Forces Politiques Et Territoires Électoraux À Rio De Janeiro Et Sâo Paulo (1996-2004)
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FORCES POLITIQUES ET TERRITOIRES ÉLECTORAUX À RIO DE JANEIRO ET SÂO PAULO (1996-2004) Philippe WANIEZ, Violette BRUSTLEIN, Cesar RaMERa JACOB, Dora RODRIGUES HEES * INTRODUCTION Dans un article publié en 2002 par la revue brésilienne Alceu', nous avons cherché à préciser les points d'articulation entre les résultats des élections municipales et présidentielles au Brésil, élec tions décalées de deux ans les unes par rapport aux autres. Cette recherche a montré comment le niveau municipal pouvait influencer le niveau national, sur la base d'alliances locales complexes, sans les quelles aucun prétendant à la fonction suprême ne pouvait espérer être élu. À la suite des élections municipales de 2004, il nous est apparu utile de présenter quelques éléments de réflexion nouveaux qui per mettent de mieux analyser le fonctionnement du processus politique dans les deux principales villes du pays, Sâo Paulo et Rio de Janeiro. * Philippe Waniez est géographe, et directeur de recherche de l'Institut de Recherche pour le Développement (lRD ex-ORTSOM),Université catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio). E-mail: [email protected] ; web: http://perso.club·inter net.frlphilgeo. Violette Brustlein est ingénieur cartographe au Centre de Recherche et de Documentation sur l'Amérique latine, CREDAL-CNRS, Paris. E-mail: violette.brustlelnœuntv-parisâ.fr; Cesar Romero Jacob est politologue et professeur à l'Université catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio), Brésil. E-mail: jacobêalter nex.com.br. Dora Rodrigues Hees est géographe, professeur à l'Université catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio), Brésil. E·mail: [email protected]. 1. JACOB, C. R., HEES, D. R., WANlEZ,P., BRUSTLEIN, V. « As eleiçëes munici pais e sua influência nas disputas presidenciais lO. In : Alceu. Rio de Janeiro, v.3, n. 5, 2002, pp. 135·181. Article disponible sur Internet à l'adresse: www.puc-rio.brfeditorapucriof PAL N° 55, Hiver2004·2005 .. r 144 P. WANIEZ, V. BRUSTŒIN, C. ROMEROJACOB, D. RODRIGUES HEES n s'agit de montrer comment, à la faveur de l'alternance des scrutins locaux et nationaux, les forces politiques se recomposent sur le plan local et produisent des territoires plus ou moins bien délimités en fonction des caractéristiques socio-économiques (et religieuses à Rio de Janeiro) des électeurs. Cet article fournit une première analyse des tendances du vote, mais ne prétend pas apporter une explication ex haustive des décalages observés. Seules des recherches plus pous sées, sur le terrain, permettront de comprendre les raisons qui pous sent les électeurs à faire des choix différents selon le type d'élection. Pour étayer notre analyse, il nous a semblé indispensable de cons truire la géo-histoire électorale de Sâo Paulo et de Rio de Janeiro pourla période 1996-2004 au cours de laquelle se sont déroulées trois élections municipales (1996, 2000 et 2004), et deux élections prési dentielles (1998 et 2002). La méthode employée s'appuie sur la car tographie des résultats des élections selon un maillage de l'espace re lativement détaillé tout en restant fiable sur le plan statistique, celui des zones électorales, ceci afin d'identifier l'existence de territoires propres à chaque candidat en lice. Plus précisément, il s'agit de montreret de comprendre les décalages entre les résultats obtenus aux élections présidentielles en 1998 et 2002 parle candidat du Parti des Travailleurs (PT), Luiz lnâcio Lula da Silva, à Rio de Janeiro, et les suffrages obtenus parles candidats successifs de ce même parti à la fonction de maire, c'est-à-dire Chico Alencar; en 1996, Benedita da Silva, en 2000, et Jorge Bittar, en 2004. Comme on le sait, Luiz Inâcio Lula daSilva a bénéficié d'une longue progression à Rio de Janeiro comme en témoignent les résultats des scrutins de 1989, 2 1994, 1998 et 2002 • Malgré cette trajectoire ascendante, les candidats du PT à la mairie n'ont pas profité de cette tendance de fond, et le maire de Rio de Janeiro n'a jamais pu sortir de ses rangs. Une évolution semblable peut être observée à Sâo Paulo. On re marque, en effet, un net décalage entre d'une part les succès rempor tés parles candidats à la fonction présidentielle soutenus par le Parti de la Social - Démocratie Brésilienne (PSDB), Fernando Henrique Cardoso, en 1998, puis José Serra, en 2002, et d'autre part, les scores obtenus par les candidats à la mairie de ce même parti, José Serra, en 1996, et Geraldo Alckmin, en 2000. Les candidats du PSDB à la fonc tion présidentielle ont toujours réalisé une bonne performance dans 3 la capitale pauliste , mais ses postulants à la mairie n'y ont pas obtenu le succès électoral auquel ils pensaient pouvoir prétendre. Aux élec- 2. Les résultats obtenus par Luiz Inâcio Lula da Silva à Rio de Janeiro ont pro gressé régulièrement depuis 1989 : 12,1 % des suffrages exprimés au premier tour de 1989;27,2 %en 1994;42,1 %en 1998;47,2 %aupremiertourde2002. 