Éphéméride De L'année 1663
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Éphéméride année 1663 Chronologie moliéresque : les « Éphémérides » de François Rey (1658-1669) François Rey a établi ces « éphémérides » lorsqu’il préparait son livre intitulé Molière et le roi. L’affaire Tartuffe (avec Jean Lacouture) paru aux éditions Fayard en 2006), ce qui explique qu’il les ait interrompus à la fin de l’année qui a vu la création publique de Tartuffe après presque cinq années d’interdiction. Il a eu la générosité de mettre à notre disposition cet inestimable instrument de travail, nous autorisant en même temps à le diffuser plus largement selon le moyen qui nous paraîtrait le mieux approprié. Nous le publions donc sur le site MOLIÈRE 21, après avoir simplement adapté la mise en pages (passée du mode « paysage » au mode « portrait ») et supprimé, comme il nous l’avait demandé, ceux de ses commentaires personnels qui constituaient des jalons d’attente pour une recherche plus approfondie (« à développer », « à confirmer », etc.). Nous le remercions une fois de plus infiniment. GF et CB Lun 1 janvier 1663 • Création, à l’Hôtel de Bourgogne, de Persée et Démétrius, tragédie de Thomas Corneille. ÷ Loret annonçait cette création dans sa Lettre du 31, écrite le 30 (voir à cette date). ÷ Dans sa Seconde dissertation concernant le poème dramatique, en forme de remarques sur la tragédie de Monsieur de Corneille intitulée Sertorius, l’abbé d’Aubignac écrira : […] et quand ils [les marchands de la rue Saint-Denis] ont abandonné, après les premières représentations, le Démétrius du jeune Corneille, comme une pièce indigne de leur attention, eût-il été bien fondé de les faire appeler en justice pour mieux faire ou pour rétracter leur jugement ? ÷ On constate en effet que la Sophonisbe de Pierre Corneille est créée une semaine plus tard. • Au cours de cette année 1663, les comédiens de la troupe espagnole joueront 73 fois devant la cour, et ils recevront 32 000 livres [chiffres fournis par un document que cite Alphone Royer à la fin de sa traduction du Théâtre de Tirso de Molina, Paris, 1863, p. 457]. ÷ Pour ce mois de janvier, le document indique neuf représentations. ÷ Pour le reste de l’année, voir au 1er de chaque mois. • Selon un « témoignage » tardif1, c’est ce jour-là que Boileau écrit ses « Stances sur L’École des femmes » : En vain mille jaloux esprits Molier (sic), osent avecque mépris Censurer ton plus bel ouvrage ; Sa charmante naïveté S’en va, pour jamais, d’âge en âge Enjouer la postérité. Tant que l’univers durera, Avecque plaisir on lira Que quoi qu’une femme complote, Un mari ne doit dire mot, Et qu’assez souvent la plus sotte Est habile pour faire un sot. Ta Muse avec utilité Dit plaisamment la vérité ; Chacun profite à ton École, Tout en est beau, tout en est bon, Et ta plus burlesque parole Est souvent un docte sermon. Que tu ris agréablement ! Que tu badines savamment ! Celui qui sut vaincre Numance, Qui mit Carthage sous sa loi, 1. La Martinière, à la page XXVI de la « Vie de l’auteur » placée en tête de son édition des Œuvres de Molière (1725) : « M. Despréaux, déjà connu par ses premières poésies, lui envoya, le premier jour de l’an 1663, des stances qui furent d’abord imprimées sans nom d’auteur. » 1 Éphéméride année 1663 Jadis sous le nom de Térence, Sut-il mieux badiner que toi ? Laisse gronder tes envieux, Ils ont beau crier en tous lieux Que c’est à tort qu’on te révère, Que tu n’es rien moins que plaisant, Si tu savais un peu moins plaire, Tu ne leur déplairais pas tant. ÷ Ces stances ont assurément circulé avant juillet 1663, puisque l’abbé d’Aubignac y fait référence dans sa Quatrième dissertation concernant le poème dramatique, servant de réponse aux calomnies de M. Corneille. Dans ce pamphlet, publié le 27 juillet, d’Aubignac, évoquant le dépit que Corneille aurait manifesté devant le succès des comédies de Molière, écrit : À quoi pensez-vous, M. de Corneille, d’avoir rebattu tant de fois que l’envie m’a fait soulever contre vous ? Avons-nous jamais eu même emploi ? Vous êtes poète, et poète de théâtre, vous vous êtes abandonné à une vile dépendance des histrions, votre commerce ordinaire n’est qu’avec leurs portiers, et vos personniers ne sont que des libraires du Palais. Voilà certainement un joli métier pour me faire envie. Non, non, M. de Corneille, faites tant de comédies qu’il vous plaira, je n’en serai point jaloux et je m’en divertirai toujours, mais je me