entendu dire du mal. Et en fin il reprend une dernière phrase « Qui ne disent rien, il n’y a que les muets, et ça se comprend » (I’a que li mut, e se coumpren).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron ……………… ……………. ……………… Je reste dans mon lit douillet Iéu me radasse dins moun lié Je paresse dans mon lit

Dans la 2ème strophe Pierre Paul traduit « reste dans mon lit douillet » par « me radasse dins moun lié ». Se radassa = se prélasser Par extension une « radasse » est une fille de mauvaise vie. Le reste de la strophe est une traduction littérale.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Quand j’croisse un voleur malchanceux Quouro vese un raubo-galino Quand je vois un voleur de poules Poursuivi par un cul-terreux, Que ié fan senti la sapino Qu’ils le mettent aux abois J’lanc’la patt’ et pourquoi le taire Un pèd-terrous e si vesin, Un rustre et son voisin Le cul-terreux s’retrouv’par terre Iéu l’ajude à grata camin. Moi je l’aide à faire son chemin

Dans la 3ème strophe, les 4 premiers vers sont un peu différents de la version française. Le « voleur malchanceux » est devenu un « raubo-galino » (voleur de poules) et là où Brassens lance la patte pour faire choir le poursuivant Pierre Paul traduit par « iéu l’ajude à grata camin » (aider à faire son chemin).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Tout le monde se rue sur moi, Tóuti me picon sus lou su, Tous me tapent dessus, Sauf les culs-d’-jatte, ça va de soi Franc de nanet, bèn entendu. Sauf les nains, bien entendu.

Les deux derniers vers de Brassens parlent d’un cul de jatte, Pierre Paul parle lui d’un nanet, un nain (*). Et si tout le monde se rue sur le héros, sauf les culs de jatte qui ne peuvent marcher, dans la version provençale, « Tous me tapent dessus » (lou su = le sommet, la tête) sauf les nains qui bien entendu ne sont pas suffisamment grands pour cela, les culs de jatte et les nains ont en commun leur petite taille.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Pas besoin d’être Jérémie Ges de besoun d’un devinaire Pas besoin d’être un devin Pour d’viner l’sort qui m’est promis, Pèr saupre ço que me van faire. Pour savoir ce qu’ils vont me faire. S’ils trouv’nt une corde à leur goût Tre qu’auran un tiroun di bèu Dès qu’ils auront une corde de pendu Ils me la passeront au cou. Me ié penjaran autant lèu. Ils me pendront aussi vite …. …. …. Tout l’mond’viendra me voir pendu, Me vendra veire à moun gibet Ils viendront me voir à mon gibet Sauf les aveugl’s, bien entendu. Franc di calu, ço vai soulet. Sauf les calu, ça va de soi

La 4ème strophe est très intéressante dans la traduction puisque Brassens parle de Jérémie qui dans la Bible est un prophète, traduit par Pierre Paul en « devinaire ». La corde est devenue un « tiroun » (corde de pendu, le reste est littéral. Les deux derniers vers parlent de « calu » : si le mot calu en provençal veut dire, par extension, un peu bête c’est parce qu’une brebis « caludo » est une brebis atteinte du tournis, sorte de maladie, et que ses yeux sont aussi atteints. Par là même, elle n’a pas un comportement normal d’où l’extension à la bêtise. Il est vrai que c’est aussi un animal qui ne brille pas par une intelligence hors du commun. Mais « calu » signifie aussi myope et par extension aveugle (borgne des deux yeux comme on dit en Provence). Entre le mot myope et le mot aveugle que Brassens emploie il n’y avait qu’un pas à franchir et Pierre Paul l’a fait.

(*) Cul de jatte se traduit par « Quiéu de gerlo » mais il y avait un trop grand nombre de pieds (si l’on peut dire à propos d’un cul-de-jatte).

LE BULLETIN DE SANTE BON GAU ES JAMAI ESTA GRAS

11 Strophes en français. 11 Strophes en provençal

Pierre Paul aurait pu traduire mot à mot le titre de cette chanson, mais il a préféré employer à juste titre – si j'ose m'exprimer ainsi – une vieille expression provençale qui dit: "qu'un bon coq n'a jamais été gras" et quand on connaît l'activité sexuelle de ce volatile on comprend pourquoi ce dernier à cette réputation (bonne ou mauvaise). C'est une chanson traduite quasi littéralement mais avec toutefois ces petites différences qui font la saveur d'une langue.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

J'ai perdu mes bajou's, j'ai perdu ma bedaine, Ai perdu mi gaugnoun, ai perdu ma ventresco Et, ce, d'une façon si nette, si soudaine, Me siéu entre-seca talamen à la lèsto Qu'on me suppose un mal qui ne pardonne pas, Que se dis que siéu tout rousiga en dedins Qui se rit d'Esculape et le laisse baba. D’un mau que, davanq éu, clavon lii medecin.

1er couplet : Le héros est "tout rousiga en dedins" (rongé de l'intérieur) on pense immédiatement au cancer devant qui les médecins sont impuissants "clavon li medecin" (clava = fermer, mais aussi donner sa langue au chat) et quand on sait que Brassens est mort de cette maladie cette chanson devient prémonitoire bien que le texte ne le laisse pas entendre et que Brassens s'en défende.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Le monstre du Loch Ness ne faisant plus recette Moun anequelimen fai crèisse li receto Durant les moments creux dans certaines gazettes, De tóuti li journau, mesadié e gazeto Systématiquement, les nécrologues jou'nt, Ounte em’oustinacioun, li necroulogue fan À me mettre au linceul sous des feuilles de chou. L’anounço de ma mort au mens dès cop pèr an.

2ème couplet : "l'anequelimen" est l'exténuation par manque de nourriture, ici c'est plutôt par excès d'exercice physique…et les journaux annoncent la mort du héros au moins dix fois l'an.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Or, lassé de servir de tête de massacre, Aro, n’ai proun d’entèndre lou mounde que rison Des contes à mourir debout qu'on me consacre, Di conte de ma grand la borgno que se dison. Moi qui me porte bien, qui respir' la santé, Saunant de gaiardiso e petant de santa Je m'avance et je cri' toute la vérité. Fau pièi que vous la gigue enfin la verita.

3ème couplet : le premier vers voit une forme d'écriture typiquement provençale avec un mot au singulier (lou mounde) et le verbe au pluriel (que rison), on traduirait en français littéral "le monde qui rient". Ça n'est pas une faute en provençal, mais d'un usage courant. Les "contes de ma grand-la-borgno" pourraient se traduire par "sornettes, bêtises", le héros saigne de "gaillardise" (plein de sang, de sève, il pète de santé)

Le 4ème couplet est littéral.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Si j'ai trahi les gros, les joufflus, les obèses, S’ai trahi li boufi, li boumbu, li boudenfle Si j'ai trahi les bouffis, les bombus, les enflés C'est que je baise, que je baise, que je baise Es que, maigre que maigre, ai un quicon qu’es C'est que, maigre que maigre, j'ai quelque chose Comme un bouc, un bélier, une bête, une brut', enfle. qui est enflé Je suis hanté : le rut, le rut, le rut, le rut ! Coume un tau, un aret, vertadié garagnoun Comme un taureau, un bélier, véritable étalon Tout l’an, ivèr-estiéu, siéu de longo en sesoun. Tout l'an, hiver, été je suis toujours en "saison "

Le refrain venant en cinquième position est différent du refrain français, et je vous en livre in-extenso la teneur. Si j'ai trahi les bouffis, les bombus (convexes), les enflés / C'est que, maigre que maigre, j'ai quelque chose qui est enflé/ Comme un taureau, un bélier, véritable étalon (cheval entier)/ Tout l'an, hiver, été je suis toujours en "saison " (rut).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Qu'on me comprenne bien, j'ai l'âme du satyre Tóuti li femo me fan cènt bòni maniero Et son comportement, mais ça ne veut point dire E pèr souna moun clar se fasènt campaniero, Que j'en ai' le talent, le géni', loin s'en faut ! Bord que n’en siéu, se dis, is ultìmi badai, Pas une seule encor' ne m'a crié " bravo ! " Volon un darrié cop esmòure moun matai

Ce 6ème couplet voit notre héros avoir cent bonnes manières de la part des femmes qui pour sonner son glas se font sonneuses de cloches (campaniero) et puisqu'il en est à son dernier souffle (ultime badai, dernière ouverture de la bouche), elles veulent une dernière fois "émouvoir" le "matai" (mettre en branle (!) le battant de la cloche (dame ! quelle dimension !)

P…. DE TOI BOUGRO DE GARÇO

7 Strophes en français 7 Strophes en provençal Les titres français et provençal se passent de tout commentaire. Mais nous en ferons quand même un peu.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

En ce temps-là, je vivais dans la lune, D’aquéu moumen restave dins la luno. Les bonheurs d'ici-bas m'étaient tous défendus, Souto mis èr bravacho ère un pau badalu. Je semais des violett's et chantais pour des prunes Semenave de flour, cantave pèr de pruno Et tendais la patte aux chats perdus... Assoustave li catoun perdu.

Dans ce premier couplet la traduction est proche du français. « Souto mis èr bravacho ère un pau badalu », badalu: = nigaud, naïf «Tendais la patte aux chats perdus" est traduit par "assoustave li catoun perdu" (assousta= aider-abriter – mettre à la "sousto").

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Ah ah ah ah! putain de toi! Bougro de garço que tu siés ! Bougre de garce que tu es Ah ah ah ah ah ah! pauvre de moi… Niais que cresiéu que m’amariés ! Niais moi qui croyais que tu m'aimerais

Le mot de "putain" a disparu dans la version provençale ce qui a fait dire à certains amoureux de la langue que les chansons de Brassens étaient mieux qu'en français. Je laisse à ces personnes l'entière responsabilité de leur propos, mais ça fait quand même plaisir à entendre. Toute langue a son génie, sa saveur, sa couleur et celui qui manie bien une langue, quelle qu'elle soit, reste persuadé que c'est sa langue qui est la plus belle. Il en est de même pour les paysages, les villes, pays etc…d'ailleurs Brassens en a fait une chanson intitulée "Balade des gens qui sont nés quelque part".

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Un soir de plui', v'là qu'on gratte à ma porte, Un jour d’ivèr que plouvié à cop d’ase Je m'empresse d'ouvrir (sans doute un nouveau chat!) De-vèspre entènde un brut. Me sèmblo qu’an grata. Nom de Dieu! l'beau félin que l'orage m'apporte, D’un apure cat bagna iéu que toujour mau-trase, C'était toi, c'était toi, c'était toi... Duerbe, èro uno chato e noun un cat.

Dans le deuxième couplet Pierre Paul se sert d'une locution provençale fort intéressante.

"un jour d'ivèr que plóuvié à cop d'ase" En effet cette locution dit :" Plóuvié tant que lis ase aurien begu de dre" (il pleuvait tant que les ânes auraient bu droit). Brassens lui, parle simplement de pluie. A noter que "l'ase" est aussi une meule de moulin (en français on dit : il tombe des pierres de moulin). Le mot ase va donc rimer avec "mau-trase" qui signifie : se faire du souci. Pierre Paul se sert du mot "chato" qui en provençal veut dire "jeune fille" et non pas chatte (cato en provençal).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Les yeux fendus et couleur de pistache, Çai èro tu ! Quistant la retirado T'as posé sur mon coeur ta patte de velours... As pausa sus moun cor ta pato de velout. Fort heureus'ment pour moi, t'avais pas de moustache Cresiéu pas d’aculi uno cato-bagnado Et ta vertu ne pesait pas trop lourd... Qu’avié déjà vist peta lou loup !

Çai èro tu (c'était toi) qui était dans le dernier vers de la deuxième strophe se trouve en début de troisième toujours dans un souci de garder le cheminement de Brassens. Cette "chato" quêtant une retraite (retirado) pose sur le cœur de celui qui l'accueille sa patte de "velout" (comme en français) et il ne pensait pas abriter une "cato bagnado" (chatte mouillée qui en provençal veut dire : sainte nitouche) qui avait déjà fait des siennes. La traduction de Pierre Paul est vraiment savoureuse et je laisse au lecteur le soin …d'interpréter.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Aux quatre coins de ma vi' de bohème, Au bèu mitan de ma vido bóumiano Tu as prom'né, tu as prom'né le feu de tes vingt ans, As bouta, gastadou, lou fiò de ti vint an. Et pour moi, pour mes chats, pour mes fleurs, mes poèmes, Oublidère pèr tu mis abitudo anciano, C'était toi, la pluie et le beau temps... S’agoutè lou sourgènt de mi cant

Dans la quatrième strophe l'auteur parle de sa vido "bóumiano" (bohémienne) qui est la traduction littérale et que la jeune fille est "gastadou" ce mot se rapporte au feu (fiò) (ravageur) et le héros en oublie ses anciennes habitudes et l'inspiration de ses chansons se tarit (s'agoutè lou sourgènt de mi cant).

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Mais le temps passe et fauche à l'aveuglette, Lou tèms s’en vai couchant lis amoureto. Notre amour mûrissait à peine que, déjà, Espelissié tout just moun amour qu’adeja Tu brûlais mes chansons, crachait sur mes violettes, Brulaves mi cansoun,caucaves mi floureto, Et faisais des misères à mes chats... E fasiés de misèri à mi cat.

La cinquième strophe est presque littérale

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Le comble enfin, misérable salope, Pas proun d’acò, fasènt mesuro grasso, Comme il n'restait plus rien dans le garde-manger, Un jour que lou dina èro esta proun lougié, T'as couru sans vergogne, et pour une escalope, Siés anado rempli de saussisso ta biasso Te jeter dans le lit du boucher! Mai dins lou lié dóu car-saladié.

Dans la sixième strophe la jeune fille fait "mesuro grasso" (elle en rajoute en somme) et le dîner avait été très léger. Les deux derniers vers sont de traduction coquine car l'héroïne va remplir sa "biasso" de saucisses (là aussi joli clin d'œil érotique).

CHANSON POUR L’AUVERGNAT CANSOUN PÈR L'AUVERGNAS

3 Strophes - 3 refrains en français 3 Strophes - 3 refrains en provençal

C'est certainement la chanson qui fait le plus penser à Brassens tant le public l'a assimilée à son auteur. Hormis la beauté du texte et de la musique il n'y a pas grand-chose à dire sur la reviraduro car, cette dernière est littérale. C'est une chanson qui en provençal est bien "venue". Quelques renseignements toutefois.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Tous les gens bien intentionnés, Tóuti aquéli marri rascas M'avaient fermé la porte au nez… M’avien barra la porto au nas. Ce n'était rien qu'un feu de bois, Ero un fiò qu’èro pas di grand Mais il m'avait chauffé le corps, Mai que m’avié caufa lou cors Et dans mon âme il brûle encor’ E crèmo encaro dins moun cor A la manièr' d'un feu de joi’. Coume un grand fiò de la Sant-Jan.

Dans la première strophe « les gens bien intentionnés » sont devenus des "rascas" (teigneux), à noter au passage que le terme injurieux anglais de "rascal" est le même mot qui vient donc de la langue d'Oc. Le feu de joie a été remplacé par le grand feu de la St Jean.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Toi, l'Auvergnat quand tu mourras, Tu l’auvergnas quand mouriras, Quand le croqu'-mort t'emportera, Que liuen d’eici t’enanaras, Qu'il te conduise, à travers ciel, Toun darrié viage te gandi- Au Père éternel. -gue au Sant Paradis.

Dans la deuxième partie de la première strophe le mot "mourras" se dit "mouriras" en provençal (verbe mourir). Les enfants qui commencent à parler, vous le remarquerez, préfèrent dire naturellement "mouriras". Ex : Quand tu seras vieux tu mouriras". Notez aussi l'emploi d'une coupure de mot (vu dans d'autres chansons) ….te gandi- -gue au Sant Paradis.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Toi qui m'ouvris ta huche quand Que tu m’as assadoula quand Les croquantes et les croquants, Li croucanto emé si croucant Tous les gens bien intentionnés, Tóuti aquéli marrit rascas S'amusaient à me voir jeûner… Risien de me vèire flacas.

Tu m’as assadoula : toi qui m’as rassasié Ici encore « les gens bien intentionnés » sont devenus des "marrit rascas" (méchants teigneux). Dans cette strophe le mot "jeûner" a été remplacé par "flacas" (mou, sans force, indolent) et il est vrai que quand on jeûne les forces nous abandonnent. Toujours chez Pierre Paul le souci de rester dans l'esprit de la chanson.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul

Toi qui n'as pas applaudi quand Que tu te siés pas gaudi quand Les croquantes et les croquants, Li croucanto e lis croucant Tous les gens bien intentionnés, Tóuti aquéli marrit rascas Riaient de me voir emmené M’ensourdien de si cacalas.

Dans la troisième strophe « les gens qui rient » de voir emmener le héros de la chanson, "l'ensourdien de si cacalas" (ricanements, moqueries) : l’assourdissaient de leurs ricanements A suivre…

ALPHONSE TAVAN (1833 – 1905) Par Mireille Toselli-Bosqui Ancienne archiviste du Palais du Roure

Alphonse TAVAN, poète provençal, fut l’un des sept fondateurs du Félibrige. Son père, François Tavan, était descendu d’un village des Basses- Alpes, Saint-Vincent, près de Barcelonnette où il était vannier, pour venir à Châteauneuf-de-Gadagne faire le jardinier dans la campagne du Moulin-Neuf. Il demeura là jusqu’à son mariage avec Mariette Roumieux, une gentille et charmante veuve. Né de cette union, Alphonse Tavan fut élevé avec amour dans une famille peu fortunée, mais solide et ordonnée. Dans la préface de son ouvrage « Amour e Plour », il retrace lui-même le tableau de sa jeunesse passée dans ce pays qu’il a tant aimé. Nous donnons plus loin la traduction complète de cette préface au sujet de laquelle L. de Berluc-Pérussis lui écrivait le 3 décembre 1876 : « Mais vous le dirai-je ? mon cher confrère, de tous vos vers aucun ne m’a remué comme votre autobiographie, si simple, si modeste et, en même temps, si littéraire et si vécue. Il y a surtout, dans ces belles pages, un mot qui, à lui seul, peint un homme et vaut un livre : c’est ce pauvre de iéu ! qui vous échappe en quittant le noble travail de la terre. Ce mot est un enseignement ; il prouve à quelles hautes sources vous puisez le souffle qui anime vos inspirations. Oui, mon cher Tavan, vous Ville d’Avignon – Palais du Roure – êtes de la grande et forte race des vrais poètes, puisque vous Fondation Flandreysy-Espérandieu méprisez ce que l’orgueil convoite, et vous regrettez ce que tant d’ingrats méprisent… ».

Voici quelques dates qui permettront de situer les principaux évènements de sa vie et de son œuvre. - 1833, le 9 mars : naissance d’Alphonse Tavan à Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse) - 1845 : à douze ans il quitte l’école pour travailler la terre - 1847, février, il écrit sa première pièce « Tido e Jidore » restée inédite - 1853, le 21 août, à Aix-en-Provence, au cours d’une fête donnée en l’honneur de la poésie provençale, sa poésie « Li frisoun de Marieto » est très applaudie et paraît dans « Lou Roumavagi dei Troubaire ». Sa comédie « Li masc » est jouée pour la première fois - 1854, il participe à la Fondation du Félibrige avec Frédéric Mistral, , Théodore Aubanel, Paul Giéra, et . - 1855, « La pichoto Zeto » paraît dans le premier numéro de l’Armana prouvençau, avec une musique de Tournin Sauget. - 1856, il revient de Rome où il a attrapé une mauvaise malaria. Désormais les gros efforts lui sont interdits : il ne peut plus cultiver la terre. L’administration des chemins de fer l’embauche à Rognac, petite ville des Bouches-du-Rhône. Son père est mort et sa fiancée Mariette l’a abandonné. - 1865, à Rognac il se marie avec Mademoiselle Arnoux. Deux enfants viennent au monde mais un seul survit. - 27 septembre 1868, il perd son épouse - 23 novembre 1872, il perd sa fille. Le malheur paraît s’acharner sur son destin. - 31 mars 1875, un concours est ouvert à Montpellier par la Société des Langues Romanes. Alphonse Tavan figure au palmarès. Il reçoit la coupe de bronze du Conseil Général pour son recueil de poésies « Amour e Plour ». L’argent qui lui est offert lui permet de faire éditer cette œuvre chez Aubanel (1876).

- 21 mai 1876, le Félibrige pour la fête de Sainte Estelle, se réunit à Avignon et tient, à l’Hôtel du Louvre, une assemblée très importante. Mistral décide de faire acclamer les cinquante premiers Majoraux qui se distingueront par des cigales d’or. Alphonse Tavan reçoit ce jour- là : la « Cigalo de Camp Cabèu ». - 19 mai 1885, il se marie en seconde noce avec Mademoiselle Requillard, de Châteauneuf-de- Gadagne. Jules Giéra les unit à la mairie et prononce un discours en provençal. - Les nouveaux mariés retournent vivre à Marseille - 1888, le petit Ludovic vient au monde. La famille part ensuite pour Paris - 1893, Alphonse Tavan est à la retraite et peut enfin se retirer à Châteauneuf-de-Gadagne. - 1895, le Ministre du Commerce lui décerne la médaille du Travail. - 1897, sa comédie « Li Masc » jouée pour la première fois en 1853 est reprise par une troupe du village. - 1900, Aubanel imprime son dernier recueil de poème « Vido Vidante ». A la fin de cet ouvrage, il a traduit cinq pièces en vers provençaux du grand poète roumain Vasile Alecsandri. Le savant linguiste A. Roque-Ferrier avait préalablement fait une version en prose française de ces poésies roumaines. Notons qu’Alphonse Tavan a beaucoup œuvré pour l’idée Latine avec la Société de langues romanes et que le gouvernement de Roumanie le récompensa par une distinction honorifique : il fut en effet nommé Chevalier de la Couronne de Roumanie. - 4 mars 1901, mort de Félix Gras. Le poste de capoulié reste vacant. Se mettent sur les rangs Albert Arnavielle d’Alès, Alphonse Tavan, Gaston Jourdanne de Carcassonne, Pierre Dévoluy de Châtillon-en Diois, et Arsène Vermenouze né à Vielles d’Ytrac, près d’Aurillac. Mistral est très embarrassé. D’une part il voudrait bien soutenir la candidature de Tavan, son compagnon de la première heure, mais il le trouve trop vieux, et la charge du capouliérat trop lourde pour ses épaules. De son côté, Tavan déclare à des journalistes que le capouliérat ne l’effraie pas et qu’il demeure aux ordres du Consistoire. Après de nombreuses démarches auprès des candidats, on parvient à un compromis : Dévoluy serait élu capoulié et Tavan capoulié honoraire. Mais ce compromis ne fut probablement pas du goût de Tavan qui n’assista pas à la réunion du Consistoire le 21 avril 1901, à Arles (note aimablement communiquée par M. A. Vidal). - 22 mai 1904, Frédéric Mistral, le Flourège d’Avignon et tous les félibres l’ont mis à l’honneur pour la fête du Cinquantenaire de la Fondation du Félibrige à Châteauneuf-de-Gadagne. A cette occasion il fait paraître une notice sur Font-Ségugne. - 12 septembre 1905, mort d’Alphonse Tavan. Peu après, une pétition est ouverte par F. Vidal et la sculpteur Férigoule est chargé de réaliser son buste. - 20 avril 1908, le monument est inauguré au bout de la « placeto » de Châteauneuf-de- Gadagne. Tous ses amis sont là et le poète Charloun Rieu est venu à pied de Maussane le matin même pour assister à la cérémonie.

UN GROUPE DE PRIMADIÉ Mistral au moment où il composait Mirèio, la première photo que nous ayons de lui (1854) On reconnaît, de gauche à droite, au premier rang, assis : Mistral, Roumanille et Jules Giera ; au second rang, debout : Aubanel, Paul Giera, Tavan et le peintre Chastel Cette photographie a été faite à FONT-SEGUGNE, lors des réunions qui précédèrent celle du 21 mai 1854. On doit donc la tenir pour très précieuse puisque représentant les Primadié à l’époque de la fondation du Félibrige.

Archives Flandreysy-Espérandieu

ALPHONSE TAVAN Raconté par lui-même dans la préface de son recueil poétique « AMOUR E PLOUR »

I

Les historiens provençaux ne manquent pas de glorifier les superbes cours d’amour de Signe, de Romanin et d’Avignon. Dans le ciel d’azur de nos souvenirs brillent Clarette des Baux, Stéphanie de Gantelme avec la belle Laure, trois étoiles nationales sans compter les autres. Espérons qu’il s’en lève à nouveau.

Je me demande ce que nos neveux penseront de notre mouvement félibréen, : si le nom de Font- Ségugne restera sacré pour eux comme celui de Romanin l’est pour nous autres ? et si la fille aux yeux noirs, si l’amie tant purement chantée par notre félibre Aubanel, si Zani la brune s’auréolera d’autant de gloire que la dame ou demoiselle aux yeux bleus, l’inspiratrice du chaste Pétrarque, la blonde Laure ? – A cette demande, mon cœur me répond : oui. Il y a vingt ans que le Félibrige naissait et pour faire son nid, pour rassembler ses œufs et pour élever ses enfants, il choisit Font-Ségugne.

II

Quand d’Avignon vous allez à la Fontaine de Vaucluse, vous prenez la route qui passe à Châteauneuf- de-Gadagne ; lorsque vous avez traversé ce village aux chemins malaisés, que vous avez dévalé la colline où il est perché et que vous vous trouvez au commencement de cette vaste plaine toute rafraîchie par les eaux de la Sorgue, vous vous retournez naturellement pour un peu voir l’endroit que vous venez de passer et la colline que vous venez de descendre. Ce petit village, dont les maisons s’étagent en gradins de plus en plus étroits vers la cime pour servir de piédestal à l’église et à son clocher, vous apparaît comme un autel géant, et vous vous écriez, comme tous ceux qui ont passé par là : « Tiens ! que cela est pittoresque ! ». Si votre regard suit la colline du côté du Nord, sous une touffe épaisse de chênes et de platanes, vous voyez blanchir quelque chose… ce quelque chose est le château de Font-Ségugne ; sous cette touffe de chênes et de platanes, la brune Zani a couru et son félibre l’a contemplée, l’a aimée et l’a chantée.

La façade du château de Font-Ségugne Ville d’Avignon – Palais du Roure – Fondation Flandreysy-Espérandieu

Adoncques, comme vous voyez, Font-Ségugne a tous les droits d’être chère à la littérature provençale. C’est pour cela que l’irlandais William-Bonaparte-Wyse, prince et félibre, y donna, pour l’Ascension de 1867, sa royale félibrée.

Mais si, la curiosité vous tente et que vous vouliez aller voir ce lieu de délices, avant de vous acheminer vers le vallon ombragé, arrêtez-vous un moment sur Camp-Cabèu.

III

Camp-Cabèu est un plateau gazonneux et couvert de thym qui s’étend même au pied du clocher de Châteauneuf-de-Gadagne ; il est relié à Font-Ségugne par une sente qui descend, bordée de grenadiers. Camp-Cabèu est le belvédère le plus gracieux de la contrée. La belle plaine du Comtat arrosée par la Sorgue et la Durance, qui s’étend, magnifique et verdoyante des Alpilles au Ventoux, du large dos du Luberon aux Dentelles de Gigondas, apparaît comme par enchantement aux yeux émerveillés du promeneur qui arrive pour la première fois sur Camp-Cabèu. Dans cette grande plaine, plus de quarante petites villes ou villages surgissent, de demi-heure en demi-heure, éparpillant leurs granges et leurs bastides qui se touchent presque toutes et qui blanchissent, charmantes et radieuses, dans le vert des mûriers et des haies d’aubépines : Courthézon et Carpentras, Pernes et Monteux, l’Isle et Cavaillon…et tant d’autres se donnent la main et se mirent dans l’eau bleue de la Sorgue, de la Sorgue partagée en une douzaine de courants abondants ; de la Sorgue qui luit entre les saules de ses rives, réfléchissant sur le front de ces bourgs la splendeur du gai soleil. De dessus Camp-Cabèu, la gueule de Vaucluse s’entrevoit, béante, spectaculaire… et la poésie chaste et pure s’épanouit dans l’âme du spectateur ravi, car le souvenir de Pétrarque est là rayonnant dans l’horizon resplendissant.

© photo Mairie de Gadagne

Maintenant, dévalez à Font-Ségugne.

IV

Font-Ségugne était, avant la révolution, la promenade aimée des Ducs de Gadagne ; elle devint ensuite propriété de M. de Goujon, célibataire riche et bienfaisant, qui laissa son avoir aux pauvres et aux écoles de Châteauneuf et du Thor, et légua son château, comme dette de reconnaissance, à Giéra, d’Avignon. - Celui-ci n’en profita pas longtemps, hélas ! car il mourut peu après, laissant une veuve et quatre enfants : deux garçons et deux filles. Paul l’ainé était notaire et troubadour ; le cadet, Jules, était clerc de son frère et philosophe ; les deux demoiselles, Clarisse et Joséphine, étaient deux anges de bonté et de piété.

Paul, le poète, avait pour amis les troubadours de sa ville et ceux des autres pays ; tous les dimanches, il y avait réjouissance à Font-Ségugne ; là venaient chanter et rêver Roumanille de Saint Rémy, Brunet et Aubanel d’Avignon, Mistral de Maillane et Mathieu de Châteauneuf-du-Pape, qui avec Paul Giera faisaient six poètes d’élite, rêvant tous d’espoir et d’avenir. O bienheureuse Font-Ségugne ! les murs de ton château, les pierres de tes fontaines, l’écorce de tes arbres portent les marques et l’empreinte de leurs noms glorieux.

Font-Ségugne est encore l’endroit où vont, le dimanche, pour se voir, les amoureux du village voisin que j’ai déjà nommé, Châteauneuf-de-Gadagne ; et certes, les amoureux ont bien choisi : là, pour eux, il y a l’ombre et le silence, la fraîcheur et les cachettes ; là, il y a des fontaines et des viviers avec leurs bancs de pierre ornés de lierre ; là, il y a des sentes et des sentiers tortueux, montant, dévalant et serpentant dans les bosquets ; là, il y a vue ravissante, air parfumé, chants d’oiseaux, murmures de feuilles et sourires de fontaines… Il y a du gazon partout ; partout vous pouvez vous asseoir, vous étendre nonchalamment, rêver d’amour, si vous êtes seul, et si vous êtes deux, le faire.

Maintenant, si vous ne le savez pas, je vous apprendrai que je suis né à Châteauneuf-de-Gadagne, que j’ai rêvé sur le plateau de Camp-Cabèu et fait l’amour à Font-Ségugne.

V

Né de parents pauvres, je n’ai trouvé d’autre école que celle de mon village. M. Brémond*, gloire de mon pays, le fameux arboriculteur de Vaucluse, de Provence et aussi de France ; l’instituteur ardent qui greffait le cerveau des jeunes paysans comme il aurait fait d’un arbre sauvage ; M. Brémond, que la mort vient de nous enlever, hélas ! mais qui nous a laissé un élève digne de lui, Marius Faudrin*, de Châteauneuf ; M. Brémond, dis-je, m’apprit à lire, à écrire et à compter : je me souviens encore de sa férule et il « secouait » sans me ménager, car je dois dire que j’avais la tête dure et que j’agissais à ma fantaisie. VI

Quand j’eus douze ans, mes parents, pauvres paysans, m’enlevèrent de l’école pour me faire travailler avec eux : j’appris à bêcher un champ après la moisson ; à piocher, biner et tailler une vigne ; à planter et arracher la garance ; puis à faucher un lopin de luzerne ; puis à labourer un morceau de terre en friche et l’ensemencer… Enfin, je fis ma tâche tout comme un autre. Seulement, une passion me parcourait : la lecture. Les psaumes de l’église, traduits en français dans mon livre de messe, furent pour moi une source de poésie où mon âme vierge s’abreuvait. J’aimais lire, et trouvant que je n’avais pas assez des longues veillées que le travail du champ vous laisse, je portais dans ma musette, avec ma bouteille de vin, mon pain et mon oignon pour entretenir mon estomac, un livre pour rafraîchir mon esprit ; et, à l’heure des repas et des pauses, pendant que mes camarades de travail, après avoir dîné ou goûté, dormaient, couchés à plat ventre ou sur le côté, moi, renversé en arrière, appuyant ma tête sur mon carnier, je lisais…

O temps d’alors, que tu étais beau !... Avec quelle ferveur, avec quel délice, en pleine campagne, au bord d’une source, à l’ombre d’un saule, je dévorais les chefs-d’œuvre de la littérature ! … Et je le dirai, à ma honte, il m’arrivait souvent, de négliger mon travail pour mes livres… La passion l’emportait sur le devoir. Et ainsi l’idée d’écrire me vint.

VII

Et puis, mes camarades d’enfance m’encourageaient dans mes premiers essais de poésie. Parmi eux, il y a trois bons amis que je vous ferai connaître en passant.

Le premier est Janet Rebelin ; il est un peu plus âgé que moi ; il a voulu être, il est et sera toujours célibataire ; c’est l’homme le plus tranquille qui soit ; il lit et comprend la politique ; il sait se faire apprécier de tous ; il est marguillier, et malgré cela il conserve les bonnes grâces de M. Berthé notre éminent curé ; il connaît la façon de faire venir d’excellents melons dans sa melonnière ; en ribote, c’est un charmant convive comme il y en a peu, il fait et récite de galants vers provençaux.

Après Janet Rebelin, je nommerai Antoine Sauget : tant que Sauget demeura à Châteauneuf, il fut possible aux jeunes gens d’apprendre à l’approche de Carnaval, deux ou trois comédies et de les jouer devant les castelnovins secoués de rire. Aux veillées d’hiver, où les femmes se réunissent pour filer et bavarder, on parlera toujours d’Antoine Sauget comme comédien célèbre ; Sauget est également musicien, il racle du violon et compose lui-même sa musique. C’est lui qui a fait celle de ma comédie « Les Sorcières » (Li Masc) que nous jouâmes au théâtre de Châteauneuf, en 1854. Pour parler de notre œuvre, je me souviens que nous allions, tous deux, nous promener la nuit sur le plateau de Camp-Cabèu ; moi, je lui récitais un rondeau des « Sorcières », lui m’en chantait l’air ; nous nous trouvions si bien ensemble que, souvent, l’aube venait écouter la fin de notre discussion. Antoine Sauget était jardinier à Font-Ségugne au temps où le Félibrige commençait à fleurir, maintenant il est régisseur du canal de l’Isle.

