Dépôt Institutionnel de l’Université libre de Bruxelles / Université libre de Bruxelles Institutional Repository Thèse de doctorat/ PhD Thesis Citation APA:

Lefèvre, P. (1989). Intérêts économiques et idéologiques dans l'arrondissement de de 1830 à 1870 (Unpublished doctoral dissertation). Université libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres, Bruxelles. Disponible à / Available at permalink : https://dipot.ulb.ac.be/dspace/bitstream/2013/213227/1/94975232-5837-44bd-9087-f404623634ee.txt

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

Faculté de Philosophie et Lettres

INTERETS ECONOMIQUES ET IDEOLOGIQUES

DANS L'ARRONDISSEMENT DE MONS

DE 1830 A 1870

Dissertation présentée par Patrick LEFEVRE en vue de l'obtention du grade de Docteur en Philosophie et Lettres

Bruxelles 1989

_/ UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

Faculté de Philosophie et Lettres

INTERETS ECONOMIQUES ET IDEOLOGIQUES DANS L'ARRONDISSEMENT DE MONS

DE 1830 A 1870

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Dissertation présentée par Patrick LEFEVRE en vue de l'obtention du grade de Docteur en Philosophie et Lettres

Bruxelles 1989

2^-S?S<-( AVANT - PROPOS

"Intérêts économiques et idéologies dans l'arrondissement de Nions de 1830 à 1870", tel est le titre qui nous semble le mieux adapté à notre propos.

L'arrondissement administratif de Nions (cartes 1 et 2) regroupe en viron 80 communes dans cinq cantons et est réuni judiciairement à celui de Soignies. Il englobe non seulement un bassin houiller - celui du Couchant de Nions ou du Borinage - mais aussi une grande ville - Mons - et une large zone rurale (1).

Délimiter la région charbonnière située à l'ouest de la ville de Nions n'est guère aisé (2). L'absence de diversification industrielle qui caractérise le bassin, n'autorise, croyons-nous, que deux critères. L'un très large, se fonde sur la localisation des communes participant de manière significative à la révo lution démographique du centre du bassin; il permet d'associer aux localités qui sont le siège d'exploitations charbonnières, une vingtaine d'autres plus ou moins limitrophes (3). L'autre critère, très restrictif, se définit par l'implantation des lieux de travail, c'est-à-dire des fosses houillères en exploitation; il con duit à ne compter dans la région charbonnière qu'une dizaine de communes (carte 3).

Les localités ainsi retenues ne sont "charbonnières" qu'avec des intensités va riables. Presque toutes, même celles du centre du bassin (4), conservent un carac tère rural, dont l'importance varie en fonction de la localisation et du nombre des puits, de l'implantation des axes de communication, de la richesse des terres agricoles et des facilités d'installation offertes à la population ouvrière. Pour la clarté de l'exposé, nous avons confondu les dénominations "Couchant de Nions" et "Borinage", lorsqu'il s'agit de désigner le bassin houiller montois (5).

Le choix de 1870 en tant qu'aboutissement doit être explicité. Nous aurions aimé poursuivre nos dépouillements et prolonger notre enquête jusqu'en 1884, qui offrait l'avantage de clore une époque caractérisée par la participation des libéraux au pouvoir central ainsi que par l'absence d'organisation politique de la classe ouvrière. Il aurait aussi été intéressant d'envisager l'influence ii Carte 1

Arrondissement administratif de Mons

oegnies- Chaussée

5 Km ni. Carte 2 : cantons

Pâturages CARTE 3 LE BORINAGE EN 1877

° Wiheries

H < V

et le rôle exercés au sein du gouvernement par Charles Sainctelette, premier député montois à devenir ministre, et ceci à la tête de l'important département des Travaux publics.

Nous avons renoncé à cette démarche qui nous aurait entraîné trop loin. Sans grand regret, car 1870 constitue également un bon terminus. La fin des années soixante-dix correspond à la mise en place de relations commerciales inter nationales basées sur le libre-échange, à une restructuration des bassins indus triels européens fondée sur le déplacement de la sidérurgie et de l'exploitation de nouveaux gisements houillers, à une rationalisation et à un développement des voies de communication. 1870, c'est aussi un bouleversement des équilibres poli tiques européens consécutif à la chute de Napoléon III, la fin en Belgique d'un règne de treize ans du libéralisme doctrinaire. Socialement, 1870, ce sont les

événements et les répercussions de la Commune parisienne, l'échec, pour des motifs spécifiques, de la première tentative d'implantation de 1'Internationale dans le

Borinage.

A la base de nos recherches se trouve une problématique relativement simple: quels sont les intérêts économiques et les idéologies en présence dans l'arrondissement de Nions de 1830 à 1870? Quels sont les dossiers que leurs défen seurs tiennent particulièrement à voir accueillir avec faveur par les pouvoirs publics? Quels sont les organisations et les moyens de pression employés pour les faire aboutir? Quels sont les résultats des actions entreprises?

Cet ouvrage comprend cinq parties.

La première est introductive. Elle présente le contexte: la situation démographique, l'économie de la ville de Nions et des campagnes, l'industrie char bonnière, les institutions.

La seconde montre l'absence de structuration des acteurs économiques non charbonniers avant de décrire l'organisation encore embryonnaire des patrons houillers.

La troisième aborde des champs d'activité révélateurs de l'influence du lobby charbonnier, principal groupe de pression économique: questions doua nières, transports, "police des ateliers". VI

La quatrième évoque l'organisation des catholiques et des anticléri caux et leur emprise dans les domaines qui sont l'enjeu de leur rivalité: l'en seignement, la "bienfaisance"...

La cinquième parle de la presse locale et des hommes politiques et de leurs liens avec les différents intérêts en présence.

Les journaux et écrits occasionnels locaux ont constitué notre prin cipale source. Mais nous avons aussi recouru abondamment à d'autres documents. Aux Archives générales du Royaume à Bruxelles, outre les fonds économiques, parmi lesquels principalement ceux de la Chambre de commerce de Nions et de la Société Générale, les papiers des hommes politiques de l'époque ont été parcourus. Nous avons tiré profit, aux Archives du Ministère belge des Affaires étrangères, des dossiers "politico-commerciaux franco-belges" ainsi que de la copie de la corres pondance du chargé d'affaires français en Belgique. Tous les documents disponibles aux Archives de l'Etat à Mons ont été consultés de même que les registres conser vés par la loge montoise. Nous avons pris connaissance à Paris des rapports adressés au Quai d'Orsay par les consuls de France à Mons de 1852 à 1870 ainsi que de certains dossiers des Archives Nationales relatifs à la Compagnie du Che min de fer du Nord et à quelques voies navigables (6).

Nous croyons apporter ici à l'historiographie belge une contribution originale. A. Cordewiener (7), R. Van Eenoo (8) et E. Witte (9) se sont certes, bien longtemps avant nous, attachés à déterminer comment, dans des circonscrip tions de base - arrondissements ou agglomérations urbaines -, les regroupements de forces politiques se sont opérés au XIXe siècle en vue d'influencer, par une action combinée de l'association, de la presse et de la tribune, le processus de de décision. Rares, pour ne pas dire inexistantes (10) sont cependant les études

qui envisagent, au-delà des conflits entre cléricaux et anticléricaux ou de ceux

entre doctrinaires et progressistes, les conflits d'intérêts matériels.

En 1981, G. Kurgan-van Hentenryk (11) soulignait combien une histoire

du monde patronal, conçue en marge des aspects techniques et économiques et dans une perspective socio-culturelle, idéologique et politique, restait à écrire en Belgique. Une réflexion faite en France par J.N. Jeannèney à propos du XXe siècle (12) pouvait être émise à son sujet: "De quel poids les milieux d'affaires ont- ils pesé sur les destinées politiques du pays? La recherche, pendant longtemps,

a paru tourner autour de cette grande question avec les prudences d'un chaton VII

devant une braise. L'Université a boudé le sujet. Les historiens s'abstenaient. Et pourtant, tout aurait dû apparemment, n'eussent été leurs scrupules et leurs timidités, les attirer dans cette direction. Le simple goût de la chasse d'abord, la perspective de belles proies à débusquer... La certitude enfin que le sujet garantirait l'enquêteur lui-même contre toute spécialisation desséchante, que cette interrogation, toute politique qu'elle fût d'abord, le conduirait vers dés domaines très divers - histoire économique et financière et histoire des conflits sociaux naturellement, mais aussi histoire des diplomaties et des armées, histoire des négociations et des stratégies internationales, histoire de la presse et his toire des cultures, les mythes y compris, dans leur foisonnement!"

Il me reste à dire, au terme d'un périple, à mon grand étonnement fort long, toute ma reconnaissance à Noël, Ellen, Muriel et Jean, ma femme et mes enfants, dont la compréhension et le soutien ne m'ont jamais fait défaut. Ma gratitude aussi au Professeur Jean Stengers, promoteur de cette thèse, pour ses innombrables conseils et marques d'intérêt, pour sa confiance en aucun moment ébranlée, pour sa chaleureuse amitié, ainsi qu'à Madame G. Kurgan-van Hentenryk, souvent discrètement complice, pour les encouragements et observations prodigués. Mes plus vifs remerciements aussi à Jean Lorette qui a relu ce texte et à Gaëtane Styczynski qui l'a dactylographié, ainsi qu'à Patricia Robins, Pierre Quintin,

Carol Jacqmain et Eliane Gubin pour leurs mille présences et attentions. Ma reconnaissance enfin à M. E.A. Jacobs, Conservateur en chef du Musée royal de l'Armée, pour sa sollicitude de tous les jours ainsi que pour les facilités ap portées à la réalisation de ce travail, à Melles F. Peemans et Ch. Piérard et à MM. W. De Keyzer et J. Vandeputte, pour l'accueil réservé aux Archives du Minis tère belge des Affaires étrangères, à la bibliothèque de l'Université et aux Archives de l'Etat à Mons, à Melle A.Farber et à MM. M.-A. Arnould, Ph. Delforge et A. Uytebroeck pour l'accès assuré à certains documents montois. I- LE CONTEXTE CHAPITRE 1

LA SITUATION DEMOGRAPHIQUE.

L' ECONOMIE DE LA VILLE DE MONS ET DES CAMPAGNES.

L' INDUSTRIE CHARBONNIERE.

a. Situation démographique.

La population belge connaît de 1830 à 1870 un accroissement de 27,5%. Les progrès de la médecine et la régression de la mortalité contrebalancent en effet largement les effets négatifs des épidémies, des crises alimentaires ou économiques sur la natalité et la résistance physique des classes populaires (1). Loin d'être à la traîne, l'arrondissement de Mons voit sa population augmenter dans une proportion qui dépasse largement la moyenne nationale. Celle-ci passe entre 1831 et 1866 de 131.000 à 189.000 habitants, ce qui équivaut à une progres sion de 45% (2).

En fait, seule la région aux limites précises, qui englobe la quasi- totalité des communes charbonnières et quelques localités-dortoirs limitrophes (3), connaît une poussée démographique remarquable. L'ensemble des 16 communes signalées en pointillé sur la carte 4, passe entre 1831 et 1866 de 46.000 à 87.000 habitants; il progresse donc de 87%. Cette région compte, en 1831, deux fois plus d'habitants que la ville de Mons et 35% de la population de l'arrondissement; en 1866, quatre fois plus d'habitants que la ville de Mons et 46% de la population de l'arrondis sement!

Le bilan démographique des communes charbonnières n'est pas uniforme. Boussu, Hornu, Wasmuël, Quaregnon, Jemappes et Cuesmes surtout prennent de l'ex tension, doublant largement leur population au cours de la période envisagée. Wâsmes, Pâturages et Frameries / La Bouverie suivent plus lentement. Dour, Elouges Ch.l

Carte 4

Arrondissement administratif de Mons

" Lombise O Chaussée JQ O Cambron? >0 Cambron- Notre-Dame- >Casteç SaiDl-Vincenl Louvignies Bauffe O Monlignies- O O lez - Lens. Lens Neulviltes

,JMasnuyz pint-PiéVte Herchies fo O 1 maison. 0 ^Herbat Jurbise \Masnuy - Saint-Jean V Y o Siraull O

JVilleroU Baudour / £Maisières j • o \ r 0 J O Haulrage \y Obourg O XNimy 9

f 1erlie Havre O / ni.—'SoirX-- J /ohislgmWasrgW l 0 ° Mons ' ^Hensies/Monlroc/ A-*i i (j; iJemappirs Saint- Haine( \Nauir> \Symphorien O O Thulin

i Quiévrain O Elouges O yoriiuignces

'Dour O 'Baisieux O rA ? • Wihéries/ ;Audregmes\ Srchiponlf O Sars-la-/ Blaugies O )„ Bruyery^Ouevy-le •

O Grana>f Havay ' Blaregnies

O Roi! ^joegnies- Chaussée

Communes dont la population augmente 5Km de plus de 60 7. et jusqu a 160 7. entre 1831 et 1866 Ch.l

et Wihéries restent nettement en retrait.

La poussée démographique est particulièrement remarquable entre 1836 et 1846. En l'espace de 10 ans, la population d'Hornu et de Wasmuël augmente de

40%, celle de Quaregnon et de Boussu de 50%, celle de Jemappes et de Cuesmes de 60%. Après 1846, le mouvement se ralentit.

Le peuplement de l'agglomération boraine résulte pour l'essentiel d'apports de population rurale hainuyère: pas ou très peu d'immigration flamande ou étrangère avant 1870. Le mouvement migratoire du bassin d'Anzin vers celui de Mons s'effectuant aussi dans le sens inverse, il n'affecte pas le bilan démogra phique du Borinage. Plutôt que d'un apport d'immigrés étrangers, il conviendrait de parler, dès 1850, d'une certaine hémorragie de main-d'oeuvre locale au profit de régions industrielles en expansion comme celles du Centre, de Charleroi ou du

Pas-de-Calais.

La ville de Mons se dépeuple. Elle perd un bon millier d'habitants entre 1831 et 1866, soit 5% de sa population. Les difficultés de logement et la cherté de la vie à Nions expliquent cette diminution. Entourée de fortifications, elle étouffe dans ses murs. Les prix de vente ou de location des maisons y sont fort élevés, et dé lourds octrois perçus à ses portes.

b. L'économie de la ville de Mons et des campagnes.

1. La ville de Mons.

Finalement peu concernée par 1'évolution des régions rurales et indus trielles qui l'avoisinent, Mons est une "métropole circonstancielle et occasion nelle" (4), qui ne doit son importance résidentielle qu'à sa situation au centre du Hainaut et aux commodités existantes.

Centre administratif et judiciaire, c'est pour l'essentiel, une ville de fonction naires, de juristes et de rentiers. Elle est aussi, et cela concerne plus d'un dixième de sa population, une ville de garnison entourée de remparts et dotée de plusieurs casernes. Son importance militaire découle de sa situation à un carrefour de grandes voies de communication, proche de la frontière et d'une zone indus trielle aussi réputée par sa richesse charbonnière que par la turbulence de sa population ouvrière. Ch.l

Mons est le seul endroit à des lieues à la ronde offrant journaux, salles de spectacle, associations savantes et cercles, d'agrément ou de réflexion. Jusqu'à la création en 1850 de l'école de Saint-Ghislain, c'est la seule localité de l'arrondissement à posséder des établissements d'enseignement moyen. Le seul endroit aussi où malades et indigents trouvent', en dehors de la bienfaisance dis pensée dans leurs communes d'origine, refuge ou secours en son dépôt de mendicité ou à son hôpital.

Mons n'est pas une ville industrielle. Coincée dans ses murailles et handicapée par l'octroi, elle n'attire pas les nouvelles entreprises et ne compte jusqu'au démantèlement de la forteresse en 1861-1864, que trois établissements industriels d'importance: la fabrique de pipes en terre Petit, l'atelier de cons tructions mécaniques Delnest et la raffinerie de sucre Capouillet. S'y ajoutent

à la fin des années soixante: une usine de traverses et coussinets pour chemins de fer souterrains et une deuxième raffinerie sucrière. Mons voit lui échapper, au bénéfice surtout de Saint-Ghislain, le rôle de plaque tournante du commerce charbonnier. Riche d'une population de plus de 20.000 habitants comptant en son sein une couche fortunée relativement importante, la ville assure des moyens d'existence à de nombreux commerçants, artisans et petits entrepreneurs qui satisfont pour l'essentiel des besoins locaux. Les habitants des autres communes de l'arron dissement ne se rendent à Mons qu'une ou deux fois l'an, à l'occasion de la ducasse ou pour un achat important. Si ses marchés et foires obtiennent un certain succès, des rassemblements concurrents sont organisés avec la même régularité dans les environs, bien équipés en magasins et sillonnés par des commerçants ambulants (5).

2. Les campagnes.

Vers le milieu du XIXe siècle, l'arrondissement de Mons, réputé indus triel, conserve, dans nombre des communes qui le composent, un caractère largement rural; près de la moitié de sa population continue d'évoluer dans un contexte essentiellement agricole ou forestier, qui constitue aussi le cadre de vie de nombreux ouvriers navetteurs ainsi que, l'été, de nobles et de notables.

Largement céréalier, c'est un pays où, à l'exception de la betterave, les plantes industrielles n'alimentent pas des industries agricoles dignes d'être recensées. L'industrie sucrière, introduite en 1835-1838, prend de l'extension en 1853-1861 et en 1867-1870. Solidement implantée dans une dizaine de localités rurales et produisant essentiellement pour l'exportation, elle occupe, pour la fabrication d'hiver, un millier d'ouvriers vers 1870. Ch.l

Sans être vraiment forestière, la région conserve des zones boisées non négligeables, exploitées principalement à l'intention des mines.

Dans quelques communes, les occupations agricoles se complètent d'activités extractives non houillères (calcaire, craie, grès, marbre, terre plastique), qui donnent naissance à des entreprises connexes sans grande impor tance (6) .

En 1830, la plupart des localités rurales ne peuvent être atteintes que par des chemins de terre impraticables une bonne partie de l'année. Des routes pavées, construites avec l'aide de l'Etat et de la province, les sor

tiront de leur isolement avant 1870 (7).

c. L'industrie charbonnière.

1. Situation^e^lSSO^

La région ne connaît qu'une grande industrie: le charbon.

La houille supplante à partir du milieu du XVIIe siècle le charbon dé bois pour le chauffage domestique, ainsi que pour certaines activités indus trielles. La production ne prend cependant son essor qu'à l'époque autrichienne avec le retour de la paix et la relance économique. Mais le caractère malgré tout restreint de la demande, les obstacles techniques et financiers et l'état embryon naire du réseau des voies navigables freine cet envol que limite de plus le déve loppement des concurrences anglaise et française.

Après une période de déstabilisation provoquée par les événements politiques et militaires, le bassin houiller du Couchant de Mons bénéficie, à l'époque française, de circonstances favorables. S'il n'est pas geographiquement élargi, le marché qui lui est ouvert est fermé à la concurrence britannique et, dans certains domaines comme le textile, en forte expansion. Des fortunes, rapi dement acquises, sont investies dans les houillères. Les pouvoirs publics déve loppent une politique minière cohérente, favorable à la constitution d'exploita

tions plus puissantes.

Stimulée notamment par le développement de l'industrie métallurgique, Ch.l

la production charbonnière progresse au cours de la période hollandaise. Augmen tation de la production et prospérité des entreprises ne vont pas toujours de pair. Le prestigieux ensemble architectural du Grand Hornu, souvent cité en exemple, s'il reflète le succès de ce charbonnage, fait illusion quant à la richesse du Couchant de Mons à la fin des années vingt. La crise, amorcée en 1825, conduit à

l'endettement de nombreuses sociétés charbonnières. Seul le Grand Hornu passe ces années difficiles sans hypothéquer ses acquis. Bénéficiant de conditions d'ex ploitation exceptionnelles, qui lui assurent un prix de revient modéré, ce char bonnage profite pleinement des années de prospérité 1816-1824, amortissant dès cette époque une partie de ses importants investissements.La chute des prix qui caractérise la période 1825-1834 ne semble pas menacer la rentabilité de l'entre prise. Bien plus, la crise, en acculant ses concurrents à l'endettement lui assu rera une prépondérance incontestée jusqu'à la formation vers 1835 des sociétés anonymes patronnées par la Société Générale.

Dès 1815, la majorité des charbonnages du Couchant de Mons sont équipés en machines d'exhaure à vapeur. L'emploi d'engins d'extraction à vapeur, qui sup plantent définitivement leisystèmesà mollettes à bras ou à chevaux,se généralise

à 1'époque hollandaise.

La création en 1822 de la Société Générale, suivie dès 1825 de l'ou

verture d'une succursale montoise, permet aux banquiers locaux de décupler par des facilités de réescompte leurs moyens financiers. Nombreux sont les charbonnages qui en profitent pour moderniser leurs installations ainsi que pour déclencher une guerre des prix qui amplifie leur endettement.

La crise politique de 1830 n'a pas pour seule conséquence d'entraîner la perte des débouchés hollandais. Elle provoque aussi une crise financière qui

accentuera les récessions d'entreprises.

Presque toutes les banques belges et françaises sont immobilisées. La Société Générale, tout en exigeant la rentrée progressive des fonds qu'elle a mis' en circulation avant les événements, suspend temporairement ses opérations d'escompte. La reprise économique ne s'engage qu'à la fin de 1832 (8); quelques grands projets de communication qui attirent des capitaux, devenus subitement

disponibles, la favoriseront. Ch.l

2* Sa_mode£n±sat±ori_de_1830_à 1870.

La modernisation du bassin se poursuit au cours des années 183Ô-1870.

Comme la plupart des innovations techniques viennent d'Angleterre, plusieurs directeurs de charbonnages borains y sont envoyés en mission d'études dès les années quarante (9).

La profondeur moyenne des puits passé de 167 m en 1829 à 210 m en 1838, atteint 247 m en 1842, 361 m en 1856, 437 m en 1866, 541 m en 1871. Dès 1862, une fosse dépasse les 600 m (10).

Parallèlement, la capacité de production augmente beaucoup. Evaluée en moyenne annuelle par puits à 17.000 t en 1842, elle atteint 35.000 t en 1855,

42.000 t en 1860, 52.000 t en 1865 et 57.000 t en 1870. L'extraction annuelle moyenne par ouvrier passe de 96 t à 139 t de 1838 à 1853 (11).

Les machines d'exhaure sont perfectionnées. Plus simples et plus éco nomiques, elles deviennent aussi plus puissantes et plus efficaces; elles permet tent de contourner dés obstacles considérés jusque là comme insurmontables (12).

L'aérage et l'éclairage bénéficient aussi d'importantes améliorations,

qui, tout en réduisant les risques d'asphyxie, d'anémie et d'explosion, permettent de poursuivre les travaux jusqu'à des distances de plus en plus éloignées de la

surface (13).

Dirigé par un personnel plus qualifié, l'abattage du charbon dans les tailles ne subit pas de grandes modifications. Les haveuses mécaniques, mises au point en Angleterre, ne sont pas introduites au Borinage (14).

Le transport des tailles vers les puits - le hierchage - est perfec

tionné sans être radicalement modernisé. Réalisé jusque vers 1830 à l'aide de traîneaux (scions) glissant sur un système de planches, il s'effectue ensuite à l'aide de charriots et de rails en fer, progressivement améliorés. Si la traction chevaline remplace l'énergie humaine, les plans automoteurs ou actionnés par des machines restent exceptionnels (15).

Les techniques de remontée des charbons à la surface connaissent par contre des progrès extraordinaires. La vapeur s'impose définitivement. Le nombre de puits équipés en machines mues par des chevaux chute de 55 à 17 entre 1830 et Ch.l

1837! Les systèmes à balanciers et à engrenages font place à des dispositifs empruntés aux locomotives; ceux-ci permettent d'imprimer une vitesse de plus en plus grande aux bobines sur lesquelles s'enroulent les cordes, bientôt remplacées par des câbles métalliques. Les récipients sont modifiés afin d'être plus facile ment remplis à l'accrochage et vidés ou culbutés au cliquage. On s'attache aussi à les guider lors de leur remontée à l'aide de cadres et de rails en bois, vite abandonnés au profit d'éléments métalliques, eux-mêmes transformés en véritables cages dans lesquelles on n'a plus qu'à glisser les çharriots amenés par les voies- de traînage (16). Ces cages, conçues pour l'élévation du charbon, servent dès lors aussi au transport des ouvriers obligés jusque là d'emprunter des échelles (17)

A la surface, les bouleversements ne sont pas moins importants. Les bâtiments sommaires de 1830 font place à d'immenses halles de brique et de fer, abritant outre les machines d'exhaure, d'aération et d'extraction, des dispositifs de triage du charbon et d'évacuation des terres pour ainsi dire entièrement automatisés (18).

3. Evolution de la conjoncture de 1830 à_187CK

Engagée dès la fin de 1832, la reprise économique, stimulée par les commandes ferroviaires, est telle que les exploitants de charbonnages ne peuvent satisfaire la demande houillère croissante. Leurs prix s'envolent vers des sommets rarement atteints jusque-là.

La prospérité des charbonnages fait tourner bien dés têtes. Elle mue les houillères eh mines d'or. Les fonds affluent de toutes parts. Pas de meilleure valeur boursière que l'action charbonnière. Les sociétés anonymes "s'élèvent sur la base majestueuse d'un capital énorme qui paraît défier les mauvais jours" (19). Cette fièvre engendre la spéculation à laquelle participe la Société Générale qui

constitue en 1835-1838 une dizaine de sociétés anonymes dans le seul Borinage. En 1837-1838, des capitalistes français investissent également dans la région, à laquelle ne s'intéresse pour ainsi dire pas la Banque de Belgique; elle n'y prési de qu'à la formation d'une petite entreprise métallurgique (20).

Annoncée en décembre 1838 par une crise financière, qui arrête l'espa ce de deux mois la circulation à Mons du numéraire (21), la récession, confirmée à l'ouverture de la campagne houillère de 1839-1840, dure jusqu'en 1844-1845, époque à laquelle le redémarrage de plusieurs grands projets ferroviaires belges et français provoque jusqu'en 1847 un nouvel essor des charbonnages et de la Ch.l 10

métallurgie (22). Les mesures douanières françaises de 1835-1837 en faveur des charbons anglais, accentuent pour le bassin du.Couchant de Mons les effets de cette récession, provoquant rien qu'en 1837-1838 une chute de 40.000 t dans les expéditions vers la France (23).

La reprise amorcée en 1844 est de courte durée. Dès la fin de 1846, les rivages s'encombrent, et la Chambre de commerce de Mons se plaint de la sta gnation générale des affaires et du malaise dans l'industrie houillère, qu'aggrave encore la cherté des produits alimentaires (24). Loin de s'améliorer, la conjoncture se dégrade au cours de l'exercice suivant. Les événements politiques de février 1848 sont précédés en novembre 1847 par une première crise financière, qui contraint deux des principales banques montoisès (Hennekinne-Briard et Tercelin-Sigart) à suspendre leurs paiements et à solliciter un sursis d'un an pour liquider leurs avoirs et faire face à leurs engagements(25). Les révolutions qui éclatent en février en France ainsi que dans plusieurs autres pays européens, provoquent de nouvelles difficultés financières mettant en ques tion l'existence même d'institutions aussi puissantes que la Société Générale ou la Banque de Belgique. Elles ne doivent leur salut qu'au vote d'une loi donnant un cours forcé à leurs billets et les autorisant à émettre du papier-monnaie à

concurrence de 30 millions de francs (26).

Les mesures prises par les autorités centrales sortent à temps les charbonnages montois d'une situation qui, si elle s'était prolongée, n'aurait pas manqué de devenir dramatique. Malgré la chute des expéditions, ceux-ci ont conti nué à produire en février-mars. Ils ne tardent pas cependant à manquer d'argent. Les charbonnages non patronnés par l'un ou l'autre grand établissement financier ne sont pas seuls dans ce cas. Le directeur-gérant du Nord du Bois-de-Boussu, entreprise patronnée par la Société Générale reçoit, par exemple, le 23 mars, un bon de 15.000 F encaissable auprès des agents montois de la banque. Il en obtient 8.000 F en espèces et 7.000 F en billets de banque. Il entreprend vainement toutes les démarches possibles et imaginables auprès des receveurs des contributions et de l'enregistrement ainsi que de divers particuliers pour échanger ces billets contre des espèces. Contraint de les renvoyer à la Générale, il envisage la fer

meture de tous ses ateliers (27).

La crise est finalement de courte durée. Dès l'ouverture de la campa gne 1848-1849, "la circulation des capitaux et la négociation des effets deviennent plus faciles", les expéditions reprennent et presque tous les ouvriers sont employés (29). Ch.l 11

Le prix de vente du charbon, maintenu à un taux très bas en 1848-1849, ne se relè vera qu'à la fin août 1849 (29).

Jusqu'en septembre 1856, l'industrie houillère montoise connaît les effets d'une grande prospérité.. A partir d'octobre 1853, elle est même inca

pable de satisfaire la demande. Cette situation résulte essentiellement de la

conjonction de deux circonstances favorables: 1) L'industrie métallurgique belge et française, très sollicitée suite à la cons truction de chemins de fer dans l'ensemble de l'Europe, passe des commandes extra

ordinaires de charbon. 2) La cherté du fret maritime suspend brutalement les arrivages de houille anglaise sur le continent, contraignant les nombreux consommateurs français auxquels ils étaient destinés à s'approvisionner provisoirement en France et en Belgique. Le coût excessif du fret maritime découle de la combinaison accidentelle de deux facteurs distincts: la pénurie de plusieurs récoltes de blé nécessite l'organisa tion de transports maritimes pour assurer la soudure; la guerre de Crimée monopo lise la plupart des navires encore disponibles (30).

La signature de la paix à Paris, le 30 mars 1856, entraîne immédiate ment la chute du fret maritime, une crise financière provoquant une hausse des taux d'intérêt et une décroissance progressive des ventes, à laquelle contribue par ailleurs le développement du nouveau bassin houiller du Pas-de-Calais (31).

L'industrie houillère du Couchant de Mons supporte d'abord relative ment bien cette récession. "Forcée de modérer quelque peu sa marche, elle reprend ses allures habituelles, graduellement et. sans secousses" (32). "Point de crise, mais un malaise de plus en plus prononcé" (33).

Mais la situation s'aggrave brusquement au début de 1862 lorsque la guerre civile américaine interrompt l'approvisionnement en coton de l'industrie textile gantoise, gros client des charbonnages montois. A nouveau, les rivages sont rapidement encombrés. Les stocks disponibles dans le Borinage augmentent au cours du seul mois de janvier de 64.000 t. Il importe de limiter rapidement l'ex traction. Combiné avec une crise alimentaire, le chômage des entreprises entraîne la misère de la classe ouvrière. Affamés, les ouvriers dévastent les champs de froment et de pommes de terre (34).

Il faut attendre la fin de 1864 pour qu'une reprise se manifeste. Ch.l 12

Les demandes charbonnières redeviennent progressivement plus nombreuses. A la fin de la guerre de Sécession, qui assure le redémarrage des industries textiles et verrières, s'ajoutent d'autre éléments favorables comme la réalisation de plusieurs projets ferroviaires et une récolte exceptionnelle de betteraves sucrières (35). Dès le mois d'avril 1865, "on est obligé, faute de bras, de refuser les plus alléchantes commandes" (36).

Ce contexte particulièrement favorable se maintient jusqu'en janvier 1867, lorsque les stocks commencent à se reconstituer (37).

L'encombrement des rivages augmente progressivement au cours des mois qui suivent. Jusqu'en septembre 1869 (38), les patrons charbonniers montois se plaignent de l'atonie des affaires, qu'ils attribuent aux "inquiétudes Incessantes que la politique fait naître, à l'origine, selon eux, de la retraite des capitaux, de l'ajournement de toute grande entreprise et du ralentissement du travail dans les usines" (39). S'ajoutant à la cherté des produits alimentaires, le manque d'occupation provoque en 1868, une recrudescence de la misère au Borinage.

D'août 1869 à septembre 1870, les charbonnages montois se remettent à fonctionner à plein rendement à la faveur de nouvelles commandes ferroviaires et de la course aux armements que se livrent la France et la Prusse (40). La crise financière, provoquée en Belgique par l'ouverture le 19 juillet 1870 des hostili tés, est de courte durée et cesse de suite avec les "assurances les plus positives données par les parties belligérantes relativement au maintien de la neutralité belge" (41). Les expéditions montoises vers la France s'interrompent en septembre -

à cause de la fermeture du réseau ferroviaire de la Compagnie du Nord ainsi que de l'impossibilité d'escompter aucune valeur sur ce pays (42).

d. Conclusion.

La population de 1'arrondissement de Mons augmente en 1'espace de quarante ans dans une proportion qui dépasse largement la moyenne nationale. La croissance démographique est particulièrement rapide dans les communes charbon nières, qui bénéficient d'importants apports de population rurale hainuyère.

Centre essentiellement administratif, judiciaire et militaire, la ville de Mons peu concernée en définitive par l'évolution des régions avoisinantes, Ch.l 13

est, pour ainsi dire, dépourvue d'usines.

L'arrondissement, réputé comme charbonnier, conserve dans la majorité des communes qui le composent, un caractère très rural.

Le bassin du Couchant de Mons ne connaît qu'une grande industrie, celle du charbon. Longtemps freinée par la limitation de la demande, par des ob stacles techniques et financiers ainsi que par l'état embryonnaire des voies de communication et la concurrence franco-anglaise, celle-ci ne prend véritablement son essor qu'à l'époque napoléonienne.

Poursuivant sa modernisation, l'industrie charbonnière montoise subit entre 1820 et 1840 une profonde mutation financière: les grandes banques se sub stituent aux bailleurs de fonds traditionnels.

La commercialisation cesse d'être dissociée de l'extraction. Des socié tés anonymes sont constituées. Les ouvriers ne sont plus associés au capital.

L'augmentation progressive de la production ne va pas toujours de pair avec la prospérité des entreprises. Les périodes fastes (1834-1838, 1844-1846, 1848-1856, 1865-1866 et 1869-1870) alternent avec des récessions durement ressen ties (1824-1832, 1839-1844, 1847-1848, 1856-1864 et 1867-1869). 14

CHAPITRE 2

LES INSTITUTIONS LEGISLATIVES, EXECUTIVES ET CONSULTATIVES.

a. Les institutions législatives et executives.

Le "pays légal", qui constitue les chambres législatives ainsi que les conseils provinciaux et communaux, représente moins de 5% de la population. Si l'on excepte les quelques capacitaires qui ont voté pour le Congrès national, l'électorat est censitaire. La ville de Mons compte en 1839 un peu plus de 600 électeurs nationaux et provinciaux et de 800 électeurs communaux sur une popula tion d'environ 20.000 habitants; Bauffe, localité rurale d'un peu moins de mille habitants, a une quinzaine d'électeurs nationaux et provinciaux, une trentaine d'électeurs communaux.

S'il est inutile de revenir ici sur les compétences du gouvernement national et sur celles des chambres législatives, il faut rappeler brièvement celles des pouvoirs provinciaux et communaux.

Les conseils provinciaux qui ne siègent pas de 1830 à 1836, se réunis sent de plein droit chaque année le premier mardi de juillet. La durée de leurs sessions ordinaires est de quinze jours; elles peuvent dans certains cas être prolongées, sans toutefois dépasser un terme de quatre semaines; le Roi peut éven tuellement convoquer des sessions extraordinaires. Ils traitent théoriquement toutes les affaires de la province, déterminent les recettes et les dépenses, statuent sur les travaux publics exécutés en tout ou en partie à leurs frais, répartissent entre les communes le contingent des contributions directes qui leur est assigné, décident l'établissement des foires et des marchés, présentent des candidats à diverses fonctions judiciaires, etc. En fait, leur autonomie est limi tée: "La loi contient toutes les précautions possibles, note la Gazette de Mons (1), pour que les conseils provinciaux ne prennent pas le caractère d'assemblées poli- Ch.2 15

tiques. Ils n'ont rien à décider dans les affaires de l'Etat, parce que leurs décisions peuvent être annulées par le pouvoir supérieur et que les matières sur lesquelles il leur est donné de statuer irrévocablement sont en si petit nombre et de si mince intérêt que la marche politique du gouvernement ne peut jamais en

être entravée ni même influencée. Ces conseils ne sont en réalité que des corps consultatifs". Leur liberté de mouvement est, il est vrai, restreinte. Ainsi ils ne peuvent se réunir que dans les lieux et à l'époque fixés par la loi; les règle ments et ordonnances qu'ils adoptent ne peuvent porter sur des objets déjà régis par des lois ou des dispositions d'administration générale; ils sont abrogés de plein droit si, dans la suite, il est statué sur les mêmes objets au niveau natio nal; les budgets, les modifications aux recettes d'une valeur supérieure à 10.000 F, les subsides et travaux publics de plus de 50.000 F sont soumis à l'approbation du Roi et du gouvernement, qui sont autorisés à annuler leurs actes blessant l'intérêt général ou sortant de leurs attributions.

"Pouvoir avant tout délibérant" (2), la Députation permanente est une simple délégation du Conseil provincial. Elle se substitue à lui dans l'intervalle des sessions pour émettre un avis sur toutes les affaires qui lui sont soumises en vertu des lois ou par le gouvernement, ainsi que sur l'administration journa lière des intérêts de la province; elle prépare aussi le travail du conseil, en présentant à l'ouverture de ses sessions rapports et propositions.

Le gouverneur est seul chargé de 1'exécution des délibérations de la Députation permanente ainsi que de celles du Conseil Provincial, comme il l'est aussi des lois et des règlements d'administration générale. Commissaire du gouver nement, nommé par le Roi, il fait partie de droit de la Députation permanente, au sein de laquelle il bénéficie d'une voix délibérative, mais non prépondérante. Il assiste aux séances du Conseil seul ou en compagnie de ceux qu'il désire s'ad joindre, et peut adresser à cette assemblée des réquisitoires au sujet desquels elle est tenue de délibérer. Le gouverneur est assisté par des commissaires d'arrondissement, chargés pour l'essentiel d'une fonction d'inspection (3).

A l'inverse des conseils provinciaux, les conseils communaux se réunis sent de 1830 à 1836 en vertu des dispositions hollandaises existantes. La loi du 30 mars 1836 leur réserve en principe tout ce qui est d'intérêt communal. Leur marge de manoeuvre est encore plus restreinte que celle des conseils provinciaux. Leurs décisions, qui doivent être conformes aux règlements nationaux et provinciaux existants, sont soumises, dans leur quasi totalité, à l'approbation des pouvoirs supérieurs. Contrairement à la Députation permanente, le Collège des Bourgmestre Ch.2 16

et Echevins, émanation du conseil communal, constitue un pouvoir exécutif (4).

b. Les institutions consultatives.

1. Les chambres de commerce.

Constituées en l'an XI, les chambres de commerce sont réorganisées en octobre 1815. La province en compte trois: Mons, Tournai et Charleroi; leur ressort correspond à celui des arrondissements judiciaires. Elles sont des corps consul tatifs, chargés de "faire connaître au gouvernement, aux chambres législatives, à l'administration provinciale, ainsi qu'à celle des villes de leur ressort, leurs vues sur les moyens d'accroître la prospérité industrielle, commerciale et mari time du pays, de même que les causes qui en arrêtent le progrès". Tenues de répon dre à toute demande d'avis ou de renseignements des autorités compétentes et d'adresser annuellement au ministre chargé du commerce et de l'industrie un rapport général sur la situation de toutes les branches d'activités commerciales et indus trielles dé leur ressort, elles disposent également du droit de prendre des ini tiatives, de faire des propositions (5).

Leurs discussions ne sont pas publiques (6), et l'arrêté royal du 8 octobre 1815 leur interdit de publier, sans l'autorisation du gouvernement, les renseignements qui leur sont communiqués ou les rapports et avis qui leur sont demandés; cette dernière disposition sera abrogée par l'arrêté royal du 10 septembre 1841; à partir de 1859, leurs rapports annuels seront publiés in extenso en annexe de ceux de la Députation permanente.

Leurs membres sont choisis par le gouvernement sur une liste triple de candidats présentée par elles seules. Le pouvoir central se contente générale ment d'entériner leurs propositions, en nommant les candidats qu'elles ont désignés en première position. La seule condition requise est "d'être notoirement versé

dans la science industrielle ou commerciale et d'avoir sa résidence dans le res sort". Les premières nominations ont eu lieu en 1815 par le Roi sur la base de propositions faites par le directeur général du Commerce et des Colonies. Une pro cédure similaire est suivie en ce qui concerne les secrétaires; non soumis à la réélection, ceux-ci ont voix consultative et contresignent toutes les pièces avec

le président. Ch.2 17

A partir de 1839, cette organisation est sérieusement contestée. La presse comme le Parlement réclament une réforme pour empêcher des réélections successives qui font des chambres de commerce l'instrument d'intérêts particu liers (7). Les contestataires s'inspirent de l'exemple des chambres de commerce françaises qui, depuis 1832, sont composées au scrutin secret et à la majorité absolue, par leurs membres mais aussi par ceux des tribunaux de commerce, auxquels est adjoint un nombre équivalent de notables patentés et exerçant leur activité. Lorsqu'il n'y a pas de tribunal de commerce, le conseil municipal désigne la moitié des électeurs. Les membres des chambres dé commerce françaises ne peuvent être réélus sans interruption d'exercice. Cédant à cette opposition, le gouvernement belge prend le 10 septembre 1841 un arrêté qui interdit la reconduction du mandat de plus d'un tiers des membres sortants.

L'agitation est relancée en 1848 à nouveau suite aux modifications apportées à la législation française. La réforme est radicale: tous les commerçants patentés inscrits au rôle depuis un an deviennent, sans condition de cens, élec teurs et éligibles pour les chambres de commerce (8). La presse belge lui réserve un large écho. L'Indépendance et le Journal du Commerce d'Anvers s'élèvent avec énergie contre le mode vicieux suivant lequel ont lieu selon eux les élections, et dénoncent avec d'autres journaux l'inefficacité de l'arrêté de 1841 (9). Interpellé à ce sujet à la Chambre, en juillet 1851, lors de la discussion du budget des Affaires étrangères (10), le Gouvernement décide en février 1852 d'en quêter auprès des autorités concernées : Chambres et tribunaux de commerce, Députa tion permanente et conseils communaux des localités sièges d'une chambre dé com merce: "L'opinion a été exprimée dans les chambres et ailleurs que le système d'élection devrait être appliqué aux chambres de commerce. A l'appui de cette opi nion, on a fait valoir notamment que dans les institutions politiques comme pour les administration communales et provinciales le système d'élection est générale ment admis en Belgique et qu'il conviendrait de l'étendre aux chambres de commerce. A ces raisons, on répond que le système d'élection est consacré en Belgique sur une large échelle en matière politique, que cela peut paraître suffisant et que l'on peut dès lors trouver désirable de ne pas étendre ce système à des matières purement commerciales et qui doivent convenablement rester en dehors de la poli tique. Dans le cas où vous croiriez devoir vous prononcer en faveur du principe de l'élection, il y aurait lieu de formuler en outre le mode d'élection à adopter, soit que vous admettiez comme électeurs tous les patentés en général sans distinc tion de cens ou tous les négociants, fabricants et manufacturiers du ressort de la chambre de commerce, soit que vous n'admettiez qu'une certaine classe de paten tés ou seulement les négociants et industriels notables" (11). Ch.2 18

La chambre de commerce de Mons aborde la question le 14 mars 1852.

Par six voix contre quatre et une abstention, elle se prononce en faveur du main tien du système en vigueur. Rédigé par Charles Sainctelette, le rapport qu'elle adresse au gouvernement est particulièrement éclairant: "Ceux qui repoussent l'or ganisation actuelle raisonnent moins d'après les abus qu'elle peut faire naître que par une analogie peu rationnelle. Ils invoquent l'exemple de ce qui a lieu pour la formation des conseils communaux et provinciaux et des chambres législati ves. Cet exemple est mal choisi. Ces différents corps exercent tous une action réelle dans le cercle de leurs attributions constitutionnelles. Les conseils com munaux et provinciaux arrêtent les budgets, font des règlements, nomment à certai nes fonctions, etc.. Les chambres de commerce n'ont à formuler que dé simples avis". (12.)

Au moment où la chambre de commerce de Mons fait connaître son opinion, F. Matthijsens, un commerçant anversois, publie une brochure particulièrement agressive qui bénéficie d'une assez large diffusion (13): "Les chambres de commerce datent des premiers temps du Consulat. Elles portent le cachet dé leur origine. Elles rappellent sous un régime électif un or dre des choses dont l'élection n'était pas le principal élément. Il y a aujourd'hui défaut d'harmonie entre ces corps et toutes les autres institutions nationales. "Lorsque le Gouvernement veut prendre un avis de l'opinion publique, consulter les hommes qui peuvent lui donner des conseils, il s'adresse aux chambres de commerce. Ce sont les seuls corps que la loi lui indique. En dehors des cham bres de commerce, la loi n'assigne au gouvernement aucun conseiller en matière d'in térêts économiques. Aucun intérêt légitime n'est ni complètement ni régulièrement consulté. Les chambres possèdent d'ordinaire un nombre très restreint de membres compétents dans des questions de commerce et d'industrie. Les lois d'intérêt maté riel sont donc forcément mal élaborées; le plus souvent, les plus hautes questions économiques sont tranchées par des considérations étrangères au sujet ou selon le point de vue de tel ou tel intérêt local qui, soit au moyen d'une coalition, soit par une forte pression extérieure, parvient momentanément à dominer les autres. "Si nous avions des chambres de commerce électives, bien des fautes seraient épargnées. Elles donneraient à chaque localité importante un organe

direct et fidèle de ses intérêts. "Lorsque la nation est appelée à nommer ses mandataires directs à la commune, à la province et aux chambres, il devient absurde de lui refuser le droit de désigner lés représentants de ses intérêts matériels. L'arrêté du 17.9.1841 n'a pas fait disparaître les griefs articulés par le commerce belge. Ch.2 19

"Il faut que l'état des choses prenne fin. Pour cela, il n'existe qu'un moyen: appliquer à la gestion de nos intérêts matériels le système aujourd'hui en vigueur en France en le modifiant. Au suffrage universel, il faut substituer le suffrage restreint. Les électeurs payant une patente assez élevée pour donner, avec une présomption de capacité, un gage de l'intérêt qu'ils ont à la bonne con duite des affaires, seraient seuls admis à concourir au vote".

La plaquette de Matthijssens rencontre un accueil favorable au sein même du conseil communal de Mons; sur proposition de Grenier, rapporteur de la section des finances, il se prononce le 8.5.1852 pour l'organisation d'élections(14).

A ces attaques, qui enregistrent des adhésions jusqu'à l'intérieur d'institutions qui leur semblaient acquises, les patrons charbonniers montois ré agissent par une campagne de presse dont une brochure rédigée par Charles Sainctelette constitue le point d'orgue (15).

"Ceux qui, attaquant le système actuel, se bornent à l'émission d'un simple voeu en faveur d'une application nouvelle du principe de l'élection, n'ont pas étudié la nature des procédés à employer pour lui assurer ici un jeu aussi régulier, aussi complet, aussi efficace que dans les autres fonctions qui, dans notre régime politique, lui sont dévolues. Selon eux, il y a défaut d'harmonie

entre les chambres de commerce et toutes les institutions nationales. Mais il n'y a aucune parité quant aux attributions entre les chambres de commerce et les corps auxquels ils font allusion. Le conseil de la province et celui de la commune pro cèdent directement de l'élection parce qu'ils font les affaires de la province et de la commune, parce qu'aux termes de la Constitution, tout ce qui est d'inté rêt provincial et communal doit être réglé par eux, parce qu'ils peuvent décréter et décrètent tous les jours des impôts provinciaux, des taxes communales, parce qu'ils ont le pouvoir de faire, en les mettant en harmonie avec la loi, des règle ments d'administration intérieure obligatoires dans toute l'étendue de leurs

ressorts. "Les chambres de commerce ont-elles des attributions déterminées par la Constitution? Leur part est-elle tracée dans le système de nos institutions politiques? Ont-elles le pouvoir d'ordonner quoi que ce soit? Administrent-elles la moindre portion de la fortune publique? Non! Elles ne règlent en rien l'intérêt commercial. On ne perçoit à leur profit aucun genre d'impôt. Elles n'ont pas le pouvoir de faire la plus simple ordonnance de police, quelque utile qu'elle puisse être au commerce. Les chambres de commerce n'ont pas chez nous des fonctions acti ves, une autorité intrinsèque; elles doivent rester ce qu'elles sont aujourd'hui: Ch.2 20

des corps consultatifs. "On ne peut pas, sans porter atteinte à l'esprit de la Constitution, attribuer au corps électoral le soin de composer un corps consultatif. On a tou jours voulu laisser au pouvoir exécutif la plus absolue latitude quant au mode de formation des corps consultatifs, créés et institués pour la plupart non par des lois mais par dés arrêtés royaux. Leur unique fonction est d'éclairer le gouver nement; la première condition de leur existence est donc que celui-ci ait confiance en eux. Selon l'esprit et les termes de la Constitution, les corps consultatifs ne pourront jamais avoir sur la rédaction des lois une influence sérieuse, une action réelle. "Vous demandez l'application du système électif. Votre proposition offre de sérieux dangers. Les chambres de commerce deviendront des tribunes poli tiques. Leurs décisions seront dictées non par l'intérêt bien entendu de leur ar rondissement mais par l'esprit de parti. Car il est de l'essence de tout corps formé par l'élection de se rendre l'organe des passions du corps électoral. Déjà, la politique et les questions de parti ont envahi les conseils communaux et pro vinciaux. "Si le principe de la formation des chambres de commerce par la voie de l'élection directe et de l'admission à l'électorat de tous les patentés était décrété, la part d'influence attribuée aux industries représentées au sein de ce corps ne serait pas en rapport avec l'importance réelle de leur trafic et avec l'action qu'elles exercent sur la prospérité du pays. A Mons, comme à Charleroi, à Liège et à Verviers, il n'y a pas que des houillères, des établissement métal lurgiques, des verreries, des fabriques de draps. On y compte aussi et en très grand nombre des négociants qui ne font le plus souvent d'affaires que dans un rayon déterminé, avec un cercle très restreint dé petits débitants tous patentés, tous électeurs. Il est incontestable que le principe de l'élection admis, les com merçants pourront écarter des chambres de commerce les grands producteurs. "Le nombre des défenseurs de l'industrie houillère est de 6 sur 12 au sein de la chambré de commerce de Mons. Eh bien, au sein du conseil communal de Mons, on s'est récrié contre la part faite à l'industrie de la houille, on s'est étonné de ne point voir la fabrication de la bière spécialement représentée à la chambre de commerce. A l'époque du dernier recensement, on comptait dans l'arron dissement 367 ouvriers brasseurs et 22.700 ouvriers mineurs! Que les brasseurs veuillent avoir des représentants spéciaux au sein des chambres de commerce de Bruges et de Louvain, rien de plus naturel. Mais au sein de la chambre de commerce de Mons, dans un arrondissement où ils ne peuvent jamais avoir la pensée de fabri quer pour l'exportation, quoi de plus exorbitant! Il n'y a point dans tout l'ar rondissement de Mons une seule industrie dont l'importance puisse être opposée à Ch.2 21

celle de l'extraction de la houille. Le seul bassin houiller de Mons embarque dans les eaux du canal de Condé environ 20 millions d'hectolitres, trafic qui peut être

évalué à 30 millions de F. "Les grands producteurs, en butte aux plus étroits préjugés, aux plus puériles défiances, non seulement ne seraient pas appuyés par la masse dés commer çants, mais seraient même attaqués par plusieurs d'entre eux. L'influence exercée sur la formation des chambres de commerce par les diverses industries sera,l'élec tion venant,en raison inverse de leur importance. La victoire restera aux petits capitaux. Il arrivera dans le Hainaut que les houillères qui employent 33.000 ouvriers n'auront que 40 voix, tandis que les brasseurs qui en occupent 1.350 en

détiendront 450! "Les questions soumises à l'examen des chambres de commerce sont sur tout relatives aux grandes industries. Des négociants, dont les marchandises et les produits se consomment sur place sont moins habiles que les grands producteurs à traiter des questions d'exportation, de tarifs, de voies de transport. Des bras seurs où dés négociants en denrées coloniales ne connaissent pas les besoins de la production de houille ou de fer. L'élection venant, les chambres de commerce seraient bien moins encore qu'aujourd'hui l'expression fidèle et complète des grands intérêts du pays" (16).

Après un dernier débat à la Chambre, engagé en décembre 1852 à nouveau à l'occasion de la discussion du budget des Affaires étrangères et suivi d'une brève campagne de presse, la question d'une réforme du mode de désignation des membres des chambres de commerce n'est plus abordée (17).

Le ressort des chambres de commerce devient aussi l'objet de critiques

virulentes. Celui de la chambre de commerce de Mons recouvre une circonscription judiciaire qui englobe l'arrondissement administratif de Soignies lequel comporte des cantons industriels (Soignies, Enghien, Lessines, Roeulx) dont les intérêts sont parfois divergents de ceux de la région montoise.

Pendant la quasi totalité de la période envisagée, le président, le vice-président et le secrétaire de la chambre de commerce de Mons sont des repré sentants de l'industrie houillère du Borinage. Ce n'est qu'en février 1869 que la décision est prise d'attribuer dorénavant la vice-présidence à l'arrondissement de Soignies; Bourg, régisseur du Bois-du-Luc assumera cette fonction (18). La chambre de commerce de Mons compte un nombre de membres croissant: 12 au lieu de 9 en 1833, 15 en 1858, 18 en 1865 (19). Mais jusqu'en 1865, les représentants de l'industrie houillère du bassin du Centre, des carrières de Soignies, de Lessines Ch.2 22

ou des Ecaussines, des filatures de Braine-le-Comte n'y sont admis qu'au compte- gouttes; quatre ou cinq avant 1860 (20).

Une première pétition part de Soignies le 3 janvier 1864, demandant l'établissement dans cette ville d'une nouvelle chambre de commerce, ayant pour ressort l'arrondissement administratif dont la cité est le chef-lieu. Suit le lendemain, 4 janvier, une requête du Comité houiller du bassin du Centre, requête qu'un nouveau mémoire amplifie quelques mois plus tard, le 25 mai 1864: elle ré clame la création d'une chambre de commerce à La Louviere avec, pour ressort, les cantons du Roeulx, de Binche et dé Seneffe. Ce même comité défend l'idée que le Hainaut comprend trois bassins houillers, que chacun d'entre eux a droit à une représentation spéciale et qu'il est absurde de diviser le Centre en deux parties ressortissant de chambres de commerce distinctes. Mais le comité houiller du bas sin du Centre ne fait pas l'unanimité dans la région de La Louviere: à leur tour, Binche et Le Roeulx pétitionnent pour devenir le siège d'une nouvelle chambre de commerce (21).

La chambre de commerce de Mons tarde à répondre à la demande d'avis que le Gouverneur lui a adressée le 16 juin (22). Elle n'y réagit que le 10 octo bre, après s'être concertée avec certains exploitants charbonniers du Centre et la chambre de commerce de Charleroi (23).

Elle commence par justifier sa conduite. Jamais elle n'a écrit une dépêche, émis un avis, entrepris une démarche contraire aux intérêts du Centre. Jamais elle n'a refusé d'appuyer une proposition dont elle aurait été saisie qui leur aurait été favorable. Depuis 1854, elle a spontanément augmenté le nombre des représentants de l'arrondissement administratif de Soignies; et particulièrement du canton du Roeulx. Dans les commissions spéciales, dans les députations envoyées aux ministres, la désignation des délégués s'est toujours

effectuée équitablement.

Selon elle, aucune dissidence sérieuse n'existe. Seul le régime des transports peut donner lieu à quelques dissenssions.

A supposer, ajoute-t-elle qu'il y ait parfois dissemblances d'intérêts, entre le Centre et Mons, mieux vaut que les opinions contraires s'expriment dans le sein même de la chambre que d'avoir deux représentations distinctes. Les tran sactions n'en seront que plus fréquentes. D'ailleurs où s'arrêterait-on? Puisqu'il y a même absence de similitude entre les houillères de la Louviere et les nouveaux Ch.2 23

charbonnages du Piéton, accordera-t-on à chacun de ces groupes une chambre de com merce spéciale?

Pour tous ces motifs, la chambre de commerce de Mons propose une solu tion de compromis, à laquelle le gouvernement se ralliera en mai 1865 (24): au lieu de diviser son ressort entre deux chambres composées chacune de neuf membres, il convient de porter à dix-huit le nombre des membres de la chambre actuelle et de stipuler que les deux arrondissements seront représentés à parts égales (25).

Dès l'An XI, un Conseil général supérieur du commerce chapeaute les chambres; un Conseil général supérieur des manufactures lui a été adjoint en 1810. Alors qu'ils continuent de fonctionner en France, ils sont inexistants en Belgique et des voix s'élèvent pour réclamer leur établissement (26). Un Conseil supérieur d'Industrie et de commerce est finalement créé en mars 1859; sa mission consiste

à "donner son avis sur les affaires qui lui sont soumises par le gouvernement et de discuter au point de vue général les voeux émis par les chambres de commerce, ainsi que ceux faits par des membres du conseil en leur nom personnel"; il se réunit à Bruxelles "à l'époque fixée par les ministres de l'Intérieur et des Af faires étrangères"(27).

Alors que les chambres de commerce d'Anvers, de Bruxelles, de Gand et de Liège s'y voient attribuer chacune deux sièges, les autres et c'est le cas de celles de Mons et de Charleroi, n'en reçoivent qu'un seul. Aussi les bassins in dustriels hainuyers protestent: Mons et Charleroi parce que détenteurs d'un seul siège alors que leur concurrent liégeois en possède deux; le Centre parce que vir tuellement exclu de la nouvelle institution suite à la désignation par les cham bres de commerce dont il ressort, de délégués montois et carolorégiens (28). En novembre 1862, le gouvernement double les représentations des chambres de commerce de Mons et de Charleroi (29) mais attribue le deuxième siège montois au bassin houiller du Centre (30). Au sein du Conseil supérieur de commerce et d'industrie, les Hainuyers sont désormais deux fois plus nombreux que les Liégeois.

Une institution consultative n'a d'influence que pour autant que les intérêts pour lesquels elle a été créée, veulent bien en profiter. Nombreuses sont les industries qui s'abstiennent de demander à la chambre de commerce d'intervenir en leur faveur. "Si dans ses rapports généraux, la Chambre de commerce de Mons traite les questions relatives à l'industrie houillère avec plus de détails que les questions relatives aux autres industries, la raison en est simple, écrit Sainctelette en 1864 (31). C'est que, malgré les plus vives instances, les autres Ch.2 24

industries ne veulent pas donner de renseignements sur leur trafic ou n'en donnent que de très incomplets. Bien plus encore que d'autres, la chambre regrette qu'on ne fasse pas plus fréquemment appel à son intervention. Mais à moins d'être armée d'une force coercitive, elle ne peut faire davantage. La volumineuse correspon dance qui chaque année est employée à former le dossier du rapport annuel prouve rait au besoin tout ce qu'il faut de temps, d'insistance et de fatigue pour obtenir même les données imparfaites que la chambre s'efforce de mettre en oeuvre".

Les motifs de ce rejet sont probablement complexes. Davantage que la crainte d'informer la concurrence, joue probablement un sentiment d'indifférence à l'égard d'une institution dont les organes de décision et d'influence sont confis qués pour ainsi dire exclusivement par une seule grande industrie et dont on ne se sent pas nécessairement solidaire (32). Non directement représenté au sein de la

chambre, on s'en désintéresse.

D'autres facteurs interviennent aussi. Les difficultés de fonctionne ment des institutions agricoles illustrent combien les possibilités offertes par les corps consultatifs n'ont pas toujours été perçues par les contemporains.

2. Les commissions agricoles.

Les commissions agricoles sont organisées à l'échellon provincial sur les mêmes bases que les chambres de commerce. Celle du Hainaut se compose jusqu'en 1845 de 9 membres, soit trois membres par arrondissement judiciaire. Ce nombre

est ensuite porté à 12, de manière à ce que chaque arrondissement administratif puisse être représenté par le même nombre de délégués. La commission provinciale d'agriculture bénéficie de l'aide d'un secrétaire et d'un vétérinaire. Ses membres, nommés pour trois ans par le gouvernement sur la présentation par elle d'une liste triple de candidats, sont rééligibles (33). Son activité principale consiste dans la rédaction d'un rapport annuel, qui n'est publié par la Députation permanente qu'à partir de 1866. La presse se montre à l'occasion féroce à son égard. "On se demande ce que fait la Commission provinciale d'agriculture du Hainaut, instituée depuis tant d'années, s'exclame le Modérateur en 1840. Elle délègue une fois l'an quelques uns de ses membres pour assister à l'expertise des étalons, elle fait des essais de semis dont les résul tats restent inconnus, elle fait une fois l'an un rapport au gouvernement sur les produits des récoltes à peu près comme quelqu'un qui viendrait vous dire le temps qu'il a fait hier. Halbrecq, député permanent et secrétaire perpétuel de cette commission, salarié à raison de 1.000 F/an le fait à peu près comme certain auteur Ch.2 25

peignait les moeurs des bergers de l'Arcadie du fond de son cabinet!" (34)

Contrairement aux chambres de commerce, les commissions provinciales d'agriculture se réunissent peu. L'arrêté royal qui les réorganise en 1845, pré voit deux assemblées annuelles; il est amendé dès 1847 de manière à ne leur impo ser qu'une seule réunion qui ne doit pas être prolongée au-delà de deux jours! (35)

Le Conseil supérieur d'agriculture, instauré dès 1834, ne se réunit pour ainsi dire jamais. En 1841, il est considéré comme dissous. Un arrêté royal

lui redonne vie en 1845; il semble désormais fonctionner normalement dans le ca dre de ses assemblées annuelles. Chaque commission provinciale y est représentée par un délégué jusqu'en 1848, par deux ensuite. Une de ses principales fonctions

consiste à publier annuellement une synthèse des rapports des commissions provin

ciales (36).

En 1848, la structure établie au niveau provincial et national, est

complétée par l'organisation de comices de districts ayant pour ressorts deux ou trois cantons. En butte à l'indifférence des agriculteurs, ils éprouvent beaucoup

de difficultés à se constituer. Celui de Mons / Lens, par exemple, n'a qu'une

existence normale; l'activité déployée par celui qui fonctionne au profit des cantons de Boussu, de Dour et de Pâturages, et qui s'explique pour l'essentiel par l'extension prise par la boucherie dans le Borinage (37), passent pour l'ex ception et est cité en exemple. En 1859, ils ne sont plus que trois à fonctionner dans la province! (38)

c. Conclusion.

Moins de 5% de la population participe en 1830-1870 à l'élection des membres des institutions législatives et executives.

Le Conseil provincial, qui ne peut se réunir plus de quatre semaines, a un pouvoir très limité, n'étant habilité à prendre de décisions que sur des objets non régis au niveau national. Son budget, les modifications aux recettes de plus de 10.000 f, les subsides et travaux publics de plus de 50.000 f sont sou mis à l'approbation gouvernementale. Le Conseil communal dispose d'une marge de manoeuvre encore plus restreinte que celle de l'assemblée provinciale. Ch.2 26

La Chambre de commerce est un corps consultatif actif et influent. Dotée d'un droit d'initiative, elle est fréquemment interrogée par les autorités. Elle peut depuis 1841 donner sans autorisation la plus large publicité à ses avis. Elle est représentée à partir de 1859 au sein du Conseil supérieur d'Industrie et de Commerce. Les réunions ne sont pas publiques.

Le mode de composition de la Chambre de commerce est sérieusement contesté en 1838-1841 et en 1848-1852. Le système de cooptation et de reconduction en vigueur permet son contrôle par une majorité impossible à déplacer. Quinze hommes suffisent pour assurer la mainmise sur la Chambre de commerce de Mons en

1852.

L'élection de ses membres par les patentés est alors réclamée. Il est, dit-on, absurde de réfuser à la Nation le droit, de désigner les représentants de ses intérêts matériels, lorsqu'elle est appelée à nommer ses mandataires directs à la commune, à la province et au Parlement. Combattu par la grande industrie, ce raisonnement n'est pas pris en compte par le gouvernement et les Chambres.

L'arrondissement de Soignies (bassin du Centre, carrière des Ecaussi- nes, de Lessines et de Soignies, filatures de Braine-le-Comte) remettent en cause, au début des années soixante, la prépondérance montoise au sein de la Chambre de commerce. Binche, La Louviere, Le Roeulx et Soignies demandent à être le siège d'une nouvelle Chambre. Le gouvernement se rallie en 1865 à la formule de compro mis proposée par les Montois. Le nombre des mandats est porté à dix-huit, et la moitié de ceux-ci est attribuée à des représentants de l'arrondissement de Soi-' gnies, déjà détenteur depuis 1862 du second siège détenu par la Chambre au sein

du Conseil supérieur de Commerce et d'Industrie.

Une commission agricole, formée de la même manière que la Chambre de commerce, est chargée de défendre, à l'échelle provinciale, les intérêts de l'a griculture. Elle fait preuve de peu d'activité. 27

II - L'ORGANISATION DES INTERETS ECONOMIQUES 28

CHAPITRE 3

ABSENCE D' ORGANISATION DES INTERETS ECONOMIQUES

NON HOUILLERS. LES SYNDICATS PATRONAUX CHARBONNIERS.

a. Absence d'organisation des intérêts économiques non houillers.

1. Agriculteurs et industriels agricoles.

Les seuls à être quelque peu organisés sont les patrons sucriers, par ticulièrement vulnérables à toute modification de la législation fiscale ou doua nière (1) .

A partir, semble-t-il, de 1855, un Comité des Fabricants de sucre se charge à Mons de la défense des intérêts de la profession, coordonnant même à l'occasion des politiques commerciales communes. En 1857, par exemple, lorsque les prix sucriers baissent brusquement, les fabricants, loin de céder à la panique et de chercher à écouler coûte que coûte leur production, accumulent des stocks dont ils ne chercheront à se débarrasser qu'une fois les importations françaises arrêtées et des tarifs rémunérateurs assurés (2). Ce Comité, dont il est encore fait mention en 1867 (3), joue un rôle particulièrement actif lors de la discus sion en 1860, à la Chambre, du projet de loi qui, en supprimant les octrois, aug mente les accises sur les sucres. Suite à son intervention, H. de Brouckère, député de Mons, propose et fait voter un amendement favorable aux patrons su criers (4).

Utilisant dès 1845 les possibilités offertes par les pétitionnements (5), ceux-ci sont tout aussi influents au sein de la Chambre de commerce de Mons où ils détiennent en permanence un ou deux sièges jusqu'en 1870 (6).

Certains occupent des fonctions politiques. Hoyois est conseiller Ch.3 29

provincial en 1870; Tellier siège au Sénat à partir de 1863.

Si l'on excepte les patrons sucriers, les agriculteurs et les indus triels agricoles ne font que rarement entendre leur voix. Cette situation résulte en partie de l'individualisme propre à cette profession. A l'inverse d'autres secteurs économiques, l'agriculture et la plupart des activités qui lui sont liées ne constituent pas un groupé de pression structuré: pas d'association, pas d'or gane de presse, pas de diffusion de brochures... (7). Pendant longtemps la Com mission provinciale d'Agriculture (8) constitue le seul organe consultatif repré sentant les intérêts agricoles. Encore sa voix est-elle étouffée jusqu'en 1866, la Députation permanente préférant puiser dans les rapports annuels de cette com mission des éléments pour l'établissement de son propre bilan plutôt que de les publier in extenso en annexe à l'instar des rapports de la Chambre de Commerce. La décision de publier les rapports de la Commission provinciale d'Agriculture n'est prise par le Conseil provincial du Hainaut qu'en juillet 1865. A partir de ce moment seulement des revendications qui n'avaient été formulées jusque-là que par les députés des régions rurales au sein des diverses assemblées représentati

ves, seront officiellement publiées.

Ces revendications sont nombreuses, certaines très ponctuelles. En fait, toutes témoignent de préoccupations que l'on peut regrouper en quatre grands thèmes: la protection à l'égard de la concurrence étrangère, l'amélioration tech nique et pratique de l'agriculture, une ébauche de lutte sociale et, en fin de compte puisque ce sont les plus gros agriculteurs qui s'expriment une ébauche de contrôle social. C'est ainsi que les milieux agricoles se sont toujours montrés résolument protectionnistes, réclamant à cor et à cri toute une série de réformes douanières au gouvernement, afin de favoriser l'exportation des produits indigènes et de limiter l'importation de denrées étrangères. Parallèlement, ils revendiquent

avant 1860 la libre circulation intérieure et la suppression des droits de bar rière. Les distillateurs font également entendre leurs voix en demandant la dimi nution des droits sur les distilleries agricoles. Toute une série de requêtes vi sent à perfectionner l'agriculture: les plus générales portent sur l'organisation d'un enseignement agricole et l'établissement de banques agricoles; les plus ponc tuelles sollicitent des subsides pour la voirie, le drainage ou l'élevage des étalons, des indemnisations en cas d'épizootie, le retour au foyer des miliciens à l'époque des moissons, l'abandon par le gouvernement et la province de la plan tation le long des routes de peupliers blancs soi-disant nuisibles aux exploita tions riveraines, l'autorisation de tirer librement les pigeons susceptibles de

détruire semis et récoltes... Ch.3 30

Quelques demandes visent, mais très timidement encore, l'amélioration de la con dition paysanne notamment par une réforme de la législation sur les baux, voire la protection contre les abus des commerçants et des négociants dont ils dépendent (bouchers, marchands de graines et d'engrais...). On trouve aussi une ébauche de confrontation sociale avec la noblesse locale qui s'exprime notamment par une op position à la chasse à courre. La sécurité et le contrôle social préoccupent aussi les agriculteurs. Ils s'inquiètent des vols commis dans les campagnes et exigent le renforcement et une meilleure organisation des gardes champêtres qui, disent- ils, préfèrent protéger les chasses plutôt que de constater les délits ruraux. Ils réclament aussi une répression accrue du maraudage et de la mendicité. A par tir de 1867-1868, ils insistent tout particulièrement pour un meilleur contrôle de la main-d'oeuvre agricole, notamment par l'extension à celle-ci des livrets

ouvriers.

Les comices agricoles, mis en place au niveau cantonal en 1848, n'e

xercent pas d'influence en tant qu'institutions consultatives. Leur activité se résume à l'organisation d'expositions ainsi que de concours et à l'encouragement

d'innovations dans le domaine agricole.

Des nobles, résidant l'été à la campagne - F. de Sécus, P. Duval de

Beaulieu, A. de Royer de Herchies... — sont censés représenter à titre individuel les intérêts agricoles à la Chambre et au Sénat (9). Ceux-ci sont toutefois mieux défendus au Conseil provincial où siègent à côté de médecins ou de notaires ruraux, quelques agriculteurs montois (10).

Certains brasseurs - A. et Ch.. de Royer, A. Pêcher....jouent individuellement un rôle politique important (11).

2. Industriels non charbonniers et ouvriers mineurs.

Nous n'avons pas trouvé'trace d'une organisation des industriels non charbonniers. Lorsqu'ils jouent un rôle politique - c'est par exemple le cas de F. Dorzée à Boussu ou de G. Wéry à Jemappes - ils le font, à l'image des brasseurs,

de leur propre initiative .

Quant au mouvement ouvrier, J. Puissant a montré combien il est, en dépit de sa puissance qui lui permet de mobiliser à certains moments, l'espace Ch.3 31

de plusieurs semaines, des dizaines de milliers d'ouvriers, inorganisé avant 1885. Convergence quelque peu accidentelle d'expressions de révolte spontanées, impul sives, non concertées et non coordonnées en fonction d'objectifs politiques ou sociaux prédéterminés, il sort de notre propos. S'il exerce en de multiples occa sions une pression sur les pouvoirs publics par la grève, des manifestations de rue ou l'envoi d'adresses ou de députations, il est, à l'inverse des autres for ces économiques et idéologiques ici envisagées, complètement exclu du jeu poli tique (12).

b. Les syndicats patronaux charbonniers.

1. Avant 1836.

Les premières associations houillères qui existent à la fin du XVIIIe siècle et à l'époque française, apparaissent sous la forme de comités, réunissant les principaux marchands de charbon montois. Déterminant l'importance à donner à l'extraction ainsi que les conditions de vente, négociant de puissance à puissance le taux du fret avec la batellerie, ils exercent des pressions multiples sur les pouvoirs publics en matière de législation douanière ou de voies dé communication.

Il n'est, d'une manière générale, question à cette époque que des marchands: les opérations commerciales sont en effet dissociées de celles de l'ex

traction. Face aux marchands et contrairement aux bateliers réunis dans des cor porations, les extracteurs ne constituent pas un front uniforme et organisé. L'extraction est longtemps, principalement, le fait d'associations de petits maî tres charbonniers, qui travaillent avec ceux qu'ils ont engagés pour leur prêter main-forte. Celles-ci dépendent largement des commerçants qui leur avancent les fonds destinés à permettre la multiplication des opérations d'exhaure, d'aérage ou préparatoires à l'extraction qu'entraîne l'approfondissement des puits, consé quence de l'augmentation de la demande charbonnière.

La situation change à l'époque hollandaise, vers 1818 - 1823. IL n'est bientôt plus question du "Comité des marchands de charbon de Mons". Ceux d'entre eux qui ne peuvent ou n'osent investir pour mener de front la vente, les opéra tions de banque et l'organisation de l'extraction quand ce n'est pas celle de l'expédition, sont progressivement relégués à l'arrière-plan. Les plus forts, ceux Ch.3 32

notamment qui savent tirer parti de l'établissement de nouveaux rivages lors de la substitution du canal de Condé à la Haine, ne tardent pas à éclipser les mai sons incapables de suivre le mouvement.

Ces marchands montois, devenus progressivement tout autant si pas davantage extracteurs que négociants, ne sont pas seuls à dominer. Des personnali tés étrangères à la région - Degorge-Legrand au Grand Hornu, Colenbuen à Produitsj Charpentier à Cache-Après, Crachet et Ostennes, souvent d'anciens négociants houillers — sont parvenues à s'implanter dans le bassin et à y prendre le contrôle de quelques unes des principales exploitations. Grâce à leurs relations, au succès de leurs entreprises ainsi qu'à la prospérité générale de l'industrie houillère, ils réussissent à conserver ou acquérir leur autonomie commerciale.

Ces "marchands-extracteurs", qu'ils soient montois ou venus d'ailleurs, sont désormais les maîtres du jeu: ils imposent leurs conditions à ceux qui n'ont pas su allier l'extraction à la vente. Pendant plusieurs années, ils rivalisent les uns avec les autres. Nulle trace d'une concertation. En février 1825, à la réouverture de la navigation, une entente limitée aux exploitations du Flénu, est constituée. Une dizaine de charbonnages - Hornu et Wâsmes, Grand Hornu, Cache- Après, Crachet et Ostennes, 12 Actions, Fosse du Bois, Grand Bouillon du Bois de Saint-Ghislain, Bonnet et Veine à Mouches, Sydia, Garde de Dieu et 1'Auflette - s'associent pour limiter l'extraction et vendre en commun leurs produits, dans l'espoir d'une hausse des conditions de vente. Cette première Union ne regroupe que quelques unes des principales exploitations du bassin. Elle ne comprend pas deux des grands charbonnages du Flénu (Produits et Belle et Bonne) ainsi que tou tes les houillères situées en marge de celui-ci. Incapable de maintenir des condi tions de vente satisfaisant l'ensemble des associés (.13), minée par des dissensions intestines, cette association, connue sous le nom de Compagnie du Flénu, n'existe que l'espace de trois ans, jusqu'en 1828.

Sa disparition n'entraîne pas immédiatement celle de toute forme de concertation entre les charbonnages du bassin. Au cours de la campagne 1829 - 1830, "des réunions ont lieu dans lesquelles les négociants fixent les prix des diffé rentes qualités du charbon. Si l'on n'y contracte point l'engagement civil de les observer, tout participant s'engage à tenir à l'honneur de respecter les prix convenus" (14). Une correspondance échangée en janvier-mars 1830 entre plusieurs exploitants, permet de se faire une idée de la manière selon laquelle cette concer tation a lieu. Trois charbonnages - Produits, Belle et Bonne et 12 Actions - se mettent d'accord au début de janvier pour proposer aux autres houillères une aug- Ch.3 33

mentation du prix du charbon. Ils en parlent à Degorge-Legrand (Grand Hornu) en le prévenant qu'ils ne feront partir leur circulaire que pour autant qu'ils sau ront positivement que chacun est disposé à s'y conformer. Avant de s'engager, Degorge-Legrand consulte Fontaine-Spitaels (Grisoeuil). Tous deux font connaître à la fin février que toute hausse des prix doit être conditionnée par la destruc tion préalable des 2/3 des stocks accumulés sur les rivages (15).

La crise politique et financière qui accompagne l'ouverture de l'exer cice 1830 - 1831 entraîne, semble-t-il, jusqu'en 1836, la disparition de toute forme de combinaison gestionnaire ou commerciale.

Pendant la dépression, comme après la reprise, les charbonnages se livrent une véritable guerre dans le but d'enlever les commandes au nez de leurs rivaux. Certains, comme le Grand Hornu le font dans l'espoir d'imposer définiti vement leur hégémonie; d'autres dans celui de se libérer de dettes contractées auprès de la Société Générale, qui réclame le remboursement par tranches successi ves des emprunts à partir de 1830.

A deux reprises, en juin 1832 et en mars 1835, Hornu et Wâsmes tente de reconstituer une sorte de "Compagnie du Flénu"; le projet échoue à cause de la défiance témoignée à l'égard de Legrand-Gossart, propriétaire d'Hornu et Wâsmes, par la plupart des autres houillères du bassin. Pour la première fois cependant, il a été alors question d'un arrangement dépassant largement le cadre des simples ententes gestionnaires et commerciales conclues jusque là. Il s'agissait, dans l'esprit de Legrand-Gossart, de constituer "une âme qui saurait continuer avec vigueur les débats déjà soulevés contre les péages illégaux qui grèvent les com bustibles à chaque pas qu'ils font vers les fourneaux du consommateur... une force qui aurait des moteurs sur les principaux points de la consommation, pour défen dre les intérêts du commerce charbonnier montois, enlever tous les obstacles et faire diminuer les droits et les péages" (16).

2. 1836 - 1842. L'engouement en 1834 - 1838 pour les participations ferroviaires, mé tallurgiques et charbonnières contribue à provoquer l'entrée en jeu au Borinage d'un nouvel acteur de taille, la Société Générale. Plusieurs des principaux mar chands-extracteurs du bassin lui sont rapidement associés étroitement, de gré ou de force. Certains d'entre eux, maintenus à la direction de leurs entreprises, s'identifient complètement aux intérêts de la banque. Ch.3 34

Dès le mois d'octobre 1835, celle-ci entreprend de coordonner l'action des sociétés anonymes qu'elle constitue dans le bassin (17). Elles sont au nombre de huit en 1838: Hornu et Wâsmes, Produits, Cache-Après, Crachet et Ostennes (re baptisée Levant du Flénu), Agrappe et Grisoeuil, Nord du Bois de Boussu, Couchant du Flénu, Haut Flénu (réunion de plusieurs houillères) et Longterne de Dour.

A l'ouverture de la campagne houillère de 1836 - 1837, les responsa bles des trois sociétés anonymes déjà constituées par la Société Générale s'enten dent avec quelques autres "marchands extracteurs" dans le but d'empêcher l'appro visionnement des "marchands non extracteurs". En jouant notamment sur la réduction des remises accordées sur les paiements au comptant, ils haussent le prix de vente à un taux tel qu'il devient impossible à ces derniers de s'approvisionner sans perte; ils souscrivent aussi à l'engagement de prendre pendant trois ans la pro duction des "extracteurs non marchands" à la condition que ceux-ci refusent de vendre aux "marchands non extracteurs" (18).

L'entente, confortée par des assemblées générales tenues le plus sou vent au Grand Hornu, est maintenue au cours de l'exercice 1837 - 1838. Restreinte pour l'essentiel à la fixation de conditions communes de vente, elle n'associe, semble-t-il, que les sociétés patronnées par la Société Générale, le Grand Hornu, Belle et Bonne et le Centre du Flénu (19). A l'occasion, elle élargit cependant son propos. C'est ainsi qu'un mémoire, adressé aux Chambres en décembre 1837 pour justifier la hausse des produits charbonniers, recueille la signature de pas moins de 23 charbonnages (20).

Tout en encourageant l'accord entre les différentes houillères du bassin, la Société Générale cherche à mettre en place une infrastructure destinée à lui assurer le contrôle du transport et de la commercialisation des produits de l'ensemble du Couchant de Mons. Après avoir créé les entreprises ferroviaires du Flénu et de Saint-Ghislain (cfr. infra), elle constitue en juillet 1837 une Société charbonnière et de navigation française et belge, alliant la vente au transport pour compte commun de l'extraction dés houillères associées. Formée au capital de 5.000.000 f, propriétaire de près de 300 bateaux, cette société ouvre des agences à Paris, à Gand ainsi qu'à Rotterdam. Gérée par Charles Sainctelette,

recruté semble-t-il dans le but de cumuler cette fonction avec celle de directeur- gérant du Levant du Flénu, elle contingente les expéditions de ses partenaires vers les rivages en définissant leurs quotas en fonction des capitaux investis. Destinée initialement aux sociétés patronnées par la Générale, elle a pour objectif, Ch.3 35

dans l'esprit de ses créateurs (21), d'englober progressivement l'ensemble des charbonnages du bassin.

Reprises au Grand Hornu à l'ouverture de l'exercice 1838 - 1839, les réunions sont de plus en plus fréquentées. Leur objet ne se limite plus cette fois à la seule question de la fixation de conditions communes de vente. Les délé gués de 15 charbonnages signent le 3.11.1838 une convention par laquelle, "voulant apporter un terme aux coalitions d'ouvriers, et notamment à la coalition imminente des mécaniciens et des machinistes, ils s'engagent à renvoyer à dater du 5.11, ceux qui refuseront de travailler au prix de la semaine écoulée et à les signaler par lettre au Grand Hornu qui en informera toutes les sociétés associées". Les ouvriers ainsi signalés se verront interdire pendant un an l'accès aux travaux en quelque qualité et à quelque salaire que ce soit. La non observation de cet engagement entraîne pour les sociétés signataires la perte du cautionnement de 1.000 f qu'elles acceptent de déposer dans les mains de Rainbeaux, régisseur du Grand Hornu (22), Charles Sainctelette, devenu rapidement avec Frédéric Corbisier, le principal représentant de la Société Générale au Borinage, a poussé activement à la conclusion de cette convention. "L'union seule doit nous sauver, écrit-il à la banque le 10.11.1838 (23). Notre résolution de ne pas céder porte déjà des fruits. Le mal commence à devenir assez grave pour espérer que quand la Société Générale se décidera à prendre des mesures énergiques, les principales exploita tions viendront se joindre au faisceau de forces qu'elle présente. Il nous reste beaucoup à faire. J'ai là-dessus des idées!"

Pour la première fois aussi, les exploitants s'assemblent le 25.12.

1838 et le 25.1.1839 dans le but de concerter une répartition de l'extraction. La crise financière, qui restreint depuis quelques semaines la circulation moné taire, favorise la conclusion d'un premier compromis, valable jusqu'au mois de mars 1839. Le Grand Hornu et Belle et Bonne, par exemple, prennent l'engagement de ne plus "tirer qu'à 3 traits".

L'accord est toutefois fragile. Plusieurs partenaires considèrent que la répartition s'est faite d'une manière injuste. L'assemblée, qui est convoquée le 28 mars pour discuter de la prolongation de l'entente, évite de justesse l'écla tement. Le nouveau projet de répartition, élaboré semble-t-il par un représentant des sociétés patronnées, envisage par rapport à décembre, la mise en activité de 22 puits supplémentaires. Alors que Produits et Haut Flénu, liés à la Générale, se voient attribuer 5 traits, le Grand Hornu et Belle et Bonne n'en reçoivent Ch.3 36

que 4. En l'absence de Rainbeaux, représentant du Grand Hornu, N. Quenon, régis seur de Belle et Bonne proteste avec véhémence et exige pour celui-ci le même régime que les charbonnages patronnés. En donnant raison à Belle et Bonne, l'as semblée provoque la demande par Produits d'un nouveau puits supplémentaire. "Tout allait se détraquer" quand Sainctelette propose l'ajournement à huitaine, de manière.à pouvoir demander des instructions à la Société Générale (24).

L'assemblée se divise le 28 mars en deux ailes divergentes. Les socié tés patronnées par la Générale, libérées depuis le début de février de leurs dif ficultés de trésorerie, poussent à l'augmentation de l'extraction; celles, qui lui sont étrangères, sans la rejeter catégoriquement, proposent de la proportion ner à la main-d'oeuvre disponible. "On augmente subitement l'extraction de 22 traits, alors qu'il n'y a pas sans ouvrage les 3.000 ouvriers nécessaires à leur mise en activité"

L'intransigeance manifestée par Belle et Bonne divise les responsables des sociétés patronnées sur le parti à conseiller à Meeus, gouverneur de la Soci é- té Générale. Ch. Picquet, administrateur délégué du Haut Flénu, conseille la mo dération (25) : "Il serait sage de ne permettre à Produits de ne tirer qu'à 4 puits comme Belle et Bonne. C'en est fait de nos charbonnages si l'on dévie des mesures sages qu'on suit depuis quelques temps pour mettre l'extraction au niveau des besoins et la subordonner au nombre des ouvriers disponibles. Grâce à la réparti tion provisoire des traits qui s'observe depuis le commencement de l'année, il reste bien peu d'ouvriers disponibles. Si le nouveau projet de répartition s'exé cute, avant 8 jours, on chômera partout. La simple annonce qu'on allait augmenter les extractions fait déjà tenir bon les ouvriers. On ne peut évaluer à plus de 800 ouvriers le nombre d'entre eux qui sont en ce moment sans travail. On haussera à l'envi les salaires pour tâcher de compléter les traits ouverts et on retombera avec plus de force dans les mêmes inconvénients de l'année dernière". Meeus, après avoir reçu une délégation du comité des directeurs gérants des sociétés patronnées, se rallie à l'avis de Picquet.

L'accord de décembre 1838 / janvier 1839 ne porte pas que sur la seule limitation de l'extraction. Pour la première fois aussi, semble-t-il, les exploi tants s'entendent sur une politique salariale commune qui, ils en sont conscients, doit provoquer une grève. Sans conséquence "puisqu'à cette époque de l'année, lés expéditions se réduisent quand même à peu de choses. L'ouvrier tiendra bon pendant quelques jours. Il n'y aura pas grand mal à cela. Il reviendra ensuite à son travail" (26) • La grève a effectivement lieu. Pendant tout le mois de janvier, Ch.3 37

des bandes d'ouvriers circulent au Flénu, faisant remonter les traits qui ont accepté les nouvelles conditions. A un certain moment, quelques exploitants sont sur le point de céder. Une nouvelle assemblée générale, organisée à l'initiative des sociétés patronnées pour les conforter, les en dissuade (27).

Si l'association charbonnière sort donc de l'exercice 1838 / 1839 avec des compétences nouvelles, elle reste cependant très vulnérable. Les engagements sont loin d'être toujours observés d'autant que la concurrence est vive, même entre les sociétés patronnées. En mai 1839, par exemple, le Haut Flénu négocie ses fines, le menu charbon, 10 centimes moins cher à l'hectolitre que le prix convenu. Les ventes de son voisin, le Levant du Flénu, chutent immédiatement. Tillier et Sainctelette, les directeurs gérants de ces deux charbonnages patronnés par la Générale, se rencontrent mais sans pouvoir s'entendre. A Sainctelette, qui lui reproche sa diminution du prix de vente, Tillier. répond qu'il lui fait autant de tort en accordant des pourboires aux voituriers, en majorant la mesure ou en faisant enlever, en tant que régisseur de la Société charbonnière et de navigation, plus vite ses produits que ceux des sociétés patronnées. Appel est finalement fait à Meeus pour trancher le débat (28).

L'union, maintenue officiellement au cours des campagnes houillères 1839 — 1840 et 1840 - 1841, n'est souvent plus qu'un simulacre d'association. Les accords relatifs à l'extraction, aux salaires et aux conditions de vente sont de moins en moins observés. La poursuite de l'entente offre cependant l'avantage de contacts qui facilitent la prise de positions communes. Réunies le 2.10.1839, les sociétés charbonnières du Couchant de Mons décident de refuser ensemble le. paiement de la redevance proportionnelle sur les mines qu'ils se sont vus imposer d'office en raison de leur opposition à la communication de leur comptabilité. Après avoir envoyé une députation au Roi et au Ministre des Travaux publics, ils adressent le 9.12.1839, dans le cadre de la discussion du budget des Voies et moyens, une pétition aux Chambres, appuyée par la presse locale (29). Même enten te aussi à la même époque pour conditionner le rétablissement des livrets ouvriers à toute participation à la création d'une caisse de prévoyance pour les ouvriers

mineurs (30).

Les deux principaux acteurs - la Société Générale et le Grand Hornu - divergent d'ailleurs sur les fondements à donner à l'association.

Pour lé Grand Hornu, approprier la production à la demande passe par Ch.3 38

la fermeture d'un certain nombre de charbonnages, par celle notamment de plusieurs petits forfaits du Rieu du Coeur, qui ne produisent pour ainsi dire que des fines. Ces houillères sont incapables de compenser, par des gains réalisés sur les mélan ges composés à l'aide d'autres qualités, toute perte qui résulterait d'une baisse sensible du prix des fines. Celle que le Grand Hornu envisage, dans le but de "les tuer", est radicale: de 75 à 30 centimes l'hectolitre! Rainbeaux, régisseur, et Lecreps, directeur des ventes du Grand Hornu manifestent très ouvertement et à plusieurs reprises leurs intentions à Sainctelette (31).

La Société Générale se refuse toutefois à suivre le Grand Hornu dans cette voie. Les motifs ne lui manquent pas. Elle ne tient pas à contribuer à une baisse des prix charbonniers, qui doit enlever, ne fût-ce que temporairement, toute rentabilité aux sociétés anonymes qu'elle vient de constituer; ce serait préjudiciable aux titres de son porte-feuille. Elle ne souhaite pas se retrouver seule face aux 4 ou 5 grands autres producteurs du bassin. La présence de petits exploitants lui permet de manoeuvrer plus facilement. Elle ne croit pas d'ailleurs qu'une baisse du prix des fines entraînera nécessairement leur disparition. "N'ayant pas, estime-t-elle, de capitaux déterminés représentant la valeur de leurs charbonnages, elles n'ont pas d'intérêts à couvrir. La bonne journée satis fait l'ouvrier actionnaire. L'excédent des dépenses est considéré comme bénéfice. Il se partage chaque semaine en raison de la part que chacun possède. S'il y a perte sur les frais de l'exploitation à cause du bas prix des charbons, le salaire est bientôt réduit. On ne cesse pas d'extraire pour cela, et de contracter des dettes s'il le faut pour continuer. Les houillères de cette espèce n'abandonnent pas de si tôt, comme on le croit, leurs exploitations. D'après leur position, elles se trouveront au nombre de celles qui pourront le mieux soutenir la lutte et la concurrence sans être retenues par la crainte d'essuyer d'aussi grandes pertes que bien d'autres qui ont à desservir de grands capitaux (32) .

Loin de suivre le Grand Hornu, l'assemblée générale des exploitants, tenue le 6.9.1839 à l'ouverture de la nouvelle campagne houillère, décide d'aug menter plutôt que de réduire le prix des fines.

Prise dans un contexte économique défavorable, cette décision a des conséquences dramatiques. Les commandes vont massivement aux bassins concurrents qui, contrairement à celui de Mons, abaissent leurs prix.

Le Centre s'empare ainsi, dans une large mesure, des ventes Ch.3 39

dites "à la campagne", c'est-à-dire de celles assurées par camionnage dans le Hainaut au départ des fosses. La Société charbonnière et de navigation, que la Générale a constituée en 1837 dans le but de transporter et de commercialiser ses produits, est mise en liquidation en avril 1840 en laissant, pour le seul exercice 1839-1840, une perte d'un demi million de francs (33) . A la mi-février 1840, 160.000 t de charbons invendus s'accumulent sur les rivages (34) !

Le 6.2.1840, le Grand Hornu décide une première diminution de 75 à 60 centimes du prix de l'hectolitre de fines, qu'il soumet, malgré l'opposition de la Société Générale, le 17.2, à une assemblée générale des exploitants. Celle-ci lui donne raison. Le 3.5, nouvel ultimatum du Grand Hornu aux sociétés patronnées: 50 au lieu de 60 centimes. Nouveau refus de la Générale, nouvelle assemblée des exploitants, le 9.5, nouvel échec des sociétés patronnées, nouvelle soumission de la banque, qui préfère suivre la décision générale plutôt que de provoquer la rupture de l'union, malgré l'indignation de Sainctelette, Corbisier et Colenbuen, ulcérés par "la prétention de ce monsieur - Raihbeaux - de se constituer l'arbi tre suprême du Couchant de Mons" (35).

Tout débat s'avère d'ailleurs rapidement vain. Les conditions de vente sur lesquelles les assemblées s'entendent si difficilement ne sont quand même plus respectées par tous les charbonnages non liés à la banque bruxelloise. Les fines tombent en juillet 1840 à 40, 35 et même 25 centimes l'hectolitre. Certaines houillères, comme Belle et Bonne, élargissent l'espace qui sépare les barres des grilles de triage de manière à donner des gailleteries pour des fines. La Générale est seule à imposer à ses sociétés le prix de 50 centimes convenu deux mois plus tôt! Lé résultat ne se fait pas attendre. A la fermeture, ses charbon nages conservent un stock de 72.000 t. Picquet, administrateur délégué du Haut Flénu est furieux (36) . "Il faudra renoncer à l'avenir à l'espoir de modérer l'ex traction car vous ne ferez plus chômer des sociétés dont les rivages sont vides. C'est là que se porteront les acheteurs. Les marchands vont de préférence aux sociétés où il n'y a pas de charbons extraits et délaissent celles qui ont des magasins".

L'accord intervenu en mars 1839 entre les divers exploitants relati vement à la limitation de 1'extraction est encore moins respecté que celui réglant les prix. Tous les charbonnages, y compris ceux patronnés par la Société Générale, trichent pour ainsi dire ouvertement, en jouant notamment sur la notion de traits "complets" et "incomplets". Plusieurs puits exploités partiellement équivalent à Ch.3 40

une des fosses en pleine activité concédées par les conventions. Les possibilités de contrôle sont inexistantes ! Sainctelette essaie de trouver une solution en proposant en avril 1840 une répartition en hectolitres de l'extraction. Sa pro position porte sur 25 millions d'hectolitres, alors qu'il estime que l'extraction totale ne peut dépasser les 16 millions. "Mais qu'importé, écrit-il à Rainbeaux (37)! Mieux vaut donner des millions à ceux qui ne peuvent pas les extraire et qui, si leur vanité n'était pas satisfaite, feraient manquer un accord que tous doivent désirer!"

La proposition de Sainctelette, bien accueillie par la plupart des charbonnages, se heurte au silence du Grand Hornu (38). Il en est de même de celle, complémentaire, qu'il fait, d'expédier à frais communs, à des conditions compéti tives et en fonction d'une grille de répartition, les stocks accumulés vers les marchés de Rouen et de la Hollande (39).

