Cahiers d’Études Germaniques

66 | 2014 La Première Guerre mondiale un siècle plus tard. Culture et violence

Thomas Keller (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ceg/1906 DOI : 10.4000/ceg.1906 ISSN : 2605-8359

Éditeur Presses Universitaires de Provence

Édition imprimée Date de publication : 15 juin 2014 ISSN : 0751-4239

Référence électronique Thomas Keller (dir.), Cahiers d’Études Germaniques, 66 | 2014, « La Première Guerre mondiale un siècle plus tard. Culture et violence » [En ligne], mis en ligne le 17 décembre 2017, consulté le 18 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ceg/1906 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ceg.1906

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CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES

LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE UN SIÈCLE PLUS TARD CULTURE ET VIOLENCE

Études réunies par

Thomas KELLER

2014/1 – n° 66 CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES

DIRECTEUR Karl Heinz GÖTZE (Aix-Marseille)

RÉDACTEURS EN CHEF Ingrid HAAG (Aix-Marseille) Karl Heinz GÖTZE (Aix-Marseille)

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Hélène BARRIÈRE (Aix-Marseille)

COMITÉ SCIENTIFIQUE Dieter BORCHMEYER (Heidelberg) Ulrich FUCHS (Bremen – Marseille) Maurice GODÉ (Montpellier) Ingrid HAAG (Aix-Marseille) Michael HOFMANN (Paderborn) Steffen HÖHNE (Weimar) Dorothee KIMMICH (Tübingen) Jean-Charles MARGOTTON (Lyon 2) Gerhard NEUMANN (München) Gert SAUTERMEISTER (Bremen) Michel VANOOSTHUYSE (Montpellier) Marcel VUILLAUME (Nice)

COMITÉ DE RÉDACTION Florence BANCAUD (Aix-Marseille) Hélène BARRIÈRE (Aix-Marseille) André COMBES (Toulouse 2) Claus ERHART (Nice) Wolfgang FINK (Lyon 2) Karl Heinz GÖTZE (Aix-Marseille) Hilda INDERWILDI (Toulouse 2) Thomas KELLER (Aix-Marseille) Françoise KNOPPER (Toulouse 2) Jacques LAJARRIGE (Toulouse 2) Michel LEFÈVRE (Montpellier 3) Fabrice MALKANI (Lyon 2) Nathalie SCHNITZER (Aix-Marseille) Christina STANGE-FAYOS (Montpellier 3) Katja WIMMER (Montpellier 3) Ralf ZSCHACHLITZ (Lyon 2)

COMITÉ DE LECTURE Sylvie ARLAUD (Paris 4) Heike BALDAUF (Lyon 2) Bernard BANOUN (Paris 4) Jean-Marc BOBILLON (Nice) Suzanne BÖHMISCH (Aix-Marseille) Alain COZIC (Toulouse 2) Véronique DALLET-MANN (Aix-Marseille) Hélène LECLERC (Toulouse 2) Dorle MERCHIERS (Montpellier 3) Nadia MESLI (Aix-Marseille) Jean-Michel POUGET (Lyon 2) Christine SCHMIDER (Nice)

ADMINISTRATION-DIFFUSION Alix FABRE Université d’Aix-Marseille Maison de la Recherche 29, av. Robert-Schuman 13621 AIX-EN-PROVENCE CEDEX 1 Tél. 04 13 55 36 73 Courriel [email protected] Sommaire

Avant-propos : Les enfants sacrifiés...... 7

DE LA GUERRE FANTASMÉE À LA GUERRE RÉELLE Gangolf Hübinger, Le dévouement à la nation. Les combats d’idées entre 1911 et 1914...... 29 Barbara Besslich, Das Land der Wirklichkeit und Das wirkliche Deutschland. Die kulturkritischen Transfers des Oskar A. H. Schmitz (1873-1931) zwischen Krieg und Frieden...... 39 Françoise Knopper, Guerre et journalisme culturel : les variantes du ‘feuilleton’ durant la Première Guerre ...... 53 David Weber, Démobilisation des esprits chez l’occupé et guerre des cultures : l’expérience de la Gazette des Ardennes ...... 77

ESTHÉTIQUE DE LA VIOLENCE Janina Arndts, Heroismus und Defätismus – Alte und neue Feindbilder in den Chansons der Poilus...... 93 Joseph Jurt, « Ah Dieu ! que la guerre est jolie » (Apollinaire). Die ästhetische Valorisierung des Krieges durch die französische Avantgarde...... 105 Jochen Mecke, Une esthétique agonale de la Grande Guerre...... 117 Claus Erhart, Ende Juli. Eine Fliege stirbt: Weltkrieg. Zu Robert Musils Wahrnehmung des Krieges ...... 135 Dorothee Kimmich, Über den Schmerz. Weltkriegstrauma in der Literatur...... 151 Thomas Keller, Au-delà du bellicisme et du pacifisme : l’indifféren- tisme des avant-gardes ...... 167 6 SOMMAIRE

LA MÉMOIRE – TÉMOIGNAGE ET SOURCE DE CONFLITS Jean-Marie Guillon, John Norton Cru. Littérature et témoignage de la Première Guerre mondiale ...... 187 Christa Karpenstein-Essbach, Wie Erinnertes lebendig wird. Tote und Touristen in Hans Chlumbergs Wunder um Verdun ...... 197 Johannes Grossmann, Der Erste Weltkrieg als deutsch-französischer Erinnerungsort? Zwischen nationalem Gedenken und europäischer Geschichtspolitik...... 207 Hans-Joachim Lüsebrink, La paradoxale productivité des temps de guerre et d'occupation. Des réflexions théoriques de Richard Cobb aux rencontres franco-germano-africaines de la Première Guerre mondiale...... 221 Isabell Scheele, La Première Guerre mondiale au Cameroun : une guerre des archives ?...... 229 Thomas Lange, „Grab unerfüllter Möglichkeiten“ - Deutschland und Frankreich im Spiegel einer Erzählung aus dem französischen Exil: Ernst Erich Noth Paul et Marie (1937) ...... 243

Résumés...... 257 Avant-propos Les enfants sacrifiés

Pendant qu’on enseignait le meurtre du père, quelques personnes, de par le monde, décidaient, pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, de mettre à mort des dizaines de millions de jeunes gens, qui n’avaient pas plus de vingt-cinq ans. Au moment même où on enseignait le meurtre du père, ces guerres témoignaient du meurtre du fils… Qu’est-ce qu’une déclaration de guerre ? C’est un vieillard, quelque part, une sorte d’ignoble grand-père qui dit à son collègue, vieux père, de l’autre côté de la frontière : « Sois gentil. Avec tes enfants, tue les miens. À charge de revanche ». Voilà l’idée que je me fais de la guerre : un atroce sacrifice d’innombrables enfants... Si j’ai raison de définir la guerre comme le meurtre des fils, alors il n’y a jamais eu de guerre de la France contre l’Allemagne…1

Peut-on parler ainsi de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale ? Les propos de Michel Serres peuvent paraître trop globalisateurs et quelque peu naïfs. Ils semblent réunir deux guerres très différentes et occulter l’abîme séparant les envahisseurs de ceux qui doivent se défendre. Ils n’en posent pas moins deux questions cruciales, celle du caractère sacrificiel des cultures et celle de leur imbrication. Quelle est la culture qui serait prête à sacrifier ses enfants dans une guerre ? Quelle est la culture pour laquelle des millions de personnes seraient prêtes à se sacrifier ? Il est un peu trop simple de faire de la guerre, à l’instar de nombreux intellectuels et artistes, l’affaire des autres. Si l’on retourne le mot fameux de Carl Sandburg « Sometime they’ll give a war and nobody will come » (souvent attribué à tort à Brecht « Stell dir vor, es ist Krieg und keiner geht hin »), on obtient: « Imagine-toi qu’ils fassent la guerre et que tous les jeunes y aillent ». Ainsi définit-on beaucoup mieux le lien étroit qui relia culture et violence lors de la guerre de 1914-18. M. Serres souligne l’action croisée de la France et de l’Allemagne. Une culture a besoin de l’autre pour mener à bien son œuvre meurtrière, pour s’affirmer. Elle fait tuer ses enfants par l’autre et elle tue les enfants de l’autre. Les enfants sont le médium d’une entente sordide. Qui est ce vieillard « ignoble » de la culture ou de la civilisation (nous faisons ici abstraction de la distinction entre les deux) ? Quelle est la structure qui paraît être moins parricide, c’est-à-dire œdipienne, qu’infanticide ? Les archives culturelles mettent à notre disposition plusieurs récits narrant le

1 Michel SERRES, Petites chroniques du dimanche soir 2, février 2006-mars 2007, Paris, Le Pommier, 2007, p. 30-31. 8 THOMAS KELLER meurtre de l’enfant, par exemple Saturne dévorant ses enfants, le meurtre des nouveau-nés perpétré par Hérode ou encore Abraham prêt à sacrifier son fils Isaac. Le mythe de Médée tuant ses enfants établit le lien entre la confrontation de deux cultures et le sacrifice de l’enfant. Max Ernst transpose le meurtre de l’enfant au contexte franco-allemand. Dans l’un de ses montages, l’artiste franco-allemand relie la Première Guerre mondiale à la scène biblique du « massacre des innocents »2.Le titre fait explicitement allusion au récit narrant le meurtre des enfants ordonné par Hérode pour tuer le futur roi des juifs. M. Ernst insère dans son collage des personnes en fuite. Elles rappellent celles que l’on trouve dans les toiles de Nicolas Poussin représentant Le Massacre des innocents. Là où les tableaux de N. Poussin mettent en scène trois acteurs – la mère, l’enfant, les bourreaux –, M. Ernst réduit les mères qui s’enfuient à des schèmes et évacue toute action violente entre êtres humains. L’absence de victimes dans le tableau de M. Ernst est frappante. Aucun nouveau-né n’y est représenté. L’impression qui se dégage de l’œuvre est pourtant terrifiante. Le déchaînement de violence est imminent. L’être volant, qui rappelle un appareil construit par Lilienthal, renvoie également au mythe d’Icare. Icare est trahi par Dédale ; les inventions de son père le tuent. L’être hybride, technique et humain, est décentré tandis que le centre de l’œuvre reste vide, aucun être humain n’y figure. Il s’offre au spectateur, il l’engloutit. Le spectateur doit s’imaginer les cibles mentionnées dans le titre : les innocents. La photo montre au centre la zone industrielle de la ville de Soissons détruite par l’aviation allemande ; elle est empruntée à la publication Deutsches Kriegsflugwesen (1917). Les victimes sont invisibles. Le lien qui existe avec les jeunes gens dans les tranchées est toutefois facile à établir : les nouveau-nés, absents de l’œuvre, sont destinés à fournir le matériel humain devant être sacrifié dans cette guerre. Pour autant, le spectateur n’occupe ni la place du meurtrier, ni celle de la victime, ni celle des deux à la fois. Le tableau refuse la structure binaire. Le combat qui est représenté n’est engagé ni entre deux armées, ni entre deux pays. L’entrecroisement des configurations culturelles est invisible, il n’en demeure pas moins fondateur. L’image fait entrevoir la guerre en tant que configuration mentale. Le propre de la culture infanticide consiste à transformer le lien entre deux cultures en une machine guerrière, celle du meurtre des innocents. Le tableau de M. Ernst remplace la guerre entre « Allemands » et « Français » par la représentation de la violence qui frappe sans aucune distinction les jeunes gens.