réserverai le droit d’en juger selon que vous me plairez ou que vous me déplairez. Il y a bien de la différence entre un honnête homme qui fait des vers et un poète en titre d’office ; le premier s’occupe pour le divertissement de son esprit, et l’autre travaille pour l’établissement de sa fortune ; le premier ne se met guère en peine si ses vers sont bons ou mauvais, il donne quelque chose à la complaisance de ses amis et ne se fâche point qu’un autre fasse plus ou de meilleurs que lui. Mais le poète qui fait profession de fournir le théâtre et d’entretenir durant toute sa vie la satisfaction des bourgeois, ne peut souffrir de compagnon. Il y a longtemps qu’Aristophane l’a dit : il se ronge de chagrin quand un seul poème occupe Paris pendant plusieurs mois, et L’École des Maris et celle des Femmes sont les trophées de Miltiade qui empêchent Thémistocle de dormir. Nous en avons su quelque chose, et les vers que M. Despréaux a faits sur la dernière pièce de M. Molière nous en ont assez appris. ÷ Les stances paraîtront, sans signature, dans les Délices de la poésie galante (p. 176- 177), qui seront achevés d’imprimer le 25 septembre 1663 pour le compte de Jean Ribou. ÷ Boileau ne les insérera dans ses Œuvres qu’en 1701, en y retranchant la deuxième strophe. Mar 2 janvier 1663 • L’École des femmes. [Quatrième représentation] R : 812 l. • Dans la préface de L’École des femmes, qui sera achevée d’imprimer le 17 mars, Molière racontera une anecdote qui, si on le croit, se situerait en ce début d’année ; or, un mois plus tôt, Donneau de Visé en avait déjà livré le contenu à ses lecteurs : Les Nouvelles nouvelles, achevé L’École des femmes, achevé d’imprimer le 9 février 1663 d’imprimer le 17 mars 1663 — Nous verrons dans peu, continua [Clorante], Je sais qu’on attend de moi dans cette une pièce de lui, intitulée La Critique de L’École des impression quelque préface qui réponde aux femmes, où il dit toutes les fautes que l’on reprend censeurs, et rende raison de mon ouvrage ; et dans sa pièce, et les excuse en même temps. sans doute que je suis assez redevable à toutes — Elle n’est pas de lui, repartit Straton, elle est de les personnes qui lui ont donné leur l’abbé Du Buisson, qui est un des plus galants approbation, pour me croire obligé de hommes du siècle. défendre leur jugement contre celui des — J’avoue, lui répondit Clorante, que cet illustre autres, mais il se trouve qu’une grande partie abbé en a fait une, et que, l’ayant portée à l’auteur des choses que j’aurais à dire sur ce sujet est dont nous parlons, il trouva des raisons pour ne déjà dans une dissertation que j’ai faite en la point jouer, encore qu’il avouât qu’elle fût dialogue, et dont je ne sais encore ce que je bonne. Cependant, comme son esprit consiste ferai. L’idée de ce dialogue, ou, si l’on veut, principalement à se savoir bien servir de de cette petite comédie, me vint après les l’occasion, et que cette idée lui a plu, il a fait une deux ou trois premières représentations de pièce sur le même sujet, croyant qu’il était seul ma pièce. Je la dis, cette idée, dans une capable de se donner des louanges. maison où je me trouvai un soir ; et d’abord — Cette critique avantageuse, ou plutôt cette une personne de qualité, dont l’esprit est ingénieuse apologie de sa pièce, répliqua Straton, assez connu dans le monde, et qui me fait ne la fera pas croire meilleure qu’elle est, et ce l’honneur de m’aimer, trouva le projet assez à n’est pas d’aujourd’hui que tout le monde est son gré, non seulement pour me solliciter d’y persuadé que l’on peut, et même avec quelque mettre la main, mais encore pour l’y mettre 2 Éphéméride année 1663 sorte de succès, attaquer de beaux ouvrages et en lui-même, et je fus étonné que, deux jours défendre de méchants, et que l’esprit paraît plus après, il me montra toute l’affaire exécutée en défendant ce qui est méchant qu’en attaquant d’une manière, à la vérité, beaucoup plus ce qui est beau. C’est pourquoi l’auteur de L’École galante et plus spirituelle que je ne puis faire, des femmes pourra, en défendant sa pièce, donner mais où je trouvai des choses trop d’amples preuves de son esprit. Je pourrais avantageuses pour moi ; et j’eus peur que, si encore dire qu’il connaît les ennemis qu’il a à je produisais cet ouvrage sur notre théâtre, on combattre, qu’il sait l’ordre de la bataille, qu’il ne ne m’accusât d’avoir mendié les louanges les attaquera que par des endroits dont il sera sûr qu’on m’y donnait.