FORCES POLITIQUES ET TERRITOIRES ÉLECTORAUX À ET SÂO PAULO (1996-2004)

Philippe WANIEZ, Violette BRUSTLEIN, Cesar RaMERa JACOB, Dora RODRIGUES HEES *

INTRODUCTION Dans un article publié en 2002 par la revue brésilienne Alceu', nous avons cherché à préciser les points d'articulation entre les résultats des élections municipales et présidentielles au Brésil, élec­ tions décalées de deux ans les unes par rapport aux autres. Cette recherche a montré comment le niveau municipal pouvait influencer le niveau national, sur la base d'alliances locales complexes, sans les­ quelles aucun prétendant à la fonction suprême ne pouvait espérer être élu. À la suite des élections municipales de 2004, il nous est apparu utile de présenter quelques éléments de réflexion nouveaux qui per­ mettent de mieux analyser le fonctionnement du processus politique dans les deux principales villes du pays, Sâo Paulo et Rio de Janeiro.

* Philippe Waniez est géographe, et directeur de recherche de l'Institut de Recherche pour le Développement (lRD ex-ORTSOM),Université catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio). E-mail: [email protected] ; web: http://perso.club·inter­ net.frlphilgeo. Violette Brustlein est ingénieur cartographe au Centre de Recherche et de Documentation sur l'Amérique latine, CREDAL-CNRS, Paris. E-mail: violette.brustlelnœuntv-parisâ.fr; Cesar Romero Jacob est politologue et professeur à l'Université catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio), Brésil. E-mail: jacobêalter­ nex.com.br. Dora Rodrigues Hees est géographe, professeur à l'Université catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio), Brésil. E·mail: [email protected]. 1. JACOB, C. R., HEES, D. R., WANlEZ,P., BRUSTLEIN, V. « As eleiçëes munici­ pais e sua influência nas disputas presidenciais lO. In : Alceu. Rio de Janeiro, v.3, n. 5, 2002, pp. 135·181. Article disponible sur Internet à l'adresse: www.puc-rio.brfeditorapucriof

PAL N° 55, Hiver2004·2005 ..

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144 P. WANIEZ, V. BRUSTŒIN, C. ROMEROJACOB, D. RODRIGUES HEES

n s'agit de montrer comment, à la faveur de l'alternance des scrutins locaux et nationaux, les forces politiques se recomposent sur le plan local et produisent des territoires plus ou moins bien délimités en fonction des caractéristiques socio-économiques (et religieuses à Rio de Janeiro) des électeurs. Cet article fournit une première analyse des tendances du vote, mais ne prétend pas apporter une explication ex­ haustive des décalages observés. Seules des recherches plus pous­ sées, sur le terrain, permettront de comprendre les raisons qui pous­ sent les électeurs à faire des choix différents selon le type d'élection. Pour étayer notre analyse, il nous a semblé indispensable de cons­ truire la géo-histoire électorale de Sâo Paulo et de Rio de Janeiro pourla période 1996-2004 au cours de laquelle se sont déroulées trois élections municipales (1996, 2000 et 2004), et deux élections prési­ dentielles (1998 et 2002). La méthode employée s'appuie sur la car­ tographie des résultats des élections selon un maillage de l'espace re­ lativement détaillé tout en restant fiable sur le plan statistique, celui des zones électorales, ceci afin d'identifier l'existence de territoires propres à chaque candidat en lice. Plus précisément, il s'agit de montreret de comprendre les décalages entre les résultats obtenus aux élections présidentielles en 1998 et 2002 parle candidat du Parti des Travailleurs (PT), Luiz lnâcio Lula da Silva, à Rio de Janeiro, et les suffrages obtenus parles candidats successifs de ce même parti à la fonction de maire, c'est-à-dire Chico Alencar; en 1996, , en 2000, et Jorge Bittar, en 2004. Comme on le sait, Luiz Inâcio Lula daSilva a bénéficié d'une longue progression à Rio de Janeiro comme en témoignent les résultats des scrutins de 1989, 2 1994, 1998 et 2002 • Malgré cette trajectoire ascendante, les candidats du PT à la mairie n'ont pas profité de cette tendance de fond, et le maire de Rio de Janeiro n'a jamais pu sortir de ses rangs. Une évolution semblable peut être observée à Sâo Paulo. On re­ marque, en effet, un net décalage entre d'une part les succès rempor­ tés parles candidats à la fonction présidentielle soutenus par le Parti de la Social - Démocratie Brésilienne (PSDB), Fernando Henrique Cardoso, en 1998, puis José Serra, en 2002, et d'autre part, les scores obtenus par les candidats à la mairie de ce même parti, José Serra, en 1996, et Geraldo Alckmin, en 2000. Les candidats du PSDB à la fonc­ tion présidentielle ont toujours réalisé une bonne performance dans 3 la capitale pauliste , mais ses postulants à la mairie n'y ont pas obtenu le succès électoral auquel ils pensaient pouvoir prétendre. Aux élec-

2. Les résultats obtenus par Luiz Inâcio Lula da Silva à Rio de Janeiro ont pro­ gressé régulièrement depuis 1989 : 12,1 % des suffrages exprimés au premier tour de 1989;27,2 %en 1994;42,1 %en 1998;47,2 %aupremiertourde2002. 3. Les candidats du PSDB à la Présidence de la République ont vu leurs scores pro­ gresser de manière significative à Sao Paulo: Mano Covas a obtenu 32,9 % des suf­ frages exprimés en 1989; Fernando Henrique Cardoso est passé de 57,8 % en 1994, à 61,9 %, en 1998. De son côté, José Serra a obtenu 30,7 % en 2002. Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Siio Paulo 145

s tions municipales de 2004, le candidat du PSDB, José Serra,lui-même tenu en échec lors de l'élection présidentielle de 2002, connait enfin le [1 succès, au moment où son parti n'est pas aux affaires à Brasilia... o s Ces décalages entre les niveaux d'élection se produisent aussi bien à Rio de Janeiro qu'à Sao Paulo, et cela bien que le PT et le PSDB se ;- soient affumés, au cours de la dernière décennie, comme les princi­ ;- paux partis politiques d'envergure nationale. Ceci est d'ailleurs

L. confirmé, non seulement par les bons scores obtenus par les candi­ dats de ces deux partis aux élections présidentielles de 1994, 1998 et ;- 2002, mais aussi par le pourcentage cumulé des suffrages exprimés o obtenus par les candidats de ces deux partis lors du premier tour des is trois dernières élections municipales, soit 28,2 % en 1996, 30,1 % en i­ 2000 et 34,2 % en 2004. r- Néanmoins, même si le PT et le PSDB sont devenu les principaux protagonistes des derniers scrutins présidentiels, cela ne signifie nulle­ ment que le Parti du Mouvement Démocratique Brésilien(PMDB) et le Parti du Front Libéral (PFL), tous deux essentiels dans le paysage po­ litique brésilien pendant la transition démocratique (1985-1990) aient, ~s ipso facto, perdu de leur importance. Ainsi, lors des trois dernières 12 élections municipales, les pourcentages cumulés du PMDB et du PFL a, .ont atteint 30,8 %en 1996, 31 %en2000et26,7 % en 2004. le ~n Le paysage politique brésilien compte maintenant quatre partis le d'envergure nationale (PT, PSDB, PMDB et PFL) qui totalisent 59 % io des suffrages exprimés en 1996, 61,1 % en 2000 et 60,9 % en 2004. 9, Mais il ne faut cependant pas tenir pour négligeables six autres par­ ts tis influents, notamment le Parti Démocratique Travailliste (PDT) du re défunt Leonel Brizola, et le Parti Progressiste Brésilien (PPB) de Paulo Maluf, dont l'électorat principal est respectivement localisé à Rio de Janeiro et à Sao Paulo.