2 L’œuvre est consultable sur Internet à l’adresse : http://www.zeitenblicke.de/2004/01/ derenthal/derenthal9.htm. AVANT-PROPOS 9

Une violence peut en cacher une autre : le tiers déclenchant le conflit

Les décennies d’avant 1914 connaissent déjà des tentatives visant à soumettre la coexistence des États européens à des règles. Cette œuvre civilisatrice s’inspire de l’esprit des Lumières, entre autres des conceptions kantiennes de la paix. Imposer aux États-nations une juridiction universelle doit permettre de réduire la tendance à la violence. Cet idéal de paix requiert un certain renoncement à la souveraineté en faveur de l’établissement d’instances internationales, mais il repose toujours sur la coopération entre États souverains. Dès 1864, les conventions de Genève soumettent le traitement des blessés, des prisonniers de guerre et des civils à des normes ; les conventions de La Haye de 1899 et de 1907 ont pour objectif le désarmement et la prévention de la guerre. Ce processus, qui inaugure une politique intérieure mondiale, se poursuit après la Première Guerre mondiale avec la fondation de la Société des Nations et le Pacte Briand-Kellog de 1928 qui veulent bannir la guerre. Toutes ces codifications des rapports entre nations s’élaborent avec la participation de la France et de l’Allemagne. Elles s’appliquent à des conflits armés internationaux qui ont pour acteurs des États. La Première comme la Deuxième Guerre mondiale illustrent ainsi la violation par un État souverain de principes universels instaurés par le droit international. Le traité de paix, qui établit les responsabilités, détermine la différence entre les défenseurs de la paix et de la souveraineté d’une part et l’agresseur de l’autre. La guerre n’est juste que quand elle défend des valeurs universelles. Si les tentatives de soumettre à des règles les conflits interétatiques représentent un progrès certain, elles occultent pourtant une autre réalité. Les traités eux-mêmes sont souvent source de conflits. De la paix de Westphalie (1648) au premier traité de Paris en 1814, tous les traités de paix connaissent l’oubli et l’amnistie. Le terme de « sécurité » n’y apparaît pas. Le premier traité qui fut signé entre une monarchie et une république, à savoir le traité de Bâle (1795) entre la Prusse et la République française, obéit lui aussi à cette règle. Ce traité met pour la première fois en place, conformément aux conceptions kantiennes, un mécanisme tiers destiné à assurer la paix. Toutefois, l’organisation de la paix, bien qu’elle soit par définition improvisée3, divise les belligérants de plus en plus en vainqueurs et vaincus. La rupture intervient après les Cent-Jours et la défaite de Waterloo : le deuxième traité de Paris, en 1815, introduit alors des nouveautés. Certes, la

3 « Entre les deux extrêmes, clémence absolue et sévérité inflexible, les vainqueurs n’ont cessé de balancer », « Introduction », in Jean-Paul CAHN, Françoise KNOPPER, Anne-Marie SAINT-GILLE (dir.), De la guerre juste à la paix juste. Aspects confessionnels de la construction de la paix dans l’espace franco-allemand (XVIe-XXe siècle), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2008, p. 7-18, ici p. 9. Voir aussi Françoise KNOPPER, « Les traités de paix, des tournants ? », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 2011, p. 163-318. 10 THOMAS KELLER

France a été invitée à la table des négociations, ses pertes territoriales restent limitées. Mais Napoléon est désigné comme le coupable, la France doit payer des réparations, des territoires français restent occupés pendant quelques années. Les peines ne frappent pas le régime napoléonien mais le régime suivant. La Sainte-Alliance formée de monarchies crée un équilibre européen assurant la paix pendant un demi-siècle. Mais dorénavant les relations interétatiques sont contaminées par une mimésis de la violence. Les traités de paix suivants réitèrent le scénario. Après la défaite de 1871, la France, qui n’est plus une monarchie, doit payer des réparations. L’occupation de territoires français ne s’arrête pas avec la fin de la guerre. Lors de la signature du traité de Versailles, les alliés vainqueurs déclarent agir au nom de l’humanité, au nom des pays civilisés. L’Allemagne est exclue des négociations. L’Empire allemand a détruit l’équilibre européen et la paix. Il n’est pas seulement désigné comme coupable, mais comme le seul coupable. L’Allemagne est condamnée à payer des réparations, la rive gauche du Rhin est occupée. Les conséquences frappent la République de Weimar. Les mécanismes de sécurité, comme le désarmement de l’Allemagne par exemple, deviennent l’affaire de la Société des Nations, censée contrôler la situation. On assiste à l’introduction d’un tiers qui, en induisant une asymétrie, rend le vaincu méchant (un constat qui bien évidemment n’excuse nullement les inhumanités à venir). L’ordre d’après-guerre soumet également jeunes Français et jeunes Allemands, qui ont combattu dans les tranchées, à une dichotomie et une hiérarchisation problématiques. Il les divise en vainqueurs et vaincus, alors que leur façon d’être et de penser se dérobe le plus souvent à toute dualité entre pays. Tandis que les traités, les cérémonies et les discours officiels entretiennent les mécanismes belligènes, les morts et beaucoup de survivants démentent les binarités. S’il est vrai que le poilu ou le Kriegsteilnehmer devenu victime n’est pas automatiquement « bon » et pacifiste, il devient toutefois, en quelque sorte, étranger à la communauté nationale. La guerre aussi est un type d’interaction réglementé. Bien qu’elle puisse paraître en être le type le plus extrême ou le plus destructeur, la guerre obéit, plus que tout autre conflit, à une codification. Son caractère meurtrier provoque des réactions tendant à soumettre les situations de crise à des règles. Pendant l’ère des nations, les États souverains ont imposé des garanties grâce auxquelles les combattants bénéficient d’une certaine protection (par exemple le statut de prisonnier de guerre). Lors de conflits violents qui ne connaissent pas l’état de guerre déclarée entre deux entités, une partie tend à réclamer pour elle le droit, l’humanité et la volonté de paix, et à qualifier l’autre partie de meurtriers, de terroristes, de pirates etc. Cet autre dévalorisé ne jouit plus de tous les droits. La Première Guerre mondiale ne semble pas engendrer une telle inégalité entre combattants. Elle est un conflit symétrique entre deux États. Or cette guerre expose les jeunes victimes à une violence extrême. Ils sont, dans leur chair même, des tiers qui relient les États belligènes et échappent en même temps à la souveraineté nationale. AVANT-PROPOS 11

Une historiographie croisée permet de percevoir plus aisément le lien entre différend et réconciliation. En cela, elle rappelle le mot d’Héraclite selon lequel « Il faut savoir que la guerre est commune, et la justice discorde, et que tout advient selon dispute et nécessité ». Elle favorise aussi la logique de l’amnistie. Le commentaire de Plutarque sur la loi de Solon interdisant de dire du mal des morts, « il est possible d’ôter à la haine son éternité (La vie de Solon) »4 dont le but est de mettre fin à la guerre civile à Athènes, constitue le premier décret d’amnistie. Il vise à empêcher que la haine ne s’installe. Mais cette logique ne nie pas le conflit. Elle évite de porter un jugement moral sur les parties qui s’opposent. Les penseurs contemporains qui réhabilitent l’art éristique des sophistes, Barbara Cassin en France5, Rüdiger Bubner6 en Allemagne, n’appellent pas à rompre avec les mécanismes fondateurs de la paix dans la tradition kantienne. Mais ils tiennent compte de l’effet belligène des discours faisant de la violence l’affaire de l’autre. Tout comme le discours sur l’ennemi héréditaire reproduit purement et simplement un rapport de forces, la guerre ne reflète pas forcément la pensée de ceux qui doivent la mener. Ils sont acteurs et victimes de la cruauté, celle de la Première Guerre mondiale comme celle des guerres antérieures, telle la guerre de Trente Ans, la guerre de Sept Ans, ou encore la campagne de Russie de Napoléon. Au premier abord, la Première Guerre mondiale semble représenter la confrontation entre États souverains et entre deux camps, avec une déclaration de guerre, des règles sur la conduite à suivre avec les prisonniers de guerre. La guerre se termine par un traité de paix. Pour autant, les analyses récentes dévoilent surtout le sacrifice des innocents, qui les soustraie à la souveraineté7. Elles révèlent l’existence d’expériences et de discours transculturels dépassant la frontière qui sépare les nations. C’est justement ce double caractère agonal, la violence de la machine de guerre et celle des réactions contre la culture infanticide, qui signale le dépassement de la binarité et les limites d’une écriture souverainiste des nations. Certes, le conflit et tout particulièrement la guerre, présupposent un contact entre deux entités, entre deux cultures, entre deux pays, entre deux armées, entre deux personnes. Cependant, la Première Guerre mondiale dissout les appartenances claires et univoques. Il existe depuis longtemps pour Français et Allemands des zones de contacts, des migrations et des guerres déclenchant des imbrications. Les guerres franco-allemandes – Iéna/ Waterloo, Sedan, la « Grande Guerre », la Deuxième Guerre mondiale – semblent suggérer une relation spécifique, un rapport d’« ennemis

4 Barbara CASSIN, Olivier CAYLA, Philippe-Joseph SALAZAR (dir.), Vérité, réconciliation, réparation, Paris, Seuil (coll. « Le Genre humain »), 2004, p. 38. 5 Ibid. ; Barbara CASSIN, « Amnestie und Vergebung. Für eine Trennung von Ethik und Politik », in Frank R. PFETSCH (dir.), Konflikt, Berlin, Springer, 2004, p. 129-148. 6 Rüdiger BUBNER, « Von der Streitkunst der Sophistik zu modernen Konflikten », in PFETSCH, Konflikt, p. 101-108. 7 Niels WERBER, « Erzählen im Krieg und Nicht-Krieg », LiLi, Zeitschrift für Literaturwissenschaft und Linguistik, 42e année, n° 165, Postsouveränes Erzählen, mars 2012, p. 87-105. 12 THOMAS KELLER héréditaires ». L’impression qui se dégage d’un siècle et demi d’hostilités fait pourtant oublier que les mécanismes transculturels sont particulièrement forts en période de conflit, de guerre ou d’occupation. La reconstitution patriotique des conflits fait aussi l’impasse sur la violence perpétrée par les belligérants à l’encontre de leur propre population, sur les désertions et les mutineries, surtout celles qui se produisent pendant la seconde moitié de la Première Guerre mondiale. L’apparition de morts victimes non de l’adversaire mais de leur propre camp, tels les fusillés pour l’exemple, caractérise en effet la seconde phase de la guerre8. La recherche récente jette un autre regard sur les morts, et aussi sur les survivants comme les gueules cassées et les traumatisés, souvent soupçonnés de simulation9. L’historiographie croisée met en question les rétrospectives construisant, de 1914 à 1918, un patriotisme de tous les Français ou de tous les Allemands. Elle souligne le fait que les jeunes étaient victimes d’une violence systématique des deux côtés du front10. Pour la plupart des soldats, survivre était plus important que vaincre. À l’enthousiasme avaient succédé la fatigue, la désillusion et la révolte. Si la grande majorité des combattants voulaient, surtout à compter de 1917, tout simplement en finir avec la guerre, ils désiraient aussi rompre avec ce monde prêt à immoler toute une génération. Il s’agit là d’une position croisée qui transforme, dans les deux pays, les jeunes envoyés au combat en victimes des forces coercitives internes. Contrairement à la Deuxième Guerre mondiale, guerre incontournable pour venir à bout du nazisme, les objectifs de la guerre de 14-18 ne peuvent justifier les sacrifices subis. Tout comme la guerre ne résout rien, le pacifisme n’abolit en rien les conditions qui conduisent à accepter la mort de millions de jeunes gens. La question de la violence reste ainsi d’actualité. Les deux guerres mondiales et la guerre civile européenne sapent définitivement les fondements d’une écriture culturaliste et binaire des nations. Toutefois, c’est aussi à travers l’agonalité que la guerre entre États expose ses contradictions. Le lien entre culture et violence se complique. S’il semble être le propre des élites politiques et militaires, il se manifeste aussi chez les personnes dont l’appartenance à un État et/ou à une nation n’est pas évidente,

8 Ulrich BRÖCKLING, Michael SIKORA (dir.), Armeen und Deserteure. Vernachlässigte Kapitel einer Militärgeschichte der Neuzeit, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998 ; Christoph JAHR, Gewöhnliche Soldaten. Desertion und Deserteure im deutschen und britischen Heer 1914-1918, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998 ; Nicolas OFFENSTADT, 14-18 aujourd’hui. La Grande Guerre dans la France contemporaine, Paris, Odile Jacob, 2010 ; id., Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective (1914-1999), Paris, Odile Jacob, 1999 ; Jean-Yves LE NAOUR, Fusillés. Enquête sur les crimes de la justice militaire, Paris, Larousse, 2010. 9 Jean-Yves LE NAOUR, Le soldat inconnu vivant 1918-1942, Paris, Hachette, 2002; Id., Les soldats de la honte, Paris, Perrin, 2011; id., Les poilus, Paris, classiques Garnier, 2012. 10 Nicolas BEAUPRÉ, Écrire en guerre, écrire la guerre (France, Allemagne 1914-1920), Paris, CNRS Éditions, 2006 ; id., Deutsch-französische Geschichte (Histoire franco-allemande), vol. VIII, Das Trauma des großen Krieges (1918-1932/33), Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2009. AVANT-PROPOS 13 voire contestée. Les dispositifs antagonistes mentaux et discursifs de l’avant- guerre se retrouvent chez les intellectuels et artistes des deux pays, y compris parmi les protagonistes des médiations franco-allemandes. Les avant-gardes adressent une autre violence aux forces belligérantes. Cette autre violence qui est celle de la culture même se manifeste dans un contexte franco-allemand et révèle le potentiel conflictuel d’une conception et perception identitaires des individus et des nations. La mémoire officielle s’avère source de nouveaux conflits. Des situations fortement ambiguës caractérisent les territoires occupés.