L’autre bon camarade est Ange Faudrin : celui-là ne rime pas et ne fait pas de musique, mais d’un bloc de pierre de Ménerbes ou d’une souche d’olivier il fait une œuvre divine : mon bel ami Ange est sculpteur. Je ne vous dis pas plus ; lisez les vers que je lui adresse et qui se trouvent vers la fin de ce livre et ils vous diront sa valeur.

Voici mes camarades de Châteauneuf : un sculpteur, un musicien, un poète… tous trois paysans comme moi.

VIII

Or, un jour que je me trouvais à Font-Ségugne avec Jules Giéra, il arriva que nous parlâmes poésie, et je lui dis que j’avais fait des vers !... Il voulut les voir… et pensez un peu s’il dut en rire ! - Pour me guider dans la poésie, Jules me prêta un tas de livres qui m’apprirent ce qu’il fallait faire pour rimer comme il se doit.

A partir de ce jour, Jules fut pour moi un maître complaisant et amical ; j’allais le voir souvent, nous parlions longuement de poésie, il voyait mes compositions et m’en faisait voir le bon et le mauvais.- Si ce que j’ai produit depuis a le moindre mérite, je n’oublierai jamais que c’est au philosophe Jules Giéra que je le dois : son aimable amitié, sa profonde culture, son jugement droit, son esprit original, son bon goût et le souffle libéral qui émane de son âme de sage, m’ont fait ce que je suis.

Ville d’Avignon – Palais du Roure – Fondation Flandreysy-Espérandieu Font-Ségugne, le salon – Le bahut à deux corps se trouve actuellement Dans les salons du Palais du Roure Jules me présenta à son frère et à ses amis poètes : je fus de leurs promenades, de leurs réunions et de leurs agapes…Nous étions alors en 1853 ; Roumanille était le roi de la bande ; sa renommée avait retenti aux quatre coins de la Provence et de partout des voix poétiques avaient répondu : « Les provençales » venaient de naître. Roumanille me reçut poète de sa nouvelle école qui devait, l’année d’après, se nommer « Félibrige » et prendre Mistral comme chef de file, Mistral qui pointait alors à peine, mais que nous devinions tous en l’entendant nous réciter le commencement de son frais et majestueux poème de « Mireille ».

IX

Et puis mes premiers chants eurent un triomphe du tonnerre… Vous me permettrez de vous le raconter. La ville d’Aix, qui se souvient toujours de sa gloire d’antan, cette charmante capitale illuminée par la gloire du bon et illustre Roi René, elle qui entend toujours les accords mélodieux de tant de poètes, qui tressaille à la douce voix de son fils J.B. Gaut, et sautille enchantée sur les airs joyeux de Vidal, le troubadour tambourinaire, la ville d’Aix donna comme elle avait coutume de le faire, une fête magnifique à la poésie provençale le 21 août 1853. Les poètes qui venaient de faire connaissance à Font-Ségugne, m’emmenèrent à la fête ; et, dans la salle de la mairie, richement parée, devant une assemblée fameuse, où les belles dames resplendissaient de beauté et grâce, devant cette nouvelle cour d’amour, avec mon allure de paysan, et pourtant sans trop d’appréhension, je déclamai ma poésie « di Frisoun de Marieto ». Jeunet, nouveau venu, je plus et fus applaudi ; le public, même, voulut encore entendre ma chansonnette, et, tout content, je la leur dis une seconde fois.

Je m’en revins ivre de gloire ; et longtemps, en arrachant la garance, je rêvais à la belle fête d’Aix, et au gracieux sourire de ses charmantes dames.

X

Me voici donc poète, applaudi et loué ! Mon maître Jules Giéra fut content de moi et Roumanille, Aubanel et Mistral me félicitèrent. O paysan, quelle affaire ! O Félibrige ! Voici comment tu as pris mon âme. Ce n’est pas à moi de dire si j’ai ou non mérité l’insigne d’honneur de faire partie de cette joyeuse académie : un paysan qui veut être poète cela paraîtra étrange à plus d’un, mais qu’ils sachent, ceux- là, que le prince et l’enfant du peuple respirent le même air et que le même soleil les éclaire tous deux : tous deux ont une âme, et … c’est l’âme, l’âme seule, qui fait le poète. Bernard, l’humble fils du boulanger de Ventadour, est l’égal du roi Richard-Cœur-de-Lion, et le tutoie ; Rimbaud, le pauvre ménétrier de Vacqueyras, un jour se sent poète et serre la main du marquis de Montferrat et il embrasse sa sœur.

Ainsi, les savants diront de moi ce qu’ils voudront. Le rossignol fait retentir le bocage de son chant ardent ; le chardonneret de son chant grêle égaie le buisson isolé ; je suis le chardonneret.

Mon cœur m’a dit : Va ! et j’ai chanté.

XI

Je ne veux pas raconter ici mon histoire, car elle est trop triste ; je dirai seulement que le sort me fit soldat ; que, soldat, je vécus deux ans à Rome et m’en revins malade de ces fièvres des marais qui faillirent m’envoyer dans l’autre monde ; que la maladie m’obligea à abandonner le noble travail des champs pour me faire, pauvre de moi ! employé du chemin de fer. Et puis, est-il nécessaire de parler de ma vie dans cette préface ? D’habitude la vie du poète se trouve dans ses vers, et, dans les miens, il faut que je vous le dise : ma vie y est toute : moi, enfant de la terre, qui a peu vu, qui a peu étudié, qui a donc peu appris, je ne pouvais faire autrement que de chanter ce que j’ai ressenti : mes joies et mes douleurs, autrement dit, ma vie.

Ainsi, ces chants rustiques ne sont pas des chants imaginaires, mais des chants réels. Le prêtre qui ne croit pas à sa religion ne sera jamais qu’un mauvais curé ; moi, je crois à la poésie : je ne pense pas que cet art soit simplement un passe-temps agréable : dans sa beauté, je vois l’utile. Je me suis laissé dire par beaucoup d’amis que la poésie se noie dans les questions profondes de la grande philosophie ; quant à moi, je n’en crois rien : poésie et philosophie apparaissent à mon âme, comme deux vraies sœurs qu’elles sont, se tenant par la main et cheminant ensemble vers l’avenir. Est-ce qu’Homère n’est pas législateur ? Est-ce que David n’est pas poète ?... Cependant, n’allez pas voir dans ce livre la moindre allusion à la politique, non. C’est mon livre d’enfant : je ne connais rien encore du monde, de la grande patrie qu’est l’univers ; ma muse n’est pas sortie de la maison : j’ai chanté ma mère, mon terroir, mes amours…Toutes les filles que j’ai aimées vivent dans mes vers, et, sans peine, pourront s’y revoir comme dans un fidèle miroir.

Vous ne trouverez, dans ce livre, ni bouffonnerie, ni bêtises, ni science, ni esprit. La Fontaine est un grand écrivain, mais ses bêtes, je veux dire ses personnages, ne sont pas de mon goût : je leur préfère les gens simples et bons.

Les rires que vous trouverez dans mon livre sont des rires d’enfants et de petites filles ; dans ces rires, point de malice : regardez au fond et vous y verrez l’innocence. Mes amours sont les amours pures et calmes du village : des regards contemplatifs et heureux ; quelques baisers pris à la volée sur deux joues roses, et puis pas plus.

Je suis pensif et rêveur ; ma rêverie n’est pas profonde, mais le plus souvent elle est amère : mon âme demande le bonheur et le bonheur ne vient jamais, ou, si un jour il se laisse embrasser, c’est pour m’échapper le lendemain, en déchirant, en brisant mon pauvre cœur.

XII

Ames candides, cœurs amers ! vous qui au plaisir de la foule préférez les joies de l’amitié ; vous qui avez pitié de ceux qui rient avec cruauté, et qui savez tous les délices qu’une larme contient ; vous qui enfin avez le sentiment de la tendresse et le don des pleurs, tenez, voici mon livre.

C’est à vous seuls que mes vers sont adressés. Marseille (A. Tavan)

Dans l’Armana Prouvençau en 1877, Mistral écrivait en annonçant la parution d’Amour e Plour : « Tout lou mounde counèis aquèu pouèto de naturo que, nascu païsan, a canta simplamen e doulourousamen l’istòri de sa vido. Aqui rèn d’afeta ni d’apresta, ni de cerca. Es uno pouësìo que rajo de l’amour e de la verita, coume uno aigo lusènto que rajo de la font, coume li plour rajon dóu cor, coume lou sang rajo di veno. Tavan es un mèstre dins l’art d’escriéure nosto lengo. »

Tenons-nous à ce portrait brossé par le Maître et affirmons seulement, après avoir lu une partie de la correspondance échangée entre Frédéric Mistral et Alphonse Tavan qu’ils avaient l’un pour l’autre beaucoup d’estime, d’admiration, de confiance et d’amitié.

« Pour être sincère, il faut ajouter : depuis que les félibres ont cessé de se rendre à Font-Ségugne, les amoureux aussi n’y viennent plus, car les amants aiment la poésie ! Les fontaines sont délaissées ; les eaux se tarissent ; les viviers se sèchent ; les jardins tombent en friche ; les grands bois s’ébranlent ; les sentiers se remplissent de broussailles qui arrêtent les promeneurs ; les allées s’effacent ; les chemins se ravinent ; on dirait que la nature, jalouse, veut détruire ce lieu de délices d’il y a quarante ans.

« Pourtant, la poésie est toujours là, qui vous empoigne, vous émeut et vous exalte ; si le château se « plaint de voir ses ornements inachevés, il y a toujours la châtelaine qui, de temps en temps, apparaît « à ses fenêtres, descend seule dans ses parcs solitaires et va, lorsque c’est dimanche, entendre la « messe à l’église de Châteauneuf-de-Gadagne ; si le coteau perd ses fleurs et ses fontaines, il reçoit « toujours du Ventoux le fier regard, de Vaucluse l’affectueux sourire.

« Et maintenant, il me plaît de demander avec l’historien Garcin, l’un des convives de Font-Ségugne : "Si cette villa bâtie par un cardinal romain ne rappelle point, toutes proportions gardées, les villas « florentines des coteaux de Fiesole, qu’Albert Castelnau a si admirablement dépeintes, villas des « Médicis, où autour du vieux Cosme et de son petit-fils Laurent-le-Magnifique, se groupèrent les « acteurs les plus glorieux de la Grande Renaissance ? Font-Ségugne a été, lui aussi, le berceau « enchanteur du Renouveau provençal."

« Et, de même que le nom de Médicis est indissolublement lié à celui de leurs hôtes, le nom des Giéra « est inséparable des Félibres. Tous les plus obscurs comme les plus célèbres, portent ce nom dans « leur cœur, tous ont la même affection, la même gratitude pour ce nid de leur poésie.

« Mais hélas ! quel changement aujourd’hui en cet Eden ! La mort a passé là ; le deuil y a étendu son « crêpe sombre. Eh bien ! dans la douleur présente, on se remémore avec une joie mélancolique les « scènes du passé, les heures où Jeunesse, Espérance, Amitié, Amour, enivraient les convives « habituels de cette maison bénie.

« Ah ! beau Bon Dieu ! Si j’avais les cent mille francs qui me manquent, comme j’achèteras vite et « le château et les bois pour les remettre dans leur luxe et dans leur gloire ! Il me viendrait, j’en ai « l’assurance, quelques compagnons aussi ardents que moi pour l’idée félibréenne, qui « m’apporteraient chacun cent mille francs encore pour faire de Font- Ségugne le plus beau site du « monde. On y fonderait une école de provençal brillante et alors… vous verriez bientôt le parler des « félibres devenir la langue universelle ! »

Traduction de « Amour e Flour » par Mireille Bosqui

O ! combien Alphonse Tavan serait heureux de voir se réveiller et revivre Font-Ségugne : les fontaines et leur conque se remplissent ; les jardins refleurissent ; les grands bois se réveillent et accueillent les écureuis et les oiseaux ; les sentiers et les allées renaissent ; on dirait que la nature, généreuse, veut reconstruire ce lieu de délices d’il y a 150 ans, aidée dans son œuvre par la main laborieuse, la passion, l’ardent désir de ses nouveaux propriétaires, Monsieur et Madame Pierre Geren, de recréer au château de Font-Ségugne un lieu de refuge et de repos aux amoureux de la Provence.

*qui avant son mariage portait le nom illustre de Crillon

ALPHONSE TAVAN (1833 – 1905) Par Mireille Toselli-Bosqui Ancienne archiviste du Palais du Roure

Alphonse TAVAN, poète provençal, fut l’un des sept fondateurs du Félibrige. Son père, François Tavan, était descendu d’un village des Basses- Alpes, Saint-Vincent, près de Barcelonnette où il était vannier, pour venir à Châteauneuf-de-Gadagne faire le jardinier dans la campagne du Moulin-Neuf. Il demeura là jusqu’à son mariage avec Mariette Roumieux, une gentille et charmante veuve. Né de cette union, Alphonse Tavan fut élevé avec amour dans une famille peu fortunée, mais solide et ordonnée. Dans la préface de son ouvrage « Amour e Plour », il retrace lui-même le tableau de sa jeunesse passée dans ce pays qu’il a tant aimé. Nous donnons plus loin la traduction complète de cette préface au sujet de laquelle L. de Berluc-Pérussis lui écrivait le 3 décembre 1876 : « Mais vous le dirai-je ? mon cher confrère, de tous vos vers aucun ne m’a remué comme votre autobiographie, si simple, si modeste et, en même temps, si littéraire et si vécue. Il y a surtout, dans ces belles pages, un mot qui, à lui seul, peint un homme et vaut un livre : c’est ce pauvre de iéu ! qui vous échappe en quittant le noble travail de la terre. Ce mot est un enseignement ; il prouve à quelles hautes sources vous puisez le souffle qui anime vos inspirations. Oui, mon cher Tavan, vous Ville d’Avignon – Palais du Roure – êtes de la grande et forte race des vrais poètes, puisque vous Fondation Flandreysy-Espérandieu méprisez ce que l’orgueil convoite, et vous regrettez ce que tant d’ingrats méprisent… ».

Voici quelques dates qui permettront de situer les principaux évènements de sa vie et de son œuvre. - 1833, le 9 mars : naissance d’Alphonse Tavan à Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse) - 1845 : à douze ans il quitte l’école pour travailler la terre - 1847, février, il écrit sa première pièce « Tido e Jidore » restée inédite - 1853, le 21 août, à Aix-en-Provence, au cours d’une fête donnée en l’honneur de la poésie provençale, sa poésie « Li frisoun de Marieto » est très applaudie et paraît dans « Lou Roumavagi dei Troubaire ». Sa comédie « Li masc » est jouée pour la première fois - 1854, il participe à la Fondation du Félibrige avec Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Théodore Aubanel, Paul Giéra, Jean Brunet et Anselme Mathieu. - 1855, « La pichoto Zeto » paraît dans le premier numéro de l’Armana prouvençau, avec une musique de Tournin Sauget. - 1856, il revient de Rome où il a attrapé une mauvaise malaria. Désormais les gros efforts lui sont interdits : il ne peut plus cultiver la terre. L’administration des chemins de fer l’embauche à Rognac, petite ville des Bouches-du-Rhône. Son père est mort et sa fiancée Mariette l’a abandonné. - 1865, à Rognac il se marie avec Mademoiselle Arnoux. Deux enfants viennent au monde mais un seul survit. - 27 septembre 1868, il perd son épouse - 23 novembre 1872, il perd sa fille. Le malheur paraît s’acharner sur son destin. - 31 mars 1875, un concours est ouvert à Montpellier par la Société des Langues Romanes. Alphonse Tavan figure au palmarès. Il reçoit la coupe de bronze du Conseil Général pour son recueil de poésies « Amour e Plour ». L’argent qui lui est offert lui permet de faire éditer cette œuvre chez Aubanel (1876).

- 21 mai 1876, le Félibrige pour la fête de Sainte Estelle, se réunit à Avignon et tient, à l’Hôtel du Louvre, une assemblée très importante. Mistral décide de faire acclamer les cinquante premiers Majoraux qui se distingueront par des cigales d’or. Alphonse Tavan reçoit ce jour- là : la « Cigalo de Camp Cabèu ». - 19 mai 1885, il se marie en seconde noce avec Mademoiselle Requillard, de Châteauneuf-de- Gadagne. Jules Giéra les unit à la mairie et prononce un discours en provençal. - Les nouveaux mariés retournent vivre à Marseille - 1888, le petit Ludovic vient au monde. La famille part ensuite pour Paris - 1893, Alphonse Tavan est à la retraite et peut enfin se retirer à Châteauneuf-de-Gadagne. - 1895, le Ministre du Commerce lui décerne la médaille du Travail. - 1897, sa comédie « Li Masc » jouée pour la première fois en 1853 est reprise par une troupe du village. - 1900, Aubanel imprime son dernier recueil de poèmes « Vido Vidante ». A la fin de cet ouvrage, il a traduit cinq pièces en vers provençaux du grand poète roumain Vasile Alecsandri. Le savant linguiste A. Roque-Ferrier avait préalablement fait une version en prose française de ces poésies roumaines. Notons qu’Alphonse Tavan a beaucoup œuvré pour l’idée Latine avec la Société de langues romanes et que le gouvernement de Roumanie le récompensa par une distinction honorifique : il fut en effet nommé Chevalier de la Couronne de Roumanie. - 4 mars 1901, mort de Félix Gras. Le poste de capoulié reste vacant. Se mettent sur les rangs Albert Arnavielle d’Alès, Alphonse Tavan, Gaston Jourdanne de Carcassonne, Pierre Dévoluy de Châtillon-en-Diois, et Arsène Vermenouze né à Vielles d’Ytrac, près d’Aurillac. Mistral est très embarrassé. D’une part il voudrait bien soutenir la candidature de Tavan, son compagnon de la première heure, mais il le trouve trop vieux, et la charge du capouliérat trop lourde pour ses épaules. De son côté, Tavan déclare à des journalistes que le capouliérat ne l’effraie pas et qu’il demeure aux ordres du Consistoire. Après de nombreuses démarches auprès des candidats, on parvient à un compromis : Dévoluy serait élu capoulié et Tavan capoulié honoraire. Mais ce compromis ne fut probablement pas du goût de Tavan qui n’assista pas à la réunion du Consistoire le 21 avril 1901, à Arles (note aimablement communiquée par M. A. Vidal). - 22 mai 1904, Frédéric Mistral, le Flourège d’Avignon et tous les félibres l’ont mis à l’honneur pour la fête du Cinquantenaire de la Fondation du Félibrige à Châteauneuf-de-Gadagne. A cette occasion il fait paraître une notice sur Font-Ségugne. - 12 septembre 1905, mort d’Alphonse Tavan. Peu après, une pétition est ouverte par F. Vidal et le sculpteur Férigoule est chargé de réaliser son buste. - 20 avril 1908, le monument est inauguré au bout de la « placeto » de Châteauneuf-de- Gadagne. Tous ses amis sont là et le poète Charloun Rieu est venu à pied de Maussane le matin même pour assister à la cérémonie.

UN GROUPE DE PRIMADIÉ Mistral au moment où il composait Mirèio, la première photo que nous ayons de lui (1854) On reconnaît, de gauche à droite, au premier rang, assis : Mistral, Roumanille et Jules Giera ; au second rang, debout : Aubanel, Paul Giera, Tavan et le peintre Chastel Cette photographie a été faite à FONT-SEGUGNE, lors des réunions qui précédèrent celle du 21 mai 1854. On doit donc la tenir pour très précieuse puisque représentant les Primadié à l’époque de la fondation du Félibrige.

Archives Flandreysy-Espérandieu

ALPHONSE TAVAN raconté par lui-même dans la préface de son recueil poétique « AMOUR E PLOUR »

I

Les historiens provençaux ne manquent pas de glorifier les superbes cours d’amour de Signe, de Romanin et d’Avignon. Dans le ciel d’azur de nos souvenirs brillent Clarette des Baux, Stéphanie de Gantelme avec la belle Laure, trois étoiles nationales sans compter les autres. Espérons qu’il s’en lève à nouveau.

Je me demande ce que nos neveux penseront de notre mouvement félibréen, si le nom de Font- Ségugne restera sacré pour eux comme celui de Romanin l’est pour nous autres ? et si la fille aux yeux noirs, si l’amie tant purement chantée par notre félibre Aubanel, si Zani la brune s’auréolera d’autant de gloire que la dame ou demoiselle aux yeux bleus, l’inspiratrice du chaste Pétrarque, la blonde Laure ? – A cette demande, mon cœur me répond : oui. Il y a vingt ans que le Félibrige naissait et pour faire son nid, pour rassembler ses œufs et pour élever ses enfants, il choisit Font-Ségugne.

II

Quand d’Avignon vous allez à la Fontaine de Vaucluse, vous prenez la route qui passe à Châteauneuf- de-Gadagne ; lorsque vous avez traversé ce village aux chemins malaisés, que vous avez dévalé la colline où il est perché et que vous vous trouvez au commencement de cette vaste plaine toute rafraîchie par les eaux de la Sorgue, vous vous retournez naturellement pour un peu voir l’endroit que vous venez de passer et la colline que vous venez de descendre. Ce petit village, dont les maisons s’étagent en gradins de plus en plus étroits vers la cime pour servir de piédestal à l’église et à son clocher, vous apparaît comme un autel géant, et vous vous écriez, comme tous ceux qui ont passé par là : « Tiens ! que cela est pittoresque ! ». Si votre regard suit la colline du côté du Nord, sous une touffe épaisse de chênes et de platanes, vous voyez blanchir quelque chose… ce quelque chose est le château de Font-Ségugne ; sous cette touffe de chênes et de platanes, la brune Zani a couru et son félibre l’a contemplée, l’a aimée et l’a chantée.

La façade du château de Font-Ségugne Ville d’Avignon – Palais du Roure – Fondation Flandreysy-Espérandieu

Adoncques, comme vous voyez, Font-Ségugne a tous les droits d’être chère à la littérature provençale. C’est pour cela que l’irlandais William-Bonaparte-Wyse, prince et félibre, y donna, pour l’Ascension de 1867, sa royale félibrée.

Mais si la curiosité vous tente et que vous vouliez aller voir ce lieu de délices, avant de vous acheminer vers le vallon ombragé, arrêtez-vous un moment sur Camp-Cabèu.

III

Camp-Cabèu est un plateau gazonneux et couvert de thym qui s’étend même au pied du clocher de Châteauneuf-de-Gadagne ; il est relié à Font-Ségugne par une sente qui descend, bordée de grenadiers. Camp-Cabèu est le belvédère le plus gracieux de la contrée. La belle plaine du Comtat arrosée par la Sorgue et la Durance, qui s’étend, magnifique et verdoyante des Alpilles au Ventoux, du large dos du Luberon aux Dentelles de Gigondas, apparaît comme par enchantement aux yeux émerveillés du promeneur qui arrive pour la première fois sur Camp-Cabèu. Dans cette grande plaine, plus de quarante petites villes ou villages surgissent, de demi-heure en demi-heure, éparpillant leurs granges et leurs bastides qui se touchent presque toutes et qui blanchissent, charmantes et radieuses, dans le vert des mûriers et des haies d’aubépines : Courthézon et Carpentras, Pernes et Monteux, l’Isle et Cavaillon…et tant d’autres se donnent la main et se mirent dans l’eau bleue de la Sorgue, de la Sorgue partagée en une douzaine de courants abondants ; de la Sorgue qui luit entre les saules de ses rives, réfléchissant sur le front de ces bourgs la splendeur du gai soleil. De dessus Camp-Cabèu, la gueule de Vaucluse s’entrevoit, béante, spectaculaire… et la poésie chaste et pure s’épanouit dans l’âme du spectateur ravi, car le souvenir de Pétrarque est là rayonnant dans l’horizon resplendissant.

© photo Mairie de Gadagne

Maintenant, dévalez à Font-Ségugne.

IV

Font-Ségugne était, avant la révolution, la promenade aimée des Ducs de Gadagne ; elle devint ensuite propriété de M. de Goujon, célibataire riche et bienfaisant, qui laissa son avoir aux pauvres et aux écoles de Châteauneuf et du Thor, et légua son château, comme dette de reconnaissance, à Giéra, d’Avignon. - Celui-ci n’en profita pas longtemps, hélas ! car il mourut peu après, laissant une veuve et quatre enfants : deux garçons et deux filles. Paul l’ainé était notaire et troubadour ; le cadet, Jules, était clerc de son frère et philosophe ; les deux demoiselles, Clarisse et Joséphine, étaient deux anges de bonté et de piété.

Paul, le poète, avait pour amis les troubadours de sa ville et ceux des autres pays ; tous les dimanches, il y avait réjouissance à Font-Ségugne ; là venaient chanter et rêver Roumanille de Saint Rémy, Brunet et Aubanel d’Avignon, Mistral de Maillane et Mathieu de Châteauneuf-du-Pape, qui avec Paul Giera faisaient six poètes d’élite, rêvant tous d’espoir et d’avenir. O bienheureuse Font-Ségugne ! les murs de ton château, les pierres de tes fontaines, l’écorce de tes arbres portent les marques et l’empreinte de leurs noms glorieux.

Font-Ségugne est encore l’endroit où vont, le dimanche, pour se voir, les amoureux du village voisin que j’ai déjà nommé, Châteauneuf-de-Gadagne ; et certes, les amoureux ont bien choisi : là, pour eux, il y a l’ombre et le silence, la fraîcheur et les cachettes ; là, il y a des fontaines et des viviers avec leurs bancs de pierre ornés de lierre ; là, il y a des sentes et des sentiers tortueux, montant, dévalant et serpentant dans les bosquets ; là, il y a vue ravissante, air parfumé, chants d’oiseaux, murmures de feuilles et sourires de fontaines… Il y a du gazon partout ; partout vous pouvez vous asseoir, vous étendre nonchalamment, rêver d’amour, si vous êtes seul, et si vous êtes deux, le faire.

Maintenant, si vous ne le savez pas, je vous apprendrai que je suis né à Châteauneuf-de-Gadagne, que j’ai rêvé sur le plateau de Camp-Cabèu et fait l’amour à Font-Ségugne.

V

Né de parents pauvres, je n’ai trouvé d’autre école que celle de mon village. M. Brémond, gloire de mon pays, le fameux arboriculteur de Vaucluse, de Provence et aussi de France ; l’instituteur ardent qui greffait le cerveau des jeunes paysans comme il aurait fait d’un arbre sauvage ; M. Brémond, que la mort vient de nous enlever, hélas ! mais qui nous a laissé un élève digne de lui, Marius Faudrin, de Châteauneuf ; M. Brémond, dis-je, m’apprit à lire, à écrire et à compter : je me souviens encore de sa férule et il « secouait » sans me ménager, car je dois dire que j’avais la tête dure et que j’agissais à ma fantaisie. VI

Quand j’eus douze ans, mes parents, pauvres paysans, m’enlevèrent de l’école pour me faire travailler avec eux : j’appris à bêcher un champ après la moisson ; à piocher, biner et tailler une vigne ; à planter et arracher la garance ; puis à faucher un lopin de luzerne ; puis à labourer un morceau de terre en friche et l’ensemencer… Enfin, je fis ma tâche tout comme un autre. Seulement, une passion me parcourait : la lecture. Les psaumes de l’église, traduits en français dans mon livre de messe, furent pour moi une source de poésie où mon âme vierge s’abreuvait. J’aimais lire, et trouvant que je n’avais pas assez des longues veillées que le travail du champ vous laisse, je portais dans ma musette, avec ma bouteille de vin, mon pain et mon oignon pour entretenir mon estomac, un livre pour rafraîchir mon esprit ; et, à l’heure des repas et des pauses, pendant que mes camarades de travail, après avoir dîné ou goûté, dormaient, couchés à plat ventre ou sur le côté, moi, renversé en arrière, appuyant ma tête sur mon carnier, je lisais…

O temps d’alors, que tu étais beau !... Avec quelle ferveur, avec quel délice, en pleine campagne, au bord d’une source, à l’ombre d’un saule, je dévorais les chefs-d’œuvre de la littérature ! … Et je le dirai, à ma honte, il m’arrivait souvent, de négliger mon travail pour mes livres… La passion l’emportait sur le devoir. Et ainsi l’idée d’écrire me vint.

VII

Et puis, mes camarades d’enfance m’encourageaient dans mes premiers essais de poésie. Parmi eux, il y a trois bons amis que je vous ferai connaître en passant.

Le premier est Janet Rebelin ; il est un peu plus âgé que moi ; il a voulu être, il est et sera toujours célibataire ; c’est l’homme le plus tranquille qui soit ; il lit et comprend la politique ; il sait se faire apprécier de tous ; il est marguillier, et malgré cela il conserve les bonnes grâces de M. Berthé notre éminent curé ; il connaît la façon de faire venir d’excellents melons dans sa melonnière ; en ribote, c’est un charmant convive comme il y en a peu, il fait et récite de galants vers provençaux.

Après Janet Rebelin, je nommerai Antoine Sauget : tant que Sauget demeura à Châteauneuf, il fut possible aux jeunes gens d’apprendre à l’approche de Carnaval, deux ou trois comédies et de les jouer devant les castelnovins secoués de rire. Aux veillées d’hiver, où les femmes se réunissent pour filer et bavarder, on parlera toujours d’Antoine Sauget comme comédien célèbre ; Sauget est également musicien, il racle du violon et compose lui-même sa musique. C’est lui qui a fait celle de ma comédie « Les Sorcières » (Li Masc) que nous jouâmes au théâtre de Châteauneuf, en 1854. Pour parler de notre œuvre, je me souviens que nous allions, tous deux, nous promener la nuit sur le plateau de Camp-Cabèu ; moi, je lui récitais un rondeau des « Sorcières », lui m’en chantait l’air ; nous nous trouvions si bien ensemble que, souvent, l’aube venait écouter la fin de notre discussion. Antoine Sauget était jardinier à Font-Ségugne au temps où le Félibrige commençait à fleurir, maintenant il est régisseur du canal de l’Isle.

L’autre bon camarade est Ange Faudrin : celui-là ne rime pas et ne fait pas de musique, mais d’un bloc de pierre de Ménerbes ou d’une souche d’olivier il fait une œuvre divine : mon bel ami Ange est sculpteur. Je ne vous dis pas plus ; lisez les vers que je lui adresse et qui se trouvent vers la fin de ce livre et ils vous diront sa valeur.

Voici mes camarades de Châteauneuf : un sculpteur, un musicien, un poète… tous trois paysans comme moi.

VIII

Or, un jour que je me trouvais à Font-Ségugne avec Jules Giéra, il arriva que nous parlâmes poésie, et je lui dis que j’avais fait des vers !... Il voulut les voir… et pensez un peu s’il dut en rire ! - Pour me guider dans la poésie, Jules me prêta un tas de livres qui m’apprirent ce qu’il fallait faire pour rimer comme il se doit.

A partir de ce jour, Jules fut pour moi un maître complaisant et amical ; j’allais le voir souvent, nous parlions longuement de poésie, il voyait mes compositions et m’en faisait voir le bon et le mauvais.- Si ce que j’ai produit depuis a le moindre mérite, je n’oublierai jamais que c’est au philosophe Jules Giéra que je le dois : son aimable amitié, sa profonde culture, son jugement droit, son esprit original, son bon goût et le souffle libéral qui émane de son âme de sage, m’ont fait ce que je suis.

Ville d’Avignon – Palais du Roure – Fondation Flandreysy-Espérandieu Font-Ségugne, le salon – Le bahut à deux corps se trouve actuellement dans les salons du Palais du Roure Jules me présenta à son frère et à ses amis poètes : je fus de leurs promenades, de leurs réunions et de leurs agapes…Nous étions alors en 1853 ; Roumanille était le roi de la bande ; sa renommée avait retenti aux quatre coins de la Provence et de partout des voix poétiques avaient répondu : « Les provençales » venaient de naître. Roumanille me reçut poète de sa nouvelle école qui devait, l’année d’après, se nommer « Félibrige » et prendre Mistral comme chef de file, Mistral qui pointait alors à peine, mais que nous devinions tous en l’entendant nous réciter le commencement de son frais et majestueux poème de « Mireille ».

IX

Et puis mes premiers chants eurent un triomphe du tonnerre… Vous me permettrez de vous le raconter. La ville d’Aix, qui se souvient toujours de sa gloire d’antan, cette charmante capitale illuminée par la gloire du bon et illustre Roi René, elle qui entend toujours les accords mélodieux de tant de poètes, qui tressaille à la douce voix de son fils J.B. Gaut, et sautille enchantée sur les airs joyeux de Vidal, le troubadour tambourinaire, la ville d’Aix donna comme elle avait coutume de le faire, une fête magnifique à la poésie provençale le 21 août 1853. Les poètes qui venaient de faire connaissance à Font-Ségugne, m’emmenèrent à la fête ; et, dans la salle de la mairie, richement parée, devant une assemblée fameuse, où les belles dames resplendissaient de beauté et grâce, devant cette nouvelle cour d’amour, avec mon allure de paysan, et pourtant sans trop d’appréhension, je déclamai ma poésie « di Frisoun de Marieto ». Jeunet, nouveau venu, je plus et fus applaudi ; le public, même, voulut encore entendre ma chansonnette, et, tout content, je la leur dis une seconde fois.

Je m’en revins ivre de gloire ; et longtemps, en arrachant la garance, je rêvais à la belle fête d’Aix, et au gracieux sourire de ses charmantes dames.