Le premier août 1841, le jour de la fermeture de la navigation, le Grand Hornu déclare la guerre, en annonçant unilatéralement et sans avertissement une diminution de prix de 10%, majorée dé primes diverses allant jusqu'à 20%. Le stock accumulé sur le rivage atteint, à ce moment, 80.000 t. Le Grand Hornu, qui n'a cessé d'extraire par trois puits au cours de la grève de février, possède lui seul 16.000 t dans ses rivages (40).

Le Comité des directeurs gérants de sociétés patronnées se réunit le 4 août en présence de Meeus, qui non seulement s'oppose à toute baisse des fines, mais en propose même l'augmentation (41). Convoquée le même jour, l'assemblée générale des exploitants déplore à l'unanimité (42) la baisse "inutile et inop portune" décrétée par le Grand Hornu, mais encommissionne la question (43); c'est dire qu'elle s'abstient de prendre une décision.

Une nouvelle assemblée générale se prononçe-t-elle ensuite sur la conduite commune à adopter? La Société Générale décide en tout cas quelques semai nes plus tard de s'opposer rudement au Grand Hornu en poussant à son tour à la baisse. "Placée dans l'alternative ou d'imiter l'exemple des sociétés concurrentes ou de voir rester invendus ses charbons dans ses rivages, et par suite de voir chômer ses fosses, elle a dû nécessairement suivre le torrent" (44) . Le Grand Hornu réplique en augmentant à son tour ses réductions, avant qu'un cessez-le-feu soit conclu entre les parties adverses après une nouvelle diminution décrétée par la Société Générale (4.5). Les prix ont tellement chuté qu.'Hornu et wâsmes, par exemple, vend désormais son hectolitre de houille 3 centimes en dessous de son Ch.3 41

prix de revient (46).

Cette guerre tarifaire ne permet pas au Couchant de Mons de mieux pla cer ses produits. 160.000 t, soit le chargement de 1.000 bateaux, se trouvent toujours sur les rivages à la fin de décembre 1841. Peu désireux de suivre le mou vement à la baisse, Anzin prend en location, à l'ouverture de la navigation, la majorité des bateaux charbonniers stationnés sur l'Escaut entre Cambrai et Valenciennes, de manière à compliquer les expéditions à Mons et à y provoquer une hausse du fret (47).

Inquiets de l'évolution en cours, les différents charbonnages, à l'exception du Grand Hornu et du Midi du Flénu, se réunissent en janvier 1842,

dans le but de discuter les bases d'une nouvelle entente. Celle-ci ne peut se réa liser, vu le refus de Belle et Bonne d'adhérer au projet de venté en commun et de hausse des prix charbonniers avancé par les sociétés patronnées (48) ainsi que de celui de la Société Générale d'y renoncer (49).

La volonté de reconstituer une association existe pourtant de part et d'autre. Rainbeaux écrit en juin 1842: "L'excès de production est la seule cause du mal. Personne ne peut dire où s'arrêtera la baisse, si on continue à produire de la sorte. Notre extraction a été maintenue dans des limi

tes ordinaires. Nous désirions écouler facilement notre part de produits. Est-ce notre faute si 1'on a versé aussi légèrement autant de capitaux pour développer certaines exploitations et exiger ensuite tout à coup une production correspondante à ce développement. Je tiens beaucoup à voir mettre un terme à un état de choses qui ne peut que nous rendre ridicules".

Contrairement à plusieurs des autres exploitants, Rainbeaux souhaite une association envisageant simultanément à la répartition de l'extraction, l'or ganisation de la vente en commun. "Il faut une liaison intime entre ces deux pro jets. Laisser la liberté pour la vente, c'est ouvrir une porte au désordre et aux plus fâcheux effets de la concurrence. J'ai pensé un moment que la répartition suffirait. Devant l'impossibilité de recueillir des engagements sérieux sur ce point, j'ai modifié mon opinion" (50).

Convaincu de la nécessité d'une entente, les charbonnages non patron nés par la Société Générale n'en sont pas pour autant disposés à passer par les conditions de celle-ci. Un regroupement de ces houillères semble se réaliser en juin 1842 à l'initiative de Bareau, directeur de Bonnet et Veine à Mouches, char- Ch.3 42

bonnage géré par des Français liés à la Société parisienne des gaz. Avant d'enga ger des négociations avec la Générale, ces sociétés se mettent préalablement d'accord entre elles sur la répartition de l'extraction, en attribuant globalement un quota aux entreprises que la banque contrôle. A celle-ci de la partager entre ses diverses compagnies.

Un accord finit par être conclu entre l'ensemble des charbonnages du bassin. L'assemblée, tenue le 16.7.1842 dans les locaux de la Société des chemins de fer du haut et du bas Flénu, reconnaît à l'unanimité que "la concurrence aveu gle prive de tout bénéfice dans le meilleur moment et expose à des pertes dans les temps ordinaires. Le besoin de placer les charbons qui arrivent, la crainte que les concurrents s'emparent de la clientèle rendent en général faciles sur les prix et empêchent de mettre dans la balance toutes les considérations qui doivent en trer dans l'appréciation de la solvabilité des acheteurs pour déterminer le terme dés paiements; ce n'est pas dans les rabais successifs qu'il faut chercher un remède au mal qui mine la fortune de leurs entreprises, mais dans un arrangement raisonnable consenti par tous les exploitants pour arriver à niveler la production avec les besoins toujours croissants de la consommation. Ces besoins sont connus. Le chiffre peut en être réparti comme le travail" (51). "La ruine de personne n'est nécessaire. Tout le monde peut vivre !" (52). Deux personnes sont désignées, Sainctelette pour les sociétés patronnées, Bareau pour les charbonnages indépen dants de la Générale, pour élaborer un projet d'arrangement définitif. Celui-ci est communiqué à l'ensemble des exploitants par la voie d'une circulaire, le 19.8. 1842; il est discuté et signé lors de nouvelles assemblées générales tenues les

25.8 et 3.9.1842.

La convention escamote l'une des principales difficultés apparues à l'occasion des pourparlers préparatoires : la vente pour compte commun des pro duits. Si chacune des parties en présence convient de l'utilité de la mesure (53) , aucune ne fait suffisamment confiance à l'autre pour accepter de lui voir aban donner une position prépondérante en ce qui concerne la commercialisation des

produits .

Le Grand Hornu (Rainbeaux) travaille en étroite collaboration avec De Haynin, un grand négociant houiller parisien. Celui-ci propose d'assurer seul la vente dans la capitale française des charbons de Mons, d'Anzin et de Douchy, dans le but de faire barrage par une politique commerciale commune à la concurrence carolorégienne et anglaise. "Suivant les mêmes voies et arrivant sur les mêmes marchés, estime De Haynin, ils ont intérêt à se lier" (54) . séduit par l'idée, Ch.3 43

Rainbeaux fait le voyage d1Anzin, où il trouve la compagnie française toute dis posée à participer au projet (55).

Ce n'est pas le cas de la Société Générale. Liée par contrat à Doffegnies et Evette, qui sont restés ses agents à Paris après la liquidation de la Société charbonnière et de navigation, elle a, semble-t-il, l'espoir de les voir adopter comme intermédiaires parisiens par l'ensemble des exploitants du Couchant de Mons. Sainctelette surtout est hostile à la proposition de De Haynin. "Il craint que l'homme qu'on choisirait pour représenter tous les intérêts pour rait si l'union venait à se dissoudre faire pencher la balance du côté de ses amis" (56) . "Il trouve inacceptable sa prétention de gérer et de représenter seul des intérêts aussi majeurs. C'est un point, dit-il, sur lequel il n'a jamais varié. Il veut qu'en cas de dissolution, il reste aux sociétés patronnées par la Société de Commerce quelquechose pour prix des sacrifices qu'elles auraient été amenées

à faire" (57) .

Autre difficulté évacuée lors de la conclusion de la convention: la définition de critères contrôlables pour la répartition de l'extraction. Il est décidé de ne tenir compte que des expéditions vers les rivages, dont l'importance peut être facilement vérifiée à l'aide des registres tenus par les sociétés ex ploitant les chemins de fer industriels. La liberté la plus complète est laissée aux exploitants en ce qui concerne la vente de produits écoulés par d'autres moyens, c'est-à-dire, à une époque qui ne connaît pas encore de grands réseaux ferroviai res, par voiturage en direction des régions avoisinantes (58) .

La répartition convenue à la fin de l'été 1842, impose des concessions

à la Société Générale. Le Grand Hornu et Belle et Bonne obtiennent des chiffres équivalents à ceux de Produits et Levant du Flénu (1.600.000 hectolitres) . Haut Flénu (1.500.000), Hornu et Wâsmes (1.200.000), Nord du Bois de Boussu (800.000) et Couchant du Flénu (800.000) se contentent de quotas modérés (59) . Dans le cadre des proportions précitées, cette répartition peut être réajustée en fonction des besoins du marché. Une convention additionnelle, signée le 6.9.1843, libère des limites imposées aux expéditions les envois destinés à des localités hollandaises ainsi qu'à d'autres situées en France au-delà d'Elbeuf (60) .

L'accord fixe aussi des conditions de vente communes. Le tarif adopté en septembre 1842, mais sujet à un réajustement périodique, ne diffère de celui appliqué à la fin de la période de lutte, que par une légère augmentation des fines. Il supprime toutefois la quasi-totalité des primes, ristournes ou bonifications Ch.3 44

de mesure en vigueur (61).

Si la convention ne souffle mot de la main-d'oeuvre, c'est probable ment pour ne pas s'exposer à des attaques fondées sur 1'article 414 du Code pénal qui interdit les coalitions "entre ceux qui font travailler des ouvriers, tendant à forcer injustement et abusivement l'abaissement des salaires".

Telle qu'elle est rédigée, elle n'en expose pas moins les exploitants à des poursuites judiciaires basées sur l'article 419 de ce même code. Celui-ci défend la "réunion des principaux détenteurs d'une même marchandise, tendant à ne pas la vendre ou à ne la vendre qu'à un certain prix, dans le but de provoquer une hausse ou une baisse des prix qu'aurait déterminés la concurrence libre et naturelle du commerce". La plupart des patrons charbonniers du bassin l'ont eux- mêmes invoqué avec succès, en 1832 - 1834, pour s'opposer à une coalition de pro priétaires de bateaux houillers suscitée par l'un d'entre eux (62).

L'éventualité de poursuites est toutefois chimérique. Les exploitants sont convaincus que jamais le ministère public ne les inquiétera de ce chef(63) . Il n'empêche que plusieurs d'entre eux auraient préféré établir deux contrats bien distincts, un premier, verbal, sur les prix, un second, écrit, sur la répar

tition de l'extraction.

Le Code pénal s'oppose à la signature d'un accord écrit sur les prix. Celui-ci ne peut dès lors être invoqué en justice à l'égard des contrevenants. Comment en effet "aller jusque dans le sanctuaire de la justice braver la loi en demandant 1'exécution d'une convention qu'elle condamne" (64). L'engagement con tracté quant aux prix n'offre donc aucune garantie. Combiné dans un même texte, à des obligations de limitation d'extraction, il a de plus l'inconvénient de ren dre également celles-ci difficilement citables devant les tribunaux. Nombreux sont les exploitants qui considèrent pouvoir donner une forme légale à une mesure pénale sanctionnant le non respect des limites imposées à l'extraction (65). "Il ne s'agit ni d'une coalition contre l'ouvrier, ni d'un monopole destiné à augmenter les prix. Il s'agit tout simplement de la régularisation de l'extraction entre les intéressés, d'une répartition de celle-ci en fonction des produits de mandés par la consommation" (66).

Loin de devoir être poursuivie par la justice, une coalition portant sur l'harmonisation de l'extraction doit être encouragée, estiment-ils, par les pouvoirs publics. Elle est "une amélioration commandée par le bien-être public, Ch.3 45

par celui de la population travaillante"(67) . "Régularisant le travail des ou vriers, elle le leur assure d'une manière à peu près égale dans toutes les pério des de l'année, en donnant en même temps aux extracteurs les moyens de se défen dre contre la concurrence fatale et dangereuse qu'ils sont continuellement entraî nés à se faire à leur sujet" (68). "Grâce à l'union pour l'extraction qui, par la juste appréciation de la consommation, assure le travail régulier de l'ouvrier, le travailleur obtient sa condition de bien-être, qui réside dans un labeur cons tant, modéré, étranger à la fluctuation des prix extrêmes et suffisant à sa mo deste existence"(69).

Un des premiers effets de la répartition de l'extraction, conjuguée à la récession, est d'entraîner une chute considérable des salaires. Evaluée à 4 f en 1840, leur moyenne tombe à 2 f en 1842 - 1844. La Chambre de commerce de Mons se réjouit de ce salaire "régularisé". Elle considère qu'il suffit pour pro curer à l'ouvrier et à sa famille une existence convenable, à la condition qu'il le dépense avec discernement et travaille chaque jour de la semaine. Elle estime même, par un calcul laissant à une famille ouvrière de neuf personnes un "bénéfice" hebdomadaire de 1 f 60, que ce salaire permet, dans certains cas, de faire des économies. Malgré l'abondance de la récolte des pommes de terre et le bas prix des céréales, la misère désole pourtant le Borinage(70).

L'Association houillère, constituée au début de septembre 1842, regrou pe la quasi-totalité des charbonnages du bassin (71) . Elle est dirigée par une commission administrative de 7 membres, au sein de laquelle la Société Générale occupe une position prépondérante. Corbisler, régisseur d'Hornu et Wâsmes, et Sainctelette, directeur-gérant du Levant du Flénu, en sont respectivement le pré sident et le secrétaire; quatre des sept commissaires sont choisis parmi les administrateurs des établissements patronnés (72).

3. 1842 - 1870.

Conclue pour trois ans, l'Association n'est pas renouvelée à l'éché ance d'août 1845. "Le terme étant près d'expirer, les infractions se sont multi pliées non seulement sur les prix de vente mais encore sur le chef bien plus im portant de l'extraction. L'inquiétude et le mécontentement, devenus extrêmes, ont pénétré tous les esprits. On a abandonné le régime de l'union pour entrer dans celui de l'isolement" (73).

La reprise économique, l'afflux des commandes ont rendu insupportables Ch.3 46

pour la plupart des exploitants les entraves imposées par l'association houillère. Au cours des campagnes 1842 - 1843 et 1843 - 1844, le niveau global de l'extraction du bassin est progressivement diminué à l'occasion de plusieurs assemblées géné rales. Le chiffre attribué à Hornu et Wâsmes, par exemple, est ainsi tombé, entre septembre 1842 et octobre 1843, d'1.200.000 à 865.000 hectolitres. Des seuils aussi bas menacent la rentabilité. Meeus lui-même s'inquiète de cette évolution. Comme, à son avis, un charbonnage ne peut réaliser des bénéfices dans ces condi tions, il engage en octobre 1843, le comité des directeurs-gérants des sociétés patronnées "à étudier sérieusement la question de savoir jusqu'à quel point l'u nion est compatible avec les intérêts de leurs entreprises" (74) .

De plus en plus de houillères rechignent également à observer les conditions communes de vente. L'entente à ce propos, maintenue de justesse lors de l'assemblée générale tenue le 23.1.1844 après la défection de deux charbonna ges associés, Midi du Flénu (V. Dessigny) et 24 Actions (E. Coppée) (75) , s'effri te à l'ouverture de la campagne 1844 - 1845. Il est alors décidé, à la demande de Belle et Bonne lors de la réunion du 8.10.1844, que "chacun fixera tristement ses prix à sa convenance, que chacun fera son ménage à son gré" (76) .

En janvier 1845 et sans attendre l'été, le Grand Hornu (Rainbeaux) tente de négocier le renouvellement pour une période de 3 ans de la convention de septembre 1842. Il se heurte à la méfiance de Sainctelette qui le soupçonne de "presser la répartition des envois aux rivages pour mettre une baisse des fines à prompte exécution". La Société Générale gèle alors le dossier en décidant de soumettre la question à l'avis des différents conseils d'administration concernés (77). En juin 1845, elle n'a toujours pas pris de détermination (78) .

La fragilité de la coalition patronale apparaît également en matière de main-d'oeuvre. Son union ne tient tête qu'une semaine à la grève de juin 1844 pour une augmentation salariale. Au bout de huit jours, Belle et Bonne et le Centre du Flénu cèdent aux exigences des mineurs, contraignant les autres houil

lères à suivre le mouvement (79) . •

Pendant ses trois années d'existence, 1'Association houillère a été beaucoup plus qu'une simple entente charbonnière sur les prix, l'extraction ou la main-d'oeuvre. Sa commission administrative multiplie les démarches pour obtenir l'union douanière franco-belge, le creusement du canal de l'Espierre, la réalisa tion du chemin de fer d'Hautmont ainsi qu'une modification du système d'imposi tion des mines. Importantes sont les sommes mises à sa disposition dans ce but. Ch.3 47

Ses dépenses de fonctionnement atteignent, en 1842 - 1843, 3.800 f non compris un subside de 2.000 f octroyé au "Comité de l'Industrie belge" qui oeuvre à

Bruxelles en faveur de l'union douanière avec la France (80).

L'Association envisage, en 1842 et en 1844, de s'engager davantage dans la constitution d'une caisse commune destinée à financer partiellement la construction du chemin de fer reliant Mons à la Sambre. Ce projet, plus favorable aux intérêts de la Compagnie du chemin de fer du haut et du bas Flénu qu'à ceux de l'ensemble des houillères du bassin, n'aboutira pas (81) .

L'expiration et la non reconduction de la convention du 3.9.1842, à la fermeture de la navigation le 31.7.1845, n'entraînent pas la disparition de la commission administrative de l'Association. Toujours dirigée par un bureau exécu tif, composé de Corbisier et de Sainctelette, elle continue ses démarches pour la défense des intérêts communs. Ainsi adressera-t-elle plusieurs pétitions aux cham bres législatives contre la réduction de péages réclamée par le Conseil charbon nier carolorégien sur le canal de Charleroi(82) .

A plusieurs reprises, des tentatives sont faites dans le but de con clure une nouvelle convention. Les négociations engagées en avril 1846 échouent devant l'impossibilité de la Société Générale et de Belle et Bonne de s'entendre sur le chiffre d'extraction à accorder au Couchant du Flénu. Les sociétés patron nées réclament pour ce charbonnage 1.500.000 hectolitres; Belle et Bonne ne veut lui en concéder que 1.400.000 (83).

De nouveaux pourparlers s'engagent en décembre 1846. Une assemblée générale des exploitants charge Bareau (Bonnet et Veine à Mouches) et Wautier (Rieu du Coeur) "d'aller représenter tant à Belle et Bonne qu'à Meeus le caractère déplorable de la situation, et de lés supplier, de les sommer de faire cesser un dissentiment qui ne porte que sur 100.000 hectolitres! Que chacun en cède la moi tié, que Belle et Bonne accorde 1.450.000 hectolitres et que le Couchant du Flénu s'en contente"(84) . Econduits par Belle et Bonne, qui se refuse à toute majoration du quota du Couchant du Flénu, Bareau et Wautier s'abstiennent de faire le voyage

de Bruxelles.

Un accord, limité à l'extraction, intervient à la fin avril 1847 suite à l'encombrement de plus en plus marqué des rivages (85) . Les expéditions par le chemin de fer de l'Etat interviennent cette fois-ci dans la répartition au même titre que celles dirigées vers les rivages (86) . Cet arrangement est complété en Ch.3 48

août 1847 par l'adoption de tarifs identiques, que les différentes houillères communiqueront à leur clientèle au moyen de circulaires distinctes(87) . Une nouvelle convention, conçue dans le même sens que celle de 1842 et valable pour 5 ans, est finalement signée le 24.8.1849 (88).

Renouvelée sans difficultés à son échéance en 1854, la convention est respectée par l'ensemble des exploitants associés jusqu'en 1859. Des assem blées générales, tenues dans les locaux de la Société du chemin de fer du haut et du bas Flénu, procèdent périodiquement à la révision des chiffres d'extraction et des conditions de vente. Chacun semble convaincu "qu'il n'est plus possible d'espérer trouver guère d'avantages bien marqués dans la réduction du prix de revient, que c'est par la hauteur du prix de vente qu'on doit réaliser un bénéfice et que pour l'obtenir, il faut nécessairement un accord entre les extracteurs, qui empêche de tomber dans les voies fâcheuses de la concurrence"(89) .

Plus encore peut-être qu'antérieurement, la commission administrative, qui préside aux destinées de l'Union, défend les intérêts généraux du bassin notamment en matière de douanes et de travaux publics. Elle bénéficie, à partir de 1852, de l'aide d'une recrue particulièrement dynamique, Charles Sainctelette fils, qui cette année là succède à son père comme secrétaire de l'association. Disposant de ressources financières non négligeables (90), la commission adminis trative est, à cette époque, à l'origine d'une multitude d'initiatives: démarches en France comme en Belgique avec navettes incessantes entre Mons, Bruxelles et Paris (où réside aussi Rainbeaux, l'un des membres de la commission), rédaction et envoi de mémoires, publication de brochures et d'articles de journaux...

La convention du 24.8.1849, prolongée pour cinq ans en 1854, n'est pas renouvelée à son terme le 23.8.1859.

La présentation en février 1859, à la demande du comité des directeurs- gérants des sociétés patronnées, d'une nouvelle répartition de l'extraction conçue par Delhaise, directeur des travaux d'Hornu et Wâsmes, est catastrophique. Sur base de l'extraction moyenne réellement effectuée par chaque charbonnage au cours de la période 1854 - 1858, Delhaise diminue les quotas de plusieurs houil lères pour augmenter ceux de quelques autres, au grand mécontentement de la plu part des sociétés du bassin. Très vite les discussions tournent à l'aigre, même entre charbonnages patronnés. Comme la production moyenne des dernières années doit, semble-t-il, servir de base à la fixation du quota de chaque société dans la prochaine union, "chacun prend à tâche de donner des preuves de sa puissance Ch.3 49

extractive, chacun fait des efforts pour atteindre des chiffres fabuleux d'extrac tion, dans le but d'assurer ses droits éventuels lors de la répartition. Les uns et les autres ouvrent toutes leurs bures disponibles. Qu'il y ait demande ou non, on extrait du charbon à qui mieux mieux, tant est grand le désir de paraître puis sant et de laisser ses voisins à distance. On se prend les ouvriers les uns aux autres, on se fait la guerre des salaires. On va même jusqu'à se faire des niches et l'on se défie de son voisin comme d'un malfaisant". Premières conséquences ? Augmentation dés salaires et diminution du travail utile de l'ouvrier. "L'ouvrier se rend à sa besogne à l'heure qui lui convient, la quitte quand bon lui semble, travaille autant et si peu qu'il veut et se croit autorisé à répondre à celui qui lui commande un travail: fais le toi-même! Il exige tel salaire qu'il juge conve nable. L'ouvrier nous fait la loi et nous nous trouvons dans la triste nécessité de la subir". Autre contrecoup: "Plus on veut extraire du charbon, moins on en obtient. Pour vendre, soumis à une concurrence effrénée, (on doit) ou diminuer ostensiblement les prix ou faire des réductions déguisées en amendant la marchan dise, en donnant des gaillettes et des gailleteries pour des forges gailleteuses, des forges gailleteuses pour des fines"(91).

Une convention, similaire à celle en vigueur antérieurement à 1859, régularisant l'extraction et établissant des conditions uniformes de vente, est finalement conclue pour une période de trois ans, le 1.5.1860.

La commission administrative, installée en mai 1860, se signale par son ardeur à imposer à la main d'oeuvre ouvrière un règlement d'ordre intérieur commun à l'ensemble des charbonnages associés, ainsi que par ses interventions pour que les pouvoirs publics choisissent de préférence le canal de Jemappes à Ath au projet concurrent de Blaton à la Dendre (92).

L'Association, constituée le 1.5.1860, arrive à son échéance le 30.4. 1863. L'assemblée générale du 18.4.1863 décide de la dissoudre. "En présence de la situation précaire de l'industrie charbonnière, il est reconnu qu'il vaut mieux laisser chaque vendeur libre dans ses allures". Eludé de toute manière par des bonifications d'escompte, le tarif uniforme et général est considéré comme un obstacle à un écoulement plus aisé de la production. La plupart des houillères désirent rompre des liens qui les empêchent d'accorder officiellement des remises

sur les prix.

Les exploitants charbonniers décident toutefois de constituer un Comité d'intérêts généraux, qu'ils dotent d'un budget et auquel ils confient le Ch.3 50

soin de "s'occuper de tout ce qui peut être d'utilité aux intérêts des extracteurs. Pareils comités existent à Liège, à Charleroi et dans le Centre. Un seul charbon nage, qui n'est représenté que par une longue lettre, trouve superflus la création de ce comité et les frais qui doivent nécessairement en découler. Selon lui, la

Chambre de commerce suffit". Sur une observation de Corbisier, qui rappelle que la Chambre de commerce a pour mission de s'occuper autant des intérêts du Centre que de ceux du Borinage, l'assemblée ratifie l'institution de cette commission (93).

Toujours dirigé par Corbisier et par Sainctelette, ce comité organise périodiquement des réunions pour fixer les conditions de vente uniformes (94) . Liedts, gouverneur de la Société Générale, pousse en février 1864 à l'ouverture de nouvelles négociations en vue d'un accord limitant l'extraction. Elles échouent à cause de prétentions inconciliables. Si les exploitants tombent facilement d'ac cord sur la quantité totale réclamée par la clientèle du bassin de Mons - 1.960. 000 t - ils se divisent sur sa répartition entre les diverses sociétés. Chacun revendique le droit d'augmenter sa propre extraction, mais demande que celle de son voisin soit diminuée- La Société Générale, par exemple, réclame pour les charbonnages patronnés environ 1.350.000 t, alors que ses expéditions s'élèvent généralement à environ 44% du total dés ventes du bassin (95).

Le 12 juin 1864, la Compagnie ferroviaire Hainaut - Flandres sollicite la prolongation jusqu'à Frameries de la ligne qu'elle exploite entre Saint-Ghislain et Gand, en traversant le réseau du Haut et du bas Flénu, qu'elle se propose de concurrencer. Combattue par la Société Générale, qui contrôle ce dernier chemin de fer, la demande de Hainaut - Flandres est activement appuyée par presque tous les . charbonnages non patronnés. Dotés depuis le 18.9.1864 d'un organe de presse, l'hebdomadaire Le Houilleur, ceux-ci adressent des pétitions dans ce sens au minis tre des Travaux publics, le 20 octobre 1864 et le 22 mai 1865 (96).

Corbisier, qui est étroitement lié à la Société du chemin de fer du haut et du bas Flénu et qui préside à la fois le Comité des Intérêts généraux et

le Comité des directeurs - gérants des sociétés patronnées, se refuse à mettre à l'ordre du jour des réunions de la première de ces deux assemblées la question de la ligne de Saint-Ghislain à Frameries; il encourage et signe toutefois, le 3.6. 1865, la pétition adressée aux Chambres dans laquelle les sociétés patronnées feignent de représenter l'ensemble du bassin (97).

Cette pétition est suivie le 27 juin 1865 par une assemblée des repré sentants de 21 charbonnages indépendants de la Société Générale, qui décident Ch.3 51

séance tenante d'informer Corbisier qu'ils cessent de faire partie du Comité houiller. Ils manifestent d'autre part leur intention de constituer un autre comi- . té destiné à s'occuper des véritables intérêts généraux des exploitants du Couchant de Mons, et expliquent aussi, dans une longue lettre aux députés de l'arrondis sement, leur attitude. En janvier 1866, il est pour la première fois fait mention d'une nouvelle Association houillère du Couchant de Mons, concurrente du Comité d'intérêts généraux établi en avril 1863 (98).

L'octroi par la loi du 9 mai 1866, de la concession de la ligne Saint- Ghislain - Frameries à la Compagnie des bassins houillers du Hainaut, clôt le débat ouvert deux ans plus tôt, sans déboucher toutefois sur une fusion des deux syndi cats charbonniers existant dans le bassin. Bien au contraire, les rancoeurs, atti sées par quelques péripéties électorales, atteignent alors leur paroxysme (99) .

Il faut attendre le 1.3.1869 pour que les deux comités rivaux se réu nissent en une assemblée commune. Jamar, ministre des Travaux publics hésite sur le parti à prendre dans l'affaire de la ligne Dour - Quievrain: faut-il en octroyer la concession à la Compagnie des Bassins houillers de Philippart ou envisager sa construction par l'Etat. L'ensemble des charbonnages du bassin souhaitent que soit adopté le mode d'une concession chèrement négociée. A l'initiative d'Hubert Dolez, député, les deux comités se rencontrent le 1.3.1869 pour discuter des conditions de celle-ci. La réunion est, semble-t-il, l'occasion d'une réconciliation. Quoi qu'il en soit, il n'est dès lors fait mention que d'un seul Comité houiller tant au cours des pourparlers avec Jamar et Philippart que dans d'autres circonstan ces (100), Enfin, toutes les houillères du Couchant de Mons signeront conjointement la pétition adressée aux Chambres le 18 mars 1869 pour réclamer le maintien du livret ouvrier obligatoire(101).

On peut donc dire que, de facto, un syndicat charbonnier unique, né

de la fusion du comité de l'Association houillère et du comité des directeurs - gérants des sociétés patronnées, est reconstitué en mars 1869. Cette structure est complétée le 7.8.1874 par l'Association des directeurs de travaux des charbon nages du Couchant de Mons, une extrapolation du comité des directeurs de travaux des sociétés patronnées par la Société Générale constitué trente ans plus tôt (102).

L'Association houillère se réorganise encore au début de novembre 1875. Pour la première fois depuis 1860, une convention d'une durée de dix ans sera alors signée par les différentes houillères du Couchant de Mons; elle sera prolon gée en 1885 et en 1895, et deviendra définitive en 1905 (103). Ch.3 52

c. Conclusion.

A l'opposé des patrons sucriers, quelque peu organisés, les agricul teurs et les industriels agricoles ne font que rarement entendre leur voix. En raison de l'individualisme pratiqué dans la profession? En tout cas, l'agriculture et la plupart des activités qui lui sont liées ne constituent pas un groupe de pression structuré. Et ceci en dépit des revendications pourtant nombreuses qui agitent ce secteur économique. N'y font écho que la Commission provinciale d'A griculture, ainsi que les membres "ruraux" des diverses assemblées législatives: quelques nobles au Sénat et à la Chambre, quelques agriculteurs et notables cam pagnards au Conseil provincial. Les brasseurs ainsi que quelques entrepreneurs non charbonniers jouent à titre individuel et, surtout au niveau communal, un rôle politique assez important. Inorganisés et exclus du jeu politique, les ouvriers charbonniers exercent occasionnellement sur les pouvoirs publics une pression au moyen de grèves ou de manifestations de rues et par l'envoi d'adresses pu de dé- putâtions.

Les patrons houillers constituent le seul groupe socio-économique organisé. Dès le XVIIIe siècle, des comités de marchands charbonniers déterminent l'importance à donner à l'extraction ainsi que les conditions de vente, négocient de puissance à puissance le taux du fret avec la batellerie et exercent des pres sions multiples sur les pouvoirs publics, en matière de législation douanière ou de voies de communication. Après 1820, les marchands charbonniers, qui n'associent pas la vente à des opérations bancaires, à l'extraction quand ce n'est pas à l'ex pédition, se voient progressivement relégués à l'arrière-plan. Nulle trace d'une concertation de la fin de la période française à 1825, année pendant laquelle quelques exploitants du Flénu s'unissent au sujet de la limitation de l'extraction et de la vente en commun des produits. Incapable de garantir des conditions tari faires satisfaisantes et minée par des dissensions intestines, leur entente est dissoute dès 1828. A deux reprises, en 1832 et en 1835, on envisage sans succès sa reconstitution. En 1834, la Société Générale entre en jeu au Borinage. Sous son impulsion se forme en 1836 une union qui, limitée initialement à l'énoncia- •tio'n de conditions communes de vente, est étendue en 1838 à la répartition de l'extraction ainsi qu'à la fixation d'une politique salariale. Maintenue en dépit de sa fragilité jusqu'en 1841, l'entente facilite la prise de positions communes, eh ce qui concerne notamment le paiement de la redevance proportionnelle ou le

rétablissement des livrets ouvriers. Ch.3 53

La Société Générale et le Grand Hornu, deux des principaux protago nistes, divergent sur la nature de l'assise à lui donner à l'avenir. Le Grand

Hornu estime indispensable de liquider d'abord les petites entreprises à l'aide d'une baisse radicale des prix charbonniers. La Société Générale est d'un autre avis; elle croit que la mesure, préjudiciable à la marche financière de ses socié tés anonymes, la laissera seule face aux autres gros producteurs du bassin. Pas sant outre, le Grand Hornu provoque une guerre tarifaire qui si elle n'entraîne pas la disparition des petites houillères, ne facilite pas pour autant le place ment des charbons montois sur les différents marchés. C'est donc au terme d'une lutte interne absolument stérile, qu'une nouvelle entente est constituée pour trois ans en septembre 1842, sur les mêmes bases que la précédente: répartition de l'extraction, conditions communes de vente et de salaires. Elle est cette fois beaucoup plus qu'un simple consensus gestionnaire. Animée par une commission, au sein de laquelle la Société Générale occupe une position prépondérante, et dotée de moyens financiers, elle multiplie les démarches en vue d'obtenir de nouvelles voies de communication, des modifications fiscales ou des réformés douanières. Sa non-reconduction en 1845 n'entraîne pas la dissolution de sa commission, qui continue à se consacrer à la défense des intérêts communs.

Plusieurs tentatives de nouvelles conventions sont faites dès 1846.

Compliqués par la difficulté de satisfaire tout le monde quant à la répartition de l'extraction, les pourparlers n'aboutissent qu'en août 1849. Prévue pour cinq ans, l'entente est reconduite pour un nouveau terme en 1854. Des assemblées géné rales procèdent périodiquement à la révision des quotas d'extraction et des condi tions de vente. Plus encore qu'antérieurement, la Commission, devenue en quelque sorte permanente, combat en faveur des intérêts généraux du bassin de Mons. Elle bénéficie à partir de 1852 de la présence d'une recrue de choix, Charles Saincte lette fils nommé secrétaire en remplacement dé son père.

Interrompu à son échéance pendant un an à la suite de nouvelles dis sensions sur la répartition de l'extraction, le traité est prolongé en 1860 jus qu'en 1863. Chacun convient alors de reprendre sa liberté, tout en laissant sub sister le "Comité d'intérêts généraux". En 1865, 21 charbonnages indépendants de la Société Générale, contestant la position que le Comité précité a adoptée dans l'affaire du chemin de fer du Flénu, forment, dans le seul but de faire triompher le point de vue contraire, une Association houillère concurrente. Si la loi du 9 mai 1866 met fin au débat provoqué par la ligne Saint-Ghislain - Frameries, il faut attendre 1869 pour que les deux assemblées rivales acceptent de collaborer. 54

CHAPITRE 4

LA QUESTION DOUANIERE.

a. Les antécédents : l'époque hollandaise.

Le marché national est protégé de la concurrence étrangère par un droit d'entrée d'environ 7 florins la tonne (1). Loin de chercher à favoriser l'approvisionnement houiller de l'industrie textile flamande et des distilleries hollandaises ou à faire bénéficier le commerce maritime d'un fret de retour avan tageux, le Roi Guillaume opte de façon délibérée pour une politique douanière en courageant le développement des charbonnages belges. "C'était bien le moins, dé clarera Jottrand au Congrès national le 27 juin 1831 (2), que nos houilles indi gènes eussent dans ce pays un monopole en échange de tous ceux dont les Hollandais

jouissaient en Belgique".

Les charbons montois bénéficient à leur entrée en France de tarifs douaniers avantageux. En matière houillère, il y a en quelque sorte poursuite du Blocus continental. Comme les Pays-Bas, la France frappe les charbons qu'elle im porte par la voie maritime, d'un droit élevé: 11 f / t, augmenté d'une surtaxe de 4 f lorsque des navires non régnicoles les transportent, ce qui équivaut à peu de chose près à la taxe de 7 florins perçue dans le royaume néerlandais. La France tolère par contre les charbons belges: le droit varie de 1 à 3 f / t, selon qu'ils remontent la Meuse en direction des Ardennes ou empruntent le Ganal de Condé et la Sambre. Sa politique douanière vise à protéger, même au détriment d'autres in dustries, ses houillères, de la concurrence anglaise, tout en suppléant leur inca pacité à satisfaire l'entièreté de la demande nationale par un accueil contingenté des charbons belges. A la concurrence anglaise, agressive et bénéficiant grâce à la mer d'un accès direct aux ports et aux régions industrielles de son littoral atlantique, la France préfère la concurrence belge, qui offre 1'avantage d'utili ser des voies navigables susceptibles d'être contrôlées (3). Ch.4 55

b. Le réunionisme et les premiers accords franco-belges (1830-1845).

1. 1830-1831 : Réunion à la France ou indépendance ?

Les événements de 1830 ferment aux charbons montois le marché de la

Hollande sans leur ouvrir davantage celui de la France.

A Mons, de décembre 1830 à juin 1831, un groupe de pression prône le rattachement de la Belgique à ce pays (4). Il organise un pétitionnement (5), ins pire les prises de position de la Chambre de commerce (6) ainsi que de plusieurs députés au Congrès national (7), et publie un journal de propagande: l'Eclaireur (8)

Animé'par quelques personnalités locales liées aux charbonnages du Couchant de Mons et au développement récent de l'industrie métallurgique de la vallée de la Sambre (9), il appuie sa thèse sur quelques bons arguments: en rassu rant les capitalistes, la réunion mettra fin à la crise financière; elle suppri mera la ligne de douanes entre les deux pays et intégrera la Belgique dans une communauté économique puissante, plus à même d'assurer la conservation comme l'ou

verture de débouchés.

Au lobby réunioniste montois s'oppose un noyau "patriote" (10) fort agressif et disposant lui aussi d'un organe de presse: l'Observateur du Hainaut. Celui-ci conseille d'attendre quelques semaines que la tranquillité ramène les capitaux enfouis. Les expéditions reprendront en même temps que la circulation monétaire. "En France comme en Belgique, les transactions sont arrêtées par l'ab sence de confiance dans l'avenir et la rareté du numéraire. Ce n'est pas la ligne de douanes, mais la stagnation de toutes les industries qui arrête l'achat des

charbons" (11).

A son avis, la réunion n'aura pas nécessairement pour conséquence la disparition de la ligne de douanes. "Les maîtres de forges ainsi que les mineurs d'Anzin, de Saint-Etienne et du Creuzot n'admettront jamais qu'une diminution graduelle des tarifs, tout aussi facilement obtenue par des traités de commercé". Avantageux aux consommateurs français, ceux-ci seront favorablement accueillis .par la France (12).

Pour ce noyau "patriote", la réunion n'offre par ailleurs aucune uti lité. "Entre rester Belges sous une Constitution appropriée à ses besoins et deve nir départements français, il n'y a pas à balancer. Où serait donc le besoin d'ê tre français si, avec des avantages commerciaux, industriels et politiques au Ch.4 56

moins égaux à ceux dont la France jouit, on conservait sa nationalité et la libre disposition de revenus qui autrement iraient grossir le trésor français sans au cun fruit pour la Belgique. Le Gouvernement français y trouverait seul du bénéfice. Outre la possession immédiate des domaines publics, places fortes et arsenaux belges, il disposerait de revenus directs et indirects supérieurs de beaucoup aux dépenses administratives et s'en servirait pour l'amélioration des travaux publics et de l'agriculture en France, où ils sont généralement moins développés qu'en Belgique, et la Belgique resterait quant à elle stationnaire. Les administrations civiles et militaires deviendraient également le domaine de ses employés et de ses officiers. En 1831 comme avant 1814, les Belges seraient inondés d'étrangers qui les traiteraient en ilotes" (13).

Parallèlement à leur demande de réunion, les milieux industriels mon tois sollicitent en décembre 1830 (14) le Gouvernement provisoire pour qu'il négo cie avec la France l'abaissement dû droit d'entrée dans ce pays sur le charbon belge de 3 f 30 à 1 f 10 la t, en échange d'un accueil au même taux des houilles françaises en Belgique. Leur requête est appuyée par certains journaux antiréu- nionistes, qui y voient le moyen "d'enlever aux marchands de charbon tout motif de désirer le sacrifice dé l'indépendance belge" (15).

Le Congrès aborde la question en juin 1831 à l'initiative d'un groupe de députés, dont les Montois Charles Picquet et Alexandre Gendebien sont les prin cipaux porte-parole. Ils soumettent à l'assemblée un projet de décret prévoyant l'abaissement du droit d'entrée en Belgique sur les charbons français de 14 f à 3 f 30 par t, soit le taux en vigueur en France; ce projet est adopté le 29 juin 1831 par 101 voix contre 36 (16).

Au cours des débats qui précèdent ce vote, les arguments suivants sont développés: 1) "il est déraisonnable que le gouvernement belge gêne lui-même l'exportation de produits,lorsqu1ils sont surabondants en Belgique",2)"Le maintien du droit d'entrée au taux de 7 florins par t sert de prétexte aux actionnaires des mines d'Anzin pour repousser les réclamations des consommateurs français qui demandent à cor et à cri de leur gouvernement la faculté de s'approvisionner en houilles belges à meilleur marché que ne leur permettent les lois de douanes de leur pays. En effet, lorsque ces consommateurs demandent qu'on abaisse ou qu'on supprime les droits d'entrée mis en France sur les houilles belges, on leur répond que la houille française est frappée d'un droit bien plus considérable à son en trée en Belgique et que, s'il y a injustice, c'est du côté de la Belgique qu'elle se trouve. Les consommateurs français savent bien que cette raison qu'on leur Ch.4 57

oppose pour le maintien du droit d'entrée en France n'est pas la raison véritable. Mais vu la position de ceux qui font valoir cette raison (G. Périer, l'un des principaux actionnaires d'Anzin, est président du Conseil), il sera plus court de faire disparaître ce qui leur sert de fondement que de chercher à démontrer qu'elle n'est qu'un prétexte. Le meilleur moyen pour atteindre ce but est de dé clarer par un décret que la Belgique est prête à renoncer à tout droit d'entrée sur les houilles françaises si la France de son côté renonce,à ses droits d'entrée sur les nôtres et de donner une première preuve de cette disposition en abaissant dès maintenant nos droits d'entrée sur les houilles françaises au taux des droits mis en France à l'entrée des houilles belges. Cette preuve de nos dispositions à agir en parfaite réciprocité avec la France fera tomber des mains des actionnaires d'Anzin le seul argument qu'ils opposent encore aux consommateurs français lors qu'ils demandent la libre importation de nos houilles dans leur pays" (17).

Une partie de la presse belge réserve un large écho aux discussions engagées à ce sujet par le Congrès. L'Emancipation écrit le 1er juillet: "Les extracteurs belges ont l'intime conviction qu'à l'adoption du projet de décret est attachée la libre entrée de nos houilles en France, en enlevant à la compagnie rivale d'Anzin le prétexte qui lui a servi de réponse toutes les fois que les consommateurs et les industriels français, à qui nos charbons sont indispensables, ont demandé la suppression de la taxe dont ils sont grevés à leur entrée en France.

La consommation et l'industrie françaises sont lasses de verser en pure perte, chaque année, dans le trésor, une contribution de 900.000 f sur les houilles bel ges et de se voir en outre obligés d'en payer plus chèrement les charbons d'Anzin, dont le prix, comme on l'a si judicieusement remarqué, se compose de toutes les charges qui pèsent sur les charbons rivaux, le tout dans l'intérêt unique et ex clusif de cette exploitation jusqu'ici privilégiée. Le temps du privilège est passé en France comme en Belgique. Quelque puissante que soit l'influence du principal actionnaire de la Compagnie d'Anzin, il ne pourra rien pour son maintien. Peut- être que Périer lui-même, une fois le projet décrété, dans l'intérêt de sa probité suspectée, provoquera le premier l'affranchissement demandé" (18).

La mesure prise par le Congrès fait des mécontents dans la région de Charleroi, qui crie au coup d'Etat: "La proposition, faite le 23 [juin], a été insérée dans les journaux le 25. Les intéressés - et seulement ceux qui lisent les journaux en entier - en eurent connaissance le 26 ou le 27. Et le 29, la dis cussion fut ouverte et la proposition convertie en loi. Ce décret nous a frappés de stupeur. La précipitation est la cause que les intéressés n'ont pu présenter au Congrès tous les maux que devait produire le projet. Pouvait-on croire d'ailleurs Ch.4 58

qu'on osât, au milieu de la discussion des intérêts les plus graves et les plus sacrés de la Patrie chercher à emporter d'emblée une mesure dont rien ne démon trait l'urgence" (19).

2. Le temps des espoirs.

C'est davantage par acquit de conscience que par nécessité que les milieux charbonniers montois rappellent à différentes reprises en 1831 - 1832 au gouvernement belge la nécessité d'obtenir de la France une réforme de son système douanier (20). Pressé, semble-t-il, par le Roi, le ministère belge ne ménage en aucun moment ses efforts pour faire aboutir les démarches de Lehon, son représen tant à Paris, auquel il a donné dès 1831 des instructions très précises (21).

Le gouvernement français temporise, décidant de prendre préalablement l'avis du Conseil supérieur du Commerce. Au sein de cette assemblée, qui se réunit en octobre 1832, les opinions divergent. Plutôt que de se prononcer pour ou contre une réduction des droits d'entrée sur les houilles belges, le conseil recommande au gouvernement français l'organisation d'une vaste enquête (22).

Avant de se réunir, les membres du Conseil supérieur du Commerce ont été l'objet de pressions diverses. Lehon leur a remis un mémoire rédigé exprès par Pichaut de la Martinière (23). Son argumentation en faveur d'une réduction

de 33 à 11 centimes / hectolitre des droits d'entrée sur les houilles belges repo se sur l'affirmation que les charbons de Mons, d'Anzin et de Saint-Etienne ont des propriétés différentes; ils sont donc complémentaires et non concurrents.

A plusieurs reprises depuis octobre 1831, Lehon avait insisté pour obtenir du gouvernement belge des fonds afin d'attacher un journal parisien "à la défense des intérêts matériels belges et à l'attaque des monopoles favorisés par la hauteur du tarif des douanes françaises"; il avait même déjà noué dans ce but

des contacts avec la direction du Journal du Commerce, qui avait offert, pour 12.000 f par an de "faire discuter sur une ou deux colonnes par son rédacteur en chef les intérêts matériels belges d'après les renseignements et dans le sens qui lui seraient donnés". Les ministres belges concernés ne donnèrent pas suite à ces propositions (24).

Anzin n'est pas resté non plus inactif. Très habilement, plutôt que d'entrer en lice, il suscité dans l'Est et le Midi de la France (25) un large mou vement d'opposition à toute réduction. Avançant l'argument que "la diminution des Ch.4 59

droits livrerait le marché de Paris, sans concurrence possible, aux charbons bel ges, avantagés sur les produits des exploitations du Midi et du Centre de la France par un transport plus rapide vers la capitale", ainsi que celui de la défense des droits des concessionnaires dés canaux et chemins de fer commencés ou en pro jet au sud de Paris, il a été à l'origine de la décision prise par le Conseil su périeur du Commerce de proposer au gouvernement de ne se prononcer qu'après l'or ganisation d'une grande enquête (26).

Celle-ci est organisée de novembre 1832 à septembre 1833; ses résul tats sont publiés un mois après sa conclusion (27). Elle a consisté pour l'essen tiel dans la consultation des chambres de commerce et des députés intéressés. Quand elle démarre, le gouvernement, bien décidé à l'activer, envisage le dépôt d'un projet de loi dans le courant de la session. Cet espoir s'envole rapidement.

L'ajournement de toute solution à la session 1833 - 1834 n'est d'ail leurs pas préjudiciable aux intérêts belges. Constatant que le vent souffle dans un sens favorable aux adversaires, Lehon s'en réjouit en janvier 1833: "Les par tisans de la réduction ont déposé généralement à l'enquête comme dans une cause déjà instruite et d'un succès assuré, c'est-à-dire sans se mettre beaucoup en peine de la défendre de toute la puissance de leurs moyens. Les opposants au contraire se sont présentés avec des mémoires pleins de faits et de chiffres et ils ont fait impression" (28). Pour gagner du temps, de manière à pouvoir agir par la pres se sur l'opinion publique, Lehon envisage en février 1833 de freiner le processus, en demandant au gouvernement français d'organiser préalablement à une nouvelle réunion du Conseil supérieur du Commerce des conférences approfondies entre com missaires belges et français (29).

Dans ses contacts, Lehon développe les arguments habituels: les houil les belges, en raison de leurs spécificités, sont indispensables à la population française, le droit d'entrée équivaut pour celle-ci à un impôt de consommation, il permet à Anzin de maintenir des prix plus élevés que ceux qui seraient prati qués s'il n'existait pas, les charbons hainuyers n'entrent pas, à cause de leurs différences, en concurrence avec ceux du Midi sur le marché de Paris. Il évite d'une manière générale d'aborder d'autres matières que la houille, comme les fers et les toiles, de manière à ne pas soulever contre la revendication présentée un concert de protestations (30). Assez tardivement, vers octobre 1833, il renforce son argumentation par des considérations politiques: un accord commercial renforce les chances d'union politique des deux pays. "A mon avis, note-t-il (31), le côté politique de l'amélioration du tarif français est celui qui nous fournit les moyens Ch.4 60

les plus puissants. Les chiffres et les faits seront plus ou moins controuvés. On nous prouvera que, malgré des droits élevés, nous importons en France des quan tités considérables de houille. La douane nous condamnera avec ses tableaux men suels! Sous le rapport politique, nos adversaires ne sont plus aussi forts". Et de proposer pour consolider sa position d'agiter le spectre d'une alliance belgo- allemande: "Il faut leur faire comprendre que la Belgique peut se jeter du côté de l'Allemagne si la France ne lui ouvre pas son marché intérieur à des conditions plus supportables" (32).

Tout au long de l'enquête, Lehon multiplie les démarches auprès des membres des chambres et des administrations françaises. Les députés du Nord et de la Seine-Inférieure surtout font l'objet de tous ses soins. A plusieurs reprises, il leur remet des notes documentaires pour qu'ils puissent réfuter les arguments de leurs adversaires. Il les reçoit aussi mais exceptionnellement à dîner chez lui: "Il n'est pas douteux que des réunions de ce genre où seraient invitées à leur tour, chaque semaine, pendant un ou deux mois, quelques-unes des influences de l'administration et des deux Chambres, ne produiraient de prompts et heureux effets. Il faudrait y recevoir les hommes les plus opposants comme les plus dis posés. Mais rien n'est plus dispendieux. J'ai dépensé en 1832 seulement près de 40.000 f au-delà de ce que j'ai reçu du Trésor, et je ne puis continuer de pareils sacrifices chaque année" (33).

L'essentiel des efforts de Lehon porte cependant sur la presse. A l'annonce de l'enquête, il revient à la charge auprès de Rogier pour obtenir cette fois l'argent nécessaire au contrôle d'un "journal qui suivrait l'affaire des houilles pas à pas, discuterait les calculs et les raisons des adversaires et se rait vis-à-vis de l'opinion une véritable tribune où l'intérêt belge pourrait se faire entendre et prouver son rapport intime avec l'intérêt général de l'industrie en France. Un traité avec quelque journal estimé, facile il y a 6 mois après la clôture des chambres, devrait être maintenant, à la veille de la session, chère ment acheté, les journalistes n'étant plus en pénurie de matières" (34). Rogier accepte sans difficultés, promettant le 31.12.1832 à Lehon de mettre à sa dispo sition les fonds demandés (35). Evalués à 15.000 f, ceux-ci vont principalement au Journal du Commerce, sous la forme d'abonnements et d'indemnités au rédacteur en chef; ils servent également à subsidier d'autres organes de presse "pour rédac tion ou insertion d'articles accessoires en rapport avec ceux du Journal du Com merce" (36). Ce dernier entame sa campagne le 28.1.1833. Lehon ne s'en tient pas aux journaux. S'assurant la poursuite de la collaboration de Pichaut de la Martinière, il fait imprimer à plusieurs centaines d'exemplaires les notes que Ch.4 61

celui-ci se charge de rédiger (37). " La presse, insiste Lehon (38), je ne cesserai de le répéter, est l'auxiliaire indispensable de notre cause. Les retards qu'é prouvera son succès nous feront payer un peu cher les vues d'économie qui ont fait négliger le secours de la presse lorsqu'il y a un an je le proposais".

A sa grande surprise, l'ambassadeur se voit demander par Rogier "que chaque dépense soit justifiée par des quittances en double, de manière à éviter des difficultés de la part de la Cour des Comptes" (39). La réponse de Lehon n'est pa dépourvue d'ironie (40): "Je ne sais pas jusqu'à quel point vous jugerez conve nable de faire passer sous les yeux de la Cour des Comptes et à 1'examen des Cham bres des quittances de journalistes, de rédacteurs, d'imprimeurs et des dépenses de gratification! J'ignore également si les journalistes voudront délivrer des quittances, instruits qu'ils sont de la publicité donnée en Belgique aux faits non divulgués dans les autres états. Les éléments de la comptabilité spéciale de vraient rester secrets entre le ministère et la légation par la nature même de son objet et de ses détails. Il suffira de faire mandater les sommes au profit de votre département à compte soit du crédit alloué à l'encouragement de l'indus trie et du commerce, soit du chapitre des dépenses imprévues".

Au début de septembre 1833, Lehon s'attache un des rédacteurs du Jour nal des Débats. Les articles qu'il publie au cours des semaines qui suivent met tent, selon l'ambassadeur, l'adversaire en émoi (41). Rogier en est tellement content qu'il les fait reproduire par le Moniteur "afin de fixer autant que possi ble l'attention publique sur la question" (42). Enthousiasmé par son succès, Lehon ne résiste pas au plaisir de faire la leçon au ministre: "Il faudra se bien péné trer de cette vérité trop peu connue dans un Etat nouveau qu'on ne peut compter réellement pour tous les besoins de sa défense que sur ceux que l'on sait y inté resser, que cela est d'une vérité plus frappante dans les grandes capitales que partout ailleurs et dans les négociations qui touchent les intérêts matériels plus que dans aucune autre" (43).

Rogier avait décidé en janvier 1833 d'adjoindre à Lehon deux commis saires, Ch. Lecocq et F. Corbisier (44). Cette mesure, approuvée par le Roi, sem ble répondre à un voeu de la Commission supérieure de Commerce et d'Industrie... dont Corbisier est le secrétaire (45). Elle n'est pas goûtée par Lehon qui la trouve prématurée (46) bien qu'elle suive l'envoi à Paris dans le courant du mois d'août 1832 dé commissaires anglais, chargés d'ouvrir des pour parlers avec des délégués du gouvernement français (47). Ch.4 62

Lecocq est le premier contacté. Il vient de séjourner pendant une quinzaine de jours en compagnie de Legrand-Gossart à Lille, où il a pu nouer des relations privilégiées avec plusieurs membres influents de la Chambre de commerce (48). C'est lui qui suggère à Rogier la désignation comme deuxième commissaire de Corbisier. "Je n'oserais entreprendre seul cette mission, écrit-il au minis tre (49). Il n'est qu'un homme dont j'aimerais être collaborateur dans cette par tie, c'est mon ami Corbisier, en relation depuis longtemps dans les rapports des deux chambres de commerce de Mons et de Tournai. Nous partageons absolument les mêmes principes d'économie politique et nous voyons souvent les choses d'un même oeil".

La mission des deux commissaires, nommés par arrêté royal et pourvus d'un viatique de 4.000 f pour "dépenses extraordinaires" (50), a été définie dans ses grandes lignes par Lecocq: "Ils seront modestement des envoyés spéciaux auprès de l'ambassadeur, placés tout à fait sous sa direction, débutant comme simples agents confidentiels sans qualification publique, cherchant à bien connaître l'é tat des choses et des lieux; ils se concerteront avec l'ambassadeur sur les mesu res à prendre, en forgeront certaines de concert, reviendront au besoin communi quer verbalement avec le ministre pour reporter toutes instructions nécessaires. Un premier voyage, pour ainsi dire à l'essai, qui ne tirera pas à conséquence et qui permettra de voir ce qu'il y aura à faire ultérieurement" (51)... Corbisier, au nom de la Commission supérieure de Commerce et d'Industrie, est du même avis: "Quant à présent, la mission des commissaires spéciaux doit être toute d'investi gation. N'ayant aucun caractère officiel, admis sous les auspices de Lehon chez les membres des Chambres législatives et du Conseil supérieur de Commerce, intro duits près des chefs de division des ministères, ces commissaires seront à même de faire une quantité de démarches officieuses auxquelles ne saurait se livrer le ministre plénipotentiaire. Aidés de ses conseils, suivant son impulsion, les commissaires spéciaux se trouveront en position de connaître tous les adversaires des concessions demandées par notre gouvernement, de distinguer les différents motifs qui les font agir, de détacher de cette opposition si forte et si nombreuse tous ceux qui désintéressés dans l'issue du débat qui s'agite ne doivent leur conviction qu'à des données fautives, et de recueillir enfin tous les renseigne ments nécessaires pour renouveler la lutte l'an prochain si, comme il est à crain dre, nous échouons devant les Chambres françaises dans la session actuelle" (52).

Lecocq et Corbisier séjournent à Paris pendant deux mois, au cours desquels, avec l'aide de Lehon, ils rencontrent diverses personnalités françaises. Ch.4 63

C'est assez dépités qu'ils reviennent à Bruxelles au début du mois d'avril, consi dérant comme "évanouies presque toutes les espérances que la Belgique avait conçues relativement à une modification du système restrictif des douanes de la France"(53).

Loin d'être discrète, leur mission a attiré l'attention d'une partie de l'opinion publique, "qui a cru à une volonté commune aux deux gouvernements de négocier un traité de commerce, lorsqu'il n'y avait que d'un côté l'intention de presser la solution de la question des houilles qui semblait être arrivée à maturité en France, et de voir en même temps jusqu'à quel point on pourrait abor der d'autres sujets". Cette publicité et cette interprétation erronée ont pour double résultat de provoquer le renforcement de la résistance française et "d'ex citer dans chacune des industries belges le désir d'être représentée" (54). Les Carolorégiens réagissent les premiers: "L'arrondissement de Tournai est représenté par Lecocq, celui de Mons par Corbisier, celui de Charleroi, dont les intérêts seront peut-être en opposition avec ceux de ces deux arrondissements est sans défenseur! Si l'industrie de l'arrondissement de Charleroi en général et les char bonnages dé ce bassin en particulier n'ont pu jusqu'à présent se développer et prendre leur essor, c'est que toujours ils ont été représentés par des personnes qui, si elles ne leur étaient pas opposées, étaient au moins sans intérêt à faire quelque chose pour eux" (55). Les industriels west-flamands, liégeois et vervié- tois suivent et Rogier se voit contraint de recommander à Lehon: Frison (Charleroi), Bekaert-Baekelandt (Courtrai), de Biolley et Davignon (Verviers) (56).

Le Roi met à profit ses séjours à Paris (novembre 1833) et en Normandie (juillet 1834) pour donner un coup de pouce à Lehon, en entretenant plusieurs mi nistres et personnalités commerciales et industrielles dé la question des houil les (57).

Tous les efforts déployés par l'ambassadeur et les commissaires sont vains. Au début de l'automne 1833, le ministre français du Commerce, qui revient d'un voyage à Saint-Quentin et à Anzin, fait connaître sa décision de s'opposer à toute réduction sérieuse du droit d'entrée sur les houilles. A des facilités apportées à la concurrence étrangère par un abaissement des droits, il déclare préférer "une sorte d'appel à la concurrence intérieure par 1'ouverture de chemins de fer mettant en contact les provinces du Nord et du Midi. Prétendant que la houille de Saint-Etienne coûte beaucoup moins à extraire que la houille belge mais que celle-ci doit ses avantages sur le marché de Paris à la facilité des bas prix du transport par le canal de Saint-Quentin, il tire de là cette conséquence qu'avant d'abaisser le tarif, il y a lieu de placer les houillères du Midi et Ch.4 64

celles de la Belgique dans une égale position relativement à Paris" (58).

Accédant à la demande de Lehon, le gouvernement français a toutefois consenti en avril 1833 à l'institution d'une commission mixte "chargée d'étudier la révision du tarif afin de préciser l'ensemble des concessions qui pourraient être accordées" (59). La France désigne ses commissaires en septembre, la Belgique en octobre-décembre 1833 (60). Ils ne se réuniront qu'en septembre 1834 (61).

La nomination de ces commissaires intervient au moment où, dans un contexte de reprise économique, Lehon vient de s'attacher deux importants organes de presse français, le Journal des Débats et le Temps. Au moment aussi où l'Angle terre intervient. Son ultimatum de novembre 1833 est particulièrement clair. S'opposant au maintien des droits différentiels français, elle réclame, sous la menace de représailles économiques, "la réduction du droit de 1 f 50 qui frappe les houilles anglaises au droit de 30 centimes existant sur les charbons belges ou à tel autre taux auquel ce dernier droit pourrait être abaissé" (62).

La pression britannique obtient un premier résultat en juillet 1834: l'entrée des houilles destinées à la marine à vapeur au simple droit de balance de 1 f 50 par 1000 f de valeur, pourvu qu'elles ne remontent pas dans les fleuves au-delà du dernier bureau de douanes; est ainsi réservée aux charbons anglais une clientèle évaluée par la Chambre de commerce de Mons à 170.000 t (63). La mesure coïncide avec la suppression par l'Angleterre de tout droit de sortie sur ses houilles.

Ce changement d'attitude de l'Angleterre, rapidement encouragé par les principales localités portuaires du littoral (Le Havre, Rouen, Nantes et Bordeaux) amène un remaniement de la politique belge. Les instructions du ministère, large ment inspirées par le Roi, sont, à la veille de la première réunion de la commis sion mixte, de renoncer à toute réduction en faveur des charbons belges si la me sure prise à cet égard par le gouvernement français doit avoir un caractère de généralité; la diminution proportionnelle en faveur des houilles anglaises éloi gnerait lés produits belges de la plupart des marchés qu'ils approvisionnent (64).

3. Les ordonnances ££ançaises ££_iË2Ël

Commencés en septembre 1834, les pourparlers entre commissaires belges et français se poursuivent par intermittence jusqu'à la fin de 1836. S'ils ne dé bouchent sur rien de concret, ils permettent aux deux parties en présence de pré- Ch.4 65

ciser leurs revendications (65). Aux commissaires qui partent pour Paris, de Theux recommande la prudence (66): "Il est certes indispensable que la France modifie ses droits sur les houilles et sur les fers. Mais le gouvernement ne se dissimule pas les difficultés dont la négociation de ces deux articles peut être hérissée. Il vous engage conséquemment à les conduire avec la plus grande réserve et à re noncer plutôt à nos réclamations pour obtenir une diminution de droits que de con sentir à une réduction qui amènerait sur les marchés français la concurrence des houilles et des fers anglais. L'Angleterre fait tous ses efforts pour faire dis paraître les droits différentiels qui existent en France. Elle n'ignore point que le perfectionnement de son industrie lui donnerait bientôt la prépondérance sur les marchés français si les droits à l'entrée par mer étaient abaissés non pas seulement au taux des droits par terre, mais seulement diminués dans la proportion des dégrèvements qu'on apporterait à ces derniers. C'est à faire opérer arithmé- tiqueme.nt les diminutions que la Commission devra s'attacher. Elle devra avoir soin de ne faire accorder, par exemple, que 5 centimes de diminution aux droits d'importation anglaise si on n'accordait qu'une réduction de 5 centimes aux droits sur les importations belges. La réduction arithmétique devra faire la base de nos négociations".

La reprise économique renforce la cause anglaise. Fort demandés, les charbons ne tardent pas à manquer sur les différents marchés; ils s'y vendent à des prix que l'industrie considère comme prohibitifs. En France comme en Belgique, les appels se multiplient en vue de faciliter l'introduction des houilles britan niques.

En France, une première ordonnance, prise le 10.10.1835 à l'instiga tion du comte Duchâtel, ministre des Finances, abaisse de 10 à 3 f / t le droit d'entrée des charbons étrangers sur les côtes de la Méditerranée et de l'Océan Atlantique de Bayonne à Bordeaux; il est ramené à 6 f / t entre Bordeaux et les Sables-d'Olonne; au-delà des Sables, il reste fixé jusqu'à la frontière belge à 10 f / t. Croyant "mettre fin aux récriminations de l'Angleterre en traitant ses houilles en un point du littoral sur le même pied que celles de la Belgique, Duchâtel, pour apaiser un intérêt, en blesse 100 ! Nantes et Le Havre réclament l'avantage accordé à Bordeaux. Rouen se joint à eux et toutes les jalousies et les rivalités viennent animer les prétentions de l'intérêt mercantile" (67). Le 28.12. 1835, la zone à 6 f est étendue des Sables jusqu'à Saint-Malo, à la satisfaction de Nantes...et à la colère de Rouen et du Havre (68).

La première mesure prise par Duchâtel en octobre 1835 n'a pas inquiété Ch.4 66

les autorités ni les exploitants charbonniers belges. Pour de Theux, "maintenant qu'on a satisfait aux réclamations anglaises, que l'Angleterre doit se trouver satisfaite de cet arrangement, il redevient opportun de réclamer à nouveau la di minution des droits d'entrée sur les houilles belges" (69). L'Industriel du Hai naut, organe des milieux houillers montois, tout en déplorant la perte des marchés de Bordeaux et de Marseille pour les expéditions faites au départ de Dunkerque, suit le gouvernement, en exigeant l'abaissement du droit sur la frontière de terre à 1 f / t: "Si la France a cru devoir établir son commerce charbonnier sur le pied d'une parfaite égalité entre l'Angleterre et la Belgique, elle doit faire de même entre celle-ci et la Prusse" (70).

L'ordonnance de décembre les fait déchanter. Tout en manifestant de la colère à l'égard de Lehon, qui devient soudainement un bouc émissaire (71), les exploitants charbonniers montois, pour la première fois sérieusement préoc cupés, réclament des mesures énergiques (72): "Les intérêts de l'industrie houil lère se trouvent gravement compromis par les mesures prises par le pouvoir fran çais. Il est de la plus haute importance que le gouvernement s'efforce d'en obte nir le rapport ou la modification, de manière à ce que les houilles belges puis sent entrer en concurrence avec les produits anglais entre Saint-Malo et Bayonne. Si les houilles belges doivent en être exclues, il importe d'autant plus de con server la zone qui ne leur est pas encore interdite entre Saint-Malo et Dunkerque. Le ministre belge à Paris doit s'opposer de tous ses moyens aux démarches que font les consommateurs français, pour que les droits d'entrée sur les houilles soient abaissés jusqu'à Dunkerque au même taux que depuis Saint-Malo jusqu'à

Bayonne".

La question reste toutefois ouverte. Les ordonnances doivent encore être ratifiées par une loi, dont le projet est déposé au début de mars 1836. Celui- ci est rapidement amendé dans le sens d'un nivellement du droit à 3 f / t sur tou te la longueur du littoral (73). Effrayées par cette évolution, les autorités belges se résignent à faire du maintien du droit de 10 f / t entre Saint-Malo et Dunkerque leur objectif prioritaire (74). Lehon multiplie en mars-avril les ren contres avec lé ministre du Commerce et plusieurs députés (75). Le Roi écrit à Thiers, le menaçant de l'alliance belgo-allemande (76). Le gouvernement belge pré sente, au moment où la discussion s'engage dans les Chambres françaises, un projet de loi de douane favorable à la France, conditionné par le résultat de ses

démarches (77).

La campagne belge réussit: la loi française du 2.7.1836 ratifie les Ch.4 67

ordonnances sans tenir compte des amendements. Mais ce succès est dû davantage à un renversement des alliances (78) qu'aux qualités de persuasion de la diplomatie belge. Toute extension exagérée des mesurés prises en 1835 menace aussi bien les intérêts d1Anzin que ceux du Couchant de Mons. S'y ajoutent ceux du port de Dunkerque et des concessionnaires des voies navigables du Nord de la France. Leurs pressions sont assez puissantes pour inciter le ministre du Commerce français à s'opposer catégoriquement à tout dérapage des ordonnances de 1835 (79).

4. Nouveau succès anglais en novembre_1837^

Le vote de la loi du 2.7.1836 ne met pas fin en France aux pressions exercées en faveur de l'établissement d'un droit uniforme de 3 f par t sur le lit toral français entre Dunkerque et Bayonne. "Rouen, Le Havre et Nantes ont de l'é cho lorsqu'ils demandent pourquoi on les oblige à payer la houille plus cher qu'à Bordeaux, pourquoi on demande 3 f de Bayonne à Nantes, 6 f de Nantes à Saint-Malo et 10 f de Saint-Malo à Dunkerque" (80). Leurs députés, très actifs à la Chambre, bénéficient cette fois, à partir de février 1837 de l'appui du Journal des Débats.

Les circonstances leur viennent en aide. Au cours de l'hiver 1836 - 1837, la houille se vend de plus en plus cher. Les arrivages, tardifs et insuf fisants, ne satisfont pas les besoins du bassin de la Seine. Aux démarches des ports du littoral s'ajoutent bientôt celles de l'agglomération parisienne. Les difficultés d'approvisionnement, loin de diminuer, s'amplifient au début de la campagne charbonnière 1837 - 1838.

Talonné sans relâche et à la perspective d'une fermeture précoce de la navigation par suite des fortes gelées hâtives, le gouvernement français réduit par sa nouvelle ordonnance du 25.11.1837, à 5 f par t entre Dunkerque et les Sa bles et à 3 f par t sur les autres parties du littoral le droit perçu sur les houilles le long de la frontière maritime (81).

Les conséquences de cette mesure douanière quelque peu compensée par la diminution à 1 f 50 par t du droit sur la frontière de terre, obtenue au der nier moment et sans contrepartie par Lehon, sont particulièrement néfastes pour l'industrie charbonnière montoise. Avantagées par des frais d'extraction et de transport (périodiquement .!..) moins élevés, les houilles anglaises s'emparent du marché dans toutes les localités du littoral français entre Dunkerque et Bordeaux. Elles partagent désormais avec les houilles françaises et belges la consommation de Paris, refoulent chaque jour davantage vers la frontière de terre les envois Ch.4 68

faits jadis dans les départements situés au nord et à l'ouest de la capitale fran çaise, et pénètrent jusqu'au centre des départements du Nord et du Pas-de-Calais. Le nombre de bateaux expédiés du Couchant de Mons vers la France chuté en l'espa ce d'une seule année (1837 - 1838) de 412 unités; la perte équivaut à 40.000 t (82)

Cette ordonnance française du 25.11.1837, suscite à Mons de vives pro testations. L'industrie charbonnière locale souhaite que la Belgique obtienne sans tarder le retour aux tarifs douaniers antérieurs (83).

Ces récriminations s'inscrivent très vite dans un contexte interna tional complètement bouleversé par le développement donné à la question d'Orient. Thiers, président du Conseil depuis le 2 mars 1840, mène une politique qui isole la France par rapport à l'Angleterre, à la Prusse, à la Russie et à l'Autriche. Le pacte que ces quatre puissances signent à Londres le 15 juillet 1840 provoque en France une flambée de chauvinisme. Amplifiés par divers événements, les bruits de guerre, favorablement accueillis par l'opinion française, prennent de plus en plus de consistance. Il faut les efforts multipliés de Guizot et de Soult, qui succèdent à Thiers en octobre 1840, pour que les relations franco-anglaises se détendent à partir du mois d'août 1841.

5. Une union douanière franco-belge^?

Alors que le climat est particulièrement tendu, Louis-Philippe et Thiers proposent au Roi Léopold, en visite à Saint-Cloud, une union douanière in time entre la France et la Belgique. Favorable sous certaines réserves au projet, le Roi le transmet à Bruxelles, avec une demande de pleins pouvoirs pour Lehon.

A Bruxelles, Lebeau fait la sourde oreille. Ce que démande la France est difficilement acceptable: présence en Belgique de 8.000 douaniers français et jugement en dernier ressort des différends en la matière par la Cour de Cassation de Paris (84).

On peut d'ailleurs se demander si Louis-Philippe et Thiers d'une part, Léopold 1er d'autre part ont jamais cru réellement à la possibilité de cette union. L'évolution ultérieure de la négociation permet d'en douter. La manoeuvre offrait au gouvernement français un moyen de pression supplémentaire sur ses adversaires dans la question d'Orient, et à la Belgique, en cas de retour sur une position de retrait, la possibilité de négocier des avantages pour son industrie. "Les dispositions françaises, bonnes aujourd'hui, peuvent changer. Il faut Ch.4 69

en profiter}' déclare le Roi à Lehon, par l'intermédiaire de Van Praet, le 26 juil let 1840 (85).

Le projet Thiers, transmis par le Roi à Lebeau à titre confidentiel, est rapidement l'objet d'un débat public. Dès le 2.8.1840, la Chambre de commerce de Mons fait part à une commission parlementaire de passage dans la ville de son souhait de voir se conclure rapidement une union douanière franco-belge semblable au Zollverein allemand: "La nature, la situation des deux pays, la similitude de moeurs et de langage rendent si facile une fusion de leurs systèmes de douanes. Ce résultat, s'il était possible, dépasserait certainement le terme de toutes les espérances et de tous les désirs. Que l'on fasse disparaître la ligne de douane et tandis que l'exportation de nos houilles, de nos fers et de nos marbres s'ac croîtra d'une manière incalculable, nos draps, nos toiles, nos calicots, nos den telles viendront concourir à satisfaire les besoins de plus de 33 millions de consommateurs. Notre marine marchande sera nécessairement admise dans les ports et dans les colonies de cette puissance sur le même pied que les navires français eux-mêmes". "Nous n'ignorons pas, concluait la Chambre de commerce, qu'on a souvent opposé aux vues que nous exprimons des difficultés politiques. Mais ces difficul tés politiques, on les a toujours exagérées" (86). Le 19.9.1840, la Gazette de Mons, dirigée depuis quelques mois par un français, L. Moureaux, entame, la pre mière en Belgique, une campagne en faveur de l'union douanière qu'elle mène sans discontinuité jusqu'en 1843 (87).

L'obstacle constitué par la présence de Lebeau à la tête du départe ment des Affaires étrangères est levé à la suite de son remplacement par de Muelenaere, le 13.4.1841. "Il paraît certain aujourd'hui, note la Gazette de Mons (88), que le gouvernement va pousser à la réunion de la Belgique sous le système de douanes françaises".

Le choix d'un catholique à la place d'un libéral comme ministre des Affaires étrangères offre l'avantage de désamorcer en partie l'opposition qui déjà'- se manifestait, par la voie notamment du Journal de Bruxelles, contre tout rap prochement avec la France anticléricale personnifiée par Guizot. C. de Briey, qui succède le 5.8.1841 à de Muelenaere, envoyé négocier à Paris, écrit (89): "On pa raît craindre qu'un traité avec la France sur de larges bases ne favorise et n'as sure le triomphe de ce que j'appellerais les idées françaises. Je ne pense pas qu'il en soit ainsi. Ce triomphe serait, selon moi, beaucoup plus certain si l'on refusait obstinément toute satisfaction aux intérêts matériels concernés par ce marché. Je pense donc, et je crois en cela me trouver d'accord avec quelques uns Ch.4 70

des représentants de ces doctrines catholiques qui auraient tout à perdre dans l'invasion de ces idées contre lesquelles elles ont été jusqu'à ce jour la digue la plus résistante, qu'un des moyens les plus efficaces pour faire entrer dans la réalité consisterait à accorder à l'industrie et au commerce dans cer taines limites et avec certaines précautions ce marché français, objet de leurs désirs".

Les pourparlers relatifs à l'union douanière sont engagés à Paris au début de septembre 1841. Liedts, gouverneur de la province du Hainaut et futur gouverneur de la Société Générale, et Dechamps,importante personnalité catholique hainuyère, ont été adjoints à de Muelenaere pour les mener, en compagnie de Van Praet, qui est aussi du voyage (90).

On peut se demander dans quelle mesure Van Praet et l'un ou l'autre des trois commissaires ne sont pas davantage, à Paris, les envoyés de Meeus, gou verneur de la Société Générale, que ceux du ministère belge. La banque bruxelloise est en effet très intéressée par les perspectives d'avenir qu'ouvre la construction prochaine en France du réseau ferroviaire de 3.300 km qui vient d'être décrété, construction qui fait entrevoir une commande annuelle de 75.000 t de fer, riche en retombées pour la sidérurgie et les houillères (91).

La correspondance qu'échangent Van Praet et Meeus ne laisse aucun doute sur leur concert. La visite du Roi à Paris en avril 1841, peu de temps après le changement de cabinet en Belgique, permet à Van Praet de tâter le terrain: "La majorité du cabinet français est pour l'union. Nous ferions sagement de nous prêter à un petit manège et de consentir à jouer une scène de comédie, en commen çant par négocier sur ce terrain" (92). "On a d'abord discuté les systèmes géné raux, l'union complète, l'échange libre, écrit Van Praet, en septembre 1841 (93). Cela a pris plusieurs séances. Sans utilité, car ce sont des projets auxquels tout le monde avait renoncé. Demain commence le véritable débat. La grande diffi culté, c'est d'établir un droit sur le fer en barres et sur le coton qui soit suffisant pour empêcher que nous nous emparions de tout le marché français. La question des fers est d'une'difficulté immense".

Depuis longtemps le Roi et le ministère belge se sont persuadés qu'une union douanière franco-belge n'avait aucune chance d'être admise par les puissances. Déjà en janvier 1841, elles ont porté à la connaissance du ministère belge à Berlin qu'elles considèrent la conclusion d'une confédération commerciale franco- belge semblable à celle qui unit les divers états allemands comme contraire aux Ch.4 71

stipulations des traités de 1831 et de 1839. A plusieurs reprises, en 1841 et 1842, elles confirment ce point de vue aux autorités belges. La Prusse surtout se montre hostile; pour elle, l'union douanière est un acte de nature à motiver une décla ration de guerre. L'Angleterre adopte une attitude beaucoup moins intransigeante, surtout depuis le remplacement en août 1841 de Pàlmerston par Aberdeen. Elle recon naît à la Belgique le droit de conclure des traités de commerce lui accordant des avantages exclusifs, même préjudiciables aux intérêts anglais, à la condition qu'ils soient dépourvus de retombées politiques et qu'ils ne lui enlèvent pas sa liberté d'action, en lui interdisant par exemple de négocier, sans l'assentiment de la France, des avantages que lui proposeraient d'autres puissances (94).

Les milieux industriels français, menacés par la réforme douanière envisagée se dépensent beaucoup. Maîtres de forges, patrons charbonniers, f.i.la- teurs et armateurs joignent leurs efforts pour dissuader le gouvernement français de s'engager dans la voie d'une union douanière avec la Belgique (95). A force d'arguments ils ébranlent la détermination du ministère, pourtant encouragé dans la voie de l'union par quelques grands journaux de la capitale - Les Débats, Le Siècle, Le Courrier français - que Lehon a su s'attacher (96).

L'ouverture des pourparlers franco-belges, à Paris au début de septem bre 1841, est précédée par un important mouvement d'opinion en Belgique. A l'ex ception de l'un ou l'autre journal comme 1'Indépendant "qui exprime, dit-on, les appréhensions de la royauté qui craint de se brouiller avec l'Angleterre" ou le Journal de Bruxelles, "qui n'est que l'indice des terreurs de l'épiscopat" (97), il y a dans la presse périodique belge unanimité pour demander l'union. Les con seils provinciaux d'Anvers et de Flandre orientale se prononcent aussi en sa

faveur.

Le Conseil provincial du Hainaut prend position assez tardivement le 23.7.1841, en votant par 34 voix contre 1, une proposition introduite la veille par Defuisseaux. Dicté par la Chambre de commerce de Mons (98), le voeu émis par le Conseil à l'initiative de ce conseiller, est volontairement imprécis. L'assem blée se contente de charger la Députation permanente "de faire auprès du gouverne ment les plus pressantes instances pour qu'il obtienne, au moyen de concessions réciproques, la suppression ou tout au moins l'abaissement des droits qui grèvent à l'étranger l'exportation des produits belges. Il s'agit d'éveiller la sollici tude du gouvernement et non de gêner son action". Pas question dès lors de préci ser le pays vers lequel il faut se tourner. Ce serait "courir le risque de provo quer, sans fruits, au sein de l'assemblée, des germes de discussion et soulever Ch.4 72

inutilement des débats irritants" (99). Aussi se priver de l'avantage de pouvoir agiter 1'épouvantail d'une union avec le Zollverein. "Contraints par la nécessité, nous porterons nos regards vers l'Allemagne, écrit la Gazette de Mons, pour con clure avec elle une union commerciale indubitablement cimentée par une alliance politique. Cette considération doit être mûrement pesée par le Cabinet français"(100)

Cette union avec l'Allemagne est cependant bien loin d'être envisagée favorablement par les milieux industriels hainuyers: en raison de la difficulté des communications et du coût élevé du transport, le Hainaut, estiment-ils, ne pourra jamais espérer voir ses produits franchir la frontière de ce côté (101). Seule une union douanière avec la France portera remède au malaise qui tourmente l'industrie hainuyère. "Ce pays seul, écrit Corbisier (102), peut assurer à la Belgique une alliance commerciale réellement désirable. Son immense population, les belles voies navigables qui permettent d'y pénétrer promptement jusqu'à la ca pitale, l'ancienneté des rapports commerciaux, la similitude des moeurs, d'habi tude et de langage sont autant de raisons pour rendre cette alliance intime et durable. Tous les autres moyens qui ont été indiqués ne seront jamais que des pal liatifs. Cette opinion n'est point nouvelle. Elle est pour la Chambre de commercé le résultat d'une conviction profonde.

Le traité devrait être conçu sur une base large, présenter l'ensemble d'un système complet et recevoir du pouvoir législatif une sanction telle que la durée en fût assurée un nombre d'années considérable. Jusqu'à présent, les traités dé commerce conclus de nation à nation n'ont guère été que des traités de naviga tion proprement dits, stipulant les conditions mutuelles d'admission des pavillons dans les ports, les droits de pilotage, d'ancrage. On ne peut considérer comme de véritables traités de commerce ces modifications consenties de temps à autre. La Chambre de commerce voudrait que le traité consacrât de la manière la plus in définie le principe de l'union douanière. Quelques uns ont prétendu que par cette union la nationalité belge serait compromise. Mais c'est suivant nous au contraire ce qui doit la consolider de la manière la plus durable. Les regrets qu'excite un gouvernement déchu, les voeux que l'on forme pour son retour n'ont presque jamais d'autre cause que le froissement des intérêts commerciaux par les commotions poli tiques. Les Orangistes, qui ont quelquefois troublé la tranquillité des Flandres et les partisans de la réunion à la France n'auraient jamais pu inquiéter cette nationalité si l'incorporation à la Hollande d'une part et à la France de l'autre n'avait été présentée par eux comme l'unique remède propre de guérir tous les maux dont l'industrie se plaint depuis 1830. Le pouvoir des intérêts matériels est bien puissant puisque malgré les malheurs qu'entraînait alors la guerre européenne, Ch.4 73

il a fait regretter amèrement le temps où la Belgique était réunie à l'Empire, puisqu'il a fait regretter encore le temps où le Roi Guillaume blessait d'une ma nière si brutale notre honneur national et les intérêts moraux lés plus chers.

La réunion commerciale des deux pays est loin d'entraîner la réunion politique.

Que la prospérité agricole, industrielle et commerciale renaisse en Belgique et tous les habitants seront plus que jamais attachés à leur patrie. Il y a plus d'une industrie pour laquelle la position actuelle est intolérable et des hommes qui, malgré leurs efforts ne peuvent sortir d'une crise funeste sous l'or dre actuel sont bien prêts d'en désirer un autre. Beaucoup ont souffert en silence pendant que l'état de guerre pouvait modifier cette crise. Mais quel désespoir pourrait les saisir si elle se prolongeait au sein de la paix la plus profonde. Depuis 10 ans, le Gouvernement cherche les moyens de faire taire les cris de dé tresse que poussent les industriels, depuis 10 ans il a recueilli une foule d'avis, rassemblé une infinité de renseignements, fait des enquêtes, et le moyen n'a pas encore été trouvé".

Engagées à la fin août, les négociations franco-belges démarrent pour de bon le 10 septembre. Elles portent pour l'essentiel sur les fers ainsi que sur les fils et tissus de lin. A la demande notamment des patrons charbonniers montois, la question houillère n'est pas abordée. "Nous croyons qu'il serait extrêmement dangereux de solliciter aujourd'hui de la France une réduction du droit sur la houille, écrivent-ils (103). Notre opinion est le fruit d'une fâcheuse expérience..; Comme le gouvernement français ne procède jamais en semblable matière que par me sure générale, afin de satisfaire à la fois aux réclamations et aux exigences des différentes localités où la houille arrive comme matière première, la réduction que nous obtiendrions procurerait inévitablement à l'importation des houilles an glaises une réduction proportionnelle. Si maintenant une nouvelle diminution é- t.a'it consentie en faveur de l'Angleterre en même temps qu'on nous en accorderait à nous-mêmes, le marché de Paris, ceux d'Amiens, d'Arras et de Lille nous seraient infailliblement ravis aussitôt".

Les pourparlers apparaissent d'ailleurs rapidement compromis par la publicité malencontreuse qui leur a été donnée, ainsi que, selon le Roi, par l'in compétence des commissaires. "Nos délégués, écrit-il de Saint-Cloud à de Briey (104), semblent avoir mal préparé leurs dossiers et être mal informés des conditions tech niques d'un accord. Je suis bien peiné de leur manque de tact". Fin septembre, Ch.4 74

après plusieurs échanges de vues, les commissaires belges rentrent à Bruxelles.

6. La convention linière de 1842 et le traité de_1845^

La presse montoise suit attentivement le déroulement des pourparlers franco-belges de septembre 1841. La Gazette de Mons regrette amèrement l'abandon de l'union douanière au profit de quelques réductions tarifaires. "Il est douteux, écrit-elle (105), que nos députés réussiront à obtenir une diminution des droits d'entrée en France pour quelques uns de nos produits. La France exigera des compen sations. Une négociation établie sur ces données aura des résultats illusoires. Dans le cas d'un arrangement ne portant que sur certains articles du tarif, il y aura toujours une partie plus ou moins lésée. S'il s'agit de la réunion douanière, le gouvernement fait oeuvre utile. Mais s'il ne débat que quelques articles du tarif, sa démarche, inutile, peut être très préjudiciable à la Belgique". Le

Modérateur (106) émet un avis tout à fait différent: en l'absence d'une union dou anière, qui doit être, selon lui, l'oeuvre du temps, un accord commercial ne man que pas d'intérêt.

Reprise officiellement par Lehon au début de novembre 1841, la négo ciation piétine au moment où la France, inquiète du soudain développement des im portations textiles britanniques, décide le 26.6.1842 d'augmenter d'une manière générale son tarif douanier sur les fils et les tissus de lin. Elle propose à la Belgique d'en être exemptée, en échange de quelques concessions tarifaires sur les vins et les tissus de soie. Ce que la Belgique accepte le 16.7.1842 (107).

Le Conseil provincial hainuyer se réunit le 12.7.1842. Emettant un voeu favorable à la conclusion d'un arrangement avantageux pour l'industrie linière, il exprime, à la suite d'un amendement formulé par Pirmez, également le souhait qu'il ne compromette en rien l'avenir des autres branches économiques du Hainaut. Ce voeu est, en dépit de cette réserve, vivement combattu par Dupont, Maître de forges à Fayt, qui objecte que "la convention linière sera achetée au prix de toutes les concessions, de tous les avantages qu'il reste à la Belgi que à offrir en échange à la France pour obtenir d'autre faveurs réciproques. Après cela, il ne lui restera plus rien à offrir. Le gouvernement aura perdu ses

armes" (108). Ch.4 75

Ratifiée sans trop de difficultés par les Chambres belges (109), la conclusion de la convention linière est suivie par l'ouverture au début d'octobre 1842 de nouveaux pourparlers franco-belges. Ceux-ci sont cette fois menés par le Roi et par Van Praet. Léopold 1er s'oppose en effet à l'envoi des commissaires que Nothomb désirait, semble-t-il, nommer pour contrôler les initiatives royales. "Sans commissaires, écrit le Roi (110), on signait l'année dernière un bon petit traité, et même le meilleur ne peut être qu'un empêchement".

Même conduites par le Roi, les négociations s'avèrent très difficiles face à une "opposition violente des intérêts matériels" (111), à laquelle s'asso cient le Conseil général du département du Nord et les chambres de commerce de Lille, de Roubaix, de Tourcoing, de Valenciennes, de Condé, d'Abbeville, d'Amiens, d'Elbeuf et de Rouen. Le 15 novembre, le ministre belge des Affaires étrangères, qui est un proche de Léopold 1er, entreprend, sur les instructions du Roi, inco gnito le voyage de Paris (112).

Le Roi, Van Praet et de Briey rentrent bredouilles à Bruxelles dans la seconde quinzaine de novembre.

En avril 1842, se constitue, dans la capitale belge, un "Comité des industriels de Belgique", appelé aussi parfois "Comité de l'Industrie belge". Son objectif: étendre par la formation d'unions douanières les relations économi ques de la Belgique avec les pays limitrophes ou, dans le cas où cela ne serait pas possible, réclamer avec instance des mesures restrictives qui assureront au moins la conservation du marché intérieur à l'industrie belge. "Il faut à toute force que la Belgique parvienne à se faire ouvrir les portes chez les voisins ou qu'elle leur ferme les siennes" (113). Trois personnalités liées à l'industrie houillère montoise - F. Basse, F. Corbisier et A. Legrand-Gossart - figurent parmi les membres fondateurs de ce comité; Tercelin-Sigart, banquier à Mons, en est le trésorier; les exploitants du couchant de Mons lui octroieront en janvier 1843

un subside de 2.000 f (114).

L'échec des négociations avec la France contribue au remaniement mi nistériel du 16 avril 1843. Goblet succède à de Briey aux Affaires étrangères; Mercier et Dechamps remplacent Smits et Desmaisières aux Finances et aux Travaux pu blics. Il conduit aussi le nouveau cabinet à durcir, sous la pression d'une partie de Ch.4 76

l'opinion publique, son attitude à l'égard de la France, en exerçant des repré sailles sur elle et en se tournant vers l'Allemagne. Le 14.7.1843, les droits frap pant l'entrée des tissus de laine sont doublés au grand mécontentement de Roubaix, Tourcoing, Reims et Sedan; le 1.9.1844, un traité favorable aux exportations métal lurgiques est conclu avec le Zollverein; le 13.10.1844, les taxes sur l'introduc tion de machines, de tissus de coton, de produits chimiques et de fer blanc fran

çais sont augmentées.

Ce durcissement de la politique douanière belge vise à faciliter la négociation de la non remise en question de la convention linière, toujours pas ratifiée par les Chambres françaises, ainsi que celle d'une réduction du tarif français sur les houiller, et les places.

Sainctelette, secrétaire de la Commission des Exploitants du Couchant de Mons crie casse-cou: "Malencontreux arrêté du 14.7.1843! écrit-il (115). C'est par des négociations et non par une élévation de tarif que le gouvernement belge doit chercher à obtenir un traité de commerce avec la France. Je redoute les re présailles et je suis effrayé de voir les publiçistes belges, qui défendent l'ar rêté du 14.7.1843 et même ceux qui l'attaquent dire qu'en réduisant en 1837 le droit d'entrée sur les houilles, la France nous a retiré tous les avantages dont nous disposions. Ces écrivains ignorent donc que l'ordonnance de 1837 ne nous a retiré que la moitié de ces avantages. Ils ignorent donc que la libre entrée des charbons étrangers serait une mesure très populaire en France. Ils ignorent enfin que cette mesure, qu'à bien considérer, aucun gouvernement étranger ne pourrait même qualifier d'hostile, serait notre mort. Nous ne pouvons espérer que le gou vernement révoque demain une mesure prise hier. Mais nous devons chercher à pré venir l'aggravation du mal. Le gouvernement étant entré dans cette voie, on va ré clamer de lui la même mesure pour les bois, pour les glaces et pour d'autres in dustries mort-nées en Belgique. Le Couchant de Mons ne peut pas attendre pour se plaindre qu'il soit trop tard! Vous avez des relations en haut lieu. Faites qu'a près avoir compromis notre avenir, on ne puisse pas dire qu'on n'avait pas pensé que la France pouvait encore retirer quelque chose au Couchant de Mons".

De nouveaux pourparlers sont menés à Paris en octobre - novembre 1843 par Van Praet, toujours imposé par la volonté du Roi pour seul plénipotentiaire. Celui-ci bénéficie comme ses prédécesseurs de l'appui d'une campagne de presse (Globe, Courrier français, Le Siècle,...) financée par la Belgique, ainsi que de la diffusion en plusieurs milliers d'exemplaires de brochures rédigées à Bru

xelles (116). Ch.4 77

Paris réclame l'exemption du double droit imposé en vertu de l'arrêté royal du 14.7.1843 sur leurs tissus de laine. Bruxelles demande la suppression, étalée sur trois ans, du droit d'entrée français sur les charbons belges, ainsi que la non-réduction d'une quotité plus forte que celle pratiquée sur la frontière belge, des droits d'entrée sur le littoral entre Dunkerque et les Sables. Les né gociations échouent comme celles engagées l'année précédente.

Les contacts se renouent en octobre 1845. Dechamps et Malou ont suc cédé quelques mois plus tôt à Goblet et Mercier à la tête des départements des

Affaires étrangères et des Financés.

Loin d'assouplir leurs exigences, les Français lient cette fois la ratification par les Chambres de la convention linière de 1842, à la limitation à 2.000 t des importations de fils et de tissus de lin belges, ainsi qu'à la levée en faveur dé leur pays, des taxes décrétées par les arrêtés du 14.7.1843 et du 13.10.1844 et la réduction de 3 f 30 à 1 f 50 par t du droit d'entrée sur les charbons français. Leurs concessions se restreignent à quelques avantages au pro fit des houblons, des pierres d'Ecaussines et dés machines, ainsi qu'à une dimi nution d'1 f à 50 centimes par t du droit frappant les houilles belges à leur en trée en France par la Meuse, voie qui a perdu l'essentiel de son utilité depuis la concession de plusieurs chemins de fer.

Après plusieurs semaines d'âpres pourparlers, les Belges capitulent (117). Les ministres français ont rejeté "bien loin la réduction efficace sur les houilles" réclamée par Dechamps en échange des concessions belges relatives au lin (118). Ils argumentent que "pour satisfaire aux demandes des consommateurs dé charbons anglais, il y aurait dans ce cas nécessité d'abaisser immédiatement les droits sur cet article dans la même proportion que pour les charbons belges et que la perte pour le Trésor serait trop considérable, sans aucun avantage pour la Belgique, à cause de la concurrence" (119). Guizot, qui mène la délégation française, avait, dans un premier temps, laissé entendre qu'il n'était pas hostile à une réduction réciproque des droits sur la houille. Sa bonne disposition s'altè re subitement à la suite d'une intervention de la famille Périer, liée à Anzin, qui menace le cabinet de la perte de 8 voix lors du vote du traité (120). L'argu ment financier est alors invoqué pour repousser la demande belge (121).