Cultures majoritaires – cultures minoritaires – cultures contestataires

On interprète souvent les conflits entre la France et l’Allemagne à la lumière de l’opposition classique entre l’État-nation et la nation culturelle. Cependant, le conflit franco-allemand brouille ces lignes de démarcation. Certes, la Kulturkritik à l’allemande est souvent ethniciste. Il serait néanmoins réducteur de nier toute agonalité dans les prises de positions universalistes et d’assimiler toute conception culturaliste au bellicisme. L’idéologie nationale belliciste a une fonction intégratrice à l’intérieur ; les groupes minoritaires y voient l’occasion d’adhérer pleinement à la nation. Le désir d’appartenir à la communauté, celui d’une intégration sans réserve, renforce le penchant vers un conflit mené contre l’ennemi extérieur. Les discours valorisant la violence se retrouvent dans des familles politiques très diverses. La réaction enthousiaste à la guerre est commune aux représentants du système et aux contestataires bien que les raisons diffèrent. Il peut paraître curieux que le néokantisme participe à la mobilisation de part et d’autre de la frontière. On la rencontre chez les néokantiens Hermann Cohen et Léon Brunschvicg. Leurs « adversaires » dans le champ disciplinaire, les vitalistes Eucken, Scheler et Bergson, se font également les chantres de la guerre. Les sociologues n’échappent pas à ce nivellement des différences disciplinaires et politiques comme le montrent par exemple les écrits de guerre de Durkheim ou de Simmel. L’espoir que la guerre puisse renouveler une civilisation sclérosée se retrouve chez des penseurs français et allemand, indépendamment de leur appartenance aux courants nationalistes11. Ce sont précisément ces penseurs

11 Christophe PROCHASSON, Anne RASMUSSEN, Au nom de la patrie, les intellectuels et la première guerre mondiale 1910-1919, Paris, La Découverte, 1996 ; Wolfgang J. MOMMSEN (dir.), Kultur und Krieg. Die Rolle der Intellektuellen, Künstler und Schriftsteller im Ersten Weltkrieg, München, Oldenbourg, 1996 ; Jürgen VON UNGERN-STERNBERG, Wolfgang VON UNGERN-STERNBERG, Der Aufruf « An die Kulturwelt! ». Das Manifest der 93 und die Anfänge der Kriegspropaganda im Ersten Weltkrieg. Mit einer Dokumentation, Stuttgart, Reclam, 1996 ; Jeffrey VERHEY, Der “Geist von 1914” und die Erfindung der Volksgemeinschaft, Hamburg, Hamburger Edition, 2000 ; Barbara BESSLICH, Wege in den Kulturkrieg. Zivilisationskritik in Deutschland 1890-1914, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2000 ; Kurt FLASCH, 14 THOMAS KELLER qui émettent des critiques sur leur propre pays, sur la nation embourgeoisée si méprisée par Péguy ou par Scheler qui, en 1914, en viennent à célébrer la guerre. L’attitude des penseurs anti-utilitaristes des deux pays est particulièrement inspirée par l’espoir d’une rupture, d’un dépassement du matérialisme par la guerre. Nationalismes de la culture majoritaire et aspirations des cultures contestataires se conjuguent donc pour abaisser le seuil menant à la violence. Ce goût pour l’agonal dirigé contre la Troisième République caractérise « l’avant-garde littéraire de la nouvelle France » (« die literarischen Wegbereiter des neuen Frankreich », Curtius12) – Claudel, Gide, Péguy, Rolland, Suarès. Péguy est dreyfusard, mais en 1914 il peste contre le pacifisme de Jaurès. Les non-conformistes anti-idéalistes et anti-utilitaristes des deux pays se ressemblent de plus en plus13. Les discours agonistiques se multiplient aussi dans les arts, les lettres et les sciences humaines dès avant 1914. Leurs auteurs sont souvent critiques à l’égard des systèmes en place. Dans les disciplines telles que la géographie, la sociologie ou encore l’ethnologie, les concepts identifient l’agonalité dans les contextes extra-européens et européens. L’enthousiasme pour la guerre des anarcho-syndicalistes et des dreyfusards, d’un Grave et d’un Péguy, l’idolâtrie de la guerre d’un Simmel ou d’un Scheler, le Oui au combat des artistes comme celui prôné par Georg Heym ou Guillaume Apollinaire démentent l’existence d’une opposition entre un monde politique qui serait militarisé et un monde culturel qui serait pacifique. Il s’ensuit que les concepts permettant le dialogue entre Allemands et Français sont justement des concepts agonaux. La situation est paradoxale et médiatrice: les uns voudraient combattre le voisin pour appartenir à la nation, les autres combattre leur propre nation dans le combat contre l’autre.

De la guerre fantasmée à la guerre réelle

Le bellicisme n’est pas uniquement le fait des élites militaires et politiques. Le sujet abordé dans ce recueil requiert le concours de spécialistes de l’histoire, de la littérature, de la culture et des sciences humaines. L’ensemble des contributions s’élève contre l’idée réductrice selon laquelle

Die geistige Mobilmachung. Die deutschen Intellektuellen und der Erste Weltkrieg, Ein Versuch, Berlin, Alexander Fest, 2000 ; Matthias SCHÖNING, Versprengte Gemeinschaft. Kriegsroman und intellektuelle Mobilmachung in Deutschland 1914-1933, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009 ; Wolfram PYTA, Carsten KRETSCHMANN (dir.), Burgfrieden und Union sacrée. Literarische Deutungen und politische Ordnungsvorstellungen in Deutschland und Frankreich 1914-1933, München, Oldenbourg, 2011. 12 Ernst Robert CURTIUS, Die literarischen Wegbereiter des neuen Frankreich, Potsdam, G.Kiepenheuer, 1923. 13 Pour ce qui concerne la question de la « troisième intelligence », cf. Thomas KELLER, Deutsch-Französische Dritte-Weg-Diskurse. Personalistische Debatten der Zwischenkriegszeit, München, Fink, 2001, p. 47-98. AVANT-PROPOS 15 les historiens proposeraient une reconstitution authentique des hostilités militaires et les spécialistes de la littérature ne s’appuieraient que sur des documents fictionnels et se feraient davantage l’avocat des victimes. Le présent volume lit l’expérience de la guerre comme narration historique et artistique. Point n’est besoin d’attendre août 1914, c’est-à-dire la ferveur guerrière généralisée du début de la guerre, pour que se révèlent les orientations bellicistes présentes dans tous les pays européens. Des études récentes montrent des convergences remontant au XIXe siècle14. L’anticipation et l’imagination de la guerre font partie du climat d’une époque marquée par le darwinisme social, qui légitime la survie et l’expansion de la nation forte. Les pangermaniques s’enthousiasment pour le Volkskrieg ; les nationalistes de l’Action Française et de la génération Agathon, qui combattent la Troisième République « sous influence allemande », prêchent une idéologie belliciste. Le milieu artistique français et le milieu universitaire allemand (par exemple Troeltsch et Delbrück) sont particulièrement sensibles aux concepts agonaux. A ce titre, un cap est franchi en 1911 (cf. la contribution de Gangolf Hübinger). Les représentants des différentes disciplines n’échappent pas à la mobilisation, ni les théologiens protestants et catholiques en France et en Allemagne, ni les géographes qui anticipent et mènent la guerre en visualisant des objectifs au moyen de la cartographie. Les Considérations d’un apolitique de Thomas Mann, qui établissent la polarité entre le monde germanique (protestant) et le monde latin (catholique), les propos d’un Durkheim, représentant l’esprit laïciste de la Troisième République, et la défense de la France par le catholique Claudel ne surprennent pas, compte tenu de l’appartenance de leurs auteurs à un milieu constitutif de la nation. Cependant, parmi les tenants d’une guerre à même de porter le coup fatal soit à la République embourgeoisée, soit à l’Empire wilhelminien matérialiste – voire aux deux –, nombreux sont ceux qui s’intéressent aux affinités électives avec le voisin. Les artistes qui ont séjourné chez ce dernier peu de temps avant l’éclatement des hostilités (les Allemands à Paris, les Français à Munich ou à Berlin) et s’y sont fait des amis, ont besoin eux aussi d’un adversaire dans cette guerre qui doit permettre de se libérer du monde d’hier. Les prises de position des protagonistes médiateurs des relations franco- allemandes, Boutroux, Gide, Julius Meier-Graefe, Otto Grautoff ou encore Oskar Schmitz (Barbara Besslich), en témoignent. Les représentants de la Nouvelle Revue Française ne font pas exception à la règle qui consiste à rejoindre l’Union sacrée15. Peintres et écrivains expressionnistes se portent volontaires au début de la guerre.

14 Un exemple : Jörn LEONHARD, Bellizismus und Nation, Kriegsdeutung und Nationsbestimmung, Europa und die Vereinigten Staaten 1750-1914, München, Oldenbourg, 2008. 15 Yaël DAGAN, La NRF entre guerre et paix 1914-1925, Paris, Tallandier, 2008. 16 THOMAS KELLER

Le bellicisme des penseurs issus de minorités (catholiques et juifs en Allemagne, protestants et juifs en France) s’explique aussi par le désir d’appartenir pleinement à la nation. On peut en outre observer contrairement ou parallèlement à l’intégration infra-culturelle l’adhésion de « minoritaires » et « d’outsiders » acclamant la violence: Blaise Cendrars, originaire de Suisse, et Guillaume Apollinaire, de mère polonaise et de père inconnu, se rallient à la cause française (Joseph Jurt), le luxembourgeois Norbert Jacques à la cause allemande. Ils s’intègrent par le biais d’un discours antagoniste qui prend parti pour l’un des deux belligérants (Françoise Knopper). Ils sont des tiers potentiels qui refusent d’endosser le rôle du médiateur. Les reportages publiés dans les différents journaux – la Frankfurter Zeitung, la Neue Freie Presse, le Berliner Tageblatt et les Weisse Blätter – reflètent pourtant la diversité des stratégies des journalistes. Alice Schalek reprend les discours qui exaltent la guerre. Le nationaliste Norbert Jacques cherche les sensations fortes. Les articles parus dans le Berliner Tageblatt font preuve de plus de distance, ceux des Weisse Blätter sont pacifistes. Le regard porté sur les tranchées fait souvent oublier que, pendant la Première Guerre mondiale, une partie de la population française vit quatre années durant sous occupation allemande. Depuis quelque temps l’intérêt des chercheurs se porte sur la vie derrière le front entre 1914 et 191816. Les frontières sont floues entre résistance et collaboration, entre patriotisme et trahison. La réalité se situe souvent entre les deux pôles. Les quatre années de « cohabitation » entre soldats allemands et civils français créent une intimité qui imprime sa marque. Les deux souverainetés, allemande et française, sont brouillées : les coopérations, les arrangements, le fonctionnement des services comme la poste, le téléphone et la presse altèrent la souveraineté nationale. Un journal comme La Gazette des Ardennes interprète certes favorablement le système politique, social et économique allemand, mais n’en est pas pour autant uniquement collaborationniste (David Weber). Ces ambiguïtés se réitèrent lors de l’occupation de la rive gauche de l’Allemagne par les troupes françaises après la Première Guerre mondiale. Les diatribes allemandes contre « la honte noire » révèlent toutefois un climat particulièrement raciste.

L’esthétique de la violence

S’il est vrai que quelques rares penseurs – Hermann Hesse, Romain Rolland, Heinrich Mann, Gustav Landauer, Jean Giono – résistent aux sirènes bellicistes, l’idée d’un fossé séparant les intellectuels et les artistes pacifistes des élites militaires et politiques bellicistes est trompeuse. Les chansons sont le reflet des conjonctures. Elles trahissent bien l’esprit mobilisé, mais reflètent aussi la fatigue et le ras-le-bol de la guerre (Janina Arndts).