X

Me voici donc poète, applaudi et loué ! Mon maître Jules Giéra fut content de moi et Roumanille, Aubanel et Mistral me félicitèrent. O paysan, quelle affaire ! O Félibrige ! Voici comment tu as pris mon âme. Ce n’est pas à moi de dire si j’ai ou non mérité l’insigne d’honneur de faire partie de cette joyeuse académie : un paysan qui veut être poète cela paraîtra étrange à plus d’un, mais qu’ils sachent, ceux- là, que le prince et l’enfant du peuple respirent le même air et que le même soleil les éclaire tous deux : tous deux ont une âme, et … c’est l’âme, l’âme seule, qui fait le poète. Bernard, l’humble fils du boulanger de Ventadour, est l’égal du roi Richard-Cœur-de-Lion, et le tutoie ; Rimbaud, le pauvre ménétrier de Vacqueyras, un jour se sent poète et serre la main du marquis de Montferrat et il embrasse sa sœur.

Ainsi, les savants diront de moi ce qu’ils voudront. Le rossignol fait retentir le bocage de son chant ardent ; le chardonneret de son chant grêle égaie le buisson isolé ; je suis le chardonneret.

Mon cœur m’a dit : Va ! et j’ai chanté.

XI

Je ne veux pas raconter ici mon histoire, car elle est trop triste ; je dirai seulement que le sort me fit soldat ; que, soldat, je vécus deux ans à Rome et m’en revins malade de ces fièvres des marais qui faillirent m’envoyer dans l’autre monde ; que la maladie m’obligea à abandonner le noble travail des champs pour me faire, pauvre de moi ! employé du chemin de fer. Et puis, est-il nécessaire de parler de ma vie dans cette préface ? D’habitude la vie du poète se trouve dans ses vers, et, dans les miens, il faut que je vous le dise : ma vie y est toute : moi, enfant de la terre, qui a peu vu, qui a peu étudié, qui a donc peu appris, je ne pouvais faire autrement que de chanter ce que j’ai ressenti : mes joies et mes douleurs, autrement dit, ma vie.

Ainsi, ces chants rustiques ne sont pas des chants imaginaires, mais des chants réels. Le prêtre qui ne croit pas à sa religion ne sera jamais qu’un mauvais curé ; moi, je crois à la poésie : je ne pense pas que cet art soit simplement un passe-temps agréable : dans sa beauté, je vois l’utile. Je me suis laissé dire par beaucoup d’amis que la poésie se noie dans les questions profondes de la grande philosophie ; quant à moi, je n’en crois rien : poésie et philosophie apparaissent à mon âme, comme deux vraies sœurs qu’elles sont, se tenant par la main et cheminant ensemble vers l’avenir. Est-ce qu’Homère n’est pas législateur ? Est-ce que David n’est pas poète ?... Cependant, n’allez pas voir dans ce livre la moindre allusion à la politique, non. C’est mon livre d’enfant : je ne connais rien encore du monde, de la grande patrie qu’est l’univers ; ma muse n’est pas sortie de la maison : j’ai chanté ma mère, mon terroir, mes amours…Toutes les filles que j’ai aimées vivent dans mes vers, et, sans peine, pourront s’y revoir comme dans un fidèle miroir.

Vous ne trouverez, dans ce livre, ni bouffonnerie, ni bêtises, ni science, ni esprit. La Fontaine est un grand écrivain, mais ses bêtes, je veux dire ses personnages, ne sont pas de mon goût : je leur préfère les gens simples et bons.

Les rires que vous trouverez dans mon livre sont des rires d’enfants et de petites filles ; dans ces rires, point de malice : regardez au fond et vous y verrez l’innocence. Mes amours sont les amours pures et calmes du village : des regards contemplatifs et heureux ; quelques baisers pris à la volée sur deux joues roses, et puis pas plus.

Je suis pensif et rêveur ; ma rêverie n’est pas profonde, mais le plus souvent elle est amère : mon âme demande le bonheur et le bonheur ne vient jamais, ou, si un jour il se laisse embrasser, c’est pour m’échapper le lendemain, en déchirant, en brisant mon pauvre cœur.

XII

Ames candides, cœurs amers ! vous qui au plaisir de la foule préférez les joies de l’amitié ; vous qui avez pitié de ceux qui rient avec cruauté, et qui savez tous les délices qu’une larme contient ; vous qui enfin avez le sentiment de la tendresse et le don des pleurs, tenez, voici mon livre.

C’est à vous seuls que mes vers sont adressés. Marseille (A. Tavan)

Dans l’Armana Prouvençau en 1877, Mistral écrivait en annonçant la parution d’Amour e Plour : « Tout lou mounde counèis aquèu pouèto de naturo que, nascu païsan, a canta simplamen e doulourousamen l’istòri de sa vido. Aqui rèn d’afeta ni d’apresta, ni de cerca. Es uno pouësìo que rajo de l’amour e de la verita, coume uno aigo lusènto que rajo de la font, coume li plour rajon dóu cor, coume lou sang rajo di veno. Tavan es un mèstre dins l’art d’escriéure nosto lengo. »

Tenons-nous à ce portrait brossé par le Maître et affirmons seulement, après avoir lu une partie de la correspondance échangée entre Frédéric Mistral et Alphonse Tavan qu’ils avaient l’un pour l’autre beaucoup d’estime, d’admiration, de confiance et d’amitié.

« Pour être sincère, il faut ajouter : depuis que les félibres ont cessé de se rendre à Font-Ségugne, les amoureux aussi n’y viennent plus, car les amants aiment la poésie ! Les fontaines sont délaissées ; les eaux se tarissent ; les viviers se sèchent ; les jardins tombent en friche ; les grands bois s’ébranlent ; les sentiers se remplissent de broussailles qui arrêtent les promeneurs ; les allées s’effacent ; les chemins se ravinent ; on dirait que la nature, jalouse, veut détruire ce lieu de délices d’il y a quarante ans.

« Pourtant, la poésie est toujours là, qui vous empoigne, vous émeut et vous exalte ; si le château se « plaint de voir ses ornements inachevés, il y a toujours la châtelaine qui, de temps en temps, apparaît « à ses fenêtres, descend seule dans ses parcs solitaires et va, lorsque c’est dimanche, entendre la « messe à l’église de Châteauneuf-de-Gadagne ; si le coteau perd ses fleurs et ses fontaines, il reçoit « toujours du Ventoux le fier regard, de Vaucluse l’affectueux sourire.

« Et maintenant, il me plaît de demander avec l’historien Garcin, l’un des convives de Font-Ségugne : "Si cette villa bâtie par un cardinal romain ne rappelle point, toutes proportions gardées, les villas « florentines des coteaux de Fiesole, qu’Albert Castelnau a si admirablement dépeintes, villas des « Médicis, où autour du vieux Cosme et de son petit-fils Laurent-le-Magnifique, se groupèrent les « acteurs les plus glorieux de la Grande Renaissance ? Font-Ségugne a été, lui aussi, le berceau « enchanteur du Renouveau provençal."

« Et, de même que le nom de Médicis est indissolublement lié à celui de leurs hôtes, le nom des Giéra est inséparable des Félibres. Tous, les plus obscurs comme les plus célèbres, portent ce nom dans leur cœur, tous ont la même affection, la même gratitude pour ce nid de leur poésie.

« Mais hélas ! quel changement aujourd’hui en cet Eden ! La mort a passé là ; le deuil y a étendu son crêpe sombre. Eh bien ! dans la douleur présente, on se remémore avec une joie mélancolique les scènes du passé, les heures où Jeunesse, Espérance, Amitié, Amour, enivraient les convives habituels de cette maison bénie.

« Ah ! beau Bon Dieu ! Si j’avais les cent mille francs qui me manquent, comme j’achèteras vite et le château et les bois pour les remettre dans leur luxe et dans leur gloire ! Il me viendrait, j’en ai l’assurance, quelques compagnons aussi ardents que moi pour l’idée félibréenne, qui m’apporteraient chacun cent mille francs encore pour faire de Font- Ségugne le plus beau site du monde. On y fonderait une école de provençal brillante et alors… vous verriez bientôt le parler des félibres devenir la langue universelle ! »

Traduction de « Amour e Flour » par Mireille Toselli-Bosqui avec la collaboration de Mme Françoise Tourtet

O ! combien Alphonse Tavan serait heureux de voir se réveiller et revivre Font-Ségugne : les fontaines et leur conque se remplissent ; les jardins refleurissent ; les grands bois se réveillent et accueillent les écureuis et les oiseaux ; les sentiers et les allées renaissent ; on dirait que la nature, généreuse, veut reconstruire ce lieu de délices d’il y a 150 ans, aidée dans son œuvre par la main laborieuse, la passion, l’ardent désir de ses nouveaux propriétaires, Monsieur et Madame Pierre Geren, de recréer au château de Font-Ségugne un lieu de refuge et de repos aux amoureux de la Provence.

*qui avant son mariage portait le nom illustre de Crillon LE TRESTOULAS

Henri Bosco

A. m. A. Compan valent counfraire aquest plagnun de carlamuso

Dins l’ouliveto de l’Anglado Ai vist, de matin, en passant Uno chato de dis vuech an Que venié faire l’oulivado. Ero arrivado quatocant, Degun sabié de mounte e, plan, Au bèu mitan de la ramado Prenié d’oulivo a plèn de man

Lou 15 de jun 1974

A propos d’Henri Bosco à Nice Par Michel Compan En rangeant des papiers dans le bureau de mon père, j’ai retrouvé une lettre, avec un poème, qu’Henri Bosco lui avait écrite le 15 juin 1974. Connaissant les liens d’amitié entre l’écrivain et le linguiste, j’ai essayé d’en savoir un peu plus sur les circonstances de cette missive rare. Aussi me suis-je intéressé aux éléments divers contenus dans le document reproduit ci-joint. J’ai pu dégager ainsi, en premier lieu le contexte biographique et littéraire de cette rencontre, pour m’intéresser ensuite au contexte et à l’interprétation du texte, et enfin j’ai essayé d’analyser le tournant de la vie de Henri Bosco, l’homme de la Provence, quand il s’installe à Nice, juste à ce moment-là.

Bosco est surtout connu comme un grand romancier, mais nous savons qu’il a d’abord écrit des poèmes à thèmes philosophiques et métaphysiques ; certains paraîtront tardivement, revus et corrigés, dans « Le roseau et la source ». De retour à la poésie, en cette année 1974, il fait paraître un recueil de poèmes qu’il écrit en Provençal rhodanien, les « Trobo prouvençalo ». C’est dans la même collection de l’ « Astrado Prouvençalo » de Toulon que mon père fait paraître en niçois aussi ses poésies du « Dich dou Cambarousset » ; c’est à cette occasion qu’ils entrent en correspondance épistolaire, échangeant sur la langue et la civilisation de Provence et du Comté. Après l’installation de Bosco à Nice, ils ont en particulier un entretien de plus de deux heures, en provençal, qui est enregistré ; celui-ci se déroule dans la « Maison rose », chemin de l’Abbaye, à Cimiez, sa nouvelle demeure. D’emblée il déclare que « sans les multiples aspects de la Provence mon œuvre n’existerait pas sous la forme présente ». Nous sommes le 14 février 1975 ; jusqu’à cette date ce sont des correspondances, comme notre document présent, et l’échange réciproque de livres dédicacés. Le contexte littéraire, hormis ce renouveau de l’expression en langue d’oc, c’est aussi son amour déclaré pour la langue et la civilisation niçoise, cousine du provençal, selon sa propre expression « de parladuro freirenalo ». C’est aussi le début du travail qu’il entreprend sur l’œuvre de son cousin Saint Jean Don Bosco ; après son œuvre charitable à Turin celui-ci a créé un très grand établissement pour la formation d’enfants nécessiteux pour les métiers techniques, qui fonctionne toujours pleinement aujourd’hui à Nice. Bosco développe une recherche sur l’histoire de la fondation de l’ancienne Place d’armes et de l’Arbre inférieur. Dans sa nouvelle maison niçoise il apprécie surtout la vue sur Nice depuis la colline, avec la mer au loin ; il insiste aussi sur l’importance du cadre de son « laboratoire de travail », une ancienne remise aux poutres centenaires, qui contenait toute sa bibliothèque et les portraits de famille. Alentour la colline est couverte d’oliviers, condition nécessaire selon lui pour une inspiration méditerranéenne et grecque en filiation directe ; c’est l’arbre qui est exalté dans le poème. L’écrivain apprécie que la langue niçoise soit encore parlée dans les quartiers ; il mentionne aussi l’architecture des vieilles maisons du Comté avec ses greniers et ses séchoirs, et « l’air doux et bienfaisant. Des conditions de vie simples et sans doute fragiles, tout ce qui disparaît aujourd’hui peu à peu ». Notons que dans le Trestoulas, il avait autrefois témoigné d’une admiration semblable à propos d’un marchand de glace « qui s’exprimait avec un bel accent nissard ! ». Mais le souci de garder tout cela intact explique, peut-être, son habitude niçoise de travailler souvent, dans sa villa, les volets clos ! Par contraste, le succès de l’œuvre de son illustre cousin Don Jean Bosco le soutient par sa pérennité jusque dans la Nice du XXème siècle ; son souci de promouvoir l’activité professionnelle et, on dirait aujourd’hui « l’insertion des jeunes » dans la vie active par le travail et l’exemple, a motivé l’action du saint homme, et Henri Bosco s’y intéresse activement en y consacrant une abondante et exhaustive étude biographique. Le Lycée professionnel Don Bosco et l’Eglise Notre Dame Auxiliatrice sont un apport essentiel à l’histoire de Nice.

Le contexte personnel étant posé, essayons d’analyser le document et le poème ; considérons que le texte est écrit sur un formulaire imprimé à l’emblème du « TRESTOULAS ». Nous savons que ce roman se passe dans le Lubéron, avec une ouverture sur le monde souterrain ; il y a un contraste entre la surface du plateau calcaire calme (où se situe le champ d’oliviers du poème) et la circulation de l’eau en sous-sol beaucoup plus inquiétante. Bosco déclare souvent dans ce livre qu’il apprécie le calme des campagnes dans les plateaux du sud du Grand Lubéron ; cela forme avec les hauts sommets voisins et en particulier le Moure Nègre (1125m) un grand contraste de pérennité absolue avec des arbres millénaires. Le formulaire nous donne aussi le lieu exact : Vaugines (dans le Vaucluse) ; c’est un petit village, à 5 kms à l’est de Lourmarin ; on y trouve les départs des sentiers GR9 et 97 qui permettent l’ascension de la chaîne du Grand Luberon, mais aussi de rejoindre le fort de Buoux, par le col de Gerbaud, que Henri Bosco a souvent parcouru ; le vallon des cavaliers étant l’accès aux sources souterraines.

La traduction du texte est la suivante A mestre Andrieu Compan Vaillant confrère Cette complainte de cornemuse

Dans l’olivette de l’Anglade J’ai vu, de bon matin, en passant Une jeune fille de dix-huit ans Qui venait faire la cueillette des olives. Elle était arrivée depuis peu, Et personne ne savait d’où, et doucement Au beau milieu de la ramée Elle prenait des olives à pleine main.

Le commentaire du texte : Le « plagnun de carlamuso », rappelle le « planh », chant de troubadours, s’accompagnant justement de la cornemuse, et chez nous à Nice, de la « cabreta ». Cela peut être aussi un surnom d’auteur. L’olivette de l’Anglade : c’est soit une expression désignant un coin de terre, soit le nom du propriétaire, soit une autre expression pour insister sur le grand cru, comme dans le cas « dóu vin de l’Anglado » (Mistral – TDF)

Le commentaire du support documentaire : le texte est écrit sur un formulaire imprimé qui n’est pas anodin ; ce « Trestoulas » c’est le roman paru chez Gallimard en 1935, ici cela semble désigner la grande maison représentée sur le dessin de droite ; c’est peut-être un prieuré agrandi ; on ne distingue pas de croix, mais une fenêtre romane ouverte dans un chœur en abside. Le nom de « Trestoulas », en provençal, désigne un dépôt de débris de tuiles, un amas de tuileau, et, par extension, un terrain pierreux et sec. On peut aussi imaginer qu’il s’agit d’une association dont le siège est à la « capitainerie » (et non à la « commanderie » …) située à Vaugines.

Le choix de ce poème : c’est un texte qui reflète bien l’ambiance poétique (différent de romanesque, voir ci-dessus) dans laquelle baigne Bosco à ce moment-là. Cette « ouliveto » où se place-t-elle ? L’Anglado serait notre seul renseignement, s’il s’agit du nom du propriétaire c’est un bien faible indice de localisation ! l’ambiance qui se détache de ce texte court est à la fois douce et sauvage. « Même dans les actions quotidiennes de la vie rustique, dans le comportement des êtres… il y a une orientation nette vers le mystère où l’invisible devient plus réel que le visible » (Jean Claude Godin – Henri Bosco, une poétique du mystère p. 46 – université de Montréal). Bosco lui-même déclare « Le mystère c’est de l’inconnu qui jamais ne sera connu et dont on ne sait qu’une chose : cette impossibilité à être connu » (manuscrit de 1962, inédit, cité dans Jean Claude Godin page 53). Les arbres et surtout les oliviers ont toujours impressionné Henri Bosco dans un petit bois voisin du Mas du Gage de son enfance, le petit Bosco était pris « d’une crainte indéfinissable, et en même temps… d’un attrait et d’un respect inexplicable » (J.C Godin page 54). Le texte comporte une petite part de mystère comme dans un rêve. La jeune fille est arrivée on ne sait quand, d’on ne sait d’où. Mais le paradis perdu est retrouvé car il règne un état de paix et d’harmonie ; et le contact avec la Grèce ancienne est assuré par les oliviers alignés.

Examinons enfin d’où vient cet amour de la Provence et cette conversion à Nice, au moment où la poésie s’impose à nouveau chez notre auteur. Provençal, il l’est et l’affirme souvent ; né en Avignon le 16 novembre 1888, Henri Bosco passe son enfance au Mas du Gage, à 5 km d’Avignon, avec la fameuse tante Martine ; du jardin il voit les Alpilles et Maillane. Ici se place d’ailleurs l’épisode de la visite chez le Mestre, dans la maison du Limbert qui l’a fortement marqué. Bosco dans son œuvre se rapproche des écrivains de la Provence austère : D’Arbaud, les Félibres, Giono (cf. F.W. Saunders : Henri Bosco, Joseph d’Arbaud and the Provençal revival, in « Studies in modern French litterature, page 109). Il manie la langue provençale par tradition familiale, et, très jeune, après avoir été au conservatoire de musique d’Avignon pendant huit ans, il compose des « Noëls provençaux ». Très marqué par la lecture de « La Bèstio dóu Vaccarès » de Joseph d’Arbaud, il a pris l’habitude chez son professeur Aristide de Chabridelles (Aristide de Cabrières dans l’œuvre de Bosco) d’expliquer la Provence grecque par des vers d’Homère, de Virgile et de Mistral mêlés ! Ce professeur classique emmène un jour ses élèves dans un champ d’oliviers pour commenter Théocrite ! Cela se traduit ainsi « La Provence entière est divine. Il n’y a pas de solitude quand la terre est pleine de dieux » (dans Pierre Lampédouze page 246). On retrouve souvent, comme dans notre poème, le thème du « jardin serein, lieu de bonheur idéal, favorable à la contemplation ». ; c’est un coin de paradis (Jean Claude Godin, op. cit page 100). C’est dans ce lieu rassurant que l’on s’attend à l’inattendu ! Le guetteur que nous sommes est en attente, car il y a mystère sur la provenance de la jeune fille, sur sa motivation, sur la durée de son action. Est-ce un geste utilitaire ou une œuvre gratuite et « artistique » ? « Cette réalité dépasse le réel, serein ou diabolique » (J.C.Godin op.cit. page 112). « Ici la vie perceptible semble un rêve dont on sait qu’il n’est pas un rêve ». (Sables p. 26)

Le professeur Henri Bosco lorsqu’il enseigne à Naples, Bourg en Bresse ou Rabat se déclare « en exil » ! et en réaction, il écrit ses œuvres à thème provençal. Ensuite, ce sont des lieux qu’il aime qui le marquent : sa visite à la Durance à Barbentane ; le Bastidon d’été de ses parents à Lourmarin, dans le quartier de Micolombe ; sa participation, dès 1925, à la réfection du château de Lourmarin où il acquiert ainsi un droit de résidence ; sa propre acquisition d’un bastidon vers Vaugines, « à flanc de colline, entouré de quelques arbres fruitiers ; il donne sur un champ planté de jeunes oliviers » ; les petits villages du sud Luberon (Cucuron, Peypin d’Aigues, Cabrières), « groupés au flanc de la montagne, aux noms aussi doux que les noms de l’Argolide, ou le colchique d’Epidaure » ( Roseau et la Source p. 134). Combien de noms et de surnoms en provençal dans le texte se retrouvent dans toutes ses œuvres.

Le point commun à tous ces lieux et avec la maison rose à Nice, c’est le silence. Le champ d’oliviers apparaît justement dans le silence qui ajoute au mystère ; « le silence est en soi une réalité, un moment précieux, parce que infiniment difficile à trouver ». (Henri Bosco dans « Alpes de lumière » page 9). Ensuite Bosco insiste sur l’importance de la présence de la mer dans le choix de sa résidence niçoise ; il précise ce dernier en insistant sur l’importance de l’héritage gréco-romain pour la colline de Cimiez, avec un entourage d’oliviers superbes, taillés à la « niçoise » ; c’est-à-dire avec un port beaucoup plus élevé qu’en Provence. L’âme du Comté de Nice s’était déjà glissée dans l’œuvre de Bosco, car dès 1926, on trouve la mention de noms de personnages tirés directement de noms de lieux du haut pays, exemple Bairols, Lantosque, etc… Enfin Bosco fut attiré très jeune par l’étendue du paysage de la vie quotidienne, dans la plaine Comtadine vers Alpilles, Lubéron et Mont Ventoux. A Nice il aime les perspectives vers la mer avec en premier plan le monastère de Cimiez et vers la montagne avec les plus hauts sommets enneigés des Alpes, du Mercantour, le tout dans la proximité évocatrice de la cité antique avec ses grandes ruines de bains et d’amphithéâtre.

Henri Bosco a su transmettre à tous les arts (peinture, cinéma, photo) sa vision classique et romanesque d’un monde méditerranéen secret et riche d’évocations ; un Brayer, un Duhamel, un Clergue se sont pris de passion pour ce monde enchanteur et mystérieux. C’est le résultat de cette union du classicisme et du mystère, secret fragile du talent.

LOU CRESTA-POUORC Sus lou pounchoun de la gaiolo, Dien que, l’ivèr, vèn quàuqui cop Bussant lu siéu menoun, boustegant lou siéu can Un pastre glàri, dins la colo, Pèr lou cascarelun de la fluta mascade, Emé soun oumbro d’escabot. De luèn, neblat de pous e la tèsta pelada, … Arriba lou jassié que sèmbla lou vièi Pan. Pièi quand la niue quiho sis ouro Jusco au trecòu de l’estelan, Li féa, lu moutoun, darié dau sarratan, Vaqui lou pastre que l’aubouro Trisson d’escoundihoun de flot d’èrba ratada ; E coumenço à canta plan-plan. La lana dau sahin pèr luèc es entacada ; Dis : « I’a de vènt dins li planeto. Frègon lou siéu mourret doun viron lu tavan. Quau canto eici, quand, dins toun cor,

O Rèino Niue, ‘mé si cabreto Lu gènt picon dai man, vehènt la siéu escorta ; Trèvo lou pastre de la mort ? Sabon qu’en libertà s’en van lu siéu varai,

Que planton pas bourdoun pèr marcì dins lou nai Pièi se tais. E res dins la toumbo

Ié saup respondre. Mai sis iue Mà, lou pastre, denans de repartì pèr orta, Veson subran subre la coumbo Piha lou flahutèu dins lou siéu larc roupas S’esbranda l’escabot di niue. E li subla gaiart una cansoun de pas.

ANDRIEU COMPAN, lu dich dou cambarousset ENRI BOSCO, Trobo prouvençalo Les propos de la pariétaire – l’Astrado 1972 Pièces provençales – l’Astrado 1974

Marcel PAGNOL et la LANGUE PROVENÇALE Jean-Pierre MONIER

En 1997, l’année DAUDET à FONTVIELLE fut marquée par de fervents hommages rendus par « Les Amis de DAUDET » à l’enfant du pays à l’occasion du centenaire de sa disparition. Tout au long de l’année de très nombreuses manifestations se déroulèrent pour célébrer l’œuvre très importante d’Alphonse DAUDET, écrite essentiellement en français, quoique toute imprégnée de l’âme provençale.

Ainsi parurent, sous l’initiative des « Amis de DAUDET », trois ouvrages en « lengo nostro ». - « LI LETRO DE MOUN MOULIN » avec des traductions de René JOUVEAU, Charles GALTIER, Louis GROS, Jean ROCHE, Charles ROSTAING, Marie MAURON, Jeanne ROUMANILLE et Henriette DIBON (FARFANTELLO).

- « L’ARLATENCO » (traduction de Louis GROS / PARLO-SOULET)

- « LOU TRESOR D’ARLATAN » (traduction de Pierrette BERENGIER),

- et de plus, une autre version des « LETTRES DE MON MOULIN » présentée en « rouergat » par CANTALAUSA.

À cette occasion, Bernard DESCHAMPS écrivit dans les NOUVELLES DE PROVENCE, n° 56, février 1997 :

« Ils sont nombreux ceux qui regrettent que DAUDET n’ait pas écrit en langue d’OC, car, dans ce cas, ils n’auraient pas hésité à reconnaître ses œuvres parmi les plus grandes de notre littérature. Ecrites en français, c’est une Provence pour les Parisiens, écrites en « lengo nostro », elles auraient porté toute l’âme du terroir. »

Et d’ajouter : « DAUDET est bien un homme du Midi, de tout le Midi. Il a écrit en français, hélas, pour gagner sa vie, et personne, dans son œuvre, n’a compris l’âme profonde de la Provence. Mais, s’il avait écrit en provençal, concret, vivant, avec la richesse de ses expressions, de ses images, quel régal ! La Provence y est toute entière ; comme si d’un coup on y retrouvait bien le pays, la langue ; quant au récit, nous sommes chez nous, nous ne sommes plus dans un conte parisien, écrit, j’oserai le dire, dans une langue étrangère.

Aussi, si j’ai un conseil à vous donner, lisez DAUDET en provençal, vous vous régalerez ! ».

* * *

AUBAGNE, comme FONTVIEILLE il y a quelques années, vient de célébrer en grande pompe, le 120ème anniversaire de la naissance de Marcel PAGNOL. Des manifestations enthousiastes, tout au long de l’année 2015, ont honoré magnifiquement le grand écrivain marseillais. Et à mon grand étonnement, personne - je dis bien personne - dans le monde provençal, dans les revues en « lengo nostro » (PROUVENÇO D’ARO, LI NOUVELLO DE PROUVÈNÇO, LA REVISTO DÓU FELIBRIGE, etc...), ne s’est dressé pour saluer une œuvre qui fait honneur à notre pays méridional.

Personne, parmi les « AMIS de Marcel PAGNOL » (et ils sont pourtant des milliers !) pour mettre en relief une œuvre qui est toute imprégnée et parfumée de vie provençale !

Et dans toutes les célébrations qui se sont déroulées en masse, à AUBAGNE, et dans toute la région, pas une seule référence à la langue provençale (Ah ! si ! j’allais l’oublier : le 28 février 2015, jour anniversaire de la naissance de Marcel PAGNOL, une « espassado » : qu’es acò ? sans doute un défilé ! a rassemblé une foule d’admirateurs dans les rues d’Aubagne...

Toutes les allocutions et discours se sont exprimés en français. Il faut dire qu’avec Daniel PICOULY, Irène FRAIN, Didier VAN CAUWELAERT, Azouz BEGAG, Jean-Noël PANCRAZI, Pascal BRUKNER, Karin HANN, etc.…, les Provençaux se comptaient vite ! Aucun authentique Méridional pour saluer les mérites de l’auteur de la « TRILOGIE » et surtout des « SOUVENIRS D’ENFANCE » qui se déroulent pourtant tous dans le territoire marseillais et aubagnais !

Comme si l’on ne pouvait pas trouver dans toute la PROVENCE quelqu’un qui sache rappeler que si Marcel PAGNOL n’avait jamais écrit en Provençal, il était pourtant pétri de cette langue !

Faut-il rappeler ce propos de Marcel Pagnol lui-même, rapporté par Georges BERNI dans son « Merveilleux PAGNOL » : « J’ai toujours aimé parler le provençal... » (p. 20).

Et ces mots de Lucien GRIMAUD, maire d’Aubagne, achevant son discours le jour de l’enterrement de Marcel PAGNOL :

« Que ta terro de Prouvènço te siegue lóugiero... »

Car il est bien vrai que toute l’œuvre de PAGNOL transpire la « lengo nostro ».

Vous voulez des preuves, en voici, à foison !

Quelques dialogues de la Trilogie :

« - Siéu pas plus fada que tu, sas ! Fau pas me prendre pèr un autre ! Siéu mèste Panisse, e siés pas proun fin pèr m’aganta » (Marius, page 132),

« - Ma pichouno couchado emé un ome, aquéu bregand de Marius, aquéu voulur… » (Marius, page 155),

« - Es un poulit porc voste Marius ! Aquéu salop que venié à l’oustau coume moun enfant. De tout sûr, il l’a prise de force… » (Marius, page 158),

« - Tout aro, te mande un bacèu que te desviro la tèsto... » (Fanny page 83), « - Es un pichoun, Fanny ? Digo-me, Fanny, es un pichoun ?.. ». (Fanny, page 120) « - Aqui, sian arriba au plus marrit. « - Es un grand pecat ; es bessai lou plus grand. « - De segur, es aquéu que se fai lou plus souvènt... » (César, page 27), etc... « - Boudiéu que moustre ! Rien que de le regarder, ça me fait la peau de galline ! » (Le Temps des Secrets, page 195)

Et quel est l’auteur qui a employé, sans retenue, ces expressions ?

« - Aquelo empego ! Adiéu boto ! Sian poulit ! O boumian ! O bougre d’emplastre ! O mange-punaises ! Jobastre ! O galavard ! O, dis, marrias ! Carmentran ! Pauvre couioun ! Que grand couioun ! Pauvre pichot ! Pauvre fada ! Il est fada, peuchère ! Couquin de pas Diéu ! Peuchère Petugue ! Quel enfant de garce ! Adessias, ma pichouneto ! », Etc...

Quel est l’écrivain qui a utilisé tous ces mots ou expressions pittoresques que les vrais Provençaux (c’est peut-être un crime horrible de parler de « provençaux de souche ») lâchent à profusion ? - Tu m’espinches comme si j’étais un scélérat ! - Ugolin parpelégeait comme les étoiles... - Je suis tout estransinée.. - Elle va sûrement mourir d’estransi... - Elle lui graffignait la figure comme une furie... - Ça, c’est de la couillonnade ! - Vous serrez sur votre cœur les bords du couillonisme ! - C’est le jeu de trompe-couillon... - Sois pas couillon ... - Ça pourrait s’appeler aussi le jeu de casse-guibole ! - Je ne vois pas ce qu’il y a de rigolo à estropier les passants... - Une estropiadure pour la vie ! - J’ai le pied fada pour toujours ! - Il est maigre comme un prego-diéu de restouble ! - Ça finira sûrement comme une cagade... - Ils doivent avoir vergogne, les pauvres ! - Je me suis réveillé par terre, tout escagassé... - Il s’approche de garapachoun... - Elle fait un mourre de six pans de long... - Le médecin a dit qu’il était mort de l’embouligue … - Ce technicien a commencé par ensuquer le monde avec des mots d’un kilomètre, - Il a ce serpent dans la coucourde depuis dix ans... - Petit à petit, ça lui a gonflé le cerveau. - Alors, ça lui esquiche la racine des yeux, et ça fait qu’il le voit trop petit... etc...

Qui est-ce qui saupoudre ses écrits de surnoms et de prénoms qui fleurent bon le territoire marseillais ?

- Escartefigue, Panisse, Piquoiseau, Frise-poulet, Merlusse, Topaze, Cigalon, Le Schpountz, Mond di Parpaion, Petugue, Lou Papet, Galinette, Pique-Bouffigue, Graffignette, Le Testard, Le Pescadou, Le Père Cougourde, Camoin le Gros, Camoin le Borgne, l’Ange Boufarèu, Grosse Tête-Petit Cul, Le Roi du Pois- Chiche, Maillefer, Miette, Le Tatoué, etc...

- Jean de Florette, Manon des Sources, Florette de Bérangère, Pamphile de Fortunette, Louis d’Etiennette, Clarius de Reine, Philomène de Clarisse, Amélie d’Angèle, Ange de Nathalie, Claire des Bouscarles, etc.…

Qui est-ce qui emploie sans cesse des mots provençaux bien souvent francisés ?

- Les noms de lieux (Les Restoubles, le Plan des Adrets, le Vallon des Refresquières, le Pas de la Serp, le Rascla, le Valat des Alouettes, le Plantier, la Bastide-Neuve, la Bastide-Fendue, les Bastides-Blanches, la Treille, les Bellons, le Puits du Mûrier, la Baume de Passe-Temps, les Escauprès, Font-Breguette, le Tubé, le Taoumé, le Garlaban, la Gineste, la Baume des Ratepenades, le Gourg de Roubaud, la Garette, Tête- Rouge, Chantepierre, etc.…),

- Les noms d’oiseaux (l’agasse, le tourdre, la sayre, le darnagas, la machotte, le cul-rousset, le cul-blanc, la pétouse, le coucou, la bartavelle, la bédouïde, la bouscarle, la calandre, la cardeline, la rato-penade, la gelinotte, etc.…),

- Les noms d’animaux ou d’insectes (la lèbre, la galline, le limbert, la serp, l’alude, le cabridan, etc.…),

- Les noms de poissons et de crustacés (le sarran, la girelle royale, la lasàni, le roucau, le fielat, la rascasse, la lucrèce, le fioupelan, le papagaille, la galinette, le stoquefiche, l’esquinade, la favouille... les esques, les piades, les mourre-dur, etc.…),

- Les noms de plantes ou d’arbres (la farigoule, le pebre d’ai, l’argéras, l’yeuse, le cade, le petelin, la platane, la figuière, la messugue, la bauco, l’espigau, l’aiet, la cèbe, etc.…),

Qui est-ce enfin qui emploie à bon escient les proverbes du pays ?