RIo DE JANEIRO : DE L'ÉCLATEMENT DU PDT AU SURGISSEMENT DE LA QUESTION RELIGIEUSE

~n LÉtat de Rio de Janeiro, depuis le rétablissement des élections di­ LC­ rectes au poste de gouverneur, il y a 22 ans, a été dominé par des ns hommes politiques issus du PDT. Ainsi, depuis la victoire de Leonel lU Brizol~ en 1982, tous les gouverneurs - à l'exception cependant de ~c- Moreira Franco, en 1986, du PMDB - sont originaires des cadres du PDT: Leonel Brizola à nouveau en 1990, Marcelo Alencar en 1994,' en 1998 et Rosinha Garotinho en 2002. ro­ de Après l'apogée du prestige de Leonel Brizola - comme le montrent ses victoires comme gouverneur en 1982 et en 1990, son score specta­ r0­ culaire à la Présidence de la République en 1989, et les succès rem­ uf­ ~, à portés par« ses »candidats àla mairie en 1985 (Satumirio Braga) et en 1988 (Marcelo Alencar) -la force politique du« vieux briscard » de 146 P. WANIEZ, V. BRUSTIEIN, C. ROMEROJACOB, D. RODRIGUES HEES la politique carioca commence à décliner. Ainsi, les résultats obtenus par le « lider maximo »au premier tour de l'élection présidentielle de 1989 ne lui permettent pas de se maintenir au second tour. Même s'il a obtenu un bon score, à seulement 0,7 % du second, ce scrutin révèle l'étroitesse de la géographie de son électorat limitée essentiellement à deux États, Rio de Janeiro et Rio Grande do Sul. Cette performance ap­ paraît d'ailleurs paradoxale, dans la mesure où Brizola réussit à obte­ nir le troisième meilleur score dans une élection nationale sans être correctement implanté dans les États de Sâo Paulo et du Minas Gerais, qui rassemblent 33 % de l'électorat brésilien ; comme on le sait, l'ob­ tention de bons résultats dans ces deux États est la clé d'entrée au Palais du Planalto (Présidence de la République), à Brasilia. La situation politique de Leonel Brizola va ensuite s'aggraver lors de l'élection présidentielle suivante, celle de 1994, devenue une élec­ tion « mariée », c'est-à-dire simultanée avec celles des gouverneurs des États, des sénateurs, des députés fédéraux et des députés des États. Dans une élection de ce type doit s'établir un appui mutuel entre les candidats des différents niveaux. TI aurait donc fallu que Brizola dispose d'un parti bien structuré sur le plan national, ce qui n'était évidemment pas le cas du PDT. Face à une telle insuffisance, le couperet tombe: Brizola n'arrive qu'à la cinquième place! Cet échec reflète par ailleurs une dégradation de son image d'homme pu­ blic, dégradation largement due à la faillite de sa politique pendant son mandat de Gouverneur de l'État de Rio de Janeiro (1991-1994). Ainsi, au cours des années 1990, se produit alors une fragmenta­ tion de la famille brizoliste, avec la sortie du PDT de plusieurs leaders comme en 1992, Marcelo Alencar en 1994, et Anthony Garotinho en 2001. Chacune de ces personnalités politiques, au moment de son départ, emmène avec elle un lambeau de l'appareil pedetiste. La fragmentation de la famille brizoliste aura d'importantes réper­ cussions sur les résultats des élections à la mairie de Rio de Janeiro, ainsi qu'à la Présidence de la République dans cette ville. On obser­ vera d'une part l'arrivée de Cesar Maia au Parti du Front Libéral (PFL), préalablement inscrit au PMDB, et d'autre part l'affiliation de Marcelo Alencar au PSDB et de Anthony Garotinho au PMDB. Au moment de quitter le PDT, les héritiers de la famille brizoliste cher­ chèrent à adhérer à des partis d'envergure nationale afin de faire fructifier leur capital politique et d'étendre leurs fiefs locaux et régio­ naux. Pour ce faire, ils adoptèrent un nouveau discours, en accord avec les orientations de leurs nouveaux partis, sans pour autant se priver de la vieille machine électorale héritée du brizolisme. Par exemple, Cesar Maia se mit à discourir sur le « rétablissement de l'ordre urbain », positionnement bien du goût du PFL, en opposition au « désordre populiste» ayant toléré la prolifération des camelots (vendeurs de marchandises d'origine douteuse...) dans les rues de la ville. Autre exemple, Marcelo Alencar devint « un toucan de longue Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Sao Paulo 147

1S date... )} en appuyant la privatisation des services publics consécu­ :le tive à une réduction souhaitée du rôle de l'État, thème central de la a politique du PSDB, mais condamné par le PDT. Il n'y eut guère que :le Garotinho pour continuer à utiliser le discours populiste, typique du à brizolisme, auquel il ajouta cependant une touche de religiosité évan­ p­ gélique, tout en ayant adhéré au PMDB, parti qui, sur le plan natio­ e­ nal, cherche à maintenir la séparation entre religion et politique... re Ces recompositions se traduiront non seulement dans les urnes, mais is, aussi dans les territoires électoraux. b- lU Élections municipales (1996, 2000 et 2004) : Cesar Maia maître du jeu Irs ~c­ L'un des premiers hommes politiques d'envergure à rompre avec lrS le PDT fut Cesar Maia. Après avoir occupé le poste de Secrétaire des es Finances alors que Leonel Brizola était Gouverneur (1983 et 1991). il Lel quitte le parti en 1991 pour se présenter à la mairie, sous l'étiquette ue PMDB, contre la candidate soutenue par Leonel Brizola, Cidinha lui Campos qui ne réussit pas à se maintenir au second tour. Lors de ce :e, dernier, Cesar Maia l'emporte sur la candidate du PT, Benedita da :et Silva, commençant ainsi une longue période de direction politique de ,u­ la ville de Rio de Janeiro, qui continue toujours. nt En 1996, Cesar Maia, après avoir quitté le PMDB pour le PFL, ). lance « son }} candidat, Luiz Paulo Conde, qui obtient 40,3 % des ta­ suffrages exprimés au premier tour et gagne la mairie au second, 4 ~rs avec 53 %. La carte des résultats obtenus par Conde montre qu'il ny obtient ses meilleurs scores dans les quartiers riches de la zone Sud au à Barra da Tijuca, Leblon, Ipanema, Ilha do Governador, etc. (fig. 1). eil Figure 1 Municipio de Rio de Janeiro - Zones électorales Élection municipale 1996 (Premier tour) er­ Luiz Paulo Conde ro, er- ral de Au er­ ire io­ )rd se )ar % des suffrages expri~és de D 35,1 D 40,8 43.3 • 45.8 • on ols 4. Les cartes figurant dans cet article ont été réalisées grâce aux données fournies : la par le Tribunal Superior Eleitoral (TSE) et les Tribunaux Régionaux Électoraux de Rio ~e de Janeiro (TRE-RJ) et de Sâo Paulo (TRE-SP). 148 P. WANIEZ, V. BRUSTIEIN, C. ROMERO JACOB, D. RODRIGUES HEES

