A La Recherche Des Coccinelles Migrantes En Aveyron / Insectes N
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Ci-dessus, sommet du puech Monseigne - Cliché L. Baliteau. À gauche, Coccinelles migrantes dans une fente au Monseigne - Cliché V. Albouy Par Lucas Baliteau, Vincent Albouy et Norbert Thibaudeau Dans les pas de Fabre... À la recherche des coccinelles migrantes en Aveyron Certaines espèces de coccinelles migrent régulièrement au cours de leur du plateau, sur le bord d’un escar- vie, pour estiver et hiverner en altitude. Ce phénomène a été décrit par pement de roches à pic, se dresse Jean-Henri Fabre au sommet du mont Ventoux et sur le plateau voisin de Saint-Amand dans le Vaucluse. Il aurait pu le découvrir dès son enfance en une croix avec piédestal de pier- Aveyron, au sommet du puech Monseigne à quelques kilomètres de son res de taille. C’est sur les faces de village natal. ce piédestal et sur les rochers lui servant de base que le même Co- léoptère du Ventoux, la Coccinelle « En octobre, j’ai trouvé la chapelle rale. Ce n’est certainement pas la à sept points, s’était rassemblé en du sommet du mont Ventoux cou- nourriture qui avait attiré ces man- légions. Les insectes étaient pour verte de Coccinelles à sept points, geuses de pucerons sur la cime du la plupart immobiles ; mais partout la bête à bon Dieu du langage po- Ventoux, presque à deux kilomètres où le soleil donnait avec ardeur, il pulaire. Ces insectes, appliqués sur d’altitude. La végétation y est trop y avait continuel échange entre les la pierre tant des parois que de la maigre, et jamais pucerons ne se arrivants, qui venaient prendre pla- toiture en dalle, étaient si serrés sont aventurés jusque-là. ce, et les occupants du reposoir, qui l’un contre l’autre, que le grossier Une autre fois, en juin, sur le pla- s’envolaient pour revenir après un édifi ce prenait, à quelques pas, teau de Saint-Amand, voisin du court essor. »1 l’aspect d’un ouvrage en globu- Ventoux, à une altitude de 734 mè- 1. Souvenirs entomologiques, tome 1, les de corail. Je n’oserais évaluer tres, j’ai été témoin d’une réunion chapitre Les émigrants. En ligne à les myriades de Coccinelles qui se semblable, mais beaucoup moins www.e-fabre.com/e-texts/souvenirs_ entomologiques/ammophiles_emigrants. trouvaient là en assemblée géné- nombreuse. Au point le plus saillant htm I NSECTES 23 n°169 - 2013 (2) Amas de Coccinelles migrantes dans la végétation ou sur rocher. À droite, accouplement - Clichés L. Baliteau abre n’aimait pas la systéma- de la Coccinelle migrante. Il la si- fl eurs, les peupliers infestés de puce- tique, et ce passage des Sou- gnale dans les Vosges et en Bugey rons, les arbres, les arbustes, aussi Fvenirs en est une preuve. Il au nord, s’avançant vers l’ouest sur les herbes, dans les champs de ne s’agissait pas de la Coccinelle à jusqu’à Reims, Fontainebleau, la coton, de blé, de betterave… 7 points. La « Table de concordan- forêt de Loches en Anjou et dans Hibernations hypsotactiques, pour ce » des espèces, qui clôt La vie de les Landes. Il la signale également la première fois, furent décrites par Jean-Henri Fabre par le docteur Le- d’Avallon, de Saône-et-Loire, de Fabre, sur le mont Ventoux, qui les gros constituant le tome 11 de l’édi- l’Allier, du Tarn, des Pyrénées-At- avait attribuées à la Coccinelle à tion défi nitive des Souvenirs ento- lantiques, des Pyrénées-Orientales, 7 points. Nous les avons observées mologiques, signale que le docteur du Languedoc, de Provence et de en Arménie (mont Ourts, 2 300 m), Chobaut d’Avignon a répété à plu- Corse. Hodek en Tchécoslovakie, Yakhon- sieurs reprises l’observation de Fa- En 1982, S.M. Iablokoff-Khnzo- tov en Asie centrale, où l’envol bre au sommet du Ventoux, pendant rian précise en style télégraphique pour l’hibernation commence vers toute la belle saison. Chobaut indi- sa répartition mondiale : « Méditer- le 20 août. On peut créer des lieux que qu’il s’agit de la Coccinelle à ranée, sauf les îles atlantiques, Eu- d’hibernation artifi ciels en accu- 11 points (Semiadalia undecimnota- rope centrale jusqu’à Paris. Thurin- mulant des rochers sur les sommets ta) et non de la Coccinelle à 7 points ge, Pologne méridionale, en URSS (Yakhontov), à des hauteurs de 200 (Coccinella septempunctata). de Léningrad et Kazan jusqu’à la à 3 000 m, mais seulement dans frontière méridionale, Asie centra- des endroits secs, dans les endroits P. Dauguet (1949) donne quel- le, Kazakhstan. » Dans notre pays, humides la mortalité croît rapide- ques indications sur la répartition elle semble plutôt rare en dehors de ment. » la zone méditerranéenne et de ses État civil marges immédiates. Ces indications sont confi rmées en 2005 par Jean-Louis Hemptinne et Selon le site Fauna europaea (www.fau- Iablokoff-Khnzorian décrit égale- ses collaborateurs : « Cependant, naeur.org), le nom scientifi que de cette espèce est Hippodamia (Semiadalia) ment de manière succincte le com- quelques espèces entreprennent de undecimnotata. En français, nous avons portement migratoire caractéristi- véritables migrations à la fi n du choisi l’appellation de Coccinelle migrante. Le nom de Coccinelle à 11 points est plutôt que de cette espèce : mois d’août ou pendant le mois de attribué à Coccinella undecimpunctata. Le « Commun dans le Sud, préfère septembre. Celles de Semiadalia latin undecimpunctata se traduit bien par « onze points », alors que undecimnotata les stations découvertes, émigre undecimnotata (Schneider) sont les devrait se traduire par « onze marques ». souvent à la recherche de proies, plus spectaculaires, car cette espèce Le nombre de taches variant selon les in- dividus, le qualifi catif de « migrante », sans l’estivation, l’hibernation, atteint se dirige en très grand nombre vers ambiguïté, convient mieux à notre bestiole. 2 500 m d’altitude. Souvent sur les les sommets des collines ou des pe- I NSECTES 24 n°169 - 2013 (2) tites montagnes d’Europe méridio- nale et centrale, où elle se regroupe dans les crevasses des rochers ou les touffes de graminées. » ■ L’ENQUÊTE En 2003, à l’occasion de la mise en place du circuit « Sur les pas de Jean-Henri Fabre » en Avey- ron, Norbert Thibaudeau de l’as- sociation des Amis de Jean-Henri Fabre, s’est rendu compte que les coccinelles migrantes utilisent pour y passer l’hiver le sommet du puech Monseigne, qui culmine à 1 128 m d’altitude sur les monts du Lévézou. Cette croupe hercynien- ne bien usée par les millénaires se Larve et adulte de Coccinelle à 7 points - Clichés L. Baliteau trouve sur la commune de Saint- Un trio qui prête à confusion Laurent de Lévézou, à quelques La Coccinelle migrante ressemble beaucoup à la Coccinelle à 7 points et à la Coccinelle kilomètres à vol d’oiseau de Saint- magnifi que (Coccinella magnifi ca). La première se distingue par un corps plus petit et nette- Léons où Fabre vécut ses premiers ment allongé, alors que celui des deux autres est nettement hémisphérique. La Coccinelle migrante présente des élytres à fond rouge clair avec des taches noires en nombre varia- émerveillements naturalistes. ble, mais n’excédant pas onze. La tache à cheval sur la suture des élytres au niveau du Pour mieux prendre la mesure du thorax est allongée et souvent en forme de cœur. Elle est toujours présente. La Coccinelle phénomène et de ses fl uctuations, à 7 points et la Coccinelle magnifi que montrent toujours sept taches noires sur les élytres. Cette dernière espèce a le corps plus bombé, mais surtout 4 taches blanches sur le thorax, Lucas Baliteau a suivi l’importan- sous les 4 pattes arrière. Elle est très proche de la Coccinelle à 7 points. ce des populations hivernantes au Les Coccinelles migrantes se rassemblent, serrées étroitement par thigmotactisme (thig- fi l des années. Afi n d’observer les mos = toucher) en amas par dizaines, centaines ou milliers, soit en hauteur entre les pierres (jusqu’à plus de 2 m de hauteur), soit près du sol contre les herbes, sur les tiges basses coccinelles en activité, il a visité de genêts à balais, genévriers ou sous les pierres. Les deux autres peuvent hiverner par dans un premier temps les abords petits groupes d’une demi-douzaine d’individus au plus, mais le plus souvent elles restent du Monseigne, sans grand succès isolées, dans les aiguilles vertes des pins au Puech Monseigne par exemple pour la Coc- cinelle à 7 points. au début. Divers témoignages lui ont permis de cibler progressive- ment les recherches. Malgré les « Puech » est la transcription en milliers d’individus rassemblés français du terme occitan puèg (gra- chaque hiver sur ce puech, les phie normalisée) ou puèch (graphie Coccinelles migrantes restent très moderne), dérivé du latin podium et discrètes dans les campagnes envi- signifi ant mont, hauteur, colline, pi- ronnantes du printemps à la fi n de ton, montagne. Aussi le choix s’est l’été, comparées aux Coccinelles à tourné sur les sommets et monts un 7 points. peu partout en Aveyron, en partant Les opérations de science partici- des abords du Monseigne, ainsi que pative menées conjointement de- vers le Larzac. En dehors de ces puis 2001 par l’OPIE, l’association recherches ciblées, quelques indi- des Amis de Jean-Henri Fabre et vidus de Coccinelle migrante ont l’Université de Toulouse sur les été trouvés dans le Tarn (Cambon, coccinelles n’avaient pas permis La Sarrade) et sur le Causse comtal de localiser de nouveaux sites en près de Rodez (Sébazac-Concou- Aveyron. Aussi, Lucas Baliteau a rès, Montrozier), ce qui laisse sup- effectué ces dernières années de poser une vaste aire de répartition nombreux relevés de terrain sur potentielle en Aveyron pour cette une grande partie du département espèce.