Signée le 13.12.1845, la convention reste en vigueur jusqu'au 10.8.

1852. Ch.4 78

c. Le triomphe du libre-échange (1845 - 1870).

1. Son émergence U845 - 1849 ).

La combinaison Dechamps - Malou aux Affaires étrangères et aux Finan ces survit à la chute en mars 1846 de Van de Weyer. Il y a continuité en matière douanière jusqu'en août 1847.

La Chambre approuve la convention franco-belge du 13.12.1845 à l'issue d'un débat animé, le 6 juillet 1846 par 37 voix contre 22 et 2 abstentions (122).

Au début de décembre 1846, Ligne rencontre, à la demande de Dechamps, Guizot et Cunin-Gridaine, respectivement ministres des Affaires étrangères et du Commerce, à Paris. Il lui faut sonder leurs intentions sur la question du libre- échange qui commence à agiter une partie de l'opinion publique (123).

Dechamps s'inquiète des conséquences du nouveau système en matière charbonnière et métallurgique: "Notre premier intérêt est que l'on conserve le régime des zones, duquel découle pour les importations belges de houille et de fonte un privilège auquel elles ont une sorte de titre légal". Le Ministre déve loppe ensuite une doctrine qui sera plusieurs fois défendue par la suite. "On peut dire que la conservation du principes des zones, bien qu'elle ne soit pas inscrite dans le traité du 13.12.1845, fait en quelque sorte partie intégrante de ce traité, qu'est un droit acquis pour la Belgique" (124). Suit la réserve d'usa ge: "Le principe des zones étant respecté, il est évident que la Belgique trouve rait de l'avantage à une réduction proportionnelle des droits sur les différentes zones, si toutefois elle ne pouvait prétendre à l'avantage plus grand d'une réduc tion appliquée exclusivement ou dans une proportion plus forte sur la seule fron

tière belge".

Les ministres français répondent à Dechamps qu'ils ont adopté "une sorte de marche progressive entre les deux extrêmes constitués par les partisans du libre-échange qui demandent trop, et ceux du statu quo, qui né veulent rien céder". Ils lèveront "d'abord la prohibition sur les objets dont la concurrence ne peut nuire au commerce" et n'aborderont les autres matières qu'avec la plus grande prudence. Ils garantissent à la Belgique le maintien des zones et s'enga gent à insister au sein du Conseil des ministres, dans le cas où une réduction sur la houille et le fonte anglaises serait décidée, pour que la Belgique obtienne une diminution proportionnelle et conserve les avantages dont elle jouit présen tement (125). Ch.4 79

Au sein du premier gouvernement libéral, Dechamps est remplacé comme Ministre des Affaires étrangères par le luxembourgeois Constant d'Hoffschmidt. L. Veydt, futur directeur de la Société Générale, succède à Malou en tant que Ministre des Finances jusqu'au 18 juillet 1848, date à laquelle il cède son porte feuille à Frère-Orban, personnalité liée à la métallurgie liégeoise.

Jusqu'à la révolution de 1848, le nouveau cabinet n'aborde pas, sem ble-t-il, la question douanière avec les autorités françaises. N'est-elle pas ré glée en principe jusqu'en 1852?

Au cours des semaines qui suivent les événements de février, la rumeur se propage que le Gouvernement provisoire a l'intention de proposer à l'Assemblée nationale une révision complète du tarif douanier français, comprenant une dimi nution radicale des droits frappant les houilles, les fers et les machines. Le démenti du prince de Ligne (126) ne rassure qu'imparfaitement d'Hoffschmidt, qui reste convaincu "qu'il faut prévoir comme l'une des conséquences les plus directes et les plus certaines de ce qui se passe en France, que le tarif des douanes fran çaises subira de nombreuses et importantes réformes. Le nouveau gouvernement de la France va être amené à modifier profondément le système commercial en vigueur. Il ne pourra prendre sous son patronage le régime de prohibition et de restriction qui a jusqu'ici dominé. La cause principale qui a fait échouer toutes les tenta tives du gouvernement pour amener la conclusion d'un traité de commerce entre la Belgique et la France sur de larges bases a été la résistance des intérêts privés qu'un tel arrangement eût froissés en France. On peut se demander si ces intérêts trouveront aujourd'hui des organes aussi animés, si leurs réclamations auront le .. même poids et la même efficacité, si le gouvernement actuel poussera la condescen dance envers les industriels à privilèges au même point que le gouvernement pré cédent (127). Nous allons donc nous trouver dans une situation nouvelle. Beaucoup de questions sur lesquelles il nous avait été impossible de nous entendre avec le gouvernement précédent pourront être remises sur le tapis. Il faut mettre le temps à profit pour préparer le terrain et sonder les dispositions. Il est bon de faire dès aujourd'hui une étude des éléments qu'un arrangement devrait embrasser. Nos fils et tissus de lin, nos fontes, nos fers, nos houilles et notre bétail sont les plus importants. Il ne nous importe pas cependant seulement que le tarif français sur nos houilles et sur le produit de notre industrie métallurgique soit moins restrictif. Nous avons un égal besoin d'obtenir que nos charbons et nos fontes continuent à jouir à l'entrée de la France d'un traitement qui ne leur soit pas commun avec les produits similaires anglais. C'est là pour nous une question es sentielle" (128). Ch.4 80

2. Nouvelles démarches britanniques (1849 - 1850).

Le Gouvernement belge n'est pas le seul à songer à tirer parti de la situation politique nouvelle. A partir de septembre 1848, l'Angleterre reprend, avec l'aide des milieux industriels rouennais, ses démarches destinées à obtenir la suppression du traitement différentiel appliqué aux houilles étrangères en France (129). Elles sont facilitées par l'ouverture en septembre 1849 à Paris de pourparlers franco-anglais relatifs à la révision du traité de navigation de

1826 (130).

Les Britanniques tirent surtout argument de la réduction (décret du 4.9.1849) des droits de navigation sur la ligne de l'Escaut, qui conforte la po sition des houilles du Nord de la France et de Mons sur le marché de Rouen. L'équilibre des positions des différents bassins est ainsi, estiment-ils, modifié

(131).

Le 5 octobre 1849, Normanby, Ministre anglais à Paris, remet au gou vernement français une note réclamant la suppression du système des zones pour les houilles (132).

Van de Weyer à Londres confirme. Pàlmerston, qu'il a rencontré, n'a pas nié d'avoir chargé Normanby de présenter une note sur les zones, contraires selon lui, sinon à la lettre, du moins à l'esprit des traités en vigueur. En ce qui concerne l'exportation des houilles anglaises, la conviction de Pàlmerston est bien arrêtée: il n'est point de l'intérêt de l'Angleterre de trop l'augmenter. "Mais lorsqu'une députation d'extracteurs, présidée par un membre influent de la Chambre des communes, est justifiée dans ses démarches par les dispositions mêmes d'un traité et déclare qu'elle est profondément lésée par le tarif existant, il est difficile que le gouvernement britannique s'abstienne. Selon Pàlmerston, la Belgique n'a rien à craindre de ces représentations. Il existe en France trop d'intérêts locaux tout puissants auprès du gouvernement pour qu'il soit fait droit à la réclamation anglaise. En chargeant Normanby de demander l'abolition du tarif existant, Pàlmerston n'a fait que céder à des exigences parlementaires. Il s'at tend à recevoir une réponse négative. Après avoir satisfait à ce que la députation attendait de lui, il sera d'autant moins porté à renouveler sa réclamation que son opinion personnelle y est en quelque sorte contraire" (133).

Alertée par les renseignements que lui ont transmis plusieurs des principaux exploitants du Couchant, la Chambre de commerce de Mons a été la pre- Ch.4 81

mière à attirer, par l'intermédiaire de Sainctelette, l'attention du gouvernement belge sur les démarches anglaises (134). Sollicitée par les Montois, la Chambre de commerce de Charleroi écrit dans le même sens au Ministre des affaires étran gères (135). d'Hoffschmidt s'empresse de les rassurer (136).

Que fait le ministre, avec l'aide de F. Rogier à Paris ?

Comme de Tocqueville, ministre français des Affaires étrangères, a assuré à deux reprises n'avoir pas vu la note de Normanby, ils prennent le parti de paraître en ignorer l'existence. "La communication à présenter très prochaine ment au gouvernement français à l'occasion de la reprise des négociations commer ciales fournira tout naturellement l'occasion de développer tous les arguments à faire valoir pour assurer le maintien du statu quo. En agissant ainsi, c'est-à- dire en répondant à une note française qui a elle-même traité la question, la Belgique n'aura pas l'air de jeter un cri d'alarme, ce qui serait sinon dangereux, du moins prématuré" (137).

Lors de ces nouvelles négociations, on défendra à nouveau la doctrine avancée par Dechamps en décembre 1846 (138). "On peut diviser en deux catégories les produits belges qui jouissent à l'entrée en France d'un régime différentiel. Pour les uns - fils et tissus de lin - le tarif est établi par des stipulations expresses; pour les autres - houille et fonte - le tarif ne résulte pas d'un trai té formel. En échange, la France a obtenu des concessions sur les tissus de coton, de soie et de laine et sur les vins. Le tarif sur les fontes et les houilles re monte à 1816 et à 1822, c'est-à-dire à une période où lés deux pays se faisaient une sorte de guerre commerciale. Le régime des zones doit sa naissance à des inté rêts exclusivement français. La Belgique n'a pas à invoquer de titre résultant d'une convention internationale formelle. Mais il a toujours existé entre elle et la France, depuis que le souvenir des faits antérieurs à 1830 a été effacé, un engagement tacite, qui n'a pas été sans occasionner de véritables embarras au gouvernement belge, mais qui avait par contre l'utilité de lui assurer des avan tagés particuliers relativement à l'introduction en France des ses fontes et de

ses houilles".

Sur les conseils notamment des Chambres de commerce de Charleroi (139) et de Mons (140), C. d'Hoffschmidt et F. Rogier, considérant "qu'il y a plus de danger que d'avantage à porter le débat dans les journaux", prennent la décision "de ne pas prendre l'initiative de ce côté" (141). Ch.4 82

La Chambre de commerce de Mons a pris l'avis "de quelques grands in dustriels français habitant Paris et ayant des intérêts majeurs dans les houillè res belges. Ils disent qu'il ne se passe pas une semaine sans que les administra teurs des chemins de fer de Rouen et de Dieppe ne fassent publier des articles de journaux semblables, qu'ils ont peu d'importance et qu'une polémique serait plus dangereuse qu'utile" (142).

Le mot d'ordre est assez généralement suivi. Ne répondent à Paris au journal la Patrie, "feuille élyséenne", qui mène le combat en faveur de la suppres sion des zones, que quelques articles souvent rédigés par Burat et publiés par le

Constitutionnel ou le Moniteur industriel. La presse parisienne est dans son en semble, hostile aux intérêts houillers belges (143).

En Belgique, par contre, le journal l'Emancipation entreprend de ré pondre à la Patrie par plusieurs articles que reproduit la Gazette de Mons (144). d'Hoffschmidt, considérant la démarche de l'Emancipation comme très intempestive, intervient sur lés conseils de F. Rogier, auprès des présidents des chambres de commerce de Mons et de Charleroi "pour qu'ils utilisent leurs relations dans le but d'arrêter, s'il est possible, la suite de ces articles" (145).

La diplomatie belge s'attache également à se ménager des appuis. Thiers, lié à la Compagnie d'Anzin, est sollicité par F. Rogier (146), puis, à l'initiative de d'Hoffschmidt, par le Roi, qui lui adresse une longue lettre le 16.10.1849 (147). D'autres parlementaires français sont également approchés (148). Le ministre belge des Affaires étrangères convoque aussi Ch. Sainctelette pour lui demander d'intervenir auprès des houillères du Nord de la France et de.ses nombreuses relations parisiennes (149).

Sainctelette n'a pas attendu la démarche ministérielle pour agir. En tant que président d'une "Commission spéciale des trois bassins hainuyers" qui a mis à sa disposition un important budget (150), il a déjà effectué des démarches qu'il multiplie au cours des semaines qui suivent (151).

La position des milieux charbonniers montois est à ce moment très claire: "Toute modification au système actuel des zones, quelle qu'elle soit, ne peut être que fatale à la Belgique. Il n'est pas de combinaison qui puisse créer une modification utile aux intérêts belges. La discussion seule de la question

des zones les alarme au-delà de toute expression. Ch.4 83

"L'abaissement du droit sur les charbons anglais à 1 f 50 / t et même à 3 f / t enlèverait immédiatement aux bassins de Mons et de Charleroi l'important débouché de la basse Seine, de Paris et des environs, soit plus d'1 million de t. Cette mesure serait d'autant plus désastreuse pour Mons que l'ouverture du chemin de fer de Manage et l'abaissement du droit du canal de Charleroi ne laisseront bientôt plus à ce bassin d'autre débouché que la France" (152).

Pendant quelque temps, l'ambassade britannique à Paris paraît ne plus s'occuper de la note remise par Normanby. Cette attitude, conforme aux déclarations de Pàlmerston, rassure F. Rogier. Puis, brusquement, fin novembre, Normanby ré clame une réponse "prompte et satisfaisante" de la part du gouvernement français. Van de Weyér, envoyé aux nouvelles, rapporte que Pàlmerston n'a pas donné à Normanby pour instruction d'activer ies démarches mais que le "Board of Trade " attache la plus grande importance à la solution de cette affaire. Et Normanby, qui est lui-même du Nord, sait parfaitement combien les intérêts en sont lésés. Ces deux circonstances suffisent pour expliquer son activité" (153).

Les Anglais sont à ce moment en position de force. Ils viennent de modifier dans un sens apparemment libéral (154) leur législation relative à la navigation et proposent à la France de négocier sur cette nouvelle base une révi sion du traité qui régit en la matière leurs rapports depuis 1826. Des pourparlers commerciaux sont également prévus; (155).

A la fin janvier 1850, Normanby reçoit du gouvernement français com munication du projet de traité de navigation et de commerce. Celui-ci propose d'accorder "le traitement national, avec suppression de toutes espèces de droits et entraves existant sous quelque dénomination que ce soit, aux navires faisant 1'intercourse entre les deux pays ou entre l'un des pays et les colonies de l'autre, aux navires sortant avec chargement pour toute destination indistinctement, aux navires sur lest ou en relâche", ainsi que "le traitement de la nation la plus favorisée aux navires venant avec chargement d'un pays tiers" (156).

Le dernier acte de navigation britannique assimile le pavillon fran çais au pavillon anglais sans égards aux points de partance, tandis que la France n'accorde cette assimilation que pour 1'intercourse directe, c'est-à-dire pour les navires anglais partant d'Angleterre ou de ses colonies chargés de produits anglais ou coloniaux. Il apparaît vite qu'à aucun prix la France n'accordera l'as similation complète que l'Angleterre demande en échange de ce qu'elle a accordé elle-même. Les intérêts des armateurs français s'y opposent et ils sont trop Ch.4 84

puissants pour être sacrifiés. On craint donc que la compensation à laquelle a droit l'Angleterre ne soit trouvée dans l'abolition des zones (157).

Cette question provoque en août - septembre 1850 une réelle agitation en Angleterre. Des meetings sont organisés à Newcastle et à Sunderland, des péti tions sont adressées de toutes parts au gouvernement ainsi qu'à la Chambre des communes. La presse londonienne leur réserve un large écho. Le Daily News va jus qu'à affirmer que le système des zones a été établi en France par Louis-Philippe dans un intérêt de famille, immédiatement après le mariage de Léopold 1er et de Louise-Marie. A l'origine de cette vaste campagne se trouve la volonté des exploi tants houillers de Newcastle de forcer, au moyen notamment d'un effort financier tout particulier (158), la décision (159).

En France, le lobby rouennais suit le mouvement en organisant à nou veau une campagne de presse et un pétitionnement (160).

Cette recrudescence dés efforts de l'adversaire inquiète la diploma tie belge. Plus que F. Rogier ou C. d'Hoffschmidt, Carolus, secrétaire de la lé gation à Paris, et Lambermont, directeur du Commerce extérieur au Ministère belge des Affairés étrangères, mènent le jeu. "L'affaire des zones prend une mauvaise tournure, écrit Carolus à Lambermont, le 9.11.1850 (161). Je ne sais si Rogier approuvera une lettre assez vive que je lui soumets à ce sujet. Ma conviction est qu'il est du devoir du Gouvernement de dire à la Chambre que le ministre belge à Paris n'est pas en position financière de défendre convenablement les intérêts nationaux menacés. Il faut également dire leur fait aux industriels belges. Voyez ce qu'on fait les Anglais pour pouvoir obtenir la suppression des zones!"

Se rendant à l'avis de son secrétaire, F. Rogier demande à C. d'Hoff schmidt de convoquer en son cabinet des représentants des bassins houillers con cernés pour les inciter à intensifier leurs efforts: ce que fait le ministre en recevant dans le courant de la seconde quinzaine de novembre, Sainctelette et Wautelet, respectivement présidents dès Chambres de commerce de Mons et de Char leroi. Ceux-ci s'engagent à entamer d'activés démarches: 1) auprès des charbon nages du Nord, de Saint-Etienne et du Centre de la France; 2) "auprès de de Roth schild, du général de Cavaignac et d'autres capitalistes français propriétaires ou copropriétaires de houillères situées en Belgique"; 3) "auprès des sociétés concessionnaires des canaux qui conduisent de la frontière belge à Paris, dont les transports seraient anéantis par l'abolition des zones; 4) auprès de la Com pagnie du Chemin dé fer du Nord dont les intérêts sont intimement liés à la pros- Ch.4 85

périté des houillères du Nord de la France et du Hainaut; 5) auprès du batelage français sur les mêmes voies, lequel a des organes spéciaux à Paris, le Journal de la Marine (162) entre autres; 6) auprès des commettants électoraux des députés du Nord et spécialement de ceux de Dumas, ministre du Commerce et de de la Hitte, ministre des Affaires étrangères". Sainctelette promet en outre d'effectuer per sonnellement plusieurs voyages à Paris et vers d'autres régions de la France (163).

Pendant que F. Rogier reprend contact dans la capitale française avec J. de Rothschild, C. Périer et A. Thiers (164), C. d'Hoffschmidt sollicite le Roi d'écrire à nouveau à ce dernier (165). Ce que Léopold 1er fera le 13.11.1850 (166).

3. Les conventions franco - belges de 1852.

Soumis à des pressions divergentes, Paris ajourne sa décision par l'ouverture d'une enquête sur la situation de l'industrie houillère française et sa capacité à satisfaire aux besoins charbonniers de la France. Suit quelque temps après la démission de de la Hitte et de Dumas, ministres des Affaires étrangères et du Commerce, que le journal parisien, l'Ordre, attribue à leur refus d'abolir les zones (167).

Sainctelette et Wautelet ne sont pas restés inactifs. Une réunion des exploitants charbonniers des trois bassins du Hainaut, organisée à leur initiati ve, décide l'envoi, dans le cadre de l'enquête organisée par le gouvernement fran çais, de délégués auprès des Chambres de commerce françaises dont les produits pourraient être frappés par des mesures de représailles (168). Cette mission est

confiée à deux fils de Sainctelette, Charles et Emile.

La majorité des chambres de commerce françaises ont apporté leur ap pui à la demande des Rouennais. Quelques-unes seulement restent partisans du sta tu quo (169). Charles Sainctelette fils, envoyé à Bordeaux, qui a opté le 15.10. 1850 pour le point de vue de Rouen, parvient à convaincre la Chambre de commerce de cette ville d'envoyer un nouveau mémoire favorable cette fois à la thèse belge; on s'empresse de 1'imprimer sous forme de brochure à Mons, avant de lui assurer une large diffusion en France (170). Parallèlement, Emile Sainctelette se rend à Reims et à Châlons-sur-Saône où il obtient le même succès que son frère à Bordeaux. La chance lui est moins favorable à Lyon, dont les commerçants craignent davanta ge les représailles de l'Angleterre que celles de la Belgique vis-à-vis de leurs

soieries et de leurs vins (171).

J. de Rothschild et C. Périer, que F. Rogier rencontre, sont inquiets. Ch.4 86

Périer considère comme "moralement impraticable que le pouvoir exécutif actuel tranche,ainsi que l'aurait fait la Monarchie, la question par un simple décret pris dans l'intervalle des sessions de la Chambre. Ce qui lui semble possible, par contre, c'est que Normanby finisse par obtenir que la concession poursuivie avec tant d'insistance fût comprise dans les stipulations du traité qui se négocie à Londres. Il n'y a aucun doute pour lui que, le cas échéant, l'Assemblée légis lative n'accepte le fait accompli. Là est le véritable danger" (172).

Loin de s'amoindrir, la pression rouennaise s'intensifie dans le cou rant de mars 1851. Le Conseil général du département de la Seine-Inférieure doit se réunir extraordinairement pour se prononcer sur l'utilité d'un embranchement vers Caen du chemin de fer Paris - Rennes. Autorisé à traiter les affaires urgen tes, le Conseil départemental abordera de toute évidence la question des zones, dont parlent abondamment depuis plusieurs semaines les quatre journaux publiés à Rouen, toutes nuances politiques confondues (173). Cette campagne de presse s'ac compagne d'un pétitionnement qui déborde largement la région. Un texte imprimé est soumis dans toutes les localités du littoral à la signature des commerçants, armateurs, manufacturiers, marins et ouvriers locaux. Michel Chevalier, le célèbre économiste, apporte son appui au mouvement par une série d'articles dans le Jour nal des Débats et la Revue des Deux Mondes. A l'Assemblée nationale, la députation de la Seine-Inférieure devient de plus en plus remuante (173).

Dans le but partiellement d'écarter la menace d'une abolition du sys tème des zones, le gouvernement belge propose à la France à la mi-avril 1851 d'en gager de nouveaux pourparlers. "Le moment est venu d'ouvrir avec la France des négociations commerciales, estime le ministre belge des Affaires étrangères (174). L'arrivée au pouvoir d'un cabinet définitif composé d'hommes dont les doctrines économiques nous conviennent sous beaucoup de rapports, la possibilité de voir la question des zones bientôt portée à la tribune parlementaire, des raisons qui tiennent à notre situation intérieure rendent toute naturelle cette détermination. Je vous autorise en conséquence à proposer officiellement au gouvernement fran çais de commencer la négociation de 1'arrangement destiné à préparer la proroga tion de là convention du 13.12.1845. J'approuve l'idée de procéder par conférence. Ce que je désire surtout, c'est que la négociation marche lentement et discrète ment". Au Roi, auquel il fait rapport, C. d'Hoffschmidt déclare (175): "La négo ciation actuelle, et c'est ce qui la distingue de celles qui ont abouti aux con ventions de 1842 et de 1845, est dominée par une question, celle des zones. Il y a de ce côté un danger que nous avons réussi jusqu'ici à écarter mais qui pourra finir par nous déborder". Ch.4 87

Le gouvernement français fait vite savoir que deux concessions condi tionnent le renouvellement de la convention de 1845: .1) la refonte des droits d'accise et d'octroi belges sur les vins et eaux-de-vie; 2) la suppression en Bel gique de la contrefaçon littéraire. Sur ce dernier point, les Français souhaitent tout particulièrement obtenir satisfaction (176).

Le cabinet belge accepte sans difficultés de sacrifier 1'industrie de la contrefaçon à la condition que soit explicitement garanti dans le traité le maintien sinon de la différence, au moins de la proportion existant entre les di vers droits douaniers frappant l'entrée des charbons étrangers en France. Pour lui "il y a une connexité étroite entre la question des zones et celle de la contre façon" (177).

Cette connexité, les Français se refusent à l'admettre. "Une pareille stipulation écrite dans un traité n'est pas possible, déclarent-ils à F. Rogier (178). Elle mettrait le gouvernement français dans une position tellement fausse vis-à-vis du gouvernement anglais que le traité ne serait pas signé de deux mois que le Cabinet de Paris se verrait obligé d'en poursuivre la résiliation. Mainte nant, disent-ils, ils peuvent soutenir à l'Angleterre que c'est dans un intérêt purement national qu'ils maintiennent le système des zones. Il n'en serait plus de même, s'ils enchaînaient leur liberté d'action au profit de la Belgique".

Avant de poursuivre, C. d'Hoffschmidt s'enquiert des desiderata des principaux intéressés par une démarche tendant à leur montrer que le cabinet "ne s'endort pas sur le dossier" (179). Envoyé à Mons et à Charleroi, Carolus, le se crétaire de la légation belge à Paris, rencontre les 26 et 27.11.1851, à la Cham bre de commerce de ces deux villes, des délégations des exploitants charbonniers montois et carolorégiens. A Mons, Ch. Sainctelette (Levant du Flénu) est entouré d'A. Cardinal (Produits), de F.Corbisier (Hornu et Wâsmes), de N. Quenon (Belle et Bonne), et de E. Rainbeaux (Grand Hornu). A cinq, "ils représentent près de la moitié de la production de houille du Couchant de Mons". Ils formulent le désir de voir inscrite dans le traité une stipulation garantissant le maintien du régi me des zones, souhait qu'ils confirment dans la lettre qu'ils adressent ensuite au ministre belge des Affaires étrangères (180).

Les négociations qui s'engagent à Paris le 21.2.1852, sont menées du côté belge par F. Rogier, auquel le gouvernement adjoint Ch. Liedts. Là question de l'inscription dans le traité de la garantie précitée n'est abordée que le 26. 6.1852, au cours de la dixième conférence: "Pour nous conformer aux désirs de la Ch.4 88

France, déclare F. Rogier à Turgot, Ministre français des Affaires étrangères, nous venons de discuter longuement et de déposer une à une les bases de la conven tion littéraire. Le moment est venu pour nous d'apprécier les équivalents sur les quels la France nous a autorisés à compter". Le refus du cabinet français est catégorique (181).

Après avoir demandé des instructions à Bruxelles (182), les commis saires belges présentent, lors d'une onzième conférence tenue le 28.6.1852, en l'absence de Turgot, retenu par une indisposition, une nouvelle proposition: "Si des modifications aux droits sur l'entrée des houilles en France par les zones viennent à altérer la situation actuelle au détriment des intérêts belges, il suf fira de la simple déclaration du gouvernement belge pour que, dans un délai de un mois, le traité soit considéré comme résilié", de Lesseps, qui remplace Turgot, se charge de transmettre cette nouvelle base de discussion au Ministre des Affai res étrangères (183).

Le 1.7.1852, Turgot fait savoir aux négociateurs belges que "la France ne saurait à aucun prix enchaîner à l'égard de la question des houilles sa liber té de mouvement. A aucun prix!" (184).

En présence du refus français d'inscrire dans le traité la garantie sur les zones et de son exigence à obtenir la convention littéraire pour la seule reconduction du traité de 1845, C. d'Hoffschmidt quelque peu désemparé, soumet le problème au Conseil des ministres, le 1.7.1852: faut-il continuer à réclamer la connexité? Profondément divisé sur l'attitude à adopter, le gouvernement belge demande le 9.7.1852 à Turgot, par l'intermédiaire de d'Hoffschmidt, le report de toute décision au début de l'année suivante, tout en souscrivant à une prorogation provisoire du traité de 1845 jusqu'au 1.1.1853. Turgot répond le 10.7 à F. Rogier qu'il ne peut être question de prolonger d'un seul jour celui-ci, à moins que la Belgique n'accorde en même temps, et sans contrepartie, la convention littéraire

(185).

L'arrogance française provoque la colère du cabinet belge, qui jugé "tout à fait inadmissible la double condition mise à sa grande surprise par Turgot à la prorogation" (186), et ordonne aux négociateurs belges de s'en tenir à la position adoptée jusque là: abandon de la contrefaçon contre une garantie sur les houilles (187). Nouvelle réponse française: l'abandon de la contrefaçon littérai re conditionne la prolongation du traité de 1845 pendant six mois; elle n'énonce aucune stipulation en faveur des houilles belges ni autres compensation (188). Ch.4 89

Réuni sans le Roi le 29.7.1852, le Conseil des ministres belges main tient son refus de souscrire aux exigences françaises (189). Il est cependant profondément divisé. Contrairement à la plupart de ses collègues, Frère-Orban est hostile au renouvellement, surtout aux conditions précitées, du traité avec la

France (190).

Le bassin industriel de Liège, dont l'Allemagne et la Hollande cons tituent les principaux débouchés, envisage froidement une rupture avec la France, de Seckendorf, Ministre de Prusse à Bruxelles, menace de représailles en cas de remise en vigueur, même provisoire, du traité de 1845. Il est en position de le faire. Sous la pression de la métallurgie allemande, le Zollverein a dénoncé à son échéance en 1849 le traité conclu pour cinq ans, le 1.9.1844 avec la Belgique; il consent à sa prorogation à la condition sine qua non que soient réduits les avantages concédés sur les fers et que des faveurs nouvelles ne soient plus ac cordées sur les houilles par exemple. Désespérant de vaincre le refus allemand et préférant plutôt profiter de demi-faveurs que de renoncer aux avantages résultant du traité du 1.9.1844, le gouvernement belge s'est résigné à signer le 18.2.1852 une convention bien moins avantageuse que celle conclue huit ans plus tôt. L'arrangement entre la Belgique et l'Allemagne en février 1852 expire le 1.1.1854 et n'a donc qu'un caractère provisoire. La non-prorogation du traité franco-belge de 1845 doit faciliter l'ouverture de nouvelles négociations avec l'Allemagne puisqu'elle libère la Belgique de l'obligation de lui accorder des concessions équivalentes à celles données à la France (191).

Encouragé par le Roi, le gouvernement se résigne le 9.8.1852 à céder aux exigences françaises. La convention littéraire et la prorogation pour six mois du traité de 1845 sont signées à Saint-Cloud le 22.8.1852. Mis en minorité au sein du conseil, Frère-Orban démissionne en tant que ministre des Finances.

Dès l'ouverture des nouveaux pourparlers destinés à jeter les bases d'un arrangement pour le 1.1.1853, il apparaît clairement que la France n'entend discuter que de la prorogation pure et simple du traité de 1845. Pas question pour elle d'accorder un quelque autre avantage voire une garantie sur les houilles.

Bien plus, elle annonce d'emblée que, en cas de rejet de sa proposi tion, elle augmentera d'1 f 50 par t son droit d'entrée sur la houille belge et envisagera un abaissement radical des charges sur les charbons anglais. Sans at tendre, Loùis-Napoléon met cette menace à exécution: il double le 14.9.1852 (193) la taxe douanière sur la houille belge et ordonne à Drouyn de Lhuys, qui a succé- Ch.4 90

dé à Turgot comme ministre des Affaires étrangères, d'engager des négociations avec l'Angleterre dans le but de troquer une diminution sur les houilles britan niques contre des avantages pour les soieries et vins français (194).

Avec l'appui de la Chambre de commerce (195) et de la presse locale (198), les exploitants charbonniers montois ont fait connaître au gouvernement, par la voie notamment d'une pétition au Parlement (197), leur désir de voir triom pher une ligne de conduite modérée, excluant la non ratification dé la convention littéraire ainsi que l'augmentation des droits en vigueur sur les soieries et vins français. "Quelques journaux belges demandent des mesures de représailles, écrit la Gazette de Mons (198). Ils vont trop loin. C'est faire du courage à bon marché. Si les hommes, qui conseillent la guerre des tarifs, avaient le même intérêt que les habitants du Hainaut au maintien de relations amicales avec la France, ils y regarderaient à deux fois avant d'entraîner une lutte.ruineuse. Nous ne savons pas où cela pourrait nous mener. Une rupture complète avec la France serait un véri table désastre".

Le ministère belge se retire le 26.9.1852, officiellement à la suite de l'échec du candidat qu'il soutient à la présidence de la Chambre (199). En fait, l'attitude agressive de Louis-Napoléon a achevé de décourager Ch. Rogier, qui avait accepté de poursuivre les négociations avec la France après le départ de Frère. Liedts, gouverneur du Hainaut, qui a mené à Paris les pourparlers en compagnie de F. Rogier, succède le 17.9.1852 comme ministre des Finances à Frère, dont la démis sion est cette fois acceptée. Le 27.9 figurait à l'ordre du jour de la Chambre un rapport de C. d'Hoffschmidt sur les négociations avec la France... (200).

Le Roi pose comme condition à la formation de toute nouvelle équipe gouvernementale l'engagement par celle-ci de reprendre et de conduire à bonne fin les pourparlers avec Paris. Ce qu'acceptent H. de Brouckere (201) qui succède à C. d'Hoffschmidt comme ministre des Affaires étrangères et Ch. Liedts qui conserve le portefeuille des Finances. Le 9.12.1852, le chef du nouveau cabinet signe avec de Bassano, représentant du gouvernement français à Bruxelles, un accord comprenant la remise en vigueur des dispositions de 1845 jusqu'à' la conclusion d'un traité définitif, la ratification de la convention littéraire et la suppression du décret français du 14.9.1852 relatif aux houilles et aux fontes. Le jour même, de Brouckere dépose le projet de loi qui ratifiera l'accord en question. La Chambre le vote le 25.12 par 62 voix contre 8 et 16 abstentions; le Sénat, le 29.12 par 35 voix contre

3 et 6 abstentions (202). Ch.4 91

4. Le traité du 21.3.1854.

La négociation du traité prévu par l'accord du 9.12.1852 est immédia tement engagée. Les pourparlers ont lieu à Bruxelles directement entre de Brouckere et de Butenval, qui a succédé à de Bassano. Dans la note préalable qu'il remet le 21.2.1853 au représentant français, de Brouckere demande des précisions, avant l'ouverture de toute discussion, sur les desseins du gouvernement français: s'en tiendra-t-il au cadre de 1845 ou désire-t-il l'extension des concessions faites à l'époque de part et d'autre. Il s'enquiert aussi s'il compte inclure dans le corps du traité une clause garantissant implicitement le maintien des zones telles qu'elles existent à ce moment.

Le cabinet français laisse cette note sans réponse. Inquiet, de Brouckere renouvelle sa demande le 20.4.1853. Il n'obtient les renseignements de mandés que.lé 12.6.1853. La France, tout en accueillant favorablement. 1'idée d'é tendre les stipulations du traité de 1845, maintient son refus de garantir le maintien des zones (203).

de Brouckere revient à la charge le 3.7.1853 en proposant d'ajouter au traité un article qui laisse à la Belgique la faculté de le résilier dans le cas où les droits français relatifs aux houilles et fontes anglaises seraient mo difiés, sans que la réduction fût proportionnellement étendue aux produits belges de même nature. Le ministre assortit sa demande d'un chantage à peine déguisé. Ou bien la France accepte ses conditions et son cabinet a des chances de conser ver la majorité à la Chambre. Ou bien elle les refusé et provoque ainsi sa chute et son remplacement par un gouvernement pro-allemand (204).

En Belgique, le lobby liégeois, dont Frère-Orban est le principal porte-parole à la Chambre s'agite intensément. La Tribune de Liège, appuyée par des journaux bruxellois comme l'Emancipation et l'Observateur, mène une campagne de plus en plus agressive (205), que ponctue la diffusion de brochures (206). Le tout débouche sur une polémique avec la presse hainuyère que soutiennent quel ques feuilles de la capitale dont le Journal de Bruxelles (207).

Sensible à l'argumentation développée par de Brouckere, la France ac cepte le 29.9.1853 de reconnaître à la Belgique la faculté de dénoncer le traité en cas de modification au régime des zones (208). Cette nouvelle base de discus sion ne fait cependant pas l'unanimité au sein du gouvernement belge. Si elle sa tisfait de Brouckere, qui considère qu'on ne pouvait pas demander plus à la France "alors que les exploitants charbonniers belges élèvent leur prix et qu'en Belgique Ch.4 92

même on s'agite pour obtenir la réduction des.droits sur les houilles et les fon tes étrangères" (209), elle mécontente Liedts, ministre des Finances, pour qui "le statu quo vaut mieux que l'arrangement proposé. Le statu quo donne implici tement à la Belgique la garantie des zones. La nouvelle convention la lui enlève. Or, aucune autre concession ne peut avoir pour la Belgique la valeur de cette ga rantie. On aura tué la contrefaçon sans avoir obtenu la garantie des zones" (210).

Telle est la disposition des esprits quand Napoléon III décide le 22. 11.1853 d'abaisser, sans avertissement préalable, au moment où les négociations franco-belges redémarrent à Bruxelles, de 5 f à 3 f par t les droits douaniers sur les houilles anglaises entre les Sables et Dunkerque (211). H. de Brouckere témoigne sans tarder de son mécontentement au gouvernement français. "L'opinion publique est très excitée. La presse qu'il avait réussi à maîtriser va échapper à son contrôle" (212). Perplexe, le ministre prend l'avis des chambres de commerce du Hainaut sur l'orientation à donner aux pourparlers. Faut-il dénoncer la conven tion du 9.12.1852, ce qui replacerait la Belgique dans la situation antérieure, ou traiter sur la base du statu quo nouveau, c'est-à-dire la conservation de la convention de 1845 avec maintien d'une prime différentielle de 16,5% pour les houilles belges et faculté de dénoncer l'arrangement si ce statu quo venait à être

altéré? (213)

Les Chambres de commerce de Mons et de Charleroi ne présentent plus cette fois la même unanimité. Alors que les Montois conseillent de traiter sur la base du statu quo "nouveau" provoqué par le coup de force de Napoléon III, les Carolorégiens préfèrent ne pas se prononcer et "s'en remettre à la prudence du gouvernement". Ce qui importe à ce moment essentiellement au bassin de Charleroi c'est la conquête du marché national, à l'aide notamment d'une réduction des péa ges sur le canal de Bruxelles (214). Troye, le gouverneur de la province, recom mande pour sa part au cabinet l'adoption d'une politique rigoureuse à l'égard de la France. "Même si l'on désire que lés houilles de Mons bénéficient du traite ment le plus favorable possible, il est bon, écrit-il (215), de ne pas s'effrayer outre mesure en envisageant la situation sous un aspect plus sombre qu'elle n'est en réalité. Sans doute, il serait fâcheux que la convention de 1845 ne fût pas renouvelée et que la Belgique fût replacée vis-à-vis de la France dans le droit commun. Mais la crainte qu'éprouvent les charbonnages du bassin de Mons est exa gérée. Il serait inopportun de conseiller de faire sous cette inspiration du mo ment des concessions exorbitantes au détriment d'autres industries ou des consom

mateurs belges". Ch.4 93

Approuvé par le conseil des ministres belges le 24.12.1853, le projet de traité franco-belge sanctionnant le maintien du statu quo est signé par de Brouckere et Barrot, le 28.2.1854. La Chambre le vote le 1.4.1854 par 65 voix contre 15 et 2 abstentions, au terme d'une discussion de quatre jours en comité secret; le Sénat le ratifie à son tour le 6.4.1854 par 27 voix contre 10 et 1 ab stention. Entériné par la loi du 12.4.1854, le traité est d'application jusqu'au

12.5.1859 (216).

5. Nouvelle orientation de la politique douanière bej.geA

Ce serait présenter sous un faux jour la libéralisation de l'entrée des charbons anglais en France, décrétée en novembre 1853 par Napoléon III, en la présentant comme l'expression d'une attitude agressive à l'égard de la Belgique. Si le choix du moment est peut-être lié à la proximité de l'ouverture des pour parlers franco-belges, elle est provoquée essentiellement par la hausse exorbi tante des prix charbonniers. En dépit d'une augmentation très sensible de la pro duction, il y a à cette époque pénurie de houille sur le continent. L'industrie métallurgique, qui bénéficie de la relance de la construction ferroviaire est à l'origine de commandes extraordinaires, à un moment où, en raison d'une hausse tout aussi excessive du fret maritime résultant de la guerre de Crimée et d'une crise frumentaire, les charbons anglais fort demandés également dans leur propre pays, ne sont plus expédiés de l'autre côté de la Manche.

La pénurie ainsi que l'envolée des prix du charbon mécontentent vive ment les industries grandes consommatrices de houille. Les patrons textiles gan tois et verviétois ainsi que. les sidérurgistes liégeois et carolorégiens militent activement pour la libre entrée des houilles étrangères. Plusieurs organes de presse influents les soutiennent: le Messager de Gand, l'Indépendance, le Journal de Liège, l'Union libérale de Verviers... (217)

Les milieux économiques, qui font pression à partir de 1853 - 1854 pour obtenir la libre entrée des houilles étrangères bénéficient de l'activité à nouveau déployée à cette époque par le mouvement libre-échangiste. A l'Association belge pour la liberté commerciale, rapidement gagnée par la léthargie après sa constitution en septembre 1846 (218), succède en septembre 1855 une Société belge d'Economie politique, qui donne naissance en février 1856 à l'Association belge pour la réforme douanière. Ce dernier groupement, qui dispose d'un organe de pres se particulièrement combatif, l'Economiste belge, développe par ses publications ainsi que par ses congrès et meetings une intense propagande en faveur des idées Ch.4 94

libre-échangistes et, en particulier, pour ce qui concerne la libéralisation de l'entrée en Belgique des charbons étrangers (219).

Le mouvement libre-échangiste bénéficie à Mons de l'appui de la Gazette (220) et de celui de Charles Le Hardy de Beaulieu (221), professeur à l'Ecole des Mines de la province. Un comité local, présidé par celui-ci et dont L. Wyvekens, professeur de mathématiques à l'Athénée, est le secrétaire, y déploie quelque activité à partir de novembre 1855 (222).

La conjugaison de l'action de ces deux groupes de pression non néces sairement complémentaires - industries textile et sidérurgique, mouvement libre- échangiste - conduit le gouvernement de Brouckere - Liedts à proposer, le 15.12. 1853, la réduction sur la frontière maritime de 13 f 40 à 1 f 40 par t du droit d'entrée sur les houilles étrangères, et ceci au moment où il oeuvre pour le main tien des zones en France. Bien accueillie par les Chambres en raison de son carac tère provisoire, la loi du 31.12.1853 prorogée régulièrement au cours des années qui suivent, apparaît rapidement comme définitive (223).

Cette libéralisation de l'entrée en Belgique des houilles étrangères ne s'effectue pas sans protestations de la part des milieux concernés. Une Asso ciation pour la défense du travail national est mise sur pied pour combattre la propagande de l'Association belge pour la réforme douanière. Appuyée par plusieurs journaux catholiques - le Journal de Bruxelles et le Courrier de l'Escaut, par exemple - elle dispose de son propre organe de combat, l'hebdomadaire L'Economie (224) qui fait désormais pendant à 1'Economiste belge.

L'opposition aux mesures gouvernementales n'est en définitive menée que par les exploitants houillers des bassins de Mons et du Centre. Alors que ceux de Charleroi poussent pour des motifs que nous explicitons plus loin, à l'abais sement des droits douaniers sur les houilles étrangères, ceux de Liège limitent leur action à la signature du mémoire que leurs collègues de Mons et du Centre leur soumettent le 7.12.1853, au nom d'un "Comité central des houillères belges"

(225).

Les patrons charbonniers liégeois et carolorégiens sont moins menacés par la mesure que ceux de Mons et du Centre. Ils n'ont pas les mêmes raisons de redouter l'entrée des houilles anglaises, écrit Sainctelette (226). A Liège et à Charleroi, lés plus grands consommateurs de houille sont les plus proches voisins Ch.4 95

des mines. Il y a là une clientèle considérable dont la possession leur est assu rée. Dans le Couchant de Mons et même dans le Centre, la consommation locale est sans importance aucune, les mines y sont frappées dans leurs conditions d'exis tence". "Un fait surtout a préoccupé les Liégeois et les a engagés à se rendre avec empressement à l'appel qui leur a été adressé: l'achèvement du canal de la Meuse à l'Escaut. En 1851, on le présentait comme devant mettre le bassin de Cho- kier en communication avec Anvers et le bas Escaut. Le gouvernement d'alors ne laissait échapper aucune occasion d'encourager les espérances des houilleurs lié geois de partager avec Charleroi la clientèle d'Anvers. Les temps sont depuis changés. Le canal doit amener aujourd'hui les houilles anglaises d'Anvers à

Liège...."

Les patrons charbonniers carolorégiens poussent à la libre entrée des houilles anglaises dans le but d'obtenir à titre de compensation, une réduction radicale des droits de navigation sur le canal de Charleroi. "Les producteurs houillers belges sont dans une position où ils n'ont plus besoin de protection douanière, disent-ils. L'abaissement du tarif ne peut en rien leur nuire, mais simplement poser une limite à l'exagération des prix. On doit reconnaître qu'on ne peut se refuser à donner une garantie quelconque à l'industrie du pays contre l'élévation exagérée de ceux-ci. La progression constante des prix depuis quelques temps rend cette garantie indispensable. L'abaissement des droits d'entrée donne cette garantie. Mais pour être conséquent avec lui-même, le gouvernement doit opérer une réduction sur les péages des canaux. Il serait dérisoire, en effet, alors que l'on dégrève les droits sur la matière première venant de l'étranger afin de favoriser l'industrie nationale que l'on conserve les taxes qui pèsent à l'intérieur sur les produits similaires du pays" (227).

Réunis au sein d'un même comité (228), les exploitants charbonniers de Mons et du Centre combattent d'octobre à décembre 1853 pour obtenir, avec l'ai de de la Chambre de commerce de Mons (229) et de la presse locale (230), que la réduction proposée par le Gouvernement soit limitée à la moitié du montant en vi gueur (6 f 70 au lieu de 13 f 40 par t") . Confrontés à l'inanité de leurs efforts, ils finissent par se rallier à la diminution projetée, à la condition que celle- ci soit accompagnée d'une réforme de l'octroi et ne soit valable que six mois (231)

Leur argumentation a souligné la nécessité de ne pas exposer leurs bassins à la perte des marchés qui leur restent encore en Belgique. "Le Couchant, dit Sainctelette fils, tient à y conserver quelques clients. En 1839, 48% de sa production s'y écoulait; ce pourcentage tomba à 29% en 1850; l'entrée en Belgique Ch.4 96

de 200.000 t de houille anglaise le réduirait à 15%. Lés charbons anglais sont favorisés par un prix de revient de loin inférieur à celui des produits belges. Les veines, beaucoup plus riches, sont facilement exploitées en raison de la fai ble inclinaison des galeries et de la solidité des terrains, qui permet d'y effec tuer les travaux presque sans bois de soutènement. Le marché général de l'Angle terre étant de 6 à 7 fois plus considérable que la production totale de la Belgi que, les exploitants anglais peuvent, en vue d'un marché spécial, consentir à des sacrifices que les exploitants belges ne pourraient accepter. 500.000 t de houille envoyées dans l'Escaut, représentent pour la Belgique l/13e de la production to tale et pour l'Angleterre seulement l/80e. L'industrie houillère s'appuie en An gleterre sur une consommation intérieure de 30.000.000 t, dont elle a seule la clientèle. C'est là ce qui lui permet de modifier ses prix sur les marchés étran gers selon la nécessité de la concurrence. En Belgique, la consommation intérieure n'atteint pas 4.000.000 t. Et sur ce marché déjà si restreint, on veut appeler les houilles anglaises!" (232)

Il est d'ailleurs peu rationnel, estiment les exploitants charbonniers montois, de passer si brusquement d'un régime prohibitif à un système "qui touche de si près à la liberté absolue". Et ceci à un moment où la prospérité des char bonnages, liée à la demande de la sidérurgie et à la cherté du fret maritime, est tout accidentelle. La mise en pratique du libre-échange doit avoir lieu par des abaissements successifs, graduels et opérés après avertissement à des époques fi

xées à l'avance (233).

Enfin, comment réclamer encore de la France le maintien des zones alors qu'on livre le marché belge à l'industrie anglaise! "Réduire ici le droit d'entrée sur les houilles à 1 f 40 par t, c'est fournir l'arme la plus puissante à ceux qui n'ont cessé depuis 1837 d'attaquer avec une énergique opiniâtreté le système des zones" (234).

6. Epilogue.

Le traité franco-belge du 27.2.1854 arrive à son échéance le 12.5.1859. Avant d'engager les pourparlers destinés à jeter les bases d'une nouvelle conven tion, A. de Vriëre, ministre belge des Affaires étrangères, charge J. Gonot, ingé nieur en chef de l'Administration des Mines dans la province du Hainaut, de faire un voyage en France dans le but de s'informer quant à l'utilité d'insister encore sur le maintien des zones. Du 22 au 29 juillet 1858, Gonot visite les bassins d'Anzin et du Pas-de-Calais, avant de se rendre, lors d'un second voyage, du 6 au 26 août, à Paris, ainsi que dans les diverses localités situées sur le littoral 97

entre Rouen et Dunkerque. Au terme de son périple, Gonot remet à Lambermont un rapport qui conseille de ne plus se préoccuper de la question des zones. Leur suppression, imminente selon l'ingénieur, aura, estime-t-il, peu de conséquences pour l'industrie charbonnière belge, sinon sur quelques marchés de la Seine infé rieure où elle vend déjà ses charbons à des conditions peu profitables, ainsi que dans l'une ou l'autre ville du Nord de la France où elle est de toute manière menacée par la concurrence redoutable des charbonnages du Pas-de-Calais. L'aboli tion du régime des zones offrirait par ailleurs l'avantage de permettre à la Bel gique de réclamer à titre de compensation une réduction des droits de navigation sur les voies navigables gérées par l'Etat français (235).

Se rendant a l'avis de Gonot,1a diplomatie belge ne fait aucune allu sion lors de la négociation à la question des zones. Le traité de 1854, prorogé le 3.5.1859 pour deux ans, est ratifié sans difficultés par les Chambres (236).

Le 23 janvier 1860, la France et l'Angleterre signent un traité de commerce prévoyant dans un délai de quatre ans la suppression des zones. Sans attendre, Napoléon III procède à celle-ci par son décret du 26.7.1860 (237). La Belgique n'a entrepris aucune démarche pour maintenir le régime des zones. "Il n'était d'ailleurs plus en son pouvoir de le faire" (238). Tous ses efforts se portent dorénavant, conformément aux souhaits exprimés par Gonot, sur la réduc tion des péages en vigueur sur les voies navigables françaises ainsi que sur l'ou verture en France de canaux ou de chemins de fer susceptibles d'assurer de meil leurs débouchés aux charbons belges. "Tel est désormais son programme" (239).

d. Conclusion.

La question douanière revêt pour le Couchant de Mons une importance

vitale.

Jusqu'en 1835, les patrons houillers borains s'acharnent à obtenir, sinon la suppression, du moins la réduction des droits français. De décembre 1830 à juin 1831, ils le font dans le cadre d'une campagne réunioniste ponctuée de pétitionnements qu'orchestrent la Chambre de Commerce et l'Eclaireur, un journal créé expressément à cet effet.

Leurs pressions sont ensuite moins accentuées, le gouvernement prenant Ch.4 98

de sa propre initiative particulièrement à coeur la défense des intérêts charbon niers: son ingérence se traduit par des interventions auprès de ministres, de par lementaires et de fonctionnaires français, des subsides à quelques grands jour naux parisiens, par l'impression de mémoires, l'envoi de commissaires spéciaux,...

Tout change lorsque les Anglais réclament et obtiennent de Paris en

1835 - 1837 des réductions douanières sans atteindre toutefois au nivellement des droits existants. Le maintien du statu quo devient alors le leitmotiv des exploi tants charbonniers montois ainsi que celui de la diplomatie belge. Démarches et publications sont réorientées dans ce sens.

L'Affaire d'Orient rapproche en 1840 la France et la Belgique. La

Chambre de Commerce et la presse montoises poussent à l'union douanière. Elle of fre à la diplomatie belge une base de négociation qui doit faciliter l'obtention d'une garantie pour le maintien d'un régime de zones favorable aux charbons hai nuyers ainsi qu'une réduction tarifaire sur les fontes et le lin.

Bien que le gouvernement appuie ses interventions par des subsides à la presse française ainsi que par la menace de représailles douanières et d'un rapprochement avec l'Allemagne, il ne remporte qu'un succès mitigé devant se conten ter en 1845,en ce qui concerne la houille,d'une garantie tacite au sujet des zones charbonnières. A Mons, on l'engage à la modération, lui criant casse-cou lorsqu'il majore en 1843 les droits sur les laines françaises.

A la faveur du contexte nouveau créé par la révolution de Février, les Britanniques et leurs alliés français intensifient leur propagande hostile au régime des zones douanières françaises, orchestrant en 1849 - 1850 des meetings, des pétitionnements et des campagnes de presse. Incapable de circonscrire le mou vement, la légation belge à Paris appelle les industriels belges à son aide. Par le biais d'une commission spécialement constituée à cet effet, ceux-ci intervien nent directement auprès des Chambres de Commerce et des exploitants charbonniers français concernés. Tout se passe discrètement. Il n'est pour ainsi dire pas fait usage de la presse. La simple discussion du système des zones les alarme au plus haut point.

Le dossier se complique par l'insistance et l'intransigeance françai ses au sujet de la suppression en Belgique de la contrefaçon littéraire. Après avoir tenté sans succès de faire de celle-ci la condition d'une garantie écrite du maintien des zones, le gouvernement belge, devant l'attitude de plus en plus agressive de la France, capitule en 1852 sans avoir obtenu la contrepartie sou- Ch.4 99

haitée. Tout au long de la négociation, les patrons charbonniers montois ont con seillé la plus extrême prudence au gouvernement et à la diplomatie belges, soumis, par ailleurs, à la pression du lobby liégeois favorable à une rupture avec la

France et à un rapprochement avec l'Allemagne.

Le prix de la houille hausse de manière vertigineuse après 1852, à la suite de la pénurie charbonnière provoquée par les commandes extraordinaires de la sidérurgie, la guerre de Crimée et la crise frumentaire. Donnant satisfac tion aux industriels gantois et verviétois ainsi qu'au mouvement libre-échangiste, le gouvernement belge, désormais sourd aux plaintes des exploitants charbonniers montois, ouvre en 1853 les frontières de la Belgique à leurs concurrents anglais; il en sera de même en France en 1860. 100

CHAPITRE 5

LES TRAVAUX PUBLICS :

LES TRANSPORTS VERS LA FRANCE.

a. L'ouverture de nouvelles voies navigables (1830 - 1845)

1. La situation vers 1830.

Le marché français constitue l'un des principaux débouchés des houilles montoises. 30% de la production passe la frontière vers 1830. Alors que les char bons de Liège ou de Charleroi n'accèdent qu'à des lieux de consommation restreints, limités qu'ils sont par les possibilités offertes par la Sambre et la Meuse, ceux de Mons, plus favorisés en voies de communication vers le Sud, partagent avec ceux d'Anzin les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l'Aisne et de Paris, ainsi que les localités du littoral, atteintes par cabotage au départ de Dunkerque (1).

L'exportation en France des charbons montois s'effectue par le réseau des voies navigables de l'Escaut, qui offre le désavantage d'être utilisé et con trôlé par le bassin concurrent d'Anzin (2). Progressivement améliorée à partir de 1823 entre Anzin et les agglomérations de Paris et de Lille - Roubaix - Tourcoing (3), la navigation est freinée et renchérie par une multitude d'embûches entre Mons et Valenciennes (4). Aux embarras de la circulation s'ajoutent des péages et salaires disproportionnés par rapport aux services rendus. Les deux éclusages de Goeulzin et de Fresnes demandent à eux seuls 36 centimes par t (5).

2. L'accès aux marchés de_Lille_et_de_Roubaixj__l^échec_du_p^

Escaut - Deûle. Jusqu'en 1825, Mons atteint pour ainsi dire dans les mêmes conditions qu'Anzin, par la Scarpe et la Deûle, les marchés de Lille et de Roubaix, ainsi CARTE 5 LE NORD-OUEST DE LA FRANCE EN 1865

O ar

Mer du nord

-•-I- CHEMINS OE FER

VOIES NÀVJGABLES 100km

XXXXXXX FRONTIERE PARIS Ch.5 102

que ceux de Douai et d'Arras. Tout change ensuite: le creusement entre Anzin et la Deûle du canal de la Sensée et l'abandon des travaux d'entretien de la Scarpe entraînent le renchérissement du fret montois pour Lille et l'engorgement du haut

Escaut.

Rien d'étonnant dès lors à ce que le Couchant de Mons cherche à obte nir à son tour une nouvelle voie d'eau joignant cette fois l'Escaut à la Deûle par l'Espierre. Concédée en France en 1825 - 1827, la réalisation de cette jonction se bute, dans les Pays-Bas, au refus du roi Guillaume, motivé officiellement par des considérations stratégiques: pas question de faciliter par voie d'eau l'ache minement de l'artillerie française de Lille vers Tournai! (6)

Dès la formation du Gouvernement provisoire, les milieux charbonniers montois multiplient les démarches pour la mise en adjudication de la section bel ge du canal de l'Espierre. Les Tournaisiens, désireux de bénéficier d'un détourne ment de trafic qui leur est favorable les appuient (7). Mais tous se heurtent à l'opposition des Courtraisiens, partisans d'un projet concurrent réliant leur ville à l'Escaut à hauteur de Bossuit. Ces derniers disposent d'un atout majeur: leur député, F. de Muelenaere, dirige le ministère à partir du 26.7.1831 et cumule du 16.8 au 12.11.1831 les portefeuilles des Affaires étrangères et de l'Inté rieur (8).

L'annonce de la désignation d'un nouveau titulaire pour ce dernier département, qui a la charge des travaux publics, relance l'agitation. "Le moment est venu d'agir, déclare Lecocq. Il faut presser et presser fort!" (9). Il n'est pas fait appel aux chambres de commerce de Mons et de Tournai (10). On préfère "faire signer par une cinquantaine d'individus" (11) des mémoires en faveur des quels on recherche le soutien du pouvoir communal (12) et de la presse (13)," de manière à ce que l'impulsion ne paraisse pas partir d'une seule source" (14). Les requêtes sont remises au nouveau ministre de l'Intérieur par des députations accompagnées des parlementaires des localités concernées (15). Une demande d'au dience royale (16) et des interpellations à la Chambre (17) complètent la démarche.

Dans leur combat pour un nouvel accès à Lille - Roubaix, les milieux charbonniers montois bénéficient en France de l'appui des industries intéressées ainsi que de celui de certains fonctionnaires des Ponts et Chaussées, dont I. Cor- dier, l'un des auteurs du projet, fait partie. Ils s'y heurtent par contre à l'op position d'Anzin, combinée à celle d'Honnorez, le concessionnaire des voies mena cées par la concurrence de l'Espierre. Leur hostilité se manifeste jusqu'au-delà de la frontière. Ch.5 103

Aussi longtemps que Casimir Périer, l'un des principaux actionnaires d'Anzin préside le Conseil des ministres, la diplomatie française penche pour lui. de Tallenay, chargé d'affaires à Bruxelles, apprend ainsi à de Muelenaere que le cabinet français, "loin d'avoir autorisé personne à provoquer la prolongation du canal de Roubaix jusqu'à l'Escaut, loin même de voir avec faveur l'ouverture de cette nouvelle voie, éprouve à cet égard une antipathie fondée sur la protection qu'il doit à des intérêts d'une haute importance" (18).

En Belgique, de Theux, ministre de l'Intérieur, soumis à des pressions divergentes, ne sait plus à quel saint se vouer lorsqu'à brûle-pourpoint un évé nement vient lui permettre d'ajourner indéfiniment l'adjudication du canal de -.français l'Espierre. Honnorez a introduit'auprès des Ponts et ChausseesVune plainte contre la poursuite du canal au-delà de Roubaix vers la frontière. Celle-ci se base sur l'acte de concession du canal de la Sensée, qui interdit l'établissement de toute voie navigable concurrente dans un périmètre de 10 lieues à la ronde. A l'exception d'un point "accidentellement et dubitativement" contestable, la jonction Escaut- Deûle est, sur tout son parcours située en dehors du périmètre interdit; n'empê che que Honnorez obtient gain de cause le 18.12.1831 (19).

Toute la question se réduit désormais du côté français à des termes bien simples. "Puisqu'il paraît certain que la société du canal de la Sensée a un privilège exclusif de toute autre concession à 10 lieues de distance, il faut de deux choses l'une: du transiger avec les concessionnaires, ou, faisant reconnaître que la cessation du privilège est commandée par l'intérêt général, provoquer l'ex propriation de ce même privilège pour cause d'utilité publique" (20).

Au terme de deux grandes enquêtes, que précèdent et accompagnent d'in tenses campagnes de presse, les Chambres françaises se prononcent en juillet 1836 en faveur du rachat forcé de la prohibition stipulée dans l'acte de concession du canal de la Sensée (21). "Aux Belges maintenant à faire arriver de la frontière à l'Escaut le canal de Roubaix, à eux d'agir auprès de leur gouvernement, sans perdre de temps, afin d'obtenir la prompte adjudication du canal de 1'Espierre"(22),

En octobre 1833, Corbisier dépose une demande de concession de la nou velle voie navigable mais modifie le projet primitif de manière à éviter la pro vince de la Flandre orientale qui lui est réputée hostile, et donc devoir la con sulter dans le cadre de l'enquête. Celle-ci lui est favorable, la majorité des membres de la Commission n'ayant pas suivi les chambres de commerce de Courtrai et d'Ypres et la Députation des Etats de la Flandre occidentale dans leur opposi- Ch.5 104

tion au projet.

Les conclusions de l'enquête sont cependant rapidement remises en question. La Députation des Etats de la Flandre orientale ainsi que des députés à la Chambre reprochent amèrement au ministre de ne pas avoir consulté leur pro vince. En butte à cette contestation, Rogier hésite à mettre en adjudication le canal de l'Espierre. de Theux, qui lui succède au début d'août 1834 à la tête du département de l'Intérieur, donne raison aux Gantois et ordonne une nouvelle en quête (23).

En France, la loi du 9.7.1836 vide le débat en décidant la prolonga tion du canal de Roubaix jusqu'à la frontière et l'indemnisation des actionnaires de la Sensée (24). Jacques Messen,entrepreneur à Nieuport, qui a participé à l'a ménagement du port de Dunkerque, est déclaré en mai 1837 adjudicataire des travaux en question, décision qu'approuve le gouvernement français en août 1837 (25). Paris multiplie à partir de ce moment les pressions pour engager le cabinet belge

à accélérer sa décision (26).

La partie est toutefois loin d'être gagnée en Belgique pour les par tisans de l'Espierre, qui ont introduit, pour contrer le canal concurrent de Bos- sùit, un projet de jonction Escaut - Lys à établir à proximité de Gand entre

Deinze et Eke (27).

Un des enjeux de cette rivalité est la conquête du conseil communal montois. Contrôlé par Honnorez, celui-ci condamne tacitement, par son refus de s'immiscer dans le débat, le canal de l'Espierre. Les élections communales du 14. 7.1836 donnent le pouvoir à Legrand-Gossart, l'un de ses principaux promoteurs; elles sont immédiatement suivies par l'émission d'un voeu en sa faveur, qu'une députation remet sous forme d'adresse au Roi à la fin de novembre 1836 (28).

En janvier 1837, le dossier passe des mains de de Theux, ministre de l'Intérieur, dans celles de Nothomb, premier titulaire du portefeuille des Travaux publics. Celui-ci ne met pas plus de hâte que son prédécesseur à le traiter et ne lui donne une solution qu'à la fin de 1839. Prétextant "de ses grandes occupations, des Chambres et de leurs exigences ainsi que des obstacles que la question ren contre dans les Flandres", Nothomb qu'impressionne la façon dont de Muelenaere, ancien ministre et gouverneur de la province de Flandre occidentale, se passionne pour combattre l'Espierre, ajourne par des échappatoires toute décision le concer nant (29). Il apparaît d'ailleurs complètement hostile au projet, lui préférant Ch.5 105

une formule combinant la canalisation de l'Escaut et de la Lys et la jonction de ces deux rivières avec la ligne de chemin de fer Gand - Courtrai - Lille et son embranchement vers Tournai décrétés par la loi du 26.5.1837. "Cette voie Tournai - Lille, écrit-il à de Theux en janvier 1838 (30), établira dans la direction la plus courte et dans l'intérêt commun des deux pays une jonction entre l'Escaut et la Deûle, auquel ferait concurrence le prolongement du canal de Roubaix, dont un autre inconvénient serait d'empêcher de trouver un concessionnaire pour la jonction de l'Escaut à la Lys".

De part et d'autre, on multiplie les démarches pour obtenir l'abandon par le gouvernement de sa position attentiste.

Tandis que la presse montoise non liée à Honnorez - l'Industriel du Hainaut, l'Eveil, le Modérateur - ressasse inlassablement les arguments en faveur de l'Espierre (31), les exploitants charbonniers montois, auxquels la Chambre de commerce de Mons apporte à plusieurs reprises son appui (32), pétitionnent en fa veur de la mise en adjudication publique du projet qu'ils soutiennent (33). Tout en se plaignant du "silence obstiné, de l'inaction inconcevable et de la force d'inertie désespérante" du ministère (34), ils soulignent amèrement combien tous ces atermoiements font le jeu d'Anzin, qui entreprend au même moment d'accélérer ses transports vers l'agglomération lilloise au moyen d'un nouveau chemin de fer (35); celui-ci permet d'abréger de 145 à 68 km le parcours vers les eaux de la haute Deûle. "Pendant que l'on discute ici, les rivaux agissent sans bruit!" (36).

Le 31.5.1838, Nothomb décide par arrêté ministériel une enquête sur le canal joignant l'Escaut à la Lys entre Bossuit et Courtrai "et les projets connexes". Composée de 19 membres (10 nommés par le ministre, 9 désignés par les trois députations permanentes concernées) (37), la commission, réunie à Courtrai les 3 et 4.9.1838, déclare d'utilité publique la canalisation de l'Escaut et de la Lys, nonobstant l'établissement d'un canal de jonction. Quant à celui-ci, le tracé Bossuit - Courtrai obtient sa préférence sur celui d'Eke à Deinze. Elle se divise par 7 voix contre 7 et 5 abstentions sur la question de savoir "si une voie nouvelle pour le transport des produits pondéreux du Hainaut vers le centre du département du Nord est utile". Elle considère par 17 voix contre 2 "qu'il n'y a pas lieu de croire qu'on trouvera une voie plus économique que celle existante dans le canal de Bossuyt à Courtrai". Sur la question "le but de la communication économique avec le centre du département du Nord sera-t-il mieux atteint par les canaux de l'Espierre et de Roubaix que par le canal de Bossuyt à Courtrai", une majorité de 18 voix contre 1 se dessine en faveur de l'Espierre. Enfin, par 12 Ch.5 106

voix contre 7, la commission émet l'avis que les deux projets peuvent être réali sés simultanément (38).

L'arrêté royal du 11.10.1839 décrète la mise en adjudication publique des canaux de l'Espierre et de Bossuit à Courtrai. Plus d'un an s'est écoulé de puis la réunion de la Commission d'enquête. La poursuite de l'opposition d'une partie de la Flandre, dont de Muelenaere est toujours un des interprètes les plus actifs, a engagé le ministre à différer aussi longtemps cette mesure. Le 9.11.1839, jour de l'adjudication, aucun soumissionnaire pour le canal de Bossuit à Courtrai ne se présente, tandis que celui de l'Espierre est concédé à Messen, déjà conces sionnaire du prolongement sur la partie française du canal de Roubaix (39).

Ce succès s'avère éphémère. Entrepris en 1840, le canal de l'Espierre est ouvert à la circulation à la fin de 1843. Il constitue toutefois une impasse, la section française restant inachevée sur une longueur de 2.500 m en raison de difficultés techniques et financières liées au creusement d'un tunnel (40). En dépit des protestations réitérées des exploitants charbonniers montois (41), la jonction des deux parties de la voie navigable ne sera réalisée qu'en...1877!

3. Ouverture en 1838 d'une nouvelle voie navigable vers Paris^concurrente

de l'Escaut, et premiers projets de jonction de celle-ci avec le canal de Condé.

Les inconvénients du réseau de l'Escaut ainsi que les problèmes inso lubles qu'il ne peut manquer de poser le jour où les bassins du Centre et de Char leroi y auront accès, de même que la volonté d'assurer aux produits de ces deux régions houillères un moyen économique de transport vers l'agglomération parisien ne expliquent la conception vers 1825 d'un projet plutôt gigantesque: l'ouverture d'une nouvelle ligne de navigation consécutive à la canalisation de la Sambre et sa jonction à l'Oise d'une part, au canal de Condé d'autre part.

Alors que des difficultés de toutes sortes retardent en France la mise en route du projet, la canalisation de la Sambre belge, entamée en 1827, est ter minée en 1832. Grâce aux fonds avancés par l'Etat et la Société Générale, les travaux ont été menés rondement. Les événements politiques ne les ont même pas

interrompus.

La crise financière de 1830 - 1831 implique directement la Société Générale dans l'énorme entreprise. Incapable de récupérer les sommes qu'elle a prêtées, elle entreprend, dans le but de rentabiliser son investissement, de mener à bien l'affaire avec la collaboration des Rothschild, lorsque, à la fin de 1832, Ch.5 107

avec la reprise économique, une masse de capitaux redévient progressivement dis ponible. Fin 1838, Charleroi est relié par eau à Paris. L'Etat belge ayant repris en août 1835 la Sambre belge canalisée pour environ 4.500.000 f, la Société Géné rale n'est plus intéressée qu'à la partie française du projet. Celle-ci représente toutefois encore un investissement de plus de 10.000.000 f ! (42).

Parallèlement à la création de cette nouvelle voie navigable, la

Société Générale tente vainement d'obtenir la concession d'un chemin de fer Bru xelles - Paris, traversant notamment les bassins houillers de Mons et d'Anzin. Elle se heurte, en Belgique, à une forte opposition favorable à la construction et à l'exploitation par l'Etat des lignes ferroviaires. A la Chambre, Meeus, gou verneur de la banque ne peut, malgré l'appui de plusieurs députés, imposer son point de vue (43).

Dès 1826, la question de la jonction du canal de Condé à la ligne de la Sambre est étudiée par R. Depuydt, le concessionnaire de la Sambre belge cana lisée. Un projet de canal, passant par la vallée de la Trouille pour aboutir à la Sambre dans les environs de Merbes-le-Château, est présenté. Comprenant un souter rain de 1 km, une tranchée à ciel ouvert de 3 km et 32 écluses divisées en 57 sas, il devait coûter pas moins de 7.000.000 f ! (44).

Lorsqu'elle s'intéresse en 1833 - 1834 au réseau des voies navigables de la Sambre, la Société Générale envisage dans un premier temps d'y relier Mons par un canal joignant Cuesmes à Erquelinnes, sur la base d'un tracé nouveau dû à

V. Vander Elst. Basse en demande la concession le 29.1.1835.

Au cours des semaines qui suivent, la banque change de politique: elle

abandonne le canal au profit d'un chemin de fer aboutissant à Hautmont près de Maubeuge, où la sidérurgie est en pleine expansion. Au grand mécontentement de Vander Elst, Basse en sollicite la concession le 23.7.1835 (45). On évoque pour expliquer ce revirement le moindre coût (la moitié !) de la voie ferrée, les dif ficultés d'alimentation en eau du canal, le détour se chiffrant en kilomètres de celui-ci, la longueur des formalités et les dépenses de l'octroi lors de la tra versée de Mons, etc. Mais on s'abstient de préciser que la voie navigable risque de détourner au profit de l'Escaut une partie des transports destinés à assurer la rentabilité du réseau de la Sambre, et menace d'enlever aux lignes ferroviaires ambitionnées par la Société Générale une partie de ceux qui devaient les alimen

ter (46 ). Ch.5 108

Loin de s'effacer, Vander Elst, auquel Honnorez (47) apporte son appui, maintient sa demande de concession. Défendu par plusieurs journaux (48) et à l'ai de de brochures (49), son canal, favorable à Charleroi, est bien accueilli par une partie de l'opinion. Ne relie-t-il pas deux grands systèmes de voies navigables séparés seulement par quelque 25 km? Convenant de son utilité, ses adversaires insistent dans les organes de presse qu'ils contrôlent (50) sur le fait que sa réalisation, qu'ils jugent problématique, ne doit pas empêcher l'établissement de leur chemin de fer.

Soumis à des enquêtes distinctes, le canal et le chemin de fer sont tous deux reconnus d'utilité publique (51). Alors que l'on intrigue auprès du gé nie militaire pour qu'il s'oppose à Mons au canal et à Maubeuge au chemin de fer, le Collège échevinal de Mons, décrète le 8.12.1836, après les élections communales du 14.7.1836, qui donnent le pouvoir à Legrand-Gossart au détriment d'Honnorez (52), "une véritable enquête de commodo et incommodo dans 1'intérieur de la ville com me s'il s'était agi de la construction d'un four à pain" et écrit au gouvernement pour lui demander d'imposer au concessionnaire "que le canal dans la traversée de la ville soit pourvu de quais et établi à la même dimension qu'en pleine cam pagne" (53).

Très favorable au canal (54), Nothomb se refuse à prononcer la mise en adjudication publique du chemin de fer avant là levée des difficultés soulevées par l'administration des Ponts et Chaussées française relativement à la prise d'eau au détriment de la Trouille. Le jour de l'adjudication du canal, finalement décidée le 28.8.1838, Vander Elst ne dépose pas de soumission. L'arrêté royal por te que la voie d'eau reliera la Sambre au canal de Condé soit par Cuesmes, soit en traversant la ville de Mons. Vander Elst se refuse à participer à l'adjudica tion aussi longtemps que le ministre n'aura pas opté pour l'une ou l'autre direc tion et que, dans le cas où celle de Mons serait retenue, un arrangement ne soit intervenu avec cette ville en ce qui concerne ses exigences (55). Le 6 septembre 1838, J. de Rothschild avait annoncé à la Société Générale qu'il renonçait à sa participation dans le chemin de fer d'Haumont (56).

Désireux de dénouer l'affaire, Thorn, gouverneur de la province, réu nit le 6.10.1838 dans son cabinet Vander Elst et des délégués communaux montois(57). De la remise préalable de plans et devis détaillés, déclare le bourgmestre, dépen dra la collaboration financière de la ville. Au début de décembre 1838, Vander Elst transmet uh jeu de plans au Collège échevinal. Celui-ci le communique, avant d'en parler au Conseil, au ... ministre de la Guerre, qui déclare ne pouvoir se pro- Ch.5 109

noncer sans avoir reçu tous les détails des travaux à exécuter. Copie de la lettre du ministre est alors adressée à Vander Elst, qui la laisse sans réponse (58).

4. Réduction des péages sur la ligne_de_la_Sambre_en_1840^

La ligne de la Sambre est initialement peu utilisée en raison de la hauteur des droits de navigation en vigueur. Dès son ouverture, les concession naires de sa partie française - la Société Générale et les Rothschild - multiplient, avec l'aide des exploitants charbonniers carolorégiens (59) et de quelques parle mentaires (50) les démarches afin d'obtenir du gouvernement belge une importante réduction des péages perçus sur elle par celui-ci. En novembre 1839, Basse et Richtenberger engagent des pourparlers à ce sujet avec Nothomb alors que l'Etat belge, qui connaît des difficultés financières, envisage d'emprunter plusieurs millions aux Rothschild. Ceux-ci sont prêts à lés accorder moyennant la réduction

demandée.

Nothomb n'est pas hostile à l'arrangement à la condition qu'il s'ac compagne de diminutions équivalentes du côté français et qu'il ne se traduise pas par l'exclusion des houilles montolses du marché parisien. Après que les compa gnies françaises lui eurent manifesté leur intention de réduire de 25% leurs ta rifs, le ministre des Travaux publics dépose le 24.2.1840 un projet de loi l'auto risant à diminuer de moitié les droits sur la Sambre belge canalisée (61).

Considérant cette diminution de moitié comme insuffisante, la Société Générale et les Rothschild font part à Nothomb de leur intention de proposer la 'modification du texte soumis à la Chambre. Se ralliant à cette idée, Nothomb leur demande de "laisser le champ libre et toute latitude" au ministère en s'abstenant de fixer un taux de réduction. Ce que fait Henri de Brouckere lorsqu'il amende quelques jours plus tard le projet de loi (62).

Un changement de cabinet intervient le 18.4.1840. Rogier succède à Nothomb comme ministre des Travaux publics. Basse et Richtenberger le rencontrent dès le 25.4.1840 et lui arrachent la promesse d'activer la discussion de l'affaire par la Chambre. Poursuivant sa campagne auprès des parlementaires, Richtenberger parvient à retourner d'Huart, l'un des principaux adversaires du projet; dès lors, celui-ci adhère à l'amendement de de Brouckere à la seule condition que des réduc tions analogues soient simultanément opérées en France. Après une courte discus sion, au cours de laquelle les députés montois déclarent se rallier à la diminu tion projetée dans l'espoir de compensations ultérieures pour le bassin charbon nier borain, le projet de loi est voté à l'unanimité par la Chambre, le 28.4, par Ch.5 110

le Sénat le 27.5.1840 (63).

Reste à Rogier à déterminer le montant de la réduction. "Considérant que, pour résoudre en pleine connaissance de cause la question des modifications à apporter au tarif de la Sambre belge, il est indispensable d'avoir des rensei gnements sur l'état de la ligne navigable de la frontière à Paris" (64), le minis tre charge le 6.5.1840, J. B. Vifquain, inspecteur des Ponts et Chaussées, de procéder à une nouvelle reconnaissance de celle-ci, ce qui vaut à Rogier d'être considéré par Richtenberger comme "un trembleur ne voulant rien prendre sous sa responsabilité" (65). Vifquain parcourt les 72 lieues de la ligne de Charleroi à Paris entre le 23 et le 29 mai 1840. Recevant de la part des sociétés concession naires l'accueil le plus bienveillant, il effectue le trajet en un temps record, "les ponts et les portes d'écluses s'ouvrant pour ainsi dire spontanément devant le bateau qui le transporte" (66). Rentré à Bruxelles le 21.6, Vifquain promet à Richtenberger, qu'il rencontre dès le 23, de remettre un rapport engageant Rogier à "agir largement"; il confie aussi au délégué des Rothschild que, le ministre n'entendant rien au dossier, celui-ci sera traité par de Bavay, secrétaire géné ral du département, et qu'il importe dès lors de "s'entendre" avec lui. Ce que fait Richtenberger le 26.6.1840 (67).

Rogier se rallie le 6.8.1840 aux conclusions du rapport que Vifquain lui a remis le 14.7.1840 (68); la convention qu'il signe ce jour-là avec Basse réduit de moitié les péages sur la Sambre belge canalisée en échange d'une dimi nution de 25% des droits sur la partie française de la ligne (69).

5. Nouvelles démarches du Couchant de Mons en faveur de sa jonction avec la ligne

de la Sambre.

"Au moment où le Roi, d'accord avec les Chambres, va faire des sacri fices considérables pour rendre plus facile et moins coûteux l'accès du marché de Paris aux charbons de Charleroi, on doit reconnaître, déclare la Chambre de com merce de Mons en mai 1840, comme équitable qu'au moyen de sacrifices semblables, les houillères du Couchant de Mons soient mises en communication directe avec le canal de jonction de la Sambre à l'Oise et affranchies enfin des entraves que les compagnies charbonnières d'Anzin, de Denain et de Douchy ont su multiplier à cha que pas sur la partie principale de la route navigable de Mons vers le département de la Seine. La question de cette jonction soit par un canal, soit par un chemin de fer est pour les houillères du Couchant de Mons tout à fait vitale" (70). Ch.5 jii

Entre un canal et un chemin de fer, la Chambre de commerce opte déli bérément pour la voie ferroviaire: "Nous n'ignorons point, écrit-elle, qu'on a quelquefois prétendu qu'un chemin de fer est inutile et que notre commerce de houille atteindrait le but vers lequel il vise au moyen d'une voie navigable qui réunirait à la Sambre le canal de Mons. C'est une grave erreur. Des considéra tions d'intérêt privé ont fait soutenir cette opinion par les auteurs de la cana lisation. Un examen impartial de la question prouve combien ils s'abusent à cet égard. Un chemin de fer peut seul mettre les houillères du Couchant en position de faire arriver dans l'Oise et la Seine leurs produits à des conditions assez favorables pour abandonner sans inconvénient la voie de l'Escaut et de supporter facilement la concurrence des charbons français sur le marché de Paris, et des charbons anglais sur le marché de la Seine inférieure. Une route qui portera en deux heures les houilles du Flénu sur un point de la Sambre beaucoup plus rappro ché de Paris que les points de Merbes et d'Erquelinnes, une route qui ne sera point assujettie aux chômages ordinaires que tout canal éprouve dans la saison des sé cheresses, une route enfin qui ne pourra être interrompue par les gelées sera tou jours plus avantageuse à notre district qu'un canal de 5 à 6 lieues, à point de partage, d'une alimentation difficile, hérissé d'écluses et qui aux inconvénients de longues interruptions d'été et d'hiver, joindrait encore ceux de détours inu tiles et de la nécessité d'y parcourir tant sur la Sambre belge que sur la Sambre française une distance considérable. En temps ordinaire, la voie de l'Escaut au rait la préférence sur cet ouvrage de longue haleine, coûteux, à l'alimentation difficile, au parcours trop long et dont les recettes sont très contestées" (71).

A Mons, tout le monde ne soutient pas le projet de chemin de fer. Le Modérateur, qui vante les avantages du canal de la Trouille, communication utile selon lui aux trois bassins hainuyers, le combat activement sous la houlette de Ch. Rousselle dont il soutient la candidature aux élections législatives de juin 1843 (72). La voie ferrée est, selon lui, d'intérêt restreint. Elle empêchera une autre entreprise d'utilité plus étendue. Elle entraînera l'anéantissement des rivages, la dépréciation des propriétés, le déplacement du travail et du mouve ment qui alimentent encore les populations de Jemappes, de Quaregnon et de Saint- Ghislain. On veut enlever à la contrée un travail qui lui profite pour aller en doter Haumont , un petit village français" (73).

En 1842 - 1844, la Société Générale tente sans succès d'obtenir la participation des exploitants charbonniers du Couchant de Mons à la construction du chemin de fer d'Haumont. Le capital nécessaire, évalué à environ 3.500.000 f, devait être remboursé par les entreprises associées, sur la base de contributions Ch.5 112

annuelles établies en fonction de leur extraction respective. En 10 ou 15 ans, elles se seraient retrouvées co-propriétaires d'une voie ferrée à laquelle elles auraient pu appliquer un tarif à leur convenance. Pour les allécher, Corbisier et Sainctelette, les principaux promoteurs du projet, leur promettent des avantages tarifaires compensatoires sur la ligne française de la Sambre. Mais les exploi tants charbonniers refusent de souscrire à l'engagement d'expédier par la seule voie d'Haumont pendant toute la durée de la concession une partie de leur produc tion, engagement considéré par la Générale comme conditionnant la réussite du lancement financier de l'opération. Si la banque concocte le projet, c'est parce qu'elle est convaincue que c'est le seul moyen de conserver aux réseaux des che mins de fer industriels du Flénu et de Saint-Ghislain, qu'elle contrôle, les péa ges perçus jusque-là par ceux-ci. "La Société du chemin de fer du haut et du bas Flénu, écrit Corbisier, perçoit actuellement un droit moyen de 62 centimes par t.

Elle est d'autant plus fondée à réclamer la conservation de cette position que

celle-ci lui est assurée par des contrats passés avec la plus grande partie des sociétés charbonnières. Afin de ne rien changer à cette position, il faut laisser percevoir au profit du chemin de fer du haut et du bas Flénu 62 centimes par t

qui, après avoir circulé sur son réseau se rendra au bassin d'Haumont". Une so

ciété non liée à la Générale peut contester ce point de vue; les droits acquis

par le Flénu ont trait aux transports vers les rivages du canal de Condé et non

à des expéditions dirigées dans une direction opposée; dans l'état de la jurispru dence, il n'est pas impossible qu'elle obtienne gain de cause. Ce contrôle de l'entreprise donne toute garantie en la matière. Les entrepreneurs du chemin de fer d'Haumont paieront au Flénu 62 centimes par t expédiée par celui-ci dans leur direction. La concession d'un péage plus élevé, justifié par le principe d'une bonne justice distributive entre bassins charbonniers, les dédommagera de ce sa crifice. Le gouvernement devant tâcher de maintenir Mons et Charleroi dans des conditions aussi égales que possible, reconnaîtra qu'il a pour obligation, pour atteindre ce but, de concéder à l'entreprise du chemin d'Haumont la perception

d'un droit aussi élevé que le fret de Charleroi à Haumont. Celui-ci, étant pres que toujours à 3 f la t et le prix du transport depuis les bures les plus favora blement situées jusqu'à la Sambre s'élevant à 60 centimes par t, il eh coûte au minimum 3 f 60 par t, chiffre auquel par conséquent on peut porter les frais de transport depuis Mons sans qu'ils puissent justifier aucune plainte. Le péage demandé par l'entrepreneur du chemin d'Haumont étant de 2 f 80 par t, on peut facilement lui ajouter les 62 centimes à verser à la Compagnie du Flénu, tout en

restant encore bien au-dessous de la somme de 3 f 60 acquittée par Charleroi!" (74) Ch.5 113

6. Le projet de canal de la Haine et le chemin de fer deManage à Mons^

Partisans du chemin de fer d'Haumont et du canal de la Trouille sont confrontés à partir de janvier 1841 à un troisième projet, favorable celui-ci au bassin charbonnier du Centre: une voie navigable demandée en concession par Dubois- Nihoul, concessionnaire en 1842 du canal de Jemappes à Alost, et reliant;, en pas sant dans les environs de La Louviere, la Sambre au canal de Condé ainsi qu'aux embranchements du canal de Charleroi, en tirant parti de la Haine et du Thiriau (75),

Desmaisières, qui succède à Rogier comme ministre des Travaux publics en avril 1841, procède à une enquête sur la question de savoir quel projet - le chemin de fèr d'Haumont le canal de la Trouille ou celui de la Haine - doit l'em porter. Si la majorité des membres de la commission constituée à cette occasion se prononce en faveur du canal de la Trouille, elle émet aussi le voeu que le gou vernement en aide la réalisation en prenant à sa charge la moitié des dépenses d'exécution, évaluées à 10.000.000 f (76).

Consultée, la Chambre de commerce de Mons rejette le 28.3.1842 par 5 voix contre 1, celle de Daminet, le projet de canal de la Haine. "Personne n'en conteste l'utilité pour les charbonnages du Centre. Sa construction leur permet tra de partager les avantages que procure à ceux du Couchant de Mons le canal de Condé, en leur donnant le moyen d'écouler leurs charbons vers la France, débouché qui ne leur était pas encore acquis jusqu'à présent. Mais il ne profitera qu'à eux et sera nuisible aux autre houillères, en établissant sur les marchés dont elles sont en possession, une concurrence à laquelle elles ne pourront résister par suite du bas prix dé revient des houilles du Centre, bas prix qui tient au peu d'élévation du salaire des ouvriers et à la régularité de l'allure des couches en l'absence de grisou. La perturbation qu'occasionnera l'introduction des houil les des charbonnages du Centre sur les marchés où elles n'étaient pas encore en concurrence avec celles du Couchant de Mons se fera sentir dans les prix. Faut-il d'ailleurs pour procurer au bassin du Centre un nouvel écoulement de ses produits par une voie qui n'offre pas de réciprocité à ceux du Couchant, obstruer totale ment la seule route que peuvent suivre ces derniers? C'est dans une position de gêne, quand les produits montois ne s'écoulent qu'avec une lenteur désespérante que le Centre vient proposer un nouvel affluent, sans s'assurer si l'état de la navigation permet de le recevoir. La navigation vers la vallée de la Seine sera tout à fait obstruée dès qu'aux expéditions actuelles viendront se joindre celles qui se feront par le canal de la Haine. Les lenteurs des voyages rendant plus dif ficiles que jamais l'approvisionnement du département de la Seine et des départe ments voisins, lés consommateurs français présenteront à leur gouvernement 1'abo- Ch.5 114

lition des droits existants sur l'introduction des houilles comme une nécessité inévitable. La construction du canal de la Haine ne doit dès lors être autorisée qu'après que l'établissement d'une voie large de communication entre les houil lères du Couchant de Mons et la Sambre aura été adjugée pour être livrée simulta nément à la circulation. En raison du caractère exorbitant de la dépense qu'en traînerait l'exécution du canal de la Trouille, cette voie de communication ne peut être que le chemin de fer d'Haumont, qui a subi toutes les épreuves de l'en quête et dont l'utilité publique a été reconnue en Belgique comme en France" (77).

Le 16.4.1843, Dechamps remplace Desmaisières comme ministre des Tra vaux publics. A la fin de l'année 1844 (78), il met des agents des Ponts et Chaus sées à la disposition des exploitants charbonniers du bassin du Centre pour faire les études d'un projet de chemin de fer qui, substitué à celui du canal de la Haine, doit amener leurs produits sur les bords du canal de Condé.

En février 1845, la presse annonce que la compagnie anglaise, deman

deresse de la concession du chemin de fer de 1'Entre-Sambre-et-meuse, est entrée en arrangement avec les sociétés houillères du Centre pour l'exécution du chemin de fer de Mariage à Morts et qu'elle envisage également celle des lignes Jemeppe- sur-Sambre - Louvain t Namur - Liège et Mons - Sambre (79).

Ne sachant quelle attitude adopter, H. Dolez, député de Mons, demande des instructions à F. Corbisier et à Ch. Sainctelette, qui lui répondent le 9.4.

1845 au nom de la Chambre de commerce: "Nous ne connaissons ni le tracé du chemin de fer de Manage à Mons, ni l'élévation du coût de sa construction, ni le péage qui serait concédé à l'entrepreneur. Sans ces éléments, nous sommes contraints de garder le silence. Nous écrivons aujourd'hui au ministre des Travaux publics, dans le but d'obtenir de lui des notions précises, une lettre que nous vous démandons d'avoir l'obligeance de lui remettre, en insistant auprès de lui pour que l'en quête que nous sollicitons soit ouverte sans délai. Le pouvoir entre aujourd'hui dans une voie bien étrange. Non seulement le gouvernement paraît disposé à faire concéder par des lois des lignes de chemin de fer dont les projets n'ont pas subi l'épreuve de la publicité. Mais il veut même concéder des lignes dont les projets n'existent pas encore. L'enquête jette un jour utile sur toutes les questions de travaux publics. Elle tend à faire ramener à leur chiffre véritable les dépenses d'exécution que l'entrepreneur a intérêt à exagérer pour obtenir un péage plus considérable; elle tend encore à fixer la hauteur de celui-ci de manière à respec ter les droits acquis et à maintenir dans un juste équilibre les divers centres de production. Les ingénieurs de l'Etat font un projet à la hâte. Des compagnies Ch.5 115

s'organisent, elles entrent en relations avec le ministre des Travaux publics, des conventions se négocient avec mystère, puis on presse les chambres de commerce de se prononcer, les propositions de loi rallient la majorité, parce que le gou vernement profite habilement des forces que lui prête l'esprit de localité. Et chacun fait bon marché des intérêts du trésor et de ceux des industries lésées pourvu que son clocher obtienne quelque avantage" (80).

Le 14.4.1845, Dechamps dépose à la Chambre plusieurs projets de loi tendant à autoriser le gouvernement à concéder le chemin de fer Manage - Mons ainsi que les lignes Jemeppes-sur-Sambre - Louvain, Liège - Namur, Ath - Termonde - Gand, Courtrai - Ypres et Ypres - Bruges (81). Le même jour, il signe avec Georges- Robert d'Harcour , représentant un groupe de financiers anglais , une conven tion par laquelle ce dernier s'engage à fournir un cautionnement de 2.000.000 f ainsi que les fonds nécessaires à l'exécution, conformément à un cahier des char ges, des chemins de fer de Namur à Liège et de Manage à Mons (82).

Inquiété par le mécontentement provoqué par ses projets dans le Bori nage, Dechamps délègue à Mons, le 26.4.1845, Demoor, inspecteur des Ponts et Chaus sées, accompagné de d'Harcour, représentant la compagnie qui demande la concession du chemin de fer Manage - Mons. Demoor commence par déclarer au nom du ministre reconnaître la nécessité de maintenir l'équilibre de positions existant entre les trois bassins houillers du Hainaut, avant de laisser d'Harcour annoncer que sa société accepte de supprimer l'article final du cahier des charges ainsi conçu: "Les concessionnaires auront la faculté d'exécuter à leurs frais, risques et pé rils, un embranchement des charbonnages du Centre vers la haute Sambre, à la con dition de faire connaître leurs intentions à cet égard, dans un délai de 6 mois à compter de la date de la loi de concession" pour le remplacer par: "Les conces sionnaires établiront les embranchements nécessaires pour rattacher à la haute Sambre les charbonnages du Centre ainsi que ceux du Couchant de Mons reliés par railway au chemin de fer de l'Etat. En ce qui concerne le transport de la houille jusqu'à la Sambre, les droits à payer sur ces embranchements seront réglés de ma nière que réunis aux péages acquittés sur le reste du réseau du Centre, sur le chemin de fer dé l'Etat et sur les chemins de fer concédés du haut et du bas Flénu, de Saint-Ghislain et d'Hornu, ils forment pour chaque charbonnage un chif fre uniforme de dépense totale de transport égal au fret ordinaire de Charleroi au point d'arrivée sur la haute Sambre".

A la demande de plusieurs membres de la Chambre de commerce, Demoor et d'Harcour admettent dé compléter leur proposition de la manière suivante: Ch.5 116

1) dans le cas où le gouvernement jugera à propos de réduire les péages sur la Sambre, une réduction égale aura lieu sur les tarifs des chemins de fer de Manage et du Couchant de Mons à la Sambre; la compagnie concessionnaire sera alors indem nisée en conséquence par le trésor de l'Etat; 2) celle-ci fournira au Couchant de Mons des wagons allant charger directement à la fosse comme elle le fera pour les houillères du Centre. Prenant en considération la position exceptionnelle des charbonnages du Grand Hornu et du haut et du bas Flénu qui sont reliés au ca nal de Condé par des chemins de fer à voie plus étroite, nécessitant des transbor dements, il est convenu qu'une réduction de péages à régler de gré à gré ou par experts sera faite en leur faveur; 3) les deux lignes des chemins de fer de Manage et du Couchant dé Mons à la Sambre ne pourront être livrées à la circulation que simultanément (83).

Alors que la Gazette de Mons, qui soutient depuis le début d'avril, en compagnie de 1'Indépendance et de l'Echo de la Sambré-et-Meuse, le projet de chemin de fer de Manage, constate que l'arrangement proposé par Dechamps et d'Harcour, doit faire cesser toute opposition dans le Couchant de Mons (84), un autre journal montois, le Modérateur, manifestant son hostilité à toute voie fer rée entre le Centre et le Couchant de Mons et la Sambre poursuit sa campagne en

faveur du canal de la Trouille (85).

La communication à la Chambre, le 3.5.1845 du rapport de la Section centrale surprend les exploitants charbonniers montois. Lesoinne, qui le présente, fait part à l'assemblée de l'intention du ministre de ne pas amender le cahier des charges du chemin de fer de Manage dans le sens convenu le 26.4.1845 avec la Chambre de commerce de Mons, mais d'assurer la jonction des deux bassins charbon niers avec la Sambre par la concession à une compagnie belge du canal reliant Mons à Erquelinnes par la vallée de la Trouille ainsi que d'un chemin de fer par tant du Centre pour aboutir au même point sur la grande voie navigable Charleroi - Paris. Alors que le canal serait concédé sur la base du cahier des charges quel que peu modifié de 1838, le chemin de fer serait régi par les mêmes stipulations que celui de Manage à Mons (86).