Le principal adversaire de Conde pour ces élections, Sérgio Cabral Filho (PSDB), obtient 24,6 %, au premier tour, et 47 % au second. Ses meilleurs. scores sont situés dans les quartiers popillaires de la Zone Ouest, Santa Cruz et Bangu, et de la Zone de la Leopoldina, à Olaria par exemple. Les candidatures de Conde et de Sérgio Cabral traduisent, en vérité, une dispute entre le maire Cesar Maia (PFL) et le gouverneur Marcelo Alencar (PSDB), tous les deux originaires du PDT ; il s'agit donc bien d'une lutte entre ex-membres de la famille brizoliste. Au cours du mandat de Conde (1997-2000), Cesar Maia rompt avec son ancien allié politique, quitte le PFL pour le Parti Travailliste Brésilien (PTB), et devient ainsi le principal adversaire de Conde lors de l'élection municipale de 2000. Au cours de cette élection, on observe une transformation bien visible dans la répartition géogra­ phiquè des suffrages obtenus par Conde qui obtient alors ses meilleurs scores à Santa Cruz et Bangu, précisément là où Sérgio Cabral avait obtenu, en 1996, quelques-uns de ses bons résultats. Parallèlement, Cesar Maia reconquiert ses anciens fiefs, c'est-à-dire Barra da TIjuca, Leblon, Ipanema et llha do Governador, ceux qui avaient donné à Conde ses meilleurs pourcentages lors de l'élection précédente de 1996. Cesar Maia emporte alors la mairie aux dépens de Conde, avec 51,1 % des suffrages exprimés. Ainsi, comme en 1996, on observe en 2000 une confrontation entre dissidents de la famille brizoliste, dont les protagonistes sont cette fois-ci Cesar Maia et le Gouverneur Anthony Garotinho, nou­ veau« parrain »politique du candidat Luiz Paulo Conde. Pour l'élection municipale de 2004, Cesar Maia est candidat à sa 5 propre succession , mais cette fois-ci sous l'étiquette PFL auquel il est retourné en 2001. II emporte à nouveau la mairie, au premier tour de scrutin, avec 50,1 % des suffrages exprimés, avec un net avantage sur son rival immédiat, , du Parti Liberal (PL) et Évêque de l'Église Universelle du Royaume de Dieu (IURD) qui ob­ tient seulement 21,8 %. En fait, Cesar Maia arrive en tête dans 96 des 97 zones électorales de Rio de Janeiro, perdant seulement 'dans le quartier populaire de Benfica, au bénéfice de Crivella : c'est dans cette zone électorale que sont localisés les sièges du PL et de TV Record, réseau de télévision appartenant à l'Église Universelle du a Royaume de Dieu ! ( Les voix obtenues par Cesar Maia représentent entre 33 % et 66 % f des suffrages exprimés. La carte (fig. 2) montre qu'il obtient toujours a a ses meilleurs scores dans les quartiers aisés comme Barra da TIjuca, r. f

5. En 1996, le Congrès national a adopté l'Amendement constitutionnel pennettant à un élu Maire, Gouverneur d'État, ou President de la République de se représenter b pour un second mandat. e Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Sâo Paulo 149

6 Leblon, Ipanema, ou de classe moyenne tels Copacabana et Tijuca • On observe qu'il progresse dans toute la ville, gagnant parfois jusqu'à 36 points de pourcentage par rapport à 2000 (fig. 3). De fait, Cesar Maia, avec sa victoire en 2004 s'affirme comme le principal leader politique de Rio de Janeiro, après 4 victoires électorales consécutives pour lui-même (en 1992,2000 et 2004) ou pour son dauphin désigné (Conde en 1996). Municfpio de Rio de Janeiro - Zones électorales

Figure 2 Élection municipale 2004 Cesar Maia

0 40,70 46,1 52,8.59,1.

Figure 3 Élection municipale 2004 Cesar Maia

o 21,5 0'26,5 • 31,0 • 36,5 •

Source. Tlibunal Regional Éloclonal de Rio de Janelro 02004 PhilipPe WanJez., Violette Brusdc.in, Caar Romero Jacob, Dora Rodrigucs Hees Lors des élections municipales de 2004, Luiz Paulo Conde était aussi candidat à la mairie, cette fois ci sous l'étiquette PMDB, partî de son nouveau « parrain }} politique, l'ex-Gouverneur de l'État de Rio de Janeiro, Anthony Garotinho. Un échec cuisant l'attendait, avec seulement Il,2 % des suffrages exprimés. Certains observateurs attendaient avec impatience une nouvelle dispute au sein de la fa­ mille brizoliste disloquée ; elle ne se produisit pas en raison de la per­ formance d'un autre candidat, Marcelo Crivella.

6. Le niveau d'éducation de l'électorat permet de dresser une carte donnant une bonne image de la ségrégation socio-spatiale dans chacune des deux villes (voir fig. 15 et fig. 16 en annexe). 150 P. WANIEZ, V. BRUSTLEIN, C. ROMERO JACOB, D. RODRIGUES HEES

Élu sénateur en 2002, Crivella s'est lancé dans la campagne élec­ torale pour la mairie de Rio de Janeiro en 2004 en appuyant large­ ment sa campagne électorale sur la structure de l'Église Universelle du Royaume de Dieu (IURD), l'une des principales Églises évangé­ liques pentecôtistes du Brésil. Il obtient ses meilleurs résultats dans la zone Ouest, le Central do Brasil, la Leopoldina, quartiers populai­ res de la ville (fig. 4), où la présence des évangéliques apparaît la plus marquée (fig. 5). On observe sur ces deux cartes une grande cor­ respondance qui incite à penser qu'une part importante de ses élec­ teurs ont fait le choix d'un vote religieux.

Municipio de Rio de Janeiro - Zones électorales Figure 4 tlection municipale 2004 Marcelo CriveUa Parti Libéral (PL)

% des suffrages exprimés o 14,2 0 20,1 25,2 .31.4 •

Figure 5 Religions évangéliques

% de Ja population totale o 10 0 16 21. 26 •

La seconde place atteinte par Crivella a surpris l'électorat non­ évangélique par une telle performance. La surprise est d'autant plus grande que la tradition républicaine brésilienne s'appuie sur la sépa­ ration de l'Église et de l'État, depuis 1889, année de la fin de l'Empire. Le Parti des Travailleurs (PT) a participé aux élections de 1996, avec Chieo Alencar (21,7 %), et de 2000, avec Benedita da Silva Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Sâo Paulo 151

(22.6 %), mais avec une base géographique bien différente: alors que Chico Alencar est bien implanté dans des quartiers de classes moyennes de la zone Sud comme Laranjeiras et , et de la zone Nord, tels Tijuca, Maracanâ et Vila Isabel, Benedita obtient ses meilleurs résultats dans les quartiers populaires de la zone Ouest, à Santa Cruz, Campo Grande et Bangu. De telles différences s'expli­ quent probablement par la capacité du PT à« ratisser large ", aussi bien dans les quartiers de classes moyennes pour Chico Alencar, que dans les quartiers populaires pour Benedita. On peut aussi avancer une autre explication: Benedita étant adepte de l'Assemblée de Dieu, principale Église pentecôtiste du Brésil, elle pourrait bien avoir bé­ néficié du soutien des pasteurs pentecôtistes qui œuvrent surtout dans la zone Ouest, la plus pauvre de la ville. En 2004, le candidat du PT, Jorge BittaI; arrive en cinquième place, avec seulement 6,3 % des suffrages exprimés, le pire résultat jamais enregistré par le PT à Rio de Janeiro. Sa base géographique se limite à celle de Chico Alencar en 1996 (fig.6). Un tel échec résulte en partie de la division de l'électorat de gauche entre Bittar et la candi­ date du Parti Communiste du Brésil, Jandira Feghali, arrivée en qua­ trième place, avec 6,9 % des suffrages exprimés. Municipio de Rio de Janeiro - Zones éledorales Figure 6 Élection municipale 2004 Jorge Bittar Parti des Travailleurs (PT)

% des suffrages exprim~ o Espace inhabité o 5.1 0 6,3 7,7 • 9,7 • Sourca : Tribunal RégiorW ~l«ton.l ck Rio de JUIC"lro IBGE· R.oc:enI:eroent OêmognplUqlle 2000 02004 PIuliWC WilDICZ, Violcnc Brusdeitl., ÛW' Rouaero JaO

Élections présidentielles (1998 et 2002) : Lula Profite des divisions partisanes Lors de la première élection présidentielle directe après la fin de la dictature, en 1989, Leonel Brizola fut le champion de la ville de Rio de Janeiro, puisqu'il reçut 50 % des suffrages exprimés. Cependant,