16 Annette BECKER, Les cicatrices rouges. France et Belgique occupées, Paris, Fayard, 2010 ; Philippe NIVET, La France occupée : 1914-1918, Paris, A. Colin, 2011. AVANT-PROPOS 17

Les avant-gardes qui défient les normes bourgeoises et suscitent l’intérêt chez le voisin, jouent souvent avec la violence. La guerre orchestre la transition du « chaud » vers le « froid », des expressionnistes vers le dadaïsme, de la Kunstgewerbeschule de Van de Velde au Bauhaus. Chez les avant-gardistes qui font beaucoup parler d’eux durant la guerre, comme Dada à Zurich, 1916-17 marque aussi une césure, un tournant. Ce sont souvent d’anciens expressionnistes appelant de leurs vœux la fin du vieux monde. Tout en dénonçant la guerre entre les nations, les révolutionnaires insistent sur la nécessité d’en passer par la violence. Ils ont en commun la conviction qu’il faut se situer sur un terrain tierce dissolvant les antagonismes franco- allemands au moyen d’un autre antagonisme. La violence devient ainsi médiatrice, d’une façon qui est toutefois nouvelle. L’engouement de Guillaume Apollinaire pour la guerre est moins un patriotisme français et une esthétisation de la guerre qu’une tentative désespérée d’humaniser les horreurs au moyen de formes littéraires novatrices (Joseph Jurt). Il est fallacieux d’opposer aux textes de Jünger et Montherlant célébrant la guerre les textes pacifistes d’un Barbusse (Le Feu), d’un Dorgelès (Les Croix de bois), d’un Jean Giono (Le Grand Troupeau), d’un Arnold Zweig (Grischa) ou d’un Remarque (À l’Ouest rien de nouveau). La représentation des horreurs semble créer une symétrie franco-allemande. Cendrars exprime sa haine à l’encontre de la machine de guerre et contre ceux qui ne combattent pas. Seule une écriture obéissant à une nouvelle esthétique agonale, au-delà du beau et du laid, permet de tenir compte des agonalités meurtrières de la guerre. Les textes de Jünger, Cendrars, Genevoix et d’autres traduisent moins les spectacles grandioses des batailles de matériel que les horreurs de la guerre. Les conflits entre soldats de nations différentes font place à ceux entre soldats et civils (Jochen Mecke). Dans ses écrits de guerre, Robert Musil essaie de bannir l’ébranlement que provoquent les cruautés. Il évite la représentation immédiate du vécu. Par le biais d’un étrange déplacement, la mort des animaux reflète les horreurs de la guerre (Claus Erhart). Les écrits d’Ernst Jünger, de Joseph Roth, de Robert Musil et de Siegfried Kracauer témoignent tous, certes d’une façon très différente, des traumatismes subis. Jünger en rend compte à l’aide d’un art de la prothèse. Roth crée un hiatus entre la photo et la femme réelle. Musil réduit l’écart entre l’homme et l’animal. Ces analyses estompent les différences entre les positions bellicistes et pacifistes (Dorothee Kimmich). Cependant ces textes soulèvent les critiques de contemporains ou suscitent leurs réserves. La critique de À l’Ouest rien de nouveau se fait d’abord au nom de la vérité historique, l’éditeur ayant imposé des ajouts inventés. Les avant-gardistes, par exemple Mynona/ Friedlaender en Allemagne et Breton en France, reprochent à ces textes de ne pas rompre avec la codification nationale des hostilités et de la violence. L’indifférentiste est le tiers qui refuse le parti pris pour un camp. Il crée un lien franco-allemand transitoire. L’apparition du témoin mêlant attributs français et allemands lors du procès Barrès dément la dualité belligène fatale. L’avant-garde met en scène un 18 THOMAS KELLER spectacle qui prend le contrepied de la cérémonie du Soldat inconnu nouvellement instaurée (Thomas Keller). Si l’esthétique de la violence transfrontalière est provoquée par la guerre franco-allemande, l’exaspération de la violence dissout les deux pôles de l’antagonisme.

La mémoire – témoignage et source de conflits

La publication de témoignages par Jean Norton Cru (Témoins, essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928) traduit une crise de la représentation. Pour ce collectionneur acharné de récits véridiques, les romans de Remarque et de Barbusse sont sans valeur historique et même mensongers17. La littérature représente les Allemands comme des barbares ou, comme le roman de Remarque, elle se concentre à l’excès sur le macabre. Pour Cru, la qualité d’une écriture de la guerre se mesure à sa volonté de servir la paix et de se mettre au service des soldats. La violence est contradictoire : elle transforme les hommes en ennemis ; la machine de guerre amène les soldats des pays différents à se ressembler ; la contrainte exercée par les pouvoirs sur les combattants français et allemands (ou encore britanniques, américains et russes) fait d’eux les victimes de leur propre camp. Les critères de Cru sont sévères : pour avoir droit à la parole, il faut avoir l’expérience du front. Être infirmier ne suffit pas. Le vécu des tranchées, lui, fait nécessairement sortir du cadre officiel. Jusqu’à aujourd’hui, l’éthique du témoignage entre en contradiction avec les historiographies qui s’appuient, comme l’École de Péronne, sur le consentement des soldats au sort qui leur est fait (Jean-Marie Guillon). Contrairement à un discours très répandu, la mémoire ne désamorce pas le conflit. Elle est toujours du côté des forces coercitives lorsqu’elle sépare deux mémoires, celle des vainqueurs étant forcément différente de celle des vaincus. La « Grande Guerre » n’existe que pour une certaine France. Les lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale – le Chemin des Dames, Douaumont, Péronne – se trouvent tous sur le sol français. Si l’instauration de la cérémonie du Soldat inconnu, célébrée sous l’Arc de Triomphe, suscite tout de suite la réprobation des futurs surréalistes Tzara, Max Ernst et André Breton, les anciens combattants semblent pourtant élaborer une culture mémorielle commune. Les rencontres entre anciens combattants français et allemands en témoignent. Le Locarno des poilus est pourtant fallacieux. Leur pacifisme intégral mène à des compromissions, comme leurs contacts avec l’Allemagne nazie18.

17 Pierre SCHOENTJES, Fictions de la Grande Guerre. Variations littéraires sur 14-18, Paris, Classiques Garnier, 2009. 18 Patrick DE VILLEPIN, « Le pacifisme intégral et l’Allemagne nazie (1933-1939) », in Hans Manfred BOCK, Reinhart MEYER-KALKUS, Michel TREBITSCH (dir.), De Locarno à AVANT-PROPOS 19

La culture mémorielle officielle ne réussit pas et n’est pas prête à intégrer les morts comme le montre la pièce de Hans Chlumberg Wunder um Verdun. Le miracle de la résurrection des morts est encombrant pour l’ordre de l’après-guerre. La mémoire collective, les cérémonies de la victoire et le tourisme sur les champs de bataille continuent de pousser à la guerre. Les vivants qui s’identifient aux morts contribuent à renforcer les conflits. Ils obligent les victimes à reproduire des caractéristiques nationales. Les morts se dérobent finalement à jamais à la logique fonctionnelle et nationale (Christa Karpenstein-Essbach). La conviction que la commémoration interdit le deuil personnel et occulte la mort a conduit les historiens Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Jacques et Annette Becker, à fonder un « Historial (et non un Mémorial) de la Grande Guerre » à Péronne (Somme, Picardie). Ils expriment ainsi leur scepticisme à l’égard de la commémoration collective. Le deuil doit rester individuel. Bien qu’il s’agisse de la dernière victoire univoque pour les Français, la victoire en elle-même a perdu de son importance. Il faut attendre plus d’un demi-siècle avant que ne soient produits des films, comme La Vie et rien d’autre (1988) de Bertrand Tavernier, ou que ne paraissent des romans, comme Les Champs d’honneur (1990) de Jean Rouaud, qui montrent ce deuil individuel. Aucun équivalent n’existe dans la littérature ou dans le cinéma d’Outre- Rhin. La Première Guerre mondiale reste un événement historique plus marquant pour les Français que pour les Allemands. Le film de Christian Caron Joyeux Noël (2005), une co-production française, britannique et allemande sur la trêve de Noël en 1914, n’y change rien. Cette dissymétrie est due surtout à la commémoration de la Shoah qui estompe en Allemagne les deuils antérieurs. Il s’ensuit qu’il est inapproprié, voire impossible, de commémorer en 2014 les années 1914 et 1944 dans un même élan, la Première Guerre Mondiale et la Libération. L’assimilation des deux guerres comporte un risque « de brouillage pour les autres pays déjà impliqués dans la préparation du centenaire, en particulier vis-à-vis de l’Allemagne, qui ne peut se retrouver dans un tel mélange »19. Tandis que la guerre de 14-18 est partiellement effacée de la mémoire collective allemande, elle est devenue l’objet d’une recherche franco- allemande intense incarnée par des chercheurs comme Gerd Krumeich et S. Audoin-Rouzeau. Il est toutefois permis de douter que la guerre de 1914- 18, la catastrophe initiale de la guerre civile européenne, représente un événement qui habiterait une mémoire collective européenne. Deux ouvertures récentes sont à noter: Lionel Jospin, puis Nicolas Sarkozy, ont honoré la mémoire des fusillés pour l’exemple. Les cérémonies sur le sol français connaissent par ailleurs un élargissement dans le cadre du « couple franco-allemand ». Le 22 septembre 1984, François Mitterrand et

Vichy. Les relations culturelles franco-allemandes dans les années 1930, vol. I, Paris, CNRS- Éditions, 1993, p. 161-174. 19 Nicolas OFFENSTADT, Le Monde, 27 octobre 2012, p. 2. 20 THOMAS KELLER

Helmut Kohl ont uni leurs mains à Verdun. Puis, le 11 novembre 2009, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont déposé ensemble une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe. Mais ce partage concerne uniquement la fonction matérielle ; les gestes symboliques sont impuissants à réunir les deux mémoires. Tout comme Versailles, le 11 novembre 1918 ne peut symboliser la réconciliation franco-allemande (Johannes Grossmann). Les conflits de la Première Guerre mondiale ne se déroulent pas uniquement dans les tranchées. Les colonies et les territoires occupés dans le Nord de la France deviennent des lieux de combats discursifs. Le déplacement des archives des colonies allemandes pendant et après la guerre reflète la tentative de garder la maîtrise de l’interprétation de la pratique coloniale (Isabell Scheele). Dans les colonies, les contacts germano-franco-africains créent des configurations triangulaires: la population locale est objet de deux puissances coloniales qui rivalisent entre elles. Elle peut rejeter les deux puissances ou arbitrer. Une femme non-conformiste comme Lucie Couturier peut ainsi se faire l’avocate de la cause africaine et s’opposer au colonialisme. C’est encore un tiers, le britannique Richard Cobb20, qui souligne combien l’interculturalité s’intensifie pendant la guerre (Hans-Jürgen Lüsebrink). Le poilu déplacé de l’autre côté de la frontière semble déranger également les communautés nationales. Les prisonniers de guerre rentrés en France font l’objet d’un rejet. Siegfried von Kleist alias Jacques Forestier, le poilu devenu allemand dans le roman et la pièce de Giraudoux, retrouve finalement son pays natal. Les transformations et mélanges s’avèrent en fin de compte impossibles. Ernst Erich Noth, écrivain allemand fuyant le nazisme et exilé en France, fait naître un enfant de l’union entre le prisonnier de guerre provençal Paul et la fermière allemande Marie, mais l’enfant se suicide dès qu’il apprend la vérité sur son origine (Thomas Lange). Le contact physique déclenche une crise. L’enfant est encore une fois sacrifié. Il paie de sa vie les conflits entre les parents.

Au-delà de la binarité

Le chercheur qui établit les liens entre la guerre, la culture et la violence met en question le point de vue binaire. La Première Guerre mondiale, qui semble être la troisième dans la série des quatre guerres franco-allemandes symbolisées par les batailles d’Iéna, Sedan, Verdun et Berlin, marque la dissolution définitive d’une dualité et fond le conflit franco-allemand dans un ensemble plus vaste. Les guerres mondiales brouillent la distinction entre vainqueurs et vaincus. Une certaine écriture de l’histoire donne pourtant

20 Richard COBB, French and Germans, Germans and French. A personal interpretation of France under two occupations, 1914-1918 / 1940-1944, Lebanon, University Press of New England, 1983. AVANT-PROPOS 21 toujours l’impression que Français et Allemands sont, au moins jusqu’en 1945, inexorablement liés par une série de guerres, allant d’Iéna à Berlin, qui départagent chaque fois vainqueur et vaincu. Cette perspective téléologique crée une continuité problématique entre les deux guerres mondiales. L’idée d’un cheminement inéluctable caractérisé par l’antagonisme franco-allemand et culminant dans l’opposition entre la barbarie nazie et la résistance fait de la Première Guerre mondiale un simple maillon dans une chaîne de conflits. Si les deux guerres mondiales sont liées entre 1914 et 1945 par des antagonismes idéologiques qu’on désigne du nom de « guerre civile européenne », le racisme nazi garde tout de même sa spécificité. L’Europe connaît la paix depuis maintenant plus de soixante ans. Les dynamiques cherchant à régler les conflits de manière rationnelle n’ont pas cessé d’être renforcées (le droit, le traité, le libre commerce, la négociation, la communication…). En témoignent l’ONU, le GATT, puis la WHO, la Communauté Européenne, la législation internationale qui a pour but de définir le génocide et punir les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité (procès de Nuremberg, Cour Pénale Internationale de la Haye) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg. Mais il ne peut malgré tout être question d’un monde où les conflits seraient réglés, où toutes les revendications auraient été frappées de nullité. Bien au contraire. La fin de la nouvelle Guerre de Trente Ans (1914-1945), comme celle de la Guerre froide (1945-1989), n’a pas débouché sur la fin de l’histoire ou sur la paix perpétuelle. Notre époque est une période de dégel des systèmes pacificateurs, de dégel de systèmes politiques et économiques figés, de dégel de l’équilibre de la terreur. Notre présent voit le retour de guerres, mais de guerres nouvelles, de guerres dissymétriques surtout. Les confrontations militaires actuelles ont souvent tendance à vouloir réduire les guerres à des conflits limités, possibles et acceptables, qui évitent l’élargissement à l’échelle mondiale et le risque d’une déflagration nucléaire. Néanmoins, la mondialisation engendre à son tour des tensions. Il est redevenu habituel de voir les cercueils de jeunes Européens tués dans des combats censés opposer les cultures dites universelles aux cultures dites différentielles. S’il s’avère que les démocraties ne mènent pas de guerre entre elles, l’homogénéisation ne semble pas à même d’apaiser les conflits. La paix que connaît l’Europe depuis 1945 indique apparemment une sortie définitive de la structure infanticide. Toutefois, si une guerre entre Français et Allemands paraît aujourd’hui peu probable, d’autres conflits intra-européens, entre Nord et Sud, entre possédants et dépossédés, se profilent à l’horizon. L’approche choisie ici, qui consiste à retracer le lien entre culture et violence, ne signifie pas que l’on aurait une lecture belliciste de l’histoire. Il ne s’agit pas non plus de renier, de discréditer ou de ridiculiser les mécanismes interétatiques destinés à éviter ou pour le moins à contenir les conflits. Mais les sujets abordés dans ce recueil traduisent un certain scepticisme à l’égard d’une conception trop optimiste et angélique de l’histoire, qui oppose les politiciens et les militaires aux « bons » représentants de la culture. L’Ocell 22 THOMAS KELLER de foc (M. Ernst), l’oiseau de feu, la créature horrible et auto-déstructrice, mi- homme, mi-animal, c’est nous.

