Mission Scientifique De Masqueray Dans L'aure`S Et Ses De´Pendances (1875-1878)
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ETUD_17 - 28.10.02 - page 19 E´tudes et Documents Berbe`res, 17, 1999 : pp. 19-129 MISSION SCIENTIFIQUE DE MASQUERAY DANS L’AURE` S ET SES DE´ PENDANCES (1875-1878) par Ouahmi Ould-Braham Masqueray est un voyageur dans l’aˆ me. A` peine arrive´ en Alge´ rie en novembre 1872, nomme´ professeur d’histoire et de ge´ ographie au lyce´ e d’Al- ger, il va effectuer, outre des missions assez courtes (le temps des vacances scolaires), une ambitieuse exploration arche´ ologique, ethnographique et lin- guistique qui va durer pre` s de trois anne´ es (de de´ cembre 1875 a` mars 1878), pe´ riode durant laquelle il sillonnera l’Aure` s dans tous les sens 1. Cette explora- tion pre´ ce` de son fameux voyage au Mzab 2 ayant pour fin d’y rapporter des livres ibaˆ dites (avril-juin 1878) et fait suite a` d’autres excursions plus courtes, faites a` titre personnel 3. Les voici dans l’ordre chronologique : – printemps 1873 : La Chiffa, re´ gion de Me´ de´ a, Djelfa ; – printemps 1873 (suite) : Kabylie du Djurdjura ; – printemps 1874 : Kabylie, secteur de Fort National (mission scolaire a` 1. Ce travail s’inscrit dans une recherche mene´ e par nous depuis une dizaine d’anne´ es et qui fait actuellement l’objet d’une the` se de doctorat a` l’EHESS, sous la direction de Pierre Encreve´ , intitule´ e:E´mile Masqueray et les e´tudes linguistiques berbe`res. S’agissant de cette mission aurasienne de Masqueray, meˆ me si elle n’a pas fait l’objet d’une e´ tude comple` te jusqu’ici, elle a e´ te´ signale´ e (et quelquefois commente´ e) par Augustin BERNARD (Pre´sentation de deuxie` me e´ dition de l’ouvrage-testament Souvenirs et visions d’Afrique, Alger, Jourdan, 1914), Alfred RAMBAUD (« Un pionnier d’Afrique : E´ mile Masqueray », Revue politique e o et litte´raire,4 se´ rie, n 6, pp. 162-168), Marc LE PAPE (« Les Oudjana de l’Aure` s. Me´ moires et o chroniques d’une tribu », L’Homme, vol. 21, n 2, avril-juin 1982, p. 69-102), Fanny COLONNA (Pre´sentation de la re´ e´ dition de la the` se de Masqueray, La Formation des cite´s chez les populations se´dentaires, Aix-en-Provence, 1982), Daniela MEROLLA (« Il ‘‘tempo di Roma’’ in alcuni racconti dei gruppi berberofoni chaouia dell’Aures (Algeria) », Studi e materiali di storia delle religioni, vol. 54 (12-1), 1988, p. 133-150), Ouahmi Ould-Braham (cf. infra). 2. Ouahmi OULD-BRAHAM,«E´ mile Masqueray au Mzab. A` la recherche de livres ibaˆ dites », E´tudes et Documents Berbe`res,no 9, 1992, p. 5-35. 3. Ouahmi OULD-BRAHAM,«E´ mile Masqueray en Kabylie (printemps 1873 et 1874) », E´tudes et Documents Berbe`res,no 14, 1996, p. 5-74. 19 ETUD_17 - 28.10.02 - page 20 Tamazirt, Djemaˆ a Sahridj, et Beni-Yenni pour le compte du gouverneur ge´ ne´ ral, le ge´ ne´ ral Chanzy) ; – printemps-e´ te´ 1874 et 1875 : Sud alge´ rois (Djelfa, mont des Ouled Nae¨ l, Laghouat). Ce qui caracte´ rise cette mission aurasienne c’est son caracte` re strictement scientifique et le fait qu’elle soit finance´ e surtout par le ministe` re de l’Instruc- tion publique et des Beaux-Arts (commission des Voyages et des Missions scientifiques et litte´ raires appartenant a` la division des Sciences et Lettres). Apre` s avoir note´ les diffe´ rents rapports de Masqueray au ministe` re – ainsi que la correspondance officielle qu’ils ont suscite´ e –, nous disposons ici d’un autre point de vue sur sa mission de 1875 a` 1877 et 1878, a` travers des lettres e´ crites de l’Aure` sa` Le´ on Renier 4. Cette correspondance exclusive, pour ainsi dire prive´ e, avec le professeur du Colle` ge de France soule` ve plusieurs proble` mes, les uns lie´ s au travail propre de Masqueray, les autres a` sa situation en Alge´ rie. Masqueray souffre d’eˆ tre trop souvent dans l’incertitude quant a` la recon- naissance de son travail : la commission des Voyages lui fait-elle confiance ? De plus, en cette pe´ riode, il se retrouve affaibli par une longue maladie. Enfin, le proble` me mate´ riel, celui des ressources, est toujours une e´ preuve de lettres, de requeˆ tes renouvele´ es, d’attente et de vie pre´ caire. Outre ces proble` mes d’ordre plus personnel, son travail et sa situation en tant que chercheur en Alge´ rie, se heurtent a` la concurrence, au proble` me «re´ cent » de destruction des richesses du patrimoine de l’Alge´ rie, et a` celui de son roˆ le qui, a` ses yeux, n’est pas spe´ cifiquement de´ termine´ par le ministe` re en accord