7. WANlEZ, P., BRUSTLEIN, v., JACOB, C. R., HEES, D. R. « Déclin du catholi­ cisme et changements religieux au Brésil. Ce que dit le recensement démographique de 2000 ". In: Problèmes d'Amérique Latine nO 52, Printemps 2004, p. 47. 152 P. WANIEZ, V. BRUSTlElN, C. ROMEROJACOB, D. RODRIGUES HEES 1

cette perfonnance spectaculaire allait être la dernière du « [{der ( maximo do PDT », puisqu'une longue descente aux enfers au cours ( des années 1990 allait le conduire au déclin irrémédiable. À l'élection 1 présidentielle suivante, en 1994, il ne dépasse pas la barre des 10 % a à Rio de Janeiro ; en 1998, il se contente de la place de Vice­ r Président sur la liste de Luiz lnâcio Lula da Silva, et en 2002, il se li­ ( mite à appuyer Ciro Gomes, du Parti Populaire Socialiste (PPS) qui ~ obtient seulement 10,5 % des votes des cariocas. r NatUrellement, ce déclin est lié à la fragmentation de la famille bri­ s zoliste. On sait que pour l'élection présidentielle de 1994, le maire de Rio de Janeiro, Cesar Maia, et le candidat au poste de Gouverneur de J: l'État, Marcelo Alencar dû PSDB, vont soutenir Fernando Henrique Cardoso, ce qui permettra au candidat du parti des toucans (ainsi nommé en raison de l'oiseau, emblème du PSDB) d'obtenir dans la ville un score de 47 %, perfonnance bien meilleure que celle d'un autre toucan, Mano Covas, qui n'était arrivé en 1989 qu'à 11,6 % seulement. En 1998, le Gouverneur Marcelo Alencar et l'ex-maire Cesar Maïa devaient à nouveau s'unir pour soutenir Fernando Henrique Cardoso, ce qui pennit à ce dernier d'atteindre 40 % des suffrages exprimés. La distribution des pourcentages traduit le soutien de Cesar Maia à Barra da TIjuca et dans les quartiers de la zone Sud, et celui de Marcelo Alencar dans ses fiefs de la zone Ouest, comme Santa Cruz. Ce phénomène ne s'est pas répété en 2002 pour José Serra, qui dé­ passa à peine la barre des 10 %. Ceci s'explique par une réduction de sa base géographique aux quartiers de la zone Sud, et un effondre~ ment dans d'autres quartiers comme Barra da TIjuca et dans les quar­ tiers populaires de la zone Ouest. Dans cette dernière, on observe les effets de la montée en puissance de l'ex-Gouverneur Anthony Il Garotinho et lui-même candidat à la Présidence (arrivé en troisième h place sur le pian national) qui a privé José Serra de la machine élec­ n torale des Églises pentecôtistes. l SI À l'inverse des candidats toucans, Luiz Inâcio Lula da Silva béné­ S ficie d'une trajectoire ascendante dans la ville. On observe cependant P de fortes altérations de sa base géographique d'une élection à l'autre, z, et cela en fonction des alliances politiques qu'il a pu tisser. Ainsi, en l 1998, il fait de bons scores dans les quartiers populaires du centre b ville et de la zone Ouest, en raison de son alliance avec Leonel Brizola d qui y disposait de fiefs électoraux puissants. li faut en effet se rappe­ ler que la liste pour la Présidence Lula-Brizola formait une alliance PT-PDT, et que celle pour le poste de Gouverneur se composait de t< Anthony Garotinho et Benedita da Silva, tous deux de religion évan­ TC gélique. li était donc prévisible qu'on retrouve le couple Lula-Brizola n avec un bon score là où les pentecôtistes étaient bien implantés. ti v: En 2002, la structure spatiale du vote en faveur de Luiz Inâcio d Lula da Silva se modifie nettement, en se déplaçant de la partie occi- Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Siio Paulo 153

dentale de la ville vers sa partie orientale (fig. 7). Ainsi, ce sont des quartiers de classes moyennes, comme Laranjeiras, Maracana et Vila Isabel qui donnent à Luiz Inacio Lula da Silva ses meilleurs scores, aux environs de 55 % des suffrages exprimés. Un changement aussi radical dans la géographie électorale de la ville résulte sans nul doute des accords entre le PDT et le PT (en faveur de Luiz Inacio Lula da Silva), et de l'appui marqué des pentecôtistes en faveur de son chal­ lenger, Anthony Garotinho. Dans d'autres quartiers de classes moyen­ nes, comme Copacabana, Luiz Inacio Lula da Silva fait de bons ré­ sultats, entre 45 % et 50 %, ce qui lui permet de faire un bond de 15 points de pourcentage sur l'ensemble de la ville, par rapport à 1998.

Figure 7 Municipio de Rio de Janeiro - Zones électorales Élection présidentielle 2002 (Premier tour) Luiz Inacio Lula da Silva Parti des Travailleurs (PT)

% des suffrages exprimés o 40 D 45 • 50 1. 55 • Au second tour de scrutin de l'élection présidentielle de 2002, Luiz Inacio Lula da Silva l'emporte à Rio de Janeiro de manière spectacu­ laire, avec 81 % des suffrages exprimés, dépassant même sa perfor­ mance du second tour de 1989 quand il avait obtenu, avec l'appui de Leonel Brizola alors au sommet de son prestige politique, 73 % des suffrages exprimés. Les progrès enregistrés par Luiz Inacio Lula da Silva au second tour se traduisent par de nets changements sur le plan géographique. On observe un vote massif en sa faveur dans la zone Ouest, dans les quartiers du Central do Brasil et de la Leopoldina, alors qu'au premier tour le candidat du PT avait plutôt brillé dans les quartiers de classes moyennes des zones Sud et Nord de la ville. Cependant, malgré ses performances spectaculaires au second tour, Luiz Inâcio Lula da Silva ne réussit cependant pas à obtenir le report intégral des suffrages obtenus par les quatre candidats élimi­ nés qui lui avaient apporté leur soutien. Par exemple, dans les quar­ tiers aisés de Copacabana et Sao Conrado, l'électorat le plus conser­ vateur qui avait choisi Ciro Gomes au premier tour, n'a pas suivi la ) discipline de désistement en faveur de Luiz Inacio Lula da Silva 154 P. WANIEZ, V. BRUSTLEIN, C. ROMERO JACOB, D. RODRIGUES HEES parce que, même dans sa version modérée, ce dernier continuait à être vu comme trop radical à gauche. Par ailleurs, dans les quartiers populaires de la zone Ouest, malgré le désistement de Anthony Garotinho, Luiz Inacio Lula da Silva ne fait pas non plus le plein des voix en raison d'un désaccord entre les deux principales Églises pen­ tecôtistes de la ville, l'Église Universelle du Royaume de Dieu soute­ nant Luiz Inacio Lula da Silva, alors que l'Assemblée de Dieu appelle à voter José Serra. Même divisés au second tour, ces mêmes Églises pentecôtistes ont appuyé massivement Anthony Garotinho au premier tour, ce qui lui a permis d'arriver en troisième place sur le plan national, et même en seconde place à Rio de Janeiro, grâce, notamment à une bonne im­ plantation dans les zones Ouest et Nord du municipio (fig. 8). Ceci n'est pas seulement dû aux pentecôtistes, mais aussi à la conquête de l'appareil briz.oliste dans son principal fief électoral, conquête réussie par Anthony Garotinho au moment de son départ vers le Parti Socialiste Brésilien (PSB) en 2001.

Municipio de Rio de Janeiro - Zones électorales Figure 8 Élection présidentielle 2002 (Premier tour) Anthony Garotinho Parti Socialisle Brésilien (PSB)

% des suffrages exprimés o 20 D 25 • 35 • 45 •

SAO PAULO: LA DROITE POPULISTE EN DÉCLIN LAISSE LA PLACE À UNE CONFRONTATION DROITE / GAUCHE PLUS CLASSIQUE

Depuis la reprise de l'élection directe du Gouverneur en 1982, l'É• tat de Sao Pallio a toujours été dirigé par des hommes politiques ayant milité au PMDB durant la dictature militaire. Ainsi, les gou­ verneurs successifs proviennent soit directement du PMDB, soit du PSDB, rameau né du premier en 1988 : Franco Montoro (1982), Orestes Quércia (1986), Luiz Antônio Fleury Filho (1990), Mario Covas (1994 et 1998) et Geraldo Alckmin (2002). Cependant, malgré le prestige indéniable du PMDB, les gouver­ neurs qui se sont succédé n'ont jamais réussi à faire élire un maire de Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Sao Paulo 155