A l'annonce de cette nouvelle, la Chambre de commerce de Mons dépêche chez Dechamps une députation composée de Sainctelette et de Dessigny, que Sigart député, promet d'aider de tout son pouvoir (87). Le ministre leur déclare avoir abandonné les projets de chemins de fer reliant le Centre et le Borinage par Mons à la Sambre en présence de la décision prise par la compagnie anglaise intéressée de leur substituer la canal de la Trouille, dont Vander Elst, son auteur, lui Ch.5 117

avait cédé l'éventualité de ses droits, ainsi qu'une voie ferrée reliant directe ment le Centre à Erquelinnes; il leur dit aussi, à leur grand étonnement, que le

Conseil des Ministres a décidé d'évincer cette société anglaise au bénéfice d'une compagnie belge, organisée sous le patronage de Vilain XIIII, vice-président du Sénat (88). "Bisschoffsheim s'est, comme à l'ordinaire, jeté au travers dans l'af faire du chemin de fer de Manage et du canal de Mons à la Sambre qu'une compagnie anglaise avait demandée. Il n'a fait cela que pour attraper quelques centaines de mille francs" s'écrie scandalisé le représentant des Rothschild à Bruxelles (89)

Par la convention qu'ils signent le 5.5.1845 avec Dechamps, J. R. Bisschoffsheim et J. Oppenheim s'engagent à fournir les fonds nécessaires pour creuser le canal de Mons à la Sambre conformément aux clauses du cahier des char ges arrêté par le ministre des Travaux publics, le 25.8.1838, ainsi qu'à déposer 800.000 f en cautionnement. Ils acceptent aussi d'abaisser de 40% les péages fi xés par ce même cahier. La convention stipule aussi que dans le cas où le gouver nement décréterait l'établissement d'un chemin de fer reliant les lignes de l'Etat à la Sambre, les concessionnaires auraient, à conditions égales, la préférence pour l'exécution de ce nouveau travail (90).

En dépit des réserves émises par Sigart, Dolez et A. de Royer, députés montois, la discussion et le vote à la quasi unanimité du projet de loi autorisant la gouvernement à concéder les lignes de Manage à Mons et de Namur à Liège à une compagnie anglaise (91) ainsi que le canal de la Trouille et le chemin de fer Manage - Sambre à Bisschoffsheim ont lieu à la Chambre le 9.5 et au Sénat le 17. 5.1845. Le ministre s'engage toutefois à imposer la simultanéité dans les travaux pour que soit assuré l'équilibre des trois bassins houillers du Hainaut (92).

7. Refus de Bischoffsheim et d'Oppenheim d'exécuter_le_canal_de_la_Trouille^

Entamé en mars 1846, le chemin de fer Manage-Mons est ouvert à la

circulation au début de novembre 1849 (93). Il en va tout autrement de son pro longement vers la Sambre et du canal de la Trouille. La chute de Nothomb en juin 1845 et celle de Van de Weyer en mars 1846 entraîneront le remplacement aux Tra vaux publics de Dechamps par d'Hoffschmidt, puis par de Bavay. Dechamps passe aux Affaires étrangères d'où il continue d'influencer de façon non négligeable l'évo

lution de l'affaire. Malou est ministre des Finances.

Au début de novembre 1845, le bruit court que Bischoffsheim et Oppenheim cherchent à obtenir avec la résolution de leur contrat la remise de leur cautionnement. A Siraut, venu aux nouvelles lors de la discussion de l'adresse Ch.5 118

au Sénat, d'Hoffschmidt confirme qu'on lui a fait,savoir le 31.10.1845 que, par propose par Dolez, suite d'un amendement à la loi du 21.5.1845*- il accorde au gouvernement la facul té de fixer le point de jonction du canal soit a Mons, soit à Cuesmes... - la compagnie, qui avait demandé la concession, entend être déliée de tout engagement et réclame en conséquence sa caution (94). Le ministre fait part à Siraut, ainsi qu'à Dolez qui revient à la charge à la Chambre le 22.11.1845, de son intention de chercher par tous les moyens à sa disposition à faire exécuter les volontés de la loi par les demandeurs et par les concessionnaires (95).

Particulièrement claire est la ligne de conduite que la Chambre de commerce de Mons engage le gouvernement à tenir: "Le canal de la Trouille est une légitime compensation donnée au bassin houiller montois du tort que le chemin de fer de Manage à Mons doit infailliblement lui causer. Le gouvernement ne pourrait l'en priver sans fouler aux pieds tous les principes de l'équité et de la justice. Le gouvernement ne laissera pas impuni le scandale public que donne en ce moment au pays la Compagnie Bisschoffsheim. Il doit prendre promptement toutes les dis positions nécessaires pour que la convention du 5 mai reçoive une complète exé cution" (96).

"Stigmatisant l'agiotage" (97), la presse montoise s'aligne sur la Chambre de commerce pour recommander au gouvernement de ne pas fléchir. "Lorsqu'on lui dit qu'il n'y a pas d'engagement, il doit attraire immédiatement les conces sionnaires devant les tribunaux pour faire déclarer qu'ils sont obligés, qu'ils devront avoir remis leurs plans et satisfaire à leurs autres obligations dans les termes fixés au cahier des charges, se faire autoriser, dès à présent, pour lors,

à exécuter le canal à leurs frais, risques et périls s'ils restaient en défaut de le faire et condamner les concessionnaires à lui payer la somme nécessaire pour faire face à la dépense" (98). "C'est à Bisschoffsheim et à Oppenheim seuls que le Gouvernement à affaire. Il n'y a pas lieu de se préoccuper de la question de savoir s'ils ont placé ou non des actions, s'ils trouveront des bailleurs de fonds pour les aider à composer le capital nécessaire à l'exécution du canal, puisqu'ils se sont engagés à fournir le capital eux-mêmes. Ont-ils fait une bonne ou une

mauvaise spéculation? Cela les concerne exclusivement. Le gouvernement n'a rien à y voir" (99). "Il serait inouï qu'il se laissât surprendre par les calculs et les faux-fuyants d'une société particulière qui, après avoir évincé une compagnie

sérieuse et avoir connu les chances favorables de la hausse des actions qui ont été cotées sur les principales bourses de l'Europe, voudrait aujourd'hui considé rer comme nul des engagements consentis de bonne foi et à l'aide desquels des ac tions auraient été placées avec prime" (100). Ch.5 119

Par un arrêté royal du 13.11.1845, que le Moniteur publie le 5.12, le gouvernement déclare Bisschoffsheim et Oppenheim, en dépit de leurs protestations, concessionnaires à titre définitif du canal de la Trouille et du chemin de fer de Manage à la Sambre. Ces derniers intentent alors un procès pour obtenir la res titution de leur caution. L'Indépendance prend leur défense à partir du début de décembre. Sa campagne est basée sur un mémoire d'A. Le Hardy de Beaulieu, ingé nieur chargé par Bisschoffsheim et Oppenheim de relever les difficultés et les dépenses de leur entreprise (101).

Les arguments avancés par Le Hardy de Beaulieu et par 1..' Indépendance, conduisent le ministre à renvoyer le dossier pour enquête à l'administration des Ponts et Chaussées qui, fin avril 1846, conclut à la facilité d'exécution et d'a limentation du canal (102).

Violemment attaqué à la Chambre et au Sénat par quelques députés par mi lesquels figurent les Montois Sigart, Siraut et de Royer, d'Hoffschmidt justi fie le 18.3.1846 sa position attentiste par le procès pendant devant le Tribunal de Première Instance de Bruxelles. En l'absence de décision judiciaire, le gouver nement ne peut obliger les concessionnaires a exécuter les stipulations du cahier des charges auquel ils ont souscrit (103). de Bavay, qui succède le 31.3.1846 à d'Hoffschmidt aux Travaux publics, s'engage toutefois, devant une députation que lui a adressée le conseil communal de Mons, à hâter la marche de la justice (104).

La décision prise par le Tribunal de Première Instance de Bruxelles le 20.6.1846, est défavorable au gouvernement. Elle le condamne à restituer le cautionnement pour vice de forme dans la convention (105). de Bavay se pourvoit en appel sans entreprendre la moindre démarche pour accélérer le cours de la jus tice. Au moment de son remplacement par Frère-Orban à la tête du département des Travaux publics le 12.8.1847, le procès est toujours pendant. La Cour d'Appel (106) ne se prononce qu'en ... juillet 1848, après avoir procédé à une nouvelle enquête, à laquelle le ministère n'a collaboré qu'avec beaucoup de lenteur. En donnant, comme le Tribunal de Première Instance deux ans plus tôt, raison à Bisschoffsheim et Oppenheim, elle les dégage définitivement de leurs engagements relatifs au canal de la Trouille (107).

Pendant un an, la Chambre de commerce de Mons multiplie encore les démarches (108) pour arracher à Frère-Orban, puis à Rolin, une promesse d'exécu tion par l'Etat de cette voie navigable, dont la simultanéité de réalisation avec le chemin de fer de Manage à Mons avait été jadis promise au Borinage par le Ch.5 120

gouvernement. Alors que Frère-Orban se réfugie dans une réserve distante et gagne du temps en soumettant à une nouvelle enquête le projet de la Trouille que retra vaille en même temps et à son initiative un ingénieur de son administration, Rolin talonné par les députés de Mons qui 1'interrogent à la demande de la Chambre de commerce de Mons sur ses intentions (109), finit par déclarer en juillet 1849 que, vu l'état déplorable des finances publiques, les Chambres refuseraient le financement d'une entreprise aussi importante et que, dès lors, il n'entrait pas dans ses intentions de soumettre sa réalisation à l'acquiescement de celles-ci (110),

b. L'ouverture des voies ferroviaires (1845 - 1870).

1. Réseau et politique tarifaire de la Compagnie du Chemin deferdu Nord^

La France entreprend avec beaucoup de retard, en 1845-1849, la cons truction de ses voies ferrées. Après moultes tergiversations, l'Etat français opte pour la concession des grandes lignes à quelques compagnies privilégiées. Une de ces sociétés, la Compagnie du Nord, que patronne J. de Rothschild, tisse en quelques années un important réseau fondé sur l'axe Paris - Lille et relié par quatre grands embranchements à Boulogne, à Dunkerque/Calais, à Saint-Quentin et à Quievrain, point de jonction sur la frontière avec les li gnes de l'Etat belge. Il n'est alors pas encore question de prolonger, au préju dice des canaux de la Sambre auxquels J. de Rothschild est étroitement associé,

l'embranchement Creil - Saint-Quentin dans la direction d'Erquelinnes, de Charle roi et de Liège. La ligne Paris-Bruxelles est officiellement inaugurée le 20.6.

1846 (111).

Jouxtant les bassins houillers d'Anzin, de Mons et du Centre (ligne de Manage), la Compagnie du Nord organise immédiatement sur une large échelle les transports charbonniers, acquérant d'emblée un matériel spécifique (112). Pour aligner sa politique tarifaire sur les prix pratiqués par la voie navigable, elle réduit en 1847-1852 ses péages de près dé 10 f par t entre Quievrain (113) et Paris (114), et affermit cette diminution par un système complexe d'abonnements et de "traités spéciaux confidentiels", agrémentés de nouvelles primes de 10 à

20% (115).

En ces premières années, le chemin de fer et la voie navigable ne manifestent pas d'hostilité réciproque. La période de prospérité que connaissent Ch.5 121

alors les charbonnages permet au premier de conquérir un marché (116) sans que la seconde n'en ressente initialement le moindre préjudice. Tout change à la fin des années cinquante lorsque la récession économique limite la production et les ex péditions charbonnières, et que l'ouverture de la section Creil -Erquelinnes en drainant vers le réseau du Nord les produits carolorégiens et liégeois, concur rence dangereusement les canaux de la Sambre. Il en résulte une chute vertigineu se du cours du fret (117).

Alarmé par une évolution qui menace d'entraîner, au-delà de la misère des bateliers, l'abandon des canaux et la disparition de toute forme de concur rence dans les transports industriels, le gouvernement français prend en 1860- 1870 des mesures pour favoriser les expéditions par eau. Les principales consis tent à réduire, à deux reprises et substantiellement, les péages sur les grandes voies navigables qu'il contrôle (118)' ainsi qu'à interdire aux compagnies ferro viaires, des pratiques tarifaires par trop anarchiques (119).

Dès 1850, J. de Rothschild lâche, au grand mécontentement de la Socié té Générale, les canaux de la Sambre et démissionne de la présidence de leurs conseils d'administration pour signer avec le gouvernement une convention par la quelle il s'engage à prolonger, dans un délai de huit ans, l'embranchement Creil - Saint-Quentin jusqu'à Erquelinnes dans la direction de Charleroi, Namur, Liège et Cologne. Ce qu'il réalise en cinq ans, inaugurant la nouvelle ligne en décem

bre 1855 (120).

En juin 1853, le Nord a repris en location l'exploitation de la ligne Erquelinnes - Charleroi. Concédée en 1845 à une société anglo-belge, sa construc tion d'abord retardée par la crise financière de 1848, avait été menée activement en 1851-1852 (121). Un an plus tard, en juin 1854, le Nord poursuit l'extension de son réseau belge par la prise, toujours en location, de la voie Namur-Liège propriété comme celle d'Erquelinnes à Charleroi d'une entreprise belgo-britanni- que (122). Il ne lui manque plus entre Paris et Liège que la section Charleroi - Namur appartenant à l'Etat belge, dont il entreprend d'obtenir la location avec l'aide de A. Dechamps, ancien ministre des Travaux publics, nommé administrateur du Nord en janvier 1855, et d'A. Fassiaux, "agent supérieur de l'administration des chemins de fer belges, avec lequel la Compagnie s'est trouvée en relations depuis l'ouverture de ses lignes en 1846" et qu'elle vient d'engager pour diriger son réseau belge sur la base d'un traitement annuel de 12.000 f (123). Reçus à plusieurs reprises par A. Dumon, qui a succédé le 30 mars 1855 à Van Hoorebeke comme ministre des Travaux publics, Dechamps et Fassiaux n'aboutissent pas dans Ch.5 122

leurs pourparlers (124). Le Nord subit un échec similaire un an plus tard, en dé cembre 1856, lorsque le gouvernement belge s'oppose-à ce qu'il prenne en location la ligne.Manage-Mons exploitée par la compagnie anglaise qui lui a cédé en 1854 la voie Namur-Liège; le chemin de fer Manage-Mons est repris en juillet 1858 par l'E tat belge(125). En 1857-1858, après le remplacement de Dumon par Partoes aux Tra vaux publics, le Nord obtient une dernière extension de son réseau belge avec la reprise à bail du chemin de fer Mons - Haumont et de son embranchement vers Saint-

Ghislain, et la concession de la voie Namur - Dinant - Hastières se soudant à Givet avec les lignes des Ardennes françaises (126).

2. L'ouverture vers l'Est.

La mise en valeur des ressources en fer et le développement rapide de la sidérurgie de l'Est de la France et du Luxembourg entraînent en 1860-1870 l'équipement accéléré en voies de communication de ces régions. Il s'agit non seulement de les fournir en charbon et d'écouler facilement leurs produits finis mais encore de suppléer par l'envoi de matières premières l'approvisionnement ferreux de plus en plus déficient des bassins métallurgiques traditionnels (127).

Le canal de l'Aisne à la Marne ouvre en 1860 un accès navigable vers la haute Marne et le Rhin aux industriels belges. Son intérêt est cependant très limité en raison de la longueur du parcours, des modes de péage et de spécifici tés techniques favorables à leurs concurrents allemands. Seul le chemin de fer, réductible à volonté et dispensateur de conditions tarifaires avantageuses aux transports à longues distances peut leur permettre de s'implanter sur ce nouveau marché (128). L'entente entre les houillères sarroises et la Compagnie de l'Est, qui détient les principales lignes et à laquelle Napoléon III est intéressé (129), ainsi que le refus opposé en 1869 à la demande de concession, de Philippart, d'une ligne reliant la frontière franco-belge à Châlons-sur-Saône par Mézières et Rethel (130), ruineront tous les espoirs en la matière.

3. Raccordement des bassins de Mons et du Centre aux nouvelles voies ferrées.

Reliés depuis 1846-1849 à la voie Paris - Lille par l'embranchement de Valenciennes, les bassins de Mons et du Centre ont intérêt à se rattacher le plus tôt possible à l'axe Saint-Quentin - Charleroi dès que sa réalisation devient,

en 1860, certaine à plus ou moins court terme. Son parcours représente pour Mons

dans la direction de Paris un gain de 30 km: 290 au lieu de 320, soit une distance équivalente à celle qui sépare Anzin de la capitale française et moindre que celle

- 300 km - que Charleroi doit parcourir pour y aboutir. Ch.5 123

La Compagnie du Nord sollicite au début de juillet 1852 la concession du chemin de fer Mons - Haumont, qui, combiné à celui de Manage à Mons, doit as surer les transports du bassin borain comme celui du Centre vers la nouvelle voie (131). Se targuant de ce que le dossier introduit par Basse en 1835, lui accorde un droit de préférence, la Société Générale dépose peu après une demande concurrente, conçue dans le même sens (132).

Les deux projets sont mal accueillis dans le Centre, qui rechigne à faire un détour par Mons pour gagner, avec un handicap sur son concurrent borain, la voie de Saint-Quentin. Bien introduit auprès du pouvoir, le Centre contre-atta que avec l'aide, semble-t-il, de la Banque de Belgique. Van Hoorebeke, qui a rem placé Rolin comme ministre des Travaux publics en août 1850, conserve ses fonc tions au sein du nouveau cabinet formé par de Brouckere le 31.10.1852. Au cours de la crise ministérielle, qui a débuté le 28.9.1852, Van Hoorebeke accorde le 9. 10.1852 à J.F. de Wijkerslooth de Nerderstein non seulement la concession de la ligne directe Manage - Erquelinnes mais encore un droit de préférence pour pou voir exécuter, à conditions égales à toute autre soumission, la voie Mons - Hau mont pour le cas où celle-ci serait décrétée d'utilité publique. Le projet de loi ratifiant cette convention est déposé le 4.11.1852, soit cinq jours à peine après la formation du nouveau gouvernement. Aucune allusion n'y est faite aux demandes concurrentes introduites quelques mois plus tôt par la Compagnie du Nord et par la Société Générale (133).

Derrière de Wijkerslooth deux proches de la Banque de Belgique mènent l'opération: Ernest Brugmann et Auguste Goethaïs (134). On sait peu de choses sur Ernest Brugmann, âgé à l'époque de 29 ans. Son père, Frédéric Brugmann, industriel textile verviétois établi dans la capitale depuis 1830, décède à Bruxelles le 13.11.1852 à l'âge de 73 ans. Administrateur de la Banque de Belgique de 1845 à 1850, il avait été lié d'affaires à J. Engler, dont Auguste Goethals, aide de camp du duc de Brabant et futur ministre, est le gendre. En 1853, Ernest Brugmann investit des sommes importantes et joue un rôle de pre mier plan dans deux entreprises métallurgiques patronnées par la Banque de Belgi que: les Hauts Fourneaux et Laminoirs de Montignies-sur-Sambre et les Charbonna ges et Hauts Fourneaux d'Ougrée. Cette dernière société, à laquelle J. R. Bisschoffsheim est intéressé, s'est spécialisée depuis 1842 dans la fabrication de rails et de matériel de chemin de fer. Brugmann est, avec Goethals, Bisschoff sheim et plusieurs autres personnalités de l'entourage de la Banque de Belgique, à l'origine de la constitution en juillet 1856 de la Compagnie générale de Maté- riel de Chemin de fer, dont Van Hoorebeke est... administrateur (135). Ch.5 124

A Mons ainsi qu'à la Compagnie du Nord et à la Société Générale, c'est le tollé. Rothschild et Meeus écrivent à la Chambre, le 26.11.1852 pour dire com bien "la proposition de Van Hoorebeke jette, sans égard pour les droits acquis, l'interdit sur le bassin de Mons et paralyse toute initiative sans imposer aucune obligation à ceux qui obtiennent un droit aussi exorbitant" (136). "Acte de népo tisme, qui blesse toute notion de probité gouvernementale et de justice et inau gure bien tristement pour le Couchant de Mons l'avènement du nouveau cabinet" s'exclame la Gazette de Mons. "Après l'abandon dans lequel il a été si longtemps laissé, le Couchant de Mons était en droit d'espérer que le gouvernement s'occu perait enfin de lui. Il n'en a pas été ainsi. Un pacte d'une incroyable brutalité est venu grossir les griefs anciens et combler la mesure". (137) "Monstrueux privilège demandé par la Compagnie de l'aide de camp du duc de Brabant, surenchérit l'Echo de Mons. Si l'on a cru utile à la popularité du Roi en accor dant une semblable faveur à un homme qui a l'honneur d'approcher la Famille roy ale, on s'est étrangement mépris et le froissement d'intérêts qui en résulte est de nature au contraire à porter une atteinte sensible à la popularité de la Mai son régnante" (138).

Les exploitants charbonniers montois joignent leurs voix à celle de la presse pour dénoncer le 12.11.1852 auprès du Parlement le caractère aléatoire des propositions faites par de Wijkerslooth relativement au chemin de fer de Mons à Haumont. "Il est certainj déclarent-ils, qu'il ne se déterminera jamais à dé penser 5 ou 6 millions de francs pour faire lui-même (par la voie de Manage à Mons combinée à celle de Mons à Haumont) une concurrence ruineuse au chemin de fer de Manage à Erquelinnes, qui forme l'objet principal de sa demande. Il est hors de doute qu'il ne veut la préférence qu'afin d'empêcher d'une manière absolue l'exécution de la voie dont (leurs) intérêts réclament impérieusement la créa tion" (139).

La Chambre de commerce et le Conseil communal de Mons réagissent dans le même sens les 14 et 17.11.1852. Tous deux insistent pour que le droit de préférence accordé soit converti en une obligation formelle de construire simul tanément les deux voies après dépôt d'un cautionnement important garant de leur exécution. Autrement, conclut la Chambre de commerce, "au moyen du vague qui rè gne dans les dispositions de la convention, les concessionnaires pourront dans un rayon de plusieurs lieues s'attribuer le monopole de la construction de tout chemin qui présentera quelque chance de bénéfice, personne ne se hasardant plus à faire des frais d'études et à perdre son temps à élaborer des projets dont de Wijkerslooth aura le droit de s'emparer. Faveur exorbitante rappelant la clause Ch.5 125

du cahier des charges du canal de la Sensée qui, interdisant dans une certaine région, la construction d'une voie navigable en concurrence a fait si longtemps obstacle à l'établissement du canal de l'Espierre" (140). Une députation, accompagnée des parlementaires de l'arrondissement, remet ces pétitions au Ministre des Travaux publics. En cours d'audience, celui-ci annonce la fusion des projets de de Wijkerslooth et de la Compagnie du Nord (141), nou velle que cette dernière s'empresse de démentir catégoriquement (142).

Manifestement impressionné par la violence des critiques dont il est l'objet, Van Hoorebeke déclare le 19.11.1852 à la Section centrale chargée de l'examen du projet, qu'il compte imposer à la société concessionnaire l'obligation d'exécuter simultanément les deux lignes(143).

Ce revirement incite la Compagnie du Nord et la Société Générale à fusionner leurs demandes le 20.11.1852 (144). Proclamant bien haut leur décision de faire en sorte que le projet concurrent, s'il était retenu, n'aboutisse à rien suite au refus de concession de la partie française de la ligne et à l'absence d'accord avec les réseaux ferroviaires industriels du Flénu et de Saint-Ghislain qu'elles contrôlent (145), les deux sociétés promettent d'appliquer en faveur du Centre, sur la ligne Mons - Haumont et pour le cas où celle-ci serait seule exé cutée, une réduction de 13% sur le péage annoncé dans lé projet de loi déposé. Si, au besoin une adjudication publique avec rabais sur le montant des péages pour la seule ligne de Mons à la frontière était ordonnée, elles s'engagent à soumissionner pour l'exécution de cette voie aux conditions les plus avantageuses pour les deux bassins (146). Alors que les exploitants houillers du Centre péti tionnent pour manifester leur insatisfaction quant aux propositions de la Société Générale et de la Compagnie du Nord, qui maintiennent, estiment-ils, leur bassin dans un état d'infériorité par rapport à celui de Mons (147), les patrons char bonniers borains, appuyés par la Chambre de commerce, le Conseil communal et la presse de Mons, supplient le Parlement de leur réserver le meilleur accueil (148).

Imperméable à leurs arguments, la Section centrale adopte le 5.12.1852 le projet de loi amendé par le gouvernement. Ce qui provoque l'envoi, le 22.12. 1852, d'une nouvelle pétition du Comité houiller montois (149). Prévue à l'ordre du jour de la Chambre le 26.1.1853, la discussion est ajournée sur une interven tion de Van Hoorebeke, annonçant la conclusion prochaine d'un arrangement entre les différentes parties intéressées. Cette nouvelle est bientôt confirmée. J.F. de Wijkerslooth retire alors sa demande de concession sur la base de la convention signée avec Van Hoorebeke, pour que ce dernier puisse concéder la ligne de Mons Ch.5 126

à Haumont à la Compagnie du Nord et à la Société Générale. Réadapté dans ce sens, le projet de loi est voté par la Chambre le 30.4.1853, par le Sénat le 7.6.1853. Concédée le 15.1.1854 à un consortium regroupant J. de Rothschild, E. Brugmann et la Société Générale, la ligne de Mons à Haumont est ouverte à la circulation le 12.12.1857 (150).

Au cours de la discussion à la Chambre et au Sénat, les 25.4 et 7.6. 1853, le prince de Chimây, le Comte de Robiano et quelques autres députés de la région du Centre ont réclamé que soit imposée la simultanéité d'exécu tion des lignes Mons - Haumont et Manage - Erquelinnes. Le 23.5.1853, Van Hoorebeke signe une convention concédant cette dernière ligne à une Compagnie du du Chemin de fer du Centre, financée en partie par des capitaux français et pa tronnée par le Prince de Chimay et le Comte de Robiano, deux de ces intervenants. Rapidement réalisée, la voie Manage - Erquelinnes est inaugurée le 2.8.1857, soit quelques mois avant celle de Mons à Haumont (151).

c. Conclusion.

En ce qui concerne l'organisation de leurs transports vers la France, les exploitants charbonniers montois demandent pour l'essentiel aux pouvoirs pu blics de faciliter la réalisation, par voie de concession, de deux grands axes de communication: 1) un nouveau cours d'eau joignant Mons à Roubaix - Lille par l'Espierre; 2) un canal ou un chemin de fer reliant le Borinage aux nouvelles routes navigable et ferroviaire ouvertes entre Charleroi et Paris dans la vallée

de la Sambre.

Ils se heurtent longtemps, dans la poursuite de ce double objectif à un adversaire redoutable: Honnorez, un entrepreneur établi à Mons, allié d'Anzin, concessionnaire de plusieurs canaux et écluses dans le Nord de la France, et ex pert dans l'art d'utiliser les rouages politiques existants. Ils ont "aussi à tenir compte, en ce qui concerne la jonction du Borinage avec la Sambre, de la concur rence du bassin du Centre, en pleine expansion et bien introduit auprès de plu

sieurs Ministres des Travaux publics.

Puissamment assistés par la Chambre de Commerce, qui se charge de bon nombre de démarches, les exploitants charbonniers montois ne ménagent pas leurs efforts pour obtenir les voies de communication désirées: pétitions, adresses et Ch.5 127

députations au gouvernement et aux Chambres, brochures, campagnes de presse, in terventions parlementaires, intrigues administratives et militaires.... Tous les moyens sont bons. Pour un résultat en définitive assez dérisoire: un canal vers Lille réduit à l'état de cûl-de-sac dès 1838 et un chemin de fer vers la Sambre ouvert seulement en 1857. 128

CHAPITRE 6

LES TRAVAUX PUBLICS :

LES TRANSPORTS VERS L'INTERIEUR DU PAYS.

a. Une voie directe vers le Bas - Escaut ?

Le Couchant de Mons écoule en 1830, 40% de sa production dans les deux Flandres, à Anvers et en Hollande. Les expéditions se font par les canaux de Condé et d'Antoing et par l'Escaut. Ouvert en 1842 entre le Borinage et Bruxelles, le chemin de fer de l'Etat n'est guère utilisé pour le transport des charbons montois (1).

A partir de janvier 1845, les exploitants houillers borains réclament, avec l'appui de la Chambre de commerce et de la Gazette de Mons, l'ouverture d'une voie navigable directe vers Termonde et le Bas-Escaut, en apportant leur appui à la demande de garantie d'intérêt par l'Etat (2), sollicitée par A. Dubois- Nihoul, concessionnaire depuis 1842 d'un canal Jemappes-Alost à établir parallè lement à la Dendre (3).

L'ouverture de cette voie navigable est combattue par les localités riveraines de l'Escaut, qu'elle menace de la perte d'une partie du trafic fluvial. Ath lui est également hostile, lui préférant la canalisation de la Dendre prolon gée par un chemin de fer jusqu'au Borinage (4).

L'annonce en juin 1845 de la reprise par un groupe anglais du projet Dubois-Nihoul est une heureuse surprise pour les patrons charbonniers montois. D'autant plus que les Britanniques font part de leur intention d'en faire un canal maritime à très grande section, susceptible d'amener jusqu'à Mons des navires propres à la navigation lointaine. Après le versement par les Anglais d'un cau tionnement d'1.000.000 f, Dubois-Nihoul est déclaré concessionnaire de la voie CARTE 6 VOIES NAVIGABLES

Mer du nord ^ -—-c^^^

+*.*xxx..x*xXX*x XXXv ^^Ostende <* i X * /1/ QBruges 3 Anvers ^/^ vy^ oLokeren y/Nieuport ^/—j^Gand J _y^^+ Fûmes 1 . // -~-^ yTermonde ^———T^^ "I* / ^X"^ ^^ ,t / 5-\ «^ Dunkerque * / -t] .*» / * yC Q J "^ / \ VX J QAlost ^7 o Louvain -*/ l Audenaerde J O/ •"^V- ^V Bruxelles ^ ©Ypres dXourtrai /<\ è1/ + y^v ^ f/ f Ul *+ x^S Sx. / 7 1& ^ .,+£££•*++. / Bossuit / ° 4- > y p Lessines f ° / Roubai 1 -J y^ ù y£SPtE."RE. 1 < l x 1 •** <Î>S 1 y- 1 o y- ./aih y- HJournai ^" f /Lille y-

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UJ 1 y- .. ^-^ c/do jai ./ ++***** "Xxvr •vX^ z*^ V •^ Maubeuge y- y- y- y- y- ^1k Ch.6 130

navigable (5).

Les associés britanniques de Dubois-Nihoul , qui obtiennent à la même époque la concession des chemins de fer Namur - Liège, Manage - Mons et Ath - Termonde, constituent deux sociétés. La première établie au capital de 25.000.000 f, a pour objet, la construction et l'exploitation des lignes Namur - Liège et Manage - Mons; la seconde formée au capital dé 45.000.000 f, celle du chemin de fer Ath - Termonde et du canal de Jemappes à Alost (6).

Retardée par la mésentente entre Dubois-Nihoul et ses partenaires anglais, la Société du Chemin de fer et du canal de la vallée de la Dendre éprouve des difficultés à rassembler les fonds nécessaires au démarrage des travaux (7). En mai 1847, elle déclare renoncer à l'exécution du canal et demande à pouvoir affecter le cautionnement versé pour celui-ci à l'établissement d'une première section du chemin de fer, en promettant de transporter sur celui-ci les produits du Couchant de Mons plus avantageusement que sur la voie navigable existante (8).

Alors que le Borinage s'oppose à l'utilisation du cautionnement en faveur du chemin de fer et exige qu'il serve à un canal Jemappes - Alost ou à la canalisation de la Dendre continuée par un canal jusqu'à Jemappes (9), Ath et Tournai substituent au chemin de fer, qui devait prolonger la Dendre, un canal aboutissant à Blaton sur le canal d'Antoing. Sa réalisation doit permettre aux houilles françaises descendant l'Escaut d'atteindre la Dendre pour ainsi dire aux mêmes conditions que les charbons montois (10).

Le 2.7.1851, Frère-Orban propose à la Chambre un emprunt de 26.000.000 f pour l'exécution de travaux publics favorables au bassin houiller liégeois: la poursuite de la canalisation de la Meuse, ainsi que sa jonction au bas Escaut à Anvers par les canaux de la Campine. Le financement d'un tel emprunt est rendu possible par la réforme de l'impôt sur les successions que le ministre des Finan ces est sur le point d'obtenir du Parlement au terme d'une lutte de trois années suffisamment agitée pour entraîner une crise gouvernementale et la dissolution du Sénat. Frère-Orban demande le même jour à la Chambre l'autorisation de pouvoir céder à une nouvelle entreprise - Demot et Cie - le chemin de fer Ath - Termonde, que la Société de la Dendre a renoncé à exécuter, ainsi que la concession d'une voie ferrée reliant Gand à Bruxelles par Alost.

Le dépôt de ce projet de loi soulève un tollé général dans l'arron dissement de Mons où bientôt s'organise un vaste mouvement de protestation. o CARTE 7 VOIES FERREES EN 1867 G)

co Ch.fi 132

Pendant que des pétitions circulent, le Comité houiller (11), la Chambre de commer ce (12), le Conseil communal (13) et la presse (14) unanimes dénoncent à la fois le caractère intéressé de la démarche du ministre des Finances et 1'inadéquation du projet à leurs besoins. Considérant subitement comme secondaire la question de la direction à donner vers Blaton ou Jemappes au prolongement de la Dendre ca nalisée, ils l'escamotent provisoirement pour réclamer d'une seule voix la réali sation avec l'aide de l'Etat de la voie navigable. Il est impensable, selon eux, qu'un candidat concessionnaire se présente encore pour le canal, le chemin de fer une fois exécuté. De cette voie ferrée, que Gand et plusieurs localités riverai nes de la Dendre réclament instamment, ils ne veulent pas entendre parler. Alors que les tarifs pratiqués sur la nouvelle voie navigable doivent abaisser le fret de 4 f 50 à 3 f 20 par t entre Jemappes et Anvers, les prix appliqués par le che min de fer dépasseront toujours, en dépit d'un taux avantageux de 3 centimes par t/km, la barre des 4 f. Et encore sans tenir compte des déchets ré sultant d'un long parcours sur la voie ferrée, et des frais qu'entraîneront l'amé nagement et la surveillance des quais d'embarquement de Termonde.

"On est courroucé, déclarent les Montois, de voir le pays entier im posé au profit des seules houillères de Liège. C'est à un banquet splendide que le ministre des Finances, se soumettant aux voeux des associations libérales et des conseils communal et provincial de Liège, convie sa ville natale" (15). Alors qu'il se refuse à concourir par l'octroi d'une simple garantie d'intérêt à l'exécution du canal de Jemappes à Alost, il consacre 15 des 26 millions demandés à assurer de nouveaux débouchés aux seules houillères liégeoises. Et ces 15 mil lions s'ajoutent aux 10 millions dépensés par le gouvernement hollandais au creu- .. sèment du canal de Maastricht à Bois-le-Duc, aux 12 millions enfouis depuis 1840 dans l'amélioration de la navigation de la Meuse, aux 6 millions affectés aux ca naux de la Campine. "Aucun ministère catholique, aucune combinaison mixte n'aurait traité Mons de cette façon !" (16)

Le Conseil provincial se réunit le 17.7.1851, avant la discussion à la Chambre du projet de loi de Frère-Orban, au moment où s'engage le travail des sections parlementaires. "Longtemps avant l'ouverture de la séance, la tribune publique est envahie par un grand nombre d'industriels et de directeurs de char bonnages. Dans l'enceinte réservée aux conseillers, de nombreux groupes se forment. L'on y discute avec vivacité. Jamais la salle des délibérations du Conseil pro vincial n'a présenté un aspect aussi animé" (17).

F. Corbisier et H. Rousselle introduisent la discussion par la pré- Ch.6 133

sentation d'un rapport particulièrement agressif à l'égard du gouvernement. "La plus grande partie des millions destinés à des travaux publics à exécuter par l'Etat est dévolue au développement de l'industrie d'une seule province. Le réseau des communications à ouvrir dans l'intérêt de l'industrie liégeoise a été combiné de manière à changer les relations commerciales existantes et à bouleverser l'éco nomie du système des transports. Il ne s'agit pas principalement de donner au bassin houiller de Liège de plus grandes facilités pour exploiter son marché na tional ou pour conquérir un marché à l'étranger qui ne serait pas déjà exploité par d'autres centres producteurs de Belgique. Il s'agit bien évidemment de chasser des marchés d'Anvers et de la Hollande et peut-être même des marchés de Louvain, de Bruxelles et de Gand, les produits des trois bassins houillers du Hainaut qui, dans des proportions différentes, en ont, dans tous les temps été en possession. Les houilles de Liège, embarquées sur un canal à grande section, ayant peu d'éclu ses et permettant l'usage de bateaux d'un port de 250 à 300 t n'auront à franchir de Liège à Anvers qu'un parcours de 157 km. Elles arriveront à Anvers à des con ditions infiniment supérieures à celles des houilles du Hainaut. Et de là, elles s'empareront de tout le marché de la Hollande. Et même, elles viendront lutter avec avantage sur les points du marché national dont le Hainaut est aujourd'hui

en possession".

"Le bassin houiller de Liège, poursuivent-ils, voulant enlever au Hainaut la plupart de ses marchés, obtient du gouvernement de mettre à la charge de tout le pays une somme de 15.000.000 f sur le capital de 26.000.000 f destiné

à la création de nouvelles communications. Les voies de communication, qui se sont faites dans le Hainaut, ont presque toutes été exécutées, soit par les ressources propres à cette province, soit par voie de concession avec la charge de péages".

"Le gouvernement doit, concluent F. Corbisier et H. Roussellë, modi fier ses propositions de manière à respecter les principes d'une véritable justice

distributive" (18).

Une motion est votée dans ce sens par le Conseil provincial. Bpurlard et Defuisseaux, deux conseillers anticléricaux montois, l'ont amendée de manière à ce qu'elle ne puisse être interprétée comme la volonté de cette assemblée de blâmer la conduite du gouvernement, mais seulement comme son désir de lui rappeler son "oubli certainement involontaire des intérêts du Hainaut" (19).

Prenant la parole au cours du débat, le gouverneur de la province, défend énergiquement Frère-Orban. Il s'oppose au vote de la motion. "Ce serait Ch.6 134

empiéter, dit-il, sur les attributions des Chambres. Le cabinet veut, dit-on, assurer aux houilles de Liège le monopole des marchés de la Hollande, d'Anvers, de Bruxelles, de Gand et de Louvain. On va même jusqu'à incriminer l'intention qui a arrêté les bases du projet de loi. On ne craint pas de supposer que par une faveur toute spéciale, on exemptera les produits houillers du bassin de Liège de tous péages sur les nouveaux canaux que l'on veut construire dans l'intérêt de cette province. De telles accusations, de telles insinuations, que rien ne justi fie doivent être repoussées, n'ont pas à être discutées. Les travaux projetés en faveur de la province de Liège ne sont que le complément forcé, obligatoire de ceux déjà exécutés. Tout le monde sait que les travaux projetés sont nécessaires pour mettre la vallée de la Meuse à l'abri des inondations qui la désolent pério diquement. A ce titre seul,la dépense demandée aux Chambres se trouve justifiée. Elle est commandée par une impérieuse nécessité. Grâce à la construction des tra vaux proposés les houilles de Liège pourront certainement lutter avec lés pro duits hainuyers sur le marché d'Anvers à cause du plus fort tonnage des bateaux qui les transporteront. Mais elles ne pourront les en chasser comme on l'affirme à tort des marchés de Gand et de Bruxelles" (20).

La Section centrale de la Chambre aborde le 29.7.1851 la question de la garantie d'intérêt de 4% sollicitée par les exploitants charbonniers montois en faveur du canal de Jemappes à Alost. Dubois-Nihoul, son concessionnaire, a écrit à ses membres ainsi qu'au ministre des Travaux publics, pour leur faire part de la réunion immédiate, en cas d'octroi de cette garantie, d'un capital de 11.000.000 f, souscrit partiellement en Angleterre, complété à l'aide du caution nement et des contributions des établissements houillers du Couchant de Mons, Par 4 voix contre 2, la Section centrale rejette la demande de garantie d'intérêt formulée en faveur du canal de Jemappes à Alost. Partisan du canal de Blaton, Ch. Rousselle, seul député montois à faire partie de la Section centrale, a voté contre. Le ministre Van Hoorebeke, qui participe aux travaux de la Section centrale, n'ac corde à Mons qu'un subside de 500.000 f pour la canalisation de la Dendre, tandis que le Centre et Charleroi, mieux défendus, obtiennent la garantie d'intérêt pour des projets dé chemins de fer reliant Manage et Charleroi à Louvain (21).

Après avoir entendu près d'une centaine d'orateurs, la Chambre vote le 24.8.1851, au terme de quinze jours de discussions, les travaux proposés par Frère-Orban. Le Sénat ratifie cette décision le 28.11.1851, après avoir accepté quelques jours plus tôt les mesures fiscales préconisées par le ministre. Dumortier et Malou ont défendu sans succès l'ajournement de la discussion à la session suivante ainsi que l'abandon du projet général en faveur de plusieurs Ch.6 135

projets de loi distincts (22). Convaincus de leur impuissance, les députés montois ne recommandent même pas, par voie d'amendement, l'octroi d'une garantie d'intérêt en faveur du canal de Jemappes à Alost (23).

Le 8.5.1852 est constituée une Société des chemins de fer de Dendre- et-Waes et de Bruxelles vers Gand par Alost, au capital de 22.000.000 f. Bien que la Société Générale ait quelques mois plus tôt marqué son hostilité au projet, elle lui est cette fois étroitement associée (24). La concession réserve à la société constructrice 75% des recettes d'exploitation par l'Etat des transports expédiés entre Ath et Lokeren dans la direction de Gand ou d'Anvers. Un "riche filon", qui, selon la Gazette de Mons, assure 6% d'intérêt. "Le capital social s'élève à 22.000.000 f. S'y ajoute le petit million accordé comme prime par le gouvernement, provenant du cautionnement de l'ancienne Société de la Dendre, à laquelle on a permis de retirer l'autre million à la condition de laisser le pre mier à la société nouvelle, qui a donc touché ainsi 23.000.000 f. Elle devra payer pour ses travaux 16.000.000 f. Bénéfice net: 7.000.000 f". Les frais de traction s'élèvent à 52% de la recette brute; Dendre-et-Waes reçoit 75% de celle-ci; l'Etat travaille donc avec 27% de perte. "Le gouvernement s'est réservé une compensation dans le transit gratuit, c'est-à-dire dans le parcours d'une extrémité à l'autre de la ligne sans autres frais que ceux de la traction. Mais pour éluder cet avan tage, Dendre-et-Waes fait rompre charge aux marchandises à Alost pour lés expédier même à Gand par eau...Contrat incompréhensible, si inconsidérément accepté par le ministre des Travaux publics et soulevant tant de murmures", conclut la

Gazette (25).

La concession des lignes Ath - Lokeren et Bruxelles - Alost - Gand à

Dendre-et-Waes suscite plusieurs projets concurrents.

Avec l'appui de la Gazette et de l'Echo de Mons, la Compagnie du Nord patronne un chemin de fer Saint-Ghislain - Ath - Gand, proposé par Delaveleye et Moucheron. Il raccourcit de 50 km le trajet du Borinage à la région gantoise (26). Hoyols et Hertogs en proposent un autre joignant Thulin à De Pinte, petite locali té située à 3 km de Gand sur la ligne de l'Etat reliant cette ville à Courtrai et à Lille. Passant par Bernissart, Blaton, Leuze, Renaix et Audenaerde, il satis fait plusieurs localités non encore desservies par le chemin de fer, sans porter ombrage, comme le tracé Delaveleye - Moucheron, au projet de canal de Blaton à Ath. Ch. et H. Rousselle et leur organe de presse,-le Modérateur, un trihebdomadaire, auquel succède en juillet 1852 le quotidien le Constitutionnel-, l'appuient à Mons de toutes leurs forces. L'Indépendance belge le soutient aussi ainsi que Ch.6 136

peut-être, mais plus discrètement la Banque de Belgique (27).

Enfin, A. Maertens, un bruxellois originaire de Tournai, propose, avec l'aide du Conseil communal de cette ville, un compromis des deux tracés pré cédents: une ligne Saint-Ghislain - Gand par Leuze, Renaix et Audenaerde (28).

Les trois tracés prévoient un embranchement vers Tournai.

Annonçant la constitution pour l'essentiel à Paris d'un capital d'une vingtaine de millions, Delaveleye et Moucheron pressent le ministre des Travaux publics de prendre une décision, en lui proposant le dépôt immédiat d'un important cautionnement (29).

Van Hoorebeke répond en novembre 1853 à leur insistance par l'organi sation d'une enquête, à laquelle rien ne l'obligeait. Exceptionnellement lente, celle-ci est loin d'être achevée lorsque Dumon, député toùrnaisien, lui succède en mars 1855 aux Travaux publics (30). Ce dernier fait alors voter par les Cham bres, au cours du premier semestre 1856, la concession à Maertens de son projet de chemin de fer Saint-Ghislain - Gand par Leuze, Renaix et Audenaerde. Non soumis à l'enquête de 1853, le projet Maertens, remanié en 1855, comprend, outre l'em branchement prévu vers Tournai, une ligne Saint-Ghislain - Ath (31).

A Mons, défenseurs de Dendre-et-Waes et partisans du canal de Blaton et du projet Hoyois - Hertogs se sont unis pour combattre le tracé Delaveleye - Moucheron (32). Symptomatique de leur alliance a été l'appui apporté en mai 1852 par la Société Générale à la réélection de Ch. Rousselle. Sur l'intervention de Corbisier et de Sainctelette, 21 charbonnages du Couchant de Mons lui ont fait part de leur reconnaissance en dépit de leur rancoeur à son égard pour son tor pillage quelques mois plus tôt du canal de Jemappes au profit de celui de Blaton. Les Charbonnages belges (Rothschild) et le Grand Hornu (Rainbeaux) ont été les seules houillères bpraines à ne pas s'associer à cet hommage (33).

Alors que la Chambre de commerce et le Conseil communal de Mons se sont prononcés pour la voie Hoyois - Hertogs (34), les charbonnages montois, divi sés sur le parti à prendre (35), s'abstiennent de prendre position (36).

Frère-Orban, Ministre des Finances, propose le 2.7.1859 d'affecter 45.000.000 f à la construction d'un chemin de fer direct de Louvain à Bruxelles, à l'aménagement des ports d'Ostende et de Blankenberghe ainsi qu'à l'amélioration de la navigation sur plusieurs voies navigables: Escaut supérieur, Grande Nèthe, Ch.6 137

Lys, Haute Sambre, Yser, canaux de la Campine, de Gand à Bruges... Une somme de 1.500.000 f est prévue pour la canalisation de la Dendre. Le gouvernement joint au projet qui est voté le 30.8 une clause l'autorisant à concéder un canal d'Ath à

Blaton avec un subside de 2.500.000 f. Ch. Carlier, député de Mons parvient à l'amender de manière à ce que son point d'aboutissement puisse également être le

Couchant de Mons (37).

Aucun candidat ne se présente jusqu'au début de juin 1862, époque à laquelle la firme anversoise Riche frères se déclare disposée à entreprendre la poursuite de la canalisation de la Dendre et le creusement d'un canal d'Ath à Jemappes à la condition de bénéficier pendant 50 ans d'une garantie d'intérêt de 4%. Appuyée par les exploitants charbonniers du Borinage, ainsi que par la Gazette dé Mons et le Journal de Bruxelles, la proposition de Riche frères est combattue par 1'Indépendance et le Constitutionnel de Mons, qui s'obstinent à préconiser l'exécution, sans garantie de l'Etat, du canal de Blaton (38).

C'est à cette dernière solution que se rallie le gouvernement en dé cembre 1862. Concédé à Vander Elst et Cie, entrepreneurs à Bruxelles, le canal de Blaton, financé par la Banque de Belgique, est ouvert à la circulation en octobre 1868, après que l'Etat ait terminé, comme il s'y était engagé, la canalisation

de la Dendre (39).

La ligne Saint-Ghislain - Leuze - Renaix - Audenaerde - Gand, entre prise en 1856 par Hainaut - Flandres (40), est inaugurée en septembre 1861.. Boycotté tant par la Société Générale que par la Compagnie du Nord, qui contrôlent les réseaux de chemins de fer industriels du Borinage, l'affaire s'avère mauvaise. Le trafic ne dépasse pas en 1862 les 97.000 t. La recette quotidienne par km est de 32 f alors que celle prévue devait s'élever à 124 f. "Isolée, étroitement con finée dans son trafic intérieur par des tenants jaloux, elle ne peut rien. C'est aux tarifs communs qu'elle doit demander son salut. Et ces tarifs communs, ses

concurrents les lui refusent" (41).

Sous le patronage de la Banque de Belgique, est constituée en février 1867, la Société Générale d'Exploitation. Elle gère un immense réseau ferré réuni

au cours des deux années précédentes sous la houlette de S. Philippart, industriel d'origine tournaisienne comme A. Maertens. Hainaut - Flandres en fait partie (42).

Hainaut - Flandres, puis la Société Générale d'Exploitation se refu sent cependant à construire la ligne Saint-Ghislain - Ath, prévue dans la conces sion de 1856. A plusieurs reprises, les exploitants charbonniers montois (43), appuyés par la Gazette de Mons (44) et quelques Conseils communaux du Borinage (45) Ch.fi 138

exigent que le gouvernement oblige les concessionnaires à réaliser dans le plus bref délai la voie demandée, ou les dépossède au profit de nouveaux candidats mieux intentionnés (46). Leur colère (47) atteint son paroxysme lorsque la Socié té Générale d'Exploitation annonce en mai 1868 son intention de substituer à la ligne Saint-Ghislain - Ath une voie reliant, parallèlement au canal, cette der nière ville à Blaton. Vanderstichelen et Jamar, qui se succèdent à la tête du département des Travaux publics, refusent la modification de tracé demandée. Lors de la reprise par l'Etat du réseau Hainaut - Flandres en 1870, la ligne Saint-Ghislain - Ath n'est toujours pas exécutée (48).

b. Les réformes tarifaires gouvernementales.

Au début des années quarante, l'Etat belge dispose d'un vaste réseau de voies de communication. Aux chemins de fer qu'il prend sur lui de construire et d'exploiter en 1834 - 1842, il joint la quasi-totalité des routes navigables, qu'il a, lorsqu'elles ne lui appartiennent pas, progressivement reprises à partir de 1835 aux provinces ainsi qu'au secteur privé: Sambre canalisée, canal de Char leroi, Escaut, Dendre, canaux de Bruges, d'Ostende et de Condé... Il s'agit dans certains cas d'opérations très profitables au trésor public. En 1843, le produit annuel net du canal de Condé s'élève à 150.000 f, celui de la Sambre canalisée à 500.000 f, celui du canal de Charleroi auquel accède le Centre depuis 1839 à...

1.400.000 f ! (49)

En matière tarifaire, les milieux charbonniers montois développent une doctrine ambivalente. Lorsqu'il s'agit d'obtenir une réduction de péages, ils défendent l'idée que ceux-ci doivent toujours être proportionnés aux distances réellement parcourues et ne servir qu'à couvrir les frais d'exploitation et d'en tretien, ainsi que l'intérêt et l'amortissement en un temps donné du capital en gagé (50). Par contre, lorsqu'il convient de s'opposer à une diminution tarifaire revendiquée par un bassin concurrent, ils argumentent que le gouvernement ne peut, sauf juste compensation, porter atteinte aux positions acquises, par des innova tions rompant l'équilibre que le pouvoir hollandais a "si habilement" établi entre les différents bassins houillers. Il faut, disent-ils, maintenir entre les péages les proportions qui ont été fixées lors de leur création respective. Si une réduc tion s'avère nécessaire, elle ne peut résulter que d'une mesure générale, qui rè gle les péages sur tous les canaux et rivières en les coordonnant avec ceux des chemins de fer, en faisant à chaque bassin houiller la part des avantages et des Ch.6 139

désavantages de leur position. Ce qui n'est possible qu'une fois que toutes les concessions en projet ou en voie d'exécution ont reçu leur solution (51).

Dès la formation du Gouvernement provisoire, les exploitants charbon niers montois multiplient les démarches pour obtenir une réduction substantielle des péages du canal d'Antoing: 10 cents au lieu de 56 cents par t à charge, 5 cents au lieu de 10 cents par t à vide! Malgré l'avis contraire des Ponts et Chaus sées (52)et sans consulter le Congrès national comme il le fait pour les questions douanières, le Gouvernement provisoire leur accorde par son décret du 9.1.1831, la diminution de moitié des droits en vigueur: 28 cents par t à charge, 7 cents par t à vide (53).

En 1839, l'Etat reprend l'exploitation du canal de Charleroi, auquel le Centre est relié par des embranchements gérés par une société privée; la jonc tion de la Sambre à l'Oise est réalisée; la voie ferrée offre à Liège de nouveaux débouchés vers Cologne, Louvain, Anvers, Gand et Bruxelles.

Concentrant son attention sur le développement de ses débouchés fran çais, Charleroi se contente de réclamer en faveur de ses expéditions vers la France, une diminution de 2/3 des droits perçus sur la Sambre canalisée (54), tandis que le Centre demande l'abandon du péage uniforme en vigueur sur le canal de Charleroi au profit d'une tarification établie en fonction des distances réel lement parcourues sur celui-ci (55). Au même moment, Liège et Verviers revendi quent la fixation de conditions tarifaires avantageuses à leurs produits sur le chemin de fer de l'Etat (56).

Alors que le gouvernement écarte la demande du Centre sous la pression concertée de Charleroi et de Mons (57), il accueille favorablement les requêtes carolorégiennes et liégeoises. Il réduit les péages de la Sambre canalisée le 1.9. 1840 de 19 à 10 centimes par t/lieue, et accorde le 25.10.1842 une diminution de 20% aux transports houillers effectués par le chemin de fer de l'Etat sur une distance supérieure à 100 km, mesure qui ne profite pour ainsi dire qu'au bassin charbonnier liégeois (58).

Le Hainaut crie au scandale. Mons, le Centre et Charleroi (59) pro testent contre "l'inique privilège" accordé par le ministre des Travaux publics au bassin houiller liégeois. Corbisier, secrétaire de la Chambre de commerce de Mons se montre particulièrement agressif à l'égard de Desmaisières; il l'accuse d'avoir dépassé lès limites constitutionnelles de ses pouvoirs. "Vous avez établi Ch.6 140

arbitrairement, sans motif plausible, par le seul effet de votre bon plaisir, une injuste catégorie, lui écrit-il. Il ne vous était point donné de chercher à équi librer les conditions de production des différents bassins houillers en changeant par des mesures exceptionnelles un tarif qui devait être le même pour tous. Cette question est à nos yeux d'une gravité extrême, moins par l'importance de ses con séquences actuelles et immédiates que par le danger de laisser passer inaperçu et s'affermir comme un fait accompli un acte également contraire aux droits et aux intérêts de la principale industrie du Hainaut et à l'esprit et à la lettre de l'article 112 de la Constitution. Sans avoir égard aux conditions respectives de production, de main d'oeuvre et de transport des bures au chemin de fer, sans égard à la distance parcourue sur le chemin de fer ni aux droits acquis par les tarifs antérieurs, votre arrêté prive brusquement les exploitants hainuyers des avantages naturels qu'ils ne devaient qu'à leur position. On ne peut expliquer que par l'intention bien formelle de favoriser Liège aux dépens des autres dis tricts charbonniers la préférence accordée au chiffre de 20 lieues de parcours pris arbitrairement pour donner droit à la réduction consentie par votre arrêté. Pourquoi en effet faut-il que ce soit plutôt 20 lieues que 10 ou 15? C'est évi demment parce que Liège seul avait une distance aussi grande à franchir pour par venir aux principaux points où le coke se fabrique pour le compte de l'Etat. Hormis Gand, où la navigation écarte toute concurrence de la part du chemin de fer, et Anvers, aucun des lieux importants de consommation pour les houilles de Mons n'est éloigné de cette ville de 20 lieues. On peut en dire autant des bassins

houillers du Centre et de Charleroi. Il est évident qu'on a voulu accorder un pri vilège exclusif à celui de Liège au détriment de tous les autres" (60).

En dépit dés réclamations, vives et réitérées du Hainaut, exprimées notamment lors du débat houleux que suscite à la Chambre la discussion en janvier 1843 du budget des Travaux publics, ni Desmaisières, ni Dechamps, qui lui succède le 16.4.1843, ne rapportent le tarif d'octobre 1842 (61).

Charleroi et Liège sont en concurrence sur les marchés mo.sans situés entre Huy et Givet. Leur conquête est liée au taux du fret. Celui-ci offre en 1846, dans la direction de Namur, un avantage d'environ 1 f par t à Liège sur Charleroi. La loi du 1.9.1840 n'a réduit de: moitié les péages sur la Sambre qu'entre Charleroi et la frontière française. De Charleroi à Namur, les droits restent fixés à 19 centimes par t/lieue.

En novembre 1846, à la veille de la discussion à la Chambre du budget des Voies et moyens, le bassin houiller de Charleroi entame une nouvelle campagne Ch.6 141

pour obtenir sur la basse Sambre une réduction équivalente à celle appliquée à la haute Sambre depuis 1840. Le contexte est favorable. Alors que Dechamps, ministre des Affaires étrangères, songe à se présenter à Charleroi, Malou détient le por tefeuille des Finances. L'introduction simultanée par les Carolorégiens d'une de mande de diminution de 75% des péages du canal de Charleroi, - il en résulterait une perte d'1.000.000 f pour le Trésor - n'est peut-être initialement qu'une ma noeuvre pour obtenir, par un repli parlementaire sur une formule de compromis, la réalisation de leur revendication relative à la basse Sambre (62).

Les Chambres adoptent sans difficultés au début du mois de mai 1847 le projet de loi introduit le 2 février par Dechamps au sujet de cette rivière. Soit trois mois avant les élections disputées d'août 1847 ! (63)

Leur requête concernant la basse Sambre une fois satisfaite, les Caro lorégiens reviennent de manière pour ainsi dire permanente sur leur démande dé diminution de 75% des péages perçus par l'Etat sur le canal de Charleroi (64); ils obtiennent finalement le dépôt le 14.3.1849 d'un projet de loi rapidement voté par les Chambres, leur accordant ainsi qu'au Centre (65), une réduction de 35% (66).

Rolin, ministre des Travaux publics, déclare céder aux instances des

Carolorégiens dans le but de rétablir l'équilibre rompu par la modification le 1.9.1848 du tarif ferroviaire. Concoctée par Frère-Orban avant d'être mise en pratique par Rolin, cette modification constitue une démarche destinée à entraîner, par un effet de boulé de neige, une réduction générale des péages sur les voies de communication gérées par l'Etat belge. Avantageuse à Liège et au Centre, elle s'avère en définitive profitable à l'ensemble des bassins industriels, en rendant inévitable, par le bouleversement des équilibres existants, une diminution des droits perçus sur les canaux de Charleroi, de Condé et d'Antoing. Consultés par Frère-Orban, Sainctelette et Gendebien, délégués par Mons et Charleroi, ont laissé faire (67).

Confrontée à la pression de plus en plus accentuée exercée sur le gouvernement par ses deux concurrents hainuyers à propos du canal de Charleroi, Mons s'est opposé à une diminution trop forte des péages sur cette voie et a re jeté catégoriquement celle de 75% réclamée par les Carolorégiens (68) tout en revendiquant une réduction substantielle de ceux qu'il acquitte sur les canaux de Condé et d'Antoing (69).

Relayés par la Chambre de commerce (70) et appuyés au sein du Parlement Ch.6 142

par l'ensemble de la représentation montoise, les exploitants charbonniers borains recourrent abondamment à la Gazette de Mons ainsi qu'à l'envoi d'adresses (71) et de députations (72) pour exiger que la réduction des péages sur le canal de Charleroi n'excède pas 25%. Ils se rallient en mars 1849 aux 35% proposés sous forme de compromis par le gouvernement à la condition que cette diminution s'ac compagne d'une réduction qu'ils portent progressivement à 50, 75 puis 80% des droits perçus sur les canaux de Condé et d'Antoing.

Frère-Orban leur donne partiellement satisfaction en déposant le 2.7. 1851, un projet de loi l'autorisant à diminuer de 50% les péages sur ces deux voies navigables. Repoussant l'amendement par lequel Rousselle, député montois, propose de porter à 80% cette réduction, la Chambre adopte le 27.8.1851 la pro position faite par Dolez, autre parlementaire montois, de fixer à 60% la diminu tion. Le Sénat entérine cette décision le 27.11.1851 (73).

La réduction de 35% en 1849 des péages du canal de Charleroi n'est pas la dernière concédée sur cette voie par le gouvernement. A partir de 1856, Charleroi et le Centre réclament de nouvelles diminutions, justifiant leurs dé marches par le terme fixé au 6.5.1860 à l'ancienne concession. Se rendant par tiellement à cette argumentation, Frère-Orban propose le 26.7.1859 une nouvelle réduction de 25% des droits du canal de Charleroi ainsi qu'une diminution de la distance comptée aux charbons du Centre pour le parcours de celui-ci. Rejetant l'amendement des députés du Centre et de Charleroi qui portent à 60% la réduction proposée par le gouvernement, la Chambre se rallie le 22.11.1859 aux 40% avancés sous forme de compromis par la Section centrale (74).

c. Conclusion.

En ce qui concerne leurs transports en Belgique, les exploitants

charbonniers montois réclament à la fois la réduction des péages de la voie navi gable existante et l'ouverture d'une route plus directe vers le Bas-Escaut.

Les diminutions substantielles obtenues en 1831 et en 1851 sur le canal d'Antoing constituent des avantages tarifaires moins importants que ceux accordés sur d'autres chemins aux bassins concurrents du Centre, de Charleroi et

de Liège. 143

CHAPITRE 7

LES TRAVAUX PUBLICS :

LA QUESTION DES CHEMINS DE FER INDUSTRIELS BORAINS

EN 1864 - 1870.

a. Les antécédents : 1830 - 1864.

1. Les premiers projets et les troubles d'octobre_1830^

L'établissement de petites voies ferrées destinées à relier les fos ses aux grands axes de communication offre l'avantage de faciliter le transport et d'en réduire le coût. Il bouleverse toutefois, menace même dans leur existence, une foule de positions acquises par les propriétaires de rivages ou de routes pavées ainsi que par des entreprises de roulage.

Deux projets de chemins de fer sont présentés en 1827 - 1828, l'un par le Grand Hornu, l'autre par Cache-Après, Crachet et Ostennes. Par contre, Hornu et Wâsmes préfère un embranchement navigable reliant l'ensemble des houil lères du bas Flénu au canal de Condé. Alors que la crise financière contraint ses concurrents à ajourner leurs projets, Degorge-Legrand construit rapidement son chemin de fer, au cours du premier semestre 1830 (1).

La chute brutale des expéditions, au lendemain des événements de 1830, provoque un ralentissement de l'extraction charbonnière, générateur de chômage partiel. Cette récession intervient à un moment où les produits agricoles attei gnent des prix prohibitifs, en raison non pas d'une disette réelle mais des spé culations des marchands et des fermiers. Les marchés ne sont pour ainsi dire plus approvisionnés. Et la misère règne. Les premiers troubles éclatent à Mons dans la nuit du 18 au 19 octobre 1830. Trois gros négociants en grains voient leur demeure dévastée. Des déprédations similaires frappent des agriculteurs et des Ch.7 144

commerçants céréaliers les 19 et 20 octobre, dans plusieurs villages des environs. Les pillages proprement dits sont l'exception. Les émeutiers se contentent géné ralement d'exiger, menaces d'incendie à l'appui, la vente des grains à moitié prix. Leur démonstration est impressionnante. Parcourant les rues en groupes de 200 à 300 personnes, au son du tambour et du tocsin, et au cri de "à bas les mar chands de grains", les ouvriers déchaînés et armés de massues, de perches et de fusils, terrorisent les localités qu'ils traversent. Les femmes surtout sont très agitées. Dans la mêlée figurent quelques hommes, revenus de Bruxelles, vêtus par fois d'uniformes pris à l'armée hollandaise. Tout un climat, qui n'engendre, les violences du Grand Hornu exceptées, que peu d'événements graves. Dès le 21 octobre, l'ordre est rétabli partout par la gendarmerie et des gardes bourgeoises organi sées à la hâte.

L'émeute ne présente pas qu'un caractère frumentaire. Le 21 octobre, donc assez tardivement, des groupes d'ouvriers se présentent dans divers charbon nages et s'y font remettre les livrets et les registres d'inscription, qu'ils vont brûler ensuite sur la place de Frameries. Affirmation d'une volonté d'indé pendance dans un contexte de libération nationale, comme on l'a avancé, ou plus prosaïquement intention de confondre dans le même sac les "bons" et les "mauvais" ouvriers, ceux qui trouvent à s'engager et ceux qui sont réduits au chômage? (2)

Au Grand Hornu le 20 octobre, les choses tournent mal. Le charbonnage est le point d'aboutissement, de rencontre de plusieurs bandes qui se sont formées le matin à l'aube. Les émeutiers n'y arrivent que dans l'avant-midi, au nombre de 500 à 600, principalement, semble-t-il, pour y faire arrêter, comme dans lés autres houillères, le travail. Mais ils se heurtent ici aux ouvriers de Dégorge. Des combats assez violents les opposent. Des blessés graves tombent de part et d'autre. Les assaillants l'emportent, et pénètrent dans l'établissement. Les ma chines sont détruites; lé grand atelier est dévasté; le chemin de fer est démoli; les chevaux sont emportés; l'hôtel de Dégorge est entièrement pillé; la caisse du charbonnage contenant 30.000 f est vidée (3).

peut-être spontané au départ, le mouvement qui a porté les ouvriers en révolte vers le Grand Hornu a été sinon encadré, du moins suggéré. Ch. Rogier arrivé le 25 octobre sur les lieux, écrit: "Tout a été brisé avec tant de détails et pour ainsi dire de symétrie qu'on croirait que des ordres ont été donnés. Jamais tant d'ordre n'a été donné à tant de désordre!" (4) Ch.7 145

Les premiers accusés sont les charretiers, que l'établissement du chemin de fer prive de leur travail (5). S'ils contribuent à l'agitation qui en traîne sa destruction, d'autres, bien plus intéressés qu'eux par la mise à sac du Grand Hornu, les manipulent. "Des hommes, écrit Gendebien, de passage par Hornu le 20 au soir, qui, par jalousie et pour combattre la concurrence que Dégorge leur faisait par ses transports économiques au moyen de son chemin de fer, pous sèrent le peuple à le détruire" (6).

2. La concession des chemins de fer du haut et du bas Flénu et de Saint-Ghislain.

Hornu et Wâsmes substitue en avril 1832 à son projet de canal, un chemin de fer qu'il propose d'étendre au haut Flénu. Ce qui provoque une vaste opposition, orchestrée par Belle et Bonne et appuyée par l'Observateur du Hainaut, seul journal publié à Mons (7).

L'octroi des transports du haut et du bas Flénu à une seule société, disent-ils, constitue un monopole, qui mettrait le commerce tout entier dans la dépendance d'un seul privilégié. Des concessions partielles, attribuables en priorité aux sociétés charbonnières concernées, vaudraient mieux. "On ne voit pas à quel titre on vient leur dire: de gré ou de force, vos chemins actuels seront remplacés par des voies ferrées. Et celles-ci, ce n'est pas vous qui les cons truirez, c'est moi qui viendrai les établir sur votre propre terrain, c'est moi qui en fixerai et en percevrai les péages" (8). Ces derniers seront d'ailleurs, estiment-ils, exorbitants: le double de ce que payeraient les exploitants s'ils entreprenaient eux-mêmes le chemin de fer demandé. Qui plus est, loin d'utiliser les routes pavées existantes, on le tracera à travers champs, enlevant ainsi de nouvelles terres à l'agriculture. L'abandon guette aussi les rivages de Saint- Ghislain. En un mot, une masse d'individus sera brusquement privée de tous moyens d'existence.

En dépit de ces protestations, Rogier, ministre de l'Intérieur, décide le 26 avril 1833 la mise en adjudication des chemins de fer du haut et du bas Flénu. L'exécution de l'entreprise est concédée le 23 août 1833 à Alexandre Vifquain, ingénieur de l'Administration des Ponts et Chaussées et seul compétiteur. "Il avait multiplié à dessein et à l'infini les travaux de son entreprise à l'ef fet d'écarter tous concurrents. Ceux-ci ne pouvaient ignorer que ces engagements devant être exécutés sous sa surveillance et son inspection, on les forcerait eux à leur exécution pleine et entière s'ils se rendaient adjudicataires, tandis qu'au mépris du cahier des charges, Vifquain en obtiendrait facilement la Ch.7 146

suppression, quand la farce serait jouée, comme il le disait lui-même avec une rare ingénuité" (9). Celui-ci ne remporte cependant qu'une demi-victoire: lui sont refusés l'expropriation de plusieurs hectares de terrains pour dérivation de la Haine et formation de nouveaux rivages ainsi que la clause interdisant pour une durée de dix ans l'établissement aux alentours de Jemappes de toute voie concurrente (10).

Constituée le 20.9.1833, la société civile, qui entreprend la cons truction de la ligne, est transformée le 20.11.1835 en société anonyme. La Société

Générale supporte l'essentiel des frais d'établissement de la voie: plus d'un million. Jusqu'à la formation de la société anonyme, son intervention, fort dis crète, passe inaperçue. Beaucoup de gens ignorent les importantes avances qu'elle effectue contre remise d'actions, puis d'obligations aux associés primitifs.

Commencés en juin 1834, les travaux sont terminés en octobre 1837.

Le chemin de fer a 41 km de développement: 27 sur le tronc principal, 14 sur les embranchements. Son tracé prête à forte critique: beaucoup trop de virages angu leux et de plans fort inclinés, qui rendront longtemps difficile, voire impossible l'utilisation des locomotives. Celles-ci sont introduites, sur les tronçons de même niveau seulement, en 1841. Ailleurs, la traction par chevaux l'emporte. A double voie sur les grands axes, à voie unique sur les branches secondaires, le chemin de fer offre l'inconvénient d'un éeartemént plus étroit que celui de l'Etat: 1 m 20 au lieu de 1 m 50. Ce qui implique un matériel spécifique et des transbordements inutiles (11).

A peine Vifquain est-il déclaré concessionnaire que les projets de Belle et Bonne et de Cache-Après refont surface. Ils offrent par rapport à la Compagnie du Chemin de fer du Flénu d'importantes réductions tarifaires (plus de 15 centimes par t) qui pour le seul charbonnage de Belle et Bonne se traduiraient par une économie annuelle de 30.000 f. Le 2.12.1833, Dessigny l'un des principaux porte-paroles de l'opposition au Flénu, poursuit la contre-attaque en sollicitant la concession d'un chemin de fer destiné à relier au canal les charbonnages si

tués au Sud et à l'Ouest de Saint-Ghislain, auxquels personne ne s'est encore intéressé jusque-là. Aboutissant au canal à hauteur de Saint-Ghislain, le projet Dessigny complète ceux de Belle et Bonne et de Cache-Après, et en concurrence un autre présenté simultanément par un certain Ducobu, lié de toute évidence à Vifquain et à la Société Générale (12).

Rogier, puis de Theux, ministres de l'Intérieur, accueillent défavo- Ch.7 147

rablement la concurrence proposée par Dessigny et ses associés. "Tous leurs efforts viennent se briser contre la force d'inertie que leur oppose le gouvernement à l'intigation de la Compagnie Vifquain. Tantôt ce sont de nouveaux éclaircissements, de nouveaux plans, de nouvelles explications qu'on leur demande. Tantôt les docu ments qu'ils s'empressent de transmettre, ne sont pas parvenus. Tantôt ils se sont égarés dans les cartons du Ministère" (13). Consultée, la Chambre de commerce de Mons soutient les intérêts de la Compagnie du chemin de fer du Flénu sous le prétexte que l'on ne peut concéder qu'une seule fois un même trafic. "Une conces sion ayant été adjugée publiquement, une autre concession pour un semblable che- un min ne peut être accordée pourVterritoire similaire que pour autant qu'il résulte de la seconde concession une réelle utilité publique. Ce n'est pas le cas. C'est une dérision de présenter un rabais de quelques centimes comme utilité publique, comme un avantage assez important pour admettre un deuxième projet et autoriser une seconde fois l'expropriation de centaines de parcelles de terres. On enlève rait au premier concessionnaire un droit acquis et le droit de propriété, qui est sacré, se trouverait à la merci de tout projet quelconque" (14).

Un accord entre les diverses parties intéressées, précède finalement la décision du gouvernement. La Société Générale abandonne en ce qui concerne la desserte des charbonnages de l'Ouest du bassin, le projet Ducobu, mais rachète celui de Dessigny. Adjugé en juin 1836, il est réalisé avec son argent en l'espace de quatre ans (15). Un tarif unique, celui adopté sur les lignes du Flénu, s'ap plique désormais à l'ensemble du Couchant de Mons. Détenant la totalité des trans ports industriels du Borinage et ayant annihilé toute opposition, la Société Générale peut imposer des péages élevés et assure ainsi la réussite financière

de l'opération.

3. La construction de la ligne de l'Etat entre Monsetlafrontièrefrançaise.

La Société Générale caresse l'espoir en 1834 - 1836 d'obtenir la concession de la ligne ferroviaire Bruxelles - Paris. Sans se prononcer sur cette éventualité, de Theux met à la disposition de la banque, pour en étudier le tracé, trois ingénieurs de l'administration des Ponts et Chaussées: Vifquain, Demoor et Noël. Leur projet est conçu de manière à ne pas porter préjudice aux intérêts ferroviaires borains de la Société Générale. Loin de passer près des houillères, la nouvelle ligne côtoie pour ainsi dire le canal entre Jemappes et Saint-Ghislain.

Le Ministre de l'Intérieur qui d'abord tarde à prendre position, se prononce au début de l'automne 1836 en faveur de la construction de la ligne par Ch.7 148

l'Etat. En dépit des récriminations de l'opinion hainuyère que mécontentent les retards apportés à la réalisation de l'embranchement vers le Hainaut, cette déci sion de principe est suivie par un nouvel ajournement. Impressionné par les cri tiques sur le tracé Bruxelles - frontière proposé par Vifquain, Demoor et Noël, de Theux charge Simons et De Ridder, deux autres ingénieurs de l'Administration des Ponts et Chaussées, de le réexaminer. Ceux-ci établissant la ligne au pied de la montagne du Flénu enlèvent ainsi à la Compagnie du chemin de fer du Flénu les transports destinés aux voies de l'Etat.

La question du choix définitif du tracé donne lieu à un débat fort animé. Engagé en novembre 1836, il ne se termine qu'en août 1838 avec l'adoption par Nothomb du projet Vifquain, Demoor et Noël, au terme d'une longue procédure ponctuée par des confrontations électorales, l'organisation d'une commission d'enquête et l'envoi d'un voeu par le Conseil provincial du Hainaut (16).

4. Reprise du réseau de Saint-Ghislain par le groupe_Rothschild.

Lorsque la Société Générale cède en décembre 1845 le réseau de Saint- Ghislain au groupe Rothschild, celui-ci s'empresse d'introduire une demande visant à y relier le charbonnage de l'Agrappe et Grisoeuil qu'il exploite à Frameries. Le raccordement doit traverser les lignes du réseau du Flénu. Les Charbonnages belges, qui gèrent les intérêts borains des Rothschild, soutiennent que le gou vernement peut reconnaître son utilité publique en dépit de sa concurrence avec la voie existante.

Non seulement, l'embranchement projeté permettra à l'Agrappe et Grisoeuil de réduire ses frais de transport, donc de vendre à meilleur marché, mais encore, en allant sur les brisées du ré seau du Flénu, il forcera celui-ci à accepter des sacrifices profitables à l'ensemble des exploitants. Ils soulignent aussi l'inadéquation de l'écartement des rails de la voie du Flénu, 1 m 20 contre 1 m 50 ailleurs, et les frais de transbordement inutiles qu'elle entraîne (17).

Par 5 voix contre 4, la Chambre de commerce, échappant au contrôle de la Société Générale, se prononce le 19.9.1850 en faveur de la demande des Rothschild. Van Hoorebeke, ministre des Travaux publics, que Richtenberger, leur représentant à Bruxelles, rencontre à plusieurs reprises, fait traîner le dossier, avant de le renvoyer, pour un nouvel examen, à la Chambre de commerce en mai 1851. Par 6 voix contre 4, elle lui confirme le 1.6.1851, l'opinion qu'elle a émise l'année précédente. Le ministre ne peut plus dès lors que concéder (18). Ch.7 149

La construction de l'embranchement s'accompagne d'une refonte complè te, en 1852 - 1858, du réseau de Saint-Ghislain. Les rails sont remplacés par d'autres beaucoup plus résistants. Un tracé modifié supprime les plans inclinés et facilite la marche des locomotives. En juin 1858, l'exploitation est reprise à bail par la Compagnie du Chemin de fer du Nord, qui aboutit à Frameries par la ligne d'Hautmont (19).

La Société Générale s'est opposée de toutes ses forces à l'adoption de la demande des Rothschild, par l'intermédiaire notamment de ses représentants à la Chambre de commerce (20). Leur argument majeur: on ne peut confondre l'inté rêt privé d'un charbonnage avec l'utilité publique d'un projet de construction ferroviaire. Quant à la Compagnie du Flénu, elle demande en avril 1850 et obtient sans autre formalité en novembre 1852, de pouvoir construire entre Frameries et Jemappes une voie tout à fait nouvelle à écartement d'.l m 50, à laquelle elle propose de relier l'Agrappe contre une somme de 80.000 f (21).

b. De la demande de concession Hainaut - Flandres à la reprise par l'Etat des

chemins de fer industriels borains : 1864 - 1870.

1. La demande de concession_Hainaut_- Flandres^

Depuis 1861, Hainaut - Flandres exploite entre Saint-Ghislain et Gand une voie beaucoup plus courte que celle, pour ainsi dire parallèle, détenue par Dendre et Waes. Privée des transports de la partie orientale du bassin, qui sont détournés vers Dendre et Waes à laquelle la Société Générale est liée par la Compagnie du Chemin de fer du Flénu, l'affaire se révèle mauvaise (22).

Le 12.6.1864, Hainaut - Flandres demande la concession d'une ligne réliant son réseau à Frameries, au travers de celui du Flénu. La nouvelle voie permettrait d'atteindre sans passer par le Nord, le point d'aboutissement, en bordure du Borinage, de chemins de fer projetés au départ du Centre et de Charleroi, ainsi que de l'Est de la France. Hainaut - Flandres garantit des transports 50% moins chers que le Flénu, et l'organisation d'un service de voyageurs entre

Saint-Ghislain et Frameries.

Appuyée par les administrations communales de Saint-Ghislain et de Quaregnon ainsi que par les charbonnages non liés à la Société Générale, qui pétitionnent auprès des Chambres et du ministre des Travaux publics, Hainaut - Ch.7 150

Flandres, donne par la diffusion de brochures et l'animation d'une campagne de presse orchestrée par 1'Organe de Mons et. le Houilleur, la plus large publicité à ses propositions. Elle s'en prend aussi violemment au coût exorbitant des tarifs pratiqués par les chemins de fer du Flénu et de Saint-Ghislain, dont elle dénonce le monopole (23).

La Compagnie du Flénu réplique par une demande de concession concur rente qu'elle agrémente d'une promesse de réduction de 10% de ses péages et d'é tablissement d'un service de voyageurs sur la nouvelle ligne (24).

Le 5.5.1865, Vanderstichelen dépose à la Chambre un projet de loi octroyant à la Compagnie du Flénu l'extension de concession sollicitée. Le docu ment accorde en sus à la Compagnie du Centre la concession non contestée de la ligne Ecaussines - Erquelinnes, mais ne dit mot sur la demande concurrente pré

sentée antérieurement à celle du Flénu par Hainaut - Flandres.

Le dépôt de ce projet de loi provoque un tonnerre de protestations. A 1'Organe de Mons (25) et au Houilleur (26), qui intensifient leur campagne, se joignent 1'Indépendance belge, le Moniteur des Intérêts matériels, la Finance, l'Etoile, la Gazette belge, ainsi que plusieurs journaux de la région tournai- sienne (27). Les charbonnages non patronnés par la Générale ainsi que les conseils communaux d'Antoing, de Jemappes, de Mons (28), de Pâturages, de Péruwelz, de Pommeroeul, de Wâsmes et de Wasmuel pétitionnent. De nouvelles brochures sont

diffusées (29).

Les protestataires estiment que, en cédant aux puissantes influences désireuses de sauvegarder les bénéfices du Flénu, Vanderstichelen a commis un abus de pouvoir. Qui plus est la ligne, qui n'a que 9 km, tombe sous le coup des lois du 19.7.1832 et du 10.5.1862, selon lesquelles toute voie de moins de 10 km est concédée par un arrêté royal pris non point à la suite d'une loi mais au ter me d'une enquête suivie d'une adjudication publique portant sur le taux et la durée des péages. Certain que les conclusions de l'enquête seraient contraires à ses vues, le ministre a contourné celle-ci et cherché à mettre sa responsabilité à couvert par le dépôt d'un projet de loi.

Son adoption, estiment-ils, enlèverait à jamais au Couchant de Mons tout espoir d'obtenir une réduction des frais de transport sur ses chemins de fer industriels. Elle le mettrait pour toujours dans un état d'infériorité par rapport aux bassins concurrents. Il serait inique, clament-ils, que le gouvernement et Ch.7 151

les Chambres, se refusent à amener directement ou indirectement la Compagnie du Flénu à réduire ses péages à un taux voisin de celui proposé par Hainaut - Flan dres, et maintiennent un état de choses d'où il résulte que la production de la houille ne donne à l'exploitant que la moitié du gain réalisé par la société qui en assure sans aléas l'acheminement vers le canal. Les Chambres ne peuvent épouser lés intérêts d'une coterie financière au préjudice de l'intérêt public, ni sacri fier celui-ci au bénéfice des actionnaires de la Société Générale et de la Compa gnie du Flénu.

A ces attaqués, la banque oppose le silence. Sur son intervention, les journaux gouvernementaux et catholiques se taisent. La Gazette de Mons, qui est du nombre, ne fera allusion à l'affaire qu'à partir de septembre 1865. Ce si lence est rompu seulement par l'envoi le 3.6.1865 d'une pétition à la Chambre signée par les directeurs des six principales sociétés patronnées par la Générale, que suit aussitôt la rumeur d'un compromis réglant à l'amiable le différend oppo sant les parties intéressées (30).

Le 17.6.1865, T'Serstevens, que l'on dénonce comme l'un des proches de la Générale, dépose, au nom de la Section centrale, un rapport favorable au vote du projet de loi. Vanderstichelen, que H. de Brouckere, député de Mons, appuie dans la coulisse, a fait le tour des différentes sections pour y défendre sa proposition tout en prétendant que Hainaut - Flandres est incapable de respec ter ses engagements (31).

La discussion du projet de loi est prévue à la Chambre pour le début du mois d'août. Réuni en juillet, le Conseil provincial du Hainaut réclame, à la suite d'une requête introduite par les charbonnages borains indépendants de la Société Générale, la mise en adjudication publique de la ligne de Saint-Ghislain à Frameries. Seulement combattu par A. Quenon, conseiller provincial et régisseur de la Compagnie du Flénu, et par F. Defacqz, son "ami intime" (32), ce voeu trou ve en A. Hubert, président du Conseil provincial et vice-président de Hainaut - Flandres, son plus ardent défenseur (33). En dépit de la sévérité du Conseil provincial, qui considère que rien dans les lois ne légitime la mesure prise ré cemment par le ministre des Travaux publics (34), Troye, gouverneur de la provin ce, s'abstient de toute intervention (35).

Sur proposition de Orts, auquel s'est associé Laubry, l'un des dépu tés de Mons, la Chambre ajourne le 2.8.1865 à la session suivante la discussion du projet de loi, après avoir disjoint les dossiers du Flénu et du Centre et voté Ch.7 152

la concession au Centre de la ligne Ecaussinnes - Erquelinnes. (36)

Combattu par Vandersti chelen, l'ajournement est ressenti par les opposants à la Société Générale comme une grande victoire. "Il est, écrit la Finance le 10.8.1865, un de ces succès qui annoncent dans les idées une réaction prononcée contre le favoritisme ou 1'octroi de privilèges que ne sanctionne point l'intérêt public". Tout en prétendant que "l'agitation ne cessera pas", 1'Organe de Mons se réjouit au nom du Borinage, du délai que la Chambre lui a imparti pour peaufiner les moyens de défense à opposer au ministre des Travaux publics et ainsi mieux assurer le rejet définitif du pro jet, au cours de la session prochaine (37).

Manoeuvre essentiellement politique, l'ajournement du 2.8.1865 résulte partiellement d'un rebondissement de dernière minute: Mouton, président du Conseil d'administration de Hainaut - Flandres, a signé le 24.7.1865 à Paris une convention par laquelle il déclare retirer, au nom de la société qu'il pré side et au profit de la Compagnie du Flénu, la demande de concession introduite un an plus tôt. La presse a annoncé la nouvelle le 1.8.1865. Hubert, vice-pré sident de Hainaut - Flandres, n'en a eu connaissance que le 29 juillet (38).

Considérant comme sans valeur l'acte signé par Mouton, - la demande en concession ne pouvant être retirée, selon lui, qu'en vertu d'une résolution régulièrement délibérée par le conseil d'administration de Hainaut - Flandres -, Hubert s'empresse d'introduire, en compagnie d'Imbault, de Dessigny et de Drion, ses principaux acolytes au sein de l'Association houillère, une nouvelle demande de concession rédigée dans les mêmes termes que la précédente (39).

A la mi-août, Hubert propose à Quenon le rachat ou la location du réseau du Flénu. Loin d'accepter et de se retirer, la Société Générale passe au contraire à l'offensive et adopte d'emblée et pour la première fois, par le canal notamment de la Gazette de Mons, un ton nettement agressif (40). Un rabais de quelques centimes sur les péages existants ne suffit pas, déclare-t-elle, pour donner à un projet de chemin de fer un caractère d'utilité publique qui puisse faire fléchir le principe de l'inviolabilité de la propriété. Ce rabais n'existe même pas, si l'on ajoute au péage de 42,5 centimes par tonne, prévu sur la ligne Ch.7 153

envisagée, les frais de gares, d'embranchements, d'amortissement, d'entretien... qui nivellent en définitive les deux tarifs. Quant à l'idée d'acheminer par train les charbonniers vers leur lieu de travail, elle tient tout simplement de l'utopie. Quittant sans délai les abords des puits dès que leur chargement est terminé, les convois charbonniers ne peuvent partir à des heures déterminées à l'avance. On ignore d'ailleurs leur direction: le canal, le chemin de fer de l'Etat ou le réseau du Nord. Comment établir des gares sur le carreau des mines où l'espace suffit déjà à peine pour opérer avec célérité le triage des charbons, le charge ment des wagons ainsi que les manoeuvres de formation des trains à charge et à vide? L'appropriation des chemins de fer industriels au service des voyageurs né cessite la construction de voies spéciales, l'établissement d'au moins cinq sta tions et de leurs dépendances, ainsi que l'acquisition de voitures, soit d'impor tantes dépenses que ne compense aucun avantage. On ne peut imposer de telles char ges à une compagnie privée; l'Etat seul pourrait les assumer avec l'aide de la province et des communes.

La Compagnie du Flénu avait envisagé en août 1864 de réduire ses ta rifs d'environ 10%. Cette diminution ne concernait en fait que les envois vers les stations de Jemappes et de Saint-Ghislain. C'était bien peu de chose. Pressée par les événements, elle propose le 15.10.1865 de l'étendre aux expéditions vers le canal et la gare de Frameries, et s'engage en outre à prendre à sa charge les frais de location (entre 10 et 20 centimes par t) du matériel roulant de l'Etat, de Hainaut - Flandres et du Nord, qu'acquittaient jusque là les exploitants char bonniers (41) .

Les nouvelles concessions de la Compagnie du Flénu n'enraye pas l'agitation. "Elle consent à adoucir l'excessive rigueur de son tarif, écrit le Houilleur, mais d'une manière si timide, si réservée, que raisonnablement, elle ne peut supposer qu'en présence des offres de la société concurrente, les réduc tions projetées soient de nature à donner satisfaction aux exploitants" (42). "La compagnie nouvelle demande comme le Nord, 6 centimes par t au km, avec un ma ximum de 50 et un minimum de 35 centimes. Sur les lignes de l'Etat belge, le péage est moindre que 6 centimes par t au km pour les transports dépassant 10 lieues. Le Grand Central et la Société du Luxembourg appliquent au transport des minerais un tarif variant de 2 à 3,4 centimes par t au km. Le Flénu peut tenir ses compéti teurs en échec en offrant de faire aussi bien qu'eux: 6 centimes par t au km avec maximum de 50 et minimum de 35 centimes. Le débat sera immédiatement terminé. Il faut que le Flénu se résigne à subir les exigences de l'industrie houillère qui la fait vivre. Elle ne peut rester stationnaire. Il se peut que ses premiers Ch.7 154

pas aient été pénibles. Il y a de longues années que ces mauvais jours sont passés. Elle a tort de nous parler des millions qu'elle a dépensés en dehors des condi tions des son cahier des charges. Elle n'a fait que ce que ses intérêts lui com mandaient. Elle les a d'ailleurs prélevés sur ses bénéfices. Quel est l'indus triel qui ne soit dans l'obligation de dépenser, de dépenser toujours pour ne pas rester en-dessous de ses rivaux..." (43)

2. Entrée en jeu de Philippart.

Quelques semaines après la communication des nouvelles propositions du Flénu, le Houilleur et l'Organe de Mons annoncent le 5.11.1865, "avec la plus grande satifaction" que Simon Philippart - Pêcher a proposé, au nom d'une société importante constituée à Bruxelles sous le patronage de la Banque de Belgique, le rachat de ce réseau ferroviaire, ainsi que la reprise de sa demande de concession d'une ligne Saint-Ghislain — Frameries. Philippart, qui promet toute réduction de tarif susceptible de satisfaire les exploitants charbonniers borains, sollici te également de pouvoir relier Frameries à Quievrain en passant par La Bouverie, Pâturages, Wâsmes, Warquignies, Dour et Elouges (44).

Après quelques hésitations, la Société Générale accepte (45) les pro positions de Philippart et lui cède le 23.11.1865 l'exploitation des lignes du

Flénu à dater du 1.1.1866 (46).

La reprise du Flénu par Philippart n'entraîne évidemment pas le retrait du projet de loi déposé à la Chambre le 5.5.1865 par Vanderstichelen. La Banque de Belgique s'est simplement substituée à la Société Générale en tant que patron du Flénu. Très vite, les exploitants charbonniers non liés à la Générale - regrou pés désormais au sein d'une Association houillère du Couchant de Mons — déchantent. Ils sont toujours, disent-ils, "une poule bien dodue que l'on continue à plumer de la partie la plus claire de ses bénéfices" (47). Et, dans une requête qu'ils adressent le 26 .1.1866 à la Chambre, ils réclament, comme précédemment, la mise en adjudication publique de la ligne de Saint-Ghislain à Frameries (48).

L'annonce par Philippart le 22.2.1866 de l'établissement d'un service de voyageurs et d'une nouvelle diminution de 12 centimes par t sur le réseau du Flénu à condition que ne soit octroyée aucune concession concurrente au travers de ses lignes, déçoit l'Association houillère (49). "Les réductions annoncées, déclare-t-elle au Ministre, dans une nouvelle pétition datée du 9.3.1866 (50), ne sont pas de nature à satisfaire les exploitants charbonniers. L'ensemble des Ch.7 155

péages ne descendra en moyenne qu'à 65 centimes par t alors que le même transport ne coûte que 36 centimes dans le Centre et à Charleroi. Ce n'est que par la con currence et par elle seulement que nous pouvons espérer de voir réduire les péages. La concession de la ligne Frameries - Saint-Ghislain ne peut s'effectuer qu'à la . suite d'une adjudication publique". Ce point de vue bénéficie de l'appui d'un organe important de la presse financière, le Moniteur des Intérêts matériels qui estime que "l'adoption du projet de loi tel qu'il est présenté serait un précédent des plus fâcheux". "Des luttes semblables peuvent surgir à tout moment, écrit-il. Il sera impossible de faire retour sur le principe adopté." (51)

Loin de soutenir l'Association houillère, les charbonnages patronnés par la Société Générale, font part au ministre des Travaux Publics, le 26.2.1866, de leur satisfaction quant aux avantages octroyés par Philippart. A leur lettre, plusieurs journaux - la Finance, la Gazette de Mons, l'Indépendance belge....- réservent un large écho. A cette occasion, ces mêmes exploitants réclament la réinscription immédiate à l'ordre du jour de la Chambre du projet de loi présenté par Vanderstichelen en mai 1865. "Il est moralement impossible de refuser au Flénu l'extension dé concession demandée, écrit la Gazette de Mons. Créer à cette société une rivale, c'est l'exproprier sans indemnité" (52). "Les avantages offerts par les adversaires du Flénu sont plus apparents que réels, ajoute 1'Indépendance belge. Il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Reste la question d'équité. La Compa gnie du Flénu a depuis 33 ans rendu des services signalés à l'industrie houillère du Couchant de Mons. Elle s'est imposé des sacrifices qui ont été tels que pendant longtemps la société a eu grande peine à couvrir l'intérêt des capitaux engagés dans ses opérations. Elle parvient enfin, grâce à sa bonne administration, à. une situation meilleure. Et c'est ce moment là qu'on choisirait pour lui enlever la légitime récompense de ses efforts et de ses peines pour installer à ses côtés une concurrence qui n'a d'autre titre que son désir de s'emparer d'une position toute faite. Ce serait un véritable déni de justice" (53).

A la suite d'une motion de Ch. Carlier, député de Mons, la discussion du projet de loi est finalement mise à l'ordre du jour de la Chambre, le 19.4.1866. Défendu par Vanderstichelen que viennent appuyer Carlier et de Brouckere, il est voté par cette assemblée, le 20.4.1866 par 70 voix et 3 abstentions. Gravement malade, Laubry, le seul des députés montois à s'être associé à l'opposition menée contre la Compagnie du Flénu, n'assiste pas à la séance. Complètement isolé, Orts défend sans grande conviction l'amendement qu'il a déposé quelques mois plus tôt en compagnie de Laubry en faveur de la mise en adjudication publique de la ligne Saint-Ghislain - Frameries. Le projet de loi Ch.7 156

passe sans difficultés au Sénat, le 3.5.1866. Rapidement construite la petite voie ferroviaire est ouverte à la circulation le 10.12.1867 (54).