avec le gouvernement ge´ ne´ ral de l’Alge´ rie. Quant a` l’objectif de ce deuxie` me type de correspondance, il est surtout de se tenir en rapport constant avec Le´ on Renier, de lui faire part de ses travaux et de lui soumettre les inscriptions qu’il rele` ve durant son itine´ raire dans l’Aure` s. 4. Masqueray a suivi les cours d’e´ pigraphie latine de ce professeur au Colle` ge de France, lors de son conge´ pour raisons de sante´ en 1871-72, avant d’eˆ tre nomme´ a` Alger. Qui e´ tait Le´ on Renier ? Ne´ a` Charleville en 1809 et mort a` Paris en 1885, c’e´ tait un arche´ ologue distingue´ , membre de plusieurs socie´ te´ s scientifiques, il a e´ te´ charge´ de mission en Alge´ rie a` deux reprises, en 1850 et 1852, il releva tout ce qui est connu comme inscriptions (...). Le re´ sultat a e´ te´ un volumineux recueil de 560 pages intitule´ Inscriptions romaines de l’Alge´rie, Paris, Imprimerie imp., 1858, et qui comporta pas moins de 4 417 documents e´ pigraphiques. Membre de l’Institut en 1859, il est nomme´ plus tard bibliothe´ caire de la Sorbonne puis professeur au Colle` ge de France a` la chaire d’e´ pigraphie latine et professeur de la meˆ me chaire a` l’E´ cole pratique des hautes e´ tudes. En outre, il est vice-pre´ sident de la section histoire au bureau des Travaux historiques. 20 ETUD_17 - 28.10.02 - page 21 I. PARIS – ALGER – TIMGAD Deux ans apre` s son installation au lyce´ e d’Alger (rentre´ e 1872), Masqueray demande a` E´ mile Levasseur, membre de l’Institut, pour qu’il intervienne en sa faveur aupre` s du ministe` re de l’Instruction publique. La savant homme le recommande chaleureusement pour une mission dans l’Aure` setlare´ gion du Mzab 5, avec pour argument que ces re´ gions sont d’un grand inte´ reˆ t non seulement sur le plan scientifique mais aussi politique, en ce qu’elles permet- traient a` la France de connaıˆ tre mieux ses « possessions » alge´ riennes. Cette de´ marche a e´ te´ pour ainsi dire un ballon d’essai ; il existe un service compe´ tent qui de´ pend du meˆ me ministe` re et qui s’occupe de missions et de travaux scientifiques. Il s’agit de la commission des Voyages et des Missions de´ pendant de la division Sciences et Lettres du ministe` re. La commission des Voyages et des Missions scientifiques La division des Sciences et des Lettres 6 ae´ te´ cre´ e´ e sous la monarchie de Juillet par arreˆ te´ du 21 aouˆ t 1830, et passa au ministe` re de l’Instruction publique lors de la cre´ ation de celui-ci et avec la nomination de Guizot le 11 octobre 1830. Elle avait sous sa tutelle tout ce qui concernait l’instruction publique au sens large, excepte´ les e´ tablissements primaires et secondaires, et l’Universite´ . Sous le Second Empire, le de´ cret du 24 novembre 1860 donne des pre´ rogatives au comite´ des Travaux historiques, partie inte´ grante de « la division », sur le Colle` ge de France, le Museum, le bureau des Longitudes, les observatoires, l’E´ cole des Langues orientales, et en 1875, le comite´ (avec toute la division des Sciences et Lettres) est rattache´ a` la direction de l’Ensei- e gnement supe´ rieur du ministe` re. Plus tard (au XX sie` cle), une partie du bureau des Travaux historiques pre´ figurera le C.N.R.S. et le comite´ des Travaux historiques passera au bureau des Bibliothe` ques. La commission des Voyages 7 et des Missions n’a e´ te´ cre´ e´ e qu’en 1874 – cela 5. Lettre date´ e de Paris, 6 aouˆ t 1874. 6. Sur cette division, nous nous sommes base´ s sur deux e´ tudes : Marie-E´ lizabeth ANTOINE, e « Un service pionnier au XIX sie` cle : le bureau des Travaux historiques d’apre` s ses papiers aux Archives nationales », Bulletin de la Section d’histoire moderne et contemporaine, fasc. 10, 1977, p. 7-72 ; Xavier CHARMES, Le Comite´ des Travaux historiques, Histoire et documents, Paris, Imprimerie nationale, 1886, 2 vol. 7. Les membres de cette commission nomme´ s par arreˆ te´ du 6 janvier 1874 : Ernest Desjardins, sous-secre´ taire d’E´ tat, pre´sident ; Beule´ , vice-pre´sident ; Bardoux ; Charton ; Milne-Edwards ; G. Paris ; Quicherat ; Ravaisson ; Le´ on Renier ; Schefer ; du Mesnil ; baron de Watteville ; Servaux, secre´taire. En 1875 : Lefe` vre-Pontalis ; Ch. Maunoir ; Chevreul ; Jouirdain. En 1876 : Louis de Se´ gur ; Quatrefages ; de Saulcy ; vice-amiral de la Roncie` re-Le Noury ; commandant Rouby. En 1877 : de´ pute´ Georges Pe´ rin ; Meurand ; baron Reille. En 1878 : de´ pute´ H. Liouville ; Fre´ cinet-Tirard. 21 ETUD_17 - 28.10.02 - page 22 (Besseriani) Carte de l’Aure`s.