L’ARMEE DU CRIME de Robert Guédiguian FICHE 1 : PRESENTATION DU FILM

Genre : Film historique

Année de sortie du film : 2009. Film présenté au Festival de Cannes avant sa sortie publique.

Réalisation : Robert Guédiguian. Réalisateur né à d’un père arménien et d’une mère allemande, il a réalisé plusieurs films se déroulant à Marseille comme Marius et Jeannette (1997).

Durée : 2h 19

Distribution : (Missak Manouchian), Virginie Ledoyen (Mélinée, épouse de Manouchian), Grégoire Leprince-Ringuet (Thomas Elek), Robinson Stévenin (Marcel Rayman), Olga Legrand (, seule femme du réseau), Jean-Pierre Darroussin (Inspecteur Pujol, recruté par les Brigades Spéciales, service des Renseignements Généraux spécialisé dans la traque des résistants et des juifs).

Synopis (=résumé de l’histoire du film):

1943, pendant l’Occupation: Missak Manouchian, arménien et communiste, est chargé par la direction du Parti communiste français (alors clandestin car il avait été interdit par le régime de Vichy) d’organiser et diriger un réseau de résistants pour lutter contre « l’Occupant » (les Allemands). Ce réseau fera partie du FTP-MOI : FTP pour Francs Tireurs et Partisans, nom de l’organisation de résistance armée du parti communiste (qui regroupe plusieurs réseaux) et MOI pour Main d’œuvre Immigrée car le réseau confié à Manouchian est formé de travailleurs étrangers vivant en France depuis plus ou moins longtemps.

Parmi eux, beaucoup de réfugiés qui ont fui, seuls ou avec leur famille, le nazisme dans leur pays d’origine : des juifs originaires d’Europe de l’Est, des Espagnols ayant fui le régime de Franco et des Italiens ayant fui le régime de Mussolini (dictateurs proches de Hitler). Certains sont de très jeunes hommes (sur les 23 membres du réseau arrêtés par la police française, 6 avaient moins de 20 ans).

Sous la direction de Manouchian, le réseau s’organise et mène des actions de plus en plus déstabilisantes pour les Allemands : assassinats de soldats et d’officiers allemands et de SS, déraillement d’un train transportant des soldats allemands …

Leurs buts : affaiblir l’armée allemande d’occupation et convaincre la population française que la lutte contre l’Allemagne nazie est possible, que la victoire des Nazis n’est pas définitive. Le film retrace l’histoire de ce réseau, de sa formation à l’arrestation de ses membres par la police vichyste et à la livraison de 23 d’entre eux aux Allemands qui les exécuteront en février 1944.

Le titre du film reprend le slogan de la fameuse « », l’affiche de propagande qui présentait les résistants du groupe Manouchian comme de vulgaires criminels d’une « armée du crime ». C’est aussi un hommage à un autre film très célèbre sur la Résistance française réalisé en 1969 intitulé « l’Armée des ombres ».

L’ARMEE DU CRIME de Robert Guédiguian FICHE 2 : ANALYSE DU FILM

On peut diviser le film en trois parties :

1ère partie : La présentation de quelques futurs membres du « groupe Manouchian » avant leur entrée dans le réseau 2e partie : La constitution, l’organisation et la lutte du réseau FTP-MOI 3e partie : Le démantèlement du réseau et l’arrestation de ses membres

1) La présentation de quelques futurs membres du « groupe Manouchian » avant leur entrée dans le réseau. Le film est construit sur un « flash-back » (retour en arrière). Les premières images montrent les résistants du « groupe Manouchian » dans le fourgon qui les mène en prison en longeant la Seine. Ils regardent les passants, tous ces Français qui continuent à vivre « comme si de rien n’était », alors que eux ont risqué leur vie en luttant contre les Nazis. Une « voix-off » (on ne voit pas à l’image la personne qui parle) énumère le nom des membres du réseau en ajoutant à chaque fois « mort pour la France » : cela exprime l’hommage de la France à ces résistants. On rencontre ensuite quelques futurs membres du réseau, ceux que le réalisateur a choisi de mettre en avant. Tous mènent déjà des actions contre « l’Occupant », mais de manière plus ou moins isolée (chacun dans son coin). Thomas Elek, jeune lycéen hongrois, juif et communiste. Il dessine la faucille et le marteau (symboles du communisme) sur les murs de son lycée (alors que le parti communiste est interdit) puis il fait éclater une bombe dans une librairie qui vend des livres nazis. Marcel Rayman, jeune polonais juif champion de natation. Il diffuse des tracts appelant à la résistance puis il commence à tuer des officiers allemands après l’arrestation et la déportation de son père. Missak Manouchian, rescapé du génocide arménien de 1915-1916, et son épouse Mélinée. Ils impriment et diffusent des tracts appelant au sabotage des usines travaillant pour l’Allemagne, ce qui vaut à Missak un premier séjour en prison.