"Eludée cette fois, la question de principe reste entière, note la Chambre de commerce de Mons dans son rapport annuel en janvier 1867. Est-il exact qu'en accordant une concession de chemin de fer, l'Etat ne prenne moralement et implicitement, aucun engagement envers les capitaux qui s'y intéressent? Cpnserve- t-il sa liberté d'allures au point qu'il puisse loyalement concéder une voie concurrente? Si l'on pose en principe que dès qu'un concessionnaire de chemins de fer tarde à agrandir son réseau ou à baisser ses prix, il y a lieu d'accorder une concession concurrente, qui désormais voudra s'engager dans une entreprise de transport et mettre des capitaux considérables à la merci des prétentions plus ou moins fondées de l'un ou l'autre groupe d'expéditeurs? La concession de lignes concurrentes est interdite, par l'esprit, sinon par la lettre des actes de conces sion, dussent quelques intérêts privés en souffrir. Nous ne disons pas qu'entre deux points,, il ne faille jamais construire deux lignes distinctes. Mais qu'on ne doit pas concéder deux fois le même courant de trafic. Entre Paris et Cologne, on peut sans injustice accorder plusieurs concessions parce que, selon leurs tra cés, ces concessions desservent des courants de trafic tout différents. Accorder deux concessions entre Frameries et Saint-Ghislain, c'est littéralement concéder deux fois la même chose, c'est susciter au concessionnaire le premier en date une concurrence qui doit le ruiner. Faut-il dire pour cela que quand les clients d'une voie de transport se trouveront en présence d'un cahier des charges devenu absurde, ils devront se résigner à leur sort pendant quelque 50 ou 60 ans? Du tout! Puisque l'Etat a manqué de prévoyance dans la rédaction des anciennes conces sions au point de ne pas prévoir, malgré l'expérience qu'il en avait déjà faite dans les affaires de canaux, la disproportion que le temps ne manque pas d'amener entre le taux des péages primitifs et la valeur des services rendus, c'est à lui de réparer cette faute, comme il l'a fait en matière de canaux, par le rachat des concessions. Dans la plupart des cas, les compagnies, contraintes par leur propre intérêt, ont changé radicalement leurs prix. Mais elles ne peuvent descendre au- dessous de certains chiffres. La seule solution n'est plus dès lors que le rachat par l'Etat de la concession critiquée suivi d'une réduction des péages" (55).

3. Epilogue.

En septembre 1866, Philippart, qui a demandé au début de novembre 1865 de pouvoir relier ses lignes au poste frontière de Quievrain par Pâturages, Wâsmes, Warquignies, Dour et Elouges, reprend au Nord l'exploitation du réseau Ch.7 157

de Saint-Ghislain, auquel il promet d'appliquer les mêmes réductions tarifaires qu'au Flénu. Il ne lui manque plus pour atteindre Quievrain qu'un petit bout de voie entre Elouges et la frontière (56) !

Devant le peu d'empressement mis par le gouvernement à lui accorder ces quelques kilomètres, Philippart en arrive à subordonner les avantages promis sur le réseau de Saint-Ghislain à l'octroi de la concession demandée (57). Au grand mécontentement de l'Association houillère, qui engage à son tour le ministre des Travaux publics à la concession contre l'obtention de faveurs nouvelles (58). Ces exigences présentées de part et d'autre, engendre de nouvelles polémiques, opposant le Houilleur, l'Organe de Mons et le journal catholique le Hainaut à la Gazette de Mons, qui, fidèle à Philippart, reproche au gouvernement de ne pas s'expliquer franchement sur les motifs qui le déterminent à lui refuser la ligne Elouges - Quievrain (59). Au Conseil provincial, le 19.7.1867, partisans et ad versaires de Philippart s'empoignent à l'occasion de la discussion d'une pétition d'habitants de Dour, d'Elouges, de Pâturages et de Wâsmes (60).

En janvier 1868, Jamar succède à Vanderstichelen comme ministre des Travaux publics. Pas plus que son prédécesseur, il n'a hâte d'apporter une solu tion au dossier. Interpellé à la Chambre par Carlier, Jamar finit par déclarer le 11.5.1868 qu'il ne peut, pour des raisons qu'il pourra peut-être un jour expli quer, concéder à Philippart le bout de ligne qu'il réclame; il promet néanmoins de donner par un autre moyen satisfaction aux populations concernées (61). "A plusieurs reprises, écrira Jamar à Philippart, lé 14.4.1869 (62), je vous ai dé claré que j'étais disposer à présenter à la législature un projet de loi autori sant le gouvernement à vous concéder Dour - Quievrain sous la réserve de laisser l'administration des chemins de fer de l'Etat en possession exclusive des.rela tions internationales établies par Quievrain. Votre refus persistant m'a prouvé toute la valeur des considérations qui me déterminaient à vous imposer cette ré serve. Dans cette situation et pour faire droit aux réclamations des populations placées dans une infériorité relative par leur éloignement des voies ferrées, j'ai fait faire l'étude d'une ligne qui a beaucoup de rapports avec la concession sollicitez. Le travail est terminé et je suis à la veille d'être fixé sur le cré dit que j'aurai à solliciter de la législature pour l'exécution de cette voie".

de sa décision L'annonce par JamarYd'entreprendre lui-même la construction de la li gne suscité un vent de panique au Borinage. Les réductions tarifaires applicables au chemin de fer du Flénu et promises sur celui de Saint-Ghislain ne sont vala bles que pour autant qu'aucune ligne concurrente ne les traverse. La Compagnie Ch.7 158

des Bassins houillers, qui les exploite, peut dans ce cas rétablir les péages au taux prévu en 1833! Et ceci sans que les charbonnages, liés à elle par contrats, ne puissent immédiatement utiliser la nouvelle voie de l'Etat! Criant au scandale, la Gazette de Mons s'exclame qu' "il faut à tout prix ramener Jamar à la raison"(63).

H. Dolez, H. de Brouckere et A. Dethuin - trois des cinq députés montois (64) - multiplient en janvier - février 1869 les démarches pour arriver

à ce résultat. Ils le font en étroite coordination avec l'ensemble des charbonnages du bassin, qui, pour la première fois depuis le déclenchement de l'affaire du Flénu en 1864, reconstituent un front commun. Lors de l'assemblée générale qui réunit le 1.3.1869 des représentants de l'Association houillère et des charbonna ges patronnés par la Société Générale, les exploitants charbonniers informent les députés des conditions auxquelles ils désirent voir concéder par le gouvernement à Philippart la ligne Elouges - Quievrain. L'une d'elles consiste à lui imposer sur le réseau de Saint-Ghislain, une réduction tarifaire double (12 centimes par t) de celle déjà consentie (6 centimes par t). Dans la lettre qu'ils adressent le 16.3.1869 à Dolez (65), ils précisent toutefois que si cette condition empêche la conclusion de l'accord, le ministre doit éviter toute intransigeance et accep ter la faible réduction de 6 centimes qui est offerte. "Leur lettre, écrit Dolez (66), contenait donc des prétentions principales que nous devions défendre d'abord et des points de résignation subsidiaires que nous ne devions subir qu'en cas d'échec dans notre négociation. Il fut convenu entre de Brouckere, Dethuin et moi que je remettrais au ministre des Travaux publics les prétentions principales de nos commettants, en laissant au résultat des négociations le soin de décider ultéri eurement s'il y avait lieu de subir les subsidiaires après avoir passé, comme tout négociateur dévoué doit le faire, par toutes les tentatives pour obtenir au moins des résultats intermédiaires. Je remis donc au ministre une note dans ce sens. Jamar me promit d'entrer immédiatement en relations avec la Compagnie des Bassins houillers du Hainaut en se déclarant prêt à lui concéder le chemin de fer d'Elouges à Quievrain moyennant qu'elle fît droit aux prétentions des exploitants du Couchant de Mons qu'il reconnaissait aussi équitables que modérées".

Au terme d'âpres et inutiles négociations avec Philippart, Jamar, aiguillonné notamment par la population des communes toujours privées de chemin de fer, consent, malgré la limitation de la réduction sur le réseau de Saint- Ghislain à 6 centimes par t, à signer avec la Compagnie des Bassins houillers une convention l'engageant à déposer avant le 1.1.1870 un projet de loi lui con cédant la ligne Elouges - Quievrain. Ce qu'il fait le 23.2.1870. Accueilli favo rablement par les Chambres, le projet de loi est voté pour ainsi dire au même Ch.7 159

moment que celui de la reprise par l'Etat des lignes établies ou à construire par Philippart. La discussion n'offre dès lors plus aucun intérêt (67).

c. Conclusion

Les chemins de fer industriels reliant les fosses aux grands axes de communication sont en 1827-1838 et en 1864-1870 à l'origine de débats passionnés.

Après être parvenue à les monopoliser au terme d'une lutte épique en 1838, la Société Générale les cède partiellement au groupe Rothschild en 1845, avant de les abandonner complètement à la Banque de Belgique en 1865.

S'estimant défavorisés par rapport à leurs concurrents du Centre et de Charleroi, les charbonnages non liés à la Société Générale contestent avec succès, en se coalisant, les tarifs en 1864-1866. 160

CHAPITRE 8

LA "POLICE DES ATELIERS"

a. Pression patronale en faveur du rétablissement des livrets.

En dépit de la concurrence de plus en plus vive entre les exploitants charbonniers, la législation française sur les livrets reste en vigueur dans le bassin pendant la période hollandaise. Assez rigoureusement, semble-t-il, après que la Députation des Etats provinciaux en ait rappelé les dispositions par son arrêté du 17.9.1823 (1).

Les émeutes d'octobre 1830, provoquées par la combinaison du chômage et de la cherté des produits alimentaires, offrent aux ouvriers l'occasion de s'emparer et dé brûler sur la placé publique les livrets et registres d'inscrip tion conservés par les houillères. L'autorité provinciale tente sans succès de les imposer à nouveau en janvier 1831.

Jusqu'à la reprise économique, les exploitants charbonniers n'exercent pas de pression pour obtenir le rétablissement des livrets. Faute de commandes, l'extraction est limitée. Les ouvriers disponibles suffisent amplement à l'assu rer. Loin de chercher à quitter leur travail au moindre prétexte, ils font tout

au contraire pour le conserver.

A partir de février 1833, les bras recommencent à manquer. Des reven

dications salariales insatisfaites débouchent sur des grèves, dont sortent souvent

victorieux les ouvriers. Très vite, les exploitants se plaignent de leurs exigen

ces croissantes et réclament des mesures aux autorités.

La Députation des Etats provinciaux décrète

le 6.4.1833 le rétablissement des livrets à dater du 1.5.1833. Les ouvriers mani- Ch.8 161

festent leur opposition en défilant bruyamment dans les rues. Postposée au 1er juin, la décision est finalement ajournée sur l'intervention de Rogier, ministre de l'Intérieur. Celui-ci préfère d'abord s'informer sur l'utilité de confier ou non la conservation des livrets aux patrons charbonniers. L'enquête est aban donnée par de Theux, son successeur au département de l'Intérieur (2).

Les doléances des exploitants houillers s'intensifient avec l'augmen tation progressive des besoins charbonniers. "Poussant leurs exigences au comble" (3), les ouvriers réclament, disent-ils, des salaires exorbitants, refusent de travailler plus de 3 ou 4 jours par semaine (4) et, lorsqu'ils travaillent, ef fectuent les tâches qui leur sont imparties en beaucoup plus de temps que c'est nécessaire (5).

Ce qu'ils leur reprochent principalement, c'est leur non respect de la convention tacite selon laquelle on ne met pas fin à un engagement portant sur des tâches journalières sans un préavis d'une ou de plusieurs semaines, ni n'interrompt avant terme un travail contracté pour une longue période. Une grave émeute éclate lorsque la Société Générale rappelle par voie d'affiche en octobre 1836 que la non observation de cette disposition est pénalisée dans ses entrepri ses par la perte du salaire hebdomadaire en cas d'occupation journalière, par celle du cautionnement dans le cas d'un engagement de longue durée (6).

Les exploitants regrettent de ne disposer, en l'absence des livrets, que de peu de moyens pour faire respecter les obligations contractées par leurs ouvriers. Lorsque ceux-ci quittent leur travail en début de semaine, parce qu'on leur a refusé une augmentation salariale, ils n'en éprouvent que peu de dommage lorsqu'ils trouvent immédiatement de l'embauche comme c'est le cas quand la deman de de main-d'oeuvre dépasse l'offre. Il n'en va pas de même pour le patron. Celui-ci non seulement perd l'argent dépensé pour la préparation et l'éclairage des travaux, mais doit payer les mineurs employés au jour ou au fond à des tâches complémentaires de celles de leurs collègues qui ont débrayé. Qui pis est, le cautionnement en garantie de l'exécution d'un travail de longue durée, indemnise mal l'exploitant du préjudice subi en cas de réalisation partielle de celui-ci.

Le livret est présenté par le patron charbonnier comme un moyen d'i dentifier ses ouvriers (7). Il est pour ceux-ci "une lettre de recommandation, un moyen très simple et très éloquent leur permettant de donner des renseignements exacts sur leurs habitudes et leurs antécédents, un certificat de capacité" (8). "Pour le bon ouvrier, le livret est une garantie précieuse de son attachement Ch.8 162

aux sociétés où il est occupé. C'est pour lui un gage de probité et de bonne conduite" (9). "Quel chef d'entreprise engagerait un ouvrier dont les antécédents lui seraient inconnus? Le maître doit nécessairement être renseigné sur celui qu'il emploie et auquel il confie ses intérêts. L'ouvrier doit être à même de justifier qui il est, d'où il vient, ce qu'il sait" (10). Sans le livret, il n'a pas d'existence sociale.

Le livret est aussi, selon l'exploitant houiller, un contrat écrit le garantissant de la tenue par ses employés de leurs engagements. "Dans l'inté rêt même de l'ouvrier, on a imaginé un mode de preuve spécial. Dans une houillère où travaillent deux mille personnes engagées le plus souvent pour un terme de 8 jours, il n'est pas possible de songer à constater par un mode de preuve ordi naire le contrat intervenu entre l'ouvrier et le patron. Il faut un mode de consta tation simple, facile et économique" (11). "La remise par l'ouvrier de son livret dans les mains d'un patron et l'acceptation par le patron du livret font foi qu' une convention, qui doit être exécutée, est intervenue entre eux. Elles mettent l'ouvrier comme le patron en position de la faire respecter à l'aide de condamna tions ayant la portée de réparations civiles" (12). Elles donnent à l'exploitant houiller le moyen de réclamer des dommages-intérêts au concurrent qui engage ses ouvriers sans s'assurer que leurs livrets portent acquit de leurs obligations (13). Le livret existant, ses mineurs ne peuvent le quitter sans les avoir remplies ou sans l'avoir averti suffisamment à temps. Ils ne pourraient trouver ailleurs du travail sans en être porteurs (14).

Les ouvriers opposent pour leur part aux livrets deux objections majeures. La seule garantie qu'ils exigent, celle d'avoir le droit d'en réclamer la restitution dans le plus bref délai et au minimum tous les 8 jours, n'y est pas mentionnée (15); les exploitants en sont les dépositaires exclusifs, ce qui leur permet de "modifier à leur gré les conventions sur la nature des travaux, la durée de l'engagement et le taux du salaire, l'importance et le genre des retenues, et de disposer ainsi arbitrairement des intérêts et de la liberté de l'ouvrier" (16).

A partir d'octobre 1836, les patrons charbonniers amplifient leurs pressions pour obtenir le rétablissement des livrets. La Chambre de commerce (17), le Conseil communal (18) et la presse (19) insistent pour que le gouvernement fasse quelque chose pour remédier au mal. Il a, disent-ils, pour obligation de remettre en vigueur une législation qu'aucun acte n'a formellement abrogé. "L'at tention très sérieuse de la Société de Commerce est aussi attirée sur la nécessité de combiner des démarches pour rétablir l'ordre parmi les charbonniers dont les Ch.8 163

exigences toujours croissantes finiront par tuer les charbonnages si l'on n'y prend pas garde" (20). "Tant que l'on n'aura pas obtenu des autorités le rétablis sement des livrets, on n'aura, disent-ils, rien fait" (21).

Réuni en juillet 1839, le Conseil provincial est amené à discuter un projet de règlement relatif à la police des mines proposé par la Députation per manente. Celui-ci ne fait aucune allusion au rétablissement des livrets. Protestant contre cet oubli dans une pétition, les charbonnages du Couchant de Mons obtiennent le vote par cette assemblée d'une motion demandant "à l'autorité compétente de prendre telles mesures qu'il appartiendra pour que les lois et règlements géné raux sur les livrets soient immédiatement exécutés en ce qui concerne l'exploita tion houillère" (22). Par son vote, le Conseil provincial vide la question préju dicielle de la définition de l'autorité compétente: en matière d'exécution de la législation nationale, la Députation permanente, simple auxiliaire du pouvoir central, doit lui laisser l'initiative des mesures à prendre; tout au plus peut- elle appuyer auprès de lui les voeux de l'assemblée provinciale (23).

b. Un troc inattendu: caisse de prévoyance contre livrets.

L'exigence du rétablissement des livrets est présentée par les exploi tants au moment où le gouvernement sollicite leur collaboration au financement et à l'organisation de caisses de prévoyance assurant les ouvriers et leurs fa milles contre les risques d'accidents ou de maladies professionnelles graves (24).

Le patronat charbonnier attribue la misère ouvrière à l'incurie et à l'imprévoyance de sa main-d'oeuvre, à sa tendance "à gaspiller l'avoir du moment sans aucun souci du lendemain" (25). "Ne se préoccupant ni des maladies qui peu vent le frapper dans la vigueur de l'âge, ni des infirmités qui doivent l'acca bler dans la vieillesse, l'ouvrier jouit du présent avec une insouciance qu'il paie bien cher plus tard, passant tout a coup, lors d'une variation de taux de salaire, de l'abondance à la misère la plus profonde, alors qu'en appliquant avec discernement le prix de son travail, il s'assurerait en tout temps une position plus heureuse" (26).

Pas question pour ce patronat d'aider l'homme valide qui refuse de travailler ou dont la pauvreté résulte d'un mauvais comportement: "Celui que l'âge ou les infirmités ne mettent pas hors d'état de se livrer au travail doit pourvoir Ch.8 164

lui-même à sa subsistance et n'a droit à aucun secours public, sauf dans des cir constances extraordinaires. Hors ces cas exceptionnels, les secours ne peuvent que dégénérer en pur encouragement à l'imprévoyance, peut-être même à 1'inconduite. Ils ne peuvent être dans les temps ordinaires que la récompense, le salaire d'un travail" (27) sdus peine "d'accoutumer autrement ceux qui les reçoivent à regar der le travail comme une nécessité moins pressante, à compter pour pourvoir à une partie de leur subsistance sur des secours gratuits qui ne coûtent aucune peine. Ainsi dépourvus de la crainte de l'avenir, les pauvres n'économisent plus rien"(.28).

"L'économie est la plus belle vertu qu'on puisse recommander à la classe ouvrière" (29). "Après la religion, qui la porte à la résignation par l'as surance d'une vie meilleure, il n'est rien qui lui soit plus utile que la prévoy ance et l'épargne" (30). "C'est l'unique moyen de prévenir les funestes résultats de crises industrielles qui la ruinent en quelques jours, excitent ses murmures, soulèvent ses passions et la poussent à de déplorables désordres" (31). "L'écono mie amassée aux jours d'aisance peut seule lui permettre de supporter les besoins et les privations des moments de gêne, en lui offrant dans ceux-ci un secours as suré et plus honorable que celui de la bienfaisance publique puisqu'il est le résultat de son travail et de son esprit d'ordre et de prévoyance" (32). "Il est de l'intérêt d'un maître que l'ouvrier soit économe et rangé. Celui qui possède quelques fonds à la caisse d'épargne est plus actif que celui qui vit au jour le jour. Une fois convaincu qu'à la condition de s'imposer une légère économie sur son salaire, il peut assurer le sort de sa vieillesse et se créer des ressources pour toutes les circonstances difficiles de la vie, l'ouvrier s'attache bientôt à l'obtenir et s'accoutume pour cela à une vie plus réglée. En possession d'un petit capital qu'il ne doit qu'à son propre travail et à sa bonne conduite, il prend réellement son rang dans la société" (33).

Si l'on convient de la nécessité de la création "d'institutions propres à protéger l'ouvrier contre les conséquences funestes de son insouciance et de son imprévoyance" (34), on est aussi généralement d'accord pour dire que "l'exem ple, la persuasion et l'expérience peuvent seuls étendre graduellement l'action moralisatrice de ces établissements" (35). "J'estime, écrit Sainctelette à Rainbeaux, qu'on ne peut forcer, mais qu'on doit encourager à l'économie" (36). Cet encoura gement, à l'Eglise et à l'école à le donner! "On ne peut croire que spontanément, indépendamment des préceptes de la religion et des habitudes que procure l'éduca tion, on verra l'ordre et l'économie s'introduire dans la chaumière de l'artisan" (37). "Ce n'est qu'en faisant jouir du bienfait de l'instruction la population boraine qu'on parviendra à lui inspirer quelques idées d'ordre et de conduite" (38). Ch.8 165

"Elle seule peut réveiller ce sentiment de pudeur qui se révolte à la pensée d'abandonner l'indépendance du travail pour la honte de la mendicité volontaire"(39) "Instruire la classe ouvrière, lui inspirer des idées de religion, de morale, d'économie et d'ordre, c'est évidemment agir dans le véritable intérêt de l'in dustrie" (40).

Hostiles en principe à toute contrainte, les patrons charbonniers n'hésitent pas cependant à prôner et à recourir "à une force de coercition à laquelle les ouvriers ne peuvent pas résister" quand il s'agit de les amener à contribuer par des versements successifs à la formation du capital de certaines associations d'assurance mutuelle (41).

Depuis longtemps, les exploitants houillers du Couchant de Mons prélè vent obligatoirement sur les salaires de leurs ouvriers une retenue de 10 à 20 centimes par semaine destinée à alimenter les caisses de secours constituées au sein de leurs charbonnages. Celles-ci sont dans la plupart des cas financées par les seuls ouvriers, sans Intervention pécuniaire du patronat, qui ne les complète que par le produit des amendes. La retenue sert à verser des pensions de courte durée aux ouvriers blessés et aux veuves et enfants de ceux qui sont décédés, ainsi qu'à payer des médecins chargés de soigner gratuitement les ouvriers et leurs familles.

Ce que le gouvernement propose en juillet 1839, c'est de compléter à

Mons comme cela vient de se faire à Liège, l'infrastructure existante par la mise en place d'une caisse générale au bassin supportant les risques de longue durée: incapacités de plus de 6 semaines, prise en charge des veuves et orphelins. Ceci sur la base d'une augmentation d'une dizaine puis d'une trentaine de centimes de la cotisation hebdomadaire déjà payée par les ouvriers, à laquelle doit s'ajouter cette fois une contribution équivalente des exploitants charbonniers, pouvant s'élever à plusieurs milliers de francs par an (42). Facultative pour les exploi tants charbonniers, l'adhésion à la caisse générale est obligatoire pour les ou vriers, une fois que leurs patrons ont décidé de s'y associer! (43).

Sur l'intervention de Thorn, gouverneur, le Conseil provincial charge le 12.7.1839 la Députation permanente de réunir les exploitants houillers dans le but de les entretenir de la constitution de cette caisse de prévoyance. Un subside de 6.000 f est voté sur le budget de 1840, à titre d'encouragement par l'assemblée provinciale. Ch.8 166

La réunion des patrons charbonniers montois a lieu le 19.9.1839. Y assistent les délégués de 26 houillères ainsi que quatre représentants des pou voirs publics: Thorn, gouverneur, Visschers, Gonot et Delneufcour, hauts fonction naires du ministère des Travaux publics.

Dès cette réunion préparatoire, les exploitants avalisés quatre jours .ne plus tard par la Chambre de commerce,V"consentent à s'associer aux travaux d'une commission chargée d'étudier l'utilité et les modalités d'une caisse de prévoyance qu *a commune au bassiiTJJla condition que soit rétablie la police des livrets. Ils con firment cette position intransigeante lors d'une seconde assemblée organisée le

29.11.1839 (44).

Ce que le patronat charbonnier attend du ministère est précisé par Corbisier, en tant que secrétaire de la Chambre de commerce: "Le gouvernement doit réglementer, dans les limites de ses pouvoirs, ce qui est relatif à la déli vrance des livrets, à leur remise à l'exploitant, à leur conservation par celui-ci, à leur restitution aux ouvriers quand ils ont rempli leurs engagements. En dépit d'une vive réaction des ouvriers, du chômage des houillères et peut-être des émeu tes, force devra rester à la loi, les autorités provinciales, communales et mili taires ne pourront point faiblir devant quelques mutins". Le rétablissement des livrets se fera en janvier ou en août à l'occasion des fermetures hivernale et estivale de la navigation. A ces époques, "un chômage, même prolongé pendant plu sieurs semaines, ne pourra avoir de conséquence bien nuisible pour le producteur

et le consommateur. Les ouvriers seront seuls à en souffrir et ils retrouveront du travail dès qu'ils voudront se soumettre à la loi". Il faut que lors de la re mise' en vigueur de la législation sur les livrets, des contraventions soient d'abord constatées et des procès-verbaux dressés non à la charge des ouvriers mais bien à celle des propriétaires des houillères afin de démontrer clairement aux masses qu'il n'est pas libre à ceux-ci de s'affranchir impunément d'une obligation que la loi leur impose- L'exploitant pourra de cette manière, avant de recevoir l'ouvrier dans ses travaux exiger de lui un livret sans donner prise aux attaques et sans fournir le prétexte aux coalitions. Le dépôt des livrets entre les mains de l'exploitant est indispensable. Il est hors de question de les remettre aux autorités des communes charbonnières, qui inspirent peu de confiance. Presque toutes sont composées de personnes qui ont des intérêts plus ou moins considéra bles dans les houillères. Se trouvant juges et parties, leurs décisions ne sont pas toujours exemptes de partialité. La simple délivrance des livrets par ces au torités pose déjà problème. Au lieu de les donner gratuitement, certains secré taires communaux, trouvant sur cet objet un léger bénéfice ,en distribuent à chaque Oh.8 167

réquisition qui leur est adressée sans s'assurer si ceux qui les demandent ont ou non le droit d'en obtenir. Il faut donc que des mesures soient prises afin qu'il ne soit plus accordé plusieurs livrets au même ouvrier, quand ceux-ci auraient dû lui être rigoureusement refusés. Il faudrait que chaque administration communale fût obligée de tenir un registre paraphé par 1'un des membres de la Députation permanente pour inscrire jour par jour les livrets qui seraient délivrés par elle

en mentionnant le nom et la date de naissance des ouvriers. Et puisque les ouvriers sont méfiants, pourquoi ne pas tenir ces livrets en double? " L'un de ces doubles serait remis à l'exploitant, l'autre resterait aux mains de l'ouvrier. L'engage ment de celui-ci, mentionné sur les deux doubles, constituerait une véritable convention entre les parties. Si l'ouvrier abandonne l'établissement avant d'avoir rempli cet engagement, le propriétaire de la mine le fera facilement constater au moyen des livrets dont il sera dépositaire. Si au contraire il voulait forcer l'ouvrier à travailler au-delà des bornes de l'obligation contractée, celui-ci, produisant le livret qu'il aurait gardé, prouverait qu'il est libre d'entrer dans

toute autre houillère"(45).

Ces exigences patronales ne sont guère goûtées du Ministre de l'Inté rieur, qui considère que "si les chefs d'industrie avaient rempli les obligations qui leur étaient imposées, s'ils avaient réfusé de recevoir les ouvriers sans livrets, si les actions en dommages et intérêts avaient été intentées, l'institu tion des livrets serait restée en vigueur et l'on n'aurait pas à agiter aujour d'hui une question hérissée de périls" (46).

Est-ce pour gagner du temps ou pour mettre sa responsabilité à couvert que de Theux provoque une discussion, parlementaire? En tout cas, il se refuse à rétablir les livrets aussi longtemps que la législature n'aura pas établi quelle autorité judiciaire tranchera les conflits entre patrons et ouvriers. Ne prenant pas en considération l'institution des juges de paix prônée par les exploitants charbonniers montois (47), il dépose en décembre 1839 un projet de loi visant à créer dans chaque arrondissement judiciaire un conseil de prud'hommes, et ajourne jusqu'à son vote ou rejet par les Chambres sa décision quant aux livrets (48). En février 1840, de Theux fait marche arrière: il déclare ne plus lier la question des livrets à celle des conseils de prud'hommes, et soumet à l'avis des patrons houillers hainuyers un projet d'arrêté abandonnant aux juges de paix la connais sance des affaires de simple police entre maîtres et ouvriers. La crise ministé rielle d'avril 1840 met fin aux pourparlers à ce sujet (49). Ch.8 168

Comme de Theux, Rogier regimbe devant l'ultimatum des exploitants charbonniers montois: le rétablissement préalable des livrets ne peut conditionner leur adhésion à la caisse de prévoyance. Après plusieurs mois d'efforts infruc tueux pour les amener à changer d'avis, il cède cependant devant l'intransigeance de la Société Générale, en s'engageant à rétablir les livrets a partir du 1.2.1841 en échange, de la signature le 18.12.1840 des statuts de la caisse de prévoyance par les sociétés patronnées par la banque bruxelloise (50)'.

c. Rétablissement des livrets.

Le ministre tient parole. Confirmant par un arrêté royal du 30.12.1840 la promesse faite à Meeus quelques jours plus tôt, il transmet le 4.1.1841 des instructions relatives à la remise en vigueur des livrets à Thorn, gouverneur de la province (51). Celui-ci se sent à Mons relativement esseulé d'autant que, ef frayée de sa responsabilité, la Députation permanente vient de déclarer que l'af faire regarde le gouvernement et lui laisse le soin de s'en occuper (52). Ce que ce dernier fait consciencieusement: il envoie aux autorités communales qu'il ser monne à cette occasion, livrets et registres dans les temps voulus et assure aussi la plus large diffusion à la circulaire de Rogier tendant à rassurer la population ouvrière (53).

Entamée le 25 janvier, la distribution des livrets est rapidement interrompue sous la pression des ouvriers hostiles à leur rétablissement. D'impor tantes manifestations ont lieu les 1er et 2 février. En dépit des mauvaises condi tions climatiques, les mineurs, armés de bâtons et d'objets métalliques défilent au son du tambour et aux cris d' "à bas les livrets, à bas les gérants". Partant d'Elouges, le rassemblement du 1er février passe par Wihéries, Dour, Boussu, Hornu, Wâsmes, Pâturages et Warquignies avant de se disloquer à Frameries. Le nombre des participants augmente au fil de la promenade. Les manifestants sont 600 à Dour, 800 à Boussu, 1.100 à Hornu, 2.000 à Wâsmes... Il n'y a pour ainsi dire pas d'in cidents. Les démonstrations de rue cessent le 3 février avec le déploiement massif d'infanterie et de cavalerie (54).

L'arrivée de l'armée conduit certains charbonnages, - le Grand Hornu, Belle et Bonne, Fosse du Bois, Centre du Flénu, Cossette, Bonnet et Veine à Mou ches. .., à reprendre le travail avec quelques ouvriers porteurs de livrets. A par tir du 9 février, les rixes se multiplient entre travailleurs et chômeurs sans Ch.8 169

que des voies de fait véritablement graves n'aient lieu. Les menaces de mort, largement proférées, ne sont jamais mises à exécution. Tout se limite à des huées, ainsi qu'à des jets de pierre, des coups de bâton ou des poussées dans les fossés qui bordent les chemins charbonniers. La pression exercée est cependant suffisante pour dissuader les ouvriers porteurs de livrets de se rendre encore aux houillères. Le Grand Hornu, Belle et Bonne et le Levant du Flénu sont les seules à conserver

une certaine activité (55).

Au terme de deux ou trois semaines, selon les endroits, les ouvriers, affamés et gelés par le froid persistant, acculés par la misère et le parti pris des autorités (56), se soumettent. La reprise est générale au début du mois de

mars (57).

di L'établissement de Conseils de prud'hommes et les règlements patronaux de

1852 - 1860.

Après la remise en vigueur des livrets, les pouvoirs publics s'atta chent à ne pas abandonner les ouvriers à l'entière discrétion des exploitants en ce qui concerne l'exécution des conventions de travail que ces documents sont censés cons tituer. Leur effort porte principalement sur la mise en place d'une institution judiciaire, - le Conseil de prud'hommes -, dans laquelle l'élément ouvrier est représenté.Nothomb propose avec succès en janvier 1842 une loi autorisant le gou vernement à l'établir dans les différents arrondissements judiciaires du royaume. Le refus des exploitants charbonniers borains d'y collaborer le dissuade toutefois, ainsi que plusieurs de ses successeurs, de la mettre à exécution à Mons. Rogier contourne la difficulté en soumettant au Parlement, en novembre 1848, un nouveau projet de loi, instituant des Conseils de prud'hommes à Boussu et à Pâturages. Voté à l'unanimité en mal 1850 par les Chambres, le projet est mis à exécution

en 1851 - 1852 (58).

Le juge de paix rendait ses arrêts en vertu d'une sorte de droit cou- tumier, défini partiellement par les règlements particuliers adoptés par les char bonnages. L'établissement des conseils de prud'hommes, met en évidence la nécessi té de définir un code, un règlement général sur lequel ils puissent fonder leurs décisions. Devant les velléités des autorités (59) de s'en occuper, les charbon nages prennent, après quelques hésitations (6.0), l'initiative de sa définition. Le règlement adopté par les sociétés patronnées par la Société Générale en novem- Ch.8 170

bre 1852 (61) est étendu à l'ensemble des houillères du bassin en décembre 1860(62)

La perspective de la suppression à court terme des articles du Code pénal relatifs aux coalitions ouvrières et l'utilité de les remplacer par d'autres dispositions à insérer notamment dans un règlement général applicable par la juri diction prud'hommale contribuent à vaincre les dernières réticences du patronat charbonnier.

Inquiété par l'audience accordée par Rogier à la campagne menée depuis quelques mois par les progressistes et économistes libéraux à 1'encontre des coa litions patronales, celui-ci déclare, en novembre 1859, souhaiter plutôt que rejeter cette révision du Code pénal. Les lois sur les coalitions sont contraires aux saines règles économiques autant qu'aux grands principes de la Constitution, le voit-on dire soudainement. Acte parfaitement légitime, la coalition n'est autre chose que l'application du droit d'association à certains intérêts matériels. Il est inadmissible, dit ce patronat, qu'un accord pacifique entre détenteurs d'une même marchandise (et il faut entendre par marchandise aussi bien le travail de l'homme que le produit de son travail) puisse constituer un délit en présence de dispositions constitutionnelles qui, sans réserve, reconnaissent aux Belges le droit de s'associer. L'intervention de la loi pénale ne se justifie qu'en cas de contrainte pour imposer une résolution concertée à dés personnes restées étran gères à la délibération. Si les Belges ont le droit de s'associer, ils ont aussi le droit de rester en dehors de toute association. Il convient que tous ceux qui veulent s'abstenir de prendre part aux associations soient mis en position de le faire sans avoir aucun péril personnel à redouter. Toute contrainte exercée pour obliger à entrer dans une association ou une coalition quelconque une personne qui veut se tenir en dehors, constitue un délit qui doit être sévèrement réprimé au nom du respect des droits des minorités. Il faut aussi, ajoute ce même patro nat, assurer la pleine et entière exécution des engagements civils intervenus entre le maître et l'ouvrier (63).

Dans le règlement commun qu'elles adoptent en novembre 1852, les so ciétés patronnées par la Société Générale conviennent d'autoriser le départ de leurs ouvriers sur la base d'un préavis de 8 jours garanti par le dépôt d'une cau tion équivalente à 6 jours de salaire. Elles s'accordent à respecter pour leur part un préavis identique en ce qui concerne la suspension des travaux et la ré duction du prix des ouvrages à la journée. Les contrats de longue durée doivent être exécutés, sans possibilité d'interruption, jusqu'à leur terme. Le règlement prévoit à l'avantage des patrons et non des ouvriers des cas de force majeure, Ch.8 171

autorisant à déroger aux stipulations convenues: "l'absence ou la coalition d'un nombre d'ouvriers nécessaire à une exploitation régulière; l'éboulemerit ou l'én>- combrement d'une ou de plusieurs tailles; le défaut d'espace pour déposer les dé blais, ainsi que toute autre circonstance de nature à devoir restreindre le per sonnel de l'atelier" (64). Ces dispositions doivent être lues à l'ouvrier au mo ment de son entrée dans l'entreprise. S'il persiste, dûment informé, à demander du travail, c'est qu'il en accepte implicitement les stipulations (65).

Généralisé en décembre 1860 à l'ensemble des charbonnages du bassin, le règlement de 1852 est complété par trois ajouts importants: 1) les ouvriers qui excitent par leurs conseils ou autrement leurs camarades à ne pas travailler, peuvent être exclus des travaux et punis d'une retenue équivalente au salaire de six journées de travail; 2) si les travaux sont interrompus pour un cas de force majeure - et la coalition est un de ces cas de force majeure - les ouvriers n'ont, droit à la restitution sans indemnités de leurs livrets que six jours après cette interruption; 3) les ouvriers doivent faire chaque jour un travail égal au moins au 9/10e du travail moyen de la semaine précédente, sous peine d'une retenue pou vant s'élever à la valeur moyenne du prix de leur journée (66).

L'affichage de ce règlement provoque à la fin du mois de juin 1861 la colère des mineurs. Partout le travail s'arrête. Rapidement, l'armée - trois bataillons d'infanterie et plusieurs escadrons de cavalerie - quadrille la région et met fin, non sans incidents, aux attroupements. Aux yeux de plusieurs observa teurs (67) comme des autorités, les exploitants ont cette fois été trop loin: "Il est difficile d'admettre, écrit le gouverneur de la province au Ministre de l'Intérieur, que l'ouvrier, subissant les conséquences d'accidents de force ma jeure, soit empêché de travailler pendant un certain nombre de jours et qu'on ne lui doive pas, pendant ce temps, sinon son salaire complet, au moins une juste indemnité" (68). Aiguillonné par Rogier, le Gouverneur Troye réclame et obtient le 4.7.1861 des patrons charbonniers montois une déclaration, à laquelle il s'em presse d'assurer la plus large publicité. Les exploitants s'engagent, en cas d'interruption de travail pour.force majeure, soit à remettre immédiatement le livret aux ouvriers, soit à leur.donner un travail analogue à celui qui a été interrompu, soit à leur payer l'entièreté de leurs journées. Non satisfait par cette déclaration, Rogier, débarquant à Mons le 7.7.1861, exige du patronat houiller en le menaçant du retrait des troupes en cas de refus, l'annulation pure et sim ple du règlement général adopté quelques mois plus tôt. Réuni le 9.7.1861, le Comité houiller montois ne peut qu'entériner! (69) Ch.8 172

Au cours d'une assemblée tenue la veille à la direction de la Société Générale à Bruxelles Liedts, gouverneur de la banque, manifestement résigné au retrait du règlement général contesté, a accepté l'idée proposée par Sadin, ingé nieur aux Produits du Flénu et secrétaire du Comité des directeurs de travaux des sociétés patronnées, de charger les Conseils de prud'hommes de Dour et de Pâturages, aidés par un ou.deux juristes, de la formulation de nouvelles disposi tions réglementaires. Bien accueillie par Troye et par Rogier, l'idée, dont l'é tude est confiée au sein du Comité houiller à Sainctelette, est rejetée par le Ministre des Travaux publics, sur avis négatif de l'Administration des Mines. Plutôt que de s'attacher à la définition d'un règlement général, susceptible d'a mener de nouveaux désordres, mieux vaut, concluent Gonot et Vanderstichelen, s'en tenir à des conventions particulières, dont les autorités n'ont pas à s'occuper

(70).

e. Conclusion.

A partir de 1833, les exploitants charbonniers montois font pression sur les pouvoirs publics pour obtenir le rétablissement des livrets ouvriers. La Chambre de Commerce de Mons, le Conseil communal de cette même ville, le Con seil provincial du Hainaut et la presse locale leur apportent unanimement leur concours.

Dans la crainte d'un conflit avec la classe ouvrière, qu'il a par ailleurs à coeur de protéger contre certains excès patronaux, le Ministère de 1'Intérieur temporise avant de troquer en 1840 le rétablissement des livrets contre l'adhésion des exploitants à la Caisse de prévoyance. Il ne leur montre plus par la suite de complaisance particulière, mais leur impose de participer en 1851 aux Conseils de prud'hommes et de retirer en 1861 le règlement par trop impopulaire qu'ils avaient introduit. 173

IV - LIBERAUX ET CATHOLIQUES. DES ETIQUETTES AUX PARTIS POLITIQUES. 174

CHAPITRE 9

DE 1830 A 1857.

a. 1831 - 1847

1. Prise de contrôle par l'Eglise de 1'enseignement_et_de_l^bienfaisance^

A Mons comme ailleurs,1'Eglise, soutenue par le pouvoir central, s'at tache après 1831 à contrôler l'enseignement et la "bienfaisance" (1).

"La religion, doit s'emparer la première des jeunes gens, écrit l'évêque de Tournai. Si ce n'est pas elle, ce sera le vice et il sera trop tard." (2) "L'innocence rend l'enfant plus accessible. Semblable à unecire molle qui prend toutes les impressions de la main qui la façonne, il se modèle sur son maî tre, se réglant comme par instinct sur son autorité" (3). "De tous les maux qui peuvent compromettre le salut d'un peuple, il n'en est pas de plus funeste, de plus extrême que la mauvaise éducation des enfants" (4). "Ceux qui croissent sont destinés à remplir un jour les différentes conditions de la vie civile. Par une éducation chrétienne, on les attache pour toujours aux bons principes" (5). A l'Eglise à se mettre à l'oeuvré "pour couper le mal à sa racine et guider dans la bonne voie la génération qui s'élève" (6).

La loi de 1842 sur l'enseignement primaire est une victoire pour 1'é- piscopat. Le clergé entre à titre d'autorité dans l'école communale où il dispose { d'un droit d'inspection dépassant le cours de religion ( obligatoire) pour com prendre en définitive l'ensemble de l'éducation ainsi que l'instituteur. Contrain tes de consacrer à l'enseignement primaire l'équivalent de deux centimes addition nels au principal des contributions directes, les communes peuvent "adopter" des écoles privées (7). Ch.9 175

L'épiscopat s'attache à cette époque à favoriser l'implantation de religieux enseignants dans les villes et les localités industrielles.

Les Frères de la Doctrine chrétienne ouvrent une première école à Mons le 18.6.1833, à la demande et avec l'aide du curé-doyen de Sainte-Waudru. Des collectes, organisées à partir du mois de février, ont permis l'achat rue Notre- Dame-Débonnaire d'une habitation valant 36.000 f (8). En 1838, les Frères s'ap proprient le produit (10.000 f par an) de la Fondation Veuve Rogier, que le Bureau de Bienfaisance affectait jusque là au financement d'une école gratuite tenue par deux instituteurs laïques. La testatrice avait émis le voeu que le subside soit affecté, dans la mesure du possible à une école des Frères de la Doctrine chré tienne. Ceux-ci — une dizaine à Mons en 1838 -, comptent rapidement plus de 700

élèves. L'administration communale issue des élections de juillet 1836, leur est favorable. Vantant leur zèle, leur dévouement et leur désintéressement, elle les adopte eh lieu et place des deux instituteurs laïques mis à la retraite, en leur accordant en 1838 une subvention annuelle de 635 f, portée en 1840 à 1.000 f. La ville ne subsidie plus alors qu'un seul instituteur laïque (9). Les choses changent dans les années 1842 - 1847. Sans remettre en question le subside qu'elle accorde aux Frères de la Doctrine chrétienne, , l'administration communale aug

mente sensiblement le traitement et l'aide financière réservés à l'instituteur laïque, qu'elle installe dans un bâtiment plus spacieux, et auquel elle adjoint progressivement trois sous-instituteurs salariés comme lui par la commune. Leur école est fréquentée en 1847 par environ 200 élèves (10).

L'introduction de religieux enseignants au Borinage est facilitée par 1'organisation en 1840-1841 de la Caisse de prévoyance pour les ouvriers mineurs du Couchant de Mons. Sur instruction de Meeus, gouverneur de la Société Générale, Corbisier et Picquet, deux de ses fondés de pouvoir à Mons, font ajouter aux sta tuts une clause autorisant l'affectation d'une partie des fonds de réserve - 5.000 f en 1842, 6.500 f en 1853, 9.000 f en 1854 ! - au développement de l'en seignement primaire au Borinage. Cette somme, augmentée par la Société Générale, est affectée par la commission administrative de la Caisse de prévoyance princi palement; voire exclusivement aux écoles tenues par les Frères de la Doctrine chrétienne, les Dames de la Sainte-Union ou les Soeurs de Notre-Dame de la Provi dence. Arrivés en 1844 à Frameries, les Frères sont installés en 1854 dans sept communes du Borinage (11).

L'Eglise porte aux enseignements universitaire et moyen le même inté rêt qu'à l'instruction primaire. Ch.9 176

La création en 1834 de l'Université catholique de Malines est suivie par la suppression de l'Université de l'Etat à Louvain, le transfert de l'univer sité catholique dans cette dernière ville et des démarches épiscopales destinées à la faire bénéficier de la personnalité civile (12).

Le clergé refuse son concours aux établissements d'enseignement moyen officiels, lorsqu'il n'a pas le choix des professeurs et dés livres classiques. Labis se signale dans le diocèse de Tournai par son intransigeance à cet égard, obtenant de plusieurs administrations communales qu'elles se soumettent à ses exigences. Depuis 1831, le "Collège" de Mons, établissement communal subsidié par l'Etat à partir de 1841, est privé de son aumônier. Après avoir systématiquement repoussé les différents candidats proposés par le Collège échevinal montois pour remplacer l'abbé Harders démissionnaire, et ceci en dépit d'interventions ainsi que de voyages à Malines du bourgmestre Siraut, qui. à la sympathie des ministres catholiques, Labis favorise en 1840-1845 l'installation à Mons des Jésuites (13).

La "bienfaisance" comme l'enseignement offre à l'Eglise "un moyen puissant de toucher les coeurs, de gagner leur confiance et de les amener à Dieu" (14) ainsi qu'une possibilité de développer son infrastructure. Lié, parfois à titre d'autorité, aux bureaux de bienfaisance, le prêtre veille à ce que les se cours soient conditionnés par la "moralité" des bénéficiaires (15). Aux Ursulines et aux Dames du Sacré-Coeur, qui monopolisent dans la ville l'enseignement pour filles, et aux soeurs hospitalières qui oeuvrent à l'hôpital et à la maternité de

Mons, s'ajoutent en 1839-1841 de nouvelles religieuses, introduites par le curé- doyen de Sainte-Waudru. Les Dames du Bon Pasteur d'Angers reçoivent de la Commis sion des hospices un subside annuel de 1.500 f ainsi qu'un bâtiment destiné à l'accueil des prostituées "repenties". A ces dernières s'ajoutent rapidement, contre versement de pensions "acquittées par des personnes bienfaisantes" les filles

"qui ont eu le malheur de s'abandonner au désordre... ou qui sont en danger d'y tomber" (16). A peine installées, les Dames du Bon Pasteur qui occupent leurs pen sionnaires à des travaux de couture et de lingerie, obtiennent l'acquisition et la mise à leur disposition par la Commisssion des hospices d'un immeuble plus vaste situé à la rue de la Petite-Guirlande. Elles ont moins de succès auprès de la Députation permanente, qu'elles engagent à la même époque à leur abandonner les déténues du Dépôt de mendicité. Les Soeurs de la Charité de Gand se voient confier l'hospice pour incurables - essentiellement des personnes âgées refusées à l'hôpital - et lé home pour orphelins. N'échappe aux religieuses que l'asile pour aliénés, toujours géré par un directeur laïque, et ce au grand regret dû

Collège échevinal, désolé de voir "ces êtres infortunés encore privés de ce zèle Ch.9 177

charitable, et de ce dévouement surhumain que l'esprit de religion et la vertu la plus éprouvée peuvent seuls donner" (17). Ces différentes opérations reçoivent l'approbation du Conseil communal de Mons (18).

2. La réaction anticléricale.

La mainmise progressive de l'Eglise sur l'enseignement et la "bienfai sance", le développement des congrégations religieuses qui l'accompagne, ainsi que la condamnation de la franc-maçonnerie par l'épiscopat belge en janvier 1838 et certains stratagèmes catholiques comme le fractionnement électoral ou le choix du bourgmestre en dehors des conseils communaux irritent une fraction de l'opinion libérale. Bon nombre de libéraux prennent à cette époque conscience de leur ap partenance à un mode de pensée, à une conception de l'Etat moderne complètement différente de celle des catholiques (19). "Un seul fait reste constant aujourd'hui, écrit N. Déscamps dans ses mémoires en 1843: le mot unioniste a été un leurre, le clergé s'est emparé du pouvoir, en a usé et mésusé largement" (20). "Lorsqu'on voit tomber une à une les libertés conquises par une révolution qui date à peine de 12 ans, écrit le Modérateur à la même époque (21), il faut faire un bien grand effort sur soi-même pour ne pas se laisser abattre par les réflexions découra geantes qu'on est forcé de faire. C'était bien la peine de secouer la domination étrangère. L'alliance entre le clergé et les libéraux, amenée par la conciliation sous l'ancien gouvernement a été brisée aussitôt après la victoire par le clergé qui, depuis ce moment, à mis tout en oeuvre pour subjuguer son ancien allié et consolider sa puissance... en dehors des limites constitutionnelles." Il faut, estime le journal, "établir une digue contre les envahissements d'une caste qui regrette les beaux jours de l'absolutisme théocratique" (22).

Une première association politique anticléricale, 1'Alliance, est constituée à Bruxelles en 1841 sous les auspices du Grand-Orient; elle compte ra pidement un millier de membres.Des sociétés similaires sont établies en 1842 à Gand, à Liège, à Tournai et à Verviers (23). A Mons aussi, il est question à cette époque de former une association libérale. Sa mise en place, encouragée par le Modérateur et combattue par la Gazette (24) est ajournée en présence du dissenti ment des francs-maçons montois quant aux fondements à lui donner (25).

Mis en minorité âù sein de l'Association libérale liégeoise, les doc trinaires constituent en juin 1845 une société concurrente. Polémiquant par la voie de la presse avec les progressistes:, ils présentent une liste distincte lors des élections communales d'octobre. A Bruxelles, où l'union est maintenue en dé pit d'attaques de plus en plus agressives du journal avancé le Débat social, Ch.9 178

l'Alliance propose au début d'avril 1846, après la formation du ministère de Theux, l'organisation d'un Congrès libéral. Son appel est bien accueilli à Mons par le Modérateur et la Gazette, qui insistent toutefois sur la nécessité d'un programme faisant l'unanimité des libéraux belges (26). A l'initiative de la Loge (27), un comité est rapidement constitué pour jeter les bases d'une association appelée à désigner une députation au Congrès. Son premier soin est d'établir un règlement "beaucoup de personnes désirant connaître les obligations à contracter avant de s'affilier" (28).

Ce règlement, diffusé sous la forme d'une brochure vers le 15 mai, réserve, jusqu'à l'organisation le 3 juin d'une première assemblée générale, l'admission des candidats membres à une équipe restreinte prétendant représenter l'opinion libérale (29). "Constituée de libéraux modérés" (30), "amis des libertés et du progrès mais ennemis du trouble et des agitations" (31), elle "se livre à un triage sévère entre les postulants qui sollicitent leur admission. Cherchant à s'assurer la suprématie dans l'assemblée, elle y introduit tous ses clients de manière à leur donner une supériorité numérique marquée. Puis, elle refuse l'en trée de l'association à ceux qui quoique professant notoirement des idées libéra les, sont connus par l'indépendance et la fermeté de leur caractère" (32). Deux cents personnes sont ainsi admises à participer à la première assemblée générale, tenue le 3 juin à l'hôtel du Duc de Bavière pour choisir les députés au Congrès. Celle-ci désigne sans discussion les candidats proposés par le bureau. L'Associa tion se réunit une seconde fois le 26 juin pour entendre le rapport des ses dépu tés au Congrès et élire son comité (33).

L'éclatement du libéralisme bruxellois suit de peu le Congrès. Ayant perdu le contrôle de l'Alliance, les doctrinaires y réclament en août 1846 une modification des statuts réservant la direction de la société aux électeurs ainsi qu'à ceux qui doivent le devenir en cas d'adoption par les Chambres du voeu ex primé en la matière par le Congrès (34). Le rejet de leur proposition entraîne la création à Bruxelles d'une association libérale conservatrice, concurrente de

l'Alliance (35).

A Mons, le Modérateur défend les doctrinaires bruxellois. "Fatigués d'être appoints, les démocrates ou républicains, en majorité grâce à certaines mesures qu'ils ont eu soin de prendre, voudraient se mettre à la tête du libéra lisme pour le dominer" (36). "Dans le sein de l'Alliance, les choses en sont ve nues à ce point que des idées repoussées par les électeurs, le pays légal, y sem blent dominer. La démocratie, pour ne pas dire pis y règne et y gouverne" (37). Ch.9 179

Il s'agissait "de maintenir l'Alliance dans les bornes de la Constitution et des principes proclamés par le Congrès libéral" (38), "de ne pas sacrifier le libéra lisme d'aujourd'hui au libéralisme d'un jour à venir. Précipiter le progrès, c'est faire avorter l'avenir" (39). "Il faut rendre à l'élément électoral sa part d'in fluence légitime, son droit, sa propriété. C'est la condition à laquelle l'union existante peut demeurer" (40). La Loge adopte une position contraire, appuyant, l'espace de quelques mois en tout cas, avec Lange, l'un des députés montois, le point de vue des progressistes. Les discussions du libéralisme montois n'ont pas de répercussions électorales, l'association soutenant aussi bien Lange que lés deux autres parlementaires sortants, lors des élections de juin 1847 (41).

Dès 1833, les anticléricaux montois se sont inquiétés de l'intérêt porté par l'Eglise à l'enseignement. "En dépouillant la société de ce qu'ils ap pelaient le monopole de l'enseignement, écrit l'Observateur du Hainaut, les libé raux n'ont fait que l'abandonner à leurs ennemis" (42). "Pendant que le pouvoir temporel abandonne à la Providence lés destinées de l'enseignement, que la liberté pour tous est pour le gouvernement la liberté de ne rien faire, le clergé profite de l'inaction et de l'engourdissement général. Déjà l'instruction primaire est a. lui" (43). "Battant en brèche le système de l'éducation libre et dégagée de la crasse des préjugés, des maximes de l'intolérance et du despotisme civil et religieux..., il s'ingénie à propager partout l'ignorance et la superstition, à faire germer les doctrines de l'obscurantisme, à rétrécir les cerveaux disposés à s'élargir, à infatuer la jeunesse de principes subversifs de tout ordre libéral, à forcer les étudiants à fréquenter seulement ses établissements et à devenir ainsi, s'ils n'ont un génie qui résiste à toutes les épreuves, des êtres fanati ques, ignares et brutaux. Qu'il ne croie pas arriver facilement à ce but ! Les saines doctrines, les enseignements libéraux et philosophiques, les préceptes de morale et de charité universelles n'ont pas été en vain semés sur quelques points du pays. Le sel du clergé n'a pas encore couvert le sol de tous les collèges et athénées. Cette dégradation méditée du peuple belge, cette usurpation éhontée de ses privilèges, ce monopole exclusif de l'instruction, cette coupe de l'arbre des connaissances ne s'exécuteront pas avec autant de promptitude que la déplorable conduite du gouvernement pourrait le faire présager" (44). "Aux armes" s'écrie 1'Observateur du Hainaut lorsque débarquent à Mons, en février 1833, les Frères de la Doctrine chrétienne, présentés par lui comme "un tas de fainéants, de bons à rien, de béats vagabonds qui, comme une sangsue pompant la sang du peuple, le jettent épuisé aux fers de ses tyrans" (45). "Le monopole de l'instruction, par quoi l'a-t-on remplacé ? écrit encore le Modérateur en 1840. Par une apathie, par une indifférence coupable. Dans la plupart des communes, là où enseignait naguère Ch.9 180

un homme instruit et intelligent formé aux méthodes intellectuelles et progressi ves pose doctoralement aujourd'hui près d'une table aussi pesante que son esprit, le bedeau de la paroisse" (46).

Vanté par la Gazette de Mons (47), et voté pour ainsi dire sans dis cussion par les députés montois (48), le projet de loi sur l'enseignement primaire proposé par Nothomb en 1842 est violemment combattu par le Modérateur, qui le pré sente comme la plus importante victoire remportée par les cléricaux "depuis 1830 (49) "On fait appel à l'union dés partis, on nous présente une main fraternelle, dit-il, pendant que l'autre morcelle les institutions, détruit le principe dé l'élection directe et burine une loi qui donne au clergé le monopole de l'enseignement. N'est-ce pas se jouer impudemment du bon sens public, chercher à faire une nou velle journée de dupes ?" (50)

Le Modérateur critique la politique suivie en matière d'enseignement par le pouvoir communal montois. "L'administration, écrit-il en 1845, est parvenue en quelques années à réduire à une seule école tous les établissements d'instruc tion publique autres que ceux des Petits Frères, à forcer les familles indigentes à confier leurs éhfants à une congrégation religieuse, à rendre enfin presque nulle l'influence de l'autorité civile sur l'enseignement élémentaire pour la faire passer à l'autorité cléricale... Tout à été fait par le système administra tif pour livrer l'enseignement des masses aux congrégations religieuses et pour forcer les familles peu aisées à livrer leurs enfants aux leçons des Petits Frères. N'eût-il pas été plus convenable de laisser au moins à chacun le choix du genre d'enseignement qu'il voulait donner à ses enfants et de ne pas abuser de la posi tion des malheureux pour violenter leurs consciences et leurs opinions? N'était- il pas possible d'offrir aux enfants des ouvriers et de là classe moyenne que l'on est également parvenu à pousser vers les écoles chrétiennes, une instruction gratuite du moins aussi avantageuse et aussi étendue dans les écoles primaires communales" ... "N'est-il pas permis de voir avec défiance ceux qui ont abandonné l'enseignement élémentaire à l'influence cléricale présider aux destinées du col lège communal? N'est-il pas à craindre que les mêmes hommes ne cèdent aussi l'en seignement moyen à la même influence?" (51). "Les mêmes moyens employés pour li vrer l'instruction primaire aux Frères de la Doctrine chrétienne, ne peuvent man quer d'assurer l'entrée des Jésuites dans le collège communal. Dans six mois, les Révérends Pères auront ouvert des classes. L'enseignement gratuit ou à peu près joint aux influences qu'on exerce déjà dans les familles au profit des Petits Frères, y attirera une partie de la jeunesse de la ville. Quand le noyau sera bien formé, on réclamera d'abord la jouissance des bourses qui, d'après le testament Ch.9 181

de la fondatrice, appartiennent avant tout aux élèves fréquentant le Collège de la Compagnie de Jésus. Puis on finira par invoquer le dit testament pour entrer en possession du local. Dévoués à la cause cléricale, les hommes qui composent la majorité actuelle du Conseil communal ne s'y opposeront pas" (52).

Quelques voix s'élèvent pourtant au sein de ce même conseil en faveur de l'enseignement officiel. Souhaitant "voir l'autorité civile prendre la plus large part possible à l'organisation et à la surveillance de l'enseignement et donner aux pères de famille la plus grande latitude pour le choix des personnes à qui ils confient l'éducation de leurs enfants" (53), Ch. Rousselle propose en août 1844 la création d'une deuxième école communale. "Il s'agit, écrit le Modéra- teur (54), de savoir si l'on établira à Mons de nouvelles écoles communales, en d'autres termes si l'autorité civile reconquerra quelque influence sur l'instruc tion primaire, si le père de famille aura quelque latitude dans le choix de l'é tablissement où il veut faire élever ses enfants ou bien si les écoles des Frères de la Doctrine chrétienne continueront d'absorber presque tout l'enseignement pri maire et si la congrégation étendra davantage encore ses envahissements dans là ville de Mons". La question est confiée à l'étude d'une commission (55), qui pro pose le rejet de la motion de Rousselle tout en recommandant le développement de l'école communale existante. Suivant cet avis (56), le conseil n'établira une seconde école primaire communale laïque qu'en 1851 (57).

Le Modérateur conteste également la politique du Collège échevinal en matière de "bienfaisance". Il critique en 1844 l'acquisition par la ville d'un bâtiment destiné aux Dames du Bon Pasteur et déplore en 1846 le vote par le Conseil communal d'un règlement associant de droit les curés à la distribution de secours par le Bureau de bienfaisance. La convention relative au home des orphelins signée entre la ville et les Soeurs de la Charité, est amendée en 1842 par un conseiller communal, afin d'empêcher que le droit de visite de l'administration ne soit

éludé (58).

b. 1847 - 1852

1. Une politique gouvernementale_libérale^

Ajournant la question de l'instruction primaire, le cabinet libéral concentre son action sur l'enseignement moyen. En 1850, il fait voter à une large Ch.9 182

majorité par les Chambres un projet de loi qui charge l'Etat de l'organisation et de la gestion de 10 athénées et de 50 écoles moyennes. Le clergé, simplement invité à donner ou à surveiller le cours de religion, n'intervient plus à titre d'autorité dotée d'un pouvoir d'inspection, comme c'est le cas pour les écoles primaires.

Le Gouvernement remet en vigueur la législation française sur le tem porel des cultes, qui réserve aux commissions des hospices, aux bureaux de bien faisance et, en ce qui concerne l'enseignement, au collège échevinal, l'adminis tration des fondations constituées au bénéfice des pauvres, de Haussy, puis Tesch, son successeur à la tête du département de la Justice, s'attachent à mettre fin aux nombreuses dérogations qui, tolérées jusque-là, ont permis la désignation (souhaitée par les testateurs) d'administrateurs spéciaux, le plus souvent des membres du clergé ou leurs prête-noms (59).

La politique gouvernementale est, dans l'ensemble, approuvée par les libéraux montois, qui n'émettent pour ainsi dire de critiques qu'au sujet de sa politique de travaux publics ou de son manque d'esprit d'économie. Il faut atten dre la crise ministérielle de juin-octobre 1852 pour que le Constitutionnel, un nouveau journal patronné par Ch. Rousselle, critique "la politique à outrance et

le libéralisme étroit et exclusif du ministère" (60).

L'Association libérale de Mons disparaît après les élections législa tives de juin 1848 et la publication d'un manifeste constatant que la plupart des revendications présentées par le Congrès libéral de 1846 ont été satisfaites (61).

2. La réaction catholique.

Refusant tout concours à la politique scolaire gouvernementale (62), l'Eglise engage un débat juridique sur la légalité des corrections "administra tives" effectuées par le ministre de la Justice relativement au temporel des cultes. Pour les catholiques, la charité doit être libre. L'Etat ne peut intervenir que dans l'intérêt des familles et seulement dans des cas et des limites à fixer par les Chambres. En conférant aux conseils communaux la nomination des membres des commissions des hospices et des bureaux de bienfaisance, la loi communale a ex pressément stipulé, selon eux, qu'on ne peut déroger aux actes de fondation préco nisant la désignation d'administrateurs spéciaux. Aux testateurs dès lors, revient la liberté de confier la gestion des biens légués aux mandataires de leur choix (63) Défendue à partir de 1849 par Ch. Picquet au sein du Conseil communal de Mons (64), Ch.9 183

cette thèse fera l'objet en 1852 d'un mémoire publié par V. Wéry, autre chef de file clérical montois (65).

Aux années 1848 - 1852 correspond une période de réorganisation des forces catholiques montoises. Elles se sont structurellement identifiées jusque- là au clergé séculier local: une centaine de prêtres, répartis dans l'ensemble de l'arrondissement et encadrés par cinq doyens sous la férule du curé de Sainte- Waudru, principal représentant de l'évêque à Mons. Etroitement contrôlé et dirigé par Labis, qui succède en 1835 à Delplancq à la tête du diocèse (66), ce clergé séculier local, généralement discret dans ses interventions (67), est vanté par les anticléricaux montois pour sa prudence (68).

L'évêque encourage l'installation à Mons des Jésuites et dés Rédemp toristes, deux ordres religieux échappant théoriquement à son autorité. Il le fait en dépit des récriminations du clergé, qui craint leur concurrence (69). Jésuites et Rédemptoristes ouvrent en 1848 - 1849 des chapelles dans la capitale du Hainaut. Alors que les premiers s'attachent à draîner vers leur collège à partir de 1851 l'élite de la jeunesse montoise (70), les seconds prennent une part active à l'or ganisation de retraites et de missions ainsi qu'à l'encadrement spirituel de cer taines congrégations religieuses (71). En 1849 est aussi constituée à Mons une Société de Saint-Vincent-de-Paul (72). Présentée par ses partisans comme une en treprise essentiellement philanthropique (73) elle est rapidement dénoncée par ses adversaires comme une machine de guerre cléricale: "La charité est le prétexte et non la raison d'être des conférences [les sociétés] . Elle n'est qu'un masque dont elles se couvrent pour attirer les dupes et pour se rendre populaires près . des classes pauvres. Elles s'occupent plus de politique que de bienfaisance. Dès qu'elles refusent de suivre l'impulsion politique qui leur est donnée, elles sont désavouées, attaquées, abandonnées, persécutées jusqu'à ce qu'elles succombent" (74). "Ayant son siège principal à Paris, des conseils particuliers dans certaines villes, des conférences dans presque toutes les communes, étendant partout ses ramifications de manière à constituer sous les auspices de la philanthropie une vaste association, une sorte de carbonarisme religieux, une franc-maçonnerie clé ricale" (75) ..."employant ses fonds dans un autre but que celui du soulagement des malheureux" (76). "Lors des batailles électorales, les sociétés de Saint- Vincent-de-Paul forment les cadres des troupes orthodoxes. Le jour de l'élection, pas un ne manque à l'appel. Chauffés à point par leur officier en soutane, ils paient tous de leur personne et de leur bourse, allant de porte en porte, carres- sant celui-ci parce qu'il est indépendant, menaçant celui-là parce qu'il ne l'est

point" (77). Ch.9 184

Les catholiques montois disposent à partir d'octobre 1852 d'un organe de presse, l'Echo de Mons, imprimé dans la ville pendant quatre ans avant d'être confié en juillet 1856 aux presses du Journal de Bruxelles, dont il devient un diminutif (78). Ils publient annuellement depuis 1845 l'Armonaque de Mons, un almanach patoisant, qui a beaucoup de succès (79).

c. 1852 - 1857

1. La politique gouvernementale.

Le cabinet de Brouckere, à prépondérance libérale modérée, tente sans succès de négocier avec l'épiscopat une formule de compromis relativement à l'en seignement moyen. Il finit par se résigner a ratifier par arrêté, après avoir obtenu l'aval des Chambres, des accords locaux inspirés d'une première convention conclue à Anvers, accordant au clergé des garanties quant aux livres et aux pro fesseurs. Le projet de loi qu'il dépose en janvier 1854 au sujet des dons et legs charitables est, en dépit du fait qu'il est beaucoup plus modéré que celui conçu par le ministère précédent, mal accueilli par les catholiques; il n'est pas dis cuté par les Chambres avant la chute du gouvernement en février 1855. Le cabinet De Decker à très forte coloration catholique qui lui succède, donne satisfaction à l'Eglise en déposant en 1856 un projet de loi autorisant la gestion des fonda tions, par les administrateurs désignés par les fondateurs, même lorsque celles-ci concernent l'enseignement (80).

2. La réaction anticléricale.

L'opinion libérale reproche au cabinet de Brouckere d'abandonner la solution de la question de l'enseignement moyen à l'initiative du pouvoir commu nal. "On disait jusqu'à présent, déclare Frère-Orban à la Chambre: pourquoi le gouvernement n'a-t^il pas fait une convention avec le clergé. Désormais d'après le système qu'adopte le gouvernement, on dira: pourquoi les conseils communaux ne font-ils pas une convention avec le clergé? Et le gouvernement répondra: je ne puis contraindre les conseils communaux, c'est à eux d'aviser, c'est à eux d'exé cuter la loi. Il y a un gouvernement responsable. Pourquoi s'efface-t-il et laisse-t-il aux conseils communaux un soin qui ne peut appartenir qu'à lui?" (81) "Le clergé veut obtenir en détail les concessions que les Chambres se seraient toujours refusées à lui accorder par une loi générale, écrit la Gazette de Mons (82). Les conventions partielles, sanctionnées par le gouvernement, équivaudront Ch.9 185

en fait à la convention d'ensemble que le clergé n'a pu obtenir. Au lieu du vote éclatant des Chambres, on compte sur les décisions clandestines des conseils com munaux plus faciles à obtenir parce que ces corps sont plus accessibles aux in fluences locales dont le clergé dispose et que les questions politiques dont ils sont parfois saisis tendent à s'amoindrir et à se transformer en questions admi nistratives". Au-delà de la manière de procéder du cabinet, la Gazette se refuse à admettre un arrangement abandonnant comme la convention d'Anvers le choix des livres et des professeurs au clergé (83), et s'efforce de dissuader le pouvoir communal montois de conclure un accord similaire (84). Celui-ci préfère attendre pour prendre position que d'autres localités aient fait connaître leur décision à ce sujet (85).

Le débat sur la question des fondations charitables, amorcé en 1849 par les premières mesures de de Haussy et de Tesch, s'engage véritablement en 1854, dans un contexte de plus en plus hostile aux ordres religieux, après le dépôt par le cabinet de Brouckere d'un projet de loi sur cette matière. Quelques affaires de captation d'héritages contribuent à susciter l'inimitié dont sont victimes les congrégations. L'une d'elles a pour acteur principal le père Lhoir, le supérieur des Jésuites de Mons. Elle commence par l'annonce le 21 octobre 1852, par la presse montoise, d'une tentative d'assassinat sur sa personne (86). Un certain Benoît Debuck est entré la veille au soir dans la chapelle des Jésuites pendant la messe que Lhoir célébrait à 1'intention de ses élèves. Celle-ci terminée, Debuck l'a entre tenu d'une succession à laquelle il prétendit avoir droit. Econduit, il a menacé Lhoir d'un pistolet avant d'être désarmé par celui-ci. Parvenant à s'enfuir, Lhoir a porté plainte à la police qui, arrêtant Debuck, l'a trouvé porteur d'une arme à feu, d'un couteau et d'outils de menuisier (87).

Les antécédents de l'affaire sont rapidement connus. Debuck, né à Anvers en 1818, est condamné à l'âge de 17 ans à un an de prison pour un vol commis dans une église. Deboey, un de ses oncles, parvient à le faire mettre à l'asile de Froidmont. Quand il est libéré, Debuck tente de se venger de son oncle, ce qui lui vaut une nouvelle incarcération de six mois. Sa peine finie, on l'envoie en Amérique, d'où il revient rapidement. Après avoir travaillé comme menuisier à Braine-le-Comte et à Tournai, il comparaît pour de nouveaux vols devant le Tribu nal de Mons, qui le condamne à trois ans de prison. Incarcéré à Arlon, il s'échappe et gagne la France où il commet de nouveaux méfaits. Arrêté par la police fran çaise, il est enfermé pendant trois ans au bagne de Toulon. Deboey, l'oncle de Debuck, décède à cette époque. C'est un homme riche. "Sorti d'une condition mo deste, il a réalisé une fortune considérable par d'heureuses spéculations sur des Ch.9 186

fonds publics. Célibataire et libre d'engagements de famille, il a dépensé géné reusement son argent en bonnes oeuvres de toutes natures, consacrant notamment des sommes considérables à la propagation de la foi en Amérique" (88). Deboey, qui a fait de l'avocat bruxellois Valentijns, le frère d'un Jésuite, son légataire universel, ne laisse à ses héritiers qu'une quarantaine de milliers de francs. Le reste, quatre ou cinq millions selon Debuck, va aux Jésuites. Debuck, l'un des dix-huit héritiers, est déshérité en raison de son passé criminel. Il est seule ment recommandé aux Jésuites, de lui remettre, sans obligation de leur part, 300 à 400 f par an en cas de bonne conduite. "Je suis victime des Jésuites, clame

Debuck au tribunal de Mons lé 28.3.1853. Ma famille voyant mon oncle toujours en touré de Jésuites et prévoyant que ceux-ci feraient faire un testament en leur faveur avait voulu pénétrer jusqu'à lui. Mais les Jésuites s'y sont opposé et l'ont emmené en pèlerinage à Bon-Secours et à Scherpenheuvel. A son retour, il se trouvait toujours trois ou quatre Jésuites près de lui et lorsque la famille est arrivée, après avoir pénétré de force dans la chambre, elle n'a plus trouvé qu'un cadavre en présence duquel on à lu un testament. Par ce testament, la famille, au lieu d'avoir ce qui lui revenait n'a eu à partager que quelques biens situés aux environs d'Anvers. Les autres, plus considérables, situés en Hollande et les au tres valeurs sont tombés aux mains des Jésuites, c'est-à-dire de leur prête-nom, l'avocat Valentijns" (89).

A son retour en Belgique, Debuck se rend chez Valentijns qui le dirige sur le père Lhoir à Mons. Pris au dépourvu, celui-ci lui remet 15 f et lui dit de repasser la semaine suivante de manière à lui permettre de demander des instruc tions à ses supérieurs. Une semaine plus tard, Lhoir le remet à huitaine, en lui donnant cette fois 50 f, avant de l'envoyer huit jours après à Anvers où l'attend, lui dit-il, un billet de 100 f. Après avoir séjourné pendant six semaines à Bor- gerhout, Debuck revient à Mons le 19.10.1852. La suite est connue. Rejetant l'ac cusation de tentative d'assassinat, l'instruction renvoie Debuck pour vagabondage et port illicite d'armes en correctionnelle où il est condamné le 28.3.1853 à 5 ans de prison, après un réquisitoire particulièrement sévère de de Bayet, substitut du Procureur du Roi, qui a insisté sur le délit de vagabondage alors que Debuck présentait la quittance d'une maison louée à Borgerhout et était porteur d'un livret d'ouvrier et d'outils de menuisier. Aidé, semble-t-il par la Loge, Debuck va en appel à Bruxelles où il est défendu par Funck. Suivant Hyndriek, substitut du Procureur général, la Cour d'Appel double le 16.4.1853 la peine de prison infligée quelques semaines plus tôt à Debuck par le tribunal de Mons (90). Ch..9 187

"Des prêtres et des moines ne reculent pas devant la spoliation des familles et là loi est impuissante à réprimer cet abus d'un ministère sacré, com mente la Gazette de Mons. Comment ne pas songer en écoutant le prêtre qui vous parle de charité et de renoncement aux choses de ce monde que cet homme quitte peut-être le chevet d'un mourant dont il a troublé la dernière heure et exploité l'agonie et qu'une chambre mortuaire est pleine encore de ses menaces sacrilèges. Beaucoup reconnaissent combien la loi qui empêche les corporations religieuses d'hériter est nécessaire. La loi a eu raison et 100 fois raison d'empêcher lés prêtres et les moines d'être légataires. Elle a eu seulement le tort de permettre que ses prescriptions soient élucidées par l'interposition d'un tiers" (91). La Gazette s'associe avec vigueur à la violente campagne de presse anticléricale suscitée par le dépôt en décembre 1856 du rapport de la Section centrale sur le projet de loi Nothomb autorisant la gestion des fondations charitables par des administrateurs "spéciaux". "Les dangers que court le patrimoine des familles, jeté sans défense à l'avidité insatiable du clergé, sont immenses, écrit-elle. On va faire la chasse aux testaments. L'enfer, le paradis joueront un grand rôle dans les exhortations des confesseurs qui n'auront pas de peine à arracher de la fai blesse ou de l'égoïsme des mourants de bons legs en faveur de leur corporation favorite". Plus fondamentalement, "remettre une plus large part de l'assistance aux soins du clergé, c'est établir contre les indigents un odieux régime d'inqui sition et d'intolérance. Le malheureux, qui ne se courbera point devant les ordres du prêtre se verra exclu des bénéfices des fondations. La charité dite religieuse aboutit à tyranniser lés consciences". C'est le fanatisme spéculant sur la faim et la misère. "Le clergé prétend moraliser le neuple. Mais le peuple sera-t-il plus moral quand il pratiquera non par conviction mais par intérêt, quand il vendra sa conscience pour un oeu de pain? C'est faire des indigents une population d'hypo crites et de sacrilèges" (.92).

Les cris et huées dans lés tribunes et à la sortie du parlement et les manifestations dans les rues de Bruxelles n'empêchent pas le vote le 27 mai 1857 par 60 voix contre 41, des principaux articles de la loi. Des émeutes éclatent dans plusieurs grandes villes. Le 30 mai, les Chambres sont ajournées. Les élec tions communales d'octobre, triomphales pour le libéralisme, entraînent la démis sion du cabinet De Decker et la formation d'un gouvernement libéral homogène, que confortent bientôt la dissolution et la constitution de nouvelles Chambres (93).

A Mons, 200 à 300 personnes conspuent le vendredi 29 mai au soir les couvents des Jésuites et des Rédemptoristes ainsi que l'Echo de Mons, et la demeu re du député Ch. Rousselle, rallié aux catholiques. Le lendemain, samedi 30 mai, Ch.9 188

dans la soirée, un nouvel attroupement brise leurs vitres, avant d'être dispersé par la police, vite assistée par l'armée et la Garde civique. Le 31, le bourgmestre interdit tout rassemblement de plus de cinq personnes (94). A Jemappes, la situa tion dégénère. Des émeutiers, descendus du train de Mons, s'en prennent le 31 mai vers 22 h, après avoir fait la tournée des cafés de la place, à l'établissement des Frères de la Doctrine chrétienne, et en enfoncent la porte. Tout le mobilier est jeté par les fenêtres et brûlé; il s'en faut de peu que le bâtiment lui-même soit incendié. Au cours de rixes tragi-comiques, un escalier s'effondre mêlant dans sa chute assaillants et assaillis. Quelques religieux sont plus ou moins gra vement blessés. Parmi les émeutiers arrêtés et condamnés sévèrement par le tribunal de Mons figurent des ouvriers mineurs qui reprochent aux Frères de vivre à leurs crochets grâce aux retenues opérées sur leurs salaires au profit de la Caisse de prévoyance (95).

Orchestrée davantage par la Gazette (96) que par la loge (97), la réaction anticléricale montoise ne débouche que très tardivement sur la réorgani sation des forces libérales locales. Celle-ci n'a lieu qu'à la mi-novembre 1857, soit après les élections communales d'octobre et la formation du cabinet Rogier-

Frère (98).

d. Conclusion.

A Mons comme ailleurs, l'Eglise s'attache avec un certain succès en 1831-1857 à contrôler l'enseignement et la "bienfaisance", à la fois moyens d'in

fluence et assises de son infrastructure.

Favorable aux Frères de la Doctrine chrétienne, l'administration com munale, issue des élections de 1836, les subsidié en lieu et place d'instituteurs laïques. A l'instigation de la Société Générale, la Caisse de prévoyance pour ou

vriers mineurs finance l'installation de nombreux religieux enseignants dans le

Borinage.

Aux Ursulines et aux Dames du Sacré-Coeur, qui monopolisent l'ensei gnement moyen pour filles et aux soeurs hospitalières qui oeuvrent à l'hôpital et à la maternité s'ajoutent les soeurs de la Charité, auxquelles sont confiés le home pour orphelins et l'hospice pour incurables et les Dames du Bon Pasteur, qui ouvrent une maison de correction aidée financièrement par les pouvoirs publics. Ch.9 189

N'échappent plus aux religieuses à Mons que l'asile pour aliénés et le dépôt pro vincial de mendicité.

Parce qu'on ne lui abandonne pas le choix des livres et des profes seurs, l'Evêque refusé son concours à l'enseignement moyen officiel pour garçons et encourage l'établissement à Mons d'un collège de Jésuites, qu'accompagnent des prédicateurs rédemptoristes.

Disposant désormais d'un organe de presse local, l'Eglise encourage le regroupement des laïques montois dans une société de Saint-Vincent-de-Paul.

Dans un contexte agité par quelques affaires de captation d'héritages, elle combat la remise en vigueur de la législation sur le temporel des cultes et suscite la présentation en 1856 d'un projet de loi autorisant la gestion des fon dations "charitables" par des administrateurs à sa dévotion.

Cette ingérence de l'Eglise dans les secteurs de l'enseignement et de la "bienfaisance" et le développement des congrégations religieuses qui l'accom pagne suscitent une réaction anticléricale qu'encouragent par ailleurs certains stratagèmes catholiques et la condamnation de la franc-maçonnerie par l'Episcopat.

Véhiculé depuis 1833 par différents journaux locaux, le mécontentement des libéraux montois s'exprime à partir de mai 1846 par la voix d'une association, constituée assez tardivement à l'occasion du Congrès de Bruxelles.

Contrôlée par les doctrinaires, cette association, fermée aux non électeurs, disparaît en juin 1848 après la publication d'un manifeste constatant la satisfaction de la plupart des revendications libérales. Elle n'est reconsti tuée en 1857 qu'après les élections communales d'octobre et la formation du Cabi net Rogier-Frère.

Après avoir été en 1842-1846 1'âme de la réaction anticléricale, la loge perd ensuite beaucoup de son influence et n'est pas en 1856-1857 le cataly seur de la révolte libérale. Divisée depuis 1846 sur le rôle politique des non électeurs, elle n'est guère fréquentée à partir du moment où elle aborde, à la faveur de la réforme maçonnique de 1854, sous l'impulsion des Colinsiens, la

question du suffrage. 190

CHAPITRE 10

DE 1857 A 1870.

a. Un gouvernement libéral

Les libéraux se maintiennent au pouvoir jusqu'en 1870, s'appuyant sauf pendant la crise de 1863-1864, sur une large majorité parlementaire.

Sur la question des fondations charitables, le ministère fait voter en 1859 une loi qui confirme la politique suivie naguère par Tesch et de Haussy et légitime lés fondations autorisées conformément aux voeux des fondateurs avant sa promulgation. Une autre de 1864 confie la gestion des fondations de bourses d'études aux pouvoirs publics. Le gouvernement propose, au cours de la même année, la désignation pour moitié par l'Etat des membres des commissions administratives des fabriques d'églises ainsi que le contrôle de leurs comptes par les autorités communales. Mis à l'ordre du jour de la Chambre seulement en 1870, ce projet, amendé par le Cabinet sous la pression des catholiques, ne laisse finalement sub sister que le simple contrôle des comptes par la commune.

Refusant de se mouiller dans la question des cimetières, le ministère s'abstient d'envisager une révision du décret de prairial an XII. Il laisse au pouvoir communal le soin de décider s'il convient ou non d'y maintenir des espaces distincts correspondant aux cultes professés dans la localité.

Le Cabinet encourage le développement de l'enseignement officiel, en gageant par exemple, par ses directives et son appui financier, les administra tions locales à ne plus subsidier des écoles privées.

S'il se refuse à réviser les lois de 1842 et de 1850 sur l'enseigne ment primaire et moyen, c'est qu'il craint l'affaiblissement de sa majorité, Ch.10 191

divisée à ce sujet, ainsi que la désertion de l'enseignement officiel qui résul terait, selon lui, de la suppression du cours de religion et de l'exclusion du prêtre de l'école.

En 1866, le gouvernement tente d'appliquer aux écoles d'adultes, qu'il s'attache à propager à cette époque, les dispositions de la loi de 1842 sur l'en seignement primaire. Malmené par une partie de son opinion, il renonce mais laisse en 1868 la question, comme celle des cimetières, à l'appréciation du pouvoir com munal. A celui-ci de décider s'il convient ou non de comprendre l'enseignement religieux dans le programme des écoles d'adultes et d'associer le prêtre à leur fonctionnement.

A contrecoeur, poussé à la fois par les catholiques et par les pro gressistes, le ministère se résigne en 1867 à proposer, pour les élections provin ciales et communales, une réduction du cens électoral limitée aux diplômés de l'enseignement moyen inférieur. En 1870, au Sénat, une très faible majorité votera lé projet.

Bien que l'élargissement des collèges électoraux soit tributaire du développement de l'instruction à partir du moment où l'extension du droit de suf frage est liée à la reconnaissance des capacités, le Cabinet se refuse cependant d'instaurer l'instruction primaire obligatoire ou à réglementer le travail des enfants (1).

b. Les libéraux montois

L'Association libérale de Mons disparaît quelques années après la formation du Cabinet Rogier - Frère. On en fait pour la dernière fois mention lors des élections provinciales de mai 1860. Mais elle n'a plus, à ce moment, qu'une audience limitée (2).

La loge est désertée jusqu'en 1864 (3). A la faveur de l'admission de quelques personnalités dynamiques (4), elle retrouve ensuite, toutes proportions gardées, activité et influence, appuyant avec succès ceux de ses membres qui bri guent les suffrages lors d'élections locales. Au cours de réunions souvent fort animées, une vingtaine de personnes y débattent des sujets du jour: la réforme électorale, les grèves, l'instruction primaire obligatoire, l'éducation des femmes, Ch.10 192

l'abolition de la peine de mort... (5).

En l'absence d'organisation, la presse continue d'être le porte-voix du libéralisme montois.

Très critique à l'égard du gouvernement (6), le Constitutionnel prend parfois des allures de feuille progressiste, vantant par exemple l'indépendance de Haeck ou de Molinari à l'égard des doctrinaires au pouvoir (7). Lié à la famille Rousselle, il reste en fait proche des catholiques, dont il partage l'aversion pour la franc-maçonnerie (8). Il prône pour sa part la formation d'un "parti national situé en dehors du parti clérical et en avant du vieux libéralisme" (9); "N'ayant plus sa conscience représentée dans le cabinet, et ne pouvant plus res pirer librement sous la tente du vieux parti libéral, la grande majorité des élec teurs libéraux n'ira pas, dit-il, se jeter à reculons dans les bras du parti clé rical et lui apporter un formidable appoint. Elle plantera une troisième tente...", (10) celle du "libéralisme avec la liberté" (11). Le Constitutionnel, qui n'en donne jamais une définition bien claire, disparaît le 30.12.1864 (12).

La Gazette engage à plus d'activité un ministère dont il déplore l'a pathie et la nonchalance désespérantes. "Il est très bon, écrit-elle, qu'il y ait une opposition poussant et stimulant un gouvernement qui recule devant les réfor mes. La majorité n'est pas aussi obstinément amie du statu quo qu'on veut le faire croire. Il est de nombreuses réformes pour la réalisation desquelles elle serait heureuse de prêter son concours au Cabinet. L'intérêt du libéralisme ne réside pas dans la continuation du système de concessions à la Droite suivi jusqu'à ce jour. Il est temps de changer de politique." En aucun moment toutefois, le journal n'incite à la rupture, mettant systématiquement le maintien de l'union du libéra lisme au-dessus de la satisfaction des revendications de plus en plus modérées qu'elle présente (13).

Il en est autrement de 1'Organe de Mons, constitué en décembre 1862 par E. Degouy, jusque là chef des ateliers et rédacteur de la chronique locale de la Gazette, licencié en septembre pour "manque de tact" (14). Vendu à un prix plus compétitif que la Gazette, l'Organe adopte initialement une ligne politique assez proche de celle-ci. Il ne devient vraiment agressif à l'égard du ministère et des doctrinaires qu'en 1869, époque à partir de laquelle il prêche ouvertement leur renversement, déclarant préférer combattre un gouvernement catholique que d'être obligé de critiquer chaque jour amèrement'un cabinet qui se dit hypocrite

ment son ami (15). Ch.10 193

Comme en 1847-1852, une bonne partie des critiques émises par l'opi nion libérale ont trait à la fiscalité et aux dépenses jugées exagérées du gou vernement. "Les économies ont été inscrites dans tous les programmes libéraux. Chaque fois que les libéraux sont arrivés au pouvoir, les gros budgets cléricaux ont été conservés et augmentés" rappelle le Constitutionnel en 1858 (16). Les dé penses militaires liées à la construction des forts d'Anvers sont particulièrement visées. Le Constitutionnel et 1'Organe de Mons joignent leurs voix pour réclamer leur réduction ainsi qu'une répartition plus équitable des impôts qui, prétendent- ils, avec d'autres, pèsent trop lourdement sur la classe moyenne. Simultanément, les progressistes montois revendiquent une réforme du service militaire. Divisés sur la question du tirage au sort - plusieurs dont J. Bourlard en sont partisans - ils sont unanimes à réclamer un réaménagement démocratique du système du rempla cement (17).

La Gazette jusqu'en 1862, l'Organe ensuite font Campagne pour obtenir la révision de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire. A cause d'elle, affir ment-ils, l'Etat n'est plus le maître de ses écoles. Le clergé empiète sur ses attributions, lui dicte ses conditions. Admis à titre d'autorité dans l'établis sement, le prêtre abuse de son influence. On ne lui accordait que le droit de surveiller l'enseignement moral et religieux; voici qu'il s'arroge celui de con trôler tout l'enseignement. C'est lui, désormais le chef de l'école primaire. Est-ce admissible? Selon eux, la loi de 1842 enfreint aussi la liberté de cons cience et celle des cultes inscrites dans la Constitution. On oblige l'enfant à suivre, quelle que soit la volonté de son père, le cours de religion de la majo rité, et on accorde des privilèges à cette dernière. Au clergé d'enseigner la religion catholique dans l'église et non à l'école! Il s'agit enfin de délivrer l'instituteur du joug clérical. S'immisçant dans sa vie privée, le prêtre sonde ses croyances, scrute sa conscience, règle ses actions, fort d'une loi qui lui donne assez d'autorité pour briser la carrière de celui qui n'accepte point un rôle d'esclave, de bedeau, voire de sonneur de cloches (18).

Un dossier, qui se révèle en définitive assez banal, met localement la question à l'avant-plan dé l'actualité en 1865-1867. L'Organe de Mons rapporte à la fin du mois d'août 1865 que H. Déscamps, inspecteur civil de l'enseignement primaire dans le canton de Mons a enjoint Lagache, instituteur communal à Nimy, de surveiller, comme le voulait le curé, ses élèves à l'église lors des offices du dimanche; Lagache a refusé. Donnant raison à l'instituteur, le journal émaille sa narration de quelques commentaires désobligeants pour l'inspecteur civil (19). Lorsqu'il apprend en novembre que le Ministre de l'Intérieur a infligé un blâme Ch.10 194

à Lagache, l'Organe entame une violente campagne de presse à laquelle s'associent rapidement plusieurs autres feuilles anticléricales (20). Le dossier est évoqué en novembre 1867 à la Chambre à l'occasion de la discussion d'une pétition du Conseil communal de Nimy. Interpellé par les députés de l'arrondissement, Vanden- peereboom fournit des explications qui viennent clore le débat. C'est l'inspection ecclésiastique et non l'inspection civile qui lui a demandé de prendre des mesu res destinées à forcer l'instituteur de Nimy à conduire les enfants de son école à l'église les dimanches et jours de fête. La requête était fondée sur une circu laire ministérielle d'août 1846 portant qu'il devait en être ainsi dans les com munes où l'usage en était établi. Il n'a jamais été question pour le ministre comme pour le gouverneur, la Députation permanente et l'inspection civile du Hai naut qu'il a consultés, d'accéder à la demande ecclésiastique. Lagache a été puni pour avoir communiqué à la presse, "en les dénaturant méchamment les conseils pleins de bienveillance" que lui avait donnés l'inspecteur civil cantonal (21).

G. Boulenger, un des élus montois, suggère en juillet 1861 au Conseil provincial d'émettre un voeu favorable à la révision de la loi de 1842 sur l'en seignement primaire. Sa proposition est soumise à une commission qui recommande par la voix de F. Defacqz, son rapporteur, l'ajournement de sa discussion à la session suivante, de manière à permettre à la Députation permanente d'enquêter sur la nécessité de la révision. La proposition de Boulenger né sera plus jamais mise à l'ordre du jour de l'assemblée (22). II. faut attendre 1867 pour que le Conseil provincial aborde à nouveau la question. En décidant en septembre 1866 d'appliquer la loi de 1842 aux écoles d'adultes qu'il envisage d'encourager, Van- denpeereboom provoque le mécontentement d'une partie de l'opinion laïque. La Libre Pensée (23) s'est adressée en décembre 1866 aux administrations communales du pays pour les conjurer de repousser les conditions et le programme proposés par le ministre, illégaux et contraires selon elle au texte comme à l'esprit de la Constitution. La loi de 1842 permet bien au gouvernement de favoriser par des subsides les diverses catégories d'établissement d'instruction autres que les écoles primaires, mais ne l'autorise nullement à régler leur organisation et leur programme. On donne ainsi une autre portée à une loi qui n'impose l'enseignement du catéchisme qu'aux enfants soumis entièrement à l'autorité de leurs parents, tandis qu'ici on veut l'imposer à des adultes, qu'on humilie en les assimilant à

des enfants (24).

M. Boulenger, qui a succédé à son père au sein de l'assemblée provin ciale du Hainaut, demande à celle-ci le 18.7.1867 d'octroyer des subsides aux seules écoles d'adultes qui ne se soumettent pas à la loi de 1842. Combattue par Ch.10 195

Sainctelette et soutenue seulement par une dizaine de conseillers, sa proposition est rejetée (25). La Gazette et l'Organe sont unanimes à regretter cette décision. "L'esprit de libéralisme qui animait jadis si vivement la majorité du Conseil provincial, tend à s'affaiblir, constate la Gazette. Il est fâcheux que cette as semblée ait jugé bon de rester en arrière." "Le Conseil provincial n'est pas favo rable à la loi de 1842, note l'Organe. Mais il concourt avec empressement à son extension. Des phrases, toujours des phrases! Mais aucun acte sérieux!" (26)

Le Conseil communal de Mons aborde le dossier en septembre 1867. En mai, L. Wyvekenslavait déjà poussé à trancher la question de principe liée à l'or ganisation des écoles d'adultes (27). Deux mois après la réunion du Conseil pro vincial, Sainctelette a complètement changé d'avis. Considérant cette fois comme illégal l'arrêté pris le 1.9.1866 par Vandenpeereboom, il fait voter par l'assem blée une motion par laquelle celle-ci, consciente de s'exposer à la privation du concours financier de l'Etat, déclare refuser d'établir ses écoles d*adultes dans • les conditions définies par le Ministre. "Plusieurs d'entre nous, déclare Sainc telette, pensent que l'enseignement donné aux adultes ne constitue pas un ensei gnement primaire, qu'il n'est pas à ce titre régi par la loi de 1842, que par con séquent c'est par une loi nouvelle et non pas par un simple arrêté qu'il faudrait régler l'a matière. D'autres soutiennent que l'enseignement donné aux adultes n'est autre chose qu'une variété de l'enseignement primaire et que c'est à bon droit que le règlement du 1.9.1866 énonce qu'il est pris en exécution de la loi de 1842. Mais tous nous sommes d'accord pour dire qu'il n'y a pas de nécessité pour donner une adhésion nouvelle à une loi que le parti libéral considère comme inconstitu tionnelle dans son principe et mauvaise dans ses effets, pour repousser l'inter vention du prêtre à titre d'autorité dans les écoles primaires et à plus forte raison dans les écoles d'adultes.

Eclairés par les leçons de l'histoire, qui nous montre l'Eglise cher chant à absorber l'Etat sous la domination espagnole et sous la domination autri chienne, l'Etat cherchant à absorber l'Eglise sous la domination française et sous la domination hollandaise, lés Belges, devenus maîtres de leurs destinées ont été unanimes à adopter le principe de la séparation absolue du temporel d'avec le spirituel et de l'indépendance respective de l'Eglise et de l'Etat. Le Congrès a fait de l'Etat en Belgique un être exclusivement laïque. Toutes les institutions de l'Etat doivent donc continuellement rester laïques. Le ministre d'un culte ne peut comme tel exercer aucune autorité, remplir aucune fonction dans l'Etat.