- Fai de bèn à Bertrand, te lou rènd en cagant... - Vènt de niue duro un pan cue... - Vènt de niue duro pas encue... - S’il pleut pour la Saint-Paterne, l’été sèche ta citerne... - S’il pleut le jour de l’Ascension, tout va en perdition... - S’il pleut en juin, mange ton poing, etc....

et aussi les chansons traditionnelles de la Provence ?

- La cambo me fai mau... - Adiéu paure carmentran...

- Madamo de Limagno Ié douno de castagno Fai dansa li chivau-frus : Dison que n’en volon plus !

Et après tout cela, n’allez pas me dire que Marcel PAGNOL ne connaissait pas le Provençal !

Enfin donner à ses enfants les prénoms de Frédéric et d’Estelle marque bien le respect que l’Aubagnais manifestait pour les œuvres du « Maître de Maillane ».

* * *

Il m’a fallu pourtant chercher loin pour trouver des félibres qui ont su reconnaître l’œuvre provençale de Marcel PAGNOL.

- Ainsi Charles ROSTAING dans « La FRANCE LATINE » (n° 117 de 1993) a réalisé une étude très intéressante « LE FRANÇAIS DE MARSEILLE DANS LA TRILOGIE de Marcel PAGNOL » où il épluche les mots et expressions pittoresques en soulignant « l’originalité et le cachet savoureux du terroir ».

- De son côté, André ARIÉS dans le n° 40 des « NOUVELLO DE PROUVÈNÇO » paru en mars 1995 a publié un article : « Marcel PAGNOL : Faut-il le louer ou le pendre ? ». Et voici ce qu’il écrivait :

« Nous voyons dans l’homme trois personnages :

- Le conteur éclos en Provence, qui nous fait vivre avec beaucoup de sentiment et de vérité son enfance et sa jeunesse dans les collines du Garlaban : « La gloire de mon père », « Le château de ma mère », « Le temps des secrets ». Ce sont des portraits colorés et parfumés qui retracent avec beaucoup de vraisemblance et de talent la découverte de la Provence par un garçon au début du siècle.

- L’auteur de comédies nous dévoile un écrivain d’élite talentueux pour monter des pièces avec des personnages typiques du milieu marseillais. Impitoyablement, il dressera des caricatures des Marseillais de son époque, sachant les Parisiens friands de tout ce que font les « blagueurs du Vieux Port ». Cela se retrouve peint dans les affiches de l’époque signées Albert DUBOUT qui s’accordent admirablement avec les œuvres de PAGNOL. Le dessin est autant forcé que le théâtre.

- Le romancier : mieux qu’un ZOLA, comme DAUDET et GIONO, PAGNOL eut tout petit la chance d’être pétri de l’esprit méridional qui lui donne la manière d’agencer ses œuvres sur le mode de penser du Midi. Dans ses romans, ses personnages provençaux sont dépeints avec leurs qualités et aussi avec leur façon d’être, sans indulgence, mais sans jamais les ridiculiser. Le SCHPOUNTZ, le BOULANGER sont des personnages typés, mais aussi peints avec beaucoup de sentiment et de sensibilité.

Même dans le drame on discerne, dans son coup de plume, la joie naturelle des Provençaux. De plus, dans son parler limpide et simple, il n’est jamais confus, il ne cherche qu’à trouver la manière de se rapporter au concret qui est la marque de la langue provençale ».

* * *

Et depuis 1995, - si je ne m’abuse - pas un seul article sur Marcel PAGNOL et son œuvre dans les revues en « lengo nostro » !

Pourtant ils sont nombreux, les laudateurs qui ont reconnu l’importance des auteurs régionaux, même si ceux-ci n’ont pas toujours écrit en Provençal. Sans se rapporter à Alphonse DAUDET et à ses « Amis », on peut recenser quelques beaux exemples.

Claude MARTEL a écrit un remarquable livre sur « La langue régionale d’un écrivain de Haute-Provence, Pierre MAGNAN ». On peut aussi signaler les recherches méticuleuses de Claude LAPEYRE sur René CHAR et ses « Feuillets d’HYPNOS », les articles d’Henri FERAUD sur Henri BOSCO ou ceux de Frédérique HÉBRARD sur son Académicien de père, André CHAMSON, très fier de publier quelques poèmes en « lengo nostro ». On peut aussi noter « L’HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES », en hommage à Jean GIONO, par Marcel AUDEMA. Sans omettre Paul ARÈNE, Jean AICARD, Yvan AUDOUARD, tous des Provençaux « de la bono », toujours prêts à glorifier la langue provençale.

* * *

Mais toujours rien sur Marcel PAGNOL !

De ce véritable « OSTRACISME » que rien, à mes yeux, ne peut justifier, je veux crier bien fort que j’en suis honteux !

Modeste enseignant bénévole de provençal depuis 20 ans dans mon petit village natal, avec ma vingtaine « d’escoulan » fidèles, nous nous sommes donnés pour tâche de « revirer en lengo nostro » des pans entiers de « La Gloire de mon Père », du « Château de ma mère » et du « Temps des Secrets ».

Et je peux vous certifier que « Li partido de casso emé Lili dins li colo dóu Garlaban », « L’epoupèio di bartavello de Jóusè », « La traversado di Castèu de ma Maire », « Lou rescontre dóu broucantejaire, » « La dènt de ma memèi », « Lou serpatas de Petugo » ou « Lis amour d’Eisabèu », etc.... n’ont pas grand- chose à envier aux « cascareleto » de Frédéric MISTRAL et de Joseph ROUMANILLE ou aux contes de Charles GALTIER et de François JOUVE.

De véritables textes d’anthologie !

Quand je pense que les œuvres de Marcel PAGNOL ont été traduites en plus de 30 langues (d’après Nicolas PAGNOL, le petit-fils de Marcel) et qu’il n’existe aucune adaptation en « lengo nostro » de ses « SOUVENIRS D’ENFANCE » ou de « L’EAU DES COLLINES » alors que pourtant ils transpirent la langue provençale, il y a de quoi en être vraiment « estomasqué » !

Et que dire du théâtre de Marcel PAGNOL ?

Pour la FÊTE PROVENÇALE de JONQUIÈRES (VAUCLUSE) qui se déroule toutes les années depuis 20 ans, PARLAREN JOUNQUIERO a obtenu l’autorisation (à titre exceptionnel) de Nicolas PAGNOL de jouer quelques extraits de son œuvre :

- Le sermon du curé de Manon des Sources. - Les premières scènes de FANNY quand César attend la première lettre de Marius, - Le retour de la boulangère, - La dent de ma grand-mère », etc....

Ces représentations ont connu - et rencontrent toujours - un succès remarquable dans les « Veillées » de notre région. Les nombreux spectateurs - même s’ils ne maîtrisent pas le provençal - apprécient particulièrement ces scènes car la « lengo nostro » apporte une certaine dose d’authenticité.

* * *

J’entends souvent, dans nos réunions de provençalistes, des amis se plaindre de constater que la langue provençale se meurt, que les cours de provençal s’adressent à un public qui s’amenuise, que nos veillées ne rassemblent qu’un auditoire restreint.

Chers amis, si dans vos cours, dans vos « Cafés Provencaux », dans vos « Veillées provençales », vous réservez une bonne place aux textes des écrivains régionaux (Alphonse DAUDET, Yvan AUDOUARD, Paul ARÈNE, René CHAR, André CHAMSON, Henri BOSCO et surtout Marcel PAGNOL), soyez persuadés que vos auditeurs se régaleront de ces adaptations originales qui se dérouleront devant des salles bien garnies.

Alors, qu’attendez-vous pour réhabiliter Marcel PAGNOL ?

Quand vous avez des hommes de son génie, c’est un crime de s’en priver !

Et tout le monde y gagnera...

L’auteur lui-même qui verra son auréole encore plus grande, les enseignants et les passionnés de « lengo nostro » qui se délecteront de savourer le parfum, les senteurs, le décor familier de notre Provence et le charme de notre belle langue, les amateurs de théâtre qui retrouveront des personnages qui font partie de notre patrimoine... tous y gagneront !

Quand vous avez la chance de posséder dans votre culture régionale des écrivains de cette qualité, les querelles et les considérations futiles sur le « Provençal » de Marcel PAGNOL ne sont que des « parpello d’agasso », des « petoulo de lèbre » et des « chaucholo qu’apounchon pas un fus » ! Marcel PAGNOL et la LANGUE PROVENÇALE Jean-Pierre MONIER

En 1997, l’année DAUDET à FONTVIELLE fut marquée par de fervents hommages rendus par “ Les Amis de DAUDET “ à l’enfant du pays à l’occasion du centenaire de sa disparition. Tout au long de l’année de très nombreuses manifestations se déroulèrent pour célébrer l’œuvre très importante d’Alphonse DAUDET, écrite essentiellement en français, quoique toute imprégnée de l’âme provençale.

Ainsi parurent, sous l’initiative des “ Amis de DAUDET “, trois ouvrages en ” lengo nostro “. - “ LI LETRO DE MOUN MOULIN “ avec des traductions de René JOUVEAU, Charles GALTIER, Louis GROS, Jean ROCHE, Charles ROSTAING, Marie MAURON, Jeanne ROUMANILLE et Henriette DIBON (FARFANTELLO).

- ” L’ARLATENCO “ (traduction de Louis GROS (PARLO-SOULET)

- “ LOU TRESOR D’ARLATAN “ (traduction de Pierrette BERENGIER),

- et de plus, une autre version des “ LETTRES DE MON MOULIN “ présentée en “ rouergat “ par CANTALAUSA.

À cette occasion, Bernard DESCHAMPS écrivit dans les “ NOUVELLES DE PROVENCE, n° 56, février 1997) :

“ Ils sont nombreux ceux qui regrettent que DAUDET n’ait pas écrit en langue d’OC, car, dans ce cas, ils n’auraient pas hésité à reconnaître ses œuvres parmi les plus grandes de notre littérature. Ecrites en français, c’est une Provence pour les parisiens, écrites en “ lengo nostro “, elles auraient porté toute l’âme du terroir. “

Et d’ajouter : “ DAUDET est bien un homme du Midi, de tout le Midi. Il a écrit en français, hélas, pour gagner sa vie, et personne, dans son œuvre, n’a compris l’âme profonde de la Provence. Mais, s’il avait écrit en provençal, concret, vivant, avec la richesse de ses expressions, de ses images, quel régal ! La Provence y est toute entière ; comme si d’un coup on y retrouvait bien le pays, la langue ; quant au récit, nous sommes chez nous, nous ne sommes plus dans un conte parisien, écrit, j’oserai le dire, dans une langue étrangère.

Aussi, si j’ai un conseil à vous donner, lisez DAUDET en provençal, vous vous régalerez ! “

* * *

AUBAGNE, comme FONTVIEILLE il y a quelques années, vient de célébrer en grande pompe, le 120ème anniversaire de la naissance de Marcel PAGNOL. Des manifestations enthousiastes, tout au long de l’année 2015, ont honoré magnifiquement le grand écrivain marseillais. Et à mon grand étonnement, personne - je dis bien personne - dans le monde provençal, dans les revues en “ lengo nostro “ (PROUVENÇO D’ARO, LI NOUVELLO DE PROUVÈNÇO, LA REVISTO DÓU FELIBRIGE, etc...) ne s’est dressé pour saluer une œuvre qui fait honneur à notre pays méridional.

Personne, parmi les “ AMIS de Marcel PAGNOL “ (et ils sont pourtant des milliers !) pour mettre en relief une œuvre qui est toute imprégnée et parfumée de vie provençale !

Et dans toutes les célébrations qui se sont déroulées en masse, à AUBAGNE, et dans toute la région, pas une seule référence à la langue provençale (Ah ! si !, j’allais l’oublier : le 28 février 2015, jour anniversaire de la naissance de Marcel PAGNOL, une “espassado “ ( qu’es acò ?, sans doute un défilé ! ) a rassemblé une foule d’admirateurs dans les rues d’Aubagne...

Toutes les allocutions et discours se sont exprimés en français. Il faut dire qu’avec Daniel PICOULY ; Irène FRAIN, Didier VAN CAUWELAERT, Azouz BEGAG, Jean-Noël PANCRAZI, Pascal BRUKNER, Karin HANN, etc.…, les Provençaux se comptaient vite ! Aucun authentique Méridional pour saluer les mérites de l’auteur de la “ TRILOGIE “ et surtout des “ SOUVENIRS D’ENFANCE “ qui se déroulent pourtant tous dans le territoire marseillais et aubagnais !

Comme si l’on ne pouvait pas trouver dans toute la PROVENCE quelqu’un qui sache rappeler que si Marcel PAGNOL n’avait jamais écrit en Provençal, il était pourtant pétri de cette langue !

Faut-il rappeler ce propos de Marcel Pagnol lui-même, rapporté par Georges BERNI dans son “ Merveilleux PAGNOL “ :

“ J’ai toujours aimé parler le provençal...“ (p. 20).

Et ces mots de Lucien GRIMAUD, maire d’Aubagne, achevant son discours le jour de l’enterrement de Marcel PAGNOL :

“ Que ta terro de Prouvènço te siegue lóugiero... “

Car il est bien vrai que toute l’œuvre de PAGNOL transpire la “ lengo nostro “.

Vous voulez des preuves, en voici, à foison !

Quelques dialogues de la Trilogie :

“ - Siéu pas plus fada que tu, sas ! Fau pas me prendre pèr un autre ! Siéu mèste Panisse, e siés pas proun fin pèr m’aganta “ (Marius, page 132),

“ - Ma pichouno couchado emé un ome, aquéu bregand de Marius, aquéu voulur…“ (Marius, page 155),

“ - Es un poulit porc voste Marius ! Aquéu salop que venié à l’oustau coume moun enfant. De tout sûr, il l’a prise de force.... “ (Marius, page 158),

“ - Tout aro, te mande un bacèu que te desviro la tèsto...“ (Fanny page 83), “ - Es un pichoun, Fanny ? Digo-me, Fanny, es un pichoun ?... (Fanny, page 120) “ - Aqui, sian arriba au plus marrit. “ - Es un grand pecat ; es bessai lou plus grand. “ - De segur, es aquéu que se fai lou plus souvènt... “ (César, page 27), etc... “- Boudiéu que moustre ! Rien que de le regarder, ça me fait la peau de galline ! (Le Temps des Secrets, page 195)

Et quel est l’auteur qui a employé, sans retenue, ces expressions ?

“ - Aquelo empego ! Adiéu boto ! Sian poulit ! O boumian ! O bougre d’emplastre ! O mange-punaises ! Jobastre ! O galavard ! O, dis, marrias ! Carmentran ! Pauvre couioun ! Que grand couioun ! Pauvre pichot ! Pauvre fada ! Il est fada, peuchère ! Couquin de pas Diéu ! Peuchère Petugue ! Quel enfant de garce ! Adessias, ma pichouneto ! “, Etc...

Quel est l’écrivain qui a utilisé tous ces mots ou expressions pittoresques que les vrais provençaux (c’est peut-être un crime horrible de parler de “ provençaux de souche “) lâchent à profusion ? - Tu m’espinches comme si j’étais un scélérat ! - Ugolin parpelégeait comme les étoiles... - Je suis tout estransinée.. - Elle va sûrement mourir d’estransi... - Elle lui graffignait la figure comme une furie... - Ça, c’est de la couillonnade ! - Vous serrez sur votre cœur les bords du couillonisme ! - C’est le jeu de trompe-couillon... - Sois pas couillon ... - Ça pourrait s’appeler aussi le jeu de casse-guibole ! - Je ne vois pas ce qu’il y a de rigolo à estropier les passants... - Une estropiadure pour la vie ! - J’ai le pied fada pour toujours ! - Il est maigre comme un prego-diéu de restouble ! - Ça finira sûrement comme une cagade... - Ils doivent avoir vergogne, les pauvres ! - Je me suis réveillé par terre, tout escagassé... - Il s’approche de garapachoun... - Elle fait un mourre de six pans de long... - Le médecin a dit qu’il était mort de l’embouligue... - Ce technicien a commencé par ensuquer le monde avec des mots d’un kilomètre, - Il a ce serpent dans la coucourde depuis dix ans... - Petit à petit, ça lui a gonflé le cerveau. - Alors, ça lui esquiche la racine des yeux, et ça fait qu’il le voit trop petit... etc...

Qui est-ce qui saupoudre ses écrits de surnoms et de prénoms qui flairent bon le territoire marseillais ?

- Escartefigue, Panisse, Piquoiseau, Frise-poulet, Merlusse, Topaze, Cigalon, Le Schpountz, Mond di Parpaion, Petugue, Lou Papet, Galinette, Pique-Bouffigue, Graffignette, Le Testard, Le Pescadou, Le Père Cougourde, Camoin le Gros, Camoin le Borgne, l’Ange Boufarèu, Grosse Tête-Petit Cul, Le Roi du Pois- Chiche, Maillefer, Miette, Le Tatoué, etc...

- Jean de Florette, Manon des Sources, Florette de Bérangère, Pamphile de Fortunette, Louis d’Etiennette, Clarius de Reine, Philomène de Clarisse, Amélie d’Angèle, Ange de Nathalie, Claire des Bouscarles, etc... :

Qui est-ce qui emploie sans cesse des mots provençaux bien souvent francisés ?

- Les noms de lieux (Les Restoubles, le Plan des Adrets, le Vallon des Refresquières, le Pas de la Serp, le Rascla, le Valat des Alouettes, le Plantier, la Bastide-Neuve, la Bastide-Fendue, les Bastides-Blanches, la Treille, les Bellons, le Puits du Mûrier, la Baume de Passe-Temps, les Escauprès, Font-Breguette, le Tubé, le Taoumé, le Garlaban, la Gineste, la Baume des Ratepenades, le Gourg de Roubaud, la Garette, Tête- Rouge, Chantepierre, etc...),

- Les noms d’oiseaux (l’agasse, le tourdre, la sayre, le darnagas, la machotte, le cul-rousset, le cul-blanc, la pétouse, le coucou, la bartavelle, la bédouïde, la bouscarle, la calandre, la cardeline, la rato-penade, la gelinotte, etc...),

- Les noms d’animaux ou d’insectes (la lèbre, la galline, le limbert, la serp, l’alude, le cabridan, etc...);

- Les noms de poissons et de crustacés (le sarran, la girelle royale, la lasàni, le roucau, le fielat, la rascasse, la lucrèce, le fioupelan, le papagaille, la galinette, le stoquefiche, l’esquinade, la favouille... les esques, les piades, les mourre-dur, etc...) ;

- Les noms de plantes ou d’arbres (la farigoule, le pebre d’ai, l’argéras, l’yeuse, le cade, le petelin, la platane, la figuière, la messugue, la bauco, l’espigau, l’aiet, la cèbe, etc...)

Qui est-ce enfin qui emploie à bon escient les proverbes du pays ?

- Fai de bèn à Bertrand, te lou rènd en cagant... - Vènt de niue duro un pan cue... - Vènt de niue duro pas encue... - S’il pleut pour la Saint-Paterne, l’été sèche ta citerne... - S’il pleut le jour de l’Ascension, tout va en perdition... - S’il pleut en juin, mange ton poing, etc....

et aussi les chansons traditionnelles de la Provence ?

- La cambo me fai mau... - Adiéu paure carmentran...

- Madamo de Limagno Ié douno de castagno Fai dansa li chivau-frus : Dison que n’en volon plus !

Et après tout cela, n’allez pas me dire que Marcel PAGNOL ne connaissait pas le Provençal !

Enfin donner à ses enfants les prénoms de Frédéric et d’Estelle marque bien le respect que l’Aubagnais manifestait pour les œuvres du “ Maître de Maillane. “

* * *

Il m’a fallu pourtant chercher loin pour trouver des félibres qui ont su reconnaître l’œuvre provençale de Marcel PAGNOL.

- Ainsi Charles ROSTAING dans “ La FRANCE LATINE “ (n° 117 de 1993) a réalisé une étude très intéressante “ LE FRANÇAIS DE MARSEILLE DANS LA TRILOGÌE de Marcel PAGNOL” où il épluche les mots et expressions pittoresques en soulignant “ l’originalité et le cachet savoureux du terroir. “

- De son côté, André ARIÉS dans le n° 40 des “ NOUVELLO DE PROUVÈNÇO “ paru en mars 1995 a publié un article : “ Marcel PAGNOL : Faut-il le louer ou le pendre ? “ . Et voici ce qu’il écrivait :

“ Nous voyons dans l’homme trois personnages :

- Le conteur éclos en Provence, qui nous fait vivre avec beaucoup de sentiment et de vérité son enfance et sa jeunesse dans les collines du Garlaban : “ La gloire de mon père “, “ Le château de ma mère “, “ Le temps des secrets“. Ce sont des portraits colorés et parfumés qui retracent avec beaucoup de vraisemblance et de talent la découverte de la Provence par un garçon au début du siècle.

- L’auteur de comédies nous dévoile un écrivain d’élite talentueux pour monter des pièces avec des personnages typiques du milieu marseillais. Impitoyablement, il dressera des caricatures des Marseillais de son époque, sachant les Parisiens friands de tout ce que font les “ blagueurs du Vieux Port “. Cela se retrouve peint dans les affiches de l’époque signées Albert DUBOUT qui s’accordent admirablement avec les œuvres de PAGNOL. Le dessin est autant forcé que le théâtre.

- Le romancier : mieux qu’un ZOLA, comme DAUDET et GIONO, PAGNOL eut tout petit la chance d’être pétri de l’esprit méridional qui lui donne la manière d’agencer ses œuvres sur le mode de penser du Midi. Dans ses romans, ses personnages provençaux sont dépeints avec leurs qualités et aussi avec leur façon d’être, sans indulgence, mais sans jamais les ridiculiser. Le SCHPOUNTZ, le BOULANGER sont des personnages typés, mais aussi peints avec beaucoup de sentiment et de sensibilité.

Même dans le drame on décerne, dans son coup de plume, la joie naturelle des Provençaux. De plus, dans son parler limpide et simple, il n’est jamais confus, il ne cherche qu’à trouver la manière de se rapporter au concret qui est la marque de la langue provençale. “

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Et depuis 1995, - si je ne m’abuse - pas un seul article sur Marcel PAGNOL et son œuvre dans les revues en ” lengo nostro “ !

Pourtant ils sont nombreux, les laudateurs qui ont reconnu l’importance des auteurs régionaux, même si ceux-ci n’ont pas toujours écrit en Provençal. Sans se rapporter à Alphonse DAUDET et à ses “ Amis “, on peut recenser quelques beaux exemples.

Claude MARTEL a écrit un remarquable livre sur “ La langue régionale d’un écrivain de Haute-Provence, Pierre MAGNAN “. On peut aussi signaler les recherches méticuleuses de Claude LAPEYRE sur René CHAR et ses “ Feuillets d’HYPNOS “, les articles d’Henri FERAUD sur Henri BOSCO ou ceux de Frédérique HÉBRARD sur son Académicien de père, André CHAMSON, très fier de publier quelques poèmes en “ lengo nostro “. On peut aussi noter “ L’HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES “, en hommage à Jean GIONO, par Marcel AUDEMA. Sans omettre Paul ARÈNE, Jean AICARD, Yvan AUDOUARD, tous des Provençaux “de la bono “, toujours prêts à glorifier la langue provençale.

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Mais toujours rien sur Marcel PAGNOL !

De ce véritable “ OSTRACISME “ que rien, à mes yeux, ne peut justifier, je veux crier bien fort que j’en suis honteux !

Modeste enseignant bénévole de Provençal depuis 20 ans dans mon petit village natal, avec ma vingtaine « d’escoulan » fidèles, nous nous sommes donnés pour tâche de “ revirer en lengo nostro “ des pans entiers de “ La Gloire de mon Père “, du “ Château de ma mère “ et du “ Temps des Secrets “.

Et je peux vous certifier que “ Li partido de casso emé Lili dins li colo dóu Garlaban “ , ‘ L’epoupèio di bartavello de Jóusè ”, “ La traversado di Castèu de ma Maire“, “ Lou rescontre dóu broucantejaire, “ La dènt de ma memèi “ , “ Lou serpatas de Petugo “ ou “ Lis amour d’Eisabèu “, etc.... n’ont pas grand- chose à envier aux “ cascareleto “ de Frédéric MISTRAL et de Joseph ROUMANILLE ou aux contes de Charles GALTIER et de François JOUVE.

De véritables textes d’anthologie !

Quand je pense que les œuvres de Marcel PAGNOL ont été traduites en plus de 30 langues (d’après Nicolas PAGNOL, le petit-fils de Marcel) et qu’il n’existe aucune adaptation en “ lengo nostro “de ses « SOUVENIRS D’ENFANCE » ou de « L’EAU DES COLLINES » alors que pourtant ils transpirent la langue provençale, il y a de quoi en être vraiment “ estomasqué “ !

Et que dire du théâtre de Marcel PAGNOL.?

Pour la FÊTE PROVENÇALE de JONQUIÈRES (VAUCLUSE) qui se déroule toutes les années depuis 20 ans, PARLAREN JOUNQUIERO a obtenu l’autorisation (à titre exceptionnel) de Nicolas PAGNOL de jouer quelques extraits de son œuvre :

- Le sermon du curé de Manon des Sources. - Les premières scènes de FANNY quand César attend la première lettre de Marius, - Le retour de la boulangère, - La dent de ma grand-mère “, etc....

Ces représentations ont connu - et rencontrent toujours - un succès remarquable dans les “ Veillées “ de notre région. Les nombreux spectateurs - même s’ils ne maîtrisent pas le provençal - apprécient particulièrement ces scènes car la “ lengo nostro “ apporte une certaine dose d’authenticité.

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J’entends souvent, dans nos réunions de provençalistes, des amis se plaindre de constater que la langue provençale se meurt, que les Cours de Provençal s’adressent à un public qui s’amenuise, que nos veillées ne rassemblent qu’un auditoire restreint.

Chers amis, si dans vos cours, dans vos “Cafés Provencaux “, dans vos “Veillées provençales “, vous réservez une bonne place aux textes des écrivains régionaux (Alphonse DAUDET, Yvan AUDOUARD, Paul ARÈNE, René CHAR, André CHAMSON, Henri BOSCO et surtout Marcel PAGNOL), soyez persuadés que vos auditeurs se régaleront de ces adaptations originales qui se dérouleront devant des salles bien garnies.

Alors, qu’attendez-vous pour réhabiliter Marcel PAGNOL ?

Quand vous avez des hommes de son génie, c’est un crime de s’en priver !

Et tout le monde y gagnera...

L’auteur lui-même qui verra son auréole encore plus grande, les enseignants et les passionnés de “ lengo nostro “ qui se délecteront de savourer le parfum, les senteurs, le décor familier de notre Provence et le charme de notre belle langue, les amateurs de théâtre qui retrouveront des personnages qui font partie de notre patrimoine... tous y gagneront !

Quand vous avez la chance de posséder dans votre culture régionale des écrivains de cette qualité, les querelles et les considérations futiles sur le “ Provençal “ de Marcel PAGNOL ne sont que des “ parpello d’agasso “, des “ petoulo de lèbre “ et des “ chaucholo qu’apounchon pas un fus “ ! Marcèu PAGNOL e la LENGO PROUVENÇALO Jan-Pèire MONIER

En 1997, l’annado DAUDET à FONT-VIÈIO fuguè marcado pèr de fervourous óumage rendu pèr “ Lis AMI de DAUDET “ à l’enfant dóu païs à l’óucasioun dóu centenàri de sa despartido. Tout-de long de l’annado forço evenimen se debanèron pèr celebra l’obro tras-qu’impourtanto d’Anfos DAUDET, escricho essencialamen en francés, mai touto embugado de l’èime prouvençau.

Ansin pareiguèron, souto l’iniciativo dis ” Ami d’Anfos DAUDET “, tres oubrage en prouvençau :

- “ LI LETRO DE MOUN MOULIN “ emé de reviraduro de Marìo MAURON, Carle GALTIER, Reinié JOUVEAU, Jan ROCHE, Jano ROUMANILLE e Enrieto DIBON (FARFANTELLO).

-” L’ARLATENCO “ (reviraduro de Louis GROS (PARLO-SOULET)

- “ LOU TRESOR D’ARLATAN “ (reviraduro de Peireto BERENGIER),

- e de mai, uno autro versioun dI “ LETRAS DEL MEU MOULIN “ presentado en rouergas pèr CANTALAUSA.

À-n-aquesto escasènço, Bernat DESCHAMPS escriguè dins li “ NOUVELLO DE PROUVÈNÇO, n° 56, febrié 1997) :

“ Soun noumbrous aquéli que regrèton que DAUDET ague pas escri en lengo d’O, e, dins aquéu cas, qu’aurien pas balança pèr recounèisse sis obro demié li mai grando de nosto literaturo. Escricho en francés, es uno Prouvènço pèr li parisen, escricho en lengo nostro, aurien tengu tout l’èime dóu terraire.

E d’apoundre : “ DAUDET es bèn un ome dóu Miejour, de tout lou Miejour. A escri en francés ai-las, pèr derraba sa vido, e degun, dins soun obro, a coumpres l’èime founs de Prouvènço. Mai aguèsse escri en lengo nostro, councrèto, vivènto, emé la drudiero de sis espressioun, de sis image, quet chale ! Prouvènço i’es touto ; coume d’un cop s’endevènon bèn lou païs, la lengo, e lou conte, sian au nostre, sian plus dins un conte pèr parisen, escri, ausarai dire, dins uno lengo estrangiero.

Adounc, se pode vous counseia, legissès DAUDET en lengo nostre, vous n’en coungoustarés. “

* * *

AUBAGNO, coume FONT-VIÈIO autre-tèms, vèn de celebra en grand poumpo, lou 120en anniversari de la neissènço de Marcèu PAGNOL. De manifestacioun estrambourdanto, tout-de-long de l’annado 2015 an óunoura magnificamen lou grand escrivan marsihés. E à moun grand espantamen, res - dise bèn res - dins lou mounde prouvençau, dins li revisto en lengo nostro (PROUVENÇO D’ARO, LI NOUVELLO DE PROUVÈNÇO, LA REVISTO DÓU FELIBRIGE, etc...) “ s’es auboura pèr saluda uno obro que fai ounour à noste païs miejournau.

Res, demié lis “ AMI de MARCÈU PAGNOL “ (e soun pamens de deseno de milié ! ) pèr metre en relèu uno obro qu’es touto relènto e redoulènto de vido prouvençalo !

E dins tóuti li celebracioun que se soun debanado à bòudre, à AUBAGNO vo dins touto la regioun, pas uno souleto referènci à la lengo prouvençalo (Ah ! si ! anavo l’óublida : lou 28 de febrié, jour anniversàri de la neissènço de Marcel PAGNOL, uno “ espassado “ (de-qu’es acò ?, de tout segur un passo- carriero ! ) a recampa un fube d’amiratour dins li carriero d’Aubagno...

Tóuti li dicho e discours se soun espremi en francés. Fau dire qu’emé Daniè PICOULY, Ireno FRAIN, Deidié VAN CAUWELAERT, Azouz BEGAG, Jan-Nouvè PANCRAZI, Pascau BRUKNER, Karin HANN, etc... li Prouvençau se coumtavon lèu ! Ges de Prouvençau de la bono pèr saluda li merite de l’autour de la “ Trilougìo “ e subre-tout di “ Souveni d’Enfanço “ que se debanon tóuti dins lou terraire marsihés e aubagnen !

Coume se poudié pas se trouva dins tout lou relarg d’aquelo Prouvènço, quaucun que sachèsse ramenta que, se Marcèu PAGNOL n’a jamai escri en Prouvençau, èro pamens pasta d’aquelo lengo.

Jorge BERNI, dins soun “ Merveilleux Pagnol “ raporto meme aquéu prepaus de Marcèu éu-meme : “ J’ai toujours aimé parler le provençal... “ (p. 20) .

Voudriéu tambèn ramenta aquéli mot de Lucian GRIMAUD, conse d’Aubagno, acabant sa dicho lou jour de l’enterramen de Marcèu PAGNOL : “ Que ta terro de Prouvènço te siegue lóugiero... “

Qu’es bèn verai que touto l’obro de Marcèu PAGNOL tressuso la “ lengo nostro “.

N’en voulès de provo, n’en vaqui... à bòudre !

- Quàuqui dialogue de la Trilougìo :

“ - Siéu pas plus fada que tu, sas. Fau pas me prendre pèr un autre ! Siéu mèstre Panisse, e siés pas proun fort pèr m’aganta “ (Marius, p. 188 ),

“ - Ma pichouno couchado emé un ome, aquéu bregand de Marius, aquéu voulur... “ (Marius, p. 266),

“ - Es un poulit pouarc voste Marius ! Aquéu salaud que venié à l’oustau coume moun enfant. De tout sûr, il l’a prise de force.... “ (Marius, p. 269),

“ - Es un pichoun, Fanny ? Digo-me, Fanny, es un pichoun ?... (Fanny, p. 194)

“ - Tout aro, te mande un pastissoun que te desviro la tèsto... “ (Fanny p. 269), “ - Aqui, sian arriba au plus marrit. - Es un grand pecat ; es bessai lou plus grand. - De segur, es aquéu qu’ai fa lou plus souvent... “ (César, p. 27), etc..

E quau èi l’autour qu’a emplega sènso retengudo aquélis espressioun ?

“ - Aquelo empego ! Adiéu boto ! Sian poulit ! O boumian ! O bougre d’emplastre ! Jobastre ! O galavard ! O, dis, marrias ! Brigandas, vai ! Carmentran ! Pauvre couioun ! Que grand couioun ! Pauvre pichot ! Pauvre fada ! Il est fada, peuchère ! Couquin de pas Diéu ! Peuchère Petugue ! Quel enfant de garce ! Adessias, ma pichouneto ! , Boudiéu, que moustre ! , etc...