:à leur famille politique jusqu'en 2004. Furent successivement battus: :rs Fernando Henrique Cardoso (1985), Joâo Leiva (1988) et Aloysio ny Nunes Ferreira (1992), tous du PMDB; José Serra (1996) et Geraldo ,es Alckmin (2000), du PSDB. :n­ te­ Les maires de Sâo Paulo sont donc issus d'autres partis: Jânio lle Ouadros (1985) du PTB, Luiza Erundina (1988) du PT, Paulo Maluf (1992) et Celso Pitta (1996) du PPB, et Marta Suplicy (2000) du PT. C'est seulement en 2004 que le Gouverneur Geraldo Alckmin a fina­ Int lement réussi à faire élire le maire qu'il parrainait: José Serra. lui en Autre fait original : même si les candidats toucans à la mairie m­ n'ont pas connu le succès qu'ils pouvaient escompter, les candidats ~ci du PSDB à la Présidence de la République, Mario Covas en 1989, de Fernando Henrique Cardoso en 1994 et 1998 ont néanmoins réussi sie de belles pedormances dans la ville. li apparaît donc intéressant de rti s'interroger sur le décalage entre les bons scores du PSDB lors des élections présidentielles successives, et son échec aux élections mu­ nicipales de 1996 et 2000. es Élections municipales (1996, 2000 et 2004) : du règne de Malu{à la chute de Marta La rivalité pour le contrôle du PMDB pauliste entre le Gouverneur Orestes Ouércia (1987/90), et l'ex-Gouverneur Franco Montoro (1983/86) a conduit quelques hommes politiques de grande enver­ gure issus du PMDB à créer le PSDB en 1988. En plus de Montoro, trois personnalités d'importance nationale ont adhéré au nouveau parti : Mario Covas, Fernando Henrique Cardoso et José Serra. Ceci a eu pour conséquence un affaiblissement considérable du PMDB à Sâo Paulo, plus fort encore quand, en 1994, Fernando Henrique Cardoso est élu Président de la République, et Mario Covas, Gouverneur de Sâo Paulo. Se produit alors une consolidation des for­ ces politiques, PPB, PT et PSDB, pour l'élection municipale à venir qui se traduit sur le terrain par la formation de fiefs électoraux bien délimités. À En 1996, le maire d'alors, Paulo Maluf, lance la candidature de Celso Pitta pour lui succéder. Ce dernier obtient 48,2 % des suffrages exprimés au premier tour et l'e;mporte au second tour avec 62,3 %. 'É- Les zones électorales où Pitta obtient ses meilleurs résultats sont cel­ les les de la partie centrale du municfpio : il s'agit des quartiers de clas­ )U- ses moyennes comme Vila Maria, Mooca, Ipiranga e Indian6polis du (fig. 9 p. 157). 2), rio Pour les élections municipales de 2000, le même Paulo Maluf décide de se présenter à nouveau, mais n'obtient que 17,3 % des suf­ frages exprimés au premier tour et 41,5 % au second. Même si le ni­ er­ veau de la pedormance de Paulo Maluf apparaît bien inférieur à de celui de Pitta quatre ans auparavant, les quartiers d'élection du can- 156 P. WANIEZ, V. BRUSTŒIN, C. ROMEROJACOB, D. RODRlGUES HEES

didat Paulo Maluf demeurent les mêmes que ceux du candidat Pitta, tant au premier qu'au second tour, renforçant par là-mêlI!e l'exis­ tence d'un fief électoral du PPB dans la ville de Sâo Paulo.

8 En 2004, Paulo Maluf est candidat à la mairie une fois encore , mais enregistre alors son pire résultat avec seulement Il,9 % des suffrages exprimés. Mais même largement distancé, il demeure bien implanté dans ses fiefs traditionnels comme VIla Maria, Mooca et Ipiranga. Le principal adversaire du PPB dans la capitale pauIista, le Parti des Travailleurs, a lancé la candidature de l'ex-maire Luiza Erundina (1989-1992) qui obtint. alors 24,5 % des suffrages exprimés au pre­ mier tour et seulement 37,7 % au second. Les quartiers où elle réus­ sit ses meilleures performances sont situés dans les quartiers popu­ laires de la zone Est de la ville, tels Sâo Miguel Paulista, Sâo Mateus et Sapopemba, ainsi que de la zone Sud, comme Grajau et Piraporinha. On peut obsexver ici l'influence de la proximité de la ré­ gion industrielle habituellement désigné par l'acronyme ABCD (Santo André, Sâo Bernardo do Campo, Sâo Caetano do Sul et Diadema). Pour l'élection municipale de 2000, le PT choisit Marta Suplicy. Elle obtint 38,1 % des suffrages exprimés au premier tour, et l'em­ porta au second tour avec 58,5 %. La répartition géographique de ses suffrages ressemble à celle de Luiza Erundina à l'Est et au Sud, mais elle étend sa domination sur les quartiers Ouest de la ville (fig. 10). En 2004, Marta Suplicy, candidate à sa propre succession, obtient 35,8 % des suffrages exprimés au premier tour, résultat inférieur de 2,3 points de pourcentage à celui de 2000. La carte des différences entre ses résultats en 2004 et en 2000 révèle d'importants oontrnstes d'une élection à l'autre. D'une part, elle progresse dans les quartiers populaires des zones Est, Sud et Nord-Ouest, mais elle recule parfois fortement dans la plupart des autres quartiers de la ville (fig. Il). Lors du second tour de scrutin, Marta Suplicy perd la mairie de Sâo Paulo. La troisième force politique significative pour des élections muni­ cipales à Sâo Paulo, le PSDB, choisit José Serra en 1996. Ce candidat fut malheureux avec seulement 15,6 % des suffrages exprimés, mal­ gré le soutien appuyé du Président de la République, Fernando Henrique Cardoso, et du Gouverneur de l'État, Mârio Covas. TI reçut seulement les faveurs des quartiers riches de la ville, comme Jardim Paulista, Pinheiros et Perdizes.

8. Pour les élections municipales de 2004, Paulo Maluf s'est présenté sous l'éti­ quette du Partido Popular (PP), nouveau nom de son ancien parti, le PPB (Parti Progressiste Brésilien). Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Siio PaLÛO 157

tlection municipale 1996 (Premier tour) Municipio de Sâo Paulo Celso Pitta Zones électorales Parti Progressiste Brésilien (PPB)

Élection municipale 2000 (Premier tour) Marta Suplicy % des suffrages Parti des Travailleurs (PT) exprimés

•.55.8 53.9

49 0 ,4 o 44,4

% des suffrages Élection municipale 2004 (Premier tour) exprimés Marta Suplicy Parti des Travailleurs (PT) ::·35 30 D

Différence de % entre 2004 et 2000 (en points) • Il,3 o Espace inhabité 5,6 Do •.,7,8 158 P. WANIEZ, V. BRUSTLEIN, C. ROMEROJACOB, D. RODRIGUES HEES

Élection municipale 2004 (Premier lour) Municipio de Sao Paulo José Serra Zones électorales Parti de la Social-Démocratie Brésilienne (PSDB)

Élection présidentielle 1998 Fernando Henrique Cardoso % des suffrages exprimés Parti de la Social-Démocratie Brésilienne (PSDB) ·~8.1 ·~07 -42'1 0)2'2 D'

Élection présidentielle 2002 (Premier lour) % des suffrages Luiz Inacio Lula da Silva exprimés Parti des Travailleurs (PT) •.71,3 .67.4

63 0 ,8 57 3 0 •

% des suffrages exprimés ::: o Espace inhabité

Source : Tnbunal Rtg)onal ElectoriJ ck SJo PlIulo 02004 Philippe Wa.ni~ Violel1e BruslleiA, Cenr Romcro Jacob, Don. Rodrirucs H(C$ Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et &io Paulo 159

Lors des élections de 2000, le PSDB lança la candidature de Geraldo Alckmin, Vice-Gouverneur de l'État de Sâo Paulo (1999­ 2002). Une fois encore, et toujours malgré l'appui du Président Fernando Henrique Cardoso. et du Gouverneur Mano Cavas, le can­ didat du PMDB dut se contenter de 17,2 % des suffrages exprimés, et il ne put participer au second tour de scrutin. En 2004, le PSDB renouvelle la candidature de José Serra. Mais à la différence de ce qui s'est passé en 1996, il réalise une excellente performance au premier tour, avec 43,6 % des suffrages exprimés, ce qui lui pennet d'aller croiser le fer au second tour avec le maire sor­ tant, Marta Suplicy. Les fiefs du PSDB, comme Jardim Paulista, Pinheiros, Perdizes ou bien encore Mooca, où il gagne 34,3 points de pourcentage, votent massivement pour lui. Il progresse également dans la plupart des quartiers de la ville (fig.12). Lors du second tour de scrutin, José Serra l'emporte avec 54,9 %. Depuis la fondation du PSDB en 1988, c'est bien la première fois qu'un candidat toucan réussit à se faire élire maire de la ville de Sào Paulo. Il réussit cette perfonnance exceptionnelle notamment dans les réduits électoraux malufistes, tels Vila Maria, Mooca et Ipiranga, malgré les déclarations de soutien de Paulo Maluf à Marta Suplicy. Ici, les électeurs conservateurs ont préféré ne pas suivre leur leader historique en ne soutenant pas la candidate du PT.