2) La constitution, l’organisation et la lutte du réseau FTP-MOI Missak Manouchian est désigné par la direction du parti communiste pour être le chef d’un réseau de lutte armée efficace, c’est-à-dire organisé, hiérarchisé (avec des chefs), discipliné. Il recrute des membres qu’il choisit en fonction de leur expérience (résistants italiens ou espagnols qui ont déjà combattu des dictatures dans leur pays) ou de leur jeunesse et de leur courage (Thomas Elek et Marcel Rayman). On voit quelques actions du groupe: attentat à la grenade contre un groupe de soldats allemands dans la rue, attentat contre un camion puis contre un train transportant des soldats allemands. Une scène permet de comprendre que le réseau n’est pas seul à agir et que la Résistance intérieure couvre tout le territoire français. On entend à la radio (contrôlée par le régime de Vichy comme tous les medias) une liste de villes de France où ont eu lieu des actions de résistants (Grenoble, Bourg-en-Bresse…). Ces actions sont qualifiées par la propagande de Vichy d’ « actes criminels commis par des terroristes étrangers ». Parallèlement à l’action des résistants, on voit se mettre en place la « Brigade Spéciale » chargée par le régime de Vichy d’arrêter les résistants en collaboration avec l’armée allemande. Sa technique est simple : repérer un résistant, le suivre pendant un certain temps pour qu’il conduise à ses complices, les arrêter et les torturer pour obtenir le nom des autres membres du groupe et démanteler ainsi tout le réseau.

3) Le démantèlement du réseau et l’arrestation de ses membres Le contexte devient de plus en plus difficile pour la Résistance intérieure. 1943 est le tournant de la guerre : l’Allemagne nazie commence à sentir le vent tourner (défaite de Stalingrad, débarquement des forces alliées en Afrique du Nord puis en Italie, un des alliés de l’Axe) et accentue la répression contre la Résistance en faisant pression sur les services de police français pour qu’elle démantèle les réseaux. Le groupe accomplit son action la plus spectaculaire : l’assassinat d’un très haut responsable nazi, le général SS Julius Ritter, chargé du Service du Travail Obligatoire (STO) pour toute la France. Les Allemands exigent de la police française qu’elle arrête les membres du réseau FTP-MOI (68 au total sont arrêtés) et organisent, autour de 23 d’entre eux, une opération de propagande visant à donner une image négative de la Résistance auprès des Français : « un procès spectaculaire » médiatisé par des affiches (« l’Affiche rouge ») et des tracts identiques font croire à une Résistance composée uniquement d’étrangers, de juifs et de communistes (ce qui était vrai pour le réseau FTP-MOI mais pas pour tous les réseaux de la Résistance!) et de dangereux criminels (et non de combattants de la liberté). Les 23 membres du réseau FTP-MOI sont condamnés à mort (sans véritable procès puisqu’ils n’ont pas pu se défendre) et 22 sont fusillés par les Allemands au Mont Valérien (à l’Ouest de Paris), le 21 février 1944. Olga Bancic, seule femme du groupe, sera déportée en Allemagne et décapitée à la hache quelques mois plus tard.

Pour finir, un extrait d’interview du réalisateur Robert Guédiguian qui explique pourquoi il a voulu faire ce film : « Les gens de l’Affiche rouge sont des héros du réel. J’ai pensé qu’il était intéressant de montrer ces personnages aujourd’hui, de dire à des jeunes gens qu’on peut vivre avec les autres en étant libre et responsable, en adhérant à des principes moraux auxquels on ne déroge pas, en ayant des capacités d’indignation, un rapport au refus, à la révolte. »