Quau èi l’escrivan qu’a utilisa tóuti aquéli mot vo espressioun granado que li vertadié prouvençau (es belèu un crime ourrible de parla de ” prouvençau de souco “) largon à bèl èime ?

“ - Tu m’espinches comme si j’étais un scélérat ! - Ugolin parpelégeait comme les étoiles... - Je suis tout estransinée... - Elle va sûrement mourir d’estransi... - Elle lui graffignait la figure comme une furie... - Ça, c’est de la couillonnade ! - Vous serrez sur votre cœur les bords du couillonisme ! - C’est le jeu de trompe-couillon... - Sois pas couillon... - Ça pourrait s’appeler aussi le jeu de casse-guibole ! - Je ne vois pas ce qu’i y a de rigolo à estropier les passants... - Une estropiadure pour la vie ! - J’ai le pied fada pour toujours ! - Il est maigre comme un prego-diéu de restouble ! - Ça finira sûrement comme une cagade... - Ils doivent avoir vergogne, les pauvres ! - Je me suis réveillé par terre, tout escagassé... - Il s’approche de garapachoun... - Elle fait un mourre de six pans de long... - Le médecin a dit qu’il était mort de l’embouligue... - Ce technicien a commencé par ensuquer le monde avec des mots d’un kilomètre, - Il a ce serpent dans la coucourde depuis dix ans... Petit à petit, ça lui a gonflé le cerveau. Alors, ça lui esquiche la racine des yeux, et ça fait qu’il le voit trop petit... “ etc...

Quau èi que saupousco sis escri d’escais-noum e de pichot noum que flairon bon lou terraire marsihés ?

- Escartefigue, Panisse, Piquoiseau, Frise-poulet, Merlusse, Topaze, Cigalon, Le Schpountz, Mond di Parpaion, Petugue, Lou Papet, Galinette, Pique-Bouffigue, Graffignette, Le Testard, Le Pescadou, Le Père Cougourde, Camoin le Gros, Camoin le Borgne, l’Ange Boufarèu, Grosse Tête-Petit Cul, Le Roi du Pois-Chiche, Maillefer, Miette, Le Tatoué, etc...

- Jean de Florette, Manon des Sources, Florette de Berangère, Pamphile de Fortunette, Louis d’Etiennette, Clarius de Reine, Philomène de Clarisse, Amélie d’Angèle, Ange de Nathalie, Claire des Bouscarles, etc...

Quau èi qu’emplego de-longo de mot prouvençau bèn souvent afranchimandi ?

- li noum de liò (Les Restoubles, le Plan des Adrets, le Vallon de Refresquières, le Pas de la Serp, le Rascla, le Valat des Alouettes, le Plantier, la Bastide-Neuve, la Bastide-Fendue, les Bastides-Blanches, la Treille, les Bellons, le Puits du Mûrier, la Baume de Passe-Temps, les Escauprès, Font-Breguette, le Tubé, le Taoumé, le Garlaban, la Gineste, la Baume des Ratepenades, le Gourg de Roubaud, la Garette, Tête-Rouge, Chantepierre, etc...),

- li noum d’animau o d’insèite ( “ la “ lèbre, la galine, le limbert, la serp, l’alude, le cabridan, etc...) ;

- li noum d’aucèu (l’agasse, le tourdre, la cero, le darnagas, la machotte, le cul-rousset, le cul-blanc, la pétouse, le coucou, la bartavelle, la bédouïde, la bouscarle, la calandre, la cardeline, la rato-penade, la gelinotte, etc...) ;

- li noum de pèis et de cruvelu (le sarran, la girelle royale, la lasàni, le fielat, le roucau, le fielat, la rascasse, la lucrèce, le fioupelan, le papagaille, la galinette, le stoquefiche, l’esquinade, la favouille... les esques, les piades, les mourre-dur, etc...),

- li noum de planto vo d’aubre (la farigoule, le pebre d’ai, l’argéras, l’yeuse, le cade, le petelin, la platane, la figuiere, la messugue, la bauco, l’espigau, l’aiet, la cèbe, etc...)

Quau èi enfin qu’emplego à bèl esprèssi li prouvèrbi dóu païs ? - Fai de bèn à Bertrand, te lou rènd en cagant... - Vènt de niue duro un pan cue... - Vènt de niue duro pas encue...

-- S’il pleut pour la Saint-Paterne, l’été sèche ta citerne... - S’il pleut le jour de l’Ascension, tout va en perdition... - S’il pleut en juin, mange ton poing, etc....

- e tambèn li cansoun traditiounalo de Prouvènço ? - La cambo me fai mau... - Adiéu paure carmentran...

- Madamo de Limagno Ié douno de castagno Fai dansa li chivau-frus : Dison que n’en volon plus !

E après tout acò, anessias pas me dire que Marcèu PAGNOL couneissié pas lou Prouvençau ! Demai douna à sis enfant li pichot noum de Frederi e d’Estello marco bèn lou respèt que l’Aubagnen manifestavo pèr lis obro dóu “ Mèstre de Maiano “

* * *

M’a pamens faugu cava founs pèr trouba de felibre qu’an sachu recounèisse l’obro prouvençalo de Marcèu PAGNOL :

- Ansin Carle ROSTAING dins la “ FRANCE LATINE “ (n° 117 de 1993) a realisa un estùdi tras- qu’interessant “ LE FRANÇAIS DE MARSEILLE DANS LA TRILOGÌE de Marcel PAGNOL” mounte espepidouno li mot e espressioun pintouresco e souligno “ l’ouriginaleta e lou cachet sabourous dóu terraire. “

- De soun coustat, Andriéu ARIES dins lou n° 40 di “ NOUVELLO DE PROUVÈNÇO “ pareigu en mars 1995, publiquè un article : “ Marcèu PAGNOL : Lou fau-ti lausa o penja ? “ .

E vaqui ço qu’escrivié :

“ Vesèn dins l’ome tres persounage :

- Lou countaire espeli en Prouvènço, que nous fai viéure emé proun de sentimen e de verita soun enfanço e sa jouinesso dins li colo dóu Garlaban : “ La gloire de mon père “, “ Le château de ma mère “, “ Le temps des secrets “. Es de retra acoulouri e perfuma que retipon emé forço de verita e de gàubi li descuberto de la Prouvènço pèr un drole à la debuto dóu siècle.

- L’autour de comèdi nous desvèlo un escrivan d’elèi engaubia pèr mounta de pèço emé de persounage tipa dóu relarg marsihés. Despietadous, fara de caricaturo di Marsihés de soun tèms, sachènt li Parisen agroumandi de tout ço que fan li “ blagaire dóu Port Vièi “. Acò se vèi pinta dins lis aficho dóu tèms signado de DUBOUT, que s’endevènon estra emé lis obro de PAGNOL. Lou dessin es autant fourça coume lou teatre.

- Lou roumancié : miés qu’un ZOLA, parié coume DAUDET e GIONO, PAGNOL aguè tout pichot la chanço d’èstre pasta de l’èime miejournau que ié douno lou biais d’estigança sis obro sus lou mode de pensa dóu Miejour. Dins si rouman, si persounage prouvençau soun pinta emé si qualita e tambèn emé si deco, sènso endulgènsi, mai sènso jamai li ridiculisa. LOU SCHPOUNTZ, lou BOULENGIÈ soun de persounage tipa, mai tambèn pinta emé forço sentimen e sensibleta.

Meme dins lou dramo caup, dins soun cop de plumo la gau naturalo di Prouvençau. En demai, dins soun parla linde e simple, es jamai counfus, s’apren qu’à encapa lou biais de la referènci au councrèt qu’es la marco de la lengo prouvençalo. “

* * *

E despièi 1995, - se noun m’engane - pas un soulet article sus Marcèu PAGNOL e soun obro dins li revisto en lengo nostro !

Pamens soun noumbrous li lausenjaire qu’an recouneigu l’impourtanço dis autour regiounau, meme s’aquéli an pas toujour escri en lengo nostro. Sènso rapela Anfos DAUDET e sis ” Ami “, se pòu trouba quàuqui bèus eisèmple.

Glaude MARTEL a escri un tras-qu’interessant libre sus “ La langue régionale d’un écrivain de Haute- Provence, Pierre MAGNAN “. Se pòu tambèn rapela li recerco menimouso de Glaude LAPEYRE sus Reinié CHAR e si “ FUIET D’IPNOS “ , lis article d’Enri FERAUD sus Enri BOSCO vo de Frederico HEBRARD sus soun paire Academician, Andriéu CHAMSON, tras-que fièr d’escriéure quàuqui pouèmo en lengo nostro... Fau tambèn nouta “ L’OME QUE PLANTAVO D’AUBRE ”, en óumage à Jan GIONO pèr Marcèu AUDEMA. Sènso óublida Pau ARENO, Jan AICARD, Ivan AUDOUARD, tóuti de prouvençau de la bono... toujour lèst pèr glourifica la lengo nostro.

* * *

E toujour rèn sus Marcèu PAGNOL !

D’aquéu vertadié “ OUSTRACISME “ que rèn, à mis iue, pòu justifica, vole crida bèn fort que n’en siéu vergougnous !

Moudèste ensignaire bountous de Prouvençau despièi 20 an dins moun pichot vilage natau, emé ma vinteno d’escoulan fidèu, se sian douna pèr toco de revira en lengo nostro de tros chausi de “ La Glòri de moun paire “, dóu“ Castèu de ma maire“ e dóu “ Tèms di Secrèt. “

E pode vous assegura que li “ Partido de casso emé Lili dins li colo dóu Garlaban “ , ‘ L’epoupèio di bartavello de Jóusè ” , “ La traversado di Castèu de ma Maire“, “ Lou rescontre dóu broucantejaire, “ La dènt de ma memèi “ , Lou serpatas de Petugo “ vo “ Lis amour d’Eisabèu “, etc.... n’an rèn de i’enveja i cascareleto de Frederi MISTRAL e de Jóusè ROUMANILLE vo i conte de Carle GALTIER e de Francés JOUVE. De vertadié tèste d’antoulougìo !

Quand pènse que lis obro de PAGNOL soun estado revirado en mai de 30 lengo (d’après Micoulau PAGNOL, lou felen de Marcèu) , e qu’eisisto ges de reviraduro de si souveni d’enfanço en ” lengo nostro “ alor que pamens traspiron lou prouvençau à bèl èime, i’a de-que n’èstre estabousi.

E que dire dóu tiatre de Marcèu PAGNOL.?

Pèr la Fèsto Prouvençalo de Jounquiero que se debano tóuti lis an despièi 20 an, PARLAREN JOUNQUIERO a óutengu l‘autourisacioun (à titre eicepciounau) de Nicoulau PAGNOL de jouga quàuqui tros de soun obro :

- “ Lou sermoun dóu curat de Manon di Font. - Li scèno de Fanny quand Cesar espèro la proumiero letro de Marius, - Lou retour de la boulengiero, “ etc...

Aquéli representacioun an couneigu - e counèisson toujour - un sucès ufanous dins mant uno Vihado de nosto regioun. Li noumbrous espetatour - meme se mestrejon pas lou Prouvençau - se coungouston d’aquéli scèno mounte la lengo nostro adus uno bono doso d’autenticita.

* * *

Entèndè souvènt, dins nòstis acamp de “ prouvençalisto “ d’ami se lagna de coustata que nosto lengo s’estenguis, que li Cous de Prouvençau s’adreisson à-n-un publi que s’apichoutis, que nòsti vihado n’acampon qu’un auditòri samena clar.

Cars ami, se dins vòsti Cous, Cafè Prouvençau, Vihado Prouvençalo reservas uno bono plaço i tèste dis escrivan regiounau (Anfos DAUDET, Ivan AUDOUARD, Pau ARENO, Andriéu CHAMSON, Reinié CHAR, Enri BOSCO, Jan GIONO, e subre-tout Marcèu PAGNOL ! ) poudès èstre assegura que vòstis auditour se coungoustaran d’aquéli adaptacioun óuriginalo que se debanaran dins de salo proun coumoulo.

Alor, dequ’esperas pèr reabilita Marcèu PAGNOL ?

Quand avès d’ome de soun engènio, es grand pecat de se n’en priva !

E tóut lou mounde ié gagnara : L’autour éu-meme que veira soun aureolo encaro mai grando, lis ensignaire e lis escoulan de Prouvençau que se chalaran de retrouba lou parfum, lis espressioun e lou gàubi de nosto bello lengo, lis amatour de tiatre que recouneiran de persounage que fan partido de nosto culturo prefoundo.

Quouro avès la chanço benesido de pousseda dins voste patrimòni regiounau d’escrivan de sa qualita, li garrouio e li counsideracioun futilo sus lou “ prouvençau “ de Marcèu PAGNOL soun que de “ parpello d’agasso “ , de “ petoulo de couniéu. “ o de “ bachiquello qu’apounchon pas un fus. “ Marcèu PAGNOL e la LENGO PROUVENÇALO Jan-Pèire MONIER

En 1997, l’annado DAUDET à FONT-VIÈIO fuguè marcado pèr de fervourous óumage rendu pèr « Lis AMI de DAUDET » à l’enfant dóu païs à l’óucasioun dóu centenàri de sa despartido. Tout-de long de l’annado forço evenimen se debanèron pèr celebra l’obro tras-qu’impourtanto d’Anfos DAUDET, escricho essencialamen en francés, mai touto embugado de l’èime prouvençau.

Ansin pareiguèron, souto l’iniciativo dis « Ami d’Anfos DAUDET », tres oubrage en prouvençau :

- « LI LETRO DE MOUN MOULIN » emé de reviraduro de Marìo MAURON, Carle GALTIER, Reinié JOUVEAU, Jan ROCHE, Jano ROUMANILLE e Enrieto DIBON (FARFANTELLO).

- « L’ARLATENCO » (reviraduro de Louis GROS (PARLO-SOULET)

- « LOU TRESOR D’ARLATAN » (reviraduro de Peireto BERENGIER), presentado en rouergas pèr CANTALAUSA.

À-n-aquesto escasènço, Bernat DESCHAMPS escriguè dins li NOUVELLO DE PROUVÈNÇO, n° 56, febrié 1997 :

« Soun noumbrous aquéli que regrèton que DAUDET ague pas escri en lengo d’O, e, dins aquéu cas, qu’aurien pas balança pèr recounèisse sis obro demié li mai grando de nosto literaturo. Escricho en francés, es uno Prouvènço pèr li Parisen, escricho en lengo nostro, aurien tengu tout l’èime dóu terraire.

E d’apoundre : « DAUDET es bèn un ome dóu Miejour, de tout lou Miejour. A escri en francés ai-las, pèr derraba sa vido, e degun, dins soun obro, a coumpres l’èime founs de Prouvènço. Mai aguèsse escri en lengo nostro, councrèto, vivènto, emé la drudiero de sis espressioun, de sis image, quet chale ! Prouvènço i’es touto ; coume d’un cop s’endevènon bèn lou païs, la lengo, e lou conte, sian au nostre, sian plus dins un conte pèr Parisen, escri, ausarai dire, dins uno lengo estrangiero.

Adounc, se pode vous counseia, legissès DAUDET en lengo nostre, vous n’en coungoustarés. »

* * *

AUBAGNO, coume FONT-VIÈIO autre-tèms, vèn de celebra en grand poumpo, lou 120en anniversàri de la neissènço de Marcèu PAGNOL. De manifestacioun estrambourdanto, tout-de-long de l’annado 2015 an óunoura magnificamen lou grand escrivan marsihés. E à moun grand espantamen, res - dise bèn res - dins lou mounde prouvençau, dins li revisto en lengo nostro (PROUVÈNÇO D’ARO, LI NOUVELLO DE PROUVÈNÇO, LA REVISTO DÓU FELIBRIGE, etc...) s’es auboura pèr saluda uno obro que fai ounour à noste païs miejournau.

Res, demié lis « AMI de MARCÈU PAGNOL » (e soun pamens de deseno de milié !) pèr metre en relèu uno obro qu’es touto relènto e redoulènto de vido prouvençalo !

E dins tóuti li celebracioun que se soun debanado à bòudre, à-n- AUBAGNO vo dins touto la regioun, pas uno souleto referènci à la lengo prouvençalo. Ah ! si ! anavo l’óublida : lou 28 de febrié, jour anniversàri de la neissènço de Marcel PAGNOL, uno « espassado » : de-qu’es acò ? de tout segur un passo-carriero ! a recampa un fube d’amiratour dins li carriero d’Aubagno...

Tóuti li dicho e discours se soun espremi en francés. Fau dire qu’emé Daniè PICOULY, Ireno FRAIN, Deidié VAN CAUWELAERT, Azouz BEGAG, Jan-Nouvè PANCRAZI, Pascau BRUKNER, Karin HANN, etc... li Prouvençau se coumtavon lèu ! Ges de Prouvençau de la bono pèr saluda li merite de l’autour de la « Trilougìo » e subre-tout di « Souveni d’Enfanço » que se debanon tóuti dins lou terraire marsihés e aubagnen !

Coume se poudié pas se trouva dins tout lou relarg d’aquelo Prouvènço, quaucun que sachèsse ramenta que, se Marcèu PAGNOL n’a jamai escri en Prouvençau, èro pamens pasta d’aquelo lengo.

Jorge BERNI, dins soun « Merveilleux Pagnol » raporto meme aquéu prepaus de Marcèu éu-meme : « J’ai toujours aimé parler le provençal... » (p. 20).

Voudriéu tambèn ramenta aquéli mot de Lucian GRIMAUD, conse d’Aubagno, acabant sa dicho lou jour de l’enterramen de Marcèu PAGNOL : « Que ta terro de Prouvènço te siegue lóugiero... »

Qu’es bèn verai que touto l’obro de Marcèu PAGNOL tressuso la « lengo nostro ».

N’en voulès de provo, n’en vaqui... à bòudre !

- Quàuqui dialogue de la Trilougìo :

«- Siéu pas plus fada que tu, sas. Fau pas me prendre pèr un autre ! Siéu mèstre Panisse, e siés pas proun fort pèr m’aganta » (Marius, p. 188 ),

«- Ma pichouno couchado emé un ome, aquéu bregand de Marius, aquéu voulur... » (Marius, p. 266),

«- Es un poulit pouarc voste Marius ! Aquéu salaud que venié à l’oustau coume moun enfant. De tout sûr, il l’a prise de force... » (Marius, p. 269),

«- Es un pichoun, Fanny ? Digo-me, Fanny, es un pichoun ?.. ». (Fanny, p. 194)

«- Tout aro, te mande un pastissoun que te desviro la tèsto.. » (Fanny p. 269), « - Aqui, sian arriba au plus marrit. - Es un grand pecat ; es bessai lou plus grand. - De segur, es aquéu qu’ai fa lou plus souvènt.. » (César, p. 27), etc..

E quau èi l’autour qu’a emplega sènso retengudo aquélis espressioun ?

«- Aquelo empego ! Adiéu boto ! Sian poulit ! O boumian ! O bougre d’emplastre ! Jobastre ! O galavard ! O, dis, marrias ! Brigandas, vai ! Carmentran ! Pauvre couioun ! Que grand couioun ! Pauvre pichot ! Pauvre fada ! Il est fada, peuchère ! Couquin de pas Diéu ! Peuchère Petugue ! Quel enfant de garce ! Adessias, ma pichouneto ! , Boudiéu, que moustre ! , etc.. ».

Quau èi l’escrivan qu’a utilisa tóuti aquéli mot vo espressioun granado que li vertadié prouvençau (es belèu un crime ourrible de parla de « prouvençau de souco ») largon à bèl èime ?

«- Tu m’espinches comme si j’étais un scélérat ! - Ugolin parpelégeait comme les étoiles... - Je suis tout estransinée... - Elle va sûrement mourir d’estrànsi... - Elle lui graffignait la figure comme une furie... - Ça, c’est de la couillonnade ! - Vous serrez sur votre cœur les bords du couillonisme ! - C’est le jeu de trompe-couillon... - Sois pas couillon... - Ça pourrait s’appeler aussi le jeu de casse-guibole ! - Je ne vois pas ce qu’i y a de rigolo à estropier les passants... - Une estropiadure pour la vie ! - J’ai le pied fada pour toujours ! - Il est maigre comme un prego-diéu de restouble ! - Ça finira sûrement comme une cagade... - Ils doivent avoir vergogne, les pauvres ! - Je me suis réveillé par terre, tout escagassé... - Il s’approche de garapachoun... - Elle fait un mourre de six pans de long... - Le médecin a dit qu’il était mort de l’embouligue... - Ce technicien a commencé par ensuquer le monde avec des mots d’un kilomètre, - Il a ce serpent dans la coucourde depuis dix ans... Petit à petit, ça lui a gonflé le cerveau. Alors, ça lui esquiche la racine des yeux, et ça fait qu’il le voit trop petit... » etc...

Quau èi que saupousco sis escri d’escais-noum e de pichot noum que flairon bon lou terraire marsihés ?

- Escartefigue, Panisse, Piquoiseau, Frise-poulet, Merlusse, Topaze, Cigalon, Le Schpountz, Mond di Parpaion, Petugue, Lou Papet, Galinette, Pique-Bouffigue, Graffignette, Le Testard, Le Pescadou, Le Père Cougourde, Camoin le Gros, Camoin le Borgne, l’Ange Boufarèu, Grosse Tête-Petit Cul, Le Roi du Pois-Chiche, Maillefer, Miette, Le Tatoué, etc...

- Jean de Florette, Manon des Sources, Florette de Berangère, Pamphile de Fortunette, Louis d’Etiennette, Clarius de Reine, Philomène de Clarisse, Amélie d’Angèle, Ange de Nathalie, Claire des Bouscarles, etc...

Quau èi qu’emplego de-longo de mot prouvençau bèn souvent afranchimandi ?

- li noum de liò (Les Restoubles, le Plan des Adrets, le Vallon de Refresquières, le Pas de la Serp, le Rascla, le Valat des Alouettes, le Plantier, la Bastide-Neuve, la Bastide-Fendue, les Bastides-Blanches, la Treille, les Bellons, le Puits du Mûrier, la Baume de Passe-Temps, les Escauprès, Font-Breguette, le Tubé, le Taoumé, le Garlaban, la Gineste, la Baume des Ratepenades, le Gourg de Roubaud, la Garette, Tête-Rouge, Chantepierre, etc...),

- li noum d’animau o d’insèite ( la lèbre, la galine, le limbert, la serp, l’alude, le cabridan, etc...) ;

- li noum d’aucèu (l’agasse, le tourdre, la cero, le darnagas, la machotte, le cul-rousset, le cul-blanc, la pétouse, le coucou, la bartavelle, la bédouïde, la bouscarle, la calandre, la cardeline, la rato-penade, la gelinotte, etc...) ;

- li noum de pèis et de cruvelu (le sarran, la girelle royale, la lasàni, le roucau, le fielat, la rascasse, la lucrèce, le fioupelan, le papagaille, la galinette, le stoquefiche, l’esquinade, la favouille... les esques, les piades, les mourre-dur, etc...),

- li noum de planto vo d’aubre (la farigoule, le pebre d’ai, l’argéras, l’yeuse, le cade, le petelin, la platane, la figuiere, la messugue, la bauco, l’espigau, l’aiet, la cèbe, etc.…)

Quau èi enfin qu’emplego à bèl esprèssi li prouvèrbi dóu païs ? - Fai de bèn à Bertrand, te lou rènd en cagant... - Vènt de niue duro un pan cue... - Vènt de niue duro pas encue...

-- S’il pleut pour la Saint-Paterne, l’été sèche ta citerne... - S’il pleut le jour de l’Ascension, tout va en perdition... - S’il pleut en juin, mange ton poing, etc....

- e tambèn li cansoun traditiounalo de Prouvènço ? - La cambo me fai mau... - Adiéu paure carmentran...

- Madamo de Limagno Ié douno de castagno Fai dansa li chivau-frus : Dison que n’en volon plus !

E après tout acò, anessias pas me dire que Marcèu PAGNOL couneissié pas lou Prouvençau ! Demai douna à sis enfant li pichot noum de Frederi e d’Estello marco bèn lou respèt que l’Aubagnen manifestavo pèr lis obro dóu « Mèstre de Maiano ».

* * *

M’a pamens faugu cava founs pèr trouba de felibre qu’an sachu recounèisse l’obro prouvençalo de Marcèu PAGNOL :

- Ansin Carle ROSTAING dins la « FRANCE LATINE » (n° 117 de 1993) a realisa un estùdi tras- qu’interessant « LE FRANÇAIS DE MARSEILLE DANS LA TRILOGIE de Marcel PAGNOL » mounte espepidouno li mot e espressioun pintouresco e souligno «l’ouriginaleta e lou cachet sabourous dóu terraire ».

- De soun coustat, Andriéu ARIES dins lou n° 40 di « NOUVELLO DE PROUVÈNÇO » pareigu en mars 1995, publiquè un article : «Marcèu PAGNOL : Lou fau-ti lausa o penja ? ».

E vaqui ço qu’escrivié :

«Vesèn dins l’ome tres persounage :

- Lou countaire espeli en Prouvènço, que nous fai viéure emé proun de sentimen e de verita soun enfanço e sa jouinesso dins li colo dóu Garlaban : « La gloire de mon père », « Le château de ma mère », « Le temps des secrets ». Es de retra acoulouri e perfuma que retipon emé forço de verita e de gàubi li descuberto de la Prouvènço pèr un drole à la debuto dóu siècle.

- L’autour de comèdi nous desvèlo un escrivan d’elèi engaubia pèr mounta de pèço emé de persounage tipa dóu relarg marsihés. Despietadous, fara de caricaturo di Marsihés de soun tèms, sachènt li Parisen agroumandi de tout ço que fan li « blagaire dóu Port Vièi ». Acò se vèi pinta dins lis aficho dóu tèms signado de DUBOUT, que s’endevènon estra emé lis obro de PAGNOL. Lou dessin es autant fourça coume lou teatre.

- Lou roumancié : miés qu’un ZOLA, parié coume DAUDET e GIONO, PAGNOL aguè tout pichot la chanço d’èstre pasta de l’èime miejournau que ié douno lou biais d’estigança sis obro sus lou mode de pensa dóu Miejour. Dins si rouman, si persounage prouvençau soun pinta emé si qualita e tambèn emé si deco, sènso endulgènsi, mai sènso jamai li ridiculisa. LOU SCHPOUNTZ, lou BOULENGIÈ soun de persounage tipa, mai tambèn pinta emé forço sentimen e sensibleta.

Meme dins lou dramo caup, dins soun cop de plumo la gau naturalo di Prouvençau. En demai, dins soun parla linde e simple, es jamai counfus, s’apren qu’a encapa lou biais de la referènci au councrèt qu’es la marco de la lengo prouvençalo. »

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E despièi 1995, - se noun m’engane - pas un soulet article sus Marcèu PAGNOL e soun obro dins li revisto en lengo nostro !

Pamens soun noumbrous li lausenjaire qu’an recouneigu l’impourtanço dis autour regiounau, meme s’aquéli an pas toujour escri en lengo nostro. Sènso rapela Anfos DAUDET e sis « Ami », se pòu trouba quàuqui bèus eisèmple.

Glaude MARTEL a escri un tras-qu’interessant libre sus « La langue régionale d’un écrivain de Haute- Provence, Pierre MAGNAN ». Se pòu tambèn rapela li recerco menimouso de Glaude LAPEYRE sus Reinié CHAR e si « FUIET D’IPNOS », lis article d’Enri FERAUD sus Enri BOSCO vo de Frederico HEBRARD sus soun paire Academician, Andriéu CHAMSON, tras-que fièr d’escriéure quàuqui pouèmo en lengo nostro... Fau tambèn nouta « L’OME QUE PLANTAVO D’AUBRE », en óumage à Jan GIONO pèr Marcèu AUDEMA. Sènso óublida Pau ARENO, Jan AICARD, Ivan AUDOUARD, tóuti de prouvençau de la bono... toujour lèst pèr glourifica la lengo nostro.

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E toujour rèn sus Marcèu PAGNOL !

D’aquéu vertadié « OUSTRACISME » que rèn, à mis iue, pòu justifica, vole crida bèn fort que n’en siéu vergougnous !

Moudèste ensignaire bountous de prouvençau despièi 20 an dins moun pichot vilage natau, emé ma vinteno d’escoulan fidèu, se sian douna pèr toco de revira en lengo nostro de tros chausi de « La Glòri de moun paire », dóu « Castèu de ma maire » e dóu « Tèms di Secrèt ».

E pode vous assegura que li « Partido de casso emé Lili dins li colo dóu Garlaban », « L’epoupèio di bartavello de Jóusè », « La traversado di Castèu de ma Maire », « Lou rescontre dóu broucantejaire », « La dènt de ma memèi », « Lou serpatas de Petugo » vo «Lis amour d’Eisabè », etc.... n’an rèn de i’enveja i cascareleto de Frederi MISTRAL e de Jóusè ROUMANILLE vo i conte de Carle GALTIER e de Francés JOUVE. De vertadié tèste d’antoulougìo !

Quand pènse que lis obro de PAGNOL soun estado revirado en mai de 30 lengo (d’après Micoulau PAGNOL, lou felen de Marcèu) , e qu’eisisto ges de reviraduro de si souveni d’enfanço en « lengo nostro » alor que pamens traspiron lou prouvençau à bèl èime, i’a de-que n’èstre estabousi.

E que dire dóu tiatre de Marcèu PAGNOL ?

Pèr la Fèsto Prouvençalo de Jounquiero que se debano tóuti lis an despièi 20 an, PARLAREN JOUNQUIERO a óutengu l‘autourisacioun (à titre eicepciounau) de Nicoulau PAGNOL de jouga quàuqui tros de soun obro :

- « Lou sermoun dóu curat de Manon di Font. - Li scèno de Fanny quand Cesar espèro la proumiero letro de Marius, - Lou retour de la boulengiero, » etc...

Aquéli representacioun an couneigu - e counèisson toujour - un sucès ufanous dins mant uno Vihado de nosto regioun. Li noumbrous espetatour - meme se mestrejon pas lou Prouvençau - se coungouston d’aquéli scèno mounte la lengo nostro adus uno bono doso d’autenticita.

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Entènde souvènt, dins nòstis acamp de « prouvençalisto » d’ami se lagna de coustata que nosto lengo s’estenguis, que li Cous de prouvençau s’adreisson à-n-un publi que s’apichoutis, que nòsti vihado n’acampon qu’un auditòri samena clar.

Cars ami, se dins vòsti Cous, Cafè Prouvençau, Vihado Prouvençalo reservas uno bono plaço i tèste dis escrivan regiounau (Anfos DAUDET, Ivan AUDOUARD, Pau ARENO, Andriéu CHAMSON, Reinié CHAR, Enri BOSCO, Jan GIONO, e subre-tout Marcèu PAGNOL ! ) poudès èstre assegura que vòstis auditour se coungoustaran d’aquélis adaptacioun óuriginalo que se debanaran dins de salo proun coumoulo.

Alor, dequ’esperas pèr reabilita Marcèu PAGNOL ?

Quand avès d’ome de soun engenìo, es grand pecat de se n’en priva !

E tout lou mounde ié gagnara : L’autour éu-meme que veira soun aureolo encaro mai grando, lis ensignaire e lis escoulan de prouvençau que se chalaran de retrouba lou perfum, lis espressioun e lou gàubi de nosto bello lengo, lis amatour de tiatre que recouneiran de persounage que fan partido de nosto culturo prefoundo.

Quouro avès la chanço benesido de pousseda dins voste patrimòni regiounau d’escrivan de sa qualita, li garrouio e li counsideracioun futilo sus lou « prouvençau » de Marcèu PAGNOL soun que de « parpello d’agasso », de « petoulo de couniéu » o de « bachiquello qu’apounchon pas un fus ». UNE PREMIERE MONDIALE DANS LE DOMAINE DES DROITS LINGUISTIQUES Par Jozef Sivák Académie slovaque des Sciences, Bratislava

Les 19-23 mai dernier, avait lieu le 1er Congrès Mondial des droits linguistiques sur le sol de l’Université de Teramo en Italie centrale sous le Gran Sasso qui domine les Apennins. En faisaient partie les manifestations bien rodées déjà : la XIVe Conférence de l’Académie internationale de Droit linguistique (AIDL), les XIèmes Journées des Droits linguistiques et le 3ème Salon de la diversité linguistique.

Si le gros des travaux du congrès se déroulait à Teramo, il y avait aussi des manifestations et visites dans les environs, à Giulianova ou à Villa Badessa. Outre l’Université de Teramo, parmi les organisateurs se trouvaient aussi l’Académie Internationale de Droit Linguistique de Montréal et l’association LEM-Italia ayant pour mission la défense de la diversité linguistique et culturelle en Italie, en Europe et en Méditerranée.

Le thème général du Congrès fut : Droits linguistiques entre représentations, idéologie et politique linguistiques. Quels rapports, quelle(s)intervention(s) ? Pour analyser ce rapport complexe entre les représentations linguistiques et les idéologies qui les conditionnent et aux retombées concrètes sur le plan des politiques linguistiques, l’ambition de ce Congrès était de contribuer à la création d’une « linguistique d’interventions » au niveau international.

Pour réaliser cet objectif, des spécialistes furent secondés par des représentants des institutions et de la société civile pour porter plus loin les questions qui résonnent dans l’opinion publique y compris dans les communautés linguistiques. Plus d’une centaine de participants de près de 30 pays de tous les continents se rencontrèrent ainsi pour dialoguer autour d’un thème supposant des approches interdisciplinaires entre le droit, la linguistique (sociolinguistique et géolinguistique), la sociologie, les sciences politiques, l’économie, etc.

Par ailleurs, ce Congrès enchaîne au Manifeste de Gérone des droits linguistiques, approuvé le 30 septembre 2013 par l’Assemblée générale du PEN International lors de son 77ème Congrès annuel. Le choix du lieu (Girona), une ville de Catalogne, n’était pas dû au hasard.

Les plénières et les communications, en alternance, d’un riche programme furent réparties en 7 sections ou axes.