Remerciements

Ce recueil réunit les contributions au colloque « La Première Guerre mondiale un siècle plus tard. Culture et violence » qui s’est tenu du 14 au 16 mars 2013 à Aix-en-Provence. Il a bénéficié du soutien de l’Université d’Aix-Marseille (Conseil Scientifique et EA ECHANGES), de l’Université Franco-Allemande, du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et du Centre Franco-Allemand de Provence. Que toutes ces institutions soient chaleureusement remerciées.

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De la guerre fantasmée à la guerre réelle

Le dévouement à la nation. Les combats d’idées entre 1911 et 1914

Gangolf HÜBINGER Europa-Universität Viadrina, Frankfurt/Oder

Pendant les années qui précédèrent la Première Guerre mondiale, les sociétés européennes se trouvèrent engagées, à l’échelle du globe, dans des « zones de contact » transnationales toujours plus larges1. Ce processus renforça la rivalité des États-nations modernes et promut des idées et des représentations du monde qui, dans un registre martial, interrogeaient la capacité de la « force de la nation » à s’imposer dans la compétition mondiale2. Des combats d’idées agonistiques préfigurèrent le combat militaire. La formule du « dévouement à la nation » (Hingabe an die Nation), caractéristique de l’époque et qui sert de point de départ à cet article, se trouve chez le théologien, philosophe de la culture et journaliste Ernst Troeltsch. C’est Troeltsch qui a forgé la formule percutante de « guerre des cultures ». Il prononça son discours le plus significatif sur ce thème en mars 1916 devant la Deutsche Gesellschaft 1914 (« Société allemande 1914 »), et le fit ensuite publier dans la Neue Rundschau en mai 1916, dans une version très augmentée, sous le titre programmatique : « Les idées de 1914 ». La Neue Rundschau comptait parmi les revues littéraires de premier plan et était publiée par le S. Fischer-Verlag, une maison d’édition de renom. Troeltsch y dressait consciencieusement l’inventaire des « idées de 1914 » que les intellectuels allemands avaient, après le 1er août 1914, mobilisées contre les idées occidentales de 1789 et énonçait en premier lieu la « renaissance de la

1 Emily S. ROSENBERG, « Transnationale Strömungen in einer Welt, die zusammenrückt » (Courants transnationaux dans un monde interdépendant), in ID., et al. (dir.), Geschichte der Welt 1870-1945. Weltmärkte und Weltkriege (Histoire mondiale 1870-1945. Marchés mondiaux et guerres mondiales), München, Beck, 2012, p. 815-998, p. 821. 2 Dieter LANGEWIESCHE, « Das Jahrhundert Europas. Eine Annäherung in globalgeschichtlicher Perspektive » (Le siècle de l’Europe. Une approche du point de vue de l’Histoire globale), Historische Zeitschrift, n° 296, 2013, p. 29-48, p. 32. 30 GANGOLF HÜBINGER subjectivité, qui avait dégénéré en culte de soi, dans le libre dévouement à l’esprit national3 ». Il convoque ici le tout jeune esprit national de 1813 dans sa dimension historico-politique. Il fallait, en 1914, recréer et réactualiser la mobilisation de la nation allemande contre les ambitions impériales de Napoléon, car, d’après Troeltsch4, qui se conformait ici à l’opinion majoritaire en Europe, « la situation d’aujourd’hui n’est en rien différente ». À partir du 1er août, les intellectuels européens ne se livrèrent plus seulement à une lecture dualiste du temps présent, mais également de l’Histoire européenne tout entière en identifiant deux pôles clairement opposés : amis et ennemis. C’est l’appel, souvent cité, d’Henri Bergson à la « lutte de la civilisation contre la barbarie », adressé à l’Académie des sciences morales et politiques5. Pour Werner Sombart, sociologue influent, la guerre opposait des héros allemands à des marchands anglais6. Les innombrables appels à la guerre de la race germanique contre la race slave exercèrent également un fort pouvoir d’identification. Les représentations manichéennes engendrées par la « guerre des cultures » et apparues après le 1er août 1914 ne sont cependant pas ici notre sujet. Troeltsch, quant à lui, considérait déjà cette époque comme bien trop complexe, compte tenu de la « politique internationale planétaire »7 (ainsi désignait-il le processus de globalisation qui s’accomplissait au seuil du XXe siècle), pour pouvoir être lue en fonction de schémas aussi simples. Son propos est autre. Troeltsch mobilise ses lecteurs, convaincu que, si les Français et les Anglais disposent déjà des modèles agonistiques d’une guerre

3 Voici l’intégralité du passage, qui se distingue par son emphase religieuse : « Éducation populaire basée sur les méthodes de Pestalozzi, autarcie de l’État en tant qu’État commercial fermé, renaissance de la subjectivité, qui avait dégénéré en culte de soi, dans le libre dévouement à l’esprit national, accomplissement de l’esprit national à partir du mouvement propre au devenir divin de l’univers, reconnaissance réciproque des esprits nationaux comme miroirs de la divinité. En résumé : la prise de conscience de l’essence à l’origine libre et productrice de la germanité face à celle artificielle, dérivée, décorative et rationaliste de la romanité – telles étaient autrefois les idées nouvelles. », Ernst TROELTSCH, « Die Ideen von 1914 » (Les idées de 1914), Die neue Rundschau, 27, 1916, p. 605-624, édition abrégée in Deutscher Geist und Westeuropa (L’esprit allemand et l’Europe de l’ouest), Tübingen, Mohr, 1925, p. 31-58, cité ici d’après l’édition intégrale du texte paru dans la Neue Rundschau, cit. p. 608. La désignation de la guerre comme « guerre des cultures » se trouve ibid., p. 607. 4 Ibid., p. 608. 5 Cité dans Michel WINOCK, Das Jahrhundert der Intellektuellen (Le siècle des intellectuels), Constance, UVK-Verlagsgesellschaft, 2003, p. 173. 6 Werner SOMBART, Händler und Helden. Patriotische Besinnungen (Marchands et héros. Réflexions patriotiques), München/ Leipzig, Duncker & Humblot, 1915 ; sur l’intégration européenne, cf. Hans JOAS, « Die Sozialwissenschaften und der Erste Weltkrieg. Eine vergleichende Analyse » (Les sciences sociales et la Première Guerre mondiale. Une analyse comparée), in Wolfgang J. MOMMSEN, Kultur und Krieg. Die Rolle der Intellektuellen, Künstler und Schriftsteller im Ersten Weltkrieg (Guerre et culture. Le rôle des intellectuels, artistes et écrivains pendant la Première Guerre mondiale), München, Oldenbourg, 1996, p. 17-29. 7 TROELTSCH, Die Ideen von 1914, p. 609. LES COMBATS D’IDÉES ENTRE 1911 ET 1914 31 culturelle, les Allemands, dans leur détresse existentielle, doivent encore les faire surgir du sein du « creuset de la grande catastrophe8 ». Troeltsch, en comparant ainsi les idées politiques allemandes à celles des ennemis, attire le regard sur la phase d’avant-guerre. Jusqu’à quel point les élites culturelles européennes pensent-elles sur le mode de la guerre culturelle et jusqu’à quel point les intellectuels qui auscultent leur époque rivalisent-ils entre eux avant d’avoir vécu le 1er août 1914 ? Comment les experts de l’observation et de la description des sociétés contemporaines, les historiens du temps présent, sociologues, philosophes et journalistes politiques, se représentent-ils la valeur et la place de leur nation à l’intérieur du système de la « politique internationale planétaire » ? En d’autres termes, quelles idées et quels combats d’idées conduisent la partie de l’opinion publique qui réfléchit sur son époque à se déclarer prête à la guerre ou à s’y résigner avec fatalité, sans savoir que l’un de ces conflits régionaux et l’une de ces nombreuses crises diplomatiques ont effectivement enclenché le processus inexorable de la mobilisation ? L’histoire des conflits européens identifie un moment particulier où l’antagonisme des idées politiques devint si fort que la perspective de la guerre, particulièrement en France et en Allemagne puis, par ricochet, en Angleterre, Autriche-Hongrie et Russie, s’imposa définitivement dans les esprits. Entre juillet et octobre 1911, la deuxième crise marocaine, conséquence de la diplomatie allemande de la canonnière durant le « coup d’Agadir », conduisit l’Europe plus près de la guerre qu’aucune des crises précédentes. Les journaux allemands, depuis les feuilles à grand tirage jusqu’aux revues littéraires trimestrielles, notamment Zukunft (« L’Avenir ») de Maximilian Harden, déclenchèrent alors une campagne nationaliste qui, sur un ton agressif, alla jusqu’à envisager ouvertement le déclenchement de la guerre. C’est à la « Nation » qu’on en appelait de manière toujours plus incantatoire, comme au dernier rempart contre les crises extérieures ou intérieures. Lorsqu’un Européen se référait après 1911 à la « Nation » en tant que communauté politique, il comprenait celle-ci comme une communauté guerrière qui exigeait un dévouement allant jusqu’au sacrifice ultime. Dans l’espace public de la communication, il argumentait en recourant à des codes binaires : nous et les autres, amis et ennemis, sécurité et menace, voire progrès et déclin. Les recherches actuelles confirment le principe de la thèse plus ancienne de Wolfgang J. Mommsen, selon laquelle c’est à ce moment-là que l’idée de l’« inéluctabilité » d’une grande guerre européenne, d’une guerre mondiale s’ancra définitivement dans les esprits et détermina par la suite les politiques des nations. Une idée qui fut moins imposée par une hiérarchie militaire aveugle ou des « cliques réactionnaires » que par l’opinion publique et ses têtes pensantes relayées par les médias modernes. Les acteurs politiques de la

8 Ibid., p. 608. 32 GANGOLF HÜBINGER crise de juillet se seraient ainsi soumis à la fatalité de la guerre et leur participation intransigeante à l’aggravation de la crise aurait été « la conséquence de deux décennies d’agitation nationaliste que la politique officielle n’a jamais été en mesure de contenir9 ». Le dernier livre paru sur ce thème, Sleepwalkers, de Christopher Clark, fait certes état de voix plus mesurées, notamment en Angleterre10. Mais le climat politique général était marqué par « un antagonisme extrême et le sentiment d’une impasse », qu’illustrait une « représentation toujours plus négative des “forces ennemies” ». La pression des journaux rendit la « marge de manœuvre des acteurs politiques [...] toujours plus étroite11 ». Je m’intéresse cependant moins ici à l’opinion collective et anonyme véhiculée par les médias qu’aux élites qui posèrent un diagnostic sur leur époque. Jouissant du statut exposé de porte-parole, ces dernières étaient considérées comme les « guides spirituels de la nation12 », qu’elles donnent des représentations nettement orientées de soi et des autres, ou qu’elles imposent en les rationalisant systématiquement des systèmes de domination nationale. Or, au plus tard à partir de 1911, cette Europe des élites entra dans une période de violente agitation. En France, un nouveau courant réunissant des écrivains comme Charles Péguy, Henri Massis et Alfred de Tarde gagna en influence aux dépens de l’ancienne opposition des « deux Frances », celle des Dreyfusards et celle de l’Action française. Elle fit en sorte d’entraîner la jeunesse universitaire dans les « rouages du nationalisme » et de freiner la politique de conciliation d’un Jean Jaurès13. Dans l’Empire allemand aussi, une troisième force s’affirmait, face aux bellicistes, rassemblés traditionnellement au sein de la Ligue pangermaniste, et aux opposants à la guerre, partisans de la social-démocratie. Ces voix en faveur d’un libéralisme impérial se firent plus fortes et, phénomène propre à la culture allemande, ce ne furent pas, comme en France, les écrivains qui imposèrent le ton nationaliste, mais les professeurs politisés.

