Le Clip En Tant Qu'œuvre Cinématographique
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Jodel SaintSaint----MarcMarc Le Clip en tant qu’œuvre Cinématographique SNSNSN Sorbonne Nouvelle Le clip en tant qu'œuvre cinématographique Jodel SAINT-MARC Le clip en tant qu'œuvre cinématographique Le cas Laurent Boutonnat Sorbonne Nouvelle Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4) Cette représentation ou reproduction, par quelques procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © 2003, Editions Sorbonne Nouvelle. « L’avenir du cinéma comme du tableau est dans l’intérêt qu’il donnera aux objets, aux fragments de ces objets, ou aux inventions purement fantaisistes et imaginatives. L’erreur picturale, c’est le sujet. L’erreur du cinéma, c’est le scénario. Dégagé de ce poids négatif, le cinéma peut devenir le gigantesque microscope des choses jamais vues et jamais ressenties. » Fernand Léger, Les Cahiers du mois, numéro spécial sur le cinéma , 1925. Le clip en tant qu'œuvre cinématographique INTRODUCTION Etrange mutation que la greffe quasi-systématique d’images sur une musique à vocation commerciale. Dans les années 1960, le scopitone combinait le principe d'un juke-box avec un écran. Moyennant une somme modique, la sélection d'une chanson permettait de faire jouer automatiquement le disque sur lequel la chanson était enregistrée en même temps qu'elle déclenchait la projection d'un court film 16 mm de 3 minutes qui l'illustrait. Après avoir connu un bref mais grand succès dans les cafés et autres lieux publics où ces machines étaient installées, cette invention française 1 disparut pratiquement après 1965. Les principaux artistes ayant tournés des films Scopitone furent les chanteurs «yéyés» (Johnny Hallyday, Franck Alamo, Françoise Hardy...) et les artistes comiques (Guy Bedos, Fernand Raynaud, Henri Salvador...) réalisés par des cinéastes comme Alexandre Tarta ou Claude Lelouch. A partir de la fin des années 1960, on continue d’illustrer certaines chansons sans les diffuser dans les lieux publics. Les moyens pour les tourner sont moindres, les tournages se font de moins en moins en extérieur et leur diffusion est cantonnée aux émissions télévisées musicales. Il faut attendre l’année 1980 pour voir sur un écran le premier vidéo-clip présenté comme tel : Video killed the radio star par le groupe Buggles, trois minutes de playback en noir et blanc sur support video où les interprètes, par écrans interposés se "parlent" les uns aux autres sur un montage très rythmé et de nombreux effets ou raccords. La musique n’a pas attendu le vidéo-clip pour entretenir des rapports étroits avec l’image ; dès le cinéma muet elle se posait déjà en élément de bande-son à la projection du film. La conception d’images et de musique dans le vidéo-clip fonctionnent de manière radicalement différente : c’est l’image qui illustre la chanson et non pas l’inverse. On peut trouver historiquement ce qui, dans l’Histoire du cinéma, a pu influencer, inspirer, ou au moins amener la naissance du vidéo-clip. Ce qui régit un vidéo-clip est avant tout sa fonction : c’est une œuvre audio-visuelle à visée uniquement promotionnelle. Nous verrons qu’il promeut la chanson qu’il illustre bien évidemment, mais aussi son ou ses interprète(s). C’est en cela que le vidéo-clip nous rappelle les films de chanteur, et entre autres les premiers succès d’Al Jolson comme Le Chanteur de jazz (The Jazz Singer – 1927) ou Hallelujah, I'm a bum (1933). C’est justement l’apparition du film parlant qui coïncide avec une exploitation discographique et radiophonique intense : de septembre 1930 à mars 1931, près de mille disques sont publiés en France à la gloire du film parlant. C’est vingt ans plus tard qu’un grand pas vers le principe qui sera celui du vidéo- clip sera franchi : des films naissent d’une ou de plusieurs chansons. C’est en 1952 que Betty Comden et Adolph Green bâtissent le scénario de Chantons sous la pluie autour des chansons de Arthur Freed. Le système survivra plus ou moins à la comédie musicale avec des films comme Indian Song de Marguerite Duras en 1975. 