L’axe 1 – Souveraineté ou malaise/aliénation linguistique ? De la sphère individuelle aux enjeux sociaux – fut introduit par la conférence plénière de Joseph Lo Bianco (Univ. de Melbourne) : Peacebuilding and language rights in the three conflict-affected settings in SE Asia. Les communications portaient sur l’(in)sécurité linguistique (cas des Louisianais et des franco- provençaux de l’Italie du sud), l’accès à la maîtrise d’une langue, à l’autodétermination ethnonymique, la politisation de l’étymologie et la traduction d’une appellation comme Hongrie, la définition d’une minorité linguistique, la langue des signes.

L’axe 2 – Les représentations des identités en contexte multilingue : pourquoi et comment intervenir ? – fut inauguré par la plénière prononcée par Bruno Maurer (Univ. de Montpellier) : Les représentations sociales de langue et identité en Méditerranée en contexte multilingue. Plus en détail, c’est la problématique de l’intégration des minorités linguistiques, (serbes et turques en France, anglophone au Québec, portugaise à Montréal), plurilinguisme en Algérie, des langues régionales au Tatarstan, ect., tout cela les sujets des communications.

L’axe 3 – Droit et langue, identité linguistique et identité juridique – comportait même deux plénières, celle Theodorus Du Plessis (Univ. De Bloemfontein) : Comparing language laws from a sociolinguistic point of view. The South African Languages Bill ; 2003 versus the Use of Official Languages Act. 2012. Et celle de Ning Ye (Zheyiang Police College) : Approach to « ordinary residence » : a sociosemiotic construction. L’objectif en était donc la langue de la loi comme codification des droits linguistiques, d’un côté, l’influence du niveau linguistico-culturel sur cette codification, de l’autre. Les communications étaient aussi des comparaisons pour la plupart, que ce soit entre les langues (français, géorgien et chinois), ou entre le linguistique, le juridique et le politique au Brésil, au Canada, en France, en Espagne.

L’axe 4 – minorités ou groupes invisibles, droits manqués, droits abusés – comportait deux plénières : celle de Gabriele Innàccaro (Univ. de Stockholm) Conoscere per ben operare : la valutazione della vitalità linguistica in vista di azioni de sostegno e recupero et celle de Michel Ducet (Univ. de Moncton) Regard sur les droits linguistiques : l’importance du territoire vu le respect de la règle de droit. Cet axe a approfondi le précédent par l’analyse des cas.

L’axe 5 – Les droits linguistiques face aux hégémonies linguistiques – a été introduit par la conférence plénière de Jean-François Baldi (Délégation générale à la langue française et aux langues de France) : Langue française, langues de France : deux droits, une politique ? Cette intervention pouvait intéresser en particulier les minorités linguistiques en France étant donné que c’est d’elles et de la demande de la société civile que dépendrait l’élargissement de leurs droits. Les communications relataient ce dialogue entre les autorités et les ayants droit linguistiques, qu’il s’agisse d’une minorité linguistique (minorités anglophone au Québec, russes en Ukraine et aux pays baltes, albanaise en Croatie, au Cameroun, kabyle en Algérie, corse en France, francophone en Ontario, Ouïgours en Chine) ou d’un secteur (santé, société, éducation, média, travail). Deux autres problématiques discutées : le multiculturalisme et le multilinguisme en Europe et dans les institutions européennes. Une table ronde clôturant cette section devait répondre à la question : La lingua franca internationale (allusion à l’anglais) : internationalisation des savoirs, conformisme ou impérialisme ?

L’axe 6 – Enjeux et acteurs de la reconnaissance – commença avec la plénière de Vincenzo Pepe (Univ de Naples) intitulée : Biodiversità culturale, diritti linguistici e identità. Cet axe enchaînant au précédent apporte des actions et des stratégies au niveau institutionnel comme non-institutionnel de la société civile. Aussi certaines communications reprennent-elles des sujets comme politique linguistique, plurilinguisme du point de vue de la reconnaissance (Rrom et Sinti en Italie, Kurdes en Turquie, Louisianais francophones) ; d’autres portent sur l’intercompréhension, la diversité linguistique dans l’éducation y compris la diversité linguistique numérique.

L’axe 7 – Asymétrie, contradictions, négations – se composait uniquement des communications consacrées à la diversité linguistique dans les tribunaux et les textes juridiques notamment au Canada et en Afrique du Sud.

La conférence de clôture fut confiée à H. Giordan du Forum des langues de France qui, empêché, ne pouvait pas venir et ce fut le Prof. Giovanni Agresti, organisateur du Congrès du côté italien qui l’a présentée en partie. Le texte complet sous forme d’un article intitulé La notion de diversité linguistique en question était mis à la disposition des participants. En voici un résumé.

Partant du paradoxe consistant dans les appels de plus en plus nombreux en faveur de la diversité linguistique, alors que l’on n’arrive pas à arrêter la disparition progressive des langues, ce « bien commun de l’humanité », l’auteur attire l’attention sur la double perte dans la mort des langues : celle pour nos sociétés et celle pour les communautés linguistiques concernées. Dans le premier cas, c’est l’apport de l’étude des langues minoritaires – peu importe le nombre de leurs locuteurs – à la linguistique, à la logique et aux neurosciences qui serait en jeu. De l’autre côté, les locuteurs seraient privés des connaissances de la nature, leur histoire, de leur culture et avec eux de toute l’humanité : « L’importance de cet apport des langues minoritaires menacées de disparition à la connaissance humaine -… est d’une importance qui n’a été qu’imparfaitement valorisée et qui est considérable. » Une perte qui serait irremplaçable sans parler du fait que la mort des langues entraîne celle des peuples. Et il est possible de concilier le maintien d’une langue avec le développement économique et éducatif de ses locuteurs.

Toute une stratégie est alors proposée pour sauver ces langues et ce sans discrimination aucune, chacune ayant la valeur d’une création humaine. - En premier lieu, ce sont « l’archivage et la revitalisation des langues minoritaires », ce qui présuppose la promotion d’une « linguistique de la conservation ou préventive », en formant aussi bien des linguistes indigènes qu’universitaires. Cette stratégie se réalise déjà mais hors de l’université, par ex. par Summer Institute of Linguistics (SIL) ou la Fondation Volkswagen et ce n’est que récemment qu’une équipe universitaire Dynamique du Langage à l’Université de Lyon se penchait sur les résultats d’un projet de revitalisation relatif à la langue rama du Nicaragua.

- En second lieu, c’est la « reconnaissance juridique » qu’une telle revitalisation requiert. Dans ce domaine les textes et les initiatives sont nombreux allant des organisations européennes et africaines à l’ONU en passant par l’UNESCO. Le rapporteur déplore, néanmoins, que ces textes se traduisent difficilement dans les faits ainsi qu’en témoigne la ratification toujours différée par la France de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires en attendant que les efforts en vue de la tenue d’un Sommet mondial sur le Multilinguisme sous l’égide de l’ONU aboutissent.

- En troisième lieu, cette nécessaire évolution de la pensée scientifique et juridique ne suffit pas : elle doit être accompagnée d’une évolution de l’opinion publique et de l’information sur la diversité linguistique tout en abandonnant le « mythe de Babel », synonyme de « confusion » pour le terme de « division », fondement de la pluralité des langues dont la préservation n’est pas moins importante que la protection de l’environnement. Mais là encore la difficile mobilisation de l’opinion publique risque de se traduire par la disparition des langues sans être même archivées. - Enfin, ce sont les locuteurs eux-mêmes qui doivent se mobiliser et manifester la volonté de « loyauté linguistique » envers leur langue, bien commun de l’humanité, et contribuer à la sensibilisation de l’opinion publique sur l’importance de la diversité linguistique en général.

Les conférences plénières comme les communications doivent être publiées dans les Actes du Congrès 2015. La prochaine, XVème Conférence internationale de l’Académie internationale de droit linguistique sur le droit et la langue « Droit, langue et justice » aura lieu en 2017 à l’Institut de Police du Zhejiang, Hangzhou en Chine. Recherche : utilité de l’ethnologie régionale Laurent Sébastien Fournier Département d’anthropologie, Université d’Aix-Marseille

Dans les recherches sur les cultures régionales, l’ethnologie peut jouer un rôle important. Mais cette discipline scientifique, appelée aussi anthropologie sociale et culturelle, reste hélas trop souvent méconnue du grand public car elle n’est pas enseignée dans les collèges et les lycées. Son enseignement n’est assuré que dans certaines universités. Il s’agit d’une discipline « de synthèse », c’est-à-dire qu’elle utilise des éléments de géographie, d’histoire, de sociologie et de plusieurs autres disciplines des sciences humaines et sociales, avec pour objectif de comprendre ce qui fait à la fois l’unité de l’homme et la diversité des cultures. Le projet de la discipline est immense puisqu’il s’agit, sous toutes les latitudes et dans toutes les civilisations, de comprendre l’évolution des cultures, la diffusion des techniques, le fonctionnement des systèmes sociaux, la structure des mythes et des rites, les raisons des conflits ou les manières dont les gens interprètent ce qu’ils font. Les méthodes de travail de l’ethnologie sont basées sur l’enquête, appelée aussi « ethnographie », qui se fait par le moyen d’entretiens et en prenant des notes lors d’une immersion longue dans le groupe étudié, qui peut durer plusieurs mois voire plusieurs années.

Historiquement, l’ethnologie et l’anthropologie se sont surtout développées dans les empires coloniaux, car il y avait un intérêt politique direct à mieux comprendre les peuples colonisés pour mieux les administrer. L’ethnologie a ainsi été très longtemps associée à l’étude de populations exotiques et s’est intéressée en priorité à des groupes très éloignés dans l’espace. Pourtant, depuis quelques décennies, les ethnologues ont adapté leurs analyses à des sociétés européennes proches. En effet, pourquoi nos sociétés seraient-elles fondamentalement différentes de celles des autres ? L’objectif des ethnologues est de comprendre de manière globale des sociétés locales, en étudiant tour à tour les dimensions politiques, économiques, religieuses, familiales, sociales, esthétiques, technologiques, juridiques et morales qui concourent à faire de ces sociétés des ensembles spécifiques. En se penchant ainsi sur leurs propres sociétés, les ethnologues de l’Europe sont amenés à travailler main dans la main avec les autres spécialistes de la région qu’ils étudient. Ils sont aussi amenés à revisiter les travaux de ceux qu’on appelait jadis des « folkloristes » et qui dès le XIXe siècle se sont occupés de collecter les traces des civilisations traditionnelles qu’ils voyaient disparaître sous leurs yeux. Ainsi, les ethnologues de la Provence contemporaine s’inscrivent dans la continuité des Félibres-folkloristes qui collectaient les rites, les légendes et les traditions régionales sous l’impulsion de Frédéric Mistral.

Dans les milieux régionalistes, pourtant, l’ethnologie n’est pas toujours reconnue à sa juste valeur. Il faut dire qu’une étude scientifique objective d’une région donnée n’en montre pas que les bons côtés. Or, le régionalisme, comme projet politique, porte un discours qui vise d’abord à « faire avancer la cause ». La tentation est grande, en politique, de décerner des bons et des mauvais points, et de gommer certains aspects de la réalité au profit d’autres que l’on souhaite valoriser. Le propos de l’ethnologie est nécessairement différent puisqu’il relève de la science, pas de la politique. L’ethnologue devra s’efforcer d’être objectif, c’est-à-dire de montrer et d’analyser aussi ce qu’il n’approuve pas. C’est pourquoi il faut bien distinguer ce qui relève de l’ethnologie régionale et ce qui relève de l’action régionaliste. Mistral lui-même l’avait bien compris, lui qui a produit à la fois une œuvre d’écrivain engagé et une œuvre de savant. Si ses textes littéraires sont fondateurs du sentiment régionaliste provençal, son œuvre de savant est plus neutre : le Trésor dóu Félibrige qu’il a réalisé est une œuvre de science qui relève avant tout de la linguistique et de l’ethnologie.

L’ethnologie régionale, en Provence, a produit un ensemble important de connaissances. Au XIXe siècle, parallèlement au travail de Mistral déjà mentionné, il faut citer les travaux de Bérenger- Féraud par exemple sur les traditions provençales. Plus tard, entre les deux guerres, des ethnologues enquêteurs sont envoyés en Provence par le musée national des Arts et Traditions populaires de Paris. Ces enquêteurs s’intéressent à la farandole, à la « bouvino », aux savoir-faire professionnels des agriculteurs ou des artisans, aux fêtes de Saint-Eloi et de Saint-Roch dans l’arrondissement de Châteaurenard, aux santonniers d’Aix et de Marseille, aux coutumes des petits pêcheurs de la côte méditerranéenne. Dans la continuité de ces enquêtes, Louis Dumont publiera après la Seconde guerre mondiale son maître-livre sur La Tarasque, où il démontre l’articulation étroite qui existe entre la légende médiévale de Sainte-Marthe et les fêtes actuelles de la Tarasque. Avec ces travaux, on se rend compte de la complexité de la culture régionale provençale, là où de nombreux auteurs littéraires ne font que cultiver des stéréotypes et enfoncer le Provençal dans une image de farceur et de « galéjaïre » toujours impétueux et incapable de dominer ses sentiments. En bien écoutant les personnes enquêtées et en refusant les clichés et les simplifications, les ethnologues arrivent ainsi à illustrer toute la richesse d’une culture régionale singulière.

Plus tard, un homme comme Charles Galtier a pratiqué l’ethnologie régionale avec beaucoup de finesse. A partir des années 1950 il travaille sur les jeux, sur les contes et les proverbes, sur la médecine populaire, sur les techniques des vanniers à Vallabrègues ou sur les « cacharello d’amelo » à Eygalières. Il soutient sa thèse d’ethnologie à l’Université de Montpellier à la fin des années 1960. Mais après 1968, la société française est en plein changement et l’ethnologie aussi. Il existe dans les années 1970 une prise de conscience concernant les traditions locales. Sur le Larzac, on résiste à la modernité et on revendique de « vieure e travaia au païs ». Avec la crise pétrolière et le début du chômage, la période encourage à la réflexion sur le devenir des sociétés rurales. On réinvente des fêtes, on se met à la poterie, on redécouvre des savoir-faire anciens et on cultive une certaine nostalgie des temps passés. Par ailleurs, à la même époque l’université s’ouvre au plus grand nombre et devient un système de formation de masse. La plupart des chaires d’ethnologie et d’anthropologie sont fondées dans ces années-là, en réponse à une certaine interrogation vis-à-vis du devenir des sociétés traditionnelles. A Aix, l’ethnologue Christian Bromberger s’intéresse à la chasse dans le Var, ou encore aux spécificités de l’architecture rurale provençale. D’autres ethnologues collectent la parole des anciens en s’intéressant plus particulièrement aux variantes linguistiques locales. On s’intéresse aussi au pastoralisme et à la tauromachie camarguaise, ou encore aux fêtes et à la valorisation des productions locales.

Aujourd’hui, on peut dire que la donne a encore changé, avec les dernières transformations de la région dues au tourisme, au TGV et à l’arrivée de nouveaux groupes de population. Si l’immigration n’est pas un phénomène nouveau en Provence, elle est désormais polarisée autour de modalités très différentes : immigration de nécessité venue du sud ou de l’est et immigration de loisir venue du nord. Il faut aussi considérer, dans un monde toujours plus mobile, l’expatriation de nombreux jeunes provençaux qui doivent aller chercher du travail ailleurs. Avec cet important brassage culturel il convient d’être extrêmement prudent lorsqu’on tente de définir ce que serait la « vraie » Provence. L’ethnologie, qui se méfie du mythe de l’authenticité, n’a pas cette ambition, du reste. La seule chose que l’on peut dire, c’est qu’il existe autant de « Provences » imaginées que d’individus. A côté de la Provence des Provençaux, il y a la Provence qu’imaginent touristes, visiteurs et nouveaux résidents. Et la richesse de la Provence vient justement, dans la perspective ethnologique, du fait qu’elle peut se prêter à des interprétations aussi nombreuses que variées. Ceux et celles qui pensent la Provence différemment de nous ne sont ni inférieurs, ni fous, ni malades : ils sont juste différents. Pour éviter de perdre son temps et de se noyer dans des conflits stériles et trop souvent fratricides, il est aujourd’hui urgent de s’en souvenir.

A vrai dire, d’un point de vue ethnologique ou anthropologique, ceux que nous considérons comme nos ennemis sont sans doute des gens aussi rationnels que nous et vivent des vies qui leur semblent tout à fait cohérentes et sensées. Ils ont peut-être même des pensées et des conceptions semblables aux nôtres, mais ils les expriment différemment. Cela signifie que si on les attaque ou si on les contredit, cela n’a rien à voir avec une quelconque vérité que nous détiendrions, mais plutôt avec une décision rationnelle de notre part. Cela signifie aussi que si on y consacre un peu de temps, on arrivera à comprendre ce que nos ennemis pensent, même si l’on n’est pas d’accord avec eux. Dans un monde où la différence culturelle est devenue la norme, où les migrations et les circulations sont partout, il est primordial de privilégier la tolérance à l’autre, l’ouverture d’esprit, la curiosité, et une bonne dose de scepticisme vis-à-vis de nos propres conceptions de l’existence. Il est illusoire d’amener les autres à vivre de la manière que nous préférons, mais il est possible en revanche de les accepter et de dialoguer avec eux. C’est un chemin plus exigeant, mais le seul qui permet de transmettre et de partager ce dont nous avons hérité.

Dans une Provence en pleine mutation, confrontée à un monde en rapide évolution, l’ethnologie régionale est primordiale car elle permet de prendre du recul et, peut-être, de fédérer des points de vue contradictoires au sujet de l’unité et de la diversité de la région. En acceptant de prendre en compte la complexité constitutive de la Provence, en acceptant de suspendre son jugement et de porter sur la Provence le « regard éloigné » de l’ethnologue, en étant attentif à ce que les innovations peuvent nous apporter de positif, il semble possible de ne pas tomber dans les pièges faciles du passéisme et du conservatisme. Mistral a dit que « les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut », et cela a souvent été interprété comme un encouragement à cultiver exclusivement ses racines. On s’est servi de cette phrase, dans certains milieux politiques, pour condamner certaines dérives attribuées à la modernité. Mais ne devrait-on pas comprendre cette phrase dans un tout autre sens ? N’est-ce pas la deuxième partie de la phrase qui est la plus importante ? Cela signifierait qu’il ne faut pas faire une fixation sur les racines elles-mêmes, ni déplorer leur disparition, mais plutôt s’en servir de base pour aller plus loin et plus haut, en incluant toutes les bonnes volontés présentes. L’ethnologie, en accroissant la connaissance des cultures régionales et en critiquant l’instrumentalisation des identités par les idéologies politiques, serait alors un formidable outil pour mettre le potentiel culturel régional au service de l’homme.

Quelques repères bibliographiques :

Bromberger, Christian, 1989, « Ethnographie », in Provence : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Paris, Editions Christine Bonneton, pp. 85-249.

Dumont, Louis, 1951, La Tarasque : essai de description d’un fait local d’un point de vue ethnographique, Paris, Gallimard.

Fournier, Laurent Sébastien, 2005, La fête en héritage : enjeux patrimoniaux de la sociabilité provençale, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence.

Fournier, Laurent Sébastien, 2013, « L’œuvre de Charles Galtier (1913-2004), entre littérature et anthropologie », in L’Astrado, n°48, pp. 81-104.

Mistral, Frédéric, 1968 [1887], Lou Trésor dou Félibrige, dictionnaire provençal/français, Barcelone, Edicioun Ramoun Bérenguier (2 volumes).

L’identité des Alpes Maritimes Par Henri Costamagna

Alpes Maritimes ? En premier c'est une région originale où le monde alpin entre directement en contact avec la Méditerranée, c’est-à-dire deux zones constitutives du continent européen.

Le nom d'Alpa Maritimi a été donné pour la première fois à la province fondée par Rome au début de l’ère chrétienne. En 1860 la création de l’actuel département des Alpes Maritimes provenait déjà d’une réalité territoriale plus petite depuis 1388.

Baptisé « Comté de Nice » au XVIème siècle, cette entité devint lors de la Révolution et de l’Empire, un premier département des Alpes Maritimes, mais l’arrondissement de Grasse en était exclu, sa frontière occidentale s’arrêtant au fleuve Var. Il y a donc au cours des âges une réalité historique coïncidant presque avec l’ensemble géographique.

La première caractéristique qu’on peut remarquer est celle de « Marche Frontière » ouverte et à vocation internationale et surtout européenne.

Déjà aux temps préhistoriques les gravures rupestres de la Vallée des Merveilles faisaient partie d’un ensemble développé dans l’arc alpin (haut Adige, Val Camonica, Val d’Ossola, Val d’Aoste, haute Maurienne, Balzi Rossi). Et si le culte célébré au mont Bégo était de nature taurine, il replaçait le site dans le contexte des civilisations primitives de la Méditerranée.

Avec les Ligures, peuplades encore mal connus, émerge un aspect supra montagnard, puisque les tribus des Ecdini, considérées comme habitant la Vallée de la Tinée et celle des Esubiani habitant la Vésubie sont inscrites à la fois sur l’arc romain de Suse et le trophée de la Turbie. Les Romains en 63 ont créé un district avec des limites imprécises. Mais il s’agissait avant tout d’une division stratégique, qui respectât longtemps des réalités différentes, un haut pays resté surtout ligure bien que gagné par la romanisation et une bande côtière grecque : la chora. Ce qui explique l’anomalie deux évêchés distant de quelques kilomètres : Cemenelum et Nikaïa.

Selon l’historien Angelo Paolo Francesco Carena (XVIIIème siècle) : « le Comté de Nice au regard de sa position géographique entre l’Italie et la Gaulle, fut tantôt à l’une, tantôt à l’autre assigné. » En affirmant cela, Carena reprend les investigations de Pierre Gioffredo, historiographe officiel des ducs de Savoie, dont il connaissait sûrement la « Storia delle Alpi Marittimes ». L’opinion la plus ancienne a fixé cette limite au long du fleuve Var comme l’affirme par exemple Strabon : « Ac Varum fluvium, quo Narbonensis Gallia terminatur, itemque Italia ». Ces lignes paraissent suffisantes à Nino Lamboglia, pour y trouver la preuve de l’italianité incontestable de Nice. Ce faisant, il occulte complètement la deuxième hypothèse plaçant la ligne de séparation au col de la Turbie : « Albintimilio – Lumone – Alpe summa, usque huc Italia, hinc Gallia » constate l’itinéraire d’Antonin. Carena précise qu’à l’époque de l’empereur Constantin quand l’Italie fut divisée en 17 provinces, celle qui portait le titre d’Alpes Maritimae fut, au contraire comprise dans la Gaule sous la métropole d’Embrun.

L’honnête Gioffredo relève aussi cette particularité, outre de très claires affirmations, du rattachement de la zone niçoise à la Provence dans le traité signé par Ildefonse d’Aragon et Raymond de Barcelone en 1125. Ce qui n’empêcha pas Nice, alors dotée d’une large autonomie de s’allier à Gênes, très proche et influente par le biais des liens d’intérêts commerciaux. Raymond Béranger V vint en personne pour mettre un terme à ces manœuvres (1227 – 1229) et Romée de Villeneuve devint le baile d’un territoire qui est quasiment celui des Alpes Maritimes d’aujourd’hui. Après la mort de la reine Jeanne, Nice se trouva tiraillée entre l’Italie et la Provence. Alors la Maison de Savoie qui représentait le pays alpin, devint la protectrice du pays niçois ce qui entraîna la « dédition » de 1388. Mais cette dédition partagea les Alpes Maritimes : les vigueries de Nice, Barcelonnette, Puget-Théniers, du val de Lantosque, une partie du Comté de Vintimille et la baronnie de Beuil (et de son titulaire le Comte Grimaldi) étaient passés sous la domination savoyarde. La baillie de Saint Paul, les vigueries de Grasse et de Guillaume continuèrent à suivre le destin de la Provence, puis celui de la France. En effet en 1481, le successeur du roi René, Charles III, légua ses domaines à son cousin Louis XI. Bien que séparée du reste de la Provence, la région niçoise gardait des liens importants avec la Provence : - Le droit provençal fut maintenu, en particulier pour les règles qui régissaient les fiefs - L’évêché de Nice resta suffragant d’Embrun jusqu’à la Révolution et comme tel inclus dans l’église gallicane. - Des liens commerciaux - Des liens linguistiques Aussi, les souverains savoyards baptisèrent leur acquisition « Terres neuves de Provence » et Nice, la capitale, restait « Cap de Provence » jusqu’au XVIème siècle qui vit apparaître le titre plus commode de comté de Nice. Ce changement de vocable posait un problème fondamental : le comté de Nice représentait-il une réalité géographique ou une part de la Provence orientale ? En se donnant à la maison de Savoie, Nice ne rejoignait-elle pas le monde alpin, une des composantes essentielles de sa région ? Cette seconde vision fut adoptée par la monarchie française en s’appuyant sur l’ambiguïté du traité de 1419 par lequel la reine Yolande renonçait formellement aux terres occupées par le duc. La monarchie française a toujours considéré que le pays niçois faisait partie de la Provence et allait, durant les siècles suivants et par périodes, tenter de le recouvrer : François Ier face à Charles III ou Victor-Amédée II (1675 – 1730) contre Louis XIV, pour s’en tenir aux principaux épisodes.

La Révolution française et l’Empire en ont fait le département des Alpes Maritimes (1793 – 1814). Cette ambition française de récupérer cet orient provençal, maintes fois renouvelée mais toujours déjouée devait finalement atteindre son but en 1860 au traité de Turin. Cet évènement replace, une fois de plus, la région dans une situation politique compliquée entre l’Italie et la nation française. Il y avait d’une part les visées du roi Victor Emmanuel II avec son ministre Cavour : couronner l’ascension de la maison de Savoie, habilement réussie au cours des siècles, en réalisant l’unité italienne et donc le royaume d’Italie. D’autre part l’empereur Napoléon III, favorable au mouvement des nationalités, savait son soutien nécessaire aux ambitions cavouriennes. Il était décidé, pour le prix de son aide, à obtenir la Savoie et le comté de Nice. Le dessein, amorcé dès 1858, trouva sa pleine réalisation au traité du 24 mars 1860, signé à Turin.

Dans Nice trois tendances s’étaient déclarées. - Le parti anti-annexionniste avait son journal « Il Nizzardo » et son chef Garibaldi né à Nice en 1807 mais de parents originaires de la Ligurie. - Gonzague Arson dans « La Gazette de Nice » penchait pour une solution autonomiste sous une souveraineté savoyarde nominale. - Mais il y avait les thèses de « L’Avenir de Nice », fondé antérieurement aux deux autres journaux, en 1847. Bien évidemment l’avenir réclamé était « l’annexion du comté à la France », décision qui l’emporta sur les autres au plébiscite voulu par le neveu de Napoléon le 28 avril.

Cavour avait d’avance justifié ce rattachement du comté de Nice à la France en constatant : « l’importance des rapports de la Savoie et de Nice avec la France…que de grandes affinités de langage et de mœurs…(rendaient)… de plus en plus intimes et naturels ». Et pourtant quand le pays niçois faisait partie des Etats des ducs de Savoie puis rois de Sardaigne, il fut constamment inclus dans l’espace piémontais sur le plan administratif…. …. Pour le comté de Nice va commencer une vocation touristique. Elle naquit au XVIIIème siècle quand Louis XIV arasa le château de Nice (1706). Ayant cessé d’être une forteresse, elle cherchait une fonction nouvelle due à sa position et son ouverture sur l’Europe. La venue de lord et lady Cavendisch, du duc d’York, frère du roi d’Angleterre George III, consacra la ville comme lieu de villégiature. En Europe désormais on ne parla plus que de Nice. Les Anglais aisés la découvrirent en premier car ils avaient pris l’habitude des voyages à destination de l’Italie. Baptisée « the grand tour », cette mode est à l’origine du terme actuel de tourisme. Des Anglais s’établissent dans le quartier de la Croix de Marmou. Alexandre Dumas père parlait de la « New Nice » qu’il opposait à « l’antica Nizza ». Déjà en 1852 cette activité était devenue dominante quand Victor Juge lançait à son collègue au conseil municipal Leotardi l’apostrophe « Parmi les industries il en est une que l’on ne pourra nous arracher, c’est l’exploitation de notre climat et celle-là est la plus importante des industries locales » ! Quelques années plus tard lord Brougham découvrait Cannes. Alors les Alpes Maritimes devinrent le rendez-vous des Cours d’Europe. En 1896 Le Petit Niçois signalait dix-huit personnages royaux à Beaulieu, Cannes, la Turbie, Monte-Carlo, Nice…. Des hôtels de luxe se construisent : Ruhl, Negresco… qui dérivaient du modèle suisse des palaces réalisés par Johannes Baur, Peter Ober ou Maximilien Pfyffer. Leurs directeurs étaient étrangers à la région. Des châteaux comme celui de Valrosa (Baron Von Derwies) ou des palais comme « Le Grand Palais » voient le jour. Ainsi, cet essor touristique qui, devenu une véritable marée, recouvre l’année entière avec ses flux et reflux, va révéler la force de l’identité niçoise en Europe, du moins dans son premier aspect : Si le pays de Nice est un endroit qui va complètement changer, il a su pourtant tout le long de son histoire garder son originalité et ses traditions. Les Alpes Maritimes sont par essence le résultat d’une sorte de dialogue et de confrontation entre la mer et la montagne. Mais si la première incite à l’ouverture vers les horizons plus lointains et plus vastes, la seconde appelle à l’enracinement. Cette région a toujours été un carrefour d’influences, sources de changements et parfois de mutations. Mais ce pays a su, au long de son histoire, les assimiler tout en conservant l’autre aspect de sa personnalité profonde : le particularisme, soucieux de maintenir la tradition des valeurs humaines fondamentales, l’originalité régionale, le sens du concret et de l’équilibre.

La richesse du patrimoine, richesse d’abord linguistique, fondement du particularisme niçois représente une deuxième force de cette région dans l’Union Européenne. En premier lieu il s’agit d’une langue d’oc comme en témoignent les statuts de l’Archiconfrérie de la Miséricorde datés de 1484 et conseillant à ses membres « de far resposta d’oc o di non » lors des réunions consacrées à l’admission de nouveaux confrères. A cette époque les Etats de la Maison de Savoie employaient deux langues : le français et l’italien. Mais les Niçois qui avaient une bonne culture, connaissaient quatre langues comme par exemple l’abbé Don Joseph Bonifay (1771 – 1842) qui a publié une œuvre immense en latin, niçois, français, italien. Et l’avocat Cristini, mort en 1817 peut fournir un bel article sur Nice au Dictionnaire géographique de l’Encyclopédie méthodique de Paris, tout en célébrant la Madone de Fenestre en gavot (provençal alpin): « Sias coronado – Tenes lou Monde en man – sus dal trono assttado – Riges lou vuostre Enfan ». Cette richesse de langues est un grand avantage, à condition qu’elle soit cultivée et maintenue, tant pour la Région que pour l’Europe. S’il est bon pour unifier l’Europe de développer l’étude des langues et d’en pratiquer plusieurs, le maintien des dialectes reste aussi une nécessité. Qui a oublié qu’au XIXème siècle la langue niçoise a connu une nouvelle expansion avec l’œuvre considérable de Joseph Rosalinde Rancher ? Pour les écrivains de cette époque, on peut noter une passion pour l’art baroque avec des métaphores, des antithèses et des comparaisons poussées.

Le patrimoine religieux est un autre aspect du patrimoine des Alpes Maritimes. Les traits caractéristiques du baroque se retrouvent surtout dans les œuvres des peintres du comté. Depuis le Concile de Trente (XVIème siècle), l’art religieux devait stimuler la piété des fidèles, affirmer de façon ostentatoire les vérités dogmatiques conciliaires, faire accéder le peuple chrétien à la foi à travers des œuvres qui font naître l’émotion des sens et de l’esprit. L’attitude baroque se retrouve sur le plan humain. Nice comptait aux XVIIème et XVIIIème siècles, 70 jours de fêtes religieuses comportant 70 processions. Pour soutenir toutes ces cérémonies il y avait un nombreux clergé. Trente couvents ou monastères existaient dans le comté dont quinze pour la seule cité de Nice. Qui a oublié les Confréries des Pénitents qui faisaient œuvre de charité (hôpitaux, Mont de Piété, hospices) ? Certes il y a eu des bouleversements considérables ! Ce n’est plus 10 prêtres par village mais bel et bien le contraire ! Cependant de tels phénomènes n’ont pas disparu. Mieux, ils perdurent d’une façon surprenante. Le rassemblement des Confréries des Pénitents des pays d’oc, d’Italie, de Corse, de Paris, a vu défiler entre 500 et 1000 confrères et consœurs à Nice puis à Saint Etienne de Tinée en 1993 et 1995. Les fêtes votives comme celle de Notre-Dame-des-Grâces de Nice, connaissent un renouveau. Le Pape Jean-Paul II disait en 1982 que le christianisme sera un des fondements de l’avenir de l’Europe.

La richesse du patrimoine communal constitue la quatrième particularité des Alpes Maritimes et de plus très ancienne. Déjà Cemenelum étant devenu municipe romain, accédait au rang prestigieux d’urbs, comme Antibes, Glanate ou Glandèves près d’Entrevaux et Brigomagus (de nos jours Briançonnet). C’est à la date de 1176 qu’Alphonse 1er accordait une charte, le plus vieux document des archives municipales « aux citoyens de Nice…(à qui)…nous confirmons le Consulat…et leur donnons à perpétuité le pouvoir d’élire ses Consuls ». Même si Raymond Bérenger V devait supprimer ce privilège du consulat et plus exactement les pouvoirs dont il était doté après 1229, une intense vie communale se perpétua au sein du comté et comme en Provence d’ailleurs. Au milieu du XVIIIème siècle la richesse institutionnelle s’y manifestait encore par deux types d’assemblées délibérantes, exerçant le triple pouvoir communal : - droit de choisir les officiers (fonctionnaires), - de gérer les finances locales, - de superviser la vie de tous les jours.