9 Wolfgang J. MOMMSEN, « Der Topos vom unvermeidlichen Krieg : Außenpolitik und öffentliche Meinung im Deutschen Reich im letzten Jahrzehnt vor 1914 » (Le topos de la guerre inéluctable : politique étrangère et opinion publique dans l’Empire allemand pendant la dernière décennie avant 1914), in id., Der autoritäre Nationalstaat. Verfassung, Gesellschaft und Kultur im deutschen Kaiserreich (L’État-nation autoritaire. Constitution, société et culture dans l’Empire allemand), Frankfurt am Main, Fischer Taschenbuch, 1990, p. 380-406, p. 405 sq. 10 Christopher CLARK, The Sleepwalkers. How Europe went to War in 1914 (Les somnambules. Comment l’Europe entra en guerre en 1914), London, Penguin Books, 2013, surtout p. 236. 11 Clark s’appuie également sur les résultats de l’analyse détaillée de la presse menée par Bernhard ROSENBERGER, Zeitungen als Kriegstreiber ? Die Rolle der Presse im Vorfeld des Ersten Weltkrieges (Les journaux comme va-t-en-guerre ? Le rôle de la presse avant la Première Guerre mondiale), Köln, Böhlau, 1998. 12 Cf. Kurt FLASCH, Die geistige Mobilmachung. Die deutschen Intellektuellen und der Erste Weltkrieg. Ein Versuch (La mobilisation savante. Les intellectuels allemands et la Première Guerre mondiale. Essai), Berlin, Alexander Fest, 2000, p. 7. 13 Joseph JURT, Frankreichs engagierte Intellektuelle. Von Zola bis Bourdieu (Les intellectuels engagés en France. De Zola à Bourdieu), Göttingen, Wallstein Verlag, 2012, p. 59. LES COMBATS D’IDÉES ENTRE 1911 ET 1914 33

C’est à Fribourg, paisible ville universitaire du sud-ouest libéral de l’Allemagne située près de la frontière française, que l’historien Friedrich Meinecke prononça, en juin 1913, un discours officiel intitulé Deutsche Jahrhundertfeier und Kaiserfeier (« Fête allemande du centenaire et fête de l’empereur ») à l’occasion du double jubilé Hundert Jahre Befreiungskriege (« Centenaire des guerres d’indépendance ») et Fünfundzwanzig Jahre Regentschaft Wilhelms II14 (« Les 25 ans de la régence de Guillaume II »). Meinecke, en rédigeant en 1907 Weltbürgertum und Nationalstaat (« Cosmopolitisme et État-nation »), s’était hissé au premier rang des historiens allemands de l’ère moderne. Dans sa préface à la deuxième édition de 1911, il décrivait ainsi le but de son ouvrage : que la recherche historique allemande, « de son propre chef et de concert avec les grandes forces de l’État et de la vie culturelle », « ose davantage s’aventurer dans les domaines philosophiques et politiques, car c’est ainsi seulement qu’elle atteindra à sa véritable essence, qui consiste à être à la fois universelle et nationale15 ». Quant à s’aventurer audacieusement en politique, le discours fribourgeois du jubilé de 1913 contenait en effet à la fois un sous-texte agonistique et un message explicitement agonistique. Au-delà de la question centrale « Qu’est-ce que l’essence d’une nation ? », le texte contenait en filigrane une attaque contre la France : l’« orgueil rationaliste de la Révolution française », associé à l’expansion de la puissance impérialiste sous Napoléon, avait fait de la France une puissance étatique nationale et européenne menaçante. Les Allemands, quant à eux, privilégiaient la « belle âme romantique16 », une conception du monde à mi- chemin entre la mise en avant d’un « moi créateur » et l’idéalisation emphatique de l’Humanité. Entre les deux nations existait un dangereux vide politique. Dans leur combat contre Napoléon, les Allemands avaient enfin pris conscience que le « souci de la préservation de leur existence » exigeait l’unité politique d’un État-nation capable de se défendre « grâce à l’épanouissement de toutes les forces de la volonté et de l’esprit qui composent une nation, par la préservation sans concession de toutes ses conquêtes et, si besoin est, au travers d’une lutte sanglante et acharnée17 ». C’est avec une certaine habileté rhétorique que Meinecke associa le lieu mémoriel de 1813 à la situation conflictuelle de 1913, lorsqu’il loua l’Empereur comme faisant désormais figure de garant d’une nation culturelle économiquement prospère et militairement forte, et ce, dans un temps où, tout comme en 1813, les nations « entraient dans une zone de danger dont l’issue se trouvait plongée dans les ténèbres ». Le diagnostic de Meinecke sur son

14 Friedrich MEINECKE, « Deutsche Jahrhundertfeier und Kaiserfeier. Freiburger Universitätsrede 14. Juni 1913 » (Fête allemande du centenaire et Fête de l’Empereur, discours tenu à l’université de Fribourg le 14 juin 1913), Logos 4, 1913, p. 161-175. 15 Friedrich MEINECKE, Weltbürgertum und Nationalstaat (Cosmopolitisme et État-nation), éd. par Hans Herzfeld, München, Oldenbourg, 1962, p. 2 sq. 16 Ibid., p. 162, 166. 17 Ibid., p. 162. 34 GANGOLF HÜBINGER

époque se termine par le message explicite suivant : « Les véritables batailles de notre époque se trouvent, non pas derrière nous, mais devant nous »18. Il convient de rappeler ici que Friedrich Meinecke entretenait avec Ernst Troeltsch, qu’il cite au début, un échange intellectuel intense. Ce potentiel agonistique que Troeltsch, dans ses « idées de 1914 », voyait seulement croître après le 1er août, Meinecke le réalisait déjà dans ses « idées de 1913 » en proposant un modèle d’interprétation élaboré apte à conduire l’action politique. En aucun cas il ne s’agissait d’un simple discours savant de circonstance. Depuis un certain temps déjà, ces idées du dévouement guerrier à la Nation, cautionnées par l’autorité des professeurs, circulaient dans les milieux cultivés. À ce titre, la controverse née à la suite de la deuxième crise marocaine de novembre 1911, qui opposa l’université de Fribourg et le journal de la bourgeoisie de gauche, la Frankfurter Zeitung, apparaît comme exemplaire. Le vice-recteur de Fribourg avait profité de l’inauguration d’un nouveau bâtiment de l’université pour se livrer à des déclamations aux accents nationaux. La Frankfurter Zeitung écrivit dans son compte rendu : « Il mit alors en garde contre les “benêts”, qui, avec leur “rengaine sur la paix”, voulaient priver le peuple de ses défenses ». Ce journal de réputation internationale jugeait de tels propos malvenus et irresponsables, tout particulièrement lorsqu’ils étaient tenus devant la jeunesse universitaire. Or, des universitaires renommés protestèrent à leur tour dans un manifeste contre ce compte rendu critique. Parmi eux se trouvaient Georg von Below, Heinrich Rickert et Friedrich Meinecke19. Le philosophe Heinrich Rickert expliqua, dans une lettre à son ami Max Weber, qui vivait à Heidelberg, ce qui irritait tant les professeurs : « Ce qui m’a rendu ce journal si antipathique, c’est cette sorte de chauvinisme inversé qui dégénère à l’occasion en véritable police de la pensée, au point de pouvoir rivaliser avec les chauvinistes eux-mêmes ». Ainsi juge le premier des philosophes universitaires allemands. Et plus loin :

Le libéralisme radical en particulier devrait enfin comprendre qu’on ne peut plus faire de politique avec les vieilles phrases héritées des Lumières qu’affectionne encore la Frankfurter Zeitung […]. Je trouve la position générale de la Frankfurter Zeitung sur les questions nationales d’autant plus dommageable que ce journal est beaucoup lu à l’étranger.20

Les controverses autour de la montée en puissance de l’Empire allemand parmi les grandes puissances européennes dominaient le débat intellectuel et aucun autre thème n’était plus en mesure d’échauffer les esprits que celui de la « Nation ». Même un cercle de savants qui, dans ses statuts, s’était engagé

18 Ibid., p. 175. 19 Les faits sont relatés dans l’édition des Œuvres complètes de Max Weber. Lettres 1911- 1912, éd. par M. Rainer LEPSIUS et Wolfgang J. MOMMSEN, en collaboration avec Birgit RUDHARD et Manfred SCHÖN, Tübingen, Mohr, 1998 (MWG II/7), p. 337 sq. 20 Lettre d’Heinrich Rickert à Max Weber, non datée, UB Heidelberg, Heid.ms 2740 suppl. 93, 1.2. LES COMBATS D’IDÉES ENTRE 1911 ET 1914 35

à l’objectivité la plus stricte ne fut pas épargné. En 1912, la deuxième « Journée de la sociologie allemande 1912 », qui se tenait à Berlin, plaça le thème de la « Nation » au centre de ses discussions. Un éclat s’ensuivit rapidement. Lorsque le philosophe Paul Barth prolongea ses réflexions dans le domaine de l’Histoire universelle sur le « Peuple » en tant qu’ « organisme spirituel » par la question suggestive « Un État international ne serait-il pas plus bénéfique pour le progrès […] qu’un État national ? », Max Weber provoqua l’interruption de l’intervention21. Weber, lui-même défenseur passionné de la consolidation de la puissance nationale, mettait en avant, sur un plan théorique, la nécessité d’expliquer « sans préjugé aucun » le « sentiment national » moderne. Il en proposait la définition suivante, qui suscita tout autant l’appui partiel que l’opposition d’interlocuteurs aussi illustres qu’Eduard Bernstein, Ludo Moritz Hartmann ou encore Robert Michels :

Si l’on considère comme pertinent d’identifier le sentiment national comme quelque chose d’homogène et de proprement spécifique, on ne peut le faire qu’en référence à un penchant pour son propre État, tout en étant conscient que s’y trouveront réunis des sentiments communautaires fortement hétérogènes quant à leur source et à leur nature.22

Une sociologie du nationalisme fondée sur une séparation entre science et politique n’était cependant plus en mesure de s’imposer. Les experts de la question sociale, les diagnosticiens de leur époque, cherchaient à les réunir et à « s’aventurer plus audacieusement » en politique, à la façon d’un Friedrich Meinecke. Défense des valeurs et professions de foi étaient les signes des temps nouveaux. On trouve au sein du large spectre des élites libérales deux points de vue éminents qui illustrent cette situation, chacun lié à une revue influente. Il s’agit d’abord de la voix discrète, et par là sous-estimée, de l’historien des armées et éditeur des Annales prussiennes Hans Delbrück. Ce dernier prépare ses lecteurs à l’idée que la domination mondiale passera par des États-nations progressistes et qu’« il est impératif que l’opinion publique allemande comprenne » pourquoi l’Empire doit faire preuve d’une ambition plus forte « lors de la répartition coloniale du monde » :

Secteurs commerciaux, plantations, investissements de capitaux, exploitation de trésors naturels cachés. Il faut qu’un grand nombre d’Allemands puisse trouver dans les colonies l’occasion d’acquérir des biens ; ainsi, leur prospérité contribuera à la richesse de la nation dans son ensemble et profitera

21 Paul BARTH, « Die Nationalität in ihrer soziologischen Bedeutung » (La signification sociologique de la nationalité), in Verhandlungen des Zweiten Deutschen Soziologentages vom 20.-22. Oktober in Berlin (Discussions de la deuxième Journée de la sociologie allemande des 20 -22. octobre à Berlin), Tübingen, Mohr, 1913, p. 21-48, citation : dernière phrase p. 48. Le compte rendu indique : « ici, l’intervention a été interrompue. » 22 Max WEBER, « Diskussionsbeitrag im Anschluss an den abgebrochenen Vortrag von Paul Barth » (Intervention à l’issue du discours interrompu de Paul Barth), ibid., p. 52. 36 GANGOLF HÜBINGER

indirectement aux masses au travers des profits économiques et des emplois qui en découleront. 23

Une manière de voir caractéristique de l’impérialisme économique, mais qui n’est pas, pour l’auteur, décisive. Se référant à son collègue britannique, l’historien des cultures William Edward Hartpole Lecky qui vantait les mérites des colonies anglaises en tant que lieux d’apprentissage propres à forger le « British caracter », Delbrück conclut : « Ce qui est décisif, c’est que ce ne soit pas l’intérêt économique, mais l’idée nationale qui guide la politique coloniale ». En effet, « le commerce et l’industrie ne sont que le moyen d’étendre l’expansion et la puissance du peuple allemand24 ». Delbrück évoquait avec enthousiasme le livre paru en 1912 du journaliste et écrivain-voyageur Paul Rohrbach : Der deutsche Gedanke in der Welt (La pensée allemande dans le monde). Delbrück souhaitait instamment que cette étude, qui professe que la nation, au travers de « l’idéal moral représenté par la culture allemande [...], doit apporter sa contribution au progrès de l’Humanité en marquant le monde du sceau de son idée nationale25 », connaisse « ce qu’on appelle une diffusion de masse26 ». Ce souhait s’était déjà réalisé depuis longtemps. Le théologien et universitaire Rohrbach, dont la thèse percutante énonçait que le combat « pour l’avenir d’un peuple allemand au destin mondial » restait encore à mener27, était le plus retentissant et le plus lu des auteurs qui, au sein de la bourgeoisie allemande, défendaient l’idée d’une expansion de la mission culturelle de l’Allemagne. Il était présent dans toutes les revues spécialisées. Dans son diagnostic du temps présent à la dimension d’une encyclopédie « L’année 1913. Panorama de l’évolution culturelle », Rohrbach rendit ainsi accessible à un large lectorat les revendications d’une « expansion de nos domaines d’intérêt national », tout en avertissant que « nous [devions] être prêts, s’il n’y [avait] pas d’autre alternative, à nous battre pour cela28 ». Ainsi, le principe de la pensée impérialiste, selon lequel seules l’expansion armée et la pression exercée sur les rivaux de la scène politique mondiale permettent d’assurer l’existence d’une nation culturelle propre, se trouvait, de par la diffusion littéraire extraordinaire que lui conféraient des hommes