Érections présidentieUes (1998 et 2002) : la confrontation PSDB 1 PT

Lors des élections présidentielles de 1989, 1994 et 1998, les can­ didats toucans, Mano Covas et Fernando Henrique Cardoso, ont ob­ tenu de très bons résultats dans la capitale pauliste. Ainsi, Mârio Covas y est arrivé en tête dans un scrutin comprenant 21 candidats à la fonction présidentielle. En 1994 et 1998 Fernando Henrique Cardoso est sorti champion des urnes. Quand on observe la répartition géographique des suffrages qu'il a obtenus en 1998, on se rend compte de ses excellents résultats dans presque toutes les les zones électorales de la ville, et surtout dans les quartiers de classes moyennes et supérieures comme Pinheiros, Butantà, Jardim Paulista et Indian6polis, où ses scores sont specta­ culaires (fig. 13). En 2002, José Serra, malgré un bon score dans la capitale au premier tour, obtient un résultat très inférieur à celui de son prédécesseur en 1998. Les mêmes quartiers le soutiennent, mais de manière plus modérée, évolution qui s'accompagne d'une baisse généralisée du poids du PSDB dans toutes les zones électorales de la ville. Le principal opposant au PSDB lors des élections présidentielles à Sào Paulo est Luiz Inâcio Lula da Silva, dont la force électorale s'est 160 P. WANIEZ, V. BRUSTLEIN, C. ROMERO JACOB, D. RODRIGUES HEES

9 considérablement accrue entre 1998 et 2000 • Les cartes suivantes montrent l'existence de fiefs électoraux bien délimités, localisés sur­ tout dans les zones Est, Sud et Nord-Ouest (fig. 14 page 158). Si l'on compare les pourcentages de suffrages exprimés obtenus par Luiz Inâcio Lula da Silva en 1998 et 2002, on vérifie que sa progression est généralisée ; la progression maximum est enregistrée dans les quar­ tiers populaires de Rio Pequeno et Grajaù, au Sud, avec un accrois­ sement de 16 points de pourcentage d'une élection à l'autre. À Sao Paulo, la troisième force politique présente aux élections présidentielles est le PPB de Paulo Maluf. En 1989, ilarrive deuxième avec 24,2 % des suffrages exprimés, après Mmo Covas, mais devant Luiz lruicio Lula da Silva: Malgré cette bonne performance dans la ville, il se situe seulement au cinquième rang sur le plan national. En 1994, le candidat du PPB à la Présidence de la République, Esperidiao Amin, n'obtient que 2,8 % des suffrages exprimés dans le pays, et dans la capitale paulista, son score est insignifiant, et cela bien que Paulo Maluf soit maire. En 1998 et 2002, le PPB n'a pas été capable de lancer une candidature issue de ses rangs, se contentant ainsi d'être une force politique locale.

CONCLUSIONS 1 Le premier résultat de cette étude est sans nul doute de confirmer 1 une réelle stabilité de la géographie électorale à Rio de Janeiro et Sâo 1 Paulo lors des scrutins municipaux de 1996, 2000 et 2004, et prési­ 1 dentiels de 1998 et 2002. Ainsi, malgré la complexité du jeu politique dans ces grandes métropoles, la récurrence de l'organisation de l'espace électoral démontre la grande cohérence politique de l'électo­ 1 rat. On peut dès lors véritablement parler de quartiers conservateurs 1 et de quartiers progressistes. ~

Élections présidentieUes versus ilections municipales ( Cependant, et malgré ce premier trait commun, les deux villes ne ( f se ressemblent pas du tout lorsqu'on examine l'existence d'éventuel­ ) les correspondances géographiques entre les résultats des élections municipales et ceux des élections présidentielles, c'est-à-dire l'in­ 1 fluence du niveau d'élection dans le comportement des électeurs dans la formation des territoires électoraux. À Sao Paulo, les territoires électoraux du PSDB et du PT appa­ o raissent bien ancrés. Pour le PSDB, il s'agit des quartiers aisés de la C capitale, Jardim Paulista, Pinheiros, Perdizes et Butantâ, tant pour 1 2

g. 9. Luiz Inâcio Lula da Silva a aussi progressé dans la ville de Silo Paulo: 15,7 % L des suffrages exprimés au premier tour de 1989, 27,2 % en 1994, 27,7 % en 1998, et (; 42,0 %, au premier tour de 2002. L EES Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Siio Paulo 161 ntes les élections municipales (José Serra 1996, Geraldo Alckmin 2000 et sur­ José Serra 2004) que pour les élections présidentielles (Fernando l'on Henrique Cardoso 1998 et José Serra 2002). Pour le PT, on retrouve Luiz les quartiers populaires des zones Est, Sud et Nord-Ouest qui donnè­ lest rent leurs suffrages aux candidats à la mairie (Luiza Erundina 1996, uar­ Marta Suplicy 2000 et 2004 ) et à la présidence (Luiz Inâcio Lula da rois- Silva 1998 et 2002). Pourtant, ces deux partis présentent des trajec­ toires électorales très différentes puisque le PSDB montre un profil en « montagne russe » qui croît et décroît rapidement entre ses can­ ions lO didats à la présidence ou à la mairie • Le PT, au contraire, affiche une ème ll tendance croissante avec seulement de petites oscillations • vant 1S la Rio de Janeiro, en revanche, présente une géographie électorale I.En bien plus complexe, qui change d'une élection à l'autre en fonction de que, différents facteurs comme la fragmentation du brizolisme dans les ns le années 1990, la fragilité de l'implantation du PSDB et du PT dans la cela ville, et une grande volatilité des allianceS, différentes d'une élection s été à l'autre. ltant Une autre caractéristique rapproche pourtant à nouveau les deux villes. Pour chacun des deux niveaux d'élection, on remarque un net décalage entre les perlormances réalisées par les candidats du PSDB à Sâo Paulo, et du PT à Rio de Janeiro. À Sâo Paulo, ce décalage se traduit par les excellents résultats des candidats toucans à la fonction :nIer présidentielle, et l'échec électoral des prétendants du PSDB à la mai­ Sâo rie en 1996 et 2000. Ceci résulte sans doute de l'existence du ma­ rési­ lufisme qui joue un rôle significatifà droite, au niveau local, mais ne ique réussit pas à s'imposer au niveau national, obligé ainsi à limiter son 1 de action à l'appui au candidat du PSDB à la Présidence. Et si José Serra ~cto­ rapporte la mairie au PSDB en 2004, c'est après une série de scanda­ :eurs les disqualifiant Celso Pitta et Paulo Maluf aux yeux de nombreux électeurs. Mais toutes ces péripéties ne remettent pas en cause l'existence d'un décalage observé au cours des élections précédentes, qui se tra­ duit par l'impossibilité pour le Président de la République en place de ~s ne faire élire comme maire de Sâo Paulo le candidat de son propre parti. tuel­ Ainsi, les candidats soutenus d'abord par le Président Fernando ions Henrique Cardoso (José Serra en 1996 et Geraldo Alckmin en 2000), l'in­ :eurs