La loi de 1842 méconnaît ces règles si formellement consacrées par Ch.10 196

notre pacte fondamental. Elle admet l'intervention du prêtre dans l'école à titre d'autorité. Elle investit le ministre du culte de fonctions essentiellement laïques.

Si la loi de 1842 est mauvaise dans son principe, en a-t-on du moins atténué dans la pratique, les inévitables inconvénients? En se plaçant à un point de vue général, on ne peut à cet égard conserver la moindre illusion. La seule question du choix des livres à distribuer en prix aux élèves des écoles primaires, à donner en lecture aux élèves des écoles d'adultes est et doit être un sujet permanent de discussion.

La loi de 1842 ne fonctionne qu'au détriment de l'indépendance du pouvoir laïque. Elle a voulu concilier ce qui est inconciliable. Elle n'y a pas réussi. Il faut donc en revenir au principe de la séparation. Que l'enseignement laïque soit donné par des laïques sous la surveillance de laïques, dans des édi fices laïques. Cette solution depuis longtemps vous l'appelez de vos voeux. Si vous n'avez pas spécialement insisté sur ce sujet, c'est qu'il vous a paru que le pouvoir législatif attendait qu'une occasion opportune s'offrît. Sans doute, avec la grande majorité de notre opinion, vous auriez accepté avec patience la prolon gation provisoire du statu quo. Maïs en adhérant aux règles formulées dans 1'AR du 1.9.66, on fait plus que d'attendre en silence le rappel de la loi, on lui donne une consécration nouvelle." (28)

La Libre pensée organise à la fin de 1867 un pétitionnement réclamant à la législature le retrait de la loi de 1842. Appuyé par l'Organe, il rencontre dans l'arrondissement un certain succès (29). F. Sigart propose le 28.12.1867 au Conseil communal de Mons l'envoi d'une adresse rédigée dans le même sens. Ch. Sainctelette, rapporteur de la commission spéciale constituée à ce sujet, conclut le 7.3.1868 au rejet de sa motion qu'il juge inop portune: "La minorité de votre commission., dit-il, pense que dès qu'une loi est reconnue défectueuse, il faut en poursuivre et en provoquer la révision. La majo rité pense que quand il s'agit d'une réforme aussi importante que celle-ci, il faut pour qu'elle puisse s'opérer et réussir, attendre que la discussion lui ait conquis dans toutes les parties du pays les sympathies convaincues de l'opinion publique. Un grand parti ne doit pas courir le risque d'exposer à un échec un des principaux articles de son programme. Il faut qu'il soit certain de le faire accepter par la majorité du corps électoral comme par la majorité parlementaire.

Telle n'est pas, de l'avis du chef même de notre opinion, la situation actuelle des esprits. Sachons donc attendre. Pour cette seule raison d'opportunité, Ch.10 197

il n'y a pas lieu quant à présent d'adresser aux Chambres une pétition réclamant la révision de la loi de 1842." (30)

A la demande de Sigart qui déclare maintenir sa proposition d'émission de voeu, on décide de faire imprimer le rapport de la commission spéciale et d'a journer le vote à une séance ultérieure. Celle-ci n'a lieu qu'un mois plus tard, le 4.4.1868. Au cours de la semaine qui la précède, un débat particulièrement a- gité a opposé, à la Chambre, à l'occasion de la discussion du budget du ministère de l'Intérieur, partisans et adversaires de l'opportunité de la révision. La divi sion a gagné les parlementaires montois. Alors qu'A. Dethuin réclame avec insis tance le retrait de la loi de 1842, Ch. Carlier, H. de Brouckere et H. Dolez s'abs tiennent de prendre part à la discussion de la Chambre, tout en faisant savoir par ailleurs qu'ils ne suivent pas leur collègue sur ce terrain (31).

Au Conseil communal de Mons, le 4.4.1868, Sainctelette, faisant quel que peu marche arrière, propose une solution de compromis qui est adoptée par l'assemblée. "Sans méconnaître l'importance de la question d'opportunité et sans rien préjuger à cet égard, le conseil communal émet le voeu que la loi de 1842 soit révisée." Alors que l'Organe dénigre ce "volte-face" (32) et que la Gazette déclare "qu'il n'y a eu qu'un malentendu causé par une rédaction qui ne rendait pas d'une façon exacte la pensée" de Sainctelette (3.3), celui-ci prend à coeur de s'expliquer clairement: "Que faut-ïl pour qu'il y ait opportunité? Il faut d'a bord qu'il y ait une majorité réelle dans les Chambres appelées à voter. Cette ma jorité n'existe pas à la Chambre. Passât-elle à la Chambre, la proposition ne pas serait pas au Sénat où les partis sont en équilibre. Supposons même la proposi tion de la révision de loi de 1842 votée, l'abrogation décidée. Reste à connaître les sentiments du pays, reste à savoir s'il est bien de l'intérêt du parti libé ral d'obtenir à tout prix la solution immédiate de la question de l'instruction primaire. Nous poursuivons en Belgique, un très grand et très vaste dessein: la mise en oeuvre des principes de la séparation absolue du spirituel et du temporel, de l'indépendance du pouvoir civil et du pouvoir religieux. Nous avons adopté ces principes. Mais beaucoup d'entre nous ne se rendent pas compte de là portée de la réalisation de ces principes et ne s'avouent pas qu'elle constituera une immense révolution sociale. Quelques-unes des conséquences de ces principes ont été votées, sont devenues lois et sont exécutées. Aucune n'est plus difficile à faire triom pher que la sécularisation de l'enseignement. Cela s'explique. L'opinion catholi que tient plus à l'enseignement qu'à tout autre moyen d'action, parce que l'en seignement est une force bien plus considérable que n'importe quel autre mode d'influence. Le respect des lois sur les personnes civiles, les réformes relatives Ch.lO 198

aux bourses d'études et aux cimetières, toutes ces mesures nouvelles n'émeuvent pas l'opinion catholique au même point, parce qu'elles ne l'atteignent pas dans la même mesure que la sécularisation de l'enseignement, que la séparation de l'Eglise et de l'Etat en matière d'enseignement. Ces premières réformes n'attei gnent que les intérêts du clergé. Tandis que la question de l'enseignement atta que non seulement le clergé proprement dit, mais aussi tous ceux qui croient que la séparation de l'Eglise et de l'Etat dans l'enseignement nuirait au progrès des idées religieuses. C'est sur la diffusion de l'enseignement que nous devons sur tout compter pour le développement et le progrès de l'idée libérale. La trop brus que et trop immédiate révision de la loi de 1842 provoquera une véritable émigra tion de nos écoles vers les écoles du clergé. Les minervalia jouent un très grand rôle dans la situation matérielle des instituteurs. Il faudra aviser aux moyens de remplacer les minervalia qui feront défaut et augmenter les traitements des instituteurs. Comment tout cela sera-t-il accepté dans le pays tout entier? Depuis

1848, le parti libéral a perdu plusieurs fois le pouvoir par ses propres fautes, parce que des votes que l'impatience de quelques-uns avait arrachés à la majorité plus sage, ont mécontenté l'opinion et dans les collèges où la lutte est vive, facilement déplacé l'influence. Je refuse de compromettre tout l'avenir de l'opi nion, toute la carrière du parti libéral sur une seule question qui, si considé rable qu'elle soit, ne constitue pas, en définitive, tout le programme du parti libéral" (34).

C'est dans ce contexte que M. Boulenger réintroduit au Conseil pro vincial le 10.7.1868 sa proposition de n'accorder de subsides qu'aux écoles d'a dultes non soumises à la loi de 1842. En -la rejetant le 22.7.1868 par 37 voix contre 15, l'assemblée montre qu'elle n'entend pas, comme le souhaitait l'Organe, "sommer" par un vote le ministère de réviser sans tarder la loi de 1842, lui"don- ner une leçon, en commençant une besogne que les Chambres se trouveraient dahs la nécessité d'achever" (35).

L'hostilité des anticléricaux à la mainmise de l'Eglise sur l'ensei gnement primaire ne se manifeste pas seulement dans leur campagne eh faveur de la révision précitée. Ils multiplient aussi leurs efforts pour obtenir localement le retrait des subsides aux écoles catholiques.

A Mons, le Conseil communal décide le 17.12.1858, par 10 voix contre 7, la suppression du subside de 3.000 f accordé annuellement à l'établissement des Frères de la Doctrine chrétienne. Il vote le même jour les fonds nécessaires à l'installation d'une nouvelle école communale dans la Cour du Bailly (36). Le Ch.10 199

Bureau de bienfaisance continue toutefois à subsidier l'école des Frères en vertu de la fondation de la veuve Rogier, au-delà des revenus de cette fondation (37).

Dès 1860, le bruit se répand à Mons que l'administration communale a l'intention de s'y opposer (38). En 1868, le Collège échevinal propose au Conseil de faire remettre par le Bureau de bienfaisance à la ville le produit de la fondation Ro gier, évalué à 5000 f par an. L'assemblée entérine (39). Engagée dans d'importants travaux publics suite à la démolition des fortifications, l'administration commu nale ne néglige aucune ressource financière nouvelle. Elle a aussi 1'intention de construire sur les terrains ainsi rendus disponibles pas moins de quatre écoles primaires ainsi que l'école normale pour instituteurs à laquelle elle doit contri buer en vertu d'une loi du 29.5.1866 (40).

L'affectation à la ville du produit de la fondation Rogier est approu vée en 1870 par arrêté royal (41). Privés du dernier subside officiel qui leur était encore octroyé à Mons, les Frères sont également tenus d'abandonner, à la grande colère du journal catholique Le Hainaut, le bâtiment qu'ils occupaient gratuitement rue Terre-au-Prïnce (42).

Les Frères de la Doctrine chrétienne n'ont guère plus de chance au

Borinage où la politique scolaire de la Caisse de Prévoyance pour ouvriers mineurs est de plus en plus contestée, non seulement par la presse libérale montoise (43) mais aussi par une partie des exploitants charbonniers borains. Dès 1858, l'un d'entre eux, Stoesser, proteste lors d'une réunion des houillères associées à la

Caisse de Prévoyance contre le favoritisme manifesté par sa commission à l'égard des écoles catholiques. Cette intervention débouche sur un échange de propos assez vifs entre 1'interpellateur et Corbisier, Imbault et Picquet, qui prennent la dé fense des Petits Frères. Des critiques similaires sont émises à l'occasion des assemblées générales annuelles suivantes (44). Elles bénéficient à partir de sep tembre 1864 de l'appui de l'hebdomadaire Le Houilleur, organe de presse des char bonnages adversaires de la Société Générale dans l'affaire du chemin de fer du

Flénu (45).

On reproche à la commission administrative de la Caisse de Prévoyance d'avoir réservé aux congrégations religieuses pas moins de 80 % de ses subsides, de leur avoir ainsi distribué en l'espace de vingt ans, de 1843 à 1863, plus de 200.000 f ! Et ceci, pour un enseignement de loin inférieur, dit-on, à celui donné par les instituteurs laïques et dispensé, selon les dires des ouvriers, en partie gratuitement à des enfants issus de familles fortunées (46). Ch.10 200

Plus fondamentalement on demande de décharger la Caisse de Prévoyance d'une obligation qu'on considère comme ne lui incombant en aucune manière. Aux communes, à la province ou à l'Etat à supporter les dépenses de l'instruction pu blique. "Si le capital énorme dépensé par la Caisse de Prévoyance en faveur des écoles, était restée à celle-ci, écrit Le Houilleur en 1865, l'association, loin de se trouver comme aujourd'hui en présence du gouffre effrayant des déficits se rait dans une situation prospère. Au lieu de devoir réduire les pensions, on pourrait au contraire en élever le taux. Nous n'admettrons jamais, poursuit le journal, qu'une caisse de prévoyance, qui n'a d'autre raison d'être que celle de donner des moyens d'existence à des malheureux puissent supporter les frais de l'instruction, même pour la plus minime partie. La commission admi nistrative, en subsidiant les écoles, a grevé d'une lourde charge l'oeuvre confiée

à ses soins. Elle a lésé l'intérêt de l'ouvrier. Si elle avait des raisons de croire à l'insuffisance des écoles primaires, elle devait stimuler le zèle des administrations locales et leur rappeler les obligations que la loi leur impose". Il conclut en exigeant l'arrêt de là politique scolaire de la Caisse de Prévoyan

ce (47).

Manifestement sensible à ces critiques, Liedts, qui succède en 1862

à Meeus à la tête de la Société Générale, diminue de moitié le subside octroyé par la banque à la Caisse de Prévoyance pour ouvriers mineurs du Couchant de Mons. Il ne s'oppose pas au vote par lequel cette dernière décide, lors de son assemblée générale du 15.6.1866, de mettre un terme à ses encouragements à l'enseignement primaire (48).

Dès 1851, la loge montoise s'est souciée à l'initiative de J. Bourlard, de l'instruction des femmes (49). A. Cordier, un de ses dignitaires, a insisté» dans un ouvrage publié en 1854, sur la nécessité d'ouvrir à leur Intention des écoles publiques (50). Partagée depuis 1857 par la Gazette (51), cette préoccupa tion devient aussi, à partir de 1863, celle de l'Organe (52) et de Ch. Le Hardy de Beaulieu (53). Ils prêchent à Mons des convaincus. Sur la proposition du Col lège échevinal, le Conseil y vote en 1859 la création rue Notre-Dame d'une pre mière école primaire communale pour filles; elle est transférée trois ans plus tard dans un immeuble plus vaste que la ville a fait construire à la Cour du Bailly. Un deuxième établissement est ouvert en 1864 dans le bâtiment occupé jus que là par l'Ecole moyenne de l'Etat, elle-même transplantée dans l'ancien Refuge de l'Abbaye de Saint-Ghislain que viennent de quitter lés Dames du Sacré-Coeur. La construction sur les fondations des anciennes fortifications d'une troisième et d'une quatrième écoles primaires communales pour filles est décidée en 1870 (54) Ch.10 201

Leur installation et leur fonctionnement seront partiellement financés par le produit de différentes fondations, établies en 1838-1846 au profit de la fabrique de l'Eglise Sainte-Elisabeth de Mons dans le but de lui permettre d'organiser dans la paroisse une école primaire gratuite pour les filles pauvres. J. Bourlard fait voter le 29.12.1866 par le Conseil communal la remise à la ville des biens ainsi détenus par la fabrique: un vaste immeuble situé place du Parc ainsi qu'un revenu annuel de plus de 2000 f ! Un arrêté royal-ratifie la décision le 25.2.1869 (55).

Lorsqu'on commence à parler vers 1868, de l'érection à Mons d'une é- cole moyenne pour filles (56), d'aucuns braquent des regards gourmands sur le bâ timent occupé par les Ursulines, qu'on envisage de rémercier (57). Plus prudentes, les Dames du Sacré-Coeur ont fait construire en 1863 un splendide hôtel dans la rue des Dominicains, à proximité du Collège des Jésuites, et remis à la ville l'ancien Refuge de l'Abbaye de Saint-Ghislain, mis à leur disposition par la com

mune en 1812 (58).

Aucune modification n'est apportée sous le gouvernement libéral à l'organisation de la "bienfaisance" montoise. L'administration des hospices conti nue de confier la direction de la plupart de ses établissements à des congréga tions religieuses, décidant même en 1865 d'abandonner aux Soeurs de la Charité l'asile pour aliénés géré jusque là par un laïc. Il est vrai que l'opinion anti cléricale n'exerce que rarement une pression sur l'administration communale pour obtenir des changements à cette situation (59).

Il en va autrement des cimetières. La Gazette et l'Organe joignent leurs voix pour réclamer la suppression des divisions établies en vertu du décret du 23 prairial an XII, qu'ils jugent inconstitutionnelles (la Constitution ne fait aucune distinction entre les cultes). Les deux journaux considèrent qu'elles four nissent un formidable moyen de pression au clergé, à même ainsi de menacer d'en terrer dans une partie considérée comme infamante du cimetière, tous ceux qui se refuseraient à subir son influence. Pas question non plus, selon eux, de l'auto riser à bénir la totalité du cimetière. Il est, disent-ils, des libres penseurs qui éprouvent de la répugnance à être inhumés en terre bénite. Aux prêtres à se contenter de bénir les fosses au fur et à mesure des enterrements (60).

C'est ce qui a lieu au cimetière de Mons où les séparations, théori quement maintenues, ont cessé en fait d'exister depuis plusieurs années (61). La première administration communale à se faire remarquer dans l'arrondissement par une prise de position officielle en la matière est celle de Frameries. Le Ch.10 202

règlement qu'elle vote le 28.3.1865 est calqué sur celui que vient d'adopter la ville de Malines. Il y aura un cimetière commun pour toutes les personnes décédées sur le territoire de la commune; lés inhumations s'y feront l'une à la suite de l'autre, sauf ce qui est réglé à l'égard des concessions de terrain. Approuvé par la Députation permanente au début de mai, ce règlement est invoqué dès le 15 de ce mois pour justifier un premier enterrement civil dans l'ancienne partie catho lique. La présence d'un échevin, de 1'Harmonie communale et de la Société Chorale des Enfants de Sainte Barbe, ainsi que plusieurs discours assurent à la cérémonie un certain décorum. Furieux, Maroquin, le curé de Frameries prévient Labis qui ordonne pour le dimanche 28 mai après-midi un salut expiatoire et la rebénédiction du cimetière. Celle-ci ne peut avoir lieu vu le refus du bourgmestre d'en remettre les clefs. Le cimetière est bouclé à sa demande par une escouade de gendarmes envoyés prêter main-forte aux gardes champêtres communaux. Labis, qui a fait le déplacement, loge en compagnie de Malbrenne, curé-doyen de Pâturages, chez le curé de Frameries. L'Harmonie communale, suivie par une foule de curieux, vient lui donner une sérénade; des bravos, des huées, des rires fusent de toutes parts; des vitres sont brisées à coups de pierres, des cartouches éclatent à proximité dé la cure dont les murs sont bientôt couverts d'inscriptions menaçantes. Le tout se passe finalement sans bien grand mal. Des incidents similaires éclatent dans les mois qui suivent dans d'autres communes environnantes (62).

La question est abordée incidemment en 1869 par le Conseil provincial à l'occasion dé la discussion du budget de 1870, qui prévoit l'octroi de subsides pour la reconstruction ou la réparation des cimetières. L'assemblée adopte par 35 voix contre 20 et 3 abstentions la proposition déposée le 22.7.1869 par M. Boulenger de ne les accorder qu'aux administrations communales ayant supprimé toute démar cation dans leurs cimetières. "D'après le système en vigueur, déclare celui-ci, les bourgmestres n'ont pas de ligne de conduite tracée, ils font ce qu'ils veulent, ils agissent suivant leur opinion. L'Etat aurait dû leur donner des instructions énergiques, aurait dû trancher nettement la question et en assumer la responsabi lité. En ne le faisant pas, il a failli à ses devoirs. Au Conseil provincial re vient de lui montrer la voie, d'assumer la responsabilité des communes" (63).

La révision d'une autre stipulation du décret du 23 prairial an XII est demandée à la même époque par la presse libérale montoise. Il s'agit de celle qui attribue aux fabriques d'églises et aux consistoires le monopole des trans ports funéraires. Aux communes, estime-t-elle, à s'en réserver l'organisation et les revenus, en mettant à la disposition des familles un drap, une civière et une voiture ainsi qu'un personnel dépourvu de tout insigne religieux. Un règlement Ch.10 203

rédigé dans ce sens par 1'échevin Masquelier est voté le 5.12.1863 par le Conseil communal de Mons. Approuvé le 30.12.1863 par la Députation permanente, il n'est jamais ratifié par le gouvernement libéral, impuissant à le reconnaître en l'absen ce d'une remise à jour de la législation existante (64).

Des voix s'élèvent à la même époque à Mons, pour réclamer la suppres sion de certains privilèges et honneurs encore accordés à l'Eglise par les pou voirs publics et l'armée. Leur concours à certaines manifestations religieuses est particulièrement visé. Sensible à cette revendication, F. Dolez, rompant avec des usages séculaires, s'abstient, après sa nomination comme en 1866, d'assister aux processions organisées dans la ville. Son exemple est sui vi par les autres membres du collège échevinal (65).

A Mons comme ailleurs, une partie importante de l'opinion libérale attend du gouvernement une extension du droit de suffrage, soit par substitution, soit par adjonction de l'instruction au cens comme base de la capacité électorale. Il ne s'agit pas pour la presse locale d'un leitmotiv. Elle se contente d'appor ter périodiquement son appui à un souhait qui est largement partagé par la popu lation. Si tout le monde est d'accord pour considérer que cette capacité doit être "éclairée", le degré d'intelligence requis n'est pour ainsi dire jamais dé

fini (66).

Les libéraux montois sont unanimes à repousser le suffrage universel, synonyme pour eux de "révolution dans les grandes villes et de prépondérance du clergé dans les campagnes" (67). Pas question pour eux "d'appeler au banquet de la vie politique des êtres ignares inévitablement transformés au temps des luttes électorales en machines à voter" (68). Agir ainsi, ce serait, selon eux, assurer "la domination du pouvoir théocratique" (69). Le suffrage universel ne peut être, disent-ils, que "la récompense, la dernière pierre d'un long travail de dévelop pement intellectuel. C'est par l'instruction seule que doit se faire le progrès"(70)

Nous avons déjà fait allusion au message qui doit être diffusé, selon beaucoup de libéraux montois, par le canal de cette instruction. Il s'agit d'in culquer au peuple des idées d'ordre, de prévoyance et d'économie, de lui montrer , que le travail et la persévérance permettent de s'élever et d'acquérir une posi tion "honorable et honorée". A la classe ouvrière à suivre la route que lui a tra cée la bourgeoisie "qui a travaillé plusieurs siècles à son émancipation et qui n'est parvenue à se créer dans la société la place qu'elle occupe qu'à force de travail, de privations, d'économie et d'étude" (71). Ch.10 204

Ce discours est toutefois adapté en fonction de l'appréhension que commence à manifester cette même bourgeoisie à l'égard de l'émergence de plus en plus évidente du socialisme. "Les directeurs de charbonnages, le clergé, les mi nistres, les institutions, le Roi lui-même sont représentés comme les fléaux du genre humain. A quoi vont aboutir toutes ces excitations?" s'inquiète la Gazette? (72) Ce que le socialisme poursuit, déclare le Houilleur "ce n'est pas seulement une révolution politique, la mise en place d'une république, d'un gouvernement démocratique. C'est une révolution sociale, le renversement de tout ce qui existe, là destruction de la propriété, l'anéantissement du capital" (73). "Attaquée, la société doit se défendre" (74).

Si certains envisagent le recours à des moyens de défense énergiques - le charbonnage d'Hornu-et-Wasmes fait par exemple l'acquisition d'une vingtaine de fusils de guerre (75) - nombreux sont ceux qui considèrent qu'il faut "surtout opposer à la propagande communiste, aux excitations à la haine et à la discorde entre capitalistes et ouvriers, la propagande des vrais principes, combattre à l'aide de ceux-ci les préjugés et les erreurs funestes, faire en sorte que les ouvriers connaissent leurs vrais amis et ne se laissent plus éblouir par des doc trines subversives. Mieux que la force des baïonnettes, la diffusion de l'instruc tion garantit la propriété, l'existence et les droits de chacun" (76). "C'est l'i gnorance et le relâchement des facultés morales qui font admettre aux populations ouvrières comme évangile les prédications communistes de quelques meneurs, d'après lesquels la terre, le capital et les mines doivent appartenir en commun à tous, être exploités au profit exclusif des travailleurs, qui ont selon eux le droit indéniable d'établir cet état de choses la où il n'existe pas par la force que leur donne le nombre" (77).

L'éducation ne doit plus dès lors donner seulement aux ouvriers des idées d'ordre, de travail, de prévoyance et d'économie. Elle doit aussi dorénavant leur montrer que leurs supérieurs ne sont pas leurs ennemis, qu'il existe au con traire une parfaite harmonie entre les intérêts des capitalistes et ceux des tra vailleurs, que l'intérêt du salarié est loin d'être en opposition constante et nécessaire avec celui de l'entrepreneur d'industrie, que la propriété, utile aux non propriétaires, permet seule de demander et de payer leur travail d'une manière permanente, qu'anéantir ou spolier celle-ci, c'est tarir la source d'où émanent leurs salaires, que le capital et le travail, intimement unis, ne peuvent exister et s'accroître l'un sans l'autre. Elle doit leur faire saisir que la fortune des riches est légitime et qu'elle est dans la plupart dés cas loyalement acquise, annihiler dans leur esprit la nécessité comme la justice d'un violent bouleverse- Ch.10 205

ment social destiné à rétablir l'égalité entre les hommes de toutes les conditions. Elle doit leur expliquer qu'il est faux de représenter la misère et le paupérisme comme étant la conséquence fatale d'une organisation sociale divisant les hommes en deux classes, les propriétaires et les prolétaires, les premiers tendant sans cesse à croître en puissance et en richesse et possédant le sol et le capital à la perpétuelle exclusion des derniers, condamnés sans rémission à un travail de plus en plus pénible et de moins en moins rémunéré. Egalement qu'il est faux de dire que l'unique remède à tant d'injustice et à tant de maux consiste dans une révolution opérée par la violence qui rendrait collective la propriété du sol et du capital. Elle doit leur démontrer que la meilleure organisation sociale est celle qui garantit le mieux à tous la liberté du travail, la libre jouissance et la libre disposition de ses produits, "en deux mots, la liberté et la propriété". Enfin leur faire assimiler quelques principes élémentaires: que le travail et la marchandise sont soumis aux lois économiques de l'offre et de la demande, que la hausse des salaires n'est possible que par l'amélioration spontanée des marchés industriels, qu'eux-mêmes doivent "marcher" quand le travail presse et moins "fonctionner" lorsque la besogne manque, que les gros salaires des jours heureux doivent parer au manque à gagner des moments de crise (78).

A cette époque, presque tous les libéraux montois apparaissent comme favorables à l'instruction primaire obligatoire. Ils estiment incontournables les droits de l'enfant à l'instruction et la légitimité de l'intervention de l'Etat pour briser le mauvais vouloir des pères de famille et les contraindre à remplir leurs devoirs à l'égard de leur progéniture. Il suffit, affirment-ils, de rappeler l'obligation alimentaire pour faire justice de l'objection tirée de la liberté paternelle. Le père qui met au jour un enfant qui ne lui a pas demandé l'existence, a contracté envers lui une obligation aussi bien du point de vue intellectuel qu'au point de vue matériel. On soutient cependant l'instruction primaire obliga toire avec des intensités variables. Nombreux sont ceux qui, répugnant à l'idée de mettre la contrainte préconisée à exécution, continuent de prôner le recours à la persuasion. Beaucoup estiment aussi que l'introduction de l'instruction pri maire obligatoire doit être précédée, pour ne pas porter atteinte à la liberté de conscience, d'une révision de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire. Certains rejettent enfin l'idée de sa gratuité (79).

L'obligation scolaire concerne au premier plan les exploitants houil lers montois. Elle s'accompagne nécessairement d'une réglementation du travail des enfants en âge d'école. Si l'on excepte le décret impérial de janvier 1813 interdisant la descente dans les mines des garçons de moins de dix ans et des Ch.10 206

filles de moins de douze ans, la législation belge ne comprend aucune disposition réglementant l'occupation professionnelle des enfants.

Les patrons charbonniers montois font savoir à plusieurs reprises par le canal de la Chambre de commerce qu'ils rejettent catégoriquement toute mesure régissant le travail des enfants. Ils invoquent le respect de la liberté indivi duelle, de la liberté du travail et des droits du père de famille, l'utilité d'un apprentissage précoce de la main-d'oeuvre charbonnière, la nécessité du salaire des enfants pour les familles ouvrières;, l'obligation de conserver un prix de revient d'extraction peu élevé pour répondre à la concurrence étrangère... Quant à l'obligation scolaire, ils s'en déclarent des partisans convaincus... à la con dition expresse qu'elle ne concerne qu'un enseignement dispensé le soir ou le dimanche, après les heures de travail. Ce point de vue n'est en aucun moment modifié (80).

La presse libérale montoise ne s'intéresse pour ainsi dire pas à la question de la réglementation du travail des enfants. Il faut attendre les élec tions de juillet 1870 pour que l'Organe la réclame avec une certaine énergie (81). Ch. Le Hardy de Beaulieu est pour ainsi dire seul à la préconiser à Mons, défen dant personnellement un projet de loi interdisant la descente des enfants de moins de 13 ans dans les mines et limitant à 5 heures par jour celui-ci dans les autres ateliers et manufactures (82). Pressé d'émettre un voeu par la Ligue de l'Ensei- gnement qui organise à cette époque un vaste pétitionnemeht, le Conseil provin cial, adoptant les conclusions de sa commission, s'abstient en 1869 de prendre position (83).

Quelques libéraux montois prennent à coeur de propager de "saines" doctrines au sein des ouvriers par le biais de conférences et de publications populaires. Plus ou moins soutenus et encadrés par la Ligue de l'Enseignement (84), ils organisent de décembre 1867 à avril 1869 plusieurs spectacles-causeries dans deux ou trois communes du Borinage (85), y diffusant par ailleurs, avec l'appui parfois du patronat, des brochures dues généralement à Ch. Le Hardy de Beaulieu, très prolixe en matière d'antisocialisme (86).

c. L'opinion catholique

Un cercle catholique - "L'Emulation" - est constitué à Mons au début Ch.10 207

du mois d'août 1864, à la veille du second congrès de Malines.

Lors du premier congrès tenu dans cette dernière ville, deux mois après la défaite libérale aux élections législatives de juin 1863, la formation, souhaitée par l'épiscopat, d'un parti, d'une Union catholique nationale, a été décidée. Au comité directeur, désigné à cette occasion, a été confiée la tâche de développer la presse régionale et d'établir des associations dans les princi paux chefs-lieux d'arrondissement. La victoire que remportent les libéraux aux élections législatives de juin 1864 confirme les catholiques dans leur volonté de renforcer leur infrastructure. Ils trouvent dans les congrès de Malines de 1863, de 1864 et de 1867, ainsi que dans les assemblées générales annuelles de la Fédération qui les réunit à partir de 1868, l'impulsion de leur réorganisa tion (87).

Après s'être réuni pendant quelques mois dans un café de la grand' place, le Cercle catholique montois s'installe en mars 1865 au n° 28 de la rue des Clercs. Son local, accessible tous les jours de 7 à 23 h, comprend un salon de lecture, une salle de jeux avec billard et un vestiaire. On y est admis à par tir de l'âge de 15 ans (88).

A la même époque, en octobre 1864, s'ouvre au n°2 de la rue des Sars une bibliothèque catholique, destinée tout autant aux ouvriers qu'aux personnes issues de la classe aisée. Elle est surtout fréquentée le dimanche entre onze heures et midi (89).

En septembre 1868, le bâtiment de la rue des Sars est transformé de manière à pouvoir héberger une nouvelle association ouvrière, la Société de Saint François Xavier (90). Celle-ci est transférée en mai 1869 dans un immeuble plus vaste mis à sa disposition par la famille Guillochin, un hôtel de maître avec cours et jardins situé au n°59 de la rue de Nimy (91). Une salle de jeux, où "l'on sert de la bière avec la plus grande modération" y est aménagée. Des spectacles musicaux et théâtraux y sont régulièrement montés. Ch. Rousselle y donne à partir de 1870 des conférences "éducatives" sur des "notions d'économie élémentaire" ainsi que sur "les droits et les devoirs" des ouvriers. La société s'étoffe en 1868-1869 d'une caisse de secours mutuels, d'une chorale (L'Union ouvrière) et de mouvements de jeunesse destinés aux filles et garçons de 6 à 16 ans. Une tom bola pourvue en lots d'argenterie, de porcelaine, de vêtements, de meubles... est organisée chaque année le jour du mardi gras, dans l'espoir de détourner les sociétaires des "excès" carnavalesques. Des banquets réunissent périodiquement Ch.10 208

membres effectifs et membres honoraires. Ils permettent "à l'ouvrier de rencontrer ses protecteurs, qui sont ainsi à même de lui prêter appui et de lui donner des conseils". Assis côte à côte, "heureux de se retrouver ensemble, on chante en choeur: Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille?" Bannière en tête et mé daille de Saint François Xavier au cou, membres effectifs et membres honoraires participent ensemble aux processions et à certains offices religieux. La société réunit en mai 1869 pas moins de 300 ouvriers (92).

Les différentes sociétés catholiques montoises rejoignent rapidement celle de Saint François Xavier dans l'hôtel de la rue de Nimy. L'Emulation, la chorale "Roland de Lattre", le Cercle des étudiants catholiques et le Comité des oeuvres pontificales y établissent domicile, y organisant réunions, conférences et soirées musicales (93).

A partir de 1865, les catholiques montois s'attachent à vérifier et à faire rectifier les listes électorales affichées chaque année pendant une quin zaine de jours, en mars où en avril par l'administration communale (94).

Leur réorganisation à la suite du deuxième congrès de Malines va de pair avec celle de leur presse (95). L'Echo de Mons, devenu un simple diminutif du Journal de Bruxelles (96), a pris en 1861 la dénomination de Journal du Hainaut.

Son impression dans la capitale n'est pas sans offrir d'inconvénients. Son éloi- gnement le conduit par exemple à publier en 1864 la fausse nouvelle de la destruc tion par les flammes de l'athénée, que lui a communiquée par lettre un soi-disant commissaire de police de la ville. "L'incendie a mis sur pied toute la population, annonce la feuille. Malgré les prompts secours apportés par les élèves, les sapeurs- pompiers et les soldats du 12e de Ligne, la plus grande partie de l'athénée a été réduite en cendres. Trois élèves ont trouvé une mort rapide. Leurs cadavres ont

été trouvés entièrement carbonisés et l'on craint que d'autres personnes ne suc combent à leurs blessures." Ce canular macabre est immédiatement exploité par l'Organe, qui, clamant à "l'infamie", s'empresse d'accuser les Jésuites d'avoir cherché à assurer de la sorte une publicité détournée pour leur établissement. Un attroupement va briser le soir les vitres de leur collège (97).

Une Librairie catholique est ouverte à Mons à la fin de septembre 1864. Etablie au n°3 du Marché-aux-Poulets, elle a pour gérant L. Henry, qui joint

à ce commerce celui d'objets religieux ainsi qu'un atelier de photographie. Tout en assurant la distribution locale du Journal du Hainaut, Henry diffuse à Mons les publications de Goemaere (Courrier de Bruxelles) et de Casterman (Bibliothè- Ch.10 209

ques populaires) ainsi que celles de plusieurs maisons d'édition françaises (98).

Un accord est conclu à la fin de l'année 1864 avec l'imprimeur Clerbaut- Gossez relativement à l'impression du Journal du Hainaut à Mons. Une partie du personnel du Constitutionnel est débauchée pour constituer l'atelier. Un premier numéro paraît le 10 janvier 1865 sous le nom du Hainaut (99).

Assisté par F. Dardenhe, un rédacteur appointé, et par des collabora teurs bénévoles (100), L. Henry dirige jusqu'au 1.1.1867 le journal. Clerbaut - Gossez qui se contente de l'imprimer a le tort de joindre en 1866 à son impression celle du Phare du Hainaut, cédé par lui...à la loge de Mons. Ce qui provoque, semble-t-il la rupture de son contrat avec le comité catholique. Les bureaux du

Hainaut sont transférés le 1.11.1867 au n°30 de la rue de Nimy dans les ateliers d'A. Janssens - Deffossé, qui en assume désormais à la fois l'impression et la gestion commerciale.

Le 1.8.1866, le Hainaut, quotidien jusque là, est devenu un trihebdo- madaire paraissant le mardi, le jeudi et le samedi. Cette transformation lui a permis d'abaisser le prix de son abonnement de 14 à 7 f par an. L'opération se révèle à ses dires très profitable. Le chiffre des abonnés augmente considérable ment, le nombre et l'importance des annonces s'accroissent dans la même proportion.

Le 15.6.1869, le Hainaut redevient quotidien. Déjà étoffé en 1867, le comité de rédaction est réorganisé. Désigné comme rédacteur en chef et salarié, l'avocat Charles Rousselle assure désormais la direction journalière de la feuille. Si le prix de l'abonnement annuel est porté de 7 à 12 f, celui du numéro est di minué de 20 à 10 centimes. Tiré à 2000 exemplaires, le Hainaut compte en 1871 quelque 1500 abonnés (101).

Le Hainaut est la "voix" des catholiques montois. "Répudiés, attaqués, calomniés, malmenés par les puissants du jour, ceux-ci doivent nécessairement, écrit-il, se défendre, descendre dans la lice où les appelle le plus sacré des devoirs. Le libéralisme a opprimé toutes les libertés qui sauvegardent l'intérêt religieux depuis l'instruction et la charité jusqu'à la police des cimetières. Les catholiques ont un enseignement- Cet enseignement, il veut le ruiner, le dé pouiller, l'étouffer sous l'exubérance des établissements officiels. Les catholi ques ont des fabriques d'églises, leur culte a une existence légale. Il veut dé truire ce régime, séculariser les biens ecclésiastiques, il veut que la puissance civile prime et absorbe la puissance spirituelle. Il est temps, conclut le journal, Ch.10 210

que cette situation ait un terme, il est temps de remettre la machine gouverne mentale sur les rails de l'ordre et du droit, de n'épargner aucun travail, aucun sacrifice pour vaincre dans le combat décisif qui s'apprête." (102)

Le Hainaut mène campagne contre les projets de loi relatifs aux fon dations de bourses d'études et aux fabriques d'église. "Le gouvernement libéral, écrit-il, n'hésite pas à détruire ce que les révolutionnaires français ont laissé debout, ce que le despotisme impérial n'a pas osé atteindre."(103) "L'Eglise libre dans l'Etat libre, cela signifie pour le Ministère, l'Eglise dépouillée de tout, mise dans l'impossibilité légale d'acquérir et de posséder, cela signifie l'Eglise appauvrie pour le présent et pour l'avenir et mise en possession du droit de mou rir d'inanition."(104) "Il s'empare de nos cimetières, annexe nos fondations, s'empare de 1'administration des biens de nos églises, en la soustrayant à ceux-là seuls à qui elle appartient légitimement. C'est le droit des catholiques d'avoir des cimetières, des écoles, des collèges. C'est leur droit de pouvoir jouir des fondations pieuses et charitables que leur ont léguées leurs pères. C'est le droit des catholiques d'avoir des églises dotées et administrées selon les prin cipes canoniques." (105) "La liberté des cultes ne sera plus qu'un vain mot. Pour qu'une personne quelconque puisse être libre, il faut qu'elle ait en sa possession le moyen d'user de la liberté qu'on lui concède, il faut qu'elle ait le moyen d'exister. Sans cela, l'acte qui l'affranchit est illusoire. En déclarant l'Eglise incapable de posséder, on la met dans l'impossibilité de vivre par elle-même, dans l'impossibilité de vivre sans payer sa vie au prix de son indépendance."(106)

Le Hainaut proteste contre l'a "violation scandaleuse des cimetières." (107) Considérant que ceux-ci doivent rester la propriété des fabriques d'églises et non devenir celle des pouvoirs publics, il estime que la volonté de supprimer les distinctions existant dans les cimetières, atteste que dans l'esprit de ses adversaires la liberté des cultes, signifie leur égalité intrinsèque. Ce qu'il se refuse à admettre. Il évoque aussi l'horreur qu'éprouvent les catholiques à l'idée d'être enterrés aux côtés "d'une prostituée, d'un solidaire, dont on voudrait joindre leurs os à leurs os, leurs cendres à leurs cendres".(108) "Notre vie se sera passée dans l'étroit espace du devoir et de la morale chrétienne. Nous aurons été ridiculisés par vous, bafoués, insultés dans tout ce qu'il y a de plus vibrant dans nos coeurs. Et au moment où un repos suprême doit succéder aux agitations de la vie, nous ne pourrions pas aller dormir en paix à côté de ceux que nous avons aimés et vénérés. Nous devrions là encore vous rencontrer et subir l'outra geant spectacle de vos mascarades et de vos farces philosophiques." (109) Ch.10 211

Le Hainaut approuve la condamnation en décembre 1864 par Pie IX d'une centaine d' "erreurs modernes" (110) déniant comme lui "à l'homme la faculté et le droit de penser tout ce qu'il veut, d'admettre ou de rejeter tout ce qui lui plaît, de croire que son esprit est complètement indépendant et n'est assujetti à aucune règle extérieure". (111)

Rejetant la loi dé 1850 sur l'enseignement moyen, le Hainaut se refuse à envisager une révision de celle de 1842 sur l'enseignement primaire. Pour lui, non seulement le cours de religion doit continuer à faire partie du programme dé l'école officielle. Mais l'atmosphère de celle-ci doit toujours être religieuse. "Il n'y a pas de milieu. Le clergé hors de l'école, c'est l'école hostile au cler gé. Là où l'école perd le caractère religieux, elle revêt infailliblement le ca ractère opposé." (112)

"Le libéralisme prétend que l'Etat doit dans son enseignement se te nir neutre entre les différentes doctrines religieuses, écrit-il. Cette indiffé rence aboutit à la pire et à la plus incurable des erreurs: le scepticisme re ligieux." (113) "Admettre que l'enseignement d'une religion définie, positive dans les écoles officielles est une atteinte à la liberté de conscience, qu'il faut que tout les enfants, qu'ils aient ou non une religion, qu'ils soient catho liques, protestants ou élevés en dehors de toute croyance puissent être admis in différemment à l'école publique laquelle ne peut leur parler de religion sous peine de froisser leur liberté de conscience, c'est reconnaître que toutes les religions peuvent être également bonnes, mauvaises ou utiles, que l'homme peut connaître ses devoirs et sa destinée sans le besoin d'une religion qui lui trace infailliblement la règle à suivre, le chemin à parcourir." (114)

Prenant conscience de 1'inexorabilité d'une révision par les libéraux de la loi de 1842, les catholiques modifient complètement leur attitude en matière d'enseignement primaire. Comme l'a noté J. Lory, désormais la règle c'est l'école privée ou l'école adoptée, l'exception, c'est l'école communale. Prônant la sup pression complète des établissements de l'Etat, ils refusent dorénavant de recon naître à celui-ci le droit d'enseigner (115). Cette position clairement affirmée lors des congrès de Malines, est défendue par le Hainaut à partir de 1865 (116). "Le prêtre sera bientôt chassé de l'école comme un malfaiteur, écrit-il. Etablis sons partout et à tous les degrés des écoles catholiques, redoublons d'efforts et de générosité, réduisons s'il le faut quelquechose de notre superflu, ouvrons nos bourses, donnons beaucoup afin que l'ennemi ne nous enlève pas ce qui nous est le plus cher: l'âme des jeunes générations." (117) Ch.10 212

A partir du moment où ils présentent l'enseignement officiel comme inutile, les catholiques dénoncent comme un gaspillage les dépenses que celui-ci entraîne. "On dilapide de l'argent à construire et à établir des écoles coûteuses, tandis qu'il suffirait de patronner et d'encourager à peu de frais des établisse ments où l'enseignement religieux est joint à l'instruction littéraire." (118) "L'administration n'a à intervenir que là où les voeux et les besoins de la popu lation ne sont pas satisfaits. En agissant autrement, on entraîne lés finances sur une pente qui mène directement à leur ruine." (119)

Les dépenses scolaires sont associées aux dépenses militaires, égale ment combattues avec véhémence par le Hainaut (120). On les rend responsables du poids de la fiscalité. On mêle à celle-ci 1' "impôt du sang", le service mili taire (121). On promet à la classe moyenne et aux agriculteurs une nouvelle po litique, plus économe de leur argent et de leur temps (122). "Electeurs ou plutôt contribuables que l'on taille à merci!" (123) "Le libéralisme a partout grossi d'une manière effrayante le chiffre de nos budgets. Arrivés au pouvoir, nous chan gerons le système. En renfermant l'action de l'Etat et des différentes adminis trations dans ses limites légitimes, en faisant une part plus large à l'initiative privée, nous arrêterons la progression toujours croissante des dépenses publiques et nous dégrèverons les citoyens d'une partie des charges que leur a imposées le libéralisme." (124) "Sur le terrain des intérêts publics, les discussions poli tiques, les haines des partis s'effacent. Ces derniers ne doivent avoir qu'un seul but: renverser un ministère qui ruine le pays par des dépenses folles, par des impôts par trop écrasants. Il est temps d'en finir avec un système qui nous con duit infailliblement à la banqueroute." (125)

Lorsque la crise politique (la majorité libérale n'est plus que d'un siège à la Chambre) conduit le Roi à envisager au début de l'année 1864 la for mation d'un cabinet catholique, il se voit proposer par A. Dechamps un programme gouvernemental qui réduit à 25 f le cens pour les élections provinciales, à 10 f celui pour les élections communales (126). Hostile aU suffrage universel (127) ainsi qu'à l'adjonction des capacitaires (128) et à l'instruction primaire obli gatoire (129), le' Hainaut apporte un appui inconditionnel aux propositions d'A. Dechamps (130). Il se bat aussi en faveur d'une mesure liée à la réduction de cens proposée, l'organisation dans la commune des différentes élections, consé quence logique, selon lui, de l'élargissement des collèges électoraux (131).

Très hostile au socialisme (132), le Hainaut attribue la responsabi

lité du malaise social existant au libéralisme "démoralisateur" du pouvoir. "Il Ch.10 213

ne récolte, dit-il, que ce qu'il a semé." (133) "On apprend peu à peu à l'ouvrier à mépriser la religion de ses pères. Une fois qu'il a rompu le frein moral qui enchaînait ses passions et ses convoitises, qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'il cède à de funestes entraînements? Quelle force matérielle devient alors assez puissante pour l'engager à respecter le bien d'autrui? En travaillant tous les jours de toutes ses forces à extirper tout sentiment religieux du sein de nos populations, le libéralisme s'est fait le complice des réformateurs socialistes." (134) "On commence par des déclamations contre la religion, les prêtres, les moi nes. Puis, c'est le tour du capital qu'on accuse de tous les maux dont souffre le peuple. On lui fait voir dans les propriétaires dés usurpateurs, des ennemis. De là, au désir de les abattre, il n'y a pas loin. Les grèves se succéderont, les émeutes suivront, le sang coulera. Que les rationalistes soient avertis dés consé quences de leur oeuvre, qu'ils en assument la responsabilité."(135)

Pour lui, "la question ouvrière, c'est tout bonnement une question religieuse. Quand on ne croit plus à Dieu, ni au Paradis, ni à l'Enfer, tout est renversé. On peut couper la gorge à son voisin et prendre sa bourse." (136) "On a arraché au peuple le Dieu de l'Evangile et on lui a donné pour Diéu le doute et pour déesse la négation. La religion lui disait: Porte tes regards plus haut, ta Patrie n'est pas de ce monde. Et la paix renaissait dans son coeur. On a remplacé cette croyance salutaire à une vie meilleure par le néant! N'espérant plus au- delà de la tombe un adoucissement à ses souffrances, l'ouvrier cherche à attein dre ici-bas le bien-être qui le fuit." (137)

"Si vous dites, à ceux que vous prétendez instruire, déclare le Hai naut aux libéraux, que la morale ne tient pas compte de l'autre vie et qu'il n'e xiste pas de pouvoir extérieur, d'être créateur infini à qui l'homme doit se sou mettre, vous semez le vent et vous recueillerez la tempête! Pensez-vous, ajoute- t-il, que cette multitude d'êtres nés comme vous pour le bonheur et condamnés aux plus rudes travaux pour se procurer leur subsistance verront autrement sans envie les richesses accumulées dans quelques mains?" (138)

Le Hainaut rappelle que la religion protège la propriété comme base essentielle de l'ordre social. Elle la place sous la sauvegarde du commandement divin qui condamne jusqu'à la convoitise du bien d'autrui. Il évoque aussi la parole de l'Evangile selon laquelle il y aura toujours des pauvres. "Parole qui sera toujours vraie, estime-t-il, parce qu'elle est divine." (139) "La pauvreté malgré une distribution plus équitable des richesses, malgré les ressources in génieuses dont la philanthropie dispose, restera toujours une loi sacrée de l'hu- Ch.10 214

manité." (140) "Dieu a fait cette loi sans laquelle la société serait impossible. L'homme doit donc la subir." (141) Ce qui ne l'empêche pas de considérer avec les libéraux que tout le monde peut arriver par son travail à l'aisance, à la ri chesse (142).

Le Hainaut voit deux remèdes à la question sociale: la charité et le retour aux doctrines du catholicisme. En conservant, dit-il, ce que l'inégalité a de nécessaire et même d'utile, la charité la dépouille de ce qu'elle a de dan gereux, en réconciliant ceux que la fortune sépare. "Grâce à son intervention pacifique, l'harmonie se maintient, le riche cesse de mépriser la pauvreté, le pauvre apprend à pardonner la richesse."(143) Il faut selon lui, "favoriser avant tout l'influence religieuse pour prévenir les maux dont la société est menacée et ne jamais perdre de vue cette pensée si juste que le plus humble vicaire vaut mieux que dix gendarmes. La société sera tranquille dès qu'elle redeviendra chré tienne" (144). "L'éternelle morale peut seule assurer la paix du monde, parce qu'elle explique tout, donne la solution de tous les problèmes et satisfait plei nement le coeur de l'homme dans toutes les situations." (145)

d. Conclusion

De 1857 à 1870, les libéraux sont au pouvoir, s'appuyant, sauf pendant la crise de 1863-1864, sur une large majorité parlementaire. Cette majorité est mise à profit pour résoudre dans un sens libéral certains aspects de la question du temporel des cultes.

Tout en encourageant le développement de l'enseignement officiel, le gouvernement se refuse à proposer la révision des lois de 1842 et de 1850 sur l'enseignement primaire et moyen. Il s'abstient aussi d'affronter les catholiques au sujet des cimetières et des fabriques d'églises. Tentant en 1866 d'appliquer aux écoles d'adultes la loi de 1842 sur l'enseignement primaire, il doit faire marche arrière sous la pression d'une partie de son opinion.

C'est à contre-coeur que, poussé à la fois par les catholiques et les progressistes, il présente en 1867 un projet de réduction du cens électoral, li mitée aux diplômés de l'enseignement moyen inférieur. Il repousse toute idée d'instruction primaire obligatoire ou de réglementation du travail des enfants. Ch.10 215

L'association libérale montoise est dissoute quelques années après la formation du cabinet. Le Constitutionnel, dernier journal à défendre encore à Mons un point de vue unioniste, disparaît en 1864. La Gazette et l'Organe engagent à plus d'activité un ministère dont ils déplorent la nonchalance. Alors que la

Gazette tempère de plus en plus ses critiques pour s'identifier finalement à la tendance doctrinaire au pouvoir, l'Organe, évoluant de façon opposée, prône à partir de 1869 son renversement, déclarant préférer combattre un gouvernement catholique que d'être obligé de critiquer sans cesse un cabinet qui se dit hypo critement son ami.

Une bonne partie des reproches formulés par les libéraux montois ont trait à la fiscalité et aux dépenses jugées exagérées du gouvernement.

Partisans de la révision de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire, les libéraux montois sont divisés sur son opportunité. Oeuvrant au développement de l'enseignement officiel, ils s'attachent avec un certain succès à obtenir le retrait de l'appui apporté par les pouvoirs publics et la Caisse de prévoyance pour ouvriers mineurs au réseau scolaire catholique. Ils jettent les bases d'un enseignement public pour filles.

Les libéraux montois sont pour ainsi dire unanimes à réclamer la sup pression des divisions existant dans les cimetières, ainsi que celle des honneurs et privilèges encore accordés par l'armée et les pouvoirs publics à l'Eglise.

S'ils tombent généralement d'accord sur le principe d'une extension du droit de suffrage fondée sur la substitution ou l'adjonction de l'instruction, au cens, comme base de la capacité électorale, ils ne définissent pour ainsi dire jamais le degré d'instruction à requérir. Hostiles au suffrage universel, ils sont en principe tous favorables à l'instruction primaire obligatoire. Nombreux sont en core, cependant, ceux qui, dans ce domaine, tout en étant d'accord sur le prin cipe, répugnent à la contrainte et préfèrent recourir préalablement à la persua sion. Ils se séparent également sur la gratuité de cet enseignement ainsi que sur le point de savoir si l'introduction de l'instruction primaire obligatoire doit être précédée ou non d'une révision de la loi de 1842. Les patrons charbonniers n'admettent pour leur part qu'une instruction obligatoire dispensée après les heures "normales" de travail. Guère abordée, la question de la réglementation du travail des enfants n'est appuyée par l'Organe, le plus "progressiste" dés jour naux libéraux montois, qu'à partir de 1870. Ch.10 216

Un cercle catholique est établi dans la capitale du Hainaut à la veille du second congrès de Malines. Ce dernier est suivi de la création, en l'espace de quelques années d'un cercle d'étudiants, d'une société ouvrière, d'une mutuelle, d'une bibliothèque, de chorales, de mouvements de jeunesse centralisés à partir de 1869-1870 dans un vaste hôtel de maître cédé par une des principales familles de la ville.

Ce développement de l'infrastructure catholique s'accompagne d'une réorganisation de la presse cléricale. Le journal catholique montois - le Hainaut à partir de 1865 - confectionné jusque-là à Bruxelles, est désormais imprimé à Mons. Confié à une équipe rédactionnelle de mieux en mieux étoffée, il parvient par une politique commerciale adéquate, à s'assurer une réelle écoute régionale.

Menant campagne contre les projets gouvernementaux sur le temporel des cultes, le Hainaut défend le maintien des divisions dans les cimetières. Tout en s'opposant à la révision de la loi de 1842 sur l'instruction primaire, il pousse au renforcement du réseau scolaire privé catholique et finit par dénier à l'Etat le droit d'enseigner.

Privé de sa raison d'être, l'enseignement officiel est désormais dé noncé par lui comme un gaspillage qu'il s'empresse d'associer au service et aux dépenses militaires. Ce qui lui permet de faire miroiter aux yeux de la classe moyenne la perspective, en cas de victoire électorale catholique, d'une réforme approfondie des charges fiscales et militaires.

Hostile au suffrage universel ainsi qu'à l'adjonction des capacités et à l'instruction primaire obligatoire, le Hainaut combat aux côtés de Dechamps en faveur d'une réduction du cens exigé pour les élections communales et provinciales. Ennemi déclaré du socialisme, il attribue la responsabilité du malaise social existant au libéralisme "démoralisateur" au pouvoir. Pour lui, la question ouvrière se résume essentiellement à une question religieuse: la société sera tranquille dès qu'elle redeviendra chrétienne! 217

CHAPITRE 11

LA PRESSE LOCALE.

La presse locale n'est pas seule à avoir de l'audience à Mons, à être utilisée pour faire pression sur les pouvoirs publics. Des journaux bruxellois ayant l'oreille du gouvernement - le Courrier, l'Emancipation, 1'Etoile, 1'Indé pendant, 1'Indépendance, le Journal de Bruxelles, l'Observateur - facilement et rapidement acheminés par diligence, puis par train dans la capitale du Hainaut, y sont lus par des particuliers ainsi que dans les sociétés et les grands cafés dé la ville. Sur leur diffusion et sur leur emprise, nous ne savons rien.

Seul journal publié en 1830 à Mons, l'Observateur du Hainaut est un trihebdomadaire imprimé par Hoyois-Derely, un membre de la loge (1). Anticléri cal (2), il ouvre dans ses bureaux une souscription en faveur de l'Université de Bruxelles (3), combat l'installation des Frères de la Doctrine chrétienne (4) et soutient en 1832-1835 les candidatures parlementaires de Defacqz, de Bagenrieux. et Laubry.

Proche du clan Rousselle 05) et hostile à Legrand-Gossart et aux hom mes liés à la Générale (6), il défend le canal de la Trouille, rejette les che mins de fer d'Haumont (7) et du Haut et du Bas Flénu (8), et s'attache à empêcher en 1835 la réélection de Corbisier et de De Puydt au Parlement.

Il est en 1830-1831 l'organe du noyau "patriote" qui s'oppose aux me nées réunionistes des patrons charbonniers.Combattant les ambitions législatives de Claus, Degorge-Legrand et Destombes, il polémique avec l'Eclaireur, un journal fondé dans le seul but de convaincre le Congrès d'accepter une candidature fran çaise à la monarchie belge (9).

Changeant complètement de ton et multipliant ses emprunts au Messager Ch.ll 218

de Gand, 1'Observateur adopte en septembre 1834 une attitude critique à l'égard de la révolution. Il disparaît en août 1835 après la publication d'un article qui fait scandale (10).

Le scandale sert partiellement de prétexte, car plusieurs questions importantes sont pendantes. Le chemin de fer d'Haumont et le canal de la Trouille doivent être incessamment soumis à l'enquête à Mons (11). De Puydt, l'auteur du projet de voie ferrée est candidat à l'élection partielle du 5 septembre. L'Es pierre est de nouveau d'actualité. Et le vote de la loi communale permet d'envisa ger un renouvellement complet de la Régence montoise. Rien d'étonnant dès lors à ce que chacune des "coteries" en présence tienne à avoir son propre organe de presse.

Deux nouveaux journaux la Revue (12) et 1'Industriel (13) succèdent

à 1'Observateur.

Si la Revue s'affiche comme anticléricale (14) et si l'Industriel flatte les catholiques (15), ils se combattent pour ainsi dire exclusivement sur le terrain "économique" (16).

Favorable aux canaux de Bossuyt et de la Trouille, la Revue rejette comme 1'Observateur le canal de l'Espierre et le chemin de fer d'Haumont. Agressive à l'égard de Legrand-Gossart (17), de la Générale (18) et des sociétés anonymes (19), elle s'oppose avec succès à leurs candidats aux élections législatives du

5.9.1835 et des 7.4 et 19.12.1836.

Une des principales réussites de 1'Industriel est, avec l'élection de Blargnies, de De Puydt et de Dolez au Parlement, l'élimination en juillet 1836 du "clan Rousselle" de l'administration de la ville de Mons. Depuis octobre 1835, il mène contre celui-ci une campagne fondée sur l'exagération des taxes communa les et là nécessité de certaines améliorations locales (éclairage, pavement des rues, fontaines publiques, abattoir, marché aux poissons...), mais dont l'Espierre (20) et le chemin de fer d'Haumont constituent l'enjeu véritable. Critique à l'égard d'Honnorez, 1'Industriel vante les mérites de la Générale (.21), défend la hausse des prix charbonniers (22), demande avec insistance le rétablissement des livrets ouvriers (23) et réclame l'obtention par le gouvernement d'une réduc tion des droits douaniers français sur la houille (24).

Au terme des enquêtes sur le canal de la Trouille et le chemin de fer Ch*ll 219

d'Haumont et après le renversement de la majorité au pouvoir à Mons, le "clan Rousselle" interrompt, - tout l'indique - ses subsides à la Revue. Après avoir publié en novembre des articles élogieux pour la Générale et les sociétés patron nées (25), elle fusionne avec l'Industriel pour donner naissance fin 1836 à l'Eveil (26).

Propriété d'une douzaine de personnes, 1'Eveil est un trihebdomadaire rédigé pour l'essentiel par A. Mathieu et G. Raingo, et imprimé comme la Revue par A. Piérart (27). Si l'on excepte l'une ou l'autre remarque hostile aux Rédemptoristes et sa critique de la condamnation de la franc-maçonnerie par 1'é- piscopat (28) il ne s'intéresse qu'à des questions d'intérêts matériels.

Organe comme l'Industriel de la Générale (29) et des sociétés patron nées, il se bat en faveur du canal de l'Espierre, s'oppose au tracé Mons-frontière préjudiciable à la Compagnie du Flénu, proteste contre les velléités de libérer l'entrée des houilles anglaises et revendique le rétablissement des livrets ou vriers. Soutenant la candidature de H. Gérard aux élections législatives d'octo bre 1837, il repousse celle de L. Lecreps, candidat du Grand Hornu, auquel il n'est manifestement pas sympathique (30).

Raingo, principal du collège de Mons et rédacteur à l'Eveil, se brouille au début de 1838 avec l'administration de la ville, qu'il entreprend d'attaquer dans une nouvelle publication, les Annales du Hainaut, une feuille manifestement financée par le "clan Rousselle" (31).

Les Annales appuient la candidature de Delebecque aux élections lé gislatives d'avril 1839 ainsi que celles de Claus et de Rousselle aux élections provinciales de mal 1838 et communales d'octobre 1839. Caustiques à l'égard du Collège échevinal montois, elles défendent les canaux de Bossuyt et de la Trouille et s'opposent au chemin de fer d'Haumont et au canal de l'Espierre. Elles dispa raissent en janvier 1840 après le vote par la Chambre de cette dernière voie na vigable (32).

la défection de Raingo provoque la transformation de l'Eveil (33) en un nouveau journal , le Modérateur (34). Dirigé par A. Mathieu, il est imprimé comme 1'Eveil par A. Piérart. "Ayant une part égale à sa propriété et à sa rédac tion, ils sont tous deux solidaires de ses articles" (35).

Proche du lobby Legrand-Gossart jusqu'en février 1839, le Modérateur Ch.ll 220

l'appuie dans la question de l'Espierre et soutient la candidature de Gérard lors des élections provinciales de mai 1838. Devenant ensuite l'organe de la loge, il est aussi à partir d'avril 1843 celui du "clan Rousselle".

La ratification en 1839 du traité des XXIV articles par la Chambre est, semble-t-il, à l'origine de sa rupture avec les patrons charbonniers. Se dé solidarisant de ceux-ci, il approuve la conduite de Gendebien, "maudit, exècre, flétrit la trahison du ministère" et oppose avec succès la candidature de Lange à celle de De Puydt lors des élections législatives de juin 1839. La publication de la Gazette entérine en août leur séparation.

Très anticlérical (36), le Modérateur conteste violemment la politique scolaire de l'administration communale montoise, combat les projets de loi sur le fractionnement et sur l'enseignement primaire et pousse à la formation d'une as sociation libérale dans la capitale du Hainaut. Encourageant la réunion d'un Con grès, il est en 1846 l'adversaire des progressistes, se refusant à admettre l'in fluence de non-électeurs au sein des sociétés politiques.

Il s'étonne de la collusion des milieux d'affaires et de l'Eglise (37) et proteste au sujet de "l'affectation qu'ont certains de nier les partis, de ne parler partout que des intérêts matériels" (38). "Avant de songer à s'en occuper, la question politique doit être, selon lui, tranchée. Pendant que les esprits se trouveront exclusivement placés sous la préoccupation des intérêts matériels, on continuera à faire bon marché dé tout ce qui gêne la marche du parti catholique" (39).

Ennemi de la Générale (40), il combat ses candidats aux élections lé gislatives de 1843 (41) et aux élections provinciales de 1844 et de 1846 (46).

Avec Rousselle, dont il soutient les ambitions parlementaires (43), il rejette le chemin de fer d'Haumont et le canal de Jemappes à Alost, préférant à ceux-ci, le canal de la Trouille, et la canalisation de la Dendre. Lorsque sur git le projet de voie ferrée directe de Saint-Ghislain à Gand:, il soutient avec Rousselle le tracé concurrent Thulin - De Pinte, qui ne porte pas ombrage au ca nal de Blaton et à la canalisation de la Dendre. C'est assez dépité qu'il réclame en 1845-1846 une solution rapide au procès Bisshoffsheim.

La Gazette de Mons, qui voit le jour à la veille des élections com munales d'octobre 1839 (44), est initialement trihebdomadaire avant de devenir Ch.ll 221

en septembre 1840 le premier quotidien montois.

Proche de Legrand-Gossart, elle est jusqu'en 1844, selon Warzée, la propriété de la Société de commerce (45). Publiée en 1839 par Masquillier et Lamir, imprimeurs à Mons, elle est éditée à partir de 1840 par L.F. Moureaux, un journaliste français qui la cède en 1845 à A. de Rostahazy, veuve du colonel L. Le Louchier, un officier d'origine montoise ayant servi dans l'armée autrichienne

(46).

Jusqu'au départ de Moureaux et à sa cession à la veuve Le Louchier, la Gazette "adopte pour principe de n'épouser aucun parti, de ne pas s'inféoder à une opinion quelconque soit catholique, soit libérale" (47). "Neutre dans la querelle" (48), elle s'attache: à "contenir les opinions exaltées de part et d'au tre" (49).

Considérant les luttes de parti comme "déplorables" (50), "fâcheuses" (51), "oiseuses" (52), "odieuses" (53), elle déclare que "le libéralisme et le catholicisme sont des fantômes, des rêves creux" (54), des "dénominations absurdes, vides de sens et de réalité" (55). "On n'arrivera pas, dit-elle, à diviser le pays en deux camps politiques, l'un libéral, l'autre catholique. Chacun y est ca tholique, et chaque catholique est libéral" (56). "Pour faire des libéraux un parti différent de celui des catholiques, il serait indispensable de tracer une ligne de démarcation entre des principes et des opinions qui sont les mêmes. Tous les vrais catholiques sont des libéraux et on ne peut être libéral en ne pratiquant pas les maximes, les enseignements et la morale du christianisme" (57).

"Pourquoi fractionner les Belges? Que signifie cette lutte incessante qui retarde les progrès que doit faire chaque jour l'industrie?" (58), demande- t-elle. "Au milieu de tous ces bavardages, parmi tous ces tiraillements, les in térêts du pays sont sacrifiés, les affairés sérieuses et réelles restent en souf france" (59). "La nécessité de venir en aide aux affaires est bien autrement im périeuse, dit-elle, que le besoin de savoir si de Theux ou Lebeau sera ministre" (60). "Le pays est fatigué de voir qu'on passe son temps à s'occuper d'intérêts politiques. Il veut qu'on s'occupe de ses intérêts matériels" (61).

"Dans une nation industrieuse et travailleuse comme la Belgique, les questions politiques n'occupent, selon elle, que le second rang. La véritable dé marcation n'existe réellement qu'entre ceux qui par un intérêt quelconque veulent la prééminence du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, la soumission corn- Ch.ll 222

plète, absolue de la couronne à la mitre et ceux qui, imbus de fausses idées, d'opinions surannées voudraient soumettre le Saint Ministère à tous les caprices, à toutes les exigences d'une administration civile, à coup sûr plus tracassière qu'éclairée. En dehors de ces deux fractions également repoussées par le bon sens et les moeurs nationales, se trouve l'immense majorité qui satisfaite des liber tés consacrées par la Constitution, de la séparation infranchissable qu'elle a établie entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel veut que chacun agisse dans le cercle de ses attributions avec la plus parfaite indépendance" (62).

La Gazette flatte l'Eglise catholique. "Le temps des philippiques contre le clergé est passé, dit-elle. Elles sont devenues du plus mauvais ton et du plus mauvais goût" (63). "Les ministres de la religion sont, selon elle, les plus chauds instigateurs du progrès. Ils marchent plus rapidement que leur siècle. Leur droiture, leur tolérance, leur aménité, leurs services leur assignent une des premières places dans l'ordre social. Leurs écoles, leur université sont les sources les plus pures où se puisent les connaissances les plus positives et l'instruction la plus brillante et la plus variée" (64). "Il n'y a point de leur part ambition d'accaparer. La crainte de les voir aspirer à certains privilèges peut disparaître" (65).

Sa critique du mandement de l'archevêque de Malines lui vaut cependant d'être rejetée en 1841 par le clergé. L'évêque et les ecclésiastiques du diocèse interrompent leur abonnement en 1842 (66).

Blessée par cette désaffection, elle émâil.le désormais son propos de réflexions anticléricales et s'associe aux libéraux dans leur lutte contre la loi sur le fractionnement des collèges électoraux communaux (67).

Très élogieuse pour la Société Générale, dont elle est manifestement l'organe, elle mène campagne pour l'union douanière et l'octroi d'une garantie gouvernementale d'intérêt au projet de canal vers le bas Escaut (68).

Soutenant les ambitions parlementaires de Dolez, Lange, Sigart et Siraut, la Gazette combat activement celle de Rousselle, auquel elle reproche ses intérêts dans les voies navigables du Nord de la France et son opposition au che min de fer d'Haumont et aux canaux de l'Espierre et d'Alost (69).

Elle appuie en 1843 la candidature de Dechamps, concurrent de Castiau à Ath, "dans l'espoir qu'il fera tous ses efforts pour amener l'union douanière Ch.ll 223

avec la France et qu'il emploiera tous ses moyens et toute son influence pour que le projet de loi qui a pour but de garantir un minimum d'intérêt au canal de Jemappes à Alost ne reste pas éternellement enfoui dans les cantons de la Chambre" (70). "L'intérêt de la province exige, estime-t-elle, le sacrifice des dissiden ces politiques" (71).

Après le départ de Moureaux et sa cession à la veuve Le Louchier, la Gazette, abandonnant toute équivoque, prend nettement position pour le camp li béral. Elle ne s'oppose pas en 1847 à l'élection de Rousselle à la Chambre (72).

Le Modérateur poursuit en 1847-1852 la lutte qu'il mène avec Rousselle en faveur du canal de Blaton et de la canalisation de la Dendre. Adversaire de l'impôt sur les successions en ligne directe et des travaux publics proposés par le gouvernement, il appuie la candidature sénatoriale de de Bagenrieux ainsi que celle de Defuisseaux. Il disparaît en juin 1852, lorsqu'A. Mathieu, son rédacteur et son propriétaire, est nommé conservateur à la Bibliothèque royale à Bruxelles.

Libre-échangiste et adversaire du gouvernement en 1847-1848, catholique en 1849-1850 (73), la Gazette, redevenue doctrinaire, combat en 1851 le projet de travaux publics du ministère (74) qu'elle appuie par ailleurs dans la question de l'impôt sur les successions en ligne directe. S'opposant à la réé lection de de Bagenrieux en 1851 et de Rousselle en 1852, elle soutient Van Leem- poel lorsqu'il se présente, avec l'aide, semble-t-il, du groupe Rothschild, au

Sénat en 1852.

Etranger au Modérateur, le Comité houiller n'entretient à cette époque avec la Gazette que des relations épisodiques (75), utilisant à d'autres fins (76) les fonds importants mis à sa disposition par les charbonnages relativement à la presse (77).

Un quotidien, le Constitutionnel succède en 1852 au Modérateur. Im primé comme celui-ci par la veuve Piérart, il est la propriété de Ch. et d'H. Rousselle (78). Soutenant leurs candidatures à la Chambre et au Conseil provin cial (79), il défend avec eux et 1'Indépendance le canal de Blaton, la canalisa tion de la Dendre et le chemin de fer Thulin - De Pinte (80). Adversaire déclaré de la franc-maçonnerie (81), le Constitutionnel prône une politique unioniste balançant davantage vers la Droite que vers la Gauche (82).

La Gazette est liée, semble-t-il, en 1852-1855 au groupe Rothschild, Ch.ll 224

soutenant avec lui le projet de chemin de fer direct Saint-Ghislain - Gand, com battant avec lui les privilèges de Dendre-et-Waes, le canal de Blaton et la voie ferrée Thulin - De Pinte. Très hostile à la Générale (83), elle s'oppose en 1852 et en 1854 aux candidatures parlementaires de Rousselle et dé Corbisier, leur pré férant celles de Laubry et de Boulenger. Elle ne ménage pas ses critiques au gou vernement lorsque celui-ci accorde en 1852 un droit de préférence à de Wykérslooth pour l'établissement de la ligne Mons - Haumont (84).

Adversaire en 1853-1854 de la libéralisation de l'entrée des houilles

étrangères en Belgique, elle encourage en septembre-octobre 1852 la formation d'un cabinet d'affaires ayant pour seule mission de mettre fin, au prix même d'une capitulation sur la contrefaçon, au conflit avec la France (85).

Dégagée, semble-t-il, de l'influence du groupe Rothschild, la Gazette redevient en 1855-1856 libre-échangiste (86). Elle est aussi, depuis l'entrée au journal en 1854 d'E. Gressin-Dumoulin, un rédacteur de 24 ans membre de la loge, une feuille essentiellement anticléricale, vantant la franc-maçonnerie (87) et faisant campagne pour la laïcisation de l'enseignement (88) et du temporel des cultes (89). Poussant à la constitution d'une Association libérale à Mons, elle soutient en 1856 la candidature d'H. de Brouckere, qu'elle appuie pour son libé ralisme en dépit de ses liens avec la Générale (90).

Les catholiques montois disposent à partir d'octobre 1852 d'un organe de presse, 1'Echo de Mons (91) qui devient en juillet 1856 un diminutif du Jour nal de Bruxelles (92).

Adoptant une ligne politique unioniste proche de celle du Constitu tionnel (93), l'Echo est en 1852-1856 manifestement subsidié par le. groupe Roth schild. Démentant en son nom sa collusion en novembre 1852 avec le lobby de Wykérslooth., il appuie le projet de chemin de fer direct Saint-Ghislain — Gand, critique les avantages de Dendre-et-Waes et soutient la candidature dé Ch. Halbrecq, avocat des Charbonnages belges, aux élections législatives de juin 1856. Il mène en 1854-1857 une campagne hostile au libre-échange et à la libéralisation de l'en trée des houilles étrangères en Belgique.

Toujours imprimé par la veuve Piérart, le Constitutionnel, fort cri tique à l'égard du gouvernement libéral, adopte parfois après 1857 des allures de feuille progressiste, louant par exemple l'indépendance de Haeck ou de Molinari à l'égard des doctrinaires au pouvoir. Il reste en fait pareil à lui-même, unio- Ch.ll 225

niste, sympathique aux catholiques et hostile à la franc-maçonnerie.

La concession en 1862 du canal de Blaton et de la canalisation de la Dendre à la Banque de Belgique met fin à l'une de ses raisons d'être. Il paraît pour la dernière fois le 31.12.1864. Son personnel ouvrier est repris par le jour nal catholique le Hainaut, et H. Rousselle, son propriétaire va s'établir à Paris.

Après avoir déploré en 1857-1862 l'apathie et la nonchalance du gou vernement, la Gazette finit par s'identifier au doctrinarisme au pouvoir. Elle ne met en aucun moment la satisfaction des revendications de plus en plus modérées qu'elle présente, au-dessus de l'union du libéralisme (94).

Hostile au canal de Blaton, elle appuie en 1862 la demande de garan tie d'intérêt sollicitée par les promoteurs du projet concurrent partant de Je mappes. Elle plaide en 1864-1866 la cause de la Générale dans l'affaire du Flénu, avant de soutenir en 1867-1870 les demandes de concession de Philippart (95).

Remercié en décembre 1862 comme chef d'atelier et chroniqueur local à la Gazette pour "manque de tact" (96), E. Degouy fonde un journal concurrent, vendu à un prix plus compétitif, 1'Organe de Mons (97).

Longtemps fort proche politiquement de la Gazette, l'Organe, rejoi gnant délibérément le camp progressiste, adopte en 1869 une attitude très agres sive à l'égard du ministère, dont il prêche désormais le renversement, déclarant préférer combattre un gouvernement catholique que d'être obligé de critiquer cha que jour amèrement un cabinet qui se dit hypocritement son ami (98).

Interprète en 1864-1866 des charbonnages indépendants de la Générale, il appuie, avec l'hebdomadaire Le Houilleur, leur demande de concession à Hainaut- Flandres d'une ligne concurrente au Chemin de fer du Flénu, et combat en juin 1866

la réélection de Carlier et de de Brouckere au Parlement.

L'Echo de Mons, qui a pris en 1861 la dénomination de Journal du Hai naut est rédigé et imprimé à partir de 1865 à Mons, sous le nom de Hainaut. Feuille de combat cléricale, il reste étranger aux débats d'intérêts matériels

(99). un. n oop\

Conclusion.

La presse locale n'est pas seule à avoir de l'audience à Mons, à être utilisée pour faire pression sur les pouvoirs publics. On y lit et on y fait ap pel comme ailleurs à des journaux bruxellois, qui ont l'oreille du gouvernement.

Seul périodique d'information publié en 1830 à Mons, l'Observateur du Hainaut est une feuille anticléricale, proche du"clan Rousselle" et hostile à la "coterie houillère" dirigée par Legrand-Gossart. "Patriote", il s'oppose en 1830-1831 aux menées réunionistes des patrons charbonniers.

Représentant les deux partis "économiques" en présence, la Revue et l'Industriel, qui lui succèdent en 1835, polémiquent à propos des canaux de l'Es pierre et de Bossuyt, du canal de la Trouille et du chemin de fer d'Haumont. Après avoir contribué activement à l'élimination du "clan Rousselle" de l'adminis tration de la ville de Mons, l'Industriel, fusionnant avec la Revue, donne nais sance fin 1836 à l'Eveil.

Organe comme l'Industriel dés sociétés patronnées par la Générale, l'Eveil, rebaptisé le Modérateur, rencontre en 1838 la concurrence des Annales du Hainaut, un nouveau journal financé par le "clan Rousselle" pour combattre le ca nal de l'Espierre.

Se brouillant en 1839 avec Legrand-Gossart, qui fonde une nouvelle feuille, la Gazette de Mons, le Modérateur, faisant cause commune avec le "clan Rousselle" recommande le canal de la Trouille et la canalisation de la Dendre.

Tandis que la Gazette pousse à l'union douanière avec la France et à l'octroi d'une garantie d'intérêt au canal de Jemappes à Alost et prône un compor tement unioniste privilégiant le règlement des dossiers "matériels" par rapport à la défense des intérêts "moraux", le Modérateur, s'identifiant à la franc- maçonnerie et à l'anticléricalisme, travaille à l'organisation et à l'accès au pouvoir du libéralisme, auquel se rallie la Gazette lorsqu'elle est cédée en 1845 par la Société de commerce à la veuve Le Louchier.

Passant progressivement au cléricalisme après le départ de Mathieu pour Bruxelles, le Modérateur, prenant le nom de Constitutionnel, défend jusqu'en 1864 les intérêts matériels et politiques de Ch. et d'H. Rousselle. Ch.ll 227

Après avoir été catholique en 1849-1850, la Gazette devient en 1854 une feuille anticléricale, menant campagne pour la laïcisation de l'enseignement et du temporel des cultes. Hostile à Dendre-et-Waes, elle appuie en 1852-1855 le projet de chemin de fer Saint-Ghislain - Gand au profit, semble-t-il, du groupe Rothschild. Alternant au fil des années les positions protectionnistes et libre- échangistes, elle est lors de l'affaire du Flénu en 1862-1865 l'avocat de la Gé nérale, avant de devenir en 1866-1870 l'interprète de Philippart.

Remerciée par elle, Degouy, un de ses journalistes, fonde en 1862, l'Organe de Mons, qu'il vend à un prix plus compétitif. Longtemps fort proche de la Gazette sur le plan politique, il rejoint en 1869 le camp progressiste, après avoir été en 1864-1866 le porte-parole des sociétés indépendantes de la Générale dans leur opposition au Chemin de fer du Flénu.

Depuis 1852, les catholiques montois disposent d'un journal dénommé successivement Echo de Mons, Journal du Hainaut et Le Hainaut, qui reste, si l'on excepte ses liens en 1852-1856 avec le groupe Rothschild, étranger aux débats d'intérêts matériels. 228

CHAPITRE 12

LES HOMMES POLITIQUES.

a. Les conseillers provinciaux.

Nous sommes très mal documentés à leur sujet (1). Les journaux ne s'intéressent pour ainsi dire qu'aux campagnes électorales organisées dans le can ton de Mons et ne mentionnent pour les autres cantons que le nom des élus. Nous manquons tout autant d'informations sur les sessions du Conseil provincial, dont les archives ont disparu en 1940. Très synthétiques, les procès-verbaux officiels joints au Mémorial administratif ne constituent qu'après 1860 des documents com parables aux Annales parlementaires. Ils offrent longtemps l'inconvénient de ne pas identifier la majorité des intervenants, et se contentent de renseigner les auteurs de propositions et les rapporteurs de commissions. Tandis que la plupart des décisions sont prises par assis-levé, on ignore la composition des majorités et des minorités (2).

Les sessions sont brèves et se consacrent essentiellement à l'examen des budgets et à l'approbation de la gestion de la Députation permanente. Les dé bats "politiques" ainsi que les discussions "irritantes" entre représentants des différentes régions industrielles en sont délibérément exclus. Se refusant à exercer par le jeu des subsides une pression sur le pouvoir central (3) le Conseil lui fait de temps en temps part de ses voeux, lui demandant, par exemple, en 1839, le rétablissement des livrets ouvriers et en 1848, 1861, 1867 et 1868 la révision de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire (4). Circonspect en matière doua nière (5), il ne se prononce qu'assez exceptionnellement en faveur de l'un ou l'autre projet de travaux publics (6) vu l'impossibilité de concilier en l'espace de quelques semaines les différents intérêts économiques en présence (7). Protes tant violemment en 1851 contre le projet de travaux publics déposé par le gouver nement, le Conseil est incapable de formuler une requête qui fasse l'unanimité Ch.12 229

de ses membres.

Généralement, les représentants des bassins concurrents du Hainaut s'abstiennent d'engager, par une proposition d'émission de voeu, un débat suscep tible de tourner presque toujours à l'aigre. Répondant à Houtart, de Charleroi, qui demande au Conseil d'appuyer l'exécution d'un chemin de fer Damprémy - Marchienne, Sainctelette s'écrie en 1863: "Il est bon qu'une fois pour toutes, nous nous expliquions sur la portée des voeux et sur le parti que nous entendons

tirer des votes émis à l'occasion de ces voeux. Nous pouvons convenir que nous

les voterons sans discussion, sans examen sérieux et qu'ils ne constitueront qu'une sorte de recommandation banale indifféremment accordée tantôt aux projets de l'un, tantôt aux projets de l'autre. Je ne pense pas qu'une semblable façon d'agir soit digne d'un Conseil provincial ni qu'elle nous vaille beaucoup de crédit auprès du gouvernement. Il y a peu de dignité à procéder de la sorte, et pour les personnes mêmes qui veulent faire émettre le voeu et pour le Conseil appelé à l'émettre. Les auteurs d'une proposition doivent tout autant que leurs auditeurs préférer une discussion approfondie parce que seule elle leur fournit l'occasion de mettre en lumière le mérite de leurs.projets. Il n'y a pas à se fé liciter grandement d'un succès qui n'est même pas contesté. Quel profit peut-on se promettre d'un vote que n'a précédé aucun débat, alors surtout que ce vote est émis dans une affaire élaborée avec soin par des corps spéciaux. Avant qu'une de mande formée par le ministère arrive aux Chambres, elle a été examinée par les Chambres de commerce, les Députations permanentes, et par tous les corps adminis tratifs dont c'est la fonction et la mission spéciale. De deux choses l'une. Ou vos voeux seront conformes aux conclusions des corps spéciaux et alors ils seront superflus. Ou vos voeux seront contraires aux conclusions de ces corps et pour en ébranler l'autorité, devront être parfaitement motivés. Les intérêts de Charleroi, si importants qu'ils soient, ne sont pas les seuls intérêts du Hainaut. Les con seillers du Centre, de Mons, de Tournai ont comme les conseillers de Charleroi des intérêts à défendre, des besoins auxquels il serait utile qu'on donnât satis faction Chacun d'entre eux pourrait venir chaque année armé d'une demi-douzaine de projets. Il faudrait les examiner, établir entre eux un rang d'importance et un rang de priorité, aborder une discussion d'ensemble, une discussion complète des intérêts matériels du Hainaut. Jamais, nous ne parviendrons à nous mettre d'accord, estime Sainctelette. Le temps nous fait, d'ailleurs, dit-il, matériel lement défaut, dans une courte session et au milieu de nos autres travaux, pour les examiner dans tous leurs détails et préparer des rapports de nature à équili brer l'avis des corps spéciaux. Il faut, conclut Sainctelette, s'abstenir de voeux qui, non débattus, sont émis par leurs auteurs sans une entière connaissance de Ch.12 230

cause et votés dans 1'ignorance de leur portée véritable par la plupart des autres membres de l'assemblée..." Il vaut beaucoup mieux, selon lui, abandonner aux élus hainuyers dans les Chambres le soin de discuter ces affaires. "N'y formant qu'une fraction de l'assemblée ils y seront écoutés avec impartialité par une majorité qui donnera raison à celui qui lui paraîtra avoir le droit de son côté." (7)

Douze "Montois" participent à la première session du Conseil provin cial à l'automne 1836. Le canton de Mons délègue Ph. Harmignie, un avocat membre depuis 1827 de la Députation des Etats, Ch. Rousselle, ancien secrétaire communal et fondé de pouvoirs d'Honnorez, Th. Tahon de la Motte, jusqu'il y a peu bourg mestre de la ville, et D. Siraut, qui vient de le détrôner avec l'appui de Legrand- Gossart. Le canton de Pâturages est représenté par F. Corbisier, secrétaire de la Chambre de commerce, directeur-gérant du charbonnage d'Hornu et Wâsmes et ré gisseur du Chemin de fer du Haut et du Bas Flénu ainsi que par N. Tillier, lié semble-t-il, à la Fosse du Bois, une houillère hostile aux établissements patron nés par la Société Générale. Le canton de Boussu désigne F. Lecreps, directeur des ventes au Grand Hornu et M. Derbaix, exploitant agricole de Quaregnon. Celui de Dour, Ch. de Royer, bourgmestre de cette commune, ainsi qu'E. Bouvez, cultiva teur à Blaugies. Lens enfin, A. de Royer, propriétaire foncier et brasseur à Her- chies, et J...B. Cambier, médecin au chef-lieu du canton (8).

En 1838, l'avocat N. Defuisseaux, le vénérable de la loge montoise, succède à Th. Tahon de la Motte, démissionnaire, tandis que Ch. Rousselle est réélu en dépit de la campagne menée contre lui par le Modérateur à propos du ca nal de l'Espierre, dont il est l'un des adversaires. M. Derbaix est remplacé en 1839 à Boussu par A. Cavenaile, bourgmestre de Saint-Ghislain, préféré à Ch. Colmant. L. Cambier, notaire à Elouges, prend en 1840 à Dour la place d'E. Bouvez. A. Hubert, notaire et bourgmestre à Baudour et homme de confiance du prince de Ligne, est élu conseiller provincial par le canton de Lens en 1842.

Une élection partielle oppose en 1844 à Mons E. Laisné, juge d'ins truction à Ch. Picquet, un avocat catholique lié à la Générale. Laisné, qui a succédé à Defuisseaux comme vénérable de la loge, est soutenu par le Modérateur et combattu par la Gazette, qui lui reproche de ne vouloir entrer au Conseil que pour obtenir plus facilement un siège à la Cour d'appel. Appuyé par le Gazette, Picquet est attaqué par le Modérateur qui le présente comme un clérical, "ami des hauts barons de la finance, soutien des sociétés qui, sous le patronage dé la grande banque, ont fait tant de mal à l'industrie charbonnière". Laisné l'emporte par 276 voix contre 238 sur Picquet (9). Ch.12 231

Alors qu'H. Rousselle succède à son père, élu à la Chambre, F. Defacqz et J. Bourlard, deux autres avocats montois, entrent en 1848 à l'assemblée pro vinciale en compagnie de G. Blanchart (Boussu), régisseur du Chemin de fer de Saint-Ghislain (repris deux ans plus tôt par le groupe Rotschild), dé C. Défrise (Dour), médecin attaché au charbonnage des Houilles grasses du Levant d'Elouges et de N. Derbaix (Pâturages) agriculteur à Havay et membre de la Commission pro vinciale d'Agriculture. En 1850, Défrise cède son siège à G. Boulenger, vénérable de la loge montoise, notaire à Dour et administrateur comme lui des Houilles gras ses du Levant d'Elouges tandis que Ph. Colmant, bourgmestre de Wâsmes, est élu conseiller provincial par le canton de Boussu. Deux ans plus tard, Ch. Saintelette remplace F. Corbisier, son beau-père, à Pâturages.

F. Daubresse, bourgmestre de Quaregnon et régisseur du Rieu-du-Coeur, qui a pris en 1854 la succession de G. Blanchart, et Ph. Colmant, bourgmestre de Wâsmes, sont battus en 1858 à Boussu par A. Choquet, avocat à Mons, et par A. Quenon, échevin à Pâturages, directeur-gérant du Couchant du Flénu, agent compta ble du Chemin de fer du haut et du bas Flénu et bras droit de Corbisier (10).

En 1860, l'Association libérale et la Gazette font campagne en faveur d'H. Jordan, échevin à Jemappes et directeur-gérant du Levant du Flénu contre H.

Rousselle auquel ils reprochent "des accointances avec le parti catholique et des sympathies pour la loi des couvents". Tandis que Rousselle est réélu avec une confortable majorité, A. Pêcher, meunier et brasseur à Mons, N. Duquesne, notable à Quievrain et J. Gillion-Dupriez, cultivateur de la banlieue montoise et membre de la Commission provinciale d'agriculture, pénètrent au Conseil provincial (11).

E. Maeau, industriel à Saint-Ghislain, membre de la Chambre de com merce de Mons, et A. Mahieu, agent comptable des Charbonnages belges (Groupe Rothschild) et bourgmestre de La Bouverie, sont désignés en 1862 et en 1863 pour occuper le troisième siège nouvellement attribué aux cantons de Boussu et Pâtura ges. Alors que H. Rousselle, toujours combattu par la Gazette est réélu de justesse à Mons au deuxième tour, A. Lebrun, notaire à Lens, succède en 1864 à J.B. Cambier, médecin dans cette localité.

Le conflit provoqué par l'affaire de la ligne saint-Ghislain-Frameries sous-tend l'opposition menée par l'Association houillère en 1866 à Boussu à la réélection d'A. Quenon, régisseur du Chemin de fer du Flénu. Appuyé par l'Organe (12) et combattu par la Gazette, E. Hardy, son concurrent et directeur-gérant du charbonnage de Belle-et-Bonne, l'emporte par 445 voix contre 286. A Dour,M.Boulenger Ch.12 232

un avocat montois, beau-frère de S. Philippart, est élu sans lutte en remplacement de L. Cambier, démissionnaire.

J. Colmant, qui s'est associé à Wâsmes aux campagnes électorales de 1'Association houillère, prend en 1867 à Boussu la place d'A. Choquet, nommé juge de paix dans le canton de Lens.

En se présentant en 1868 à Mons, A. Letellier, un des chefs de file des catholiques montois, provoque un regroupement des forces libérales qui assure l'élection d'A. Lescarts, rejeté jusque là comme progressiste par les doctrinaires.

En 1870, J. Hayois, échevin et patron sucrier à Bauffe, L. Halbrecq, bourgmestre de Cuesmes, et A. Mangin, notaire à Pâturages, succèdent au Conseil provincial à A. Hubert, A. Lescarts et Ch. Sainctelette élus au Parlement.

A l'arrondissement revient sans interruption la présidence de l'Assem blée provinciale, briguée sans succès par Charleroi en 1844 et en 1852 (14). Il est représenté au sein de la Députation permanente par Ph. Harmignies, qui fait à plusieurs reprises fonction de gouverneur. A F. Defacqz qui lui succède en 1848, est adjoint en 1862, A. Choquet, un des élus de Boussu. Lorsque ce dernier démis sionne en 1867, il est remplacé par N. Duquesne, conseiller provincial dourois.

b. Les parlementaires bruxellois.

1. Les députés au Congrès.

La région montoise compte en juin 1830 trois députés à la Seconde

Chambre des Etats Généraux: F. de Sécus, Ph.-R. de Bousies et Ch. Taintenier.

Agé de 70 ans, de Sécus, le seul des trois à prendre régulièrement la parole, a derrière lui une longue carrière parlementaire; depuis l'instauration du régime hollandais, il n'a quitté la Seconde Chambre qu'entre 1817 et 1820. Propriétaire foncier et châtelain à Bauffe, il y a défendu les intérêts agricoles hainuyers, et s'est opposé notamment aux facilités accordées à l'importation des grains étrangers. Il s'y est aussi et surtout signalé comme l'un des principaux interprètes de l'opposition catholique par des discours de plus en plus agressifs sur la question de 1 *enseignement. Ch.12 233

Surpris par les événements de 1830 à Bruxelles, dont il est l'hiver, l'un des notables les plus en vue, il a suivi le mouvement et s'est rapidement associé aux partisans de la séparation (15).

Propriétaire foncier à Quenast et membre de la vieille noblesse hainuyere, Ph.-R. de Bousies représente depuis 1826 à la Seconde Chambre les mêmes intérêts que F. de Sécus. Agé de 41 ans, il a participé comme officier de cava lerie aux campagnes napoléonniennes avant de devenir major dans la maréchaussée hollandaise. Il décline en octobre 1830 le commandement militaire de la province de Liège que lui propose le Gouvernement provisoire.

Agé de 60 ans, Ch. Taintenier est juge. Membre en 1825-1827 et depuis 1829 de la Seconde Chambre des Etats généraux, il est depuis 1817 secrétaire de la Chambre de commerce de Mons. Actionnaire de plusieurs charbonnages borains, et lié par sa femme aux Cattier, grands négociants en grains montois, il est consi déré par l'Observateur du Hainaut comme l'un des soutiens du gouvernement en place (16).

Près de 800 électeurs sur quelque 1200 inscrits se réunissent le 3.11. 1830 à Mons pour procéder à la nomination de six députés au Congrès national. Ils sont 460 à participer le 4.11 au second tour et 390 à choisir le 5.11 les suppléants.

F. de Sécus est le seul des trois députés sortants à être élu membre de l'Assemblée constituante (17).

D. du Val de Beaulieu, A. Gendebien et Ch. Blargnies sont désignés avec lui au premier tour (18).

Le comte du Val est comme de Sécus à la fois grand notable à Bruxelles, propriétaire foncier et châtelain dans le canton de Lens et personnage fort influent à Mons, dont son père a été maire à l'époque impériale. Il a représenté le Hainaut à la Seconde Chambre des Etats Généraux en 1821-1824. Son frère Edouard vient d'être nommé général commandant militaire de la province par le Gouverne ment provisoire.

A. Gendebien et Ch. Blargnies, un de ses proches collaborateurs, sont deux avocats montois établis depuis très longtemps à Bruxelles. A. Gendebien, l'un des protagonistes de la révolution, dirige au sein du Gouvernement provisoire Ch.12 234

le département de la Justice. Son père, placé par lui à la tête du Tribunal de Mons, est une des sommités du barreau de cette ville qu'il a représentée au Con grès des Provinces belgiques unies, au Conseil des Cinq Cents, au Corps législa tif et à la Seconde Chambre des Etats généraux; il est l'un des auteurs de la loi de 1810 sur les mines. Par son métier d'avocat, par ses relations de famille (gen dre du banquier montois Hennekinne, son frère Jean-Baptiste est à Charleroi l'un des principaux exploitants charbonniers de la province), par les capitaux qu'il y a investis, A. Gendebien est resté étroitement lié à l'industrie houillère du

Hainaut.

E. Claus et P. Goffint rejoignent cette députation au second tour.

Président de la société l'Amitié (20), Claus remplit depuis peu les fonctions d'échevin à la ville de Mons. Il est poussé au Congrès par le lobby in dustriel francophile qu'anime Fontaine-Spitaels, dont il est le conseiller juri dique (21).

Originaire de Quaregnon, notable à Jemappes et avocat comme Claus au barreau de Mons, Goffint lié au charbonnage des Vingt Actions, est le candidat de 1'Observateur et des "patriotes" indépendantistes (22).