Quand la première annexion du pays niçois à la France (31 janvier 1793) réussit, la vie communale continua. Ce sont presque les mêmes personnes qui vont administrer la ville. Car le pays niçois depuis ses origines a l’habitude d’être gouverné par des centres de décisions lointains : Rome, Turin, Paris. Voilà qui représente un précieux atout dans le cadre d’une Europe dont la tête est à Bruxelles et Strasbourg. Surtout si l’Union européenne respecte réellement le principe de subsidiarité. Cette idée est présente dans l’Encyclique « Quadregesimo Anna » du Pape Pie XI et « Pacem in terris » du Pape Jean XXIII. De fait, l’homme ne peut accéder vraiment à l’universel – ou il le fera d’une manière schématique, sans portée réelle. Il lui faut passer par la médiation des corps intermédiaires dont le « pays » est un des éléments les plus importants. C’est en étant incarné et bien incarné dans des réalités proches et concrètes qu’il peut s’élever ensuite à des horizons plus vastes, à condition que soit reconnu et respecté cet échelon plus humble, comme le veut le principe de subsidiarité. Et donc plus l’élément niçois de la grande famille provençale restera fidèle aux valeurs de son patrimoine et de sa vocation, mieux il trouvera sa place exacte dans une Europe vraie, celle qui reconnaît la primauté de la personne humaine sur tous les systèmes politiques, économiques ou idéologiques et celle qui accepte tous les groupes naturels qui composent sa toile de fond sans les absorber, les affaiblir et encore moins les détruire. Telle est et doit être l’impact de l’identité des Alpes Maritime, force de cette région dans l’Union européenne.

L’identité des Alpes Maritimes Par Henri Costamagna

Alpes Maritimes ? En premier c'est une région originale où le monde alpin entre directement en contact avec la Méditerranée, c’est-à-dire deux zones constitutives du continent européen.

Le nom d'Alpa Maritimi a été donné pour la première fois à la province fondée par Rome au début de l’ère chrétienne. En 1860 la création de l’actuel département des Alpes Maritimes provenait déjà d’une réalité territoriale plus petite depuis 1388.

Baptisé « Comté de Nice » au XVIème siècle, cette entité devint lors de la Révolution et de l’Empire, un premier département des Alpes Maritimes, mais l’arrondissement de Grasse en était exclu, sa frontière occidentale s’arrêtant au fleuve Var. Il y a donc au cours des âges une réalité historique coïncidant presque avec l’ensemble géographique.

La première caractéristique qu’on peut remarquer est celle de « Marche Frontière » ouverte et à vocation internationale et surtout européenne.

Déjà aux temps préhistoriques les gravures rupestres de la Vallée des Merveilles faisaient partie d’un ensemble développé dans l’arc alpin (haut Adige, Val Camonica, Val d’Ossola, Val d’Aoste, haute Maurienne, Balzi Rossi). Et si le culte célébré au mont Bégo était de nature taurine, il replaçait le site dans le contexte des civilisations primitives de la Méditerranée.

Avec les Ligures, peuplades encore mal connus, émerge un aspect supra montagnard, puisque les tribus des Ecdini, considérées comme habitant la Vallée de la Tinée et celle des Esubiani habitant la Vésubie sont inscrites à la fois sur l’arc romain de Suse et le trophée de la Turbie. Les Romains en 63 ont créé un district avec des limites imprécises. Mais il s’agissait avant tout d’une division stratégique, qui respectât longtemps des réalités différentes, un haut pays resté surtout ligure bien que gagné par la romanisation et une bande côtière grecque : la chora. Ce qui explique l’anomalie de 2 évêchés distants de quelques kilomètres : Cemenelum et Nikaïa.

Selon l’historien Angelo Paolo Francesco Carena (XVIIIème siècle) : « le Comté de Nice au regard de sa position géographique entre l’Italie et la Gaulle, fut tantôt à l’une, tantôt à l’autre assigné. » En affirmant cela, Carena reprend les investigations de Pierre Gioffredo, historiographe officiel des ducs de Savoie, dont il connaissait sûrement la « Storia delle Alpi Marittimes ». L’opinion la plus ancienne a fixé cette limite au long du fleuve Var comme l’affirme par exemple Strabon : « Ac Varum fluvium, quo Narbonensis Gallia terminatur, itemque Italia ». Ces lignes paraissent suffisantes à Nino Lamboglia, pour y trouver la preuve de l’italianité incontestable de Nice. Ce faisant, il occulte complètement la deuxième hypothèse plaçant la ligne de séparation au col de la Turbie : « Albintimilio – Lumone – Alpe summa, usque huc Italia, hinc Gallia » constate l’itinéraire d’Antonin. Carena précise qu’à l’époque de l’empereur Constantin quand l’Italie fut divisée en 17 provinces, celle qui portait le titre d’Alpe Maritimae fut, au contraire comprise dans la Gaule sous la métropole d’Embrun.

L’honnête Gioffredo relève aussi cette particularité, outre de très claires affirmations, du rattachement de la zone niçoise à la Provence dans le traité signé par Ildefonse d’Aragon et Raymond de Barcelone en 1125. Ce qui n’empêcha pas Nice, alors dotée d’une large autonomie de s’allier à Gênes, très proche et influente par le biais des liens d’intérêts commerciaux. Raymond Béranger V vint en personne pour mettre un terme à ces manœuvres (1227 – 1229) et Romée de Villeneuve devint le baile d’un territoire qui est quasiment celui des Alpes Maritimes d’aujourd’hui. Après la mort de la reine Jeanne, Nice se trouva tiraillée entre l’Italie et la Provence. Alors la Maison de Savoie qui représentait le pays alpin, devint la protectrice du pays niçois ce qui entraîna la « dédition » de 1388. Mais cette dédition partagea les Alpes Maritimes : les vigueries de Nice, Barcelonnette, Puget-Théniers, du val de Lantosque, une partie du Comté de Vintimille et la baronnie de Beuil (et de son titulaire le Comte Grimaldi) étaient passés sous la domination savoyarde. La baillie de Saint Paul, les vigueries de Grasse et de Guillaume continuèrent à suivre le destin de la Provence, puis celui de la France. En effet en 1481, le successeur du roi René, Charles III, légua ses domaines à son cousin Louis XI. Bien que séparée du reste de la Provence, la région niçoise gardait des liens importants avec la Provence : - Le droit provençal fut maintenu, en particulier pour les règles qui régissaient les fiefs - L’évêché de Nice resta suffragant d’Embrun jusqu’à la Révolution et comme tel inclus dans l’église gallicane. - Des liens commerciaux - Des liens linguistiques Aussi, les souverains savoyards baptisèrent leur acquisition « Terres neuves de Provence » et Nice, la capitale, restait « Cap de Provence » jusqu’au XVIème siècle qui vit apparaître le titre plus commode de comté de Nice. Ce changement de vocable posait un problème fondamental : le comté de Nice représentait-il une réalité géographique ou une partie de la Provence orientale ? En se donnant à la maison de Savoie, Nice ne rejoignait-elle pas le monde alpin, une des composantes essentielles de sa région ? Cette seconde vision fut adoptée par la monarchie française en s’appuyant sur l’ambiguïté du traité de 1419 par lequel la reine Yolande renonçait formellement aux terres occupées par le duc. La monarchie française a toujours considéré que le pays niçois faisait partie de la Provence et allait, durant les siècles suivants et par périodes, tenter de le recouvrer : François Ier face à Charles III ou Victor-Amédée II (1675 – 1730) contre Louis XIV, pour s’en tenir aux principaux épisodes.

La Révolution française et l’Empire en ont fait le département des Alpes Maritimes (1793 – 1814). Cette ambition française de récupérer cet orient provençal, maintes fois renouvelée mais toujours déjouée devait finalement atteindre son but en 1860 au traité de Turin. Cet évènement replace, une fois de plus, la région dans une situation politique compliquée entre l’Italie et la nation française. Il y avait d’une part les visées du roi Victor Emmanuel II avec son ministre Cavour : couronner l’ascension de la maison de Savoie, habilement réussie au cours des siècles, en réalisant l’unité italienne et donc le royaume d’Italie. D’autre part l’empereur Napoléon III, favorable au mouvement des nationalités, savait son soutien nécessaire aux ambitions cavouriennes. Il était décidé, pour le prix de son aide, à obtenir la Savoie et le comté de Nice. Le dessein, amorcé dès 1858, trouva sa pleine réalisation au traité du 24 mars 1860, signé à Turin.

Dans Nice trois tendances s’étaient déclarées. - Le parti anti-annexionniste avait son journal « Il Nizzardo » et son chef Garibaldi né à Nice en 1807 mais de parents originaires de la Ligurie. - Gonzague Arson dans « La Gazette de Nice » penchait pour une solution autonomiste sous une souveraineté savoyarde nominale. - Mais il y avait les thèses de « L’Avenir de Nice », fondé antérieurement aux deux autres journaux, en 1847. Bien évidemment l’avenir réclamé était « l’annexion du comté à la France », décision qui l’emporta sur les autres au plébiscite voulu par le neveu de Napoléon le 28 avril.

Cavour avait d’avance justifié ce rattachement du comté de Nice à la France en constatant : « l’importance des rapports de la Savoie et de Nice avec la France…que de grandes affinités de langage et de mœurs…(rendaient)… de plus en plus intimes et naturels ». Et pourtant quand le pays niçois faisait partie des Etats des ducs de Savoie puis rois de Sardaigne, il fut constamment inclus dans l’espace piémontais sur le plan administratif…. …. Pour le comté de Nice va commencer une vocation touristique. Elle naquit au XVIIIème siècle quand Louis XIV arasa le château de Nice (1706). Ayant cessé d’être une forteresse, elle cherchait une fonction nouvelle due à sa position et son ouverture sur l’Europe. La venue de lord et lady Cavendisch, du duc d’York, frère du roi d’Angleterre George III, consacra la ville comme lieu de villégiature. En Europe désormais on ne parla plus que de Nice. Les Anglais aisés la découvrirent en premier car ils avaient pris l’habitude des voyages à destination de l’Italie. Baptisée « the grand tour », cette mode est à l’origine du terme actuel de tourisme. Des Anglais s’établissent dans le quartier de la Croix de Marmou. Alexandre Dumas père parlait de la « New Nice » qu’il opposait à « l’antica Nizza ». Déjà en 1852 cette activité était devenue dominante quand Victor Juge lançait à son collègue au conseil municipal Leotardi l’apostrophe « Parmi les industries il en est une que l’on ne pourra nous arracher, c’est l’exploitation de notre climat et celle-là est la plus importante des industries locales » ! Quelques années plus tard lord Brougham découvrait Cannes. Alors les Alpes Maritimes devinrent le rendez-vous des Cours d’Europe. En 1896 Le Petit Niçois signalait dix-huit personnages royaux à Beaulieu, Cannes, la Turbie, Monte-Carlo, Nice…. Des hôtels de luxe se construisent : Ruhl, Negresco… qui dérivaient du modèle suisse des palaces réalisés par Johannes Baur, Peter Ober ou Maximilien Pfyffer. Leurs directeurs étaient étrangers à la région. Des châteaux comme celui de Valrosa (Baron Von Derwies) ou des palais comme « Le Grand Palais » voient le jour. Ainsi, cet essor touristique qui, devenu une véritable marée, recouvre l’année entière avec ses flux et reflux, va révéler la force de l’identité niçoise en Europe, du moins dans son premier aspect : Si le pays de Nice est un endroit qui va complètement changer, il a su pourtant tout le long de son histoire garder son originalité et ses traditions. Les Alpes Maritimes sont par essence le résultat d’une sorte de dialogue et de confrontation entre la mer et la montagne. Mais si la première incite à l’ouverture vers les horizons plus lointains et plus vastes, la seconde appelle à l’enracinement. Cette région a toujours été un carrefour d’influences, sources de changements et parfois de mutations. Mais ce pays a su, au long de son histoire, les assimiler tout en conservant l’autre aspect de sa personnalité profonde : le particularisme, soucieux de maintenir la tradition des valeurs humaines fondamentales, l’originalité régionale, le sens du concret et de l’équilibre.

La richesse du patrimoine, richesse d’abord linguistique, fondement du particularisme niçois représente une deuxième force de cette région dans l’Union Européenne. En premier lieu il s’agit d’une langue d’oc comme en témoignent les statuts de l’Archiconfrérie de la Miséricorde datés de 1484 et conseillant à ses membres « de far resposta d’oc o di non » lors des réunions consacrées à l’admission de nouveaux confrères. A cette époque les Etats de la Maison de Savoie employaient deux langues : le français et l’italien. Mais les Niçois qui avaient une bonne culture, connaissaient quatre langues comme par exemple l’abbé Don Joseph Bonifay (1771 – 1842) qui a publié une œuvre immense en latin, niçois, français, italien. Et l’avocat Cristini, mort en 1817 peut fournir un bel article sur Nice au Dictionnaire géographique de l’Encyclopédie méthodique de Paris, tout en célébrant la Madone de Fenestre en gavot (provençal alpin): « Sias coronado – Tenes lou Monde en man – sus dal trono assettado – Riges lou vuostre Enfan ». Cette richesse de langues est un grand avantage, à condition qu’elle soit cultivée et maintenue, tant pour la Région que pour l’Europe. S’il est bon pour unifier l’Europe de développer l’étude des langues et d’en pratiquer plusieurs, le maintien des dialectes reste aussi une nécessité. Qui a oublié qu’au XIXème siècle la langue niçoise a connu une nouvelle expansion avec l’œuvre considérable de Joseph Rosalinde Rancher ? Pour les écrivains de cette époque, on peut noter une passion pour l’art baroque avec des métaphores, des antithèses et des comparaisons poussées.

Le patrimoine religieux est un autre aspect du patrimoine des Alpes Maritimes. Les traits caractéristiques du baroque se retrouvent surtout dans les œuvres des peintres du comté. Depuis le Concile de Trente (XVIème siècle), l’art religieux devait stimuler la piété des fidèles, affirmer de façon ostentatoire les vérités dogmatiques conciliaires, faire accéder le peuple chrétien à la foi à travers des œuvres qui font naître l’émotion des sens et de l’esprit. L’attitude baroque se retrouve sur le plan humain. Nice comptait aux XVIIème et XVIIIème siècles, 70 jours de fêtes religieuses comportant 70 processions. Pour soutenir toutes ces cérémonies il y avait un nombreux clergé. Trente couvents ou monastères existaient dans le comté dont quinze pour la seule cité de Nice. Qui a oublié les Confréries des Pénitents qui faisaient œuvre de charité (hôpitaux, Mont de Piété, hospices) ? Certes il y a eu des bouleversements considérables ! Ce n’est plus 10 prêtres par village mais bel et bien le contraire ! Cependant de tels phénomènes n’ont pas disparu. Mieux, ils perdurent d’une façon surprenante. Le rassemblement des Confréries des Pénitents des pays d’oc, d’Italie, de Corse, de Paris, a vu défiler entre 500 et 1000 confrères et consœurs à Nice puis à Saint Etienne de Tinée en 1993 et 1995. Les fêtes votives comme celle de Notre-Dame-des-Grâces de Nice, connaissent un renouveau. Le Pape Jean-Paul II disait en 1982 que le christianisme sera un des fondements de l’avenir de l’Europe.

La richesse du patrimoine communal constitue la quatrième particularité des Alpes Maritimes et de plus très ancienne. Déjà Cemenelum étant devenu municipe romain, accédait au rang prestigieux d’urbs, comme Antibes, Glanate ou Glandèves près d’Entrevaux et Brigomagus (de nos jours Briançonnet). C’est à la date de 1176 qu’Alphonse 1er accordait une charte, le plus vieux document des archives municipales « aux citoyens de Nice…(à qui)…nous confirmons le Consulat…et leur donnons à perpétuité le pouvoir d’élire ses Consuls ». Même si Raymond Bérenger V devait supprimer ce privilège du consulat et plus exactement les pouvoirs dont il était doté après 1229, une intense vie communale se perpétua au sein du comté et comme en Provence d’ailleurs. Au milieu du XVIIIème siècle la richesse institutionnelle s’y manifestait encore par deux types d’assemblées délibérantes, exerçant le triple pouvoir communal : - droit de choisir les officiers (fonctionnaires), - de gérer les finances locales, - de superviser la vie de tous les jours.

Quand la première annexion du pays niçois à la France (31 janvier 1793) réussit, la vie communale continua. Ce sont presque les mêmes personnes qui vont administrer la ville. Car le pays niçois depuis ses origines a l’habitude d’être gouverné par des centres de décisions lointains : Rome, Turin, Paris. Voilà qui représente un précieux atout dans le cadre d’une Europe dont la tête est à Bruxelles et Strasbourg. Surtout si l’Union européenne respecte réellement le principe de subsidiarité. Cette idée est présente dans l’Encyclique « Quadregesimo Anno » du Pape Pie XI et « Pacem in terris » du Pape Jean XXIII. De fait, l’homme ne peut accéder vraiment à l’universel – ou il le fera d’une manière schématique, sans portée réelle. Il lui faut passer par la médiation des corps intermédiaires dont le « pays » est un des éléments les plus importants. C’est en étant incarné et bien incarné dans des réalités proches et concrètes qu’il peut s’élever ensuite à des horizons plus vastes, à condition que soit reconnu et respecté cet échelon plus humble, comme le veut le principe de subsidiarité. Et donc plus l’élément niçois de la grande famille provençale restera fidèle aux valeurs de son patrimoine et de sa vocation, mieux il trouvera sa place exacte dans une Europe vraie, celle qui reconnaît la primauté de la personne humaine sur tous les systèmes politiques, économiques ou idéologiques et celle qui accepte tous les groupes naturels qui composent sa toile de fond sans les absorber, les affaiblir et encore moins les détruire. Telle est et doit être l’impact de l’identité des Alpes Maritimes, force de cette région dans l’Union européenne.

PLANTES DE PROVENCE Le pastel des teinturiers Par Christiane Mangiapan

Isatis tinctoria, famille des Brassicacées (ex crucifères) Prov : pastèu, jaunello

Dès le début du printemps les friches, les bords des routes et les chemins se parent de bouquets de fleurs d’un jaune éclatant, il s’agit du pastel des teinturiers qui pousse spontanément tout autour de la Méditerranée.

Il croît abondamment dans les collines sur sol calcaire et argileux. C’est une espèce de crucifère comme les choux, les radis ou la moutarde, plante bisannuelle aux usages et aux noms multiples ( guède, herbe de saint Philippe, bleu de Picardie, herbe du Lauragais).

La 1ère année le pastel ressemble à une grosse salade « la rosette de pastel ». Dès la 2ème année du cœur de la rosette jaillissent 2 à 5 tiges pouvant dépasser 1 mètre de hauteur. Au printemps les fleurs s’épanouissent en bouquets, en juillet elles se transforment en fruits d’abord verts puis bruns et violets pour finir. On les appelle siliques, ce sont des sortes de gousses pointues.

Il est souvent fait mention dans les archives de « plante fourragère » de bonne qualité et d’un bon rendement. Sa valeur alimentaire serait voisine de celle du chou.

Au XVIIIe siècle on faisait paître les moutons dans les champs de pastel après la dernière coupe d’automne.

C’est aussi une plante médicinale. Ses vertus thérapeutiques ont été citées maintes fois dans les textes anciens. Le pastel soulageait les maladies du foie (jaunisse) et de la rate. Dioscoride, médecin grec du 1er siècle, indique que ses feuilles traitent les œdèmes, les tumeurs, les plaies …

Mais c’est avant tout et comme son nom l’indique, une plante tinctoriale dont les feuilles produisent un bleu exceptionnel, en teinture comme en peinture. Le pastel occitan était considéré, à juste titre, comme le meilleur d’Europe à la Renaissance. On en exportait annuellement au XVIe siècle 40 000 à 60 000 tonnes à destination de Londres, Anvers, Rouen … Par ses retombées économiques le pastel forgea la légende du Pays de Cocagne.

La pulpe des feuilles travaillée pendant 6 mois donnait d’abord des pelotes moulées à la main, les cocagnes, puis une matière granuleuse, l’agranat, conditionnée pour l’expédition, vendue aux fabricants de teinture à un cours tellement élevé que toute la filière du pastel devint extrêmement riche. Cette zone de culture se trouvait dans le triangle Albi-Carcassonne-Toulouse, qui devint le « Pays de Cocagne ».

Ces boules fermentaient en séchant pendant 1 ou 2 mois. Au bout de cette période elles étaient écrasées dans un moulin et la poudre était additionnée d’urine pour provoquer l’oxydation. Il fut même, au Moyen-Age, créé le métier de « pisseur », qui était, parait-il, fort bien payé !

On obtenait ainsi une pâte, d’où le nom de pastel, qui séchée, donnait la poudre tinctoriale. Autrefois les paysans récupéraient les fonds de cuve de pastel et peignaient en bleu les charrettes, les charrues, les cornes des bœufs, les volets, les portes et les fenêtres, car cette peinture était répulsive aux moustiques et aux insectes.

Mais brusquement tout s’effondre à partir de 1561 ; de mauvaises récoltes, les Guerres de religion et l’importation de l’indigo marquent la fin de l’Age d’or du Pays de Cocagne.

Les premières traces archéologiques du pastel remontent à la période du Néolithique et ont été retrouvées dans la grotte de l’Audoste dans les Bouches-du-Rhône. Les Egyptiens le connaissaient déjà 2 500 ans avant J.C car on a retrouvé des momies enveloppées dans des bandelettes bleues, symbole d’éternité. Celtes et Gaulois utilisaient aussi la « guède », non seulement pour bleuir les tissus mais aussi pour se parer le visage et le corps d’où la surprise de Jules César à leur rencontre. Dans le livre V de la « Guerre des Gaules » il retient l’aspect belliqueux de ce maquillage et mentionne que « tous les Bretons se teignent avec le pastel sauvage, produisant une couleur bleue qui leur donne une allure terrible dans la bataille ». Les Gaulois obtenaient du violet en mélangeant pastel et garance.

Actuellement on assiste à des tentatives de remettre à l’honneur cette plante pour ses vertus particulières. Plusieurs hectares sont plantés en Ariège en collaboration avec l’école de chimie de Toulouse. A Lectoure, dans le Gers, un architecte-décorateur belge produit des teintures et des pigments de pastel avec des techniques nouvelles sans rapport avec la longue fabrication traditionnelle.

Pour terminer je ne puis résister au plaisir de vous livrer ce petit texte du regretté Claude Coste de Carcès paru dans « Jour après Jour, Lou Var » en 2003 :

Lou Pastèu : A tèms passa, aperaqui au siecle XV, uno planto a fa la fourtuno de l’aut Lengadò : lou pastèu (isatis tinctoria).

Lei cultivatour metien à trempa lei fueio dóu pastèu dins uno sueio emé d’anmounia, sabès coumo l’avien l’anmounia ? … en pissant dins la sueio ! Lei fueio sourtido de la trempado, èron esquichado souto un destré : semblavon de brico qu’apelavon coco, a douna lou noum : « Païs de Coucagno ».

Aquélei pasto servien à faire lou meiour blu pèr lei teissut, subretout lei braio, lou blu de Nime, n’avès entendu parla ? D’ùnei, encuei si creson que lou « blue-jeans » es american, alor qu’es de Nime, mai lou pastèu sara en councurènci ‘mé l’indigò vengu d’Asìo ! Meiour marcat. Mai de mens bouano qualita.

Enri IV tendra quauque tèms lei frountiero, pèr empacha l’intrado en Franço de l’indigò. Soun fiéu Louis XIII, leissara passa : avié besoun de sòu. L’indigò rintrara en Franço e sara la fin dóu pastèu.

Dins tout Lauraguès, si vis encaro encuei la richesso d’aquelo epoco, dounado pèr aquelo bello planto, flourido en jauno au mes de mai

LA BISNAGO, l’erbo i curo-dènt pèr respondre à n-un questioun d’etimoulougìo par Hector Nourisi

Veici uno planto couneigudo encò nostre desempièi quàuqui siècle, utilitàri tre-que fuguè entre- menado en Espagno, pìèi proupagado sus l’entour mieterran e mai encaro pu lìuen. Atualamen es devengudo mai requisto (e poudrié èstre proun pagado ! se..). Es de dire qu’es faturado en quàuquis endré. Vai-t-en veire que la faturon en pot, pausa de cop que i’a sus lou releisset d’uno fenèstro. Es jamai qu’uno erbo. Acò i’empacho pas d’èstre afublado d’un escais-noum tras qu’imajous : « l’Erbo- i-curo-dènt » o Bisnago, de soun noum boutani : ammi visnaga.

Soun noum prouvençau recampa pèr Frederi Mistral dins lou Trésor dóu Felibrige es Bisnago, mai i’ an douna d’àutri noum coume : Fenouï annau, Curo-dènt-d’Espagno, garoto curo-dènt, aquesto darriero apelacioun es proubablamen en raport amé lou noum que ié dounè lou boutanisto Ch. Linné : « Daucus visnaga ». Dins lou T.d.F, vertadiero encicloupedìo, Mistral en relevant lou noum de Bisnago, planto usualamen couneigudo souto lou noum francés d’« Herbe aux cure-dents » se crèi óubliga de i’atribuï uno etimoulougìo pèr l’escasènço que li Catalan la noumon « Bisnaga », lis Espagnòu « Biznaga » pièi d’apoundre, dóu latin « bis acuta » ; ansin fa, qu’es pas à soun proumié cop d’assai, proubablamen enfluença pèr un autre noum couneigu di Mestre-d’aisso que ié dison la « besagudo ». Mai durbèn uno parentèsi. La besagudo es un óutis que sèr au Mestre d’aisso à travaia lou fustage e de mourteisa lou bos, faire d’engréure. La besagudo (en francés : besagu, m ; besague, f ) es dos óutis en un. D’un coustat un long cisèu pèr taia lou bos dins lou sèns de la fìbro, de l’autre un long escaupre ; entre li dos, un manche pèr bèn teni l’óutis que se gouverno amé l’autre man ; lou tout fai aperaqui dous cop sièis pan de long e lou ferre-man tenènt, round, permet en fasènt uno routacioun de 180 degrat, d’emplega quouro lou cisèu, quouro lou bescaume ; ansìn fa, dins la man de soun gaubejaire que taiara quouro perpendicularamen, quouro dins lou sèns de la fìbro, lou bos. Tout acò lou Mestre d’aisso lou fai minuciousamen, e quouro proucèdis au desbourrage d’un engrèure qu’a d’én proumié traça, pièi, segound qu’a coumença d’en desgaja lou bos, à n’uno founsour chausido, au mejan de traucage sucessiéu, que fan un angle dre amé lou plan superiour d’uno fusto pausado ourìzountalamen de champ, li trau dóu cuié* estènt fa de proche en proche lis un dis autre, quàsi à la toco-toco. Sarran la parentèsi en perseguènt après « bis acuta ».Après « bis acuta » Frederi Mistral douno l’esplico : « aigu des deux côtés (agut di dous coustat), S.F. Visnague, daucus visnaga (Lam.), Aro : ammi visnaga (L.) Lam ; « Plante dont on fait des cure-dents, v. Fenouias », fin de citacioun. Quau es agut, di dos coustat en regard de la besagudo ?

- D’en proumié lou tai dóu cisèu-pèr-bos, large e afuta coume un trenco-lard, segound lou bè de l’escaupre, mai espès es aceira. Ansin fa. Quau es agut di dos coustat pèr lou regard de la Bisnago ? - La Bisnago, coume la pastenargo es uno planto de la famiho dis oumbellifèro (atualamen noumado Apiacèio), si flour nombrouso soun reünido pèr fourma d’oumbellulo e d’oumbello. Li rai dis oumbellulo soun pichounet e li rai de l’oumbello que li sustanto soun proun long e gros pèr faire de curo-dènt. Li oumbello soun pourta pèr un pedouncule que se termino en un renflamen que formo un cone renversa à sa baso dóu quau soun estacado li bratèio fourcudo plusiour fès. Sus la baso dóu cone vesèn à l’entour mai que d’un rai planta sus un boumb, sa finicioun, d’en aut es couifado d’un envoulucèlo qu’es la baso d’un oumbellulo. Lou tout fai pensa à n’un nis d’aucèu, sarra quouro li flour an madura.

Ai souto mi iue un brout de bisnago se, prelève sus l’oumbello la mai desveloupado un rai, se roump au pèd just en dessus dóu boumbu, coume lou roumpe à soun bout superiour. A ges d’estremita agudo, la roumpeduro es franco, sènso pouncho, sènso pounchoun. Lou rai mesuro un pau mai de 2 travers de det (4cm) de long, soun diamètre es un mau mens qu’un milimetre, aprecia à visto de nas.

Veici l’etimoulougìo recampado sus lou TdF ; sèmblo èstre sourtido d’uno engano camarguenco (vole pas subretout blessa degun). Mai alor? Alor es un’istòri, un’istòri vertadièro e vous la serve coume l’ai reçaupudo. En verita, Paul Fournier eminènt boutanisto de soun tèms, Doutour es sciènci, Doutour es letro, rèire direitour de la revisto « Le monde des plantes », nous assabento dins soun libre sus li « Plantes médicinales et vénéneuses de France », que la meno Ammi es bèn couneigudo en Europo e dins lou bassin mieterran en l’espèci d’Ammi majus e, cite : « l’espèci visnaga es un vertadié fenoumène linguisti, designo au Meissique lis Equinoucactèio (Echinocactées) e desrivo pèr courrupcioun dóu mot nahuat (lengo dis Astèque) huiznahuac significant enviróuta d’espino ; adóuta pèr li counquistaire espagnòu, aquéu mot castihanisa en Bisnaga vo Visnaga, es d’uno usanço courrènto dins lou lengage poupulàri meissican e sudamérican. Pèr analougìo, au Meissique, au Chili, en Argentino, ounte l’erbo-i-curo-dènt s’es naturalisado e es de cop-que-i’a faturado. Se i’es douna lou meme noum que d’aqui es revengudo en Europe au siècle XVI°. Dins aquesto espèci, annalo coume l’Ammi coumun, o Ammi óuficinau o Ammi inoudoro, Ammi majus ; soun tóuti dos de memo autour, li rai de l’oumbello que soun pèd es déjà boumb, s’espessisson encaro après la flourisoun, pièi, quouro s’amaduron, li rai se sarron e se ressaron en uno formo de nis cauti. Pèr tèms umide, s’escarton de nouvèu enjusqu’au retour d’un tèms mai secarous, es eisatamen lou countràri di mouvamen óupera pèr la garoto.

Li rai de la bisnago an uno sabour aroumatico, que soun utilisa en Espagno pèr n’en faire de curo- dènt. » - Segur ! « Aquesto planto, espandido dins uno larjo zono sus tout l’entour mieterran, amo bèn li terren savèu dóu miejour e dóu pounentau de la Franço. Remounto enjusqu’à la Droumo prouvençalo e au pounènt enjusqu’au despartamén de la Charento maritimo.

Oussoulescènci óublijo, li curo-dènt fuguèron ramplaça pèr li brousseto pèr li dènt, l’Erbo i curo-dènt que s’èro espandido dins lou miejour de la Franço s’èro perèu espandido en Italìo ounte soun utilisacioun sèmblo jamai estado derroumpudo, car s’èro trouba lou mejan de n’en fabrica amé lou bos, e, la brousseto pèr li dènt n’en derroumpè pas l’usanço. Sabèn qu’à la fin d’un repas, en Italìo èro de modo e meme recoumenda de se servi d’un curo-dènt pèr bèn faire remarca qu’avès bèn manja. Ansin lou que counneissèn aro, pounchu di dos cousta, taia dins lou bos, tau que lou counneissèn, fugue jamai un pervalènt d’un rai d’oumbello de l’Ammi visnaga. La Bisnago qu’es vengudo après un long caminamen despièi lou Meissique dins uno lengo (lou nahuat, parla dis Aztèque) que soun noum proumié n’en fuguè courroumpu, nous moustrant bèn que l’evoulucioun d’uno lengo póu s’esplica autramen que pèr un efet d’azard o de la prouvidènço, mai degu à l’evoulucioun de la sciènci, de la teicnico, dis escàmbi d’entre li païs dóu mounde, mai que degun ié póu rèn…. Rendèn à Cesar… Latin óublijo !

En formo de nis couti

La flo ur es pa Rai de l’oumbello nd id o Ammi visnaga (L) Lam. Flo Bisnago (Provençal) La grano ur Visnague(Français) Uno bratèio es Herbe aux cure-dents pa nd id *Lou cuié : s.m. outil de charpentier ou bèn la virouniero o LA BISNAGO, l’erbo i curo-dènt pèr respondre à n-un questioun d’etimoulougìo par Hector Nourisi

Veici uno planto couneigudo encò nostre desempièi quàuqui siècle, utilitàri tre-que fuguè entre- menado en Espagno, pìèi proupagado sus l’entour mieterran e mai encaro pu lìuen. Atualamen es devengudo mai requisto (e poudrié èstre proun pagado ! se..). Es de dire qu’es faturado en quàuquis endré. Vai-t-en veire que la faturon en pot, pausa de cop que i’a sus lou releisset d’uno fenèstro. Es jamai qu’uno erbo. Acò i’empacho pas d’èstre afublado d’un escais-noum tras qu’imajous : « l’Erbo- i-curo-dènt » o Bisnago, de soun noum boutani : ammi visnaga.

