Revue Archéologique D'île-De-France
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Revue archéologique d’Île-de-France Numéro 2 – 2009 221 LA CÉRAMIQUE DU DÉBUT DU MOYEN ÂGE (XIe- XIIe S.) DU SUD DES YVELINES : LES SITES DE BULLION (RUE DE NONCIENNE) Annie LEFÈVRE ET SONCHAMP (DÉVIATION DE LA ROUTE NATIONALE 10) Résumé L’intérêt des habitats de Bullion et de Son- champ, situés dans le sud des Yvelines, vient prin- cipalement de leur courte durée d’occupation. Ainsi les lots céramiques, pourtant relativement restreints, sont très homogènes et permettent de décrire précisément les productions et formes les plus fréquentes du milieu du XIe s. et de la pre- mière partie du XIIe s. de ce secteur géographique encore mal connu. Les productions recensées sont essentiellement des pâtes sableuses fines et claires dans lesquelles sont confectionnées des oules à bords bandeau, des oules verseuses et des cruches à bec tubulaire. Abstract The habitat sites at Bullion and Sonchamp, located in the south of the Yvelines department, are chiefly of interest because of the short period of occupation. Consequently, the pottery assem- blages, though relatively limited, are very homo- geneous and enable a precise description of the wares and types most frequent from the middle of the 9th century to the beginning of the 12th centu- ry in this hitherto poorly-documented geographi- cal area. The wares inventoried have primarily fine, light-coloured sandy fabrics used to produce collared-rimmed pots, pouring pots and tubular- spouted jugs. Mots-clés : céramique, Moyen Âge, production sableuse, Île-de-France, Yvelines, habitat. Keywords : pottery, Middle Ages, sandy ware, Île-de-France, Yvelines, habitat. Revue archéologique d’Île-de-France, tome 2, 2009, p. 221-234 222 Annie Lefèvre es occupations sont situées dans le sud-ouest de la région parisienne et plus précisément en C Yvelines limite des départements des Yvelines et de l’Es- Bullion sonne. Elles ne sont distantes que d’une dizaine de kilomètres (fig. 1). Saint-Maurice-Montcouronne Il s’agit d’habitats caractérisés par la présence Sonchamp de structures en creux (fosses, silos), fonds de ca- bane et trous de poteau où une activité artisanale liée à la métallurgie a pu être mise en évidence. Aucun d’entre eux n’a pu être fouillé dans son Dourdan intégralité, leur assiette dépassant la zone d’inter- vention archéologique. Si plusieurs bâtiments ont Essonne pu être reconnus à Sonchamp, le site de Bullion n’a livré que quelques trous de poteau trop erratiques pour permettre des propositions de restitution1. La lecture de la stratigraphie, marquée notamment par 0 10 km Etampes l’absence totale de recoupements entre les structu- res, et les données du terrain, témoignent sur cha- cun des sites d’une occupation assez courte dans le Fig. 1 - Bullion (Yvelines). Situation des principaux sites mentionnés. Dessin : A. Lefèvre (INRAP). temps se situant respectivement dans le milieu du XIe s. et le début du XIIe s. Cette analyse est confirmée par l’étude du provenant à 80 % de trois structures (str. 23 : 38 tes- mobilier céramique, très homogène tant d’un sons, str. 45 : 208 tessons, str. 47 : 465 tessons). point de vue technique que morphologique. Ainsi, Les autres contextes ne renfermaient que quelques même si les lots céramiques étudiés restent mo- tessons mais l’examen de ces micro-lots reste pré- destes, nous est offerte l’opportunité d’affiner nos cieux car il permet de conforter l’impression géné- connaissances sur la céramique de cette période rale qui se dégage de cette étude, à savoir la grande du sud des Yvelines. cohérence de l’ensemble. BULLION ÉTUDE DE LA CÉRAMIQUE PRÉSENTATION DU SITE PRODUCTIONS ET DÉCORS Exception faite d’une mention du VIIe s. faisant Les principales productions peuvent être dé- état d’une donation d’une villa par Bernard, évêque finies comme des pâtes sableuses claires, fines du Mans, à son petit-neveu Leuthramus, aucune et homogènes, bien cuites et sonores, technique- donnée historique n’est connue sur cette localité ment bien maîtrisées, permettant le montage de (BARAT 2007). pièces aux parois très minces. Paradoxalement on constate fréquemment sur les poteries une finition Le secteur fouillé a livré des fosses ou silos réu- peu soignée avec de nombreuses traces d’outil ou tilisés en dépotoirs d’où provient l’essentiel de la de doigt, des bavures d’argile et un décor peint – céramique. Malgré la présence de plusieurs trous lorsqu’il existe – assez bâclé. de poteau, aucun bâtiment n’est vraiment appré- Deux grandes catégories se distinguent a hendable alors qu’un secteur apparemment dévolu priori, des pâtes sableuses blanches, héritières à la métallurgie du fer a pu être mis en évidence. Il des productions semi fines claires de la fin de est vraisemblable que l’on doit se situer dans une l’époque carolingienne, et des productions beiges zone artisanale en périphérie immédiate de l’habitat ou marron clair, voire