Après avoir proclamé l'indépendance de la Belgique, opté pour une mo narchie constitutionnelle représentative et héréditaire et prononcé l'exclusion de la dynastie des Nassau, le Congrès élabore la Constitution. Il lui revient aussi de désigner le chef du nouvel Etat et de se prononcer sur le traité des XVIII articles que veulent lui imposer'les puissances (23).

Partisan de la république, Goffint est seul parmi les députés montois à refuser le 22.11 de souscrire à la monarchie proposée par le Gouvernement pro visoire. Avec Gendebien, il repoussé le 18.12, un système bicaméral, dans lequel d'après Blargnies, les conseillers provinciaux nommeraient les membres du Sénat que, de son côté, de Sécus verrait plus comme une Chambre haute composée par le Roi. Le 21.12, de Sécus parle en faveur de la liberté des cultes et s'oppose à la suppression de toute distinction d'ordres. Le 17.2, le même et du Val rappellent leur qualité de députés ruraux en plaidant 1'abaissement du cens électoral dans

les campagnes.

Le choix du chef de l'Etat, qui occupe le Congrès pendant plusieurs séances en janvier et en février, explique à lui seul, les efforts déployés par Ch.12 235

les "réunionistes" afin d'être représentés dans l'assemblée. Vantant l'alliance plutôt que la réunion sous une même Couronne de "deux peuples unis par le langage, les moeurs, les habitudes, les nécessités de leur commerce et d'une défense com mune", Blargnies et Claus (24) recommandent avec insistance le 11.1 la désigna tion de Louis-Philippe comme roi des Belges,^ avant de se prononcer à partir du 25.1 en faveur de son fils, le duc de Nemours. Appuyé par Gendebien, Goffint et de Sécus, Nemours n'est préféré par du Val à Leuchtenberg qu'après 1'échec au

premier tour de l'archiduc d'Autriche. Claus quitte l.ë Congrès lorsque Louis- Philippe décline à la fin de février le trône que les Belges proposent à son fils (25).

La députation montoise se divise en juin-juillet à propos du traité des XVIII articles. Alors que du Val et Picquet (qui a succédé à la fin mai à Goffint, démissionnaire), vantent les mérites d'un retour à la paix et poussent à la modération et à l'acceptation du protocole, Gendebien et Blargnies prônent une politique intransigeante et belliqueuse que rejettent le 9.7, de Sécus et de Bousies ainsi que la très grande majorité des congressistes.

Tirant parti de la confusion provoquée à la fin du mois de juin par

les débats sur le traité des XVIII articles, Picquet fait ratifier en trois jours par un Congrès, généralement étranger jusque là aux questions d'intérêt matériel (26), un projet de décret abaissant de 14 à 3 f / t le droit d'entrée des charbons français en Belgique, préalable indispensable à toute renégociation du dossier

douanier houiller franco-belge.

2. Les sénateurs.

Les éligibles sont peu nombreux: le pays en compte 668 en 1840, 735 en 1852! Inexistantes pour la Chambre, les conditions de cens sont élevées pour le Sénat: 1000 florins d'impôts directs, soit 2.116 francs belges de 1832. Dans le Hainaut où le nombre des éligibles acquittant le cens exigé, n'atteint pas gé néralement laproportion d'1 pour 6000 habitants, la liste est complétée jusqu'à l'obtention de cette proportion par les plus imposés de la province. La propriété terrienne entre en fait seule en ligne de compte. Même avec un grand train de vie, les autres Impôts (signes extérieurs de richesse, exploitation minière, patente commerciale et débit de boisson et de tabac) ne permettent pas d'atteindre le cens d'éligibilité, lorsqu'ils ne sont pas combinés avec une contribution foncière très importante (27).

Dans le Hainaut, peut-être plus que dans les autres provinces , le Ch.12 236

petit nombre d'éligibles complique la défense à la Chambre haute des intérêts économiques régionaux. Il est hors de question que Mons s'y fasse représenter par des hommes liés comme Daminet, de Dorlodot, de Haussy, Pirmez ou Warocqué aux bassins concurrents de Charleroi et du Centre, ou par des Tournaisiens hostiles comme Dumont-Dumortier à toute voie d'eau concurrente à l'Escaut. Qui plus est, l'arrondissement n'est pas toujours à même, faute d'éligibles, d'élire des séna teurs qui soient véritablement ses porte-paroles.

Sur les vingt-quatre personnes qui se présentent en 1831-1870 pour occuper les sièges qui lui sont attribués au Sénat (28), deux seulement, H. Degorge-Legrand en 1831-1832 et F. Corbisier en 1854-1869, sont de vrais "char bonniers" borains. Administrateur des Houilles grasses du Levant d'Elouges et cheville ouvrière de l'Association houillère, A. Hubert, qui succède en 1869 à Corbisier est aussi depuis trente ans, notaire à Baudôur et fondé de pouvoirs du prince de Ligne (29).

Degorge-Legrand est le seul des "patrons" houillers du bassin à at teindre le cens d'éligibilité requis(30). Propriétaire d'un hôtel-château et de vastes bâtiments industriels à Hornu, il est aussi indirectement celui des nom breuses maisons que compte la cité ouvrière. Il peut aussi fairtvaloir, pour le calcul de son cens, les chevaux utilisés pour la traction sur son chemin de fer ainsi que les redevances minières versées par son entreprise.

En accédant au Sénat, Degorge-Legrand ne recherche pas, comme on l'a insinué, une confirmation sociale. Celle-ci lui est acquise. Très motivé, il cher che à solutionner quelques dossiers "charbonniers" particulièrement importants: le retour à la paix et un rapprochement douanier avec la France sont favorables à une reprise économique et financière; mais aussi et surtout la confirmation des concessions minières octroyées avant la Révolution ainsi que le règlement de la question de la redevance proportionnelle passionnément défendue par lui et par d'autres exploitants houillers hainuyers depuis le début de l'époque hollandai se le préoccupent (31).

Corbisier entre au contraire au Sénat, en 1854, avec des pieds de plomb. Après avoir logtemps décliné toute candidature, il ne se présente, nous le verrons plus loin, qu'à la demande, semble-t-il, de Meeus et de Malou, pour empêcher l'accession au Sénat à la veille de l'ouverture de la discussion sur le temporel des cultes, de G. Boulenger, le chef de file des anticléricaux montois. Sans atteindre le cens d'éligibilité prévu par la loi, il figure depuis 1847 sur Ch.12 237

la liste des éligibles comme l'un des plus imposés de la province (32).

En 1831 et en 1832, un seul candidat-sénateur peut être associé éco nomiquement à Degorge-Legrand, Corbisier et Hubert: A. Destombes. Propriétaire d'une flottille de bateaux charbonniers et régisseur depuis février 1830 des

Hauts Fourneaux:, Forges et Fonderies de Hourpes-sur-Sambre, une entreprise spé cialisée dans la fabrication de portes d'écluses, Destombes est impliqué dans les différents projets de voie de communication élaborés par Legrand-Gossart et Cor bisier. Il n'atteint pas davantage que ce dernier le cens d'éligibilité fixé par le Congrès.

Si l'on excepte Degorge-Legrand, la députation sénatoriale montoise s'identifie jusqu'en 1843 à deux personnages que nous avons déjà évoqués, F. de Sécus et D. du Val de Beaulieu. Etrangers au Borinage et à ses intérêts houillers, ils représentent au Sénat où ils sont les porte-paroles de la grande propriété, une noblesse à la fois athoise et bruxelloise plutôt qu'une élite régionale mon toise (33).

Au cours de son bref passage dans la Chambre haute (il décède en août 1832 du choléra), Degorge-Legrand se signale par son insistance à défendre les droits acquis, selon lui, par les exploitants des concessions minières en vertu de conventions antérieures à la Révolution. Loin de pouvoir y porter atteinte, le nouveau gouvernement se doit, estime-t-il, de les confirmer au terme d'une simple formalité administrative. Peu satisfait du projet formulé le 12.10.1831 par le ministère d'attribuer au Conseil des ministres les pouvoirs miniers du Conseil d'Etat, auquel la loi de 1810 a confié l'octroi et la "maintenue" des concessions houillères, Degorge-Legrand propose le 30.5.1832, la création de cette institution en Belgique. Sa proposition est reprise sans grande conviction le 15.2.1834 par

D. du Val de Beaulieu seul représentant de l'arrondissement au Sénat depuis juin 1835. de Sécus ne s'oppose pas, au cours de la session 1835-1836, à l'organisation du Conseil des Mines, rejetée par les exploitants montois (34).

Applaudissant au projet de loi relatif aux concessions de voies navi gables (35), il se joint à de Sécus pour recommander l'acceptation du traité des XXIV articles. Plutôt que de récriminer inutilement, il conviendrait, expose-t-il, de se soumettre afin de mettre fin "à l'état de malaise qui arrête tous les tra vaux et tient les affaires commerciales dans la plus triste stagnation" (36). Ce point de vue, D. du Val de Beaulieu le défendra avec autant de conviction en

1838 et en 1839 (37). Ch.12 238

En 1834, de Sécus et du Val de Beaulieu n'interviennent pour ainsi dire pas dans la discussion passionnée que suscite le projet de la loi ferroviaire.

Manifestement hostiles à l'ouverture d'un chemin de fer dans la province du Hai naut, pour laquelle ils ne demandent que très timidement des compensations, ils divergent sur son mode de réalisation, de Sécus prônant son exécution par l'Etat, du Val se déclarant partisan de la concession (38).

Défenseurs de l'agriculture, de Sécus et du Val combattent toute li bération du commerce des grains, protestant notamment contre les facilités appor tées à l'importation par Anvers des céréales du Nord et de la mer Noire. Ils réclament,au nom, prétendent-ils, de leurs fermiers (la plupart des charges fis cales sont en vertu des baux et conventions, acquittées par les locataires (39)), une diminution des divers droits de mutation et d'enregistrement ainsi que des additionnels fonciers (40).

Politiquement, alors que de Sécus reste, en dépit de son grand âge (il a 76 ans lorsqu'il décède en 1836), l'un des chefs de file catholiques, du Val, tout en déplorant l'agitation des débats politiques au Sénat (41), témoigne par ses votes et son soutien en 1840-1841 au Cabinet Lebeau de son appartenance modé rée au parti libéral (42).

Alors que du Val est réélu sans lutte, deux candidats - D. Siraut et A. de Royer - se disputent en 1843 le second siège que l'arrondissement vient de

récupérer au Sénat.

L'enjeu de la lutte est à la fois économique, fiscal et politique.

Il existe à Mons un réel désaccord entre divers intérêts écono miques locaux et les patrons charbonniers qui réclament des pouvoirs publics l'ou verture d'un canal joignant Jemappes à Alost ainsi qu'une.liaison ferroviaire entre le Borinage et la Sambre. Appuyés par les Athois et les Tournaisiens, les proprié taires fonciers du nord de l'arrondissement combattent le canal, lui préférant la canalisation de la Dendre, combinée au chemin de fer d'Ath à Jurbise. Rousselle, qui se présente pour la première fois à la Chambre, anime, en tant que fondé de pouvoir des concessionnaires en France de la voie navigable de l'Escaut, un lobby favorable au canal de la Trouille, qui enlève toute rentabilité au détour des houilles montoises par la Sambre tout en sauvegardant les privilèges de certains riverains du canal de Condé. Hostile au canal de Jemappes à Alost, il sera plus tard, comme allié aux Vander Elst, un des promoteurs de la canalisation de la Ch.12 239

Dendre et du canal de Blaton. Touchés par la récession économique, qui a restreint la consommation de la bière, les brasseurs craignent de faire les frais d'une ré forme fiscale destinée à couvrir un déficit budgétaire causé entre autres par de trop nombreux grands travaux publics. Les anticléricaux, enfin, sont de plus en plus mécontents d'un pouvoir qu'ils trouvent par trop favorable à leurs adversai res catholiques.

Ancien avocat et entrepreneur de travaux publics, propriétaire dans la région de Ghlin, D. Siraut est le candidat du comité houiller, auquel il semble lié, ne fût-ce que par Legrand-Gossart, depuis sa nomination en 1836 comme bourg mestre de la ville de Mons et président du Conseil provincial. Soutenu par la

Gazette, il est recommandé par Nothomb,ministre de l'Intérieur, qu'il semble bien connaître, ainsi que par Labis, évêque de Tournai. Il n'est, dit-il, "ni libéral, ni catholique" (43).

Châtelain et brasseur à Herchies, dans la région athoise, A. de Royer a représenté le canton de Lens au Conseil provincial de 1836 à 1838. Fils d'un notable de Dour, il y a vécu de nombreuses années et est le frère de Ch. de Royer, bourgmestre de cette commune. Hostile au canal de Jemappes à Alost, il est appuyé par le journal athois, l'Echo de la Dendre. A l'instar d'autres brasseurs, il semble être de mèche avec Ch. et H. Rousselle. Membre de la loge La Parfaite Union, il est son candidat et celui du Modérateur (44).

Lors du scrutin, auquel participent près de 1400 électeurs, Siraut l'emporte sur de Royer par 697 voix contre 641. Largement distancé dans les can tons de Dour et de Lens, Siraut, qui est à égalité à Boussu avec de Royer, doit sa victoire à la centaine de voix que lui a apportées le canton de Pâturages (45).

A. de Royer succède moins d'un an plus tard à D. du Val, décédé, battant par 454 voix contre 302 le comte G. de Visart, actionnaire important du Charbonnage de Strépy-Bracquegnies et des Forges, Usines et Fonderies de Haine- Saint-Pierre, conseiller provincial pour le canton du Roeulx et ancien député de Soignies au Congrès national. A court d'éligibles, la Gazette et aussi, semble- t-il, le Comité houiller s'abstiennent. Partagée entre de Visart et de Royer, qui comptent tous deux parmi ses membres, la loge, optant pour le premier, provoque la démission du second (46).

L'augmentation du nombre des électeurs n'a pas en 1848 de conséquences sur la composition de la députation sénatoriale montoise. Tandis que de Royer est Ch.12 240

reconduit sans lutte, Siraut, confronté à la concurrence d'E. du Val de Beaulieu, frère de l'ancien sénateur, est réélu avec une confortable majorité (47).

Se faisant au Sénat le champion des économies, de Royer exige des différents cabinets qui se succèdent de 1844 à 1849, une réforme complète du sys tème financier de l'Etat. "Il y a derrière moi 1500 électeurs qui m'ont envoyé dans cette enceinte pour la réclamer", déclare-t-il (48). "Si chaque année on nous propose le budget augmenté de plusieurs millions, si chaque année les prévi sions ne viennent pas à se réaliser, de crédits supplémentaires en crédits sup plémentaires , on arrivera à créer un déficit immense qui devra être amorti soit au moyen d'un emprunt, soit en demandant à l'impôt des ressources nouvelles" (49).

A plusieurs reprises, surtout à l'occasion de la discussion du budget des Voies et moyens, de Royer s'affirme au Sénat comme le représentant des bras seurs, prenant leur défense lorsqu'on les accuse de fraude, demandant la libre entrée de l'orge, s'opposant à l'uniformisation, pour des motifs fiscaux, des tonneaux (50) et protestant contre toute velléité d'augmenter les accises ou les additionnels sur la fabrication de la bière. Bon "cafetier", il réclame aussi la suppression des diverses charges pesant sur la consommation des boissons distil lées, et, en particulier, de celles acquittées par les débitants qui desservent sa clientèle du Borinage (51).

Mais le baron de Royer est aussi un châtelain rural protecteur comme de Sécus et du Val au Sénat, des intérêts de "l'agriculture, la première des in dustries. Vis-à-vis d'elle, toutes les autres s'effacent" (52). Mettant en doute les statistiques qui" établissent l'insuffisance de la production céréalière, il s'oppose, en faisant une exception pour l'orge..., et comme ses prédécesseurs à la libération du commerce des grains. En 1844, il combat notamment un projet de loi autorisant la libre entrée de 12.000 t de céréales à Verviers. Fort de ce que

"la population des villes ne forme que le quart de celle du royaume", il s'in quiète de la menace sociale que constitue la misère des campagnes et réclame du gouvernement des mesures d'urgence pour en écarter le spectre de la famine (53).

de Royer est toutefois davantage au Sénat le porte-parole des proprié taires fonciers que celui des cultivateurs. Reconnaissant que ceux-ci "peuvent à peine trouver de quoi suffire non seulement aux engagements qu'ils ont pris envers les propriétaires mais encore aux charges nombreuses qui pèsent sur la propriété foncière et même à leurs propres besoins" (54)f ±i affirme que c'est à tort qu'on se plaint des propriétaires, qu'on dit qu'ils pressurent leurs locataires, qu'ils Ch.1'2 241

exigent d'eux leur dernier centime... Si le cultivateur souffre, c'est à lui qu'il doit en vouloir et non au propriétaire qu'il accuse. C'est le cultivateur qui, par des offres exagérées, est venu mettre le propriétaire vis-à-vis de son inté rêt privé. De 1829 à 1832, le prix du froment a atteint des sommets. Le cultiva teur a cru que cet état des choses devait se perpétuer, n'a pas prévu que plusieurs années d'abondance pouvaient survenir et venir mettre ses calculs en défiance. Le propriétaire n'a fait que profiter des offres imprudentes qui lui ont été fai tes quant aux fermages" (55).

Bénéficiant de sympathie dans le Borinage, Siraut, bourgmestre montois, ne partage pas les considérations champêtres de de Royer. Appuyant en 1844 le projet de loi sur les grains verviétois, il déclare que "l'agriculture et l'in dustrie sont soeurs, que leurs intérêts sont étroitement liés et que la première, se doit de faire, quand les circonstances l'exigent, des concessions à la seconde.

Il y a, dit-il, du fer, de la houille, du fil dans la question qui nous occupe... Dans les villes, et même dans les campagnes, à côté du cultivateur, se trouvent un grand nombre d'ouvriers consommateurs qui ont un intérêt majeur à ce que, dans les contrées qui ne produisent pas assez, le gouvernement maintienne la balance dans un juste équilibre" (56).

Au début de son mandat parlementaire, de Royer représente Ath plutôt que Mons au Sénat, se plaignant de "l'espèce d'oubli dans lequel cet arrondisse ment est abandonné, en dépit des nombreuses brasseries, des nombreux fours à chaux et des nombreuses carrières qu'il renferme... Bien en arrière, sous le rapport industriel et commercial des arrondissements de Mons et de Tournai entre lesquels il est situé..., Ath attend, dit-il, l'exécution des promesses qui lui ont été faites" (57).

Partisan de la canalisation de la Dendre, "amélioration désirée par tout l'arrondissement d'Ath", il rejette jusqu'en 1848, en invoquant les difficul tés du Trésor, toute forme de contribution gouvernementale à la réalisation du canal de Jemappes à Alost, en faveur de laquelle Siraut s'abstient de prendre la parole (58).

La concession en mai 1845 du canal de la Trouille à J.R. Bischoffsheim et à J. Oppenheim, met fin au débat sur le choix d'une jonction du Borinage et de la Sambre, sans que le Sénat n'ait été amené à la discuter. Alors que Siraut s'abstient de tout commentaire, de Royer se réjouit de la solution intervenue (59). Ch.12 242

Mons s'émeut lorsqu'on y apprend en novembre 1845 que J.R. Bischoffs heim et J. Oppenheim ont renoncé à construire le canal de la Trouille et réclament judiciairement la restitution de leur cautionnement. Rejetant catégoriquement la substitution proposée par Bischoffsheim et Cie d'un chemin de fer au canal pro jeté (60), les exploitants houillers borains exigent l'exécution prompte et en tière des obligations contractées par les concessionnaires. Associés cette fois, Siraut et de Royer appuient au Sénat leurs revendications (61).

Ensemble aussi, Siraut et de Royer demandent en 1845 la mise à deux

voies du chemin de fer de l'Etat entre Braine-le-Comte et Quievrain, et protestent en 1847, avec les patrons charbonniers montois, contre la volonté émise par leurs concurrents hainuyers d'obtenir une réduction des péages du canal de Charleroi. Ils ne s'y résignent en 1849 que sur la promesse d'une diminution substantielle des droits acquittés par Mons sur les canaux de Condé et d'Antoing et qu'à titre de réparation à l'injustice commise, selon eux, à l'égard de Charleroi par le tarif ferroviaire de 1848, favorable à Liège et au Centre (62).

Marchant au Sénat sur les traces de du Val de Beaulieu, de Royer mé nage en 1845 le ministère Nothomb, reconnaissant que "s'il a posé des actes répré- hensibles et commis bien des fautes graves qui ont jeté la division dans le pays, il n'a pas moins pris des dispositions avantageuses et a su se soustraire aux in fluences qui devaient le conduire à sa perte". Il l'engage à "planter son drapeau entre les deux camps, à tendre la main à la gauche comme à la droite, à appeler autour de lui tous les hommes modérés à quelque parti qu'ils appartiennent, quelles que soient leurs opinions" (63). En 1846, il affirme son appartenance au parti libéral en refusant sa confiance au cabinet de Theux (64).

Se présentant comme un libéral modéré, étranger à tous les partis (65) et acquis aux idées unionistes (65), Siraut, qui flirte depuis 1844 avec les ca tholiques (67), assure en 1846 le gouvernement de Theux de son loyal concours (68), Considérant qu' "il appartient de mettre un terme à des dissenssions causant tant de préjudice à l'agriculture, à l'industrie et au commerce", il reproche au Sénat de se laisser embarquer dans des débats politiques qui, sans utilité pour le pays, "entravent le pouvoir dans son action salutaire". Le traité avec la France, que vient de conclure Dechamps (69) et qui doit encore être ratifié par les Chambres, "a bien plus de titres, estime-t-il, à sa sollicitude" (70). En novembre 1846, l'anoblissement de Siraut est accueilli par les sarcasmes de la presse anticléri

cale montoise (71). Ch.12 243

de Royer, qui vote en 1848 avec Siraut l'abaissement du cens électoral, intervient dans la discussion pour féliciter le gouvernement d'avoir permis, par l'abandon de sa limitation initiale de la réforme à certaines catégories de capa- citaires et par la fixation d'un cens uniforme de 20 florins, l'accès à l'électo- rat de la petite propriété et de la petite bourgeoisie et "une véritable expres sion du pays dans la représentation nationale" (72).

Siraut meurt le 9.4.1849. Trois candidats se présentent pour prendre le 5.5 sa succession. Cultivateur à Saint-Symphorien dans la banlieue montoise, A. de Sébïlle n'a pas de passé politique. Agé de 62 ans, F. de Sécus, qui habite à Bauffe, le château de son père, l'ancien sénateur de Mons, a représenté l'ar rondissement d'Ath au Congrès, puis à la Chambre de 1830 à 1848. Catholique no toire, il est évincé le 13.6.1848au profit de M. Jouret, son concurrent libéral.

Grand propriétaire foncier dans le Hainaut mais aussi dans le Namurois, Ph. de Bagenrieux, 47 ans, ex-officier dans la cavalerie hollandaise, et échevin de la ville de Mons de 1834 à 1836, promet dans un tract électoral de réclamer des éco nomies et des réductions fiscales.

Alors que l'Association libérale et le Modérateur se prononcent sans ambages pour de Bagenrieux, candidat de la coterie Rousselle (73), la Gazette (74) et - tout l'indique - le Comité houiller s'abstiennent de l'appuyer, ne donnant, semble-t-il, aucune suite à sa démarche auprès de Meeus, par l'intermédiaire de Van Praet (75). Elu au second tour, de Bagenrieux n'a distancé de manière signi ficative ses concurrents qu'à Mons. Alors que de Sébille fait un score assez in signifiant, ne réunissant qu'une centaine de voix au premier tour dans la banlieue montoise, de Sécus, nonobstant son passé catholique, recueille dans un arrondis sement réputé libéral 293, puis 402 voix au cours de deux scrutins, très nettement dominés par lui dans le canton de Lens (76).

Les deux sénateurs montois appuient et votent en mai 1850 le projet de loi sur l'enseignement moyen. Reconnaissant la nécessité de comprendre dans le programme de l'enseignement moyen (77), une instruction religieuse, dispensée dans la mesure du possible par le clergé, de Royer souligne dans un long discours les garanties que donne à ce sujet la loi, aux ministres des cultes comme aux pères de famille (78). Rejetant l'accusation formulée à l'égard du ministère de vouloir réserver à l'Etat le monopole de l'enseignement (79), il reproche à l'Eglise son absence de concours et sa concurrence aux écoles officielles (80).

Se faisant au Sénat l'avocat des économies, de Bagenrieux, hostile Ch.12 244

par principe à tout alourdissement fiscal (81), vote en septembre 1851, le rejet de la loi sur les successions en ligne directe, considérée par lui comme "contrai re aux droits des familles et très onéreuse pour la petite propriété". Mieux au rait valu, dit-il, augmenter le tarif ferroviaire sur les marchandises ainsi que les additionnels à l'impôt foncier (82).

Convenant de la nécessité d'assurer des ressources nouvelles à l'Etat, de Royer vote lui la loi sur les successions en ligne directe.

Son appui est d'abord politique: il ne veut pas s'associer à ceux qui cherchent, en achetant des votes, à renverser le ministère libéral au pouvoir (83).

Il s'agit aussi pour lui d'une question de principe. Consentant à l'augmentation de 7% des accises sur la bière (84), il se refuse à admettre que la brasserie soit seule à être "surtaxée". "Quand il s'agit de frapper l'impôt sur la consommation, on croirait, dit-il, que cette consommation ne supporte au cun droit. On dit avec la meilleure foi du monde: vous voulez Imposer la propriété et la propriété supporte déjà un droit de 12%. Pourquoi n'imposez-vous pas la fa brication? Pourquoi n'imposez-vous pas les brasseries, les distilleries? La bras serie est l'une des branches de l'industrie qui rapporte au Trésor la plus forte somme d'impôts. Elle vient en quatrième ligne parmi les sources du revenu public... Elle paye déjà 14,5% de la valeur des marchandises fabriquées sous la forme de l'impôt de l'accise, que la loi élèvera à 21,5%" (85)."La propriété du commerçant qui a mis dans l'industrie une somme de 200.000 f, est aussi sacrée, aussi res pectable que celle du propriétaire qui a acquis pour 200.00.0 f de biens-fonds... Je ne pourrai jamais, dit-il, consentir à contribuer à imposer la consommation, l'industrie et le commerce, alors que la grande propriété ferait preuve d'égoïsme en cherchant à éluder un impôt d'1%, cela une fois au cours d'une vie, c'est-à- dire une fois sur 30 ou 40 ans. Il faut, selon lui, que chacun concourre, dans la proportion de son avoir à assurer le bien-être général" (86).

Il est scandalisé par la proposition faite par de Bagenrieux et consorts de remplacer l'impôt sur les successions par des centimes additionnels ajoutés à la contribution foncière. "Je conçois, dit-il sur un ton cinglant, que des centi mes additionnels à la contribution foncière eussent été plus favorablement acceptés par vous, parce que dans ce cas, c'était une charge tombant non pas directement sur le propriétaire, mais à la charge du locataire, qui l'accepte en passant son bail. Je le dis sans hésiter, conclut-il, je préférerais un droit de 5% frappant le capital foncier que des centimes additionnels qui ruinent la location, la classe Ch.12 245

ouvrière agricole" (87).

Alors que de Royer s'abstient de faire, au cours de la discussion, la moindre allusion au dossier des Travaux publics, de Bagenrieux motive partielle ment son vote par son refus d'admettre que le "nouvel impôt profite pour une très grande partie au développement de la prospérité d'une seule province, tandis que d'autres régions du pays sont négligées et que le bassin houiller de Mons, qui sollicite depuis si longtemps avec justice une voie fluviale directe de Mons à Termonde n'a obtenu qu'une réduction de péages sur le canal d'Antoing et le bas

Escaut" (88).

Le Sénat est dissous après avoir rejeté la loi sur les successions. La Gazette (organe du Comité houiller?), combat la reconduction du mandat dé de Bagenrieux que soutiennent le Modérateur et le clan Rousselle (89). Reprochant à de Bagenrieux son opposition à la loi des successions ainsi que sa proposition d'augmenter les additionnels fonciers et le tarif ferroviaire sur les marchandi ses, la Gazette recommande son remplacement par D. Dethuin, notaire et bourgmestre de Mons (90). Elle avance et défend cette candidature sans le consentement de l'intéressé, qui, peu enthousiaste à l'idée de devenir sénateur, quitte la ville en faisant savoir qu'il refuse le mandat. Persistant dans sa décision à son retour le 22.9, Dethuin n'en est pas moins élu, le 2.10, par 855 voix contre 423 à de Bagenrieux (91). Nommé officier dans l'Ordre de Léopold après avoir accepté son siège (92), Dethuin vote à la fin novembre avec de Royer l'impôt sur les succes sions en ligne directe et les travaux publics proposés par le ministère (93).

Deux candidats, N. Defuisseaux et G. Van Leempoel se présentent le 8.6.1852 pour succéder à de Royer, décédé. Vénérable de la loge (94), Defuisseaux, qui s'est établi en 1847 à Baudour où il possède une vaste propriété et une fa brique de céramiques, est depuis 1838 conseiller provincial pour le canton de Mons. Propriétaire à Vergnies, G. Van Leempoel a siégé en 1848-1851 au Sénat pour l'ar rondissement de Thuin; il est lié par alliance à certains milieux parisiens. Defuisseaux l'emporte par 1563 voix contre 583 à Van Leempoel.

Un conflit portant sur des chemins de fer sous-tend 1 *éviction de Van Leempoel, manifestement soutenu par le groupe Rothschild.

Sollicitant en concurrence avec la Société Générale la concession de a rivaliser la ligne Mons-Haumont, la Compagnie du Nord cherche aussIVpar le biais d'un che min de fer direct Saint-Ghislain - Gand, avec Dendre et Waes que la Société Gêné- Ch.12 246

raie vient de former mais qui doit acheminer par une voie beaucoup plus détournée les charbons montois vers l'agglomération gantoise. En appuyant avec la collabo ration de la Gazette et de l'Echo de Mons le chemin de fer direct Saint-Ghislain- Gand, elle ne s'oppose pas qu'à la Générale. Elle heurte aussi le lobby qui défend depuis tant d'années, avec l'aide de Rousselle, du Modérateur et de l'Indépendance belge, le canal de Blaton et la canalisation de la Dendre, dont elle compromet les chances de réunir des capitaux.

Supporté par la Gazette et combattu par le Modérateur, Van Leempoel recueille la majorité de ses voix dans la ville de Mons et dans le canton de Pâturages, où Imbault, directeur des Charbonnages belges, ne manque pas d'influ ence.

Defuisseaux proteste en décembre 1852 contre l'attribution à de Wy kérslooth et Cie d'un droit de préférence pour l'exécution de la ligne Mons - Haumont (95). Dans un long discours, il s'oppose un an plus tard à la libre entrée des charbons anglais en Belgique (96). Considérant qu' "il n'est plus à même de remplir son mandat avec toute l'exactitude désirable", il démissionne le 5.5.

1854 (97).

Pour lui succéder, trois noms: G. Van Leempoel, Ph. de Bagenrieux et X. de Patoul, sont mis immédiatement en avant. Membre actif de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, ancien bourgmestre de Quévy-le-Petit, X. de Patoul est un des chefs de file des catholiques montois. Van Leempoel est soutenu par la Gazette (groupe Rothschild), de Bagenrieux par le Constitutionnel (clan Rousselle) et de Patoul par 11 Echo, de Mons (catholiques).

Le 4.6, G. Boulenger se porte également candidat. Notaire à Mons, après l'avoir été à Dour de 1828 à 1851, Boulenger, qui siège au Conseil provin cial, est l'un des dignitaires de la loge montoise. Van Leempoel se désiste im médiatement en sa faveur, et la Gazette lui apporte son appui (98).

"Requis au nom du libéralisme", Boulenger se présente en opposition à de Bagenrieux. Comme la question du temporel des cultes sera incessamment abor dée par les Chambres, les anticléricaux montois ne veulent pas d'un représentant "libéral modéré de la nuance Rousselle (99).

Avant de faire connaître sa candidature, Boulenger tient à s'assurer l'appui des exploitants charbonniers. Il rend visite à Ch. Sainctelette père pour Ch.12 247

susciter une marque de sympathie de ceux-ci à son égard. Ce que Sainctelette tente d'obtenir lors de l'assemblée du 2.6, présidée par Corbisier.

Prenant la parole, N. Quenon (Belle et Bonne) ouvre la séance en ad jurant Corbisier d'accepter un mandat. "Il n'y a pas lieu, selon lui, de sortir de l'assemblée pour choisir un candidat habile à défendre les intérêts industriels de l'arrondissement. Prétextant des raisons de-santé et de famille, Corbisier re fuse. Un membre fait alors observer que G. Boulenger a longtemps vécu dans un can ton charbonnier, qu'il en a défendu les intérêts au Conseil provincial et qu'il est intéressé dans les Houilles grasses du Levant d'Elouges. La question est mise aux voix. A. Cardinal (Produits), N. Quenon (Belle et Bonne), A. Boty (Haut Flénu) et F. Corbisier (Hornu et Wâsmes) s'abstiennent. La majorité se prononce en faveur de Boulenger. N. Quenon demande alors si l'assemblée s'engage définitivement. Ch. Sainctelette père répond en faisant observer que c'est sous la réserve for melle que s'il se présentait un candidat dont le concours paraîtrait plus utile que celui de Boulenger aux intérêts charbonniers, les exploitants seraient par faitement libres de voter pour lui. A. Cardinal s'informe de la nature du concours que Boulenger sollicite des exploitants. L'assemblée n'a pas, dit-il, un intérêt assez considérable dans l'élection de Boulenger pour que les exploitants se trans forment en courtiers électoraux. Ch. Sainctelette fils répond que G. Boulenger demande une marque de sympathie et que, puisqu'en définitive, l'assemblée ne s'op pose pas à sa candidature, il ne voit pas pourquoi on ne ferait pas annoncer par un journal qu'elle reporte ses sympathies sur Boulenger. N. Quenon exige formel lement qu'il soit dit dans cet article que c'est, vu le refus de Corbisier et en l'état actuel des candidatures connues, que l'on se prononce en faveur de Boulenger.

Un membre invite Ch. Sainctelette fils à ne point parler en termes trop chaleureux de la candidature de Boulenger, le sentiment de l'assemblée n'étant ni assez una nime, ni assez prononcé".

Au cours d'une seconde assemblée, tenue le 6.6, Corbisier déclare que

"cédant aux vives instances de ses amis et spécialement à celles de A. Hubert, président du Conseil provincial, il s'est décidé à accepter la candidature" (100). de Bagenrieux et de Patoul se désistent aussitôt en sa faveur, le Constitutionnel (clan Rousselle) et l'Echo de Mons (catholiques) lui apportent leur appui. Corbisier l'emporte le 8.6 sur Boulenger par 1237 voix contre 725.

C'est en tant que sympathisant catholique plutôt que comme défenseur de Dendre-et-Waes que Corbisier entre au Sénat. Pendant la campagne ainsi qu'au cours des assemblées charbonnières, aucune allusion n'a été faite au chemin de Ch.12 248

fer direct de Saint-Ghislain à Gand.

La Gazette attribue le revirement de Corbisier à une démarche de flalou Rousselle auprès de Malou: "C'est Rousselle, dit-elle, qui a enjoin€Va intervenir auprès de Corbisier pour qu'il entre en lutte avec le candidat que le libéralisme montois présentait. Corbisier ne se serait pas présenté s'il n'y avait pas été forcé par les chefs de la Société Générale qui sont des catholiques" (101).

En 1863, H. Tellier, patron sucrier (102) et bourgmestre libéral à Elouges, succède sans lutte à D. Dethuin, démissionnaire (103), tandis que F. Dolez, maïeur de Mons, obtient en 1866, sans vraiment le demander le troisième siège attribué à l'arrondissement par la la loi Orts.

Corbisier quitte le 30.9.1869 le Sénat dans l'espoir de voir son man % dat repris par A. Hubert, président du Conseil provincial, notaire à Baudour, cheville ouvrière de l'Association houillère et principal concurrent à la Chambre de Ch. Sainctelette, son gendre. Hubert n'accepte qu'une fois confronté le 25.10 à une candidature progressiste patronnée par 1'Organe de Mons, 1'Indépendance et l'Etoile belge, celle de G. Wéry, autodidacte, échevin, brasseur, mécanicien, entrepreneur de travaux publics à Jemappes, partisan de l'exclusion du clergé des

écoles officielles et d'une réforme électorale fondée sur l'abandon du cens au profit des capacités (104). Candidat des charbonnages, de la Gazette et des doc trinaires, Hubert, soutenu par les catholiques (105), l'emporte par 1323 voix contre 486 sur Wéry, populaire seulement à Mons et à Jemappes (106).

A l'opposé des Carolorégiens (Pirmez, Spitaels, Houtart...) très ac tifs au Sénat, les Montois n'y jouent après 1854 qu'un rôle très effacé, se con tentant d'y voter, sans user de leur droit d'initiative, ni faire le moindre com mentaire, les différentes mesures proposées par le gouvernement (107).

3. Les députés à la Chambre.

a) 1831 - 1847

On ne sait pour ainsi dire rien de la campagne électorale qui mène le 29.8.1831 à l'élection d'A. Gendebien, de Ch. Blargnies et de F. Corbisier à la Chambre.

Alors que l'Observateur et la Société patriotique soutiennent A. Gen debien, Ch. Blargnies et D. du Val de Beaulieu, trois des congressistes sortants, Ch.12 249

le lobby industriel francophile recommande les candidatures de F. Corbisier, E. Claus et Ch. Picquet (108).

Lorsque Blargnies démissionne au début de 1832, l'Observateur et le Courrier belge défendent un candidat lié au Grand-Orient, E. Defacqz, avocat, conseiller à la Cour supérieure de Bruxelles, auquel les "charbonniers" opposent Ch. Taintenier, qui l'emporte sur son concurrent, avec l'appui du clergé par 142 voix contre 98 (110).

Nommé conseiller à la Cour de Cassation, Taintenier démissionne à l'automne 1832. Soutenu par le clergé, R. Ph. de Bousies, ancien député à la Se conde Chambre et au Congrès, est élu de préférence à R. De Puydt, officier du Génie, auteur et directeur de plusieurs projets de voies navigables, fils du gouverneur de la province, candidat des "industriels" et de l'Indépendant.

L'Observateur s'abstient.

De Puydt a plus de succès l'année suivante, évinçant par 282 voix contre 94, de Bousies soumis à réélection.

Appuyée par le Courrier belge, la reconduction de Corbisier et de De Puydt, deux des sortants, est combattue en juin 1835 par l'Observateur, qui leur oppose E. Laubry, un avocat d'origine montoise attaché à la Cour d'Appel de Bru xelles et Ph. de Bagenrieux, échevin à Mons et proche de Ch. Rousselle. Les Cham bres sont appelées dans les mois qui suivent à se prononcer sur divers projets de voies de communication auxquels le "clan Rousselle" comme les milieux charbon niers montois et la Générale ne sont pas indifférents: exécution par l'Etat ou par voie de concession de la ligne Bruxelles - frontière, du chemin de fer d'Haumont ou du canal de la Trouille, Espierre ou canal de Bossuyt...

Un "indépendant", le comte D. du Val de Beaulieu, exclu du Sénat par la réduction à un siège de la députation sénatoriale montoise, entre aussi en compétition.

Alors que Corbisier est réélu à une large majorité au premier tour, De Puydt est battu par du Val au ballottage par 362 voix contre 348.

Loin de se soumettre, le lobby industriel, lié à la Générale, conteste avec succès auprès de la Chambre, l'élection de du Val, par une pétition signée par 169 électeurs réclamant l'annulation parmi les 362 suffrages attribués à Ch.12 250

celui-ci de 5 bulletins le mentionnant comme baron, titre porté par son frère et non par lui, comte de Beaulieu.

Une réorganisation de la presse locale précède l'élection partielle du 5.9. L'Observateur disparaît au profit de nouveaux journaux représentant les deux coteries économiques en présence. Organe des milieux charbonniers liés à la banque, 1'Industriel du Hainaut soutient la candidature de De Puydt (111) combattu au profit de du Val, par La Revue, interprète du "clan Rousselle" (112). De Puydt l'emporte par 330 voix contre 194 (113).

Avec le même succès, l'Industriel appuie en avril 1836 Ch. Blargnies qui brigue la succession de Corbisier, désireux, semble-t-il, de céder son siège à un juriste à la veille de la discussion par la Chambre de l'institution du Con seil des Mines, que combattent les exploitants. Blargnies bat du Val, toujours défendu par La Revue, par 154 voix contre 109.

Contribuant à l'élimination en juillet 1836 du "clan Rousselle" de l'administration de la ville de Mons, dont le contrôle n'est pas sans influencer l'évolution des dossiers du canal de l'Espierre et du chemin de fer d'Haumont (114), 1'Industriel se bat, en décembre 1836, pour assurer le remplacement de Blargnies, nommé Conseiller à la Cour d'Appel, par H. Dolez, avocat à la Cour de Cassation et gendre de Legrand-Gossart.

Outre Dolez, trois autres candidats entrent en lice. Tandis que Ph. Vander Heyden à Hauzeur, châtelain et bourgmestre à Ciply, se présente en "indé pendant" et que La Revue soutient L. Joly un juriste montois, un lobby borain, ancré à Boussu et à Dour, lié aux charbonnages de la Fosse du Bois et de Belle- et-Bonne et hostile à la Générale, pousse A. Colmant, un avocat boussutois établi à Bruxelles. L'enjeu de la lutte électorale entre Dolez et Colmant est l'adoption par les Chambres, pour le chemin de fer de l'Etat entre Mons et Valenciennes, d'un tracé jugé préjudiciable (Simons - De Ridder) ou non (Vifquain) à la Compa gnie du Flénu que patronne la Générale. Dolez l'emporte au ballottage sur Colmant par 279 voix contre 205 (115).

Elu député dans le Luxembourg, De Puydt démissionne en octobre 1837 (116). Alors que la loge soutient R. Chalon, receveur des contributions, avec l'aide du journal bruxellois l'Observateur, A. Colmant se présente à nouveau com me candidat du lobby boussutois favorable au tracé Simons - De Ridder (119). Appuyée désormais par l'Eveil, la coterie liée à la Générale recommande la candi- Ch.12 251

dature d'un juge montois, H. Gérard. Elle se heurte à E. Rainbeaux et au Grand Hornu, supporters d'un quatrième candidat, L. Lecreps (118), qui bat Gérard au ballottage par 408 voix contre 381. Au second tour, la loge a reporté sur lui les suffrages qu'elle a accordés à Chalon lors du premier scrutin, assurant ainsi son succès sur le candidat de la Générale (119). Colmant est éliminé au premier tour

avec 173 voix.

Unanime à repousser le 1.11.1831 le traité des XXIV articles, la dépu tation montoise se divise lorsqu'elle est appelée le 19.3.1839, à se prononcer à nouveau sur sa ratification. Approuvée par Lecreps ainsi que par Dolez, rapporteur de la Section centrale, celle-ci est combattue par Gendebien qui, après un dis cours pathétique, démissionne en guise de protestation contre l'abandon du Limbourg

et du Luxembourg.

Son retrait de la vie politique est partiellement dû au désaveu de

plusieurs de ses commettants. A l'instigation de Legrand-Gossart, la Chambre de commerce et le Conseil communal de Mons (120) ainsi que des "habitants et élec teurs" de plusieurs communes boraines (121) ont pétitionné pour que le Parlement fasse preuve de modération. "Au point où sont parvenues les négociations diploma tiques, écrit Corbisier au nom de la Chambre de commerce, il n'est que trop dé

montré que la décision de la Conférence de Londres est sans appel et qu'il ne

nous reste plus d'autre parti à suivre que de souscrire aux conditions du traité

des XXIV articles. Le commerce se débat depuis deux mois dans les angoisses d'une crise qui a déjà renversé plus d'un établissement considérable. Il serait anéanti entièrement avant que la diplomatie ou la force des armes aient amené une autre

solution. Partout le travail diminue. Les fabriques, les usines, les houillères chôment en partie. Le peu de confiance qui subsiste encore dans les transactions commerciales ne tardera pas autrement à disparaître et de nombreuses faillites compromettront à la fois la fortune d'une foule de familles et le crédit public.

Les propriétaires des houillères du Couchant de Mons, tant à cause du manque de demandes que de la rareté du numéraire et des difficultés de négocier les valeurs de portefeuille ont dû réduire l'importance de leur exploitation. Quelques esprits chercheront à déverser la réprobation et le mépris sur l'expres sion de nos voeux et de nos craintes. On accusera l'industrie d'égoïsme et on lui reprochera de préférer son bien-être à l'honneur national. Nous répondrons qu'il n'y a pas de déshonneur à céder à la nécessité et nous demanderons lequel montre plus d'égoïsme de celui qui à sa popularité éphémère, au triomphe de ses opinions et à ses intérêts de localité ou de famille veut sacrifier le repos de 4.000.000 Ch.12 252

d'habitants ou de celui qui pour préserver son pays demande qu'une fraction du Limbourg et du Luxembourg subisse immédiatement le sort auquel il nous est impos sible de le soustraire. La cause est malheureusement aujourd'hui perdue" (122).

Trois candidats - H. Lange, J. Sigart et A. Delebecque - ambitionnent

la succession de Gendebien.

La loge et le Modérateur, qui ont vanté en février-mars l'intransi geance de Gendebien (123), appuient avec ce dernier (124), dans une perspective essentiellement "patriotique" et anticléricale la candidature d'H. Lange, un avo

cat montois établi à Bruxelles.

Après s'être adressée, selon le Modérateur (125), à Nothomb, qui a décliné, la "coterie industrielle", proche de la Générale, soutient J. Sigart, un médecin de Jemappes, lié à la famille Goffint, intéressé dans des charbonnages et membre comme Lange de la loge (126).

Le "clan Rousselle" défend avec l'aide des Annales du Hainaut, du clergé et de certains membres du gouvernement la candidature d'A. Delebecque, avocat-général à la Cour de Cassation, originaire de Mons et neveu de l'évêque

de Gand (127).

Le canal de l'Espierre, dont la discussion est annoncée à la Chambre constitue pour ces deux derniers partis l'enjeu des élections.

Sigart l'emporte le 17.4 au second tour, par 343 voix contre 130 à Delebecque, en bénéficiant d'un report des suffrages octroyés par les anticléri caux à Lange lors du premier scrutin (128).

Lecreps renonce à son mandat le 23.5.1839. Tandis que le "clan Rous selle" soutient à nouveau A. Delebecque (129), la "coterie industrielle" recommande R. De Puydt, l'ancien député (130), que la loge et le Modérateur, qui soutiennent principalement H. Lange, préfèrent à H. Dolez (131). Lange bat De Puydt au second tour par 467 voix contre 420 (132).

Associé à A. de Royer et à un lobby de brasseurs (133) et appuyé par le Modérateur, Ch. Rousselle se présente en juin 1843 contre J. Sigart, député sortant, auquel sont reprochés son inactivité et son manque d'influence à la Cham bre. L'élection porte en fait sur la question du chemin de fer d'Haumont et du Ch.12 253

canal de la Trouille, que doit discuter incessamment le Parlement. Combattu par la Gazette et par 1'Emancipation, Rousselle, promoteur de la voie d'eau, échoue derrière Sigart par 537 voix contre 846 (134). La loge reste, semble-t-il, étrangère au débat.

Au sein d'une députation montoise fort discrète (135), De Puydt, Dolez et Gendebien (136) sont pour ainsi dire seuls à intervenir régulièrement à la

Chambre.

Partisan du maintien du cens électoral, Gendebien défend en 1836,

'•'. son uniformité pour les élections communales, mesure devant entraîner l'augmentation de l'électorat urbain (137). Se déclarant non lié par les résolutions du Congrès libéral, Dolez combat en 1847 toute modi fication du système électoral. "Si je n'ignore pas que dans une assemblée nombreu se d'hommes appartenant au libéralisme, ce voeu a été émis, il ne m'est pas dé montré, expose-t-il, que cette assemblée ait été en ce point l'expression des sentiments du pays... Quelle doit être l'influence pour l'opinion libérale du voeu de réforme électorale émis par ce Congrès? Je ne puis lui reconnaître l'influence qu'on accorde à un voeu émis avec la maturité que comportait un sujet aussi grave, entouré de tant de difficultés. Les délibérations du Congrès ont duré 7 à 8 h. La question de la réforme électorale n'est pas la seule qu'on y ait traitée. Ce voeu a donc dû être émis avec précipitation." Dolez dit avoir "considéré la convo cation du Congrès comme une imprudence et sa marche comme une faute. Comme une imprudence parce qu'il était impossible de savoir à quel résultat il aboutirait. Il était impossible de prévoir ce qui résulterait de cette grande réunion d'hommes qui se rapprochaient pour la première fois, qui ne pouvaient pas se connaître et s'apprécier en un jour et qui, par cela même qu'ils n'étaient pas habitués aux luttes parlementaires pouvaient se laisser aller à leur insu à des entraînements. Sa marche a été, selon lui, une faute parce que le Congrès a dépassé le but qu'il semblait devoir exclusivement atteindre, l'organisation électorale contre un ca binet et une majorité hostile aux principes libéraux". Dolez s'affirme d'une ma nière générale hostile aux associations politiques permanentes, ne considérant comme utiles que celles "qui se créent pour atteindre un but déterminé à la réa lisation duquel elles ne doivent point survivre. Je comprends, dit-il, qu'en vue d'une lutte électorale organisée pour combattre une majorité hostile, on s'asso cie. Mais il importe que l'association ne sorte pas des limites que lui assigne ce but, qu'elle ne vise pas à une existence permanente. Une association politique permanente s'occupant d'une manière générale de la direction du pays est en réa lité une sorte de gouvernement anormal, qui se place en regard du gouvernement Ch.12 254

régulier. Une association politique permanente délibérant sur les intérêts géné raux de l'Etat doit finir par altérer la plus précieuse des libertés: la liberté parlementaire" (138).

Très tôt, Gendebien se prononce sans détour, lors de la discussion en 1834 du projet de loi communale, en faveur de la laïcisation du temporel des cultes, Combattant sans succès l'amendement de Dumortier qui stipule qu'il n'est pas dé rogé aux actes de fondation établissant des administrateurs spéciaux, il soutient avec force le droit du législateur de limiter la liberté testamentaire par une disposition interdisant leur désignation. Soulignant les abus auxquels celle-ci expose (139) et vantant les mérites de la centralisation publique de la bienfai sance (140), il termine sur un avertissement prémonitoire: "Si ces réflexions ne vous touchent pas, déclare-t-il, faites comme vous l'entendez. Mais dans 25 ou 30 ans, vous tomberez dans les maux qui se sont présentés il y a une quarantaine

d'années" (141).

Après avoir soutenu en 1840-1841, le cabinet Lebeau, les députés mon

tois refusent en 1842-1845 leur confiance au ministère Nothomb avant de combattre en 1846-1847 le gouvernement de Theux. Dolez est seul à apporter en 1845 son appui à Van de Weyer (142). Votant la loi sur l'instruction primaire, ils repoussent ensemble le fractionnement des collèges électoraux, la nomination des bourgmestres en dehors des conseils communaux ainsi que toute velléité du clergé d'intervenir dans le choix des professeurs de l'enseignement public (143).

Prenant à différentes reprises la défense à la Chambre de 1'industrie houillère (144), Gendebien combat sans succès en 1836 l'institution du Conseil des Mines que repoussent les exploitants (145).

En ce qui concerne les négociations douanières avec la France, Gende bien recommande jusqu'en 1835 au gouvernement une politique fondée sur la menace de représailles et de pourparlers avec la Prusse. Le ton change après les premiè res mesures françaises favorables à l'Angleterre. Conseillant désormais modération et discrétion quant aux houilles, Gendebien, Dolez et Sigart s'opposent à toute discussion ponctuelle, non précédée par une large enquête, du dossier douanier

(146).

Bouleversant au profit du bassin de Liège l'équilibre existant en ma tière de voies de communication, la loi sur les chemins de fer est mal accueillie en 1834 par les députés de Mons. Ch.12 255

"Il est odieux, déclare De Puydt, que le gouvernement se serve du crédit publie et des fonds de l'Etat pour exécuter aux frais de tous des travaux qui ne doivent profiter qu'à quelques-uns et ruiner les autres... De quel droit, dit-il, le gouvernement vient-il s'interposer dans la concurrence du commerce, de quel droit, enlevant les capitaux de l'un va-t-il les appliquer au profit ex clusif de l'autre, de quel droit vient-il réclamer des subsides à une province pour s'en faire une arme contre elle, pour fermer les marchés ouverts à son in dustrie, en favorisant sur ces marchés l'introduction des produits d'une autre province au profit de laquelle il aura employé et ces subsides et ce crédit"(147).

"Le chemin de fer ralliera, dit-on, le parti orangiste en rendant à l'industrie son essor et sa prospérité. Admirable politique! s'écrie Gendebien.

Vous voulez, dit-il, satisfaire les orangistes qui ont combattu la révolution aux dépens de la province du Hainaut qui, se jetant la première dans la révolution a sacrifié à la Belgique ses affections pour la France, ses intérêts matériels, la plus belle de ses industries" (148).

"On a cru trouver une espèce d'excuse, déclare de Puydt, en alléguant d'une part la perte des débouchés des produits de Liège par l'effet de la guerre avec la Hollande et d'autre part les avantages qu'aurait obtenus le Hainaut depuis plusieurs années par l'établissement de divers canaux... Le Hainaut fournissait aussi 1500 à 1600 bateaux de charbon à la Hollande. Il ne fournit plus rien... Liège a toujours été mieux favorisé que Mons. Avant que l'on creusât dans le Hai naut les canaux artificiels qui existent aujourd'hui, le district houiller de Liège était traversé par un-grand fleuve navigable, qui facilitait ses relations avec la France et avec la Hollande. Et pendant que les canaux du Hainaut étaient en construction aux frais, risques et périls de l'industrie particulière, le gou vernement faisait construire aux dépens du trésor le canal de Maestricht à Bois- le-Duc" (149).

"Les industriels des arrondissements de Mons et de Charleroi n'admet tront pas, dit Gendebien, que le gouvernement substitue ses armes, le Trésor pu blic, aux armes de leurs adversaires en industrie" (150). "La province du Hainaut se séparera plutôt de la Belgique que de souffrir une telle iniquité" (151).

Considérant que le mode de concession est le seul capable d'assurer l'exécution du chemin de fer dans l'ensemble du pays, De Puydt et Gendebien -

Corbisier est absent - combattent vainement la construction et l'exploitation du réseau ferroviaire par l'Etat, qu'approuve le 23.3 la Chambre par 55 voix contre 35 (152). Ch.12 256

Impuissants à obtenir le rejet de la loi, De Puydt et Gendebien pro posent et font adopter par la Chambre, des amendements, promettant un embranche ment vers le Hainaut (153) ou, à défaut de celui-ci, une adaptation des péages des voies navigables utilisées par les bassins hainuyers, au tarif appliqué par le chemin de fer à celui de Liège (154). Sans interruption jusqu'en 1840, les dé putés montois réclament la prompte exécution de la ligne du Hainaut (155).

Présentant comme inutile 1'exécution du canal de Bossuyt à Courtrai, Dolez et Sigart se battent en 1839-1840 en faveur de l'adoption par la Chambre du projet de loi sur l'Espierre (156).

Contrairement à Lange et à Sigart, satisfaits de la compensation of ferte au Borinage par la concession du canal de la Trouille, Dolez, qui est lié aux embranchements du canal de Charleroi, s'oppose en 1845, en invoquant l'inté rêt du Trésor, à l'exécution du chemin de fer de Manage à Mons (157). Il est l'au teur de l'amendement souscrit par Dechamps et rejeté par Bischoffsheim;, à l'ori gine de l'inexécution du canal de Mons à la Sambre (158).

b) 1847 - 1852

Dolez, Lange et Sigart sont reconduits lors des élections du 8.6.1847, avec la bénédiction de l'Association libérale constituée un an plus tôt. Un poil a désigné en son sein, le 14.5, ch. Rousselle, pour occuper le quatrième siège qui vient d'être attribué à l'arrondissement de Mons (159). L'ancien fondé de pouvoir d'Honnorez, toujours intéressé dans diverses voies navigables belges et françaises, âgé à cette époque de 60 ans, préside depuis 1843 le Conseil provin cial du Hainaut. Son élection n'est plus contestée.

M. Demelin-Zoude, bourgmestre de Sirault se présente en concurrence avec Lange. Combattu par le Modérateur ainsi que par 1'Indépendance, qui le pré sentent comme candidat du ministère et du clergé (160), il bénéficie de l'appui déguisé de la Gazette de Mons officiellement ralliée pourtant en sa qualité de feuille libérale au choix de l'association montoise. Annonçant sa candidature le

27 mai et déclarant le 29 qu'elle est soutenue "extra muros" par les électeurs des campagnes et le Journal des propriétaires et des agriculteurs, la Gazette publie le 1.6, une lettre dans laquelle Demelin-Zoude, se proclamant libéral, dé claré avoir pour seule ambition de mieux représenter à la Chambre "la partie é- clairée des populations des campagnes trop souvent oubliées", avant d'annoncer le 6.6 qu'elle adopte à l'égard des deux candidats la plus stricte neutralité (161). Lange l'emporte le 8.6 par 837 voix contre 364 à Demelin-Zoude. Ch.12 257

Abaissant le cens électoral à son minimum constitutionnel, la loi du 12.3.1848 crée dans l'arrondissement pas moins de 1200 nouveaux électeurs.

Réunie en assemblée électorale, l'Association libérale se prononce, lors du poil du 5.6, en faveur de la réélection des quatre députés sortants. Refusant de se soumettre à ce choix, émis par une soixantaine d'électeurs (162), Ch. de Royer, vice-président, bourgmestre de Dour, conseiller provincial et frère du sénateur, maintient sa candidature et démissionne de l'Association (163). Tandis que le Modérateur recommande à ses lecteurs de voter en faveur des candi dats de cette dernière (164), la Gazette appuie l'élection de de Royer (165) qui l'emporte le 14.6 par 891 voix contre 813, sur Sigart, victorieux dans la ville de Mons mais distancé largement par son concurrent dans les cantons de Boussu, Dour, Lens et Pâturages. Aucune mention n'est faite en 1847 comme en 1848 d'une intervention de la loge ou du Comité houiller.

A la Chambre, les députés montois sont très discrets en 1847-1852. Ils votent pour ainsi dire sans les discuter toutes les mesures proposées par le Gouvernement. Après un premier discours assez agressif, prononcé au lendemain de son élection le 5.7.1848, pour réclamer des économies (166), de Royér se calme, faisant même état le 19.1.1850 de sa satisfaction à leur sujet (167).

Les intérêts "moraux" ne passionnent pas lés parlementaires montois. Dolez est seul à prendre la parole en 1850 pour défendre le projet de loi sur l'enseignement moyen. Il n'y a pour lui aucun doute quant au droit et au devoir qu'a l'Etat, en vertu de la .Constitution, d'organiser son propre enseignement. "On prétend, dit-il, que le projet est inspiré au gouvernement et à ses défenseurs par je ne sais quelle sorte de vertige contre le sentiment religieux. Si ce repro che était fondé, nul ne combattrait le projet plus vivement que moi. Car nul plus que moi n'est convaincu que l'enseignement moyen ne peut pas être complet, qu'il ne peut être satisfaisant, exempt de dangers s'il n'est essentiellement moral et religieux. L'instruction religieuse, qui doit apprendre à l'enfant à côté de ce qu'il doit à Dieu, ce qu'il doit aux autres hommes", Dolez la considère "comme indispensable dans l'enseignement moyen, qui saisit l'adolescent à cette époque de la vie où le sentiment religieux doit se fortifier dans son coeur. Ce n'est pas en adversaire du sentiment religieux, mais en homme qui, comme père de famille et comme citoyen, fonde sur celui-ci ses croyances les plus vives et ses plus chères espérances, qu'il défend le projet" (168).

Une déclaration de ce genre est exceptionnelle. Dolez, Lange, de Royer Ch.12 259

térêts du Trésor, déclare Dolez (172), j'imite le chien de la fable qui, chargé de garder le dîner de son maître, finit par y prendre part quand il le voit livré au pillage".

"La vallée de l'Escaut, la vallée de la Dendre sont-elles moins dignes de la sollicitude du gouvernement que celle de la Meuse", demande Rousselle à la Chambre le 18.8.1851 (173). "Pourquoi le Hainaut aurait-il moins de droits que Liège! La législature belge ne peut admettre que l'on fasse un emprunt considéra ble sur lequel un seul centre producteur prendrait immédiatement tout ce qu'il lui faut pour commencer et parachever l'ouvrage qui l'intéresse tandis que pour les autres on ébaucherait à peine les améliorations dont ils ont également besoin, en en abandonnant l'exécution à toutes les incertitudes de l'avenir. Le projet pour la vallée de la Meuse a pour but d'améliorer la navigation depuis le bassin de Chokier jusqu'à l'origine du canal de Liège à Maestricht, de donner à cette partie du fleuve le même tirant d'eau qu'au canal. Il est question de faire un vaste bassin de la traverse de la ville de Liège. On trouve dans l'estimation des travaux une somme de près de 2 millions pour la construction de murs de quais. Par ce projet, on sublève entièrement au compte de l'Etat les exploitants du bassin houiller de Liège des dépenses que devrait leur occasionner le transport des houil les depuis le carreau des fosses jusqu'à l'origine du canal de Maestricht. Dans la province du Hainaut, cela ne se fait point ainsi. Les exploitants doivent y supporter tous les frais de transport depuis la fosse jusqu'à la voie navigable ou le chemin de fer qui doit livrer leurs produits à la consommation. Les embran chements par eau ou par voie ferrée ont été construits par eux ou bien par conces sion et ils sont assujettis à un péage spécial qui vient s'ajouter au péage de la voie publique...Le projet de loi blesse la justice distribùtive et la prévoyance administrative en affectant immédiatement la plus grande partie de 1'emprunt de 26 millions aux travaux d'une seule province, tandis qu'il laisse exposés aux in certitudes dé la réunion des capitaux et de 1'avenir les ouvrages à exécuter pour les autres provinces".

"Depuis 1830, tandis que nos concurrents obtenaient successivement tout ce qu'ils demandaient, tout ce qui était de nature à nous nuire, rien de sé rieux n'a été fait pour nous, surenchérit Dolez (174). Deux voies seulement ont été créées en Belgique pour le transport des houilles que produisent les nombreu ses exploitations du Borinage. L'une, le canal de Condé, date de l'Empire. L'autre, le canal d'Antoing, est une création du royaume des Pays-Bas. La seule marque de bienveillance que la grande industrie du Borinage ait obtenue depuis 1830 des gouvernements qui se sont succédé est la réduction en 1831 par le Gouvernement Ch.12 259

térêts du Trésor, déclare Dolez (172), j'imite le chien de la fable qui, chargé de garder le dîner de son maître, finit par y prendre part quand il le voit livré au pillage".

"La vallée de l'Escaut, la vallée de la Dendre sont-elles moins dignes de la sollicitude du gouvernement que celle de la Meuse", demande Rousselle à la Chambre le 18.8.1851 (173). "Pourquoi le Hainaut aurait-il moins de droits que Liège! La législature belge ne peut admettre que l'on fasse un emprunt considéra ble sur lequel un seul centre producteur prendrait immédiatement tout ce qu'il lui faut pour commencer et parachever l'ouvrage qui l'intéresse tandis que pour les autres on ébaucherait à peine les améliorations dont ils ont également besoin, en en abandonnant l'exécution à toutes les incertitudes de l'avenir. Le projet pour la vallée de la Meuse a pour but d'améliorer la navigation depuis le bassin de Chokier jusqu'à l'origine du canal de Liège à Maestricht, de donner à cette partie du fleuve le même tirant d'eau qu'au canal. Il est question de faire un vaste bassin de la traverse de la ville de Liège. On trouve dans l'estimation des

travaux une somme de près de 2 millions pour la construction de murs de quais.

Par ce projet, on sublève entièrement au compte de l'Etat les exploitants du bassin

houiller de Liège des dépenses que devrait leur occasionner le transport des houil

les depuis le carreau des fosses jusqu'à l'origine du canal de Maestricht. Dans la province du Hainaut, cela ne se fait point ainsi. Les exploitants doivent y supporter tous les frais de transport depuis la fosse jusqu'à la voie navigable

ou le chemin de fer qui doit livrer leurs produits à la consommation. Les embran chements par eau ou par voie ferrée ont été construits par eux ou bien par conces sion et ils sont assujettis-à un péage spécial qui vient s'ajouter au péage de la voie publique...Le projet de loi blesse la justice distributive et la prévoyance administrative en affectant immédiatement la plus grande partie de l'emprunt de 26 millions aux travaux d'une seule province, tandis qu'il laisse exposés aux in certitudes de la réunion des capitaux et de l'avenir les ouvrages à exécuter pour

les autres provinces".

"Depuis 1830, tandis que nos concurrents obtenaient successivement tout ce qu'ils demandaient, tout ce qui était de nature à nous nuire, rien de sé rieux n'a été fait pour nous, surenchérit Dolez (174). Deux voies seulement ont été créées en Belgique pour le transport des houilles que produisent les nombreu ses exploitations du Borinage. L'une, le canal de Condé, date de l'Empire. L'autre, le canal d'Antoing, est une création du royaume des Pays-Bas. La seule marque de bienveillance que la grande industrie du Borinage ait obtenue depuis 1830 des gouvernements qui se sont succédé est la réduction en 1831 par le Gouvernement Ch.12 260

provisoire du péage sur le canal d'Antoing. Depuis lors rien n'a été fait". "Ce que le bassin de Mons demande, dit Dolez, c'est un canal qui opérerait sa jonction à l'Escaut par la vallée de la Dendre. Projeté depuis 1723, il a été promis en 1845 au Borinage en compensation du tort que devait lui causer le che min de fer de Manage. Ce dernier est fait et exploité. Mais la compensation, le canal de la Dendre, le Couchant de Mons l'attend encore". Dolez conclut sur une note réunioniste: "Un intérêt politique important, sérieux s'attache, dit-il, à la situation qu'on a faite au Couchant de Mons. Est-il prudent, est-il sage de pousser cette industrie, en lui fermant ses débouchés en Belgique, à devenir com plètement française? Il est temps qu'on prenne garde à ce que l'industrie montoise reste belge".

La Section centrale de la Chambre, chargée de l'examen du projet de loi de travaux publics, est amenée lé 29.7.1851, à discuter la question de la ga rantie d'intérêt de 4% sollicitée, avec l'appui des exploitants charbonniers bo rains, par Dubois-Nihoul, concessionnaire du canal de Jemappes à Alost. Rousselle est le seul député montois à en faire partie. Intéressé, semble-t-il, dans le projet concurrent - la canalisation de la Dendre complétée par un canal joignant Ath à Blaton - Rousselle, hostile à la demande de garantie d'intérêt, parvient à la faire rejeter par la Section centrale, qui se rallie, sur ses instances, à un subside de 500.000 f en faveur du projet concurrent. Aucun des députés montois ne dépose d'amendement en faveur de la garantie d'intérêt réclamée par Dubois-Nihoul, au cours de la discussion, qui se prolonge à la Chambre jusqu'au 24.8.1851.

L'adhésion des parlementaires montois au projet de travaux publics est finalement négociée dans le cabinet du ministre des Finances. Comme H. Dolez menace de démissionner en cas de refus, Frère-Orban concède une réduction de 60% - 10% en plus que celle proposée initialement par le gouvernement - des péages sur le canal d'Antoing. Un scénario est mis au point: Rousselle réclamera 80%; il se heurtera, à la Chambre, au refus du ministère qui se ralliera aux 60% avancés comme compromis par Dolez. Ce qui a effectivement lieu le 28.8.1851 (175).

De nouvelles élections doivent avoir lieu le 8.6.1852. Elles précèdent de quelques semaines la crise politique provoquée par les difficultés surgies lors des négociations douanières franco-belges. Engagées en février, celles-ci n'abordent qu'à la fin juin la question brûlante du régime des zones et ne consti tuent que très indirectement la toile de fond de ces élections.

Le 20.4.1852, Dolez annonce sans la motiver, sa décision de se retirer Ch.12 261

de la vie politique. Sigart, le député évincé en 1848 par de Royer, fait savoir le 6.5 par une lettre aux électeurs, qu'il brigue sa succession. Le Modérateur

et la Gazette accueillent favorablement la nouvelle.

Cette dernière propose aussi le remplacement de Rousselle, l'un dés parlementaires sortants, par Emile Laubry, avocat à la Cour d'Appel de Bruxelles

et lié, semble-t-il, au groupe Rothschild. Déjà candidat en 1848, il est origi naire de Mons où il possède certains biens fonciers.

La Gazette reproche à Rousselle d'avoir, dans l'affaire du canal de la Dendre, "pour dés motifs à lui connus, substitué ses propres voeux à ceux una nimes du Couchant de Mons, prêtant son appui au canal de Blaton à Ath, un contre- projet qui rendait irréalisable le souhait exprimé par les extracteurs. Comment, se demande le journal, nos exploitants pourraient-ils lui confier encore la défen se de leurs intérêts? En se séparant de Dolez et de Lange, il a fait perdre à la représentation de l'arrondissement l'influence qu'elle eût exercée sur les déci sions du ministère en agissant ensemble. Il a par cette division jetée dans les esprits, fortifié le gouvernement dans sa décision première de ne pas nous accor der ce que nous lui demandions. Il n'est plus digne de représenter l'arrondisse ment". Mettant en exergue l'appui apporté à Rousselle par le Journal de Bruxelles et par l'Emancipation, elle s'attache à le présenter sinon comme un clérical, du moins comme "quelqu'un qui sait nager entre deux eaux, qui n'est ni libéral, ni catholique, qui est tout ce qu'on voudra..." (176)

Ce que la Gazette cache, c'est que le canal de Jemappes à Alost a per du toute actualité. Au coeur du débat du jour se trouve une double rivalité. Le groupe Rothschild et la Société Générale sollicitent en concurrence la ligne

Mons - Haumont, ainsi que le monopole du trafic ferroviaire entre le Borinage et

le bas Escaut. Le 8.5.1852 a été constituée à Bruxelles, à l'initiative de J. Malou, la Société de chemins de fer de Dendre-et-Waes et de Bruxelles vers Gand par Alost, à laquelle la Générale est étroitement associée. L'Etat qui se réserve l'exploitation des lignes qu'elle s'est engagée à construire, lui abandonne l'un des deux millions déposés jadis à titre de cautionnement par l'ancienne société de la Dendre ainsi que 75% du produit des transports expédiés entre Ath et Lokeren

dans la direction de Gand et d'Anvers.

Très hostile à Dendre-et-Waes, la Gazette préconise un parcours con current (Delaveleye - Moucheron) patronné - tout l'indique - par les Rothschild, reliant en ligne droite Saint-Ghislain à l'agglomération gantoise. Son apparition Ch.12 262

suscite un troisième projet (Hoyois - Hertogs), joignant Thulin à Gand par Bernis- sart, Blaton, Leuze, Renaix et Audenaerde, moins préjudiciable à Dendre-et-Waes et sauvegardant, à l'inverse du projet Delaveleye - Moucheron, les intérêts im pliqués dans la canalisation de la Dendre et le canal de Ath à Blaton. Défenseurs de Dendre-et-Waes (la Société générale... ) et partisans du canal de Blaton (le "clan Rousselle"...) s'unissent pour combattre le projet Delaveleye - Moucheron.

Cette association explique la publication le 7.6.1852 d'une lettre rédigée par Corbisier et Sainctelette en faveur de la réélection de Rousselle à la Chambre. Elle est souscrite par les représentants de 21 charbonnages borains, soit par l'ensemble des houillères du bassin excepté le Grand Hornu (Rainbeaux, qui réside à Paris) et les Charbonnages belges (Rothschild).

"Par des insinuations malveillantes, écrivent Corbisier et Sainctelette à Rousselle, on cherche à déverser le blâme sur la manière dont vous avez rempli vos devoirs de représentant au point de vue du commerce et de 1'industrie de

notre district électoral. Un vif sentiment de gratitude nous impose de protester énergiquement contre ces injustes attaques. Votre conduite parlementaire vous as sure des droits incontestables à toutes nos sympathies. Nous espérons que les

électeurs vont bientôt vous conférer un nouveau mandat. Nous réunirons nos efforts pour faire triompher votre candidature" (177).

Le 8.6.1852, Rousselle est réélu à une large majorité, l'emportant

confortablement sur Laubry dans quatre des cinq cantons de l'arrondissement. Ils ne sont à égalité que dans le canton de Pâturages. Alors que Lange, populaire

dans la ville de Mons, et de Royer, toujours soutenu par les cantons de Boussu, Dour et Lens, sont reconduits sans difficulté, Sigart, lâché par une partie des électeurs du Borinage, doit abandonner à Laubry le mandat qu'il ambitionnait

d'hériter de Dolez.

c) 1852 - 1857

Les mois qui suivent les élections de juin 1852 ne sont pas vécus sans inquiétude par le Couchant de Mons. La souplesse et la volonté d'aboutir de de Brouckere, qui prend en novembre la tête d'un nouveau cabinet libéral modéré, évitent de justesse une guerre douanière avec la France, qui serait très préju diciable à l'industrie houillère boraine. Ratifié à une large majorité par les Chambres, le compromis négocié par le ministère gèle le dossier jusqu'en 1859.

Au cours de la crise politique, qui suit la démission du gouvernement Ch.12 263

Rogier - Frère, Van Hoorebeke, ministre des Travaux publics, tente une manoeuvre au profit du bassin du Centre ainsi, semble-t-il qu'à celui d'un groupe de finan ciers proches de la Banque de Belgique. Le Borinage, la Société Générale et le groupe Rothschild protestent violemment contre l'adjonction à la concession à de Wykérslooth de la ligne Manage - Erquelinnes,d'un droit de préférence qui loin d'assurer l'exécution du chemin de fer d'Haumont, tant demandé par le bassin de Mons, doit l'ajourner pour une période particulièrement longue, et ceci au moment même où la Société Générale et le groupe Rothschild se disputent pour le réaliser. La mobilisation qui suit cette décision, ainsi que la fusion des projets des deux groupes financiers précités contraignent le ministre à reculer et à négocier une formule satisfaisant l'ensemble des intérêts en présence.

Le dossier de la voie ferroviaire directe qui doit joindre le Couchant de Mons à l'agglomération gantoise, autre question préoccupant le Borinage, n'est abordé sérieusement par le gouvernement qu'en 1856, après qu'il ait demandé l'au

torisation aux Chambres de concéder un chemin de fer Luttre - Denderleeuw favo rable au bassin carolorégien. La concession provisoire à Maertens et Dessigny du

chemin de fer Saint-Ghislain - Gand est alors seulement soumise à la ratification

du Parlement.

Sur tous ces dossiers fort importants pour la région qu'ils représen tent, les députés montois s'abstiennent de donner leur opinion à la Chambre. S'ils le font, c'est généralement très tardivement pour faire part de leur satis

faction quant aux solutions intervenues. En aucun moment, par exemple, ils ne prennent publiquement position en faveur de l'un des tracés proposés pour la li gne directe destinée à joindre le Borinage au bas Escaut (178).

Jamais non plus, ils ne prennent la parole pour entretenir le Parle ment de l'enseignement moyen ou du temporel des cultes. Satisfaite de sa modéra tion, la droite contribue à la désignation de Rousselle à la vice-présidence de

la Chambre en novembre 1855 (179).

Lorsque de Royer annonce, à la veille des élections du 11.6.1856, son retrait de la vie politique, Corbisier propose de le remplacer par H. de Brouckere, le chef de cabinet qui en 1852-1854 a su négocier le compromis douanier

avec la France.

"On voulait, écrira la Gazette (180) introduire dans la députation de l'arrondissement un homme aux influences considérables et au talent supérieur, Ch.12 264

afin de subvenir à l'insuffisance de notre représentation." H. de Brouckere est en 1856 une des principales personnalités politiques du pays. Agé de 55 ans, il a derrière lui une longue carrière parlementaire, en tant que député de Roermond, puis de Bruxelles à la Chambre de 1830 à 1849, époque de sa nomination comme mi nistre d'Etat et comme envoyé extraordinaire en Italie près le Saint-Siège et les Cours de Turin, Florence et Naples. Il en revient en 1852 pour prendre pendant trois ans la direction d'un ministère. Juriste de formation, Conseiller à la Cour d'appel en 1831-1840, professeur à l'Université de Bruxelles depuis sa fondation en 1834, H. de Brouckere a encore été en 1840-1846, gouverneur des provinces d'Anvers et de Liège. Non éligible au Sénat, il est le frère de Ch. de Brouckere, bourgmestre et député de Bruxelles depuis 1848.

Appuyée par la quasi-totalité des houillères boraines, la candidature de de Brouckere est combattue par les Charbonnages belges, société patronnée par le groupe Rothschild, qui lui préfère Ch. Halbrecq, un avocat montois avec lequel elle est liée d'affaires (18-1).

Alors qu'Halbrecq est soutenu par le journal catholique l'Echo de Mons (182), de Brouckere, candidat de la Gazette, est appuyé par A. Hubert. Président du Conseil provincial, notaire à Baudour, homme de confiance du prince de Ligne, administrateur de charbonnages, cheville ouvrière du chemin de fer Hainaut-Flan- dres et lié à la brasserie Coppée, Hubert est un personnage très influent (183).

de Brouckere est aussi, à la veille de l'examen à la Chambre du tem porel des cultes, un candidat que les anticléricaux bruxellois recommandent aux suffrages des Montois, avec l'aide de l'Indépendance, de 1'Observateur et de la Gazette de Mons. "La question capitale dans laquelle l'avenir du pays est engagé, écrit la Gazette, est celle de la charité, de Brouckere est le chef du cabinet qui a présenté un projet libéral. Il nous importe de l'avoir à la Chambre lors de sa discussion" (184).

Cette réclame en faveur de de Brouckere s'accompagne d'une campagne

hostile à la réélection de Rousselle. On l'accuse d'avoir déserté l'opinion qui l'a envoyé à la Chambre. "Lui accorder son suffrage, c'est voter du même coup le rétablissement des couvents, remettre la bienfaisance publique aux mains des gens de mainmorte" (185). Sigart est proposé pour le remplacer.

Réfusant de s'associer au dénigrement dont est victime Rousselle, le Comité houiller le maintient sur sa liste, en échange, semble-t-il, de son enga- Ch.12 265

gement d'honneur de soutenir franchement et loyalement la candidature de de Brou ckere" (186). Ce que le Constitutionnel, organe du clan Rousselle, sans le com battre, s'abstient de faire.

Rousselle, "homme aux opinions modérées et indépendantes qui n'accepte aucune espèce de joug et se tient en.dehors des partis extrêmes" (187), est vanté par le catholique Echo de Mons "pour son indépendance et sa résistance aux ordres et aux menaces des pachas de la loge" (188).

Le 11 juin, alors que Laubry, non contesté, fait l'unanimité, Rousselle et de Brouckere passent à une faible majorité au premier tour. Renvoyé avec Sigart au ballottage, Lange, député sortant, est réélu sans difficulté à la suite du dé sistement de son concurrent, membre comme lui de la loge montoise (189). Eliminé au premier tour, Halbrecq n'a fait de score significatif que dans le canton de Pâturages.

Au cours de sa première session parlementaire passée au service de l'industrie houillère montoise, de Brouckere prend à plusieurs reprises la parole pour assurer, en compagnie de Laubry, la défense des intérêts charbonniers borains, contribuant par exemple activement au rejet en mars 1857 par la Chambre, de pro positions tendant à supprimer ou à limiter à 83 centimes par t les droits d'entrée sur les houilles étrangères (190).

Le 27 mai 1857, alors que de Brouckere, Laubry et Lange s'associent à la gauche pour rejeter les principales dispositions du projet de loi sur les fondations charitables (191), Rousselle confirme les appréhensions des anticléri caux montois en apportant par sa parole et par son vote son appui à la droite (192),

d) 1857 - 1870

Le refus du gouvernement de dissoudre les Chambres après les événe ments de mai donne une valeur symbolique aux élections communales d'octobre. "La portée des prochaines élections, note la Gazette (193), c'est une lutte politique qui servira à constater la force respective des partis qui se disputent la direc tion des affaires. Qu'on sache d'une manière officielle lequel des deux partis est entouré de la faveur publique... Des élections favorables au libéralisme se ront une protestation contre la loi des couvents...ce ne sera plus une manifesta tion tumultueuse, irrégulière comme celle que les excès des ultramontains ont pro voqué en mai, mais une manifestation légale établissant que si,.en droit, les Chambres représentent encore le pays, elles sont en fait repoussées par celui-ci". Ch.12 266

Donnant pour mot d'ordre l'élimination de "tout homme inféodé à la politique cléricale ou dont les antécédents ne donnent pas des gages suffisants au libéralisme" (194), la Gazette combat la réélection au Conseil communal de Ch. Picquet, "le chef du cléricalisme à Mons" (195), auquel est opposé Boulenger, notaire à Mons et vénérable de la loge (196). Prudent, Ch. Rousselle a annoncé le 12.9 qu'il ne se représentait pas (197).

"Picquet est, écrit la Gazette, l'incarnation vivante des principes de 1'ultramontanisme le plus pur,la personnification de la loi des couvents, le quêteur infatigable qui solicite partout en faveur des institutions monastiques. Toutes les pétitions, toutes les demandes de subsides en faveur des maisons pres- bytérales et conventuelles sont appuyées par Picquet. Picuet est l'homme qui dé sire le plus ardemment l'anéantissement de l'enseignement laïc. C'est en grande partie grâce à ses persévérants efforts que les écoles des Frères ignorantins se multiplient d'une façon effrayante dans le Borinage. Picquet est l'homme qui a voulu implanter à Mons et dans les environs l'institution des soeurs quêteuses. En qualité de protecteur patenté de toutes les institutions monastiques, il a adressé des circulaires aux administrations des communes des environs de Mons pour les engager à accorder aux petites soeurs la permission de quêter sur leur ter ritoire. Il sollicitait au profit des religieuses une dérogation aux règlements de police qui interdisent la mendicité. Picquet est l'homme qui a attaqué, après les journées de mai, notre bourgmestre et dont les accusations ont servi de base aux diatribes que 1'Ami de 1'Ordre et 1'Emancipation ont élevées contre notre premier magistrat..." (198).

Le 28.10, Boulenger bat Picquet par 509 voix contre 138 (199).

A Mons, les élections législatives du 10.12.1857 se déroulent calme ment. Impressionné par l'évolution des événements ainsi que par l'échec de Picquet en octobre, Ch. Rousselle démissionne à la mi-novembre, abandonnant son siège par lementaire à H. Dolez qui fait sa rentrée politique (200). Elu sans lutte en com pagnie des trois autres députés sortants, Dolez est désigné une semaine plus tard

à la vice-présidence de la Chambre.

Lorsqu'un cinquième siège échoit à l'arrondissement en 1859, l'Asso ciation libérale préfère le 3.6, par 124 voix contre 73 à J. Sigart, ancien dé puté, Ch. Carlier, un avocat de quarante ans, fils de F. Carlier, échevin de Mons.

Il est élu sans lutte. Ch.12 267

Lés cinq parlementaires sont reconduits sans la moindre campagne en 1861 et 1865 (201).

A propos de l'enseignement, du temporel des cultes ou des cimetières, les députés montois ne sont guère plus loquaces que précédemment. "Depuis ces dernières années, déclare Dolez à la Chambre le 25.11.1865 (202), je me suis com plètement abstenu de prendre une part active à vos débats politiques. Je reconnais, dit-il, qu'il y a dans notre situation intérieure quelquechose de fâcheux, quel- quechose de regrettable que je voudrais contribuer à voir disparaître. Nos dis cussions ont été souvent plus violentes qu'il n'eût été désirable, et c'est là peut-être l'explication du silence que j'ai souvent gardé. Souvent, dans nos dis cussions, on s'occupe trop de questions qui touchent plus ou moins directement à la religion. Le clergé y est trop fréquemment mis en cause. C'est une situation que je considère comme mauvaise parce qu'en définitive l'intérêt de la religion, c'est notre intérêt à tous, parce que la religion catholique est celle de la pres que totalité du pays. C'est donc un intérêt que je considère comme tenant au pays tout entier que celui de la religion catholique. Si jamais la religion catholique, qui est la mienne comme la vôtre, qui est celle de la presque totalité des mem bres de la gauche était réellement opprimée, je me joindrais à vous pour la dé fendre. Au point de vue religieux, je me crois aussi catholique que n'importe lequel des catholiques politiques" (203).

Impliqué en tant que bourgmestre d'Uccle dans l'affaire De Moor, Dolez s'abstient de prendre la parole lorsque celle-ci est évoquée à la Chambre en 1862, laissant à Carlier le soin d'y prendre sa défense (204). Déjà, en 1859, Dolez avait déclaré considérer comme inopportun l'examen de la question des cimetières par le parlement (205).

L'ensemble de la députation montoise s'oppose à la révision de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire ainsi qu'à la discussion de l'instruction obligatoire, en votant en janvier 1859, le dépôt au bureau de renseignements et non le renvoi au ministre de l'Intérieur d'une pétition de Saint-Josse-ten-Noode favorable à cette réforme. "L'immense majorité de la Chambre actuelle, déclare de Brouckere, auteur de la proposition de dépôt au bureau des renseignements, ne désire en aucune manière que le gouvernement vienne lui présenter un projet de loi ayant pour objet soit la réforme de la loi de 1842, soit l'instruction obli gatoire" (206).

Aucune allusion n'est faite à la question électorale par les parle- Ch.12 268

mentaires montois. Dolez est seul à l'aborder indirectement à l'occasion de la crise politique de 1863-1864. Dechamps s'est déclaré prêt à accepter le pouvoir sur la base d'un programme comprenant la réduction à 25 f du cens pour les élec tions provinciales, à 10 f de celui pour les élections communales. "Programme d'expédients et d'aventures, qui faisait bon marché de nos lois organiques, qui anéantissait le grand parti conservateur", clame Dolez à la Chambre. Nous opposant énergiquement à celui-ci, nous fûmes alors, dit-il les véritables conservateurs. Cette attitude fut ratifiée par le pays, qui nous rendit la majorité que nous avions perdue" (207).

Au cours de la crise, de Brouckere, mandé au Palais, a décliné la proposition que lui a faite le Roi de se charger de la composition d'une adminis tration nouvelle. Libéral lui-même, ayant soutenu le ministère depuis son entrée aux affaires, il n'aurait pu, a-t-il déclaré au Souverain, que poursuivre une po litique identique à celle du cabinet sortant (208).

En matière militaire, tous les députés montois n'apportent pas le même soutien au gouvernement. Si Dolez, de Brouckere, Lange et Carlier appuient par leurs paroles et par leurs votes l'extension donnée aux fortifications d'Anvers (209), Laubry la combat avec activité (210).

Les exploitants houillers montois se sont à cette époque ralliés, nous l'avons vu plus haut, à la suppression des articles du code pénal relatifs aux délits de coalition, leur préférant d'autres dispositions tout aussi efficaces, assurant le même encadrement ouvrier sans porter atteinte aux syndicats patronaux.

Carlier collabore activement, en tant qu'intervenant et rapporteur de diverses commissions, à la révision reprise par la Chambre, en 1860-1862, des titres du Code pénal applicables en matière de police ouvrière (211).

Deux initiatives du ministère conservent son actualité à la question des zones douanières jusqu'en 1858. A peu près à la même époque, le cabinet de mande à la Chambre de maintenir à 1 f 40 / t le droit d'entrée et d'abaisser de 6 f / t à 1 f 70 / t le droit de transit sur les houilles étrangères. Plusieurs députés s'empressent de réclamer leur libre entrée et transit, ce que les Montois parviennent avec d'autres à faire rejeter. L'argumentation développée par de Brouc kere, Dolez et Laubry est claire et nette. Comment pourra-t-on encore soutenir devant le gouvernement français le système des zones, une fois qu'on aura non seulement supprimé celui-ci en Belgique mais encore permis aux produits anglais d'éluder par une libération du transit, les barrières douanières existantes sur Ch.12 269

la frontière maritime de la France (212).

Même unité de vues aussi pour repousser, cette fois avec un demi-succès la réduction tarifaire demandée par les bassins du Centre et de Charleroi sur le canal de Bruxelles. Les députés montois se sont résignés à voter la diminution de 25% proposée par le gouvernement en refusant d'admettre (213) celle de 60% demandée avec l'appui des Bruxellois par leurs concurrents hainuyers ainsi que celle de 40% proposée par la Section centrale. Cette dernière est accueillie fa vorablement par le Parlement.

Dolez étaye son point de vue par une doctrine qu'il a déjà à maintes reprises évoquées à la Chambre. "Il ne faut pas trop médire du principe de l'é quilibre entre les différents bassins au nom duquel on veut les maintenir en pos session de leurs marchés habituels. Envisagé au point de vue de l'intervention de l'Etat dans la construction et l'exploitation des grandes voies de communica tion, cet équilibre est, dans certaines limites, une nécessité à laquelle aucun gouvernement n'échappera. Toutes les fois que l'on créera avec les deniers de tous un grand travail destiné à l'industrie, on devra tenir compte du préjudice que ce grand travail portera à d'autres industries et on devra chercher à le compenser. Nous ne demandons pas, déclare Dolez, des moyens artificiels pour maintenir notre position. Pourvu qu'on nous laisse en présence de la lutte légitime des intérêts privés, cette lutte nous ne la redoutons pas. Mais quand le gouvernement inter vient pour ménager les intérêts de Charleroi, nous avons le droit de réclamer qu'il maintienne les conditions qu'il nous a faites dans cet équilibre. Toutes les fois que le gouvernement intervient, il doit le faire en bon père de famille, de manière à ne froisser aucun des intérêts en présence, sans apporter de trouble ni de mécontentement au sein de sa famille"(214).

En matière de travaux publics, soulignent à plusieurs reprises les députés montois, le gouvernement n'a, si l'on excepte le chemin de fer de l'Etat,

rien fait depuis 1830 pour l'arrondissement de Mons. Pourquoi, demandent-ils, est-on plus sévère à l'égard de Mons que vis-à-vis du Luxembourg, de Liège,

d'Anvers, des deux Flandres... Pourquoi a-t-on deux poids et deux mesures ?

La situation du bassin de Mons est pourtant, disent-ils, des plus tristes, des plus déplorables. Il y a, sur les rivages, 3 à 4 millions d'hectoli

tres de houille. De mémoire d'homme, on n'a jamais vu un pareil stock! Bon nombre d'ouvriers sont dans la misère, ont peine à manger une fois par jour... Ch.12 270

f Il ne s'agit pas, poursuivent-ils, d'une crise momentanée, d'une cri se passagère mais le commencement d'une décadence qui,si l'on n'y porte pas remède ira croissant de jour en jour...

Ses principaux débouchés, disent-ils, lui échappent complètement ou vont s'amoindrissant, se rétrécissant de jour en jour, en raison du traité franco- anglais qui lui a fait perdre définitivement le marché du littoral, en raison de l'énorme développement du bassin du Pas-de-Calais qui, non content d'exploiter à peu près seul les contrées qui l'environnent, s'implante, à la faveur des facili tés apportées à son introduction en Belgique (droit d'entrée d'1 f / t, suppres sion du péage de 2 f / t à l'écluse de Comines), de plus en plus dans la Flandre occidentale, en raison enfin des voies de communication et des avantages tari faires qui ont ouvert aux autres bassins belges des régions réservées jusque-là au seul bassin montois.

Ce que les exploitants du Couchant de Mons réclament unanimement, dé clarent les députés, c'est un seul et même remède: un canal se dirigeant directe ment vers la Dendre, rendue navigable jusqu'à Termonde. Le centre de leurs mar chés intérieurs serait ainsi atteint au terme d'un parcours abrégé de 115 km! (215)

Lorsqu'il présente en juillet 1859 un projet de travaux publics évalué à quarante-cinq millions de francs, le gouvernement demande à la Chambre, l'auto risation de concéder un canal joignant Ath à Blaton ainsi que celle de subsidier jusqu'à concurrence de deux millions cinq cents mille francs l'amélioration de la

Dendre. Ce que le Parlement-adopte, après avoir voté un amendement de Carlier permettant au canal d'aboutir non seulement à Blaton mais aussi au Borinage.

Aucune solution n'est donnée au dossier jusqu'en 1862. Aux députés montois qui viennent périodiquement aux nouvelles le ministère répond que la ques tion de l'amélioration de la Dendre est toujours à l'étude ou qu'aucun candidat- concessionnaire sérieux ne s'est encore présenté. Tout change lorsque, en juin de cette année, la maison Riche frères se déclare disposée à exécuter au départ de Jemappes la voie demandée à la condition de bénéficier pendant cinquante ans d'une garantie d'intérêt de 4%. Rejetant cette proposition, le gouvernement con cède en décembre, sans garantie d'intérêt, le canal de Blaton et la canalisation de la Dendre à la firme Vander Elst et Cie, patronnée par la Banque de Belgique.

Lors du débat à la Chambre les 30.7 et 1.8.1862, de Brouckere et Laubry interviennent en faveur du projet de Jemappes, demandant sa construction Ch.12 271

par l'Etat en cas de rejet de la garantie d'intérêt. La position de Dolez est plus ambiguë. Concédant que l'industrie du Couchant de Mons demande avant tout l'exécution du canal de Jemappes à Ath, il rappelle l'existence du projet concur rent de Blaton qui ne doit, dit-il, rien coûter à l'Etat. Sans prendre davantage parti, il insiste avec Carlier, qui ne précise pas pour le reste sa pensée, pour que le gouvernement prenne une rapide décision (216).

La députation montoise est divisée en 1864-1866 sur l'affaire du che min de fer Saint-Ghislain - Frameries. Alors que Dolez et Lange s'abstiennent de se mêler au débat (217). Laubry soutient la demande de concession d'Hainaut- Flandres tandis que de Brouckere et Carlier appuient l'extension de concession sollicitée par la Compagnie du Flénu.

Laubry, qui n'éprouve pas de sympathie particulière pour Hainaut- Flandres (218), s'affirme a cette occasion, à la Chambre, comme le porte-parole des charbonnages indépendants de la Société Générale, réclamant en leur faveur "le plus d'avantages possibles" (219).

"L'utilité publique d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Frameries n'est pas contestée, déclare-t-il à la Chambre. Deux demandeurs en ont sollicité la concession: la société Hainaut-Flandres et la Société du haut et du bas Flénu..

La Chambre, pas plus que le gouvernement n'ont à s'occuper de l'intérêt privé de ces compagnies. Ce qu'il faut considérer, c'est l'intérêt public. Il est de l'in térêt public d'obtenir les transports aux meilleures conditions. Depuis longtemps, on se plaint, dit-il, de la hauteur des péages perçus sur le Flénu, on les signa

le comme une des causes de l'infériorité de notre bassin vis-à-vis de ceux du Centre et de Charleroi, dont les charbonnages sont presque tous reliés aux voies navigables par des chemins de fer particuliers sur lesquels ils paient de 20 à 25 centimes de moins que sur les chemins du Flénu. De grands intérêts sont en cause. Vous connaissez l'état précaire où se trouvent les charbonnages du Couchant. La plupart ne font que peu ou pas de bénéfices, ne donnent rien, absolument rien à leurs actionnaires, précisément à cause des gros péages qu'on leur fait subir.