1 Invention brevetée par la Compagnie d'Applications Mécaniques à l'Electronique, au Cinéma et à l'Atomistique (C.A.M.E.C.A). - 6 - Introduction Ce que nous appelons aujourd’hui vidéo-clip 2 est un petit film promotionnel musical destiné à la diffusion télévisée dans les émissions spécialisées afin de promouvoir l'interprète ou le pressage phonographique qui se rapporte à la chanson mise en images. Après le mouvement d' art vidéo des années 70 peu médiatisé et étrangement méconnu, le vidéo-clip peut en être lu comme la suite logique, comme une introduction en forme de divertissement sur le petit écran de travaux comme ceux des Vasulka (Steina et Woody), de Emshwiller aux U.S.A ou de Jean- Christophe Averty en France. Evolution du scopitone de la fin des années soixante-dix le vidéo- clip voué aux passages télévisés apparaît tout d'abord en Angleterre en 1981 avec la firme Ultra- Vox qui croit au médium et y investit rapidement. Les U.S.A profitent alors de l'exportation de la notoriété de l'Angleterre pour commencer à produire. L'Europe ne diffuse pas encore de vidéo- clips excepté en Belgique où on peut remarquer les premiers travaux notables de Jean-Pierre Berckmans. En France et en Allemagne, les quatre premières années de la décennie n'ont pas connues de vidéo-clips dignes de ce nom, car de trop nombreuses émissions de variété occupaient alors l'antenne : pour la promotion d'une chanson, les maisons de disque et les artistes pensaient l'impact alors plus fort lors d'un passage dans une de ces émissions. Il faudra attendre Jean-Baptiste Mondino en France pour voir à partir de 1983 les premiers réels vidéo-clips, d'ailleurs souvent assez originaux, succédant aux scopitones de Jean-Christophe Averty sans mouvement de caméra ni intérieur au champ, la réalisation se focalisant en longs plans- séquences fixes sur l'interprète. Le vidéo-clip suppose des comédiens, le plus souvent une histoire, ou tout au moins un fil conducteur, même ténu, qui implique la présence de figurants, des décors, des costumes, des éclairages, tout ce qui en fait constitue une oeuvre cinématographique. Le vidéo-clip adopte les matériels de tournage de n’importe quel film de cinéma, mais pas le rythme (un vidéo-clip se tourne en deux ou trois jours, nuits comprises), ni ses critères de production, le financement étant à la charge de la maison de disque (mise à part de rares exceptions dont Laurent Boutonnat fait partie, en ayant fait appel entre autres à des sociétés de publicité 3 et des producteurs indépendants 4 avant de produire lui même ses clips). Il doit en outre obéir aux lois qui sont celles de sa forme, imposées davantage par son statut d'objet promotionnel que par un quelconque soucis esthétique ou éthique. Le vidéo-clip a donc ses règles, bien que les seules lois qui le régissent sont officieuses, la législation cinématographique l'ignorant. L'unique média diffusant le vidéo-clip étant la télévision, c'est elle seule qui versera une somme à la maison de disque en échange du passage à l'antenne. Longtemps gratuit, le passage d'un vidéo-clip est désormais soumis à un paiement incluant les droits d'auteur, de compositeur et d'interprète de la chanson, mais aussi les droits d'auteur du réalisateur (ce qui explique sans doute la faible quantité de vidéo-clips diffusés sur les chaînes hertziennes comparativement aux années 80). A l'étranger les régimes sont parfois différents, et la diffusion des clips est souvent l'objet d'un paiement forfaitaire à l'année. Au Québec par exemple, le média associatif des chaînes de proximité (au nombre de soixante-quinze) payait en 2001 la somme de quatre-vingt cinq millions de dollars canadiens (environ cent vingt sept mille cinq cents Euros). Le vidéo-clip est pratiquement toujours financé par le label ou la maison de disque de l'artiste produit (certains cas particuliers, dont fait partie Laurent Boutonnat, financent eux-mêmes leurs clips). A la vue de la production mondiale de vidéo-clips, on peut d’ores et déjà élaborer une espèce de "clip-type" qui posera d’une part les conventions inhérentes à la forme, et servira plus tard de repère par rapport au travail de réalisateurs bousculant les "règles" généralement admises : en trois minutes cinquante secondes, notre clip-type financé par la maison de disque de 2 Nous ferons ici une distinction entre le vidéo-clip qui est l'objet promotionnel musical de notre étude, et le mot clip qui définira la forme de film en tant qu'objet esthétique plus large, et pas forcément musical. Nous nommerons aussi clip le travail de Laurent Boutonnat car toujours réalisé non pas sur vidéo mais sur pellicule 35mm. standard ou super 35 mm. 3 Alain Grangérard pour Movie-Box en 1986 et 1987 ( Libertine, Tristana ) 4 Stephan Sperry pour Plus Grandir (1985) ; Claudie Ossard pour Sans Contrefaçon (1987). - 7 - Le clip en tant qu'œuvre cinématographique l’interprète en 1989 utilise un budget de soixante seize mille Euros dont la moitié en effets spéciaux.