10. L'effet « montagne russe • est nettement visible à la lecture des résultats .ppa­ obtenus par le PSDB à Sâo Paulo aux élections municipales et présidentielles: Mârio :le la Covas en 1989 (32,9 %), Fernando Henrique Cardoso en 1994 (57,8 %), José Serra en pour 1996 (15,6%), Fernando Henrique Cardoso en 1998 (61,9%), Geraldo Alckmin en 2000 (17,2 %), José Serra en 2002 (30,7 %) et José Serra en 2004 (43,6 %). 11. La tendance à l'accroissement progressifdu PT, avec de petites oscillations né­ gatives peut être observée à Sâo Paulo au travers des résultats suivants: Luiz Iruicio 5,7 % Lula da Silva en 1989 (15,7%), Lula en 1994 (27,2%), Luiza Erundina en 1996 98, et (24,5 %), Luiz Inâcio Lula da Silva en 1998 (27,7 %), Marta Suplicy en 2000 (38,1 %), Lula en 2002 (42,0 %), Marta Suplicy en 2004 (35,8 %). . 162 P. WANIEZ, V. BRUSTLEIN, C. ROMERO JACOB, D. RODRIGUES HEES puis par Luiz Inâcio Lula da Silva (Marta Suplicy en 2004) n'ont pas obtenu le succès escompté, probablement parce que les alliances sou­ tenant les présidents ne souhaitaient pas que le parti du Président en fonction prenne trop de poids, sachant que la capitale pauliste re­ présente le troisième budget du pays et possède un électorat supé­ rieur à celui de l'État du Rio Grande do Sul, le Se du pays en nombre d'électeurs. Une situation similaire apparaît à Rio de Janeiro où l'on observe le même genre de décalage entre l'accroissement systématique du vote en faveur de Luiz Inâcio Lula da Silva, et les mauvaises perfor­ mances des candidats du PT aux élections municipales. Ce déséquili­ bre à gauche est lié à l'importance locale du brizolisme qui, comme le malufisme à Sao Paulo, ne réussit pas à s'imposer sur le plan na­ tional malgré les tentatives de Leonel Brizola en 1989 et 1994. On a vu qu'un tel insuccès le conduisit à appuyer Luiz Inâcio Lula da Silva en 1998, appui qui eu un effet multiplicateur de voix en faveur de celui-ci.

Division religieuse à Rio de Janeiro et radicalisation partisane à Siio Paulo Lors de l'élection municipale de 2004, l'environnement électoral à Rio de Janeiro s'est altéré en raison d'une part, de l'affaiblissement du brizolisme, renforcé par le décès du leader historique, d'autre part de la perte d'influence de Anthony Garotinho, et enfin, de la division de la gauche. Un vide est apparu qui a favorisé un candidat extérieur aux cadres politiques traditionnels, l'Évêque pentecôtiste Marcelo Crivella. li s'agit là d'un nouvel élément de la politique carioca, tradi­ tionnellement divisée entre plusieurs groupes, issus d'une part de la famille brizoliste, Leonel Brizola (PDT) lui-même, Cesar Maia (PFL), Marcelo Alencar (PSDB) et Anthony Garotinho (PMDB), et d'autre part, le PT. La candidature de Crivella a provoqué une division de ca­ ractère religieux : les catholiques ont opté pour un vote utile en fa­ veur de Cesar Maia et les évangéliques pour un vote utile en faveur de l'Évêque de l'Église Universelle du Royaume de Dieu. li s'agit ainsi d'une situation nouvelle dans la mesure où depuis la Proclamation de la République (en 1889), le Brésil s'est toujours prononcé pour la consolidation d'un État laïque qui rejette toute interférence de la re­ ligion avec le politique. Ainsi, pendant que Rio de Janeiro se trouve divisée par la religion, Sao Paulo est au contraire une cité polarisée par la lutte acérée entre les deux plus importants partis politiques brésiliens du moment : le PT et le PSDB.

Stabilité municipale à Rio de Janeiro et turn overà Siio Paulo Alors qu'à Rio de Janeiro Cesar Maia l'emporte à quatre élections municipales consécutives, soit pour lui-même en 1992, 2000 et 2004, ;; *

~s Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et sao Paulo 163

las soit pour son dauphin désigné en 1996, Sao Paulo montre beaucoup IU­ plus de versatilité en changeant de maire et de parti aux trois derniè­ en res élections municipales: PPB (1996), PT (2000), PSDB (2004). re­ À Rio de Janeiro, les succès de Cesar Maia semblent découlerde son )é­ habileté politique à consolider et étendre son électorat grâce, par >re exemple, à des plans d'amélioration du cadre de vie comme Rio-Cidade (réhabilitation des quartiers) ou Favela-Bairro (urbanisation des fave­ Ne las), répondant ainsi à certaines demandes pressantes de la population. du N'étant pas ce qu'il est convenu d'appeler un leader charismatique, or­ Cesar Maia recourt de manière systématique aux sondages d'opinion ili­ qui lui permettent d'obseIVer les sentiments des électeurs à l'égard de me sa politique et de sa personne, et de préciser leurs attentes. na­ Une autre caractéristique favorisant sans doute son maintien au na pouvoir réside dans sa capacité à concentrer son énergie dans la ges­ lva tion de sa ville, sans chercher, pour l'instant, à courir après d'autres de fonctions comme celle de Gouverneur de l'État ou même Président de la République. Tout cela explique sans doute le caractère propre­ ment inamovible du maire de Rio de Janeiro, quatre fois vainqueur aux élections municipales, pour trois partis différents : PMDB (1992), PFL (1996), PTB (2000) et PFL à nouveau (2004). alà Dans le cas de Sao Paulo, on peut expliquer les changements suc­ lent cessifs de partis au pouvoir par une compétition très rude entre des >art partis localement mieux structurés qu'à Rio de Janeiro, et ayant des ;ion profils idéologiques plus clairs: à droite le PPB, au centre le PSDB leur et à gauche le PT. De plus, le maire de Sao Paulo apparaît comme un ::elo futur compétiteur naturel au poste de Gouverneur de l'État du même adi­ nom, et même à celui de Président de la République, ce qui tend à e la renforcer les oppositions auxquelles il doit faire face. Dans un tel FL), contexte, le maire doit s'affirmer présent« au four et au moulin », à utre la fois comme administrateur efficace et consciencieux de la plus : ca­ grande métropole brésilienne, l'une des plus peuplées du monde, et l fa­ comme politicien habile capable de rassembler sur son nom les for­ leur ces qui pourraient appuyer sa candidature à une fonction de niveau Linsi encore plus élevé lors des scrutins suivants. nde Dans un tel contexte, on peut comprendre la déroute de Marta lI" la Suplicy en 2004 comme une conséquence de sa stratégie politique l re­ basée sur un couple maire et vice-maire PT. Sa perspective à court mve terme était sans doute de briguer le mandat de Gouverneur de l'État isée de Sâo Paulo en 2006, tout en maintenant la ville dans les mains du :Jues PT, le vice-maire PT prenant sa place en cas de succès. Ceci la condui­ sit à un isolement politique relatif, bien exploité par les adversaires du PT qui, par ailleurs, redoutaient que la victoire de Marta puisse facili­ ter la réélection de Lula à la Présidence de la République en 2006. Ainsi, on comprend bien que ce qui est en jeu dans l'élection munici­ ions pale de Sao Paulo est fréquemment bien plus que le choix d'un maire : 004, c'est bien la Présidence de ce grand pays qui est en ligne de mire... 164 P. WANIEZ, V. BRUSTŒIN, C. ROMEROJACOB, D. RODRIGUES HEES