Le chemin de fer de Saint-Ghislain à Frameries n'est favorable au Couchant de Mons que si la concession en est donnée aux conditions proposées par la Compagnie Hainaut-Flandres. Dans le cas contraire, elle serait préjudiciable aux intérêts du Borinage" (220).

En compagnie de Orts, Laubry combat au début du mois d'août 1865 le Ch.12 272

gouvernement lorsque celui-ci propose d'accorder au Flénu l'extension de conces sion demandée. "Celle-ci est, dit-il, très contestée. Il y a autour d'elle beau coup de bruit. Le sentiment public s'est ému. Les délégués de la majorité des charbonnages ont supplié la Chambre de vouloir ordonner que cette concession fut mise en adjudication publique. Leur demande a été appuyée par plusieurs communes du Borinage ainsi que par le Conseil provincial du Hainaut. L'industrie houillère du Couchant de Mons n'est pas heureuse aujourd'hui. Elle a besoin pour se soute nir d'obtenir la réduction dans les frais de transport qu'on lui offre. Et le gou vernement s'oppose à ce qu'on la lui accorde!" (221)

Ce combat n'est pas vain. L'ajournement de la discussion du projet de loi à la session suivante, ajournement proposé par Laubry et Orts, est, en dépit des protestations de Carlier, voté le 2 août par la Chambre (222), à la faveur d'un rebondissement de dernière minute: l'annonce, contestée par plusieurs inté ressés, de la renonciation d'Hainaut-Flandres à sa demande de concession.

La Chambre ne procède à un nouvel examen de la question que le 20.4.

1866 sur motion de Carlier. En l'espace de neuf mois le dossier a évolué. Tandis que la Compagnie du Flénu a été reprise à la Société Générale par Philippart et la Banque de Belgique, une demande de concession concurrente a été introduite par Imbault, Dessigny et Drion, les représentants de plusieurs charbonnages grou pés au sein d'une nouvelle Association houillère. Avant et après sa reprise par Philippart et la Banque de Belgique, le Flénu a annoncé diverses réductions tari faires qui n'ont pas satisfait les houillères indépendantes de la Générale.

Défendu par le ministre des Travaux publics que viennent appuyer Car lier et de Brouckere, le projet de loi concédant au Flénu la ligne Saint-Ghislain - Frameries est voté le jour-même par la Chambre par 70 voix et 3 abstentions. Gravement malade - il décède le 31 mai - Laubry n'assiste pas à la séance.

Carlier s'est opposé avec succès à l'adjudication publique proposée par Orts, en la présentant comme contraire aux voeux des compagnies houillères les plus importantes du Bassin. "Dans la discussion entamée au mois d'août de même que dans la séance d'hier, déclare-t-il, Orts s'est complu à se dire l'organe de tous les exploitants du Flénu, de tous les consommateurs en relations avec ce bassin charbonnier. Il a été victime d'une illusion. Représentant de Mons, je suis l'organe de la majorité des intérêts engagés dans la question. Elles livrent 1.166.000 t tandis que leurs adversaires n'expédient que 813.000 t; elles emp- ployent 9108 ouvriers tandis que les autres n'en font travailler que 6740. C'est Ch.12 273

à la minorité que Orts a prêté son concours. Il disait hier qu'il était l'inter prète de 10, 15, 20 et 25 charbonnages. Il faut en rabattre. Les pétitions rédi gées par les adversaires de la Société du Flénu portent une vingtaine de signa tures. Mais il faut en déduire un quart provenant des directeurs d'exploitations qui ont toujours été et resteront toujours étrangères au chemin de fer du haut et du bas Flénu et qui n'ont dès lors aucune raison de s'immiscer dans cette affaire.

Il faut en biffer deux ou trois qui représentent des charbonnages qui n'existent plus ou qui n'existent pas encore. Il faut noter que le trafic de quelques autres est tellement insignifiant que sur un mouvement total de 2.000.000 t, il ne s'é lève qu'à 7, 8 ou 10.000 t par an. Ces pétitions n'intéressent en réalité que quelques sociétés d'une véritable importance. Orts a parlé en leur nom. Mais que sont-elles relativement aux compagnies dont je suis l'organe? (223)

de Brouckere auxquels s'associent occasionnellement Carlier, Lange et Laubry, se pose à la Chambre en 1860-1865 comme le défenseur de l'industrie de la betterave sucrière, que menacent divers accords douaniers internationaux ainsi qu'une réforme des accises corrélative à la suppression des octrois. Domi nant parfaitement une matière des plus techniques, il parvient à faire adopter divers amendements en sa faveur par le Parlement (225).

Il est question en juillet 1863 à Mons de la candidature de Ch.Rogier, ministre des Affaires étrangères. Rogier, qui a tenté sans succès de ravir en juin 1861 à Dechamps son siège à Charleroi, ne peut plus se présenter à Anvers en raison du succès qu'a remporté l'opposition aux fortifications. Il vient d'é chouer lamentablement, le 9 juin 1863, à Dinant.

Quelques personnalités libérales locales font pression sur Lange, âgé à cette époque de 75 ans, pour qu'il cède sa place au chef du gouvernement. Ce que Lange refuse catégoriquement de faire. Rogier est élu en septembre à Tour nai où Dupret démissionne à la mi-août en sa faveur.

Lancée semble-t-il par la loge (226), l'idée d'une candidature à Mons de Rogier n'a pas rencontré - tout l'indique - la sympathie des patrons charbon niers. N'ont-ils pas toujours eu avec le ministre et tout récemment encore en 1861, des relations difficiles. Selon le Journal du Hainaut, ils "ont même chanté, dans la joie commune, sa défaite dinantaise se rappelant le sacrifice de l'industrie houillère dans la longue liste des traités conclus par le ministre des Affaires étrangères ainsi que la fin de non-recevoir si dédaigneusement infligée à la de mande de leurs représentants d'un canal tant de fois promis et annoncé et tant de Ch.12 274

fois renvoyé aux calendes grecques comme tous les projets susceptibles de favori ser leur industrie et leur commerce, n'ayant pas le bonheur, comme la légion dé bonnaire des votants de Frère, de pouvoir réclamer le bénéfice de "Terre de Liège"

(227)".

Laubry meurt le 31.5.1866, à la veille des élections du 12 juin. La Gazette et l'Organe sont unanimes à recommander A. Dethuin pour lui succéder. Candidat de la loge dont il fait partie depuis 1864, Dethuin, âgé de 31 ans, élu le 27.5, conseiller provincial, est le fils du notaire D. Dethuin, bourgmestre de Mons depuis 1849. Populaire et fortuné, ce dernier, gravement malade, vient de céder son écharpe maïorale à F. Dolez. "Invoquant son ignorance des antécédents du débat engagé, Dethuin fils déclare formellement ne pas vouloir prendre posi

tion dans l'affaire du Flénu" (228).

L'Association houillère - les charbonnages indépendants et opposés à

la Société Générale dans l'affaire du Flénu - combat, avec l'appui de l'Organe, la réélection de de Brouckere et de Carlier, proposant leur remplacement par A. Hubert et par J. Gillion-Dupriez. Président du Conseil provincial, Hubert, inté ressé dans plusieurs charbonnages du Borinage, est avec Imbault, Dessigny et Drion un des chefs de file de l'Association houillère et l'âme de la lutte, menée contre la Générale et la Société du Flénu. L'Association houillère a initialement joint la candidature de Ch. Halbrecq à celle d'Hubert. Lié aux Charbonnages belges, société patronnée par le groupe Rothschild, Halbrecq s'est désisté lorsqu'il a appris "que des bruits avaient été répandus sur son compte le réprésentant comme inféodé au cléricalisme, ne voulant pas compromettre le succès de la liste. Le •comité de l'Association houillère, sachant que les campagnes désiraient avoir un représentant capable par ses connaissances de défendre les intérêts agricoles, a fait choix de Gillion-Dupriez" (229). Agé de 50 ans, Gillion-Dupriez, à la tête d'une importante exploitation agricole de la région montoise, fait partie depuis 1860 du Conseil provincial ainsi que de la Commission provinciale d'Agriculture. Ses succès remportés lors de concours de tirs à la cible lui ont valu une certaine

notoriété. La liste de l'Association houillère - Hubert et Gillion-Dupriez, aux quels elle ajoute Dethuin, Dolez et Lange - est soumise à l'approbation d'une as semblée de notables ruraux, invités le dimanche 3.6 à l'Hôtel de Bavière (230).

"Le Borinage doit lutter, déclare l'Organe, pour affirmer solennelle ment sa ferme volonté de faire respecter à l'avenir ses droits et de défendre ses intérêts contre toute oligarchie financière...de Brouckere et Carlier n'ont pas été à la Chambre les représentants de l'arrondissement de Mons. Ils y ont été les Ch.12 275

défensseurs zélés de la Société Générale. Rien de plus...Ce sont incontestablement des hommes de talent. Mais cela nous intéresse fort peu puisque ce talent n'est pas mis au service de notre district. Ce talent nous est même nuisible puisqu'il est exclusivement employé à contenter certains personnages..." (231).

"En proposant la lutte, les adversaires de de Brouckere et de Carlier ne font preuve, précise l'Organe d'aucune hostilité envers le ministère. "Sa po litique, quoique marquée parfois du cachet de la timidité a, dit-il, toutes nos sympathies...Nous avons toujours été un de ses amis les plus dévoués. Nous restons tels... Nous combattons certains des députés sortants non comme amis du ministère mais au point de vue des intérêts matériels qu'ils n'ont point voulu défendre, alors qu'ils avaient pour mission de le faire... Si nous provoquons la lutte, ce n'est point par esprit d'opposition au gouvernement, mais pour soustraire notre district à l'influence pernicieuse de la Société Générale... Ce n'est pas une é- lection politique que l'arrondissement de Mons va faire. Il va remplacer des li béraux par des libéraux...Aucune question politique n'est ici en jeu ...Il s'agit purement et simplement d'une lutte entre libéraux à propos d'une question d'inté rêts matériels. On ne vit pas seulement de politique" (232).

La loge combat avec l'Organe et l'Association houillère la réélection de de Brouckere, jugé trop conservateur. Disposant depuis peu d'une feuille de propagande, le Phare du Hainaut (233), elle exclut de sa liste Dolez auquel elle reproche de "pourchasser les avancés à Bruxelles" (234). Elle se rallie, après quelques hésitations et dans la désunion à la candidature de Hubert (235).

Elle est, semble-t-il, à l'origine des deux meetings organisés à Mons, au "Château des Fleurs", rue de Nimy, les 9 et 11.6.1866 par un comité, composé de G. Fauconnier, J.B. Huriau, A. Lescarts, E. Cousin-Du château et A. Houzeau de

Lehaie. Environ 250 électeurs et non-électeurs, invités par voie d'affiches y par ticipent. Pour Fauconnier et Lescarts qui introduisent le 9 juin la réunion, l'é lection du jour doit se faire sur trois grandes questions: l'instruction obliga toire, la révision de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire et la réforme électorale. "Aux représentants, dit-il, à s'engager formellement au sujet de ces trois mesures, à dire non seulement s'ils les voteront mais encore s'ils ont l'in tention d'user de leur initiative parlementaire à l'effet de les obtenir". En l'absence des candidats, la poursuite de la réunion est reportée au dimanche sui vant. Le 11.6, Dolez, Carlier et Hubert sont dans la salle. Tout en se refusant à prendre le moindre engagement politique, Dolez et Carlier prennent la défense de de Brouckere, "invitant Houzeau, président de séance, à donner une forme pré- Ch.12 276

cise à ses récriminations, à spécifier ses griefs." Rejetant nettement la position qu'on veut lui faire, Dolez déclare qu'ayant toujours été d'accord avec ses col lègues, ayant toujours agi et voté comme eux, il entend n'en être pas séparé et être ou réélu ou éliminé avec eux. Promettant par contre de voter la révision de la loi de 1842 ainsi que "toute mesure propre à répandre l'instruction dans les masses". Hubert se déclare partisan de la gratuité de l'enseignement, en faisant toutefois des réserves quant à l'instruction obligatoire, "le parti libéral étant divisé à son sujet et ne sachant par quel moyen arriver à pouvoir appliquer un principe adopté par tous sans porter atteinte à la liberté des citoyens". Hostile au suffrage universel, il vante l'adjonction des capacités dans les "limites les plus larges possibles à l'époque actuelle" (236).

La défense de de Brouckere et de Carlier est assurée par la Gazette. Les charbonnages patronnés par la Société Générale ont songé à un certain moment proposer à Ch. Sainctelette pour la place laissée vacante par le décès de Laubry. Les cris de 1'Organe ainsi que l'accueil favorable réservé à la candidature de Dethuin les en ont dissuadés (237). Concentrant leurs attaques sur Hubert, ils le présentent comme un libéral "à la manière de l'ancien député Rousselle, votant à la Chambre avec la droite". Peut-on d'ailleurs, se demande la Gazette, se pré tendre libéral alors qu'on est lié à la maison de Ligne" (238). Dessigny et Imbault qui personnifient avec Hubert et Drion l'opposition à la Générale, sont aussi l'objet des foudres de la Gazette. "Dessigny, l'orateur le plus véhément, est un banquier, mieux connu par ses spéculations que par son dévouement aux intérêts généraux. Il ne s'en est jamais occupé. Si on le rencontre nécessairement chaque fois qu'il s'agit dans les environs d'une nouvelle voie de communication, c'est avant la mise en exploitation, mais non pas après. Il ne fait plus partie d'Hai naut - Flandres, qui lui a donné un certain renom, ayant vendu sa part dans la demande de concession pour 500.000 f. Un assez beau denier! Il n'est pas un ex ploitant charbonnier, tous ses intérêts houillers se résumant en quelquechose comme une demi taille à Belle-et-Bonne..." Quant à Imbault, "c'est un étranger, qui n'a pas à se mêler à la campagne électorale! Venu en Belgique pour faire les affaires de de Rothschild, qu'il s'occupe des mines de son patron et n'intervienne pas dans les luttes politiques!" (239)

Prétendant s'abstenir, les catholiques rejettent par la voix du Hai naut aussi bien Dethuin et les candidats de l'Association houillère que les dépu tés sortants. "Toute cette lutte électorale ne nous intéresse guère, écrit leur journal. Il n'en est pas un parmi tous ces parleurs qui ait le courage de reven diquer pour les catholiques comme pour les autres les libertés garanties par la Ch.12 277

Constitution. Pourquoi nous mêlerions-nous dès lors de la querelle? Les conserva teurs ne sont ici, dit le journal, que des spectateurs désintéressés,, mais qui trouvent très amusant le spectacle qui leur est offert...(128)".

"Quelque faible que soit notre appui, nous ne le mettrons pas au ser vice de la Gazette, poursuivent les catholiques. Nous ne contestons à nos honora bles ni le talent, ni le dévouement aux intérêts de l'arrondissement. Nous ne voulons pas dire que ce dévouement a été complètement désintéressé. Non, ils y ont gagné les premiers. Mais enfin, il n'est pas défendu, en soignant les intérêts des autres de veiller aux siens propres. Ce que nous leur reprochons, disent-ils, c'est d'avoir été sans interruption obséquieux, soumis à toutes les volontés de Frère-Orban, c'est de n'avoir jamais osé depuis 1857 résister en un seul point aux volontés de ce ministre absolu. En aucune circonstance, ils n'ont eu le cou rage de se séparer de lui. Leur conduite a été entachée de dépendance et de ser- vilisme. Lange a toujours voté contre nous. Dolez, avec des formes moins rudes, ne nous a pas été moins hostile. Dans les rares occasions où Carlier a pris la parole, il a presque toujours attaqué là droite et le clergé, de Brouckere depuis qu'il fait partie de la députation montoise ne s'est jamais séparé de ses collègues".

"Nous ne pouvons, dit le Hainaut, être sympathiques à Dethuin, qui se pose lui-même comme l'ennemi des principes religieux. Gillion-Dupriez n'est connu de nous que comme un excellent tireur. Quant à Hubert, son nom est synonyme de loyauté, de droiture, de hautes convenances. Mais 1'Organe l'a soutenu, l'a pré senté comme décidé à demander le retrait de la loi de 1842 et à voter toutes les lois les plus hostiles à la liberté religieuse, l'a proclamé l'adversaire de la Société Générale non pas seulement au point de vue des intérêts de l'industrie houillère mais encore au point de vue de l'instruction religieuse que cette so ciété a protégée depuis de longues années. Il y avait mieux à dire en sa faveur! (240)".

Le ministère appuie la réélection de de Brouckere et de Carlier, promettant, par exemple, à plusieurs bourgmestres invités par lui à Bruxelles, l'exécution prochaine, en cas de succès des deux députés sortants d'un chemin de fer vicinal de ceinture (241).

Le 12 juin, de Brouckere et Carlier sont reconduits. Boudé par la ville de Mons, Hubert, classé premier dans le canton de Pâturages, les a très lar gement distancés dans les cantons de Boussu et de Lens (242). Ch.12 278

Lange décède le 29.11.1869 à l'âge de 82 ans.

Depuis plusieurs années, son siège est ambitionné à la fois par Hubert, candidat de l'Association houillère et par Sainctelette, candidat des charbonnages patronnés par la Société Générale (243). Ils ne sont plus concurrents en décembre 1869. Succédant en octobre au Sénat, à Corbisier, démissionnaire, Hubert laisse la voie libre à Sainctelette qui est élu sans lutte le 16.12.1869. Gendre de Cor- . bisier, celui-ci est âgé de 44 ans. Avocat, il est depuis une quinzaine d'années le secrétaire de la Chambre de commerce et du Comité houiller. Représentant depuis 1852 le canton de Pâturages au Conseil provincial, il est depuis 1867, échevin de la ville de Mons.

La démission de Corbisier ainsi que l'élection d'Hubert et de Sainc telette procèdent, tout l'indique, d'une stratégie à laquelle se rallient les deux comités houillers. Après s'être entredéchirés pendant plusieurs années, ceux-ci se rapprochent au début de 1869. Ensemble, ils s'inquiètent des premières mani festations de l'Internationale et repoussent les revendications salariales pré sentées par les ouvriers lors de la grève d'avril. Ensemble, ils pétitionnent en faveur du maintien du livret ouvrier obligatoire. Ensemble, ils combattent pour engager le gouvernement à ne concéder la ligne Dour - Quievrain à Philippart qu'en échange d'avantages tarifaires substantiels.

Par d'activés démarches, Dolez, de Brouckere et Dethuin contribuent à la solution en 1869-1870 de l'affaire de la ligne Dour - Quievrain. Carlier et Lange restent étrangers à leurs efforts, le premier en raison de ses liens avec la Société Générale d'Exploitation, le second en raison de son âge et de son état de santé (244). Dethuin est seul à demander - assez tardivement ! - à la Chambre 1'exécution par la Société Générale d'Exploitation de la ligne Saint-Ghislain - Ath, concédée en 1856 à Hainaut - Flandres, à rappeler aussi au Cabinet le chemin de fer vicinal qu'il a promis en 1866 (245).

Sainctelette participe activement en 1869-1870 à la révision par le Parlement des articles du code de commerce applicables aux sociétés (246). Parti san convaincu d'une gestion publique des chemins de fer, il engage la Chambre à ratifier la reprise par l'Etat du réseau des Bassins houillers du Hainaut dont il est commissaire (247). Ce qui l'amène à insister sur la nécessité d'une amé lioration des voies navigables, indispensable correctif selon lui, d'un monopole ferroviaire gouvernemental (248). Ch.12 279

En aucun moment, les députés montois ne sont en 1866-1870, les inter prètes au Parlement du courant libéral qui réclame au gouvernement des économies, une réforme électorale ainsi qu'une radicalisation de ses politiques relatives à l'enseignement et au temporel des cultes (249)

La concurrence "progressiste" favorise le regroupement "doctrinaire" et "charbonnier" qui conduit en 1869 à l'élection d'A. Hubert au Sénat et de Ch. Sainctelette à la Chambre. Hubert n'accepte, nous l'avons vu, d'aller siéger au

Sénat qu'après l'annonce de la candidature sénatoriale de G. Wéry. Et il sait de puis juin que L. Defuisseaux est candidat à la Chambre (250).

Fils de l'ancien sénateur de Mons, Defuisseaux a 27 ans en 1869. Eta bli depuis 1862 comme avocat à Bruxelles, il est l'ami de P. Janson, avec qui il a gagné en 1867 le procès du journal Le Grelot (251). Suspecté d'avoir des sympa thies, voire d'appartenir à 1'Internationale, rendue par le patronat responsable de la grève d'avril, il n'a pas bonne presse dans les milieux charbonniers mon tois (252).

La cohésion retrouvée par le patronat charbonnier ainsi que la décon fiture électorale, le 28.10.1869, de Wéry (486 voix contre 1323 à Hubert!) dissua dent en décembre 1869, Defuisseaux de s'opposer à Sainctelette à l'occasion d'une élection partielle.

Lorsque Ch. Carlier démissionne le 15.4.1870 pour un motif d'ordre privé que nous n'avons pu éclaircir (253), personne ne manifeste l'intention de combattre M. Boulenger, beau-frère de S. Philippart, qui se met sur les rangs pour lui succéder.

L. Defuisseaux se présente en concurrence avec H. de Brouckere, député sortant. Candidat de l'Organe, de 1'Indépendance et de l'Etoile belge, il est ap puyé par un groupe d' "électeurs indépendants".

Animé par H. Bockstael, A. Lescarts et G. Fauconnier, trois avocats montois, ce groupe d' "électeurs indépendants", qui tient ses réunions au Café de l'Union à Mons et que soutiennent Garin et Wattecamps, deux des principaux hôte liers de la ville (La Couronne et le Duc de Bavière) ainsi que les notaires Lebrun de Lens et Mangin de Pâturages, s'est pour la première fois manifesté lors des élections communales d'octobre 1866, en organisant deux meetings au Château des Fleurs, l'ancien local de la société L'Harmonie, au cours desquels, en dépit de Ch.12 280

l'absence de lutté à l'égard des conseillers sortants, ont été exprimés, au nom "de la petite bourgeoisie et du petit commerce", des griefs ayant trait à la fis calité communale (254).

Sa première et seule victoire avant juin 1870, date de février 1868. Avec l'Organe, il oppose avec succès G. Fauconnier, avocat, et A. Debrissy, méde cin, "deux enfants du peuple" (225) à A. Grimard, avoué, et J. Putsage, négociant, candidats doctrinaires de la loge et de la Gazette. Un millier de personnes par ticipent, selon l'Organe, au meeting organisé le 16.2 au Château des Fleurs par H. Bockstael (256). Battant leurs concurrents de plus de deux cents voix, Fau connier et Debrissy sont élus avec l'appui des catholiques (257). "Ce résultat est une leçon, écrit l'Organe. Il prouve que quand les petits électeurs le vou dront - et ils le voudront désormais - ils imposeront leur volonté. Les petits électeurs sont le nombre et conséquemment la force quand ils le veulent. Que no tre petite bourgeoisie s'inspire de notre devise nationale!" (258)

Le soutien de la Gazette, de l'Association houillère (259), du Comité des fabricants de sucre (260) et du gouvernement (261) ne permettent pas à de

Brouckere de battre le 14.6.1870, Defuisseaux, qui le distance de plus de 700 voix en obtenant un résultat voisin de celui de Dolez et de Sainctelette.

Très hostiles à l'égard de de Brouckere, les catholiques ont contri bué à son échec. "Le chef de cabinet de 1852 a fait depuis douze ans litière de sa modération, écrit le Hainaut. Après avoir prêté la main au cabinet issu des émeutes de mai, il s'en est-constitué l'homme lige et l'âme damnée. Dans toutes les situations difficiles, il est venu à sa rescousse. Il n'y a pas de subtilité que son esprit retors n'ait mise en oeuvre pour le plus grand bien de la politique nouvelle... Toutes ces lois intolérantes, toutes ces mesures vexatoires où le mi nistère s'est épuisé contre nous depuis 1857, cet homme d'Etat les a approuvées, défendues, votées. Quel est le coup de parti, l'acte inique, la violence, l'ou trage dont sa conscience ne se soit pas accomodée et sur lesquels il n'ait pas opposé le sceau consécrateur de sa vieille modération? Oui, rien ne l'a révolté d'ans cette politique à outrance, qui nous a rendu étrangers dans notre pays et ennemis au milieu de nos concitoyens. Il a même souffert que l'on invoquât, à chacune de ses paroles et à chacun de ses votes les traditions de son passé et la notoriété de son esprit de justice, pour faire le procès à nos plaintes et nous dire à la face du pays: vous voyez bien que vos tapages sont ridicules et que les hommes modérés vous condamnent. Il nous a fait des torts incalculables par le cré dit qu'il a su conserver auprès de tant de bonnes gens qui l'avaient pris autre- Ch.12 281

fois pour guide et de la confiance de qui il a tristement abusé au profit des entreprises ministérielles" (262).

Alors que les plus incessantes démarches sont faites à partir du 10.6 par des catholiques montois en faveur de Defuisseaux, et que le Journal de Bru xelles recommande sa candidature (263), le Hainaut donne à ses lecteurs pour mot d'ordre de "s'abstenir ou de voter contre. Le moment est passé, dit-il, de faire la courte échelle et de servir de marchepied...Ceux qui croient que l'on ne peut donner son suffrage qu'au candidat dont on accepte le programme...qui placent sur la même ligne et jugent également dangereuse l'hostilité de de Brouckere et de Defuisseaux doivent rester chez eux... Ceux qui pensent qu'il ne faut pas dans les arrondissements hostiles se désintéresser toujours des luttes électorales..., ceux qui pensent au contraire que le devoir, à cette heure, est de renverser un régime qui s'est imposé au pays par la violence et la corruption et qui, maître des cons ciences parce qu'il a la main sur les intérêts, vient de pousser l'audace jusqu'à commettre l'infamie de la destitution du procureur général, ceux qui croient que frapper à la tête les chefs du parti, c'est le moyen le plus sûr d'arriver à ce but, ceux-là n'ont qu'une seule chose à faire: déposer dans l'urne le nom du can didat quel qu'il soit dès qu'il est honnête et promet d'être juste, à qui ce ré gime répugne et dont le programme est de l'abattre. Defuisseaux promet d'ête juste envers les catholiques traités comme ses amis en parias par le ministère. Voilà le double parti à prendre. A la sagesse de nos amis de décider lequel d'eux doit être préféré" (264).

Les élections du 14.6 privent le gouvernement de sa majorité à la

Chambre. Perdant treize députés, il n'y conserve que soixante-et-un des cent vingt-quatre sièges qui la composent. Le cabinet se retire le 16.6. Un ministère catholique est formé et le Parlement est dissous le 2.7. Troye, gouverneur du

Hainaut, démissionne le 4.7.

L'Organe a dès le 17.6 conditionné son appui aux candidats "doctri naires" par leur engagement d'honneur à réaliser endéans les trois prochaines sessions parlementaires un programme reconnaissant l'opportunité du retrait de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire et d'une révision des lois concordataires (cimetières, serments religieux...) ainsi que la nécessité d'une réduction des charges militaires, de la substitution, avec application immédiate aux élections communales et provinciales, de l'instruction au cens comme base du droit électo ral, d'un enseignement gratuit et obligatoire, d'une réglementation du travail

des enfants et de l'abolition de l'article 1781 du Code civil sur les coalitions Ch.12 282

ouvrières (265).

Le "Convent" libéral, réuni le 13.7 à Bruxelles, limite la portée des engagements d'honneur concédés aux progressistes à la révision de la loi sur l'en seignement primaire et à l'attribution du droit de suffrage sans condition de cens pour les élections provinciales et communales aux citoyens possédant un de gré d'instruction à déterminer par la loi" (266).

Menacés d'être exclus du Parlement, Sainctelette et Boulenger assurent leur réélection à Mons par une démarche qui divise l'opposition progressiste. Ren contrant Defuisseaux, ils lui proposent le 14.7 de "marcher ensemble" avec Dethuin sur un programme qui, en dépit de ses allures progressistes, n'est guère plus a- vancé que celui adopté la veille par le "Convent" de Bruxelles: 1) révision de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire; 2) réforme des lois concordataires; 3) ré duction des charges militaires aussitôt que les circonstances extérieures le per mettront; 4) large extension du droit de suffrage pour la province et la commune par l'adjonctiaivet la substitution de la capacité au cens; 5) préconisation de l'instruction obligatoire. Un second mandat (un troisième si l'on ne considère pas Dethuin comme un doctrinaire) est offert à l'opinion progressiste par le dé sistement de Dolez (267).

Souscrit par L. Defuisseaux, puis par A. Lescarts, qui accepte la cin quième place sur la liste, cet arrangement vient compromettre les ambitions élec torales d'H. Bockstael, qui espérait figurer en ordre utile sur une liste d'oppo sition progressiste. Se solidarisant avec lui, A. Lebrun r.efuse la candidature qui est finalement offerte à Lescarts.

E. Degouy, rédacteur de l'Organe, crie au scandale. "Depuis quatorze ans, écrit-il, Bockstael est sur la brèche, luttant pour le triomphe du libéra lisme progressiste. Pendant cette longue période, que de services n'a-t-11 pas rendu à notre opinion et à ceux-là mêmes qui, après avoir été mendier son appui en maintes circonstances, ont cru devoir, pour la réussite de leurs petites com binaisons le payer d'ingratitude et se coaliser contre lui, en l'isolant" (268).

Epargnant Sainctelette, E. Degouy et 1'Organe ainsi qu'un groupe d' "électeurs indépendants" animé par G. Fauconnier, A. Lebrun, P. Dubuisson, 0. Lignan et V. Wattecamps, opposent la candidature de Bockstael (269) à celle de M. Boulenger auquel sont essentiellement reprochés des liens trop étroits avec S. Philippart (270). Plusieurs centaines de personnes - 1200 à 1400 selon l'Or- Ch.12 283

gane - assistent au meeting qu'ils organisent le samedi 30.7 au Château des Fleurs (271).

Appuyé par la Gazette (272), Boulenger distance le 2.8 Bockstael de 350 voix (273). Les catholiques ont recommandé à leurs électeurs de voter indé pendant (274).

c. Conclusion.

Par manque de temps et en raison de certaines carences heuristiques, nous n'avons pu présenter une synthèse sur les conseillers communaux et avons dû distiller dans nos différents chapitres nos données sur l'administration de la ville de Mons. Plutôt cléricale à la fin des années trente, celle-ci devient pro gressivement de plus en plus libérale, développant son enseignement officiel et prenant position en faveur de l'indépendance des pouvoirs publics et de la laïci sation de l'instruction et du temporel des cultes. Appuyant sous Legrand-Gossart (1836-1839) le canal de l'Espierre et le chemin de fer d'Haumont, après avoir sou tenu sous Honnorez (1830-1836) les projets concurrents, la Régence montoise aide à plusieurs reprises l'industrie houillère boraine par des adresses en faveur du traité des XXIV articles (1839), des canaux de la Trouille (1849) et d'Alost (1851), et des chemins de fer d'Haumont (1852), de Gand (1854) et du Flénu (1865). Prenant le parti de la Générale en 1854 dans l'affaire Dendre-et-Waes, elle adopte le point de vue adverse lors de la discussion en 1865 de la demande de concession

Hainaut-Flandres.

Nous sommes mal informés sur l'élection, la composition et le fonc tionnement du Conseil provincial. Présidant l'assemblée et représentée au sein de la Députation permanente par un, puis par deux députés, la délégation montoise comprend dés avocats du barreau de la ville (Bourlard, Choquet, Defacqz, Defuis seaux, Harmignies...), des industriels charbonniers (Blanchart, Corbisier, Dau- bresse, Défrise, Hardy, Lecreps, Mahieu, Sainctelette, Quenon...), quelques no taires (Boulenger, Cambier, Hubert, Mangin...) et gros agriculteurs (Bouvez, Derbaix, Gillion, Hoyois...). Ignorant le plus souvent les débats politiques et les discussions "irritantes" entre bassins industriels, les sessions du Conseil sont brèves et consacrées essentiellement à l'examen des budgets et à l'approba tion de la gestion de la Députation permanente. Considérée comme libérale, l'as semblée est. en définitive, peu anticléricale, rejetant encore en 1867-1868 la Ch.12 284

proposition de Boulenger sur les écoles d'adultes. Très prudente en matière dou anière, elle n'émet qu'en de rares occasions des voeux favorables à l'un ou l'au tre projet de travaux publics vu la difficulté de concilier, en l'espace de quel ques semaines, les différents intérêts économiques en présence.

Alors que les gouverneurs sont pris dans d'autres districts, l'arron dissement n'a pas, si l'on excepte Gendebien, titulaire en 1830-1831 du porte feuille de la Justice, de représentant au sein du ministère. Approchés par le Roi, Dolez (275) et de Brouckere refusent en 1845, 1857 et 1864 de former et de diri ger un cabinet.

Peu nombreux sont les "charbonniers" assurant eux-mêmes leur défense parlementaire (Corbisier, Degorge-Legrand, Lecreps, Sainctelette,...). Tandis qu'on retrouve surtout au Sénat de grands propriétaires fonciers (de Sécus, du Val, de Bagenrieux, Tellier...) et les bourgmestres de la capitale du Hainaut (Siraut, Dethuin, Dolez).siègent généralement pour Mons à la Chambre jusqu'au début des années soixante des avocats d'origine montoise établis comme juristes à Bruxelles (Blargnies, Dolez, Gendebien, Lange, Laubry...) auxquels succèdent, lorsque les transports ferroviaires s'accélèrent, des collègues du barreau de Mons (Boulenger, Carlier, Defuisseaux, Dethuin, Lescarts...). De Puydt et Rousselle, promoteurs de voies de communication, constituent des exceptions.

En tant que force politique, les cléricaux ne comptent pas à Mons; ils n'influencent qu'en de très rares occasions le sens du scrutin en faveur de l'un ou l'autre candidat libéral. Siraut et Rousselle, seuls à apparaître avec de Sécus comme des députés catholiques, doivent leur élection à des préoccupations matérielles.

Si les cléricaux sont fort timides, les parlementaires libéraux mon tois ne sont qu'exceptionnellement à la pointe du combat anticlérical, se conten tant en général de voter avec ceux de leur opinion et s'abstenant de prendre une part active aux débats politiques. Ils appartiennent tous, si l'on excepté Defuis seaux en 1870, à la Gauche doctrinaire.

La victoire de Defuisseaux est préparée par un groupe d' "électeurs indépendants" proches de la "petite bourgeoisie et du petit commerce", combattant pour une réforme électorale et des réductions fiscales. Elle est suivie par une réconciliation partielle des libéraux montois scellée par un programme préconisant la révision de la loi sur l'enseignement primaire, l'instruction obligatoire, la Ch.12 285

réduction des charges militaires et l'adjonction ou la substitution dé la capacité au cens électoral pour la province et pour la commune.

Alors que les sénateurs sauf Siraut, s'identifient jusqu'en 1850 à la grande propriété foncière, les députés montois représentent surtout à la Chambre les intérêts charbonniers borains, qu'ils défendent principalement en matière de douanes, de travaux publics et de tarifs de transport.

Alors que les agriculteurs sont absents du Parlement, l'industrie su crière, prise en charge à la Chambre en 1860-1865 par de Brouckere, envoie en 1863-1870 l'un de ses patrons au Sénat, où siège en 1844-1852, un brasseur qui se préoccupera activement de l'avenir fiscal de sa profession.

•s Situer en quelques lignes les interférences est impossible. Multiples et variées, elles ne sont jamais identiques. M I 286

VI - CONCLUSION GENERALE. 287

Les hasards d'un premier emploi - l'élaboration d'un répertoire de presse locale en était le propos - nous ont mené voici plus de dix ans à Mons, que nous ne connaissions pas. Ce fut le point de départ de ce travail.

Nous avons parfois regretté de l'avoir entrepris. Etait-il bien jus tifié de consacrer autant d'années à un sujet d'histoire locale? Où se trouvait l'intérêt d'une région non représentée au sein du gouvernement central et n'ayant ni la diversité industrielle des autres bassins wallons, ni la variété politique et l'importance électorale de Gand ou de Charleroi? N'était-ce par ailleurs pas présomptueux de se lancer dans une telle prospection alors que subsistaient seu lement comme sources, après les bombardements de 1940 et combien de destructions volontaires, que la presse locale et quelques importants fonds d'archives conser vés à Bruxelles ?

Le résultat de cette étude n'est pas, croyons-nous, négatif. Coupant court à nombre d'idées toutes faites, celle-ci montre combien toute histoire po litique sent le factice lorsqu'elle ignore les enjeux économiques et méconnaît les conflits matériels.

Notre récit aurait pu être plus passionnant si les charbonnages, les propriétaires fonciers, les agriculteurs, les patrons sucriers, les brasseurs, les libéraux, les catholiques, les progressistes, les libre-échangistes avaient été mieux organisés, la Société Générale et ses filiales plus omniprésentes, les dossiers plus véreux et plus croustillants, les organes de presse plus vénaux, les hommes politiques plus corrompus et les interférences plus constantes.

On est en fait loin du compte. La structuration des intérêts "maté riels" et "moraux" est embryonnaire ou inexistante, la Société Générale exerce plus souvent un rôle arbitral que d'action, bien que complexes les dossiers ont des préoccupations plus régionales que privées, la presse n'est mercenaire que dans la mesure où oh lui reproche sa finalité essentiellement publicitaire, les hommes politiques, étrangers au pouvoir central, sont plus avocats que soudoyés. Mais n'est-ce pas en soi tout aussi intéressant à raconter? 288

Les patrons sucriers, les anticléricaux et les catholiques et les exploitants houillers sont donc seuls à être quelque peu organisés, à faire appel à ces moyens d'influence légaux et traditionnels que sont les pétitions, les députations et les recours à la presse et aux hommes politiques.

Circonstancielle et liée à certaines réformes fiscales, la mobilisa tion des patrons sucriers, influents au sein de la Chambre de commerce, reste limitée.

Alors que la restructuration catholique engagée en 1848 est approfon die et que des Jésuites, des Rédemptoristes et des militants laïques de mieux en mieux organisés s'ajoutent au clergé séculier, les anticléricaux répondent aux premiers succès de leurs adversaires (loi de 1842 sur l'enseignement primaire, développement des congrégations religieuses, présentation d'un projet de loi sur le temporel des cultes...) essentiellement par des polémiques de presse. Leur organisation se limite à d'éphémères associations électorales et à une loge privée

dé toute influence de 1847 à 1864.

La structure charbonnière se confond principalement avec la Chambre de commerce montoise que monopolisent les patrons borains, eux-mêmes dominés en son sein par les représentants de la Société Générale. La complètent un Comité d'intérêts généraux (deux en 1864-1869 à la suite de l'affaire du Flénu) actif à partir de 1842 et pour ainsi dire identique au bureau de la Chambre de commerce de même qu'une association contingentant la production et imposant des normes

commerciales et salariales communes en 1836-1839, 1842-1845, 1849-1859 et 1860- 1863, et qu'une caisse de prévoyance créée en 1841 pour financer une politique

scolaire cléricale et assurer la main-d'oeuvre contre les gros risques.

Quelques "beaux" succès s'inscrivent à l'actif des démarches entre prises par les exploitants charbonniers en compagnie d'autres intervenants. La Chambre de commerce continue de se renouveler par cooptation en dépit des pressions exercées en 1839-1841 et 1848-1852 pour un mode d'.élection directe mais préjudiciable aux houillères. Le bassin du Centre y est maintenu en minorité jusqu'au début des années soixante. Réintroduit en 1841, le livret ouvrier reste obligatoire. La coalition patronale ne constitue pas un délit. On se garde de voter l'instruction obligatoire et la réglementation du travail des enfants. Le marché national est protégé des charbons anglais jusqu'en 1853 et le régime dés zones douanières françaises survit, malgré divers aménagements, jusqu'en 1860. 289

En matière de travaux publics et de tarifs des transports ,1a réussite s'avère moins évidente. Le canal de l'Espierre, ouvert en 1843, reste un cul-de- sac jusqu'en 1877. Mons n'obtient pas de jonction navigable avec la Sambre et n'est relié au chemin de fer d'Erquelinnes qu'en 1857, en même temps, il est vrai, que le bassin du Centre. Bénéficiant en 1831 et en 1851 de réductions sur le ca nal d'Antoing, la région doit tolérer, surtout en 1848-1849, des réductions de péages très favorables aux bassins concurrents. Minée par des dissenssions inter nes, celle-ci ne parvient à se faire accorder dans le Borinage ainsi que vers Gand et le bas Escaut que des voies de communication répondant imparfaitement à ses besoins.

Par respect pour nos lecteurs, nous nous sommes volontairement abste nus dé digresser savamment sur les notions de partis et de groupes de pression. De même, n'avons-nous pas cherché à mettre le cas montois en comparaison avec l'un ou l'autre exemple étranger monté en épingle. Pour notre part, nous ne pen sons pas qu'une telle démarche puisse se justifier avant que soient mieux connues des régions plus représentatives de la diversité industrielle et politique belge que le bassin de Mons. 290

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE. 291

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

I- ARCHIVES

A. BELGIQUE

1. Archives de l'Etat. a. Archives générales du Royaume - Bruxelles^

1) Chambres de commerce

- 316-318: procès-verbaux des réunions de la chambre de commerce de Charleroi

(1827-1866). - 320-322, 325-330, 333-341, 343-346: chambre de commerce de Charleroi, correspon dance, rapports... (1827-1866). - 608-617: procès-verbaux des réunions de la chambre de commerce de Mons (1828-

1870). - 618: procès-verbaux des réunions du Comité de l'Industrie et du Commerce de Mons (15.11.1830-13.8.1831). - 619-665: chambre de commerce de Mons, correspondance, rapports... (1814-1870). - 846: Association pour la réforme douanière (1856-1857). - 849: chambre de commerce de Tournai; canal de l'Espierres (1827-1860). - 852-853: chambre de commerce de Tournai; chemins de fer (1833-1874). - 856: chambre de commerce de Tournai; douanes (1833-1854).

2) Société Générale

- 156: canal de jonction Sambre - Oise (1834).

- 161: chemin de fer Mons - Sambre (1830). 292

192-203: Société de Commerce. Correspondance.

247: Tercelin - Sigart.

248: chemin de fer Mons - Sambre.

249: Tercelin - Sigart. 255, 260, 262, 265, 266, 270, 277, 280-281, 288: divers.

289-295: bienfaisance.

298: Caisse de prévoyance pour les ouvriers mineurs. 299-322: correspondance diverse (1830-1853).

454: canal Mons - Antoing.

537: journal Le Dragon.

545: Rémy De Puydt.

1057: Duval de Beaulieu.

1064: de Bagenrieux.

1151: Fontaine - Spitaels.

1158: Gendebien.

1167: Hardenpont.

1168: Hennekinne -:'Briard.

1186: Legrand - Gossart.

1277: Tercelin - Sigart.

1280: Taintenier.

1497-1499: charbonnage du Midi du Bois de Boussu.

1504 et 1582: Hennekinne - Briard. 1784-1788: charbonnages de l'Agrappe et Grisoeul.

1789-1797: chemins de fer du Haut et du Bas Flénu. 1815-1826: charbonnage du Levant du Flénu. 1841-1846: charbonnage du Couchant, du Flénu.

1870-1871: charbonnage du Nord du Bois de Boussu. 1882: charbonnage des Produits du Flénu. 1883: charbonnage de Hornu et Wâsmes. 1886: charbonnages divers. 1888: charbonnages de Boussu, Sainte-Croix, Sainte-Claire.

1974-1975: charbonnage de Hornu et Wâsmes.

1980-1985: charbonnage du Crachet.

2001-2005: charbonnage de Bellevue.

2036-2040: charbonnage du Longterne.

2056-2060: chemin de fer de Mons - Haumont. 2068-2070: charbonnage de Boussu, Sainte-Claire.

2089-2092: chemins de fer du Haut et du Bas Flénu. 2101-2104: charbonnage des Produits du Flénu. 293

2134-2137: charbonnage du Couchant du Flénu. 2138-2139: charbonnage du Levant du Flénu.

2146-2147: charbonnages unis.

2230: Guillochin. . 2240-2241: Coppée.

2660-2667: Fontaine - Spitaels.

2686: Hennekinne - Briard.

2692-2709: faillite Warocqué.

2749: Tercelin - Sigart.

2796: Ch. Sainctelette.

2814: Sociétés du Couchant de Mons. 2971-2986: correspondance échangée avec Ch. Picquet.

3031-3040: charbonnage du Levant du Flénu.

3098-3103: charbonnage du Longterne.

3104-3114: charbonnage du Nord du Bois de Boussu. 3119-3130: charbonnage du Couchant du Flénu. 3152-3180: Société charbonnière de navigation.

3181-3191: charbonnage du Grand-Buisson.

3208: charbonnage des Produits.

3209: charbonnage de Hornu et Wâsmes.

3210: chemins de fer du Haut et du Bas Flénu.

3234-3242: bateaux.

3274: Hennekinne - Briard.

3292: Tercelin - Sigart.

3294: chemin de fer de Saint-Ghislain.

3406: charbonnage de Bellevue, Baisieux. 3436: journaux.

3442: Legrand - Gossart.

3444: chemin de fer de Saint-Ghislain. 3491: charbonnages du Longterne et de 1'Escouffiaux.

3499-3500: q: hemin de fer de Saint-Ghislain. 3508: charbonnage de Bellevue, Baisieux.

3569-3592: chemin de fer de Saint-Ghislain.

3593-3613: charbonnage de Bellevue - Baisieux.

3917-4174: Société Générale. Correspondance. 4222-4227: Caisse de prévoyance pour les ouvriers mineurs. 4253: charbonnage du Couchant du Flénu. 4254: charbonnage du Couchant du Flénu, dossier Cossette.

4255-4260: charbonnages du Couchant de Mons. 294

- 4275: charbonnage des Produits du Flénu.

- 4276: chemin de fer de Mons - Haumont. - 4444: correspondance échangée avec F. Dolez.

3) Ministère des Travaux publics. Administration des Ponts et Chaussées.

* Affaires générales : - 15: statistiques concernant le trafic sur le canal de Mons à Condé (1836-1880). - 33: projet de canal de Jemappes à Alost (1836-1846). - 202: réduction des droits de navigation (1842-1866).

* Voies hydrauliques: - 37: projet de loi de canalisation de la Sambre (1832-1835). - 70: Haine (1842-1845). - 71-72: canal Mons - Condé (1834-1888). - 73-78: canal de Pbmmeroeul à Antoing (1830-1870). - 80-81: canal de Blaton à Ath (1846-1870).

- 82: Dendre canalisée (1842-1859).

- 191-195: canal de Charleroi (1831-1870).

- 200-201: embranchements du canal de Charleroi (1832-1866). - 296-298: Espierres (1831-1870).

- 304-305: Bossuit-Courtrai (1831-1870).

- 801-809: Dendre canalisée. - 810: Mons - Condé, Pommeroeul - Àntoing et Blaton - Ath.

4) Ministère de l'Intérieur. Affaires électorales.

* Listes électorales. Irrégularités, réclamations: - 2091: Jemappes (1842);

* Elections communales, rapports des gouverneurs, relevés des décisions des dépu tations permanentes :

- 202: Hainaut (1869).

5) Ministère de la Justice. Sûreté.

- 34, 113-115: livrets d'ouvriers.

- 126: troubles dans le Hainaut. 295

6.) Papiers personnels.

Papiers dé Stassart - 300: H. de Brouckere (1835-1843) - 535: N. Defuisseaux (1839-1845)

- 662: E. Duval de Beaulieu (1846) - 796: A. Gendebien (1834-1847) - 1129: Ch. Lecocq (1822-1843) - 1168: A. Letellier (1852-1854) - 1554: B. Qùinet (1842-1854)

- 1676: Ch. Sainctelette (1853) - 1736: F. de Sécus (1823-1834)

- 2031: C. Wins (1847-1848)

Papiers Frère-Orban - 30: Lettres traitant d'objets divers envoyées par divers correspondants (1852-

1868) -85, 90 et 92: Correspondance sur les crises au sein du cabinet (1847-1852, 1864-

1865 et 1867-1868)

- 107-108: Affaire Sainctelette. - 171: Documents relatifs à l'histoire du mouvement radical (1846-1858)

- 463: Lettres et documents relatifs aux traités de commerce conclus entre la France et la Belgique (1852, 1861 et 1866) - 465: Union douanière franco-belge (1868-1869)

- 537: Relations franco-belges. Notes.

- 541: Canal de la Sambre à l'Oise (1869) - 574: Négociations avec le gouvernement français. Lettres de provenances diver

ses (1869) - 1089: Copie des mémoires d'A. Van den Peereboom (1864-1869). - 1090: Correspondance et souvenirs d'A. Van den Peereboom (1864-1869)

Papiers Malou - 177: Correspondance échangée avec H. Dolez (1871-1877) - 221: Correspondance échangée avec Ch. Sainctelette (1870-1876) - 265: Correspondance diverse (1845-1876)

Papiers Nothomb

- 174: Droits de douanes. 296

- 176: Droits de péage sur les canaux et rivières: faculté de réduire les tarifs; exportation charbonnière en Hollande (1841).

Papiers Rogier - 245: Correspondance générale (octobre-novembre 1830) - 255 et 257: Rapports des gouverneurs de province (1832-1833). - 279-280: Crise ministérielle de 1845, correspondance. - 293: Adhésions des gouverneurs de province et des commissaires d'arrondissement

au cabinet Rogier de 1857.

- 300-301: Ministère de l'Intérieur (1847-1852). - 310-312: Ministère de l'Intérieur, divers (1832-1861).

- 329: Nominations dans le Hainaut en 1848. - 343, 347-350, 356, 365, 368-375, 381, 385-387, 391 et 393: élections (1833-1867), - 436: crise économique de 1848. - 448: Législation des mines de 1837. - 460-463: Correspondance échangée avec Ch. Lecocq (1832-1833).

b. Archives de l'Etat à Mons.

1) Administrations communales

Bauffe - 225: Construction du canal de Jemappes à Alost (1846).

- 245: Listes électorales (1840-1869).

- 250: Listes électorales (1839-1871).

Cuesmes - 779: Emigration aux Etats-Unis (1863). - 1029: Grèves (1862-1870); - 1030: Caisse de prévoyance pour les ouvriers mineurs (1863-1870). - 1165: Culte protestant (1863-1878). -1534: Convention entre la commune et les religieuses de Champion (1860) - 1556: Ecoles du soir et dominicales (1861-1865). - 1560: Bibliothèque populaire (1862-1870). - 2056-2060: Chemin de fer de Mons à Chimay (1860-1870);

- 2073: Chemins de fer industriels (1863-1870).

- 2146-2147: Listes électorales. Conseil des prud'hommes. 297

2171: Conseil des prud'hommes (1860-1870). - 2232: Charbonnage du Levant du Flénu (1837-1870). - 2617: Etablissement de la justice de paix à Jemappes (1862).

Jemappes I_l

- 2-4, 8-11: Procès-verbaux des réunions du Conseil communal (1830-1870).

II :

- 368: Saint-François-Régis (1847-1870). - 373: Caisse de prévoyance pour les ouvriers mineurs (1846). - 381: Correspondance, rapports et conflits avec le clergé (1824-1870). - 383: Refus d'inhumation opposé par le curé (1848). - 523: Chemins de fer (1832-1870). - 524: Chemins de fer industriels (1822-1870).

- 532: Comice agricole du canton de Mons (1866). - 613: Ecoles d'adultes (1853-1866). - 621: Bibliothèques populaires (1862-1870). - 624: Elections sous le régime hollandais. - 625: Congrès national de 1830. - 628-629: Elections (1830-1870).

- 631-633: Emeutes du 20 octobre 1830. - 634: Liste des volontaires ayant participé aux journées de septembre. - 636-637: Livrets ouvriers (1831-1833). - 638: Dévastation de la maison des frères de la Doctrine chrétienne (1857).

- 639: Emeutes de 1836.

- 640: Grèves (1848-1870).

- 669-674: Police. Correspondance avec le Procureur du Roi (1860-1870). - 736: Surveillance du "Penseur Borain" (1850).

- 843-845: Chemin de fer de Saint-Ghislain à Frameries (1865).

Mons

- Procès-verbaux des réunions du Conseil de Régence, puis du Conseil communal de Mons (1830-1870).

Wâsmes

- 663: Ecoles d'adultes (1866-1868).

- 667: Grèves (1869-1870). 298

2) Administration des ponts et chaussées

- 41: Dendre. Canalisation (1853-1866). - 55: Canal de Blaton à Ath (1866-1870).

3) Charbonnages

Grand Hornu —15: H. Dégorge - Legrand. Charges publiques et titres académiques dont il était

investi (1826-1832). - 141-142: Correspondance d'Henri et d'Eugénie Dégorge - Legrand (1824-1844). - 234-241: Correspondance reçue (1853-1870). - 421-425: Copies de lettres de l'exploitation (1837-1843). - 426: Copies de lettres de G. Glépin (1841-1874). - 649: Enquêtes diverses (1859-1870). - 1194-1195: Correspondance reçue du Ministère des Travaux publics (1848-1849). - 1196: Correspondance reçue du Gouvernement provincial (1830-1870). - 1228: Association entre les exploitants du Couchant de Mons (1838-1848). - 1229: Comité des houillères du Couchant de Mons (1844-1864).

- 1230: Relations avec le comité des houillères du Couchant de Mons au sujet de l'organisation des services de halage (1855-1861). - 1231: Association houillère du Couchant de Mons. Statuts et correspondance (1876). - 1238: Renseignements pris sur d'autres sociétés minières (1837-1870). - 1239: Renseignements fournis à d'autres sociétés minières (1845-1870). - 1240: Chemin de fer du Grand Hornu. Relations avec d'autres sociétés (1842-1870). - 1303: Enquête sur la situation de la classe ouvrière (1868). - 1335: Etablissement de la Caisse de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs

(1839-1841). - 1336: Caisse de prévoyance des ouvriers mineurs. Correspondance reçue (1841-1869). - 1447: Pillage par les habitants des communes de Jemappes et Wâsmes (1830).

Hornu et Wâsmes - 13-15: Procès-verbaux des réunions du Conseil d'administration (1835-1870). - 30: Procès-verbaux des assemblées générales (1837-1870). - 126: Contrat de la société Legrand - Gossart et Cie (août 1825). - 127: Note sur la propriété du charbonnage d'Hornu et Wâsmes (1818-1828).

- 137: Acte de cession de la quotité d'action d'Emmanuel-Ernest Corbisier en faveur

de son fils Frédéric (7.3.1823). 299

- 150: Contrats passés entre la Veine-à-Mouches, la Cossette, Sidia, Produits,

12 Actions, Belle et Bonne et Hornu et Wâsmes concernant la vente de leurs char

bons (octobre 1836). - 222-227: Rapports mensuels du Régisseur au Conseil d'administration (1840-1870).

4) Cures et fabriques d'églises

Fabrique de Sainte-Wàudru (Mons) - 14: Correspondance générale de la fabrique (1841-1860). - 18: Correspondance et documents relatifs à l'inhumation, aux transports funèbres

aux frais de funérailles (1830-1870). - 28-29: Procès-verbaux des réunions du Conseil de fabrique (1830-1847). - 113: Fondation veuve Rogier. Etablissement de l'école des Frères à Mons (1818-

1825).

- 307: Liste des confrères de Saint-Hilaire (1847-1874). - 351-356: Mandements de l'Evêque de Tournai (1830-1870). - 363: Registre aux prônes (1847-1855).

Paroisse de Saint-Nicolas (Mons) - 808: Pièces relatives au Collège Saint-Stanislas (1852). - 809: Ecole des filles créée par le curé Boulvin (1858-1859).

Cure de Jemappes - 76: Saint-François-Régis (1847-1870).

5) Papiers personnels

Papiers d'Andelot - 176: Correspondance de Ch. d'Andelot relative à son élection au Sénat (1831-1835)

Papiers Descamps - Note d'érudits, G. Descamps: Nicolas-Joseph-Henri Descamps, mémoires autographes

sur l'histoire de la ville de Mons (1780-1843).

Papiers Dolez - 74: Correspondance reçue par J.-F. Dolez (1796-1834). - 89: F. Dolez, échevin de Mons (1836-1840) - 99: F. Dolez, échevin de Mons (1858-1863). - 100: F.Dolez, bourgmestre de Mons (1866-1870). 300

- 101: Election au Sénat (1866).

- 107: Banquet Piercot. - 115: Correspondance échangée entre F. Dolez et J. Bourlard (1866). - 118: Correspondance échangée entre F. Dolez et Frère-Orban (1866-1869). - 120: Correspondance échangée entre F. Dolez et J. Malou (1873-1876). - 124 et 135: Correspondance échangée entre H. Dolez et F. Dolez (1845-1846 et 1871), - 144: Correspondance échangée entre A. Lescarts et J. Dolez (1860).

Papiers Francart - 207: Cercle catholique L'Emulation de Mons (1864).

6) Tribunal correctionnel de Mons

- années 1830-1831, 1841 et 1848.

c. Archives du Ministère des Affaires étrangères - Bruxelles.

1) Relations "politico-commerciales" belgo-françaises :

- 2066-2080: Documents divers (1830-1870).

- 2304: Houilles; droits différentiels, zones.

- 2356: Houilles; difficultés de transport en France.

- 2263: Canal de Saint-Quentin. - 2264: Péages sur les canaux en Belgique. Exportation charbonnière vers les

Pays-Bas.

- microfilms 56-57: document 252 (charbons).

2) Correspondance adressée à Paris par la légation de France à Bruxelles. Copie dactylographiée de documents d'archives conservés au Quai d'Orsay (1831-1870).

3) Sociétés anonymes.

Canaux et chemins de fer

- 3406: Canal de l'Espierre.

- 3416: Chemin de fer de Saint-Ghislain. - 3514: Compagnie des Chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut.

- 3525: Chemin de fer de Dendre-et-Waes. - 3534: Société générale d'Exploitation de Chemin de fer. 301

- 3542: Chemin de fer de Frameries à Chimay.

- 3545: Chemin de fer Hainaut - Flandres.

- 3550: Chemins de fer du Haut et du Bas Flénu.

- 3563: Chemin de fer de Morts à Hautmont. - 3564: Chemin de fer de Mons à Manage.

- 3577: Chemin de fer de Tournai à Jurbise.

- 3579: Chemin de fer et Canal de la vallée de la Dendre.

Charbonnages - 3416: Agrappe et Grisoeil, Escouffiaux, Charbonnages belges. - 3418: Bellevue, Baisieux, Dour et Thulin.

- 3429: Bonnet et Veine-à-Mouches.

- 3432: Nord du Bois de Boussu, Boussu-Sainte-Croix-Sainte-Claire. - 3441: Couchant du Flénu, Cossette. - 3443: Crochet - Picquery.

- 3451: Grand et Petit Tas réunis.

- 3455: Haut Flénu.

- 3458: Hornu et Wâsmes.

- 3464: Levant du Flénu.

- 3466: Houillères réunies.

- 3467: Longterne - Ferrant d'Elouges.

- 3490: Produits du Flénu.

- 3492: Houilles Grasses du Levant d'Elouges.

- 3500: Turlupu.

d. Archives du Ministère de la Défense Nationale (Musée Royal de l'Armée) - Bruxelles,

Troubles et émeutes

-A 24-98: documents divers relatifs au maintien de l'ordre (1839-1848)

Présence militaire belge à l'étranger

- 192-250: documents divers concernant R. De Puydt. - 325-327: journaux de R. De Puydt (1829-1831).

1830 - 1839

- 1-2 D.: événements de 1830 à Dour. - 123-124: correspondance reçue par Buzen (1830-1839). 302

Garde civique - 16-18: Garde civique du Hainaut. Divers (1831-1835).

Service de santé et Croix-Rouge - 5-73, 290-296 et 312-361: épidémies de choléra à Mons et dans le Borinage en

1849, 1854 et 1859.

Papiers Meeus - correspondance adressée par J. Van Praet à F. de Meeus (1840-1850).

2. Autres. a. Bibliothèque de l'Université de l'Etat à Mons (Section des Manuscrits).

- 568: Journal d'H. Delmotte (1831-1832).

- 617: Documents divers (1572-1830). - 622: Documents relatifs à l'organisation de l'administration municipale de Mons

de 1816 à 1836.

- 623: Papiers Ch. et V. Delecourt. documents divers relatifs à la vie politique et à la presse à Mons vers 1830.

- 870: Cercle pour l'encouragement de l'enseignement primaire dans la ville de Mons. Correspondance (1875-1885). - 1003: Société des Mines de Cache-Après et Crachet. Registre des délibérations (1799-1825). - 1011: Documents relatifs à l'Armonaque (1860-1870). - 1979: Correspondance échangée entre Ch. Letellier et 0. Carez (1858-1869).

b. Loge La Parfaite Union (Mons).

- Registre des procès-verbaux des réunions de la loge (1830-1870).

c. Centre d'Etudes sur l'Industrie houillère du Borinage (A.S.B.L. Sauvegarde des

Archives industrielles du Couchant de Mons S.A.I.C.O.M.) - Mons / Cuesmes.

- Charbonnage du Levant du Flénu. Procès-verbaux des réunions du Conseil d'Administration (1835-1870). 303

Charbonnage des produits du Flénu. Procès-verbaux des réunions du Conseil d'Administration (1835-1870).

d. Musée royal de Mariemont. Réserve précieuse. Autographes.

- 5080, 5150, 5168, 5174-5177, 5198: Correspondance échangée entre Ch. Sainctelette et Frère-Orban, Trasenster, Rainbeaux et L. Veydt (1851-1863). - 5434-5457: Correspondance échangée entre Mgr. Gravez, Evêque de Namur, et le Chanoine de Biseau de Bougnies (1868-1870).

e* Archives du Chapitre de_l'Eglise cathédrale de Tournai.

- Relationes status dioecesis Tornaciensis (1867-1870).

f. Archivescentrales des Pères Rédemptoristes (Bruxelles).

- Chronique des travaux extérieurs et intérieurs du Couvent du T.S. Rédempteur à Mons, 1848-1872, 2 vol.

g. Archives F. Greyson (Baudour).

- Nicolas Defuisseaux, Mémoires autographes (1842).

- Papiers divers relatifs à la famille Defuisseaux.

B. FRANCE

1. Archives Nationales - Paris.

1) Archives d'entreprises (fonds AQ)

Compagnie du chemin de fer du Nord - 48 AQ / 10-17: Procès-verbaux des réunions du Conseil d'administration (1845- 1870). - 48 AQ / 67-69 et 73: Procès-verbaux des réunions du Comité de direction (1855- 1856 et 1858-1859). 304

- 48 AQ / 570: Rapports présentés par G. Delebecque, vice-président du Conseil d'administration aux assemblées générales (1854-1869). - 48 AQ / 2835-2839: Copies lettres (1845-1853).

Compagnie des mines d'Anzin - 49 AQ / Microfilm 109 MI / 1-2: Procès-verbaux des réunions du Conseil de Régie

(1825-1870).

2) Ministère du Commerce et de l'Industrie (Fonds F.12)

- 2534: Enquêtes sur les droits d'importation sur les houilles étrangères (1826-

1856). - 2660: Commerce extérieur. Belgique (1833-1853). - 6239-6248: Rapports commerciaux franco-belges (1820-1870). - 6259: Belgique. Canaux (1831-1855). - 6260: Belgique. Commerce (1834-1850). - 6479-6480: Relations commerciales avec la Belgique, législation douanière (1860-

1870).

- 6848: Douanes. Houilles (1844). - 8877: Négociations économiques entre la Belgique et la France (1831-1870).

3) Ministère des Travaux publics (Fonds F.14)

- 6968: Canal de Mons à Condé (1819-1859). - 7029-7031: Canal de Roubaix (1823-1870).

2. Archives du Ministère des Relations extérieures - Paris,

- Correspondance consulaire et commerciale. Mons, 1-2 (1856-1870) 305

II - RECUEILS DE SOURCES

A. Assemblées législatives

Annales parlementaires de la Belgique, Bruxelles, 1845-1870.

Moniteur belge. Journal officiel. Bruxelles, 1831-1844. £Discussions parlemen taires! .

E. HUYTTENS de TERBECQ, Discussions du Congrès national de Belgique 1830-1831, Bruxelles, 1844-1845, 5 vol.

L. HYMANS, Histoire parlementaire de la Belgique (1831-1880), Bruxelles, 6 vol.,

1877-1880.

J.J.F. NOORDZIEK et L.H.I. ARNOLD, Verslag der handelingen van de Tweede Kamer

der Staten-Generaal gedurende de zittihgen

1815-1830 gehouden te Brussel en te 's Graven-

hage, La Haye, 1862-1888, 15 vol.

B. Recueils de sources divers

J. ART, "Documents concernant la situation de l'Eglise catholique en Belgique en vue du Concile Vatican I (1869-1870)", dans, Bulletin de l'Institut historique belge de Rome, XLVIII-XLIX, Bruxelles-Rome, 1978-1979, pp.353-

563.

C. BRONNE, Lettres de Léopold 1er, premier Roi des Belges, Bruxelles, 1943.

C. BUFFIN, Documents inédits sur la Révolution belge, Bruxelles, 1910.

L. de LANZAC de LABORIE, Correspondance du siècle dernier. Projet de mariage du duc d'Orléans (1836). Lettres de Léopold 1er de Belgi que à Adolphe Thiers (1836-1864). Paris, 1918. 306

B. GILLE, Crise politique et crise financière en Belgique. Lettres adressées à la maison Rothschild à Paris par son représentant à Bruxelles (1838-1840).

Louvain-Paris, 1961.

B. GILLE, Lettres adressées à la maison Rotschild à Paris par son représentant à Bruxelles (1843-1853). Louvain-Paris, 1963.

Ph. MOTTEQUIN, Réunions du comité des directeurs des travaux du Couchant de Mons patronnés par la Société Générale 1848-1876. Procès-verbaux. Louvain-Paris, 1973, 2 vol.

A. SIMON, Aspects de l'Unionisme. Documents inédits (1830-1857). Wetteren, 1958.

A. SIMON, Catholicisme et politique. Documents inédits (1832-1909). Wetteren, 1955.

A. SIMON, Correspondance du nonce Fornari 1838-1843. Bruxelles-Rome, 1956.

A. SIMON, Documents relatifs à la nonciature de Bruxelles (1834-1838). Bruxelles-

Rome, 1958.

A. SIMON, Réunions des évêques de Belgique 1830-1867. Procès-verbaux, Louvain-

Paris, 1960.

A. SIMON, Réunions des évêques de Belgique 1868-1883. Procès-verbaux, Louvain-

Paris, 1961.

E. WITTE, F.BORNE, Documents relatifs à Franc-Maçonnerie belge du XIXe siècle (1830-1855). Louvain-Paris, 1973.

H. WOUTERS, Dokumenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging (1831-

1853). Louvain-Paris, 1963, 3 vol.

H. WOUTERS, Dokumenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging (1853-

1865). Louvain-Paris, 1966.

H. WOUTERS, Dokumenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de le Internationale (1866-1880). Louvain-Paris, 1971, 3 vol. 307

III - PUBLICATIONS CONTEMPORAINES

A. Journaux

L'Ami du Borain (1868)

Les Annales du Hainaut (1838-1840) Le Borain, Journal des intérêts du bassin houiller du Couchant de Mons (1853)

Le Constitutionnel (1852-1864) Le Courrier du Borinage (1857-1870)

Le Courrier de mons et du Hainaut (1851) Le Dragon (1825-1827) L'Echo du Borinage (1869-1870)

L'Echo du Hainaut (1827)

L'Echo de Mons (1852-1857)

L'Eclaireur (1831) L'Equitable (1854) L'Eveil (1836-1838)

La Fédération boraine (1869)

La Gazette de Mons (1839-1870) Le Guersillon (1844) Le Hainaut (1849-1850)

Le Hainaut (1865-1870) Le Houilleur (1864-1870) L'Indicateur du Borinage (1855-1857) L'Industriel du Hainaut (1835-1836)

Le Journal du Hainaut (1863-1865) Le Journal de Jemappes et du Borinage (1855) Le Journal de Mons et du Borinage (1851) Le Journal de Quievrain et du canton de Dour (1867) Le Journal de la Province du Hainaut (1830-1831)

La Liberté (1867) Le Messager des Ecoles Primaires du Hainaut (1846-1870) Le Modérateur (1838-1852) Le Moniteur du Hainaut (1831-1865) L'Observateur (1830-1833) (1835) L'Observateur du Hainaut (1829-1830) (1833-1835) 308

L'Organe de Mons (1862-1870) Le Penseur Borain (1850)

Le Phare du Hainaut (1866) La Revue (1835-1836)

La Revue (1868) La Revue du Borinage (1844-1845) Le Sancho borain (1865) La Sentinelle de Jemappes (1855-1862) La Sentinelle du Borinage et de la ville de Mons (1862-1863) Tom Pouce (1867)

B. Autres

Administration communale de Mons. Correspondance relative au canal projeté de Mons à la Sambre, Mons, 1838.

Adresse au Congrès national tendant à ce que la couronne de la Belgique soit of ferte à Louis-Philippe, roi des Français, Mons, 1831.

A la Chambre des Représentants. De M. Alex. Vifquain, concessionnaire du chemin de fer du Haut et du Bas Flénu, Mons, 1835.

A la Représentation nationale. S.l.n.d. LMons, 1837J (Pétition des sociétés char bonnières du Couchant de Mons - 25.1.1837)

Appel à l'opinion publique sur la nécessité de modifier l'administration de la ville de Mons. Mons, 1845.

Appel à l'opinion publique en réponse au libellé intitulé: Appel au pouvoir exé

cutif, sur la corporation des bateliers qui a reparu à Saint-Ghislain sous la dé nomination de: Société d'Assurance et d'Affrètement, sous la raison sociale Auguste

Pillion, François Miroir et Compagnie. Mons, 1832.

Appel au pouvoir exécutif sur la corporation des bateliers qui a reparu à Saint-

Ghislain sous la dénomination de: Société d'Assurance et d'Affrètement, sous la raison sociale: Aug. Pillion, Fr. Miroir et Compagnie; par tous les extracteurs, 309

marchands et expéditeurs de houille du Couchant de Mons, la maison Legrand-Gossart et la concession du Nord du Bois de Boussu, appartenant à la compagnie française d'Anzin exceptées. Mons, 1832.

Armonaque dé Mons pou 1'année... (1846-1869). Mons, 1845-1869.

Assemblée générale des catholiques en Belgique. Première session à Malines, 18- 22 août 1863, Bruxelles, 1864, 2 vol.

Assemblée générale des catholiques en Belgique. Deuxième session à Malines, 29 août-3 septembre 1864, Bruxelles, 1865, 2 vol.

Assemblée générale des catholiques en Belgique. Troisième session à Malines, 2-7 septembre 1867, Bruxelles, 1868, 2 vol.

Association belge pour la liberté commerciale. Première séance publique de l'As sociation belge pour la liberté commerciale tenue en la salle de la Philharmonie.

11 octobre 1846. Bruxelles, 1846.

Association belge pour la réforme douanière. Meetings de Hùy et de Charleroi, S. l.n.d. [Bruxelles, 1857].

L'association houillère du Couchant de Mons à Messieurs le président et membres du Sénat. Mons, 1866.

L'Association houillère du Couchant de Mons à M. le Ministre des Travaux publics. Réponse à la lettre adressée le 26 février dernier par les charbonnages par la

Société Générale en faveur de l'extension des chemins de fer du Flénu. Mons, 1866.

L'Association houillère du Couchant de Mons à la représentation nationale. Mons,

1866.

Association houillère du Couchant de Mons. Statuts. Mons, 1876.

Association de l'opinion libérale de l'arrondissement de Mons. Règlement. Mons,

1846.

Avant-projet d'un canal de jonction de la Sambre à Mons par la Haine. Bruxelles,

1841. 310

Avant-projet de loi sur les livrets d'ouvriers. Bruxelles, 1859.

Avant-projet de loi sur le travail des enfants dans les établissements industriels. Bruxelles, 1859.

Banquet offert à Mr. Léopold Doutremer, président de l'Association de l'Opinion libérale de l'arrondissement de Mons, le 25 mai 1847. Mons, 1847.

Bulletin Administratif de la Province du Hainaut. Mons, 1830-1870.

Bulletin communal de la ville de Mons, Mons, 1861-1870.

Bulletin du Conseil supérieur de l'Industrie et du commerce. Session 1860-1861 et de 1862-1864. Bruxelles, 1862-1864, 4 vol.

Caisse de prévoyance établie en faveur des ouvriers mineurs du bassin de Morts. Rapports annuels (1839-1870). Mons, 1841-1871.

Caisse de prévoyance établie en faveur des ouvriers mineurs du bassin de Mons.

Statuts. S.I., 1850.

Du canal de Jemappes à Alost et du chemin de fer d'Alost à Ath par les extracteurs des mines de houille du Couchant de Mons. 24 juin 1851, Mons, 1851.

Canal de Roubaix et de l'Espierre. Discours prononcé par M. le Ministre des tra vaux publics dans la séance de la Chambre des Représentants le 26 décembre 1839. Bruxelles, 1839.

Canal de la Sambre au canal de Mons à Condé. Opinion de M. N.J. Descamps, négo ciant à Mons, membre de la Commission d'enquête, Mons, 1836.

Canaux de Bossuyt à Courtrai et de l'Espierre. Cahier de charges précédés de la convention entre la France et la Belgique, de l'AR qui décrète les deux canaux et de l'AM qui approuve les cahiers des charges. Bruxelles, 1839.

Canaux de Bossuyt à Courtrai et de l'Espierre. Recueil des derniers articles pu bliés par les Annales du Hainaut.Mons, 1840. 311

Canaux de Mons aux embranchements du canal de Charleroi et du Centre à la Sambre et Maubeuge. Mémoire à l'appui du projet. Deuxième partie. Bruxelles, 1861.

Cercle dé l'Emulation de Mons. Règlement. Bruxelles, 1864.

Chambre de commerce de Bordeaux. Mémoire sur la nécessité d'ouvrit? de nouvelles négociations avec la Belgique. Bordeaux, 1846.

Chambre de commerce de Bordeaux. Houilles. Question des zones. Mons, 1851.

Chambre de commerce de Lille. Question des houilles. Lille, 1851.

Chambre de commerce de Mons. Rapports sur la situation du commerce, de l'industrie et de l'Agriculture. Mons, 1859-1870.

Chemins de fer de Frameries à Chimay et l'Est de la France. Tracé de prolongement de cette ligne vers Dour et Quievrain, projeté par M. Simon Philippart - Pêcher, concessionnaire. Bruxelles, s.d. [1866J.

Chemin de fer direct de Jemappes à Denderleeuw par Soignies. Concession demandée le 2 mars 1865 par J. De Vriese, ingénieur civil. Bruxelles, 1865.

Chemin de fer. Ligne du Hainaut. Enquête. Etudes des ingénieurs. Pétitions et réclamations. Travail de la commission d'enquête. Bruxelles, 1837.

Chemin de fer de Mons à Maubeuge. Nouvelles requêtes adressées à la Chambre des Représentants par les exploitants des houillères du Couchant de Mons et par la

Chambre de commerce de Mons, les 22 et 27 novembre 1852, Mons, 1852.

Chemin de fer de Saint-Ghislain à Frameries. Consultations données à la Cie Hainaut et Flandres par M. Rolin, avocat à Gand, ancien Ministre des travaux publics et par M. Cousinne, avocat et conseiller provincial à Tournay. Mons, s.d.L1865j.

Chemin de fer de St Ghislain à Frameries. Exposé présenté aux membres des Chambres législatives et au Gouvernement par les houillères du Couchant de Mons. Bruxelles,

1865.

Chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand par Leuze, Renaix et Audenarde. Projet de M. Maertens. Développements nouveaux. Bruxelles, 1855. 312

Chemin de fer de Tournay à Jurbise. Mémoire, devis et documents divers à l'appui du projet. Bruxelles, 1844.

Comité des houillères du Couchant de Mons. Des taxes communales sur la houille.

Mons, 1853.

Comité des houillères du Couchant de Mons. Mons et Charleroi sur le marché pari sien. Lettre à la Chambre de Commerce de Mons. Novembre 1863. Mons, 1863.

Compagnie du chemin de fer Hainaut et Flandres. Assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 9 novembre 1857. Rapport du Conseil d'Administration et du collège des Commissaires. Résolutions de l'assemblée extraordinaire. Bruxelles,

1857.

Compagnie du Chemin de fer du Nord. Rapports du Conseil d'Administration. Paris,

1850-1871.

Complainte de la Société Belle-et-Bonne et de la Société Saint Placide contre la

Compagnie Vifquain, 8.2.1835. Mons, 1835.

Le concessionnaire du canal de Jemappes à Alost à Monsieur le Ministre des Travaux

publics. 14 mai 1851. Mons, 1851.

Congrès libéral de Belgique, séance du 14 juin 1846. Bruxelles, 1846.

Conseil provincial du Hainaut. Projet de règlement contenant des dispositions de police relatives à l'exploitation des mines. S.l.n.d TMons, 1839J.

Conseil provincial du Hainaut. Rapport de la 4e Commission sur le projet de rè glement concernant l'exploitation des mines de houilles. S.l.n.d. (_Mons, 1839J.

Conseil provincial du Hainaut. Session de 1865. Séance du 19 juillet. Discours prononcé par M. Hubert, président du Conseil provincial, dans là discussion du rapport de la 5e commission relatif à la demande des sociétés charbonnières du Couchant de Mons, tendante à ce que le Conseil émette le voeu que la concession du chemin de fer de Saint-Ghislain à Frameries soit mise en adjudication publique le rabais devant porter sur le taux des péages. Suivi du dit rapport et de la dé

cision du Conseil. Mons, 1865. 313

Considérations sur le commerce extérieur de la Belgique et notamment sur les rap ports commerciaux de ce pays avec la France. Bruxelles, 1952.

Considérations sur deux nouvelles communications qu'on propose d'établir entre la Sambre et le canal de Mons à l'Escaut ou observations sur le canal de Mons à la Sambre projeté par M. V.J. Vander Elst, ingénieur civil à Cuesmes, et le projet de chemin de fer de la Sambre au Flénu dressé par M. J.B. Vifquain, inspecteur- divisionnaire des Ponts et Chaussées et demandé en concession par M. Frédéric

Bosse, directeur de la Société Générale, etc, etc. Mons, 1835.

Consultations données à la Compagnie Hainaut et Flandres. Mons, 1865.

Consultations sur les demandes en concession du chemin de fer de Saint-Ghislain

à Frameries. Mons, 1865.

Lés deux conventions franco-belges du 22 août 1852 jugées au point de vue du droit et des principes économiques par un économiste belge. Verviers, 1852.

Discours prononcé par M. Hubert, président du Conseil provincial, relatif à la demande des sociétés charbonnières du Couchant de Mons. Mons, 1865.

Discours prononcé par M. Ch. Sainctelette, délégué de la Chambre de commerce de

Mons, lors de la discussion de la question relative à l'élection des membres des chambres de commerce. Bruxelles, 1862.

Eloge funèbre de M. A.G. Boulvin par le chanoine Gravez, curé et doyen de Ste Elisabeth. S.l.n.d. [Mons, 1867].

Eloge funèbre du révérend M. A.P.V. Descamps, ancien vicaire-général, doyen du chapitre de la Cathédrale de Tournay^ prononcé à la cérémonie de ses funérailles par M. Ponceau, vicaire-général. Mons, 1866.

Enquête sur la condition des classes ouvrières et sur le travail des enfants (ar rêté royal du 7.9.1843). Bruxelles, 1846-1848, 3 vol.

Etudes sur les relations commerciales entre la France et la Belgique. Paris, 1844.

Exposé présenté aux membres des Chambres législatives et au gouvernement par les sociétés houillères du Couchant de Mons. S.l.n.d. [Mons, 1865J . 314

Fédération maçonnique belge. Examen d'un projet de réforme maçonnique proposé par la respectable loge de la Parfaite Union de l'Orient de Mons, délibéré et amendé par le Grand Orient de Belgique. Liège, 5839 [l839J.

Industrie houillère du bassin de Mons. Chemins de fer industriels. Observations de la Société du chemin de fer du Haut et du Bas Flénu sur la lettre adressée le 23.8.1864 à M. le Ministre des Travaux publics par la Compagnie Hainaut et Flan dres. Mons, 1864.

Industrie houillère du bassin de Mons. La société anonyme des chemins de fer du Haut et Bas Flénu a-t-elle en vertu de son arrêté de concession du 4 septembre

1833, des droits acquis 1° à obtenir une extension, de Frameries à St Ghislain 2° à empêcher toutes concessions nouvelles de transport des houilles des fosses du Couchant de Mons au canal de Mons à Condé? 3° Peut-elle invoquer l'équité à l'appui de ses prétentions. Consultations. Mons, 1865.

Itinéraire historique du chemin de fer du Nord, de Paris à Lille et à Bruxelles, par Amiens, Arras, Douai, Valenciennes, Mons, de Creil à Saint-Quentin, d'Amiens à Boulogne et de Lille à Dunkerque et à Calais. Lille, 1849.

Jonction de l'Escaut à la Lys. Canal de Bossuyt à Courtrai et projets connexes. Enquête. Arrêté ministériel du 31 mai 1838. Bruxelles, 1838-1839, 2 vol.

Liberté! Egalité! Fraternité! Association démocratique de Mons. Déclaration de principes. Règlement. Mons, s.d [l848].

Manifestation des principes et des voeux de l'opinion libérale de l'arrondissement de Mons. Mons, 1846.

Mémoire adressé à la Chambre des représentants par le Conseil communal d'Ath le 28 novembre 1848 sur la canalisation de la Dendre d'Ath à Alost. Ath, s.d. [l848j .

Mémoire justificatif du colonel en non activité Dollin du Fresnel, concernant ses démêlés avec le lieutenant-général Daine relatifs aux troubles du Borinage. Mons,

1842.

Mémoire relatif au projet de canal à grande section de Jemappes à Alost par la vallée de la Dendre. Anvers, 1842. 315

Mémoire sur le chemin de fer communal belge de Saint Ghislain-lez-Mons à Gand par

Ath, avec embranchement sur Grammont par M. A. de Laveleye et M. V. Moucheron à Bruxelles à Messieurs les membres de la commission d'enquête. Bruxelles, 1854.

Mémoire sur la nécessité d'un canal de jonction par le territoire du royaume, du canal actuel de Mons à Condé avec l'Escaut, et les avantages de l'exécution de ce travail par un embranchement partant d'un point du dit canal vers Pommeroeul, et se dirigeant vers l'Escaut puis aux environs d'Antoing, présenté à la Chambre de commerce et des fabriques de Mons, aux Etats de la province de Hainaut en leur session de juillet 1817. Mons, 1817.

Mémoire sur les projets de jonction de la Haine à la mer du Nord par la Chambre de commerce d'Ypres. Ypres, 1834.

Mémoire touchant la question de réduction des péages sur le canal de Charleroi et la Sambre canalisée et l'établissement d'un système de péage uniforme et par dis tance sur toutes les voies navigables de la Belgique appartenant à l'Etat.

Charleroi, 1847.

Ministère des finances. Droits différentiels. Réunion de délégués des Chambres de commerce (10 mai 1853). Enquête sur la question de savoir s'il y a lieu de main tenir ou de modifier la loi sur les droits différentiels. Bruxelles, 1853.

Ministère de l'intérieur. Enquête sur les conditions du travail des femmes et des enfants dans les manufactures. Bruxelles, 1860.

La navigation de la Belgique vers Paris. Etudes faites pour effectuer en Belgique la jonction des bassins de la Meuse et de l'Escaut par un canal de Mons à la Sambre. Rapport présenté aux Chambres législatives, le 24 février 1840 par le Ministre des Travaux publics. Bruxelles, 1840.

La navigation de la Belgique vers Paris. Rapport à M. le Ministre des Travaux publics, le 14 juillet 1840, par l'inspecteur des Ponts et chaussées Vifquain.

Bruxelles, 1840.

Navigation de la rivière canalisée de la Sambre depuis Landrecies jusqu'à la fron tière de la Belgique. Documents relatifs à cette concession. Paris, 1832. 316

Note additionnelle en réponse aux oppositions à la demande en concession d'un chemin de fer formée par les sociétés charbonnières de Belle et Bonne, Saint Placide et Sainte Thérèse. Mons, 1833.

Note à l'appui de la demande d'un chemin de fer formé par les sociétés charbon nières de Belle et Bonne, Saint Placide et Sainte Thérèse. Mons, 1833.

Note sur le canal de jonction de la Sambre à l'Oise, au sujet de l'abaissement des tarifs sur le canal de Saint-Quentin et du projet d'un chemin de fer de St Quentin à Erquelinnes. Paris, 1850.

Note de la Régence de la ville de Mons en faveur de l'ouverture du canal destiné à joindre la Sambre à l'Escaut. Mons, 1836.

Observations du Comité des houillères belges relativement à l'abaissement des droits sur les houilles anglaises. Bruxelles, 1853.

Observations des exploitants du Couchant de Mons sûr un projet de règlement de police sur les mines proposé au Conseil provincial du Hainaut. Mons, 1839,

Observations sur la jonction de l'Escaut à la Lys, sur le projet de canal de Bossuyt à Courtray et les projets connexes du canal de l'Espierres, de canalisa tion de l'Escaut et de la Lys et du chemin de fer de Tournay à Courtray, Tourcoing, Roubaix et Lille. Mons, 1839.

Observations sur le rapport de la Chambre dé commerce de Mons, relativement à la question de l'abaissement des droits de navigation établis sur les canaux de la

Sambre, Bruxelles, 1839.

Observations par les sociétés charbonnières du Buisson, des Douze Actions, de Sidia, de Garde de Dieu, de Cossette, de Bonnet et Veine à Mouches sur Quaregnon, de Belle et Bonne, de Vingt Actions, de Bonnet Roi, de l'Auflette, de Horiau, du Bois et de Mr. Degorge-Legrand, exploitant à Hornu contre le sieur A. Vifquin, demandant l'autorisation de construire un canal à travers les territoires des communes de Wasmuël, Quaregnon et Wâsmes. Mons, 1830.

Pasinomie, Bruxelles, 1833-1870. 317

Pétition adressée à MM. les membres de la chambre des députés par les bateliers du canal de Condé (Nord). Paris, 1832.

Pétition adressée à la représentation nationale par les propriétaires des houil lères du Couchant de Mons. Mons, 1837.

Pétition des exploitants des mines de houille du Couchant de Mons à la représen tation nationale demandant 1° une réduction de 75 % sur les droits du canal de

Mons à Condé 2° une réduction de 75 % sur les droits du canal dé Pommeroeul à Antoing 3° la liberté de passer par l'Escaut français, pour se rendre en Belgique, sans acquitter les droits du canal de Pommeroeul à Antoing. 4° La mise en adjudi cation du canal de Jemappes à Alost, ou au moins de Jemappes à Ath, en y affectant, à titre de subside, le cautionnement abandonné par les concessionnaires primitifs. 13 janvier 1850. Mons, 1850.

Pétition des exploitants de mines de houille du Couchant de Mons à la représenta tion nationale démontrant que la réduction du péage dû canal de Charleroy ne peut être que de 25 % et qu'à titre de juste compensation pour le bassin houiller du Couchant de Mons il faut supprimer totalement les péages du canal de Mons à Condé et de Pommeroeul à Antoing. 18 mars 1847. Mons, s.d. [l847j.

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Projet de réforme maçonnique à l'Orient de Mons au Grand Orient de Belgique et modifié par la commission spéciale nommée à cette fin dans sa séance du 23e jour, 10e mois 5838. Mons, 5838 [l838J.

Proposition faite au Conseil provincial du Hainaut, dans sa séance du 8 juillet 1840 par le sieur De Quanter, député du canton du Roeulx, appuyé par Mrs.Daminet,

Dupont et le Comte de Bocarmé. Mons, 1840.

Propositions d'arrangement faites par les administrateurs de la Société d'Assurance et d'affrètement A. Pillion, F. Miroir et Cie aux extracteurs et négociants en charbon du Couchant de Mons et rejetées par ceux-ci. Mons, 1832.

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Travaux des mines. Nouveau guide des directeurs de travaux, sous-directeurs, chefs-porions, porions, marqueurs, câlins, chefs de place, etc. Règlements sur la police générale, l'aérage, l'éclairage, le tirage à la poudre et la descente des ouvriers dans les travaux souterrains. Mons, 1868.

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LISTE DES ILLUSTRATIONS.

Carte 1 : L'arrondissement administratif de Mons II

Carte 2 : Les cantons III

Carte 3 : Le Borinage en 1877 IV

Carte 4 : L'évolution démographique

Carte 5 : Les voies navigables et lès chemins de fer du

Nord-Ouest de la France en 1865 101

Carte 6 : Les voies navigables en Belgique 129

Carte 7 : Les voies ferrées en Belgique en 1867 131 369

TABLE DES MATIERES.

AVANT-PROPOS

LE CONTEXTE

CHAPITRE 1 - La situation démographique. L'économie de la ville de Mons et des campagnes. L'industrie

charbonnière.

a. Situation démographique b. L'économie de la ville de Mons et des

campagnes. 4 1. La ville de Mons 4 2. Les campagnes 5 c. L'industrie charbonnière 6 1. Situation en 1830 6 2,. Sa modernisation de 1830 à 1870 8 3. Evolution de la conjoncture de 1830 à 1870 9 d. Conclusion 12

CHAPITRE 2 - Les institutions législatives, executives et consultatives. 14

a. Les institutions législatives et executives 14 b. Les institutions consultatives 16 1. Les Chambres de commerce 16 2. Les commissions agricoles 24 c. Conclusion 25 370

II - L'ORGANISATION DES*INTERETS ECONOMIQUES

CHAPITRE 3 - Absence d'organisation des intérêts économiques

non houillers. Les syndicats patronaux charbonniers. 28 a. Absence d'organisation des intérêts écono miques non houillers 28 1. Agriculteurs et industriels agricoles 28

2. Industriels non charbonniers et ouvriers

mineurs 30 b. Les syndicats patronaux charbonniers 31

1. Avant 1836 31 2. 1836 - 1842 33 3. 1842 - 1870 45

c. Conclusion 52

III - QUELQUES CHAMPS D'ACTIVITE REVELATEURS DE. L'INFLUENCE EXERCEE PAR LE LOBBY CHARBONNIER, PRINCIPAL GROUPE DE

PRESSION ECONOMIQUE

CHAPITRE 4 - La question douanière. 54 à. Les antécédents: l'époque hollandaise 54 b. Le réunionisme et les premiers accords franco-belges (1830-1845) . 55 1. 1830 - 1831: Réunion à la France ou indépendance? 55 2. Le temps des espoirs 58 3. Les ordonnances françaises de 1835 64 4. Nouveau succès anglais en novembre 1837 67 5. Une union douanière franco-belge? 68 6. La convention linière de 1842 et le traité de 1845 74; c. Le triomphe du libre-échange (1845-1870) 78 1. Son émergence (1845-1849) 78 2. Nouvelles démarches britanniques (1849- 1850) 80 371

3. Les conventions franco-belges de 1852 85 4. Le traité du 21.3-1854 91 5. Nouvelle orientation de la politique

douanière belge 93 6. Epilogue 96 d. Conclusion 97

CHAPITRE 5 - Les travaux publics: les transports vers la

France. 100 a. L'ouverture de nouvelles voies navigables (1830-1845) 100 1. La situation vers 1830 100

2. L'accès aux marchés de Lille et de Roubaix: l'échec du projet de jonction Escaut-

Deûle 100 3. Ouverture en I838 d'une nouvelle voie navi

gable vers Paris, concurrente de l'Escaut,

et premiers projets de jonction de celle-ci

avec le canal de Condé 106 4. Réduction des péages sur la ligne de la

Sambre 109

5- Nouvelles démarches du Couchant de Mons

en faveur de sa jonction avec la ligne de

la Sambre 110 6. Le projet de canal de la Haine et le che

min de fer de Manage< à Mons 113

7. Refus de Bischoffsheim et d'Oppenheim

d'exécuter le canal de la Trouille 117 b. L'ouverture des voies ferroviaires (1845- 1870) 120 1. Réseau et politique tarifaire de la Compa

gnie du Chemin dé fer du Nord 120

2. L'ouverture vers l'Est 122

3. Raccordement des bassins de Mons et du

Centre aux nouvelles voies ferrées 122

c. Conclusion 126 372

CHAPITRE 6 - Les travaux publics: les transports vers l'intérieur du pays 128 a. Une voie directe vers le Bas-Escaut? 128 b. Les réformes tarifaires gouvernementales 138

c. Conclusion 142

CHAPITRE 7 - Les travaux publics: la question des chemins de fer industriels borains en 1864-1870 143 a. Les antécédents: 1830-1864 143 1. Les premiers projets et les troubles d'octobre 1830 143

2. La concession des chemins de fer du haut

et du bas Flénu et de Saint-Ghislain 145 3. La construction de la ligne de l'Etat entre Mons et la frontière française 147 4. Reprise du réseau de Saint-Ghislain par le groupe Rothschild 148

b. De la demande de concesion Hainaut-Flandres à la reprise par l'Etat des chemins de fer industriels borains: 1864-1870 149

1. La demande de concession Hainaut-Flandres 149 2. Entrée en jeu de Philippart 154 3. Epilogue 156

c. Conclusion 159

CHAPITRE 8 - La "police des ateliers" 160 a. Pression patronale en faveur du rétablisse

ment des livrets 160

b. Un troc inattendu: caisse de prévoyance contre livrets 16.3 c. Rétablissement des livrets 168 d. L'établissement de Conseils de prud'hommes et les règlements patronaux de I852-I86O . 169

e. Conclusion 172 373

IV - LIBERAUX ET CATHOLIQUES. DES ETIQUETTES AUX PARTIS POLITIQUES

CHAPITRE 9 - De 1830 à I857. 174 a. 1831 - 1847 174 1. Prise de contrôle par l'Eglise de l'ensei gnement et de la bienfaisance ' 174 2. La réaction anticléricale 177 b. 1847 - 1852 181 1. Une politique gouvernementale libérale 181 2. La réaction catholique 182 c. 1852 - 1857 184 1. La politique gouvernementale 184 2. La réaction anticléricale 184 d. Conclusion 188

CHAPITRE 10 - De 1857 à 1870. 190 a. Un gouvernement libéral 190 b. Les libéraux montois 191 c. L'opinion catholique 206 d. Conclusion 214

V- LES INTERFERENCES

CHAPITRE 11 - La presse locale 217

CHAPITRE 12 - Les hommes politiques 228 a. Les conseillers provinciaux 228 b. Les parlementaires bruxellois 232 1. Les députés au Congrès 232 2. Les sénateurs 235 3. Les députés à la Chambre 248 a) 1831 - 1847 248 b) 1847 - 1852 256 c) 1852 - 1857 262 d) 1857 - 1870 265 c. Conclusion 283 374

VI - CONCLUSION GENERALE 284

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

I - ARCHIVES 291

A. En Belgique 291

B. En France 303

II - RECUEILS DE SOURCES 305 A. Assemblées législatives 305

B. Divers 305

III - PUBLICATIONS CONTEMPORAINES 307

A. Journaux 307

B. Autres 308

IV - BIBLIOGRAPHIE GENERALE 332

A.-. Instruments de travail 332

B. Livres et articles 337

LISTE DES ILLUSTRATIONS 368

TABLE DES MATIERES 369 --