Soun noum prouvençau recampa pèr Frederi Mistral dins lou Trésor dóu Felibrige es Bisnago, mai i’ an douna d’àutri noum coume : Fenouï annau, Curo-dènt-d’Espagno, garoto curo-dènt, aquesto darriero apelacioun es proubablamen en raport amé lou noum que ié dounè lou boutanisto Ch. Linné : « Daucus visnaga ». Dins lou T.d.F, vertadiero encicloupedìo, Mistral en relevant lou noum de Bisnago, planto usualamen couneigudo souto lou noum francés d’« Herbe aux cure-dents » se crèi óubliga de i’atribuï uno etimoulougìo pèr l’escasènço que li Catalan la noumon « Bisnaga », lis Espagnòu « Biznaga » pièi d’apoundre, dóu latin « bis acuta » ; ansin fa, qu’es pas à soun proumié cop d’assai, proubablamen enfluença pèr un autre noum couneigu di Mestre-d’aisso que ié dison la « besagudo ». Mai durbèn uno parentèsi. La besagudo es un óutis que sèr au Mestre d’aisso à travaia lou fustage e de mourteisa lou bos, faire d’engréure. La besagudo (en francés : besagu, m ; besague, f ) es dos óutis en un. D’un coustat un long cisèu pèr taia lou bos dins lou sèns de la fìbro, de l’autre un long escaupre ; entre li dos, un manche pèr bèn teni l’óutis que se gouverno amé l’autre man ; lou tout fai aperaqui dous cop sièis pan de long e lou ferre-man tenènt, round, permet en fasènt uno routacioun de 180 degrat, d’emplega quouro lou cisèu, quouro lou bescaume ; ansìn fa, dins la man de soun gaubejaire que taiara quouro perpendicularamen, quouro dins lou sèns de la fìbro, lou bos. Tout acò lou Mestre d’aisso lou fai minuciousamen, e quouro proucèdis au desbourrage d’un engrèure qu’a d’én proumié traça, pièi, segound qu’a coumença d’en desgaja lou bos, à n’uno founsour chausido, au mejan de traucage sucessiéu, que fan un angle dre amé lou plan superiour d’uno fusto pausado ourìzountalamen de champ, li trau dóu cuié* estènt fa de proche en proche lis un dis autre, quàsi à la toco-toco. Sarran la parentèsi en perseguènt après « bis acuta ». Après « bis acuta » Frederi Mistral douno l’esplico : « aigu des deux côtés (agut di dous coustat), S.F. Visnague, daucus visnaga (Lam.), Aro : ammi visnaga (L.) Lam ; « Plante dont on fait des cure-dents, v. Fenouias », fin de citacioun. Quau es agut, di dos coustat en regard de la besagudo ?

- D’en proumié lou tai dóu cisèu-pèr-bos, large e afuta coume un trenco-lard, segound lou bè de l’escaupre, mai espès es aceira. Ansin fa. Quau es agut di dos coustat pèr lou regard de la Bisnago ? - La Bisnago, coume la pastenargo es uno planto de la famiho dis oumbellifèro (atualamen noumado Apiacèio), si flour nombrouso soun reünido pèr fourma d’oumbellulo e d’oumbello. Li rai dis oumbellulo soun pichounet e li rai de l’oumbello que li sustanto soun proun long e gros pèr faire de curo-dènt. Li oumbello soun pourta pèr un pedouncule que se termino en un renflamen que formo un cone renversa à sa baso dóu quau soun estacado li bratèio fourcudo plusiour fès. Sus la baso dóu cone vesèn à l’entour mai que d’un rai planta sus un boumb, sa finicioun, d’en aut es couifado d’un envoulucèlo qu’es la baso d’un oumbellulo. Lou tout fai pensa à n’un nis d’aucèu, sarra quouro li flour an madura.

Ai souto mi iue un brout de bisnago se, prelève sus l’oumbello la mai desveloupado un rai, se roump au pèd just en dessus dóu boumbu, coume lou roumpe à soun bout superiour. A ges d’estremita agudo, la roumpeduro es franco, sènso pouncho, sènso pounchoun. Lou rai mesuro un pau mai de 2 travers de det (4cm) de long, soun diamètre es un mau mens qu’un milimetre, aprecia à visto de nas.

Veici l’etimoulougìo recampado sus lou TdF ; sèmblo èstre sourtido d’uno engano camarguenco (vole pas subretout blessa degun). Mai alor? Alor es un’istòri, un’istòri vertadièro e vous la serve coume l’ai reçaupudo. En verita, Paul Fournier eminènt boutanisto de soun tèms, Doutour es sciènci, Doutour es letro, rèire direitour de la revisto « Le monde des plantes », nous assabento dins soun libre sus li « Plantes médicinales et vénéneuses de France », que la meno Ammi es bèn couneigudo en Europo e dins lou bassin mieterran en l’espèci d’Ammi majus e, cite : « l’espèci visnaga es un vertadié fenoumène linguisti, designo au Meissique lis Equinoucactèio (Echinocactées) e desrivo pèr courrupcioun dóu mot nahuat (lengo dis Astèque) huiznahuac significant enviróuta d’espino ; adóuta pèr li counquistaire espagnòu, aquéu mot castihanisa en Bisnaga vo Visnaga, es d’uno usanço courrènto dins lou lengage poupulàri meissican e sudamérican. Pèr analougìo, au Meissique, au Chili, en Argentino, ounte l’erbo-i-curo-dènt s’es naturalisado e es de cop-que-i’a faturado. Se i’es douna lou meme noum que d’aqui es revengudo en Europe au siècle XVI°. Dins aquesto espèci, annalo coume l’Ammi coumun, o Ammi óuficinau o Ammi inoudoro, Ammi majus ; soun tóuti dos de memo autour, li rai de l’oumbello que soun pèd es deja boumb, s’espessisson encaro après la flourisoun, pièi, quouro s’amaduron, li rai se sarron e se ressaron en uno formo de nis cauti. Pèr tèms umide, s’escarton de nouvèu enjusqu’au retour d’un tèms mai secarous, es eisatamen lou countràri di mouvamen óupera pèr la garoto.

Li rai de la bisnago an uno sabour aroumatico, que soun utilisa en Espagno pèr n’en faire de curo- dènt. » - Segur ! « Aquesto planto, espandido dins uno larjo zono sus tout l’entour mieterran, amo bèn li terren savèu dóu miejour e dóu pounentau de la Franço. Remounto enjusqu’à la Droumo prouvençalo e au pounènt enjusqu’au despartamen de la Charento maritimo.

Oussoulescènci óublijo, li curo-dènt fuguèron ramplaça pèr li brousseto pèr li dènt, l’Erbo i curo-dènt que s’èro espandido dins lou miejour de la Franço s’èro perèu espandido en Italìo ounte soun utilisacioun sèmblo jamai estado derroumpudo, car s’èro trouba lou mejan de n’en fabrica amé lou bos, e, la brousseto pèr li dènt n’en derroumpè pas l’usanço. Sabèn qu’à la fin d’un repas, en Italìo èro de modo e meme recoumenda de se servi d’un curo-dènt pèr bèn faire remarca qu’avès bèn manja. Ansin lou que counneissèn aro, pounchu di dos cousta, taia dins lou bos, tau que lou counneissèn, fugue jamai un pervalènt d’un rai d’oumbello de l’Ammi visnaga. La Bisnago qu’es vengudo après un long caminamen despièi lou Meissique dins uno lengo (lou nahuat, parla dis Aztèque) que soun noum proumié n’en fuguè courroumpu, nous moustrant bèn que l’evoulucioun d’uno lengo póu s’esplica autramen que pèr un efet d’azard o de la prouvidènço, mai degu à l’evoulucioun de la sciènci, de la teicnico, dis escàmbi d’entre li païs dóu mounde, mai que degun ié póu rèn…. Rendèn à Cesar… Latin óublijo !

En formo de nis couti

La flo ur es pa Rai de l’oumbello nd id o Ammi visnaga (L) Lam. Flo Bisnago (Provençal) La grano ur Visnague(Français) Uno bratèio es Herbe aux cure-dents pa nd id *Lou cuié : s.m. outil de charpentier ou bien la virouniero o MIREIETO

Marie-Rose Guérin-Arghyris et Anne Lambert

En Arle despièi lou 12 de desèmbre de 2010 chasque segound dimenche dóu mes, se debano uno bello ceremounié, aquelo di Mireieto.

Mai de qu’es acò ? Mireieto es un poulit pichot noum douna i chatouneto dóu païs d’Arle que prènon la couifo de Mirèio pèr lou proumié cop, aquéu jour d’aqui.

M’anas demanda de mounte vèn aquelo ceremounié ? À la coumençanço èron 3, pièi lèu-lèu fuguèron 4 : Monet Dervieux, Magali Jonin-Langlet, Isabelle Granaud- Lanthelme e Anne Lambert. Quatre femo qu’an l’amour de Prouvènço, de sa lengo, sa culturo e soun coustume caviha au cor e au cors. Tóuti quatre an imagina « La Fèsto di Mireieto ». Aquelo ceremounié l’an vougudo coume un rite de passage entre dous age impourtant de la vido : de l’enfantouno à la chatouno, de la bouneto de ninoio à la couifo de mirèio mai qu’es pancaro lou tignoun de l’arlatenco. Photo Marie-Rose Guérin Èstre uno arlatenco acò s’aprèn. Lou camin es long, de cop que i’a dificile mai talamen bèu. Es pèr acò que fau èstre acoumpagnado e rassegurado, pèr sa famiho d’abord, si meirino e peirin pièi e enfin pèr la coumunauta dins soun entié. Es ansin que tre la presentacioun dóu proujet au coumitat di fèsto d’Arle, soun presidènt, qu’èro d’aquéu tèms Jan-Jaque Jonin, e sa chourmo, fuguèron estrambourda pèr l’idèio e decidèron d’ourganisa la proumiero fèsto di Mireieto, uno fèsto famihalo e tambèn publico. Pas res sabié se li chatouneto e si famiho sarien aqui pèr faire viéure la ceremounié, se li gènt sarien d’acord pèr s’endraia emé lou coumitat sus lou camin d’aquelo aventuro en formo de « nouvelo tradicioun ».

Fuguèron 85 chatouneto, pièi 45, 66, 55… Uno bello reüssido ! Mai acò s’endevèn pas soulet. E de travai n’i’a d’amount. Li bountous qu’ajudon, sènso plagne soun tèms, soun forço noumbrous fin que li pichouneto, e si famiho, gardon un souveni meravihous de sa journado, bèn segur, mai tambèn de touto la caminado pèr arriva au bèu dimenche !

D’en proumié la chatouno vai se chausi uno meirino de baneto o un peirin, o li dous de cop que i’a. Es un role impourtant ! Pièi acò fa, fau se faire marca encò dóu Coumitat di Fèsto. Enfin au mes de setèmbre tóuti li pichouno e si famiho soun reçaupudo pèr uno entrèvo persounalisado e individualo. Aquelo entrèvo es forço óuriginalo e particuliero car es à n’aquéu moumen que l’on esplico lou coustume d’ivèr de la mirèio, que l’on respond i questioun … Basto que s’esplico tout l’èime de la fèsto di Mireieto. Arrivo lou mes d’óutobre. Lou mes dis ataié. Aqui tambèn uno óuriginalita. Èstre Mireieto acò s’aprèn, èstre prouvençalo tambèn. La chourmo proumierenco voulié pas que li pichouneto vestisson soun coustume sènso ié douna li « clau » tant preciouso de la couneissènço, que, s’es bèu de carga lou coustume, es mai qu’impourtant de n’en saupre un brèu sus li tradicioun, la culturo e lou parla que jamai s’óublido dins lis ativeta di Mireieto. Chasco annado un tème e un peirin o meirino de ceremounié es chausi.

En 2014 de-segur, es Mistral que fuguè à l’óunour. La Rèino dóu Felirige, Angélique Marçais, vouguè bèn èstre la meirino d’aquelo proumoucioun mistralenco. Mai coume parla de Mistral en de jòuini chatouneto sènso li lagna e tout en ié fasènt bèn coumprendre l’impourtanço d’aquel ome pèr Prouvènço e lou prouvençau ?

La chourmo a recassa l’escoumesso. Es ansin que li chatouno an pouscu canta, dansa, santouneja, vesita lou mas dóu Juge, lou mas de neissènço de Frederi Mistral. An descubert lou Felibrige, li 13 dessèrt, li pastouralo (sian dins la pountannado de Nouvè !). Lou coustume es pas esta óublida : an assaja de se couifa touto souleto, de cop que i’a pèr lou proumié cop, an estira, plega, courdura fichu e baneto e touto acò emé l’ajudo bèn-voulènto di « Damisello », l’assouciacioun di rèire damisello d’óunour, dis assouciacioun de mantenènço e tradicioun, de la Rèino d’Arle e si damisello d’óunour en titre e tout un fube de gènt tóuti pivela pèr l’afougamen d’aquéli chatouneto emai de si gènt.

De l’avejaire de tóuti, aquélis ataié soun uno idèio di mai bono pèr endraia lou camin de la culturo e de la lengo prouvençalo.

En 2015 es Daudet qu’es esta lou peirin de la proumoucioun. Font-Vièio e soun moulin aculiguèron li chatouneto pèr d’ataié di mai agradiéu dins li colo.

Evelyne Ricord, santonnière, Arles Descurbiguèron aquel autour famous, en particulié au Sculpture pour les Mireieto travès de « Les lettres de mon moulin », asatado e messo en sceno dins l’espetacle finau, pèr Miquèu Grisoni, rèire direitour dóu tiatre de Tarascoun.

Quand enfin arrivo lou dimenche, soun lèsto e es emé lou bate-cor que signon dins lou grand cartabèu di Mireieto counserva au Museon Arlaten, que caminon dins la lèio de la salo di fèsto davans si famiho, que soun aculido pèr la Rèino d’Arle e si damisello d’óunour.

Aro podon dire « adiéu à si bouneto de ninoio », si meirino e peirin « ié faran lume sus la draio dóu coustume » qu’an chausido d’enrega darrié si davanciero. Goustado, passo-carriero, sourire, poutoun, farandoulo, espetacle…

Pèr vèire tout acò avès que de veni en Arle au mes de desèmbre segur que li veirés li Mireieto.

E tout s’acabara sus un èr de Coupo Santo ! Création de l’affiche : Nicole Niel Longo-mai i Mireieto ! Avec l’aimable autorisation du Comité des fêtes - Ville d’Arles Assabé de l’assouciacioun Lou Prouvençau à l’Escolo L’ensignamen de la lengo Prouvençalo menaça dins lou primàri, li coulège e licéu

Li nouvello direitivo de l’Educacioun Naciounalo laisson l’ensignamen di lengo regiounalo au bon voulé di cap d’establimen despièi la darniero annado de l’escolo meirenalo fin qu’au licèu. Dins la maje part di cas, descounseion lou prouvençau e fan ensigna dins l’establimem que beilejon que de lengo fourestiero. Podon d’autant mai prendre aquelo decisioun que lou Buletin óuficiau prougramo 2015 de l’Educacioun Natiounalo bouto sus lou meme plan li lengo fourestiero e li lengo regiounalo, li leissant libre de chausi la lengo que volon siegue uno (o de) lengo fourestièro o uno lengo regiounalo.

En boutant sus lou meme plan lengo fourestiero e lengo regiounalo, l’Educacioun Naciounalo respèto pas l’article 75-1 de la Coustitucioun que dis « Li lengo regiounalo apartènon au patrimòni de la Franço ».

Pèr l’encauso dóu B.O. prougramo 2015, l’ensignamen de la lengo prouvençalo, lengo regiounalo « patrimòni de la Franço » desparèis dins lis establimen escoulàri.

Pèr contro-ista la desparicioun de l’ensignamen de la lengo prouvençalo que pòu que mena à sa mort, li mouvemen prouvençau dèvon sousteni l’acioun dóu Prouvençau à l’Escolo auprès dis autourita de la Republico pèr que siegue moudifica lou Buletin óuficiau prougramo 2015 de l’Educacioun Natiounalo. Aqueste dèu dessepara li lengo regiounalo « patrimòni de la Fanço » di lengo fourestiero e respeta li dispousicioun reglementàri rapelado çai-souto.

Lou Prouvençau à l’Escolo, pèr adurre la bono provo que i’a uno demando grando d’ensignamen de la lengo prouvençalo, demando i parènt o i grand de faire marca sis enfant o si felen au cous de prouvençau. Veici l’assabé que lou Prouvençau à l’Escolo vous prego d’espandi lou mai poussible :

« Avès segur ausi parla de la reformo pèr la rintrado de 2016... Fasèn tripet-pelòri pèr teni mai avèn besoun d’un mouloun d’escoulan pèr èstre soulide. Demandan dounc i famiho de faire marca si pichot en cous de prouvençau : la toco proumiero dóu Prouvençau à l’Escolo, que l’a marcado dins soun noum estènt d’oubra pèr l’ensignamen de la lengo nostro dins lis escolo ! »

 pèr la grando seicioun de meirenalo - lou primàri : CP, CE1, CE2, CM1, CM2, emai pèr la classo de 6enco au coulège, demanda au Direitour de l’escolo o lou Principau (coulège) « L’ENSIGNAMEN D’INICIACIOUN E DE SENSIBILISACIOUN LENGO REGIOUNALO » enco enco enco,  pèr lou segoundàri, au coulège : classo de 5 , 4 , 3 demanda au proufessour o, de preferènci, au Principau « L’ENSIGNAMEN DE COUMPLEMEN » e/o « L’ENSIGNAMEN PRATI INTERDISCIPLINARI » sèmpre en « LENGO REGIOUNALO »

Se i’a pas d’ensignamen dóu prouvençau dins l’escolo primàri o lou coulège, faire uno letro au Direitour de l’escolo o à l’Ispeitour despartementau d’Acadèmi (primàri), au Principau (coulège) pèr demanda l’ensignamen dóu prouvençau.

 Pèr lou licèu, se i’a pas d’ensignamen dóu prouvençau, lou demanda pèr uno letro au Prouvisour.

Vous counseian de manda uno còpi de vosto letro au Prouvençau à l’Escolo, Anne LAMBERT-VERDELHAN, mas Manivet, quartier de Quiqueran, 13200 ARLES.

GRAMACI DE DIFUSA LOU MAI POUSSIBLE AQUELO INFOURMACIOUN

Veici li numerò di circulàri e arrestat óuficiau que fan referènci e que poudrés rapela tóuti li cop que vous dison de noun. Circulàri N° 2015-106 dóu 30-6-2015 « Un escoulan pòu segui l’ensignamen prati interdisciplinàri « Langues et cultures étrangères et régionales » en classo de cinquenco, quatrenco e tresenco. Pòu, proun d’acò, segui, de la classo de cinquenco à la classo de tresenco, l’ensignamen de coumplemen de lengo regiounalo. L’ensignamen di lengo vivènto regiounalo dins lou primàri, au coulège e au licèu es toujour regi pèr la circulàri n°2001- 166 dóu 5 de setèmbre de 2001 sus lou desvouloupamen de l’ensignamen di lengo e culturo regiounalo à l’escolo, au coulège e au licèu. » Communiqué de l’association - Lou Prouvençau à l’Escolo L’enseignement de la langue Provençale menacée dans le primaire, les collèges et lycées

Les nouvelles directives de l’Education Nationale donnent la responsabilité de l’enseignement des langues régionales aux chefs d’établissement depuis la dernière année de l’école maternelle jusqu’au lycée. La plupart d’entre eux déconseillent l’étude du provençal et ne les dirigent que vers les langues étrangères. Ils peuvent prendre d’autant plus cette décision que le Bulletin officiel programme 2015 de l’Education Nationale ne faisant pas de distinction entre les langues étrangères et les langues régionales, ils ont la liberté de choisir pour leur établissement une (ou des) langue étrangère ou une langue régionale.

En mettant sur le même plan les langues étrangères et les langues régionales, l’Education Nationale ne respecte pas l’article 75-1 de la Constitution qui stipule « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».

A cause du B.O. programme 2015, l’enseignement de la langue provençale, langue régionale « patrimoine de la France », disparait dans les établissements scolaires.

Pour éviter la disparition de l’enseignement de la langue provençale qui ne peut qu’aboutir à son extinction, les mouvements provençaux sont appelés à soutenir l’action du Prouvençau à l’Escolo auprès des autorités de la République afin que soit modifié le Bulletin officiel programme 2015 de l’Education Nationale qui doit séparer les langues régionales « patrimoine de la France » des langues étrangères dans le respect des dispositions réglementaires rappelées ci-dessous.

Lou Prouvençau à l’Escolo, pour prouver qu’il y a une demande importante d’enseignement de la langue provençale, demande aux parents et grands-parents d’inscrire leurs enfants ou leurs petits-enfants au cours de provençal. Voici le communiqué du Prouvençau à l’Escolo à diffuser le plus possible : « Vous avez entendu parler de la réforme pour la rentrée 2016… Nous faisons tout notre possible pour tenir mais nous avons besoin de beaucoup d’élèves pour être écoutés et respectés par l’Education Nationale. Nous demandons donc aux familles de faire inscrire leurs enfants au cours de provençal : le premier but du Prouvençau à l’Escolo , et son nom le dit, étant d’œuvrer pour l’enseignement de notre langue dans les écoles !  pour la grande section de maternelle - le primaire : CP, CE1, CE2, CM1, CM2, et pour la classe de 6ème au collège, demander au Directeur de l’école ou au Principal (collège) « L’ENSEIGNEMENT D’INITIATION ET DE SENSIBILISATION LANGUE REGIONALE »  pour le secondaire, au collège : classes de 5ème, 4ème, 3ème, demander au professeur ou, de préférence, au Principal « L’ENSEIGNEMENT DE COMPLEMENT » et/ou « L’ENSEIGNEMENT PRATIQUE INTERDISCIPLINAIRE » toujours en « LANGUE REGIONALE »

S’il n’y a pas d’enseignement du provençal à l’école primaire, faire au Directeur de l’école ou à l’Inspecteur départemental d’Académie, et pour le collège au Principal pour demander l’enseignement du provençal

 Pour le lycée, s’il n’y a pas d’enseignement du provençal, le demander par une lettre au Proviseur.

Nous vous conseillons d’envoyer une copie de votre lettre au Prouvençau à l’Escolo, Anne LAMBERT-VERDELHAN, mas Manivet, quartier de Quiqueran, 13200 ARLES. MERCI DE DIFFUSER LE PLUS POSSIBLE CETTE INFORMATION

Voici les numéros des circulaires et arrêtés officiels qui font référence et que vous pourrez rappeler toutes les fois qu’ils vous répondent négativement. Circulaire n° 2015-106 du 30-6-2015 « Un élève peut suivre l’enseignement pratique interdisciplinaire « Langues et cultures étrangères et régionales » en classe de cinquième, quatrième et troisième. Il peut en outre suivre, de la classe de cinquième à la classe de troisième, l’enseignement de complément de langue régionale. L’enseignement des langues vivantes régionales dans le primaire, au collège et au lycée reste régi par la circulaire n°2001-166 du 5 septembre 2001 sur le développement de l’enseignement des langues et cultures régionales à l’école, au collège et au lycée.

LI 700 AN DE L’ENCLAVO DI PAPO Pèr Simouno Méance

Un evenimen d’impourtanço se debanara l’an que vèn à Vaurias e l’Enclavo di Papo « Li sèt cents an de l’Enclavo di Papo »

Dóu tèms de si presènci en terro coumtadino – 1309 -1377 – li Papo d’Avignoun menèron au miès aquèu territòri, cercant à l’espandi e à lou valourisa.

Em’acò, lou 21 de jun de 1317, lou papo Jan XXII (segound papo d’Avignoun istala dins lou Countat despièi vuech an) croumpo l’anciano Coumandarié di Templié de Richarencho, fisado inicialamen is Espitalié de Sant-Jan (Chivalié de Malto). Pièi quàuqui semano après la vilo de Vaurias au Dóufin de Vienès – li dos autro loucalita, Visan e Grihoun, li rejougneguèron quàuquis annado mai tard.

D’aquelo apartenènci is Estat Pountificau, l’Enclavo dóu Nord Vaucluso dins Droumo presènto uno óuriginaleta geougrafico e amenistrativo mau couneigudo.

Tout de long de l’an 2017 se debanaran de manifestacioun, touristico, culturalo, gastrounoumico e àutri couourdounado pèr « l’Assouciacioun 1317 – 2017, l’Enclavo sèt cènts an d’istòri ».

Aquesto enclavo que perduro encaro es un cas unico en Franço pèr soun estendudo.

*Doucumentacioun : Henri Veyradier, istourian Documentation : Henri Veyradier, historien Eme l’ajudo pèr la reviraduro de Parlaren Vaurias Avec l’aide pour la traduction de Parlaren Valréas

LES 700 ANS DE L’ENCLAVE DES PAPES Par Simone Méance

Un évènement d’importance se déroulera l’an prochain à Valréas et l’Enclave des Papes : « Les 700 ans de l’Enclave des Papes ».

Au cours de leur présence en terre comtadine de 1309 à 1377, les Papes dits « d’Avignon », (installés dans le Comtat depuis 8 ans) font l’acquisition de l’ancienne Commanderie des Templiers de Richerenches, confiée initialement aux Hospitaliers de Saint-Jean (Chevaliers de Malte), puis quelques semaines après la ville de Valréas au Dauphin Jean II du Viennois. Les deux autres localités de l’Enclave actuelle, Visan et Grillon, les rejoindront quelques années plus tard.

De cette appartenance aux Etats pontificaux, l’Enclave présente une originalité géographique et administrative mal connue. Tout au long de l’année 2017 se dérouleront des manifestations touristiques, culturelles, gastronomiques et autres – commémorant cet évènement – coordonnées par l’Association « 1317 – 2017 l’Enclave 700 ans d’histoire ».

Cette enclave qui perdure encore de nos jours est un cas unique en France de par son étendue.

VAISON la ROMAINE 27 – 28 - 29 Mai 2016

24en Councous di Jouine de Prouvènço Ourganisado pèr l’Unioun Prouvençalo

REMISE DES PRIX LE VENDREDI 27 MAI ESPACE CULTUREL Pique-nique champêtre au THEATRE DE VERDURE Visites du site romain, musée archéologique, cité médiévale 16heures : goûter et balèti animé par la Restanco

29enco Fèsto dóu Pople prouvençau Thème 2016 : « Patrimoine de Provence » Remise des prix du Councous de la Mirèio d’Or DIMANCHE 29 MAI PROGRAMME - Vendredi 27 mai 2016 – Espace culturel 21 heures : soirée Jean Henri Fabre avec poèmes, contes et chants par les ESTELAN - Samedi 28 mai 2016 – Espace culturel 10 heures : Conférence « Histoire de Vaison » par Mme Devin, historienne Suivie d’un apéritif offert par la municipalité de Vaison 14h30 – Théâtre : Li Jougaire Prouvençau – Li Fanfaroun de la Rado  21 heures – place Montfort : Concert gratuit par le Condor - Dimanche 29 mai 2016 - 9 heures : rassemblement de tous les groupes à l’Espace culturel Défilé des groupes jusqu’à l’Eglise en présence de la Reine d’Arles Mandy Graillon avec ses Demoiselles d’honneur 10h30 : messe en provençal chantée par l’Escolo dóu Pont de Sorgo 12 heures : Centre culturel – repas 14heures 30 : défilé des groupes en costume avec la Reine d’Arles et ses Demoiselles d’honneur et la Reine de Vaison pour se rendre à la Place Montfort REMISE DES PRIX DE LA MIREIO D’OR  Pendant ces trois journées, présence du PROUVENÇO BUS de l’Unioun Prouvençalo

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Pouèmo escri pèr Sergio Arneodo à Marìo, sa frémo Sus l’ièro vuéido Dans la cour vide Laisso – ma frémo – que de la gravièro Laisse – mon épouse – que de l’étang founjo la luno lève, quand lou journ sombre la lune apparaisse, quand le jour tout-just s’estégn e la grando nuèch nièro vient de mourir et la grande nuit noire s’en mounto espésso per vrous, fau e arbourn ! monte épaisse et grimpe dans les aulnes, hêtres et cytises.

Noste souléi l’avén perdu s’al sourn Notre soleil, nous l’avons perdu dans le trouble descounfinà, senço deman, de l’ièro. horizon sans lendemain, de la cour. Vóuto desèrto, pus de pale al fourn, Etable vide, plus de pelle à pain au four, dins la fougagno la bluho derrièro. dans la cheminée, la dernière étincelle flamboie.

Laisso – ma frémo – que lou mounde esclént Laisse – mon épouse – que l’univers lumineux d’aquesto luno sàie dins la nuèch, de cette lune monte dans la nuit nous doune la douçour de si grand-uéi… et nous porte la tendresse de ses grands yeux…

Sìhe, soun sourire, lou nouvèl souléi Que son sourire devienne le soleil nouveau suemiànt, que da levant en vers pounént de rêve, qui du levant au couchant, sus l’ièro vuéido nous embrasso estréch ! dans la cour dépouillée, nous embrasse étroitement.

VAISON la ROMAINE 27 – 28 - 29 Mai 2016

24en Councous di Jouine de Prouvènço Ourganisa pèr l’Unioun Prouvençalo

REMISE DES PRIX LE VENDREDI 27 MAI ESPACE CULTUREL Pique-nique champêtre au THEATRE DE VERDURE Visites du site romain, musée archéologique, cité médiévale 16heures : goûter et balèti animé par la Restanco

29enco Fèsto dóu Pople prouvençau Thème 2016 : « Patrimoine de Provence » Remise des prix du Councous de la Mirèio d’Or DIMANCHE 29 MAI PROGRAMME - Vendredi 27 mai 2016 – Espace culturel 21 heures : soirée Jean Henri Fabre avec poèmes, contes et chants par les ESTELAN - Samedi 28 mai 2016 – Espace culturel 10 heures : Conférence « Histoire de Vaison » par Mme Devin, historienne suivie d’un apéritif offert par la municipalité de Vaison 14h30 – Théâtre : Li Jougaire Prouvençau – Li Fanfaroun de la Rado  21 heures – place Montfort : Concert gratuit par le Condor - Dimanche 29 mai 2016 - 9 heures : rassemblement de tous les groupes à l’Espace culturel Défilé des groupes jusqu’à l’Eglise en présence de la Reine d’Arles Mandy Graillon avec ses Demoiselles d’honneur 10h30 : messe en provençal chantée par l’Escolo dóu Pont de Sorgo 12 heures : Centre culturel – repas 14heures 30 : défilé des groupes en costume avec la Reine d’Arles et ses Demoiselles d’honneur et la Reine de Vaison pour se rendre à la Place Montfort REMISE DES PRIX DE LA MIREIO D’OR  Pendant ces trois journées, présence du PROUVENÇO BUS de l’Unioun Prouvençalo

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Pouèmo escri pèr Sergio Arneodo à Marìo, sa frémo Sus l’ièro vuéido Dans la cour vide Laisso – ma frémo – que de la gravièro Laisse – mon épouse – que de l’étang founjo la luno lève, quand lou journ sombre la lune apparaisse, quand le jour tout-just s’estégn e la grando nuèch nièro vient de mourir et la grande nuit noire s’en mounto espésso per vrous, fau e arbourn ! monte épaisse et grimpe dans les aulnes, hêtres et cytises.

Noste souléi l’avén perdu s’al sourn Notre soleil, nous l’avons perdu dans le trouble descounfinà, senço deman, de l’ièro. horizon sans lendemain, de la cour. Vóuto desèrto, pus de pale al fourn, Etable vide, plus de pelle à pain au four, dins la fougagno la bluho derrièro. dans la cheminée, la dernière étincelle flamboie.

Laisso – ma frémo – que lou mounde esclént Laisse – mon épouse – que l’univers lumineux d’aquesto luno sàie dins la nuèch, de cette lune monte dans la nuit nous doune la douçour de si grand-uéi… et nous porte la tendresse de ses grands yeux…

Sìhe, soun sourire, lou nouvèl souléi Que son sourire devienne le soleil nouveau suemiànt, que da levant en vers pounént de rêve, qui du levant au couchant, sus l’ièro vuéido nous embrasso estréch ! dans la cour dépouillée, nous embrasse étroitement.

La maladie n’empêche pas Elonn Agerup d’être particulièrement productif

LE PEINTRE DE VIBORG,

âgé de 75 ans n’est pas oublié par la France

Une revue culturelle provençale publie un entretien avec Elonn Agerup de Vigorg Af Jesper Overgaard Elonn Agerup âgé de 75 ans a

VIBORG : Cela fait déjà quelques des problèmes de santé au années maintenant que l’artiste niveau des oreilles, des yeux et peintre Elonn Agerup de Viborg a du cœur. Pour cette raison, il a visité sa chère Provence. eu des difficultés pour visiter sa Mais ses chers amis provençaux chère ville de Salon de Provence n’ont pas oublié leur hôte ces dernières années. pendant ces nombreuses Depuis 1963 et pendant des années, témoigne un article de décennies, il était un hôte fidèle la revue culturelle « Li Letro de de la Provence et une année il a Font-Segugno ». réalisé le sujet de l’affiche « je suis fier et honoré. Cela me touristique de la région. donne encore plus de courage Malgré sa vue diminuée, il voit Elonn Agerup se présente dans une revue pour continuer à peindre. Mon intérieurement les couleurs et culturelle française et de plus en couverture but est de participer là-bas à les formes s’imposer et exploser une exposition de l’art du Nord sur la toile. au Sud », dit Elonn Agerup. « Je trouve moi-même que je La revue apporte un article n’ai jamais mieux peint que complet d’un danois qui a maintenant ». absorbé les couleurs « Mes tableaux sont toujours provençales et la lumière peints par mes sentiments avec particulière de la région. beaucoup de force » dit-il l’an La photo et l’article sont extraits du quotidien De plus, son tableau « La Crau dernier quand il a présenté son danois local Viborg Stifts Folkeblad vers Salon » illustre la exposition des 75 ans à Viborg. couverture de la revue.

DELEGATIONS INTERNATIONALES DES AMIS DE FONT-SEGUGNE

ALGERIE Tewfik HADJ-SLIMANE, médecin ARGENTINE Mario DEL CUETO, universitaire BRESIL Françoise VILELA, universitaire CHINE Wei ZHENG, professeur de français ESTONIE Artur LAAST, universitaire ETATS-UNIS Alice COLBY-HALL, professeur de langues romanes GRANDE-BRETAGNE Chris ATKINSON, ancien cadre BBC ITALIE Frederi ARNEODO, professeur MOLDAVIE Olga CHIRIAC, professeur de français ROUMANIE Antónia NÉMETH, professeur SLOVAQUIE Jozef SIVÁK, ancien expert près le Conseil de l'Europe SUEDE Sven BJÖRKMAN, professeur émérite de langues romanes Henri NIGGELER, conservateur honoraire de la bibliothèque SUISSE de Lausanne UKRAINE Valérie CHECHOUR, professeur de français

© Châteauneuf de Gadagne – Œuvre originale de Jean Chapon