23 Hans DELBRÜCK, « Über die Ziele unserer Kolonialpolitik » (Sur les buts de notre politique coloniale), Preußische Jahrbücher (Annales prussiennes), 147, 1912, p. 503-513, citations p. 504 sq. 24 Ibid., p. 504. 25 Paul ROHRBACH, Der Deutsche Gedanke in der Welt (La pensée allemande dans le monde), Königstein im Taunus / Leipzig, Langewiesche, 1912, p. 6. 26 Preußische Jahrbücher (Annales prussiennes), 148, 1912, p. 330-333, ici p. 330. 27 Cité ici à partir de l’ouvrage de Wolfgang J. MOMMSEN, Bürgerstolz und Weltmachtstreben. Deutschland unter Wilhelm II. 1890-1918 (Fierté citoyenne et désir de puissance mondiale. L’Allemagne sous Guillaume II), Berlin, Propyläen, 1995, p. 524. 28 Paul ROHRBACH, « Welt- und Kolonialpolitik » (Politique mondiale et coloniale), in David SARASON (dir.), Das Jahr 1913. Ein Gesamtbild der Kulturentwicklung (L’année 1913. Une vue d’ensemble de l’évolution culturelle), Leipzig/ Berlin, B. G. Teubner, 1913, p. 45-53, p. 52. LES COMBATS D’IDÉES ENTRE 1911 ET 1914 37 comme Paul Rohrbach, mis à portée de l’opinion publique allemande. Les années entre 1911 et 1914 furent dominées par ce principe, qui tirait sa force de l’étroite imbrication d’un ordre intérieur et extérieur découlant de la démocratisation croissante : « Promesses de participation à la vie de la nation et velléités d’agression ont toujours fait partie des fondements de la pensée nationale29 ». C’est justement dans cette optique que Paul Rohrbach et Ernst Jäckh, le promoteur des relations germano-turques, créèrent en avril 1914 l’hebdomadaire Das Größere Deutschland (L’Allemagne qui s’agrandit). Le premier cahier annonçait la collaboration régulière des plus célèbres professeurs et diagnosticiens de leur époque, depuis Rudolf Eucken jusqu’à Gustav von Schmoller en passant par Friedrich Meinecke30. On constate là encore que, si en France, c’étaient les écrivains qui donnaient la mesure de la mobilisation intellectuelle, ce rôle était tenu en Allemagne par les professeurs. Quelle part joue l’Angleterre, alors première puissance mondiale, dans ce discours ? La recherche souligne les fortes variations de l’opinion publique et une tendance marquée à détourner vers l’extérieur les menaces de guerre civile, comme lors du conflit sur la Home Rule irlandaise, au moyen d’appels militants à l’unité et à la force de la Nation. Sur ce front, la presse populaire, depuis le début du siècle, alimentait volontiers à coups de rhétorique guerrière les « newspaper wars », tout en ravivant parfois l’espoir d’une politique commune européenne tournée vers la paix. Le pouvoir de la presse modifia en tout cas la nature du combat d’idées public. À l’époque de Bismarck et de Salisbury déjà, l’opposition entre les intérêts nationaux allemands et britanniques était apparue clairement. La pression exercée par les journaux avant la Première Guerre mondiale changea donc moins les intérêts du moment que la « définition de ces intérêts sur la base des représentations dominantes de soi et du monde31 » Dans cette reformulation des intérêts politiques, les idées de nature agonistique, attisées par les intellectuels diagnosticiens de leur époque, revêtent une importance déterminante. Les public moralists anglais, de leur côté, observaient encore avec une certaine retenue cette guerre des esprits qui s’intensifiait sur le continent. C’est l’impression laissée par le 4e congrès international d’Histoire qui se tint en avril 1913 à Londres. Cependant, même à l’intérieur de cette “zone de contact” du savoir, régnait le sentiment latent d’une guerre inéluctable, et ce fut un intervenant allemand qui s’en fit l’écho.

29 Dieter LANGEWIESCHE, Reich, Nation, Föderation. Deutschland und Europa (Empire, Nation, Fédération. L’Allemagne et l’Europe), München, Beck, 2008, p. 55. 30 Das Größere Deutschland, 1, 1914, p. 1. 31 Puissamment illustré par Dominik GEPPERT, Pressekriege. Öffentlichkeit und Diplomatie in den deutsch-britischen Beziehungen, 1896-1912 (Guerres de la presse. Opinion publique et diplomatie dans les relations germano-britanniques), München, Oldenbourg, 2007, citation p. 436 ; cf. aussi J. Lee THOMPSON, Northcliffe. Press Baron in Politics, 1865-1922 (Northcliffe. Un baron de la presse en politique), London, John Murray, 2000, p. 201-221. 38 GANGOLF HÜBINGER

La Frankfurter Zeitung rapporta que l’historien de la culture Karl Lamprecht avait lancé, pendant son discours sur les courants de pensée actuels de l’Empire, l’avertissement suivant : « Si, ce qu’il ne souhaitait pas, la guerre devait éclater, il faudrait s’attendre à trouver dans le peuple allemand un adversaire déterminé32 ». L’intervention de Karl Lamprecht, tout comme celles de Friedrich Meinecke, Hans Delbrück ou Paul Rohrbach, mais cette fois à l’étranger et devant un public international, montre la façon dont la « politique internationale planétaire » poussait les élites qui se penchaient sur leur époque à avancer des conceptions toujours plus bellicistes d’un ordre national. Avant le 1er août 1914, elles s’efforçaient encore de prendre en considération les ramifications internationales d’une politique globalisée. Les modèles de pensée opposant les cultures nationales étaient cependant déjà si bien ancrés qu’ils purent, dès après le 1er août, être exploités grâce à des images simplifiées du type : « démocratie occidentale » contre « idée allemande de liberté ». Ernst Troeltsch résuma tous ces arguments, d’une façon à la fois réfléchie et mobilisatrice, lorsque, au cours de la deuxième année de la guerre, opposant à sa manière les idées de 1914 aux idées de 1789, il en appela au devoir d’un « don religieux de sa personne33 ».

(Traduction Julien Thys)

32 Frankfurter Zeitung du 11. Avril 1913, Abendblatt, cit. d’après Karl Dietrich ERDMANN, Die Ökumene der Historiker. Geschichte der Internationalen Historikerkongresse und des Comité International des Sciences Historiques (L’œcuménisme des historiens. Histoire des congrès internationaux d’Histoire et du Comité International des Sciences Historiques), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1987, p. 87. 33 TROELTSCH, Ideen von 1914 (Idées de 1914), p. 616. Das Land der Wirklichkeit und Das wirkliche Deutschland. Die kulturkritischen Transfers des Oskar A. H. Schmitz (1873-1931) zwischen Krieg und Frieden

Barbara BEßLICH Universität Heidelberg

Karl Kraus frotzelte 1924 in Der Fackel über den Schriftsteller Oskar A. H. Schmitz und nannte ihn einen der « feinsten Auguren in Deutschland », dessen Name Programm sei – insofern nämlich, als sein « Vor- und Zuname schon mit einem kulturverbindlichen Oha und einem auskennerischen Aha die höchste Gewitztheit und Verschmitztheit in allen geistigen Belangen gewährleistet1 ». Hinter den von Kraus ins Lächerliche gezogenen Kürzeln A. H., die den Allerwelts-Familiennamen Schmitz aufbessern halfen, verbargen sich die urdeutschen Vornamen Adolf Hermann, die Schmitz vielleicht auch deshalb zeitlebens zu A. H. initialisierte, weil er sich auf seinen polyglotten und weltmännischen Habitus jenseits nationaler Beschränkungen einiges zugute hielt2. Sein Bemühen um großbürgerliche Grandezza qualifizierte ihn für manche zum « arbiter elegantiarum3 », der kulturelle Geschmacksfragen vom « Smoking-Standpunkt » betrachtete4; für andere blieb er trotzdem schlicht « der banale Schmitz5 ». Thomas Mann, Hugo von Hofmannsthal und

1 Karl KRAUS, « So, jetzt weiß ichs », Die Fackel, Nr. 25, 1924, S. 117–126, hier S. 117. 2 Während der Autor Schmitz seinen zweiten und dritten Vornamen konsequent initialisierte, variierte die Schreibung des ersten Vornamens von den schriftstellerischen Anfängen bis zu seinem Tod zwischen « Oscar » und « Oskar ». 3 So ehrte ihn Stefan ZWEIG, « Oscar A. H. Schmitz zum 50. Geburtstage », in Oscar A. H. Schmitz zum fünfzigsten Geburtstag. Mit einer Selbstbiographie des Dichters und seinem Horoskop sowie Beiträgen von Hugo von Hofmannsthal, Thomas Mann, Stefan Zweig, Hermann Hesse, Graf Keyserling, München, Müller, 1923, S. 11f., hier S. 11. 4 So Kurt HILLER, « Ein besserer Mitteleuropäer », Die Aktion, Nr. 1, 1911, Sp. 172-175, hier Sp. 172. 5 Brief Karl WOLFSKEHLS an Friedrich GUNDOLF vom 4. Mai 1914, in Karl und Hanna WOLFSKEHL, Briefwechsel mit Friedrich GUNDOLF 1899–1931, hrsg. von Karlhans KLUNCKER, Amsterdam, Castrum Peregrini Presse, 1977, S. 102. In Herwarth Waldens Sturm wurde Schmitz als « Konfektionsdichter » von der Stange verulkt ([Trust], « Konfektionsdichter », Der Sturm, 2, Nr. 101, 1912, S. 804f.). Auch von Arthur Holitscher (« Der Mann von Welt », Die 40 BARBARA BEßLICH

Hermann Bahr gehörten zu den Schmitz wohl gesonnenen Schriftstellern, die in seiner Reiseliteratur und seinen weltanschaulichen Abhandlungen Wahlverwandtschaften ausmachten in der Art und Weise, wie Schmitz schreibend auf gesellschaftliche Umbrüche und die Krise der Moderne reagierte. Das Besondere der kulturkritischen Zeitdiagnosen von Schmitz war ihr grenzüberschreitender Zuschnitt. Franz Dülberg bewertete « Schmitzens Denk- und Schreibart vor allem auf dem Gebiet der deutsch-französischen geistigen Auseinandersetzung für besonders ergebnisreich » und sah Schmitz in dieser Funktion des Kulturvermittlers als Pionier und Schlüsselfigur: « Schon lange vor dem Kriege […] hat er manche von den Gedanken- schächten gegraben, in die zehn Jahre später die Curtius, Grautoff, Sieburg ihre Lampen und Spaten trugen.6 » An den Texten von Schmitz lässt sich sichtbar machen, dass Kulturkritik nicht nur ein Produkt nationaler Eigenbrötelei oder gar eines deutschen Sonderwegs ist7, sondern dass sich manche kulturkritische Strömung in Deutschland gerade auch im internationalen Kontext und in der Auseinandersetzung mit französischen Entwicklungen herausbildet8. Dass