3. Les candidats du PSDB à la Présidence de la République ont vu leurs scores pro gresser de manière significative à Sao Paulo: Mano Covas a obtenu 32,9 % des suf frages exprimés en 1989; Fernando Henrique Cardoso est passé de 57,8 % en 1994, à 61,9 %, en 1998. De son côté, José Serra a obtenu 30,7 % en 2002. Forces politiques et territoires électoraux à Rio de Janeiro et Siio Paulo 145 s tions municipales de 2004, le candidat du PSDB, José Serra,lui-même tenu en échec lors de l'élection présidentielle de 2002, connait enfin le [1 succès, au moment où son parti n'est pas aux affaires à Brasilia... o s Ces décalages entre les niveaux d'élection se produisent aussi bien à Rio de Janeiro qu'à Sao Paulo, et cela bien que le PT et le PSDB se ;- soient affumés, au cours de la dernière décennie, comme les princi ;- paux partis politiques d'envergure nationale. Ceci est d'ailleurs L. confirmé, non seulement par les bons scores obtenus par les candi dats de ces deux partis aux élections présidentielles de 1994, 1998 et ;- 2002, mais aussi par le pourcentage cumulé des suffrages exprimés o obtenus par les candidats de ces deux partis lors du premier tour des is trois dernières élections municipales, soit 28,2 % en 1996, 30,1 % en i 2000 et 34,2 % en 2004. r- Néanmoins, même si le PT et le PSDB sont devenu les principaux protagonistes des derniers scrutins présidentiels, cela ne signifie nulle ment que le Parti du Mouvement Démocratique Brésilien(PMDB) et le Parti du Front Libéral (PFL), tous deux essentiels dans le paysage po litique brésilien pendant la transition démocratique (1985-1990) aient, ~s ipso facto, perdu de leur importance. Ainsi, lors des trois dernières 12 élections municipales, les pourcentages cumulés du PMDB et du PFL a, .ont atteint 30,8 %en 1996, 31 %en2000et26,7 % en 2004. le ~n Le paysage politique brésilien compte maintenant quatre partis le d'envergure nationale (PT, PSDB, PMDB et PFL) qui totalisent 59 % io des suffrages exprimés en 1996, 61,1 % en 2000 et 60,9 % en 2004. 9, Mais il ne faut cependant pas tenir pour négligeables six autres par ts tis influents, notamment le Parti Démocratique Travailliste (PDT) du re défunt Leonel Brizola, et le Parti Progressiste Brésilien (PPB) de Paulo Maluf, dont l'électorat principal est respectivement localisé à Rio de Janeiro et à Sao Paulo. RIo DE JANEIRO : DE L'ÉCLATEMENT DU PDT AU SURGISSEMENT DE LA QUESTION RELIGIEUSE ~n LÉtat de Rio de Janeiro, depuis le rétablissement des élections di LC rectes au poste de gouverneur, il y a 22 ans, a été dominé par des ns hommes politiques issus du PDT. Ainsi, depuis la victoire de Leonel lU Brizol~ en 1982, tous les gouverneurs - à l'exception cependant de ~c- Moreira Franco, en 1986, du PMDB - sont originaires des cadres du PDT: Leonel Brizola à nouveau en 1990, Marcelo Alencar en 1994,' Anthony Garotinho en 1998 et Rosinha Garotinho en 2002. ro de Après l'apogée du prestige de Leonel Brizola - comme le montrent ses victoires comme gouverneur en 1982 et en 1990, son score specta r0 culaire à la Présidence de la République en 1989, et les succès rem uf ~, à portés par« ses »candidats àla mairie en 1985 (Satumirio Braga) et en 1988 (Marcelo Alencar) -la force politique du« vieux briscard » de 146 P. WANIEZ, V. BRUSTIEIN, C. ROMEROJACOB, D. RODRIGUES HEES la politique carioca commence à décliner. Ainsi, les résultats obtenus par le « lider maximo »au premier tour de l'élection présidentielle de 1989 ne lui permettent pas de se maintenir au second tour. Même s'il a obtenu un bon score, à seulement 0,7 % du second, ce scrutin révèle l'étroitesse de la géographie de son électorat limitée essentiellement à deux États, Rio de Janeiro et Rio Grande do Sul. Cette performance ap paraît d'ailleurs paradoxale, dans la mesure où Brizola réussit à obte nir le troisième meilleur score dans une élection nationale sans être correctement implanté dans les États de Sâo Paulo et du Minas Gerais, qui rassemblent 33 % de l'électorat brésilien ; comme on le sait, l'ob tention de bons résultats dans ces deux États est la clé d'entrée au Palais du Planalto (Présidence de la République), à Brasilia. La situation politique de Leonel Brizola va ensuite s'aggraver lors de l'élection présidentielle suivante, celle de 1994, devenue une élec tion « mariée », c'est-à-dire simultanée avec celles des gouverneurs des États, des sénateurs, des députés fédéraux et des députés des États. Dans une élection de ce type doit s'établir un appui mutuel entre les candidats des différents niveaux.