légèrement rouge orangé. (CABBOÏ en cours). Des variantes sont visibles, certaines pâtes blan- ches contenant des inclusions noires de 2-3 mm, GÉNÉRALITÉS SUR LA CÉRAMIQUE DU SITE rares, très dures, peut-être d’origine ferreuse, et certaines pâtes marron présentant des inclusions Le mobilier céramique est relativement pauvre d’origines diverses (siliceuse ou oxyde de fer avec seulement 977 tessons recueillis, ces derniers principalement). Revue archéologique d’Île-de-France, tome 2, 2009, p. 221-234 La céramique du début du Moyen Âge (XIe- XIIe s.) du sud des Yvelines : les sites de Bullion (rue de Noncienne) et Sonchamp (déviation de la route nationale 10) 223 Les décors, rares, se traduisent essentiellement tué par la suite de l’intérieur de la céramique vers par des motifs peints (16 % du corpus), appliqués le tube. La paroi entre en partie dans ce dernier afin principalement sur des pâtes blanches ou beiges d’assurer la cohésion de l’ensemble. À l’opposé du et, plus rarement, par des décors plastiques. Nous verseur est accrochée une anse plate et asymétrique remarquons ainsi une panse portant une bande qui vient se fixer contre et sous le rebord. Même si applique digitée et, sur deux récipients, une série on note dans le détail une certaine diversité dans les d’enfoncements réalisés au doigt imprimés directe- rebords, certaines lèvres affichant par exemple une ment sur la panse. section quasiment triangulaire (fig. 4, réf. 45-13), La peinture est appliquée sous forme de lar- l’ensemble reste très homogène. ges traits parallèles, verticaux ou horizontaux, sans Contrairement aux oules, ces cruches semblent doute dessinés à l’aide d’un pinceau à plusieurs systématiquement peintes ; l’emploi d’une pein- branches. Ces motifs se développent sur toute la ture très liquide génère de nombreuses bavures panse et sont les héritières probables des virgules ou coulures. observées à l’époque carolingienne. Aucune im- pression à la molette ni décor glaçuré n’ont été re- Un fragment de lampe sur pied est également pérés dans cet ensemble. visible (fig. 5, réf. 47-36). La base, massive, est surmontée d’un pied creux où devaient s’accrocher FORMES une coupelle intermédiaire et un petit réservoir. Ce modèle est en effet maintenant bien connu et très La forme la plus fréquente reste le pot à cuire du fréquent durant l’époque carolingienne et le début type oule à rebord en bandeau. Les lèvres peuvent du Moyen Âge central. Il cède la place à de petites être divisées en deux grands types, en premier lieu lampes à appendice dans le courant du XIIe s. des rebords courts et massifs, généralement très inflé- chis sur l’extérieur, à la partie inférieure très saillante Plusieurs fragments de formes ouvertes sont ob- (fig. 2). Un épaississement interne est parfois visible. servables parmi lesquelles une petite coupelle, assez Le second type correspond aux rebords, moins fré- profonde, à la lèvre ourlée portant une bande peinte quents dans nos ensembles, plus hauts et droits (fig. 2, sur son pourtour (fig. 5, réf. 75-1). Cette forme s’ap- réf. 53-1 et 47-21). Aucun de ces pots aux cols courts parente à des coupelles d’époque carolingienne éla- surmontant des panses globulaires n’est archéologi- borées en pâte fine, peinte et polie. quement complet. Nous notons cependant fréquem- Une autre coupe à paroi droite et au diamètre ment des traces de feu, voire des dépôts de suie, sur étroit provient du silo 47 (fig. 5, réf. 47-37). Elle y ces récipients. S’il n’existe pas de différences mor- est associée à une forme ouverte d’un type inédit à phologiques significatives entre les exemplaires réa- la lèvre éversée et à la panse carénée, estampée d’un lisés en pâte blanche et ceux en pâte beige marron, décor au doigt (fig. 5, réf. 47-35). nous remarquerons néanmoins que les rebords hauts sont tous réalisés en pâte sableuse beige marron. DATATION Certains pots sans élément de préhension portent Comme souvent sur ces petits habitats ruraux, une déformation sur leur rebord par pincement ou aucun élément intrinsèque ne permet d’apporter des étirement formant verseur. Notés « oules verseuses », éléments de datation et cette dernière n’est établie ils présentent une lèvre relevée à section rectangu- qu’à partir de la céramique. Si nos connaissances laire ou triangulaire ; la panse peut être globulaire ou sur celle du haut Moyen Âge se sont largement marquée par un ressaut à mi-hauteur (fig. 3). étoffées ces dernières années, notamment grâce aux nombreuses opérations d’archéologie préventive La seule pièce archéologiquement complète de (LEFÈVRE, MAHÉ 2004), ce secteur géographi- la fouille est une cruche à bec tubulaire, issue de que reste encore peu documenté. la structure 45 (fig. 4, réf. 45-1). Cette fosse a par Cependant, des comparaisons avec des ensem- ailleurs fourni, pour une raison inconnue, un nom- bles fouillés récemment et provenant de sites pro- bre relativement élevé de fragments de cette forme.