Un PT « gentrifJé » à Rio de Janeiro, plus « populaire » à Silo Paulo L'histoire de la fonnation du PT, dans des contextes politiques aussi différents que ceux de Rio de Janeiro et de Sao Paulo, se traduit par une sociologie électorale assez dissemblable dans chacune de ces deux villes, le PT paulistano apparaissant plus ancré dans les milieux ouvriers (et plus largement populaires), alors que le PT carioca pré­ sente un profil de classe moyenne. Durant la dictature militaire, au cours des années 1970, le Car­ dinal de Sâo Paulo, Dom Paulo Evaristo Arns, a orienté l'action pas­ torale de l'Église catholique selon les principes de la Théologie de la libération. Le clergé a été incité à organiser les Communautés Ecclésiastiques de Base (CEB) dans les quartiers ouvriers de la ville, dans la perspective d'encourager les classes laborieuses à lutter pour leurs droits politiques, syndicaux, etc. Rappelons que, au cours de cette période de suppression des libertés politiques, l'Église catholi­ que fonnait l'un des rares espaces de liberté où pouvait survivre un projet de riposte populaire. En 1980, année de fondation du PT dans l'une des dépendances d'un collège catholique de la ville, Notre Dame de Sion, une partie importante des militants provenait précisément de ces mouvements sociaux découlant de l'action des CEB. La jonc­ tion opérée au sein du PT par cette gauche catholique avec dîfférents éléments marxistes, explique sans doute cet enracinement populaire du bien nommé « Parti des Travailleurs J>. À Rio de Janeiro, la position conservatrice du Cardinal Dom Eugênio Sales le conduisait à rejeter la Théologie de la libération, et ceci même s'il appuyait et protégeait les persécutés politiques. En conséquence, les Communautés Ecclésiastiques de Base n'eurent pas ici l'influence qui les caractérisait à Sao Paulo, et les classes labo­ rieuses restant à la merci du clientélisme de l'homme fort de la poli­ tique carioca des années 1970, le Gouverneur Chagas Freitas. Avec la victoire de Leonel Brizola aux élections pour le poste de Gouverneur en 1982, et le renoncement qui s'ensuivit de Chagas Freitas, Leonel Brizola eut tôt fait de recycler la vieille machine électorale du cha­ guisme par un discours nouveau qui pennit l'éclosion du brizolisme. Les couches populaires adhérèrent facilement au brizolisme au sein duquel elles retrouvaient leurs attaches antérieures pour le cha­ guisme. Dans ce jeu relativement fenné à gauche, le PT de Rio de Janeiro se constitua alors au sein des classes moyennes, étudiants et universitaires, médecins, journalistes, etc.

Accords entre partis et comportement des électeurs Malgré de profondes différences entre les deux villes, les électeurs cariocas et paulistanos montrent une grande discipline dans l'appli­ cation des accords d'appui réciproque ou de désistement passés entre

1 'i .; J. 3= ;;

Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Stio Paulo 165 les états-majors des partis. Mais cette discipline demeure sujette à quelques limitations en fonction des cas d'espèces. Par exemple, cer­ taines ententes sont facilement assimilables par les électeurs paulis­ tanos quand il s'agit de l'appui apporté par Paulo Maluf à Fernando Henrique Cardoso pour le premiertour de l'élection présidentielle de 1998. De même, les électeurs cariocas acceptent sans broncher de voter pour Lula lorsque Brizola lui apporte son soutien. Dans ces deux cas, le déplacement de l'électorat pour un « vote utile »dans une frange idéologico-sociologique acceptable n'a pas posé de pro­ blème : depuis la droite malufiste vers le centre de Fernando Henrique Cardoso dans le cas de Sâo Paulo, depuis la gauche brizo­ liste vers la gauche petiste à Rio de Janeiro. En revanche, il arrive parfois que les coalitions entre états-majors apparaissent trop contre nature pour être acceptables par les élec­ teurs. Par exemple, comment imaginerqu'un électeurde Paulo Maluf puisse voter pour Marta Suplicy,.comme cela lui avait été demandé lors de l'élection municipale de 2004. Autre cas de figure embléma­ tique de la résistance de l'électorat aux arrangements par trop politi­ ciens, le refus des électeurs de Luiza Enmdina, ex-maire PT de Sâo Paulo (aujourd'hui adhérente du PSB...), d'apporter leurs voix, pour l'élection du maire en 2004, à José Serra candidat du PSDB, au lieu

Figure 15 Municipio de Rio de Janeiro - Zones électorales Typologie des zones électorales par niveau d'éducation

Type 1. Type 2

20% 1:5%

Type 3 0 Type 4 • J4 21 28 35 42 49 56 63 Inférieur au premier degré %

23% 34% Niveaux d'éducation

o Analphabète • Lit el écrit o Premier degré incomplet TypeS. Type6. Premier degré complet Second degré incomplet • Second degré complet • Supérieur incomplet • Supérieur complet

Source. Tnllunal Région.l Ela;lor1lJ de RJo dt Janeiro, 1998 02004 Philippe Waniez., Violette Brustlc:in. Cesar ROUla\) J.cob, 0011l Rodriguc:s Hees rEES Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Sao Paulo 167

Figure 16 Municipio de Sao Paulo - Zones électorales :s Typologie des zones électorales par niveau d'éducation

7 ... ~

10 N ~ ~ ~ Inférieur au premier degré %

Type Type 2 1. 1%

8% 8% Niveaux d'éducation

D Analphabète 20% Ir/. • Lit el écrit D Premier degré incomplet D Premier degré complet Type3. Second degré incomplet • Second degré complet • Supérieur incomplet 22% • Supérieur complet

Souttt. Tnbunal Région..1E:k:c:tonJ. de S10 Paulo. 2004 C2004 Philippe Wama, VlOlcdc: BNUkin, Cew" Romero Jacob, Don. Rodrigucl Hoes 168 P. WANIEZ, V. BRUSTLEIN, C. ROMERO JACOB, D. RODRIGUES HEES

Munidpio de Rio de Janeiro Zones électorales

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À Rio, les zones électonles n'oot pas de nom ofliciel. On a indiqué ici le nom des principaux qlllll1ien 1 Acari 13 Deodoro 25 Mal. Hermes 37 Rocinha 2 ADchieta 14 Eng.Novo 26 MaracauI 38 Santa Cruz 3 BaDgll 15 Flamengo 27 Méier 39 Santa Teresa 4 ilamI da Tijuca 16 Guamtiba 28 Olaria 40 Sin Cristovlo 5 Benfica 17 Ilha do Governadnr 29 Pavuna 41 Sl!Ude 6 Bonsucesso 18 Inbaiuna 30 Penha 42 Senador Camarâ 7 Botafogo 19 lraja 31 Piedade 43 Tanque S Campo Gmnde 20 JacarepaguA 32 PnrtlWia 44 Tijuca 9 Cascadura 21 JardiDo Botinico 33 Ptaça Seca 45 Todos os Santos 10 Centro 22 Lag08 34 Ramos 46 Vila Isabel Il Cidade de Deus 23 Laranjeiras 35 Rea1engo 47 Vila Kennedy 12 Copacabana 24 Madweùa 36 RioComprido

Munidpio de Sio Paulo Nom des zones électorales

1 BelaV..ta 280 Capela do Socorro 2 Perdizes 320 JabaqWlla 3 Sanla lfigênia 325 Piriluba 4 Mn6ca 326 Ermelino MlllanIzzl> 5 Jardim Paulista 327 Nos.. Senhora do 6 6 Vila Mariana 328 Campo Limpo 246 Santo Amaro 346 Bulantl 247 Sin Miguel Paulista 347 Vila Matilde 248 llaquera 348 Vila Formosa 249 Sanlana 349 JaçauI 250 Lapa 350 Sapopemba 251 Pinheiros 351 Cidllde AdemlU" 252 Penba de França 352 1laim PauIista 253 Tatuapé 353 Guaianases 254 VIlaMaria 371 Grajaù 255 Casa Verde 372 Piraporinha 256 TlIC1IlUvi 373 CapIo Rednndo 257 Vila Prudente 374 Rio Pequeno 258 lndian6polis 375 Sin Mateos 259 SaUde 376 Brasilândia 260 Ipiranga

Sourœ ; Tribu.oal Régional Eectonl 02004 Philippe Wmiez, V...BrusdeiII., Cesar Romcro.JKob, Dore Rodrigucs Heell ,

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