neue Rundschau, Nr. 22, 1911, S. 861–864) erntete Schmitz ätzenden Spott. Seine zur Logorrhoe tendierende Eloquenz griff Theodor Lessing böse an: « Oskar A. H. Schmitz, einer jener Lieblinge der guten Gesellschaft, die der Feuilletonredakteur geistreich und geschmackvoll zu nennen pflegt, ein Denker, ein Dichter, ein Kavalier, hat nach mancher glorreichen Tat und Fahrt, jüngst ein “Brevier für Weltleute” erscheinen lassen, in welchem er seines Geistes Testamente niederlegte: über die Religion, die Philosophie, die Herrenmoden, das Reisen in China und Marokko, das Corset der Frau, die Liebe, das Leben, die Kunst und auch das Theater. – Ich habe manches tönende Mundwerk im Leben geschaut. Als ich in Berlin bei Richard M. Meyer neue deutsche Literaturgeschichte hörte, da glaubte ich: Das ist der Rekord; kein Wasserfall denkt tiefer! Aber ich hörte später den seligen Professor Schultze in Dresden Philosophie vortragen, und Meyers Sternbild verblasste. Und nun liegen vor mir die geschmackvollen, abgeklärten, geistreichen und feinsinnigen Makulaturen Schmitzens, mit Herzblut, wenn auch nicht mit eigenem geschrieben, und es tagt in mir die Wahrheit: Nicht Meyer, nicht Schultze – Schmitz allein verdient die Palme! » (Theodor LESSING, « Der Weltmann und das Theater », Die Schaubühne, Nr. 8, 1912, Nr. 44, 31. Oktober 1912, S. 435- 441, hier S. 435). 6 Franz DÜLBERG, « Oskar A. H. Schmitz. Eine Begegnungskette », Preußische Jahrbücher, Nr. 229, 1932, S. 150–159, hier S. 157. Der mit Schmitz befreundete Dülberg hatte bereits dessen Novellensammlung Der gläserne Gott rezensiert in Das literarische Echo, Nr. 9, 1906/1907, Sp. 468 f. Ähnlich über Schmitzens Bedeutung für den deutsch-französischen Kulturtransfer urteilt auch Hermann BAHR, Tagebuch 1918, Innsbruck / Wien / München, Tyrolia, 1919, S. 137–145 (Eintrag vom 12. Mai 1918), besonders S. 138. 7 Vgl. Gérard RAULET (Hrsg.), Historismus, Sonderweg und dritte Wege, Frankfurt a. M. u. a., Lang, 2001. 8 Georg Bollenbecks Referenzwerk zur Kulturkritik setzt zwar mit Rousseau als erstem europäischen Kulturkritiker ein, aber erzählt im Folgenden die Geschichte der Kulturkritik als ein vornehmlich deutsches Phänomen (Georg BOLLENBECK, Eine Geschichte der Kulturkritik. Von Rousseau bis Günther Anders, München, Beck, 2007). Demgegenüber ließe sich in Fallstudien zu einzelnen Vermittlerfiguren (wie etwa Bahr, Rausch/Benrath, Curtius) zeigen, dass wichtige Argumentationen und Themen deutscher Kulturkritik von Frankreich aus vermittelt werden. Vgl. hierzu auch meine Studie : « Zwischen Décadence und Katholizismus. Franz Blei als früher Vermittler des Renouveau catholique in Deutschland und Österreich », in DAS LAND DER WIRKLICHKEIT UND DAS WIRKLICHE DEUTSCHLAND 41 sich gleichwohl auch eine solche französisch inspirierte deutsche Kulturkritik unter bestimmten Bedingungen nationalisiert und der Kulturpessimismus als politische Gefahr (Stern) erscheinen kann9, zeigt ebenfalls die Entwicklung von Schmitz exemplarisch. Es sollen daher im Folgenden zuerst die frühen Frankreich-Erfahrungen von Schmitz im Horizont der Décadence gemustert und dann in einem zweiten Schritt gezeigt werden, wie Schmitzens kulturvermittelnder Journalismus nach 1900 neue Strömungen in Frankreich den Deutschen als Vorbild in ihrer Krise der Moderne anempfiehlt. Ein dritter Teil beleuchtet, wie sich die Kulturkritik von Schmitz im Ersten Weltkrieg politisiert, nationalisiert und vorübergehend von Frankreich abkoppelt. Und ein vierter und letzter Teil versucht zu skizzieren, welche Wege Schmitz aus dem nationalistischen Kulturkrieg herausfindet und wie sich seine Kulturkritik nach 1918 gestaltet. Während bisher literaturwissenschaftliche Studien Schmitz vor allem als Beobachter und Kommentator der Münchner Moderne und als Randfigur des George-Kreises analysierten10, soll hier jenseits der nationalphilologischen Perspektive vor allem der Blick auf seine Funktion als kulturkritischer Wanderer zwischen den nationalen Welten gerichtet werden.

Wilhelm KÜHLMANN, Roman LUCKSCHEITER (Hrsg.), Moderne und Antimoderne. Der Renouveau catholique und die deutsche Literatur, Freiburg, Rombach, 2008, S. 205–218. 9 Die Pionierstudie von Fritz STERN (Kulturpessimismus als politische Gefahr. Eine Analyse nationaler Ideologie in Deutschland, Bern / Stuttgart, Scherz, 1963) zieht von Lagarde, Langbehn und Moeller van den Bruck aus eine kulturpessimistische Linie, die Exponenten einer extremen, schon früh mit dem Völkischen sympathisierenden Kulturkritik vorstellt. Seitdem verblieb die deutsche Kulturkritik im Generalverdacht teleologischer Nähe zum Nationalsozialismus und wurde oft allzu schnell mit überspannter nationalistischer Ideologie gleichgesetzt. 10 Véronique CROUVEZIER, Vom Münchner Bohemien zum Pariser Dandy. Die Entwicklungsjahre des Bürgersohnes Oscar A. H. Schmitz (1873-1931), Würzburg, Königshausen & Neumann, 2012. Klaus BOHDAL, Oscar A.H. Schmitz. Eine Monographie mit besonderer Berücksichtigung der Schwabinger Zeit des Dichters und seiner phantastischen Erzählungen, Diss. Masch. Graz, 1969. Wilhelm W. HEMECKER, « Oscar A. H. Schmitz und die Blätter für die Kunst », Castrum Peregrini, Nr. 45, 1996, S. 62-76. Wilhelm KÜHLMANN, « Oskar A.H. Schmitz », in Achim AURNHAMMER, Wolfgang BRAUNGART, Stefan BREUER, Ute OELMANN u. Kai KAUFFMANN (Hrsg.), Stefan George und sein Kreis. Ein Handbuch, Berlin, Boston, de Gruyter, 2012, Bd. 3, S. 1629-1633. Von der George-Forschung unbeachtet blieb bisher meines Erachtens folgender literaturkritischer Text von SCHMITZ über George : « Ueber Dichtung », Pan, 3, Nr. 1, 1897, S. 31ff., besonders S. 33. Schmitzens dreibändige Autobiographie berücksichtigt Peter SLOTERDIJK, Literatur und Lebenserfahrung. Autobiographien der Zwanziger Jahre, München, Hanser, 1978, S. 198ff., 228–234, 255–258. Wie Schmitz mit der Psychoanalyse experimentierte, beleuchtet Wolfgang MARTYNKEWICZ : « Die dunklen Seiten eines Dandys. Der Schriftsteller Oskar A. H. Schmitz in der Analyse bei Karl Abraham », Jahrbuch der Psychoanalyse, Nr. 55, 2007, S.113-142. Mehr Interesse am Drogen-Motiv als an der phantastischen Erzählweise zeigt Uwe SCHÜTTE, « Pharmakologische Initiation im Boudoir. Zum Erzählungsband “Haschisch” von Oskar A. H. Schmitz », Zeitschrift für Literaturwissenschaft und Linguistik, Nr. 38, 2008, S. 154-162. 42 BARBARA BEßLICH

Frankreich-Erfahrungen im Horizont der Décadence

Nachdem er das Studium der Nationalökonomie abgebrochen hatte, lebte Schmitz von Februar bis Dezember 1897 in Paris, gab sich als lebens- und liebeshungriger Bohèmien, der versuchte, sich pariserischer als die Pariser zu gerieren. Er inszenierte sich als weltgewandter Dandy und Flaneur. Und er lernte in Paris auch August Strindberg, Edvard Munch und Stefan George persönlich kennen, ein Kontakt der kurz, aber wesentlich für Schmitz war, der sich zu dieser Zeit als Ästhetizist mit Geschmack an Décadence und erlesenen Untergangsstimmungen gefiel. Im Jahr 1900 fuhr Schmitz erneut nach Paris zur Weltausstellung und berichtete in einem Artikel für die Wiener Rundschau über seine Rückblicke auf Paris und die Ausstellung11. Und just dieser Artikel führte zum Bruch mit George, berichtete Schmitz dort doch ein bisschen naseweis und geschmäcklerisch von dem von Melchior Lechter gestalteten Saal im deutschen Pavillon der Weltausstellung, den er als « verfehlt », weil bloß dekorativ und überladen abtakelte12. Schmitzens Kritik an der deutschen Präsentation in Paris monierte zudem, dass die Gelegenheit verpasst worden sei, an bereits bestehende deutsch-französische Kulturkontakte anzuknüpfen. So fragte Schmitz indigniert:

Hätte man der französischen Wagner-Begeisterung nicht mit einem kleinen Museum begegnen können ? Auch ein wenig Heine hätte nicht geschadet. Die Franzosen interessieren sich doch für ihn. Gluck, Heine, Wagner [...] haben in Paris eine deutsche Tradition hinterlassen.13

Und er befindet:

An diese deutsche Culturgeschichte in Paris hätte man anknüpfen müssen, um den Franzosen geistig näher zu kommen, woran uns ja immer soviel gelegen scheint.14

Schmitz präsentiert sich 1900 in diesem Artikel als Kulturvermittler, der nicht nur den Deutschen und Österreichern in der Wiener Rundschau von Paris berichtet15, sondern auch darüber reflektiert, wie man den Franzosen

11 SCHMITZ, « Rückblicke auf Paris und die Ausstellung », Wiener Rundschau, Nr. 4, 1900, S. 393-396. 12 Harsch urteilte Schmitz über den « Saal Melchior Lechters, [der] als verfehlt betrachtet werden kann. Der durch seine Buchausstattungen und Glasfenster so rühmlich bekannte Künstler scheint mit dem Raum architektonisch nichts anderes anfangen zu können, als ihn mit allzuvielen, theilweise hübschen Kleinigkeiten auszufüllen, die farbig kaum zu einander passen und den gewollten Eindruck der Feierlichkeit völlig hindern. » (Ibid., S. 394). 13 Ibid. 14 Ibid. 15 Schon zuvor hatte Schmitz in der Wiener Rundschau über die Dreyfus-Affäre berichtet und den Deutschen erläutert, dass die Franzosen mit dem Begriff der « Intellectuellen » neuerdings « eine Nuance verbinden, die unserem herübergenommenen Ausdruck fremd ist. » (SCHMITZ, « Die Intellectuellen », Wiener Rundschau, Nr. 2, 1897, S. 390-393, hier S. 390). DAS LAND DER WIRKLICHKEIT UND DAS WIRKLICHE DEUTSCHLAND 43

Deutsches näher bringen könnte. Und sein Ideal scheint die Fortschreibung einer « deutschen Culturgeschichte in Paris » zu sein. Gleichzeitig aber urteilt er streng über den gegenwärtigen Kulturzustand Frankreichs und befindet lapidar : « Die letzten großen Schaffenden sind todt oder alt; von der jungen Generation scheint man nicht viel mehr zu erwarten, als Witze und Zierraten. »16 Dieses harsche Zitat erinnert nicht nur an Herders (gut 140 Jahre zuvor geäußertes) kulturkritisches Verdikt « man wohnt [in Frankreich] auf den Ruinen »17, sondern illustriert auch, dass die Décadence für Schmitz im Jahr 1900 nicht mehr einen gewünschten Kulturzustand der Verfeinerung beschreibt, sondern zur Kritik motiviert. Und dies gilt nicht nur für Frankreich, sondern auch für Schmitzens Urteil über die deutsche Kultur. Auch für Deutschland beklagt Schmitz gegenwärtige Zustände. Hier ist es vor allem eine weltanschauliche Ausdifferenzierung, die ihm zu schaffen macht, wenn er bemängelt, in Deutschland « fehlt heute eine einheitliche Lebensanschauung, wie sie nur eine große Philosophie oder der Katholizismus geben kann ».18 Damit orientiert sich Schmitz zum einem historisch-diachron an einer deutschen Vergangenheit des frühen 19. Jahrhunderts, als das System des Idealismus noch ein einheitliches philosophisches Selbstverständnis vermitteln konnte. Andererseits formuliert sich diese holistische Sehnsucht auch synchron aus der Konfrontation mit dem renouveau catholique in Frankreich heraus. Die Kulturkritik von Schmitz entsteht so zwischen den Kulturen Frankreichs und Deutschlands. Jeweils in das andere Land transferierbare kulturkritische Größen scheinen ihm Verlaine und Nietzsche zu sein19.

Kulturvermittelnder Journalismus : Frankreich jenseits der Décadence als Vorbild für deutsche Krisen

1905 fuhr Schmitz erneut nach Frankreich und verbrachte den Winter 1905/1906 in Paris ; er arbeitete dort an einem Buch über die französische Kultur. 1907 erschien als selbständige Monographie die 200 Seiten starke Studie über Französische Gesellschaftsprobleme, ein Text, den Schmitz bewusst als « nicht wissenschaftlich[e], nicht einmal populär-

16 SCHMITZ, « Rückblicke », S. 393. 17 « Frankreich: seine Epoche der Litteratur ist gemacht: das Jahrhundert Ludwichs vorbei; auch die Montesquieus, D’Alemberts, Voltaire’s, Roußeau sind vorbei: man wohnt auf den Ruinen » (Johann Gottfried HERDER, Journal meiner Reise im Jahr 1769. Historisch-kritische Ausgabe, hrsg. von Katharina MOMMSEN mit Momme MOMMSEN und Georg WACKERL, Stuttgart, Reclam, 1976, S. 92). 18 Tagebucheintrag vom 15. November 1897, in SCHMITZ, Das wilde Leben der Boheme. Tagebücher, 1896–1906, hrsg. von Wolfgang MARTYNKEWICZ, Berlin, Aufbau, 2006, Bd. 1, S. 134. 19 Während der junge Goethe und Racine ihm jeweils in der anderen Kultur nicht völlig verstehbar erscheinen, befindet SCHMITZ : « Geister wie Verlaine und Nietzsche dagegen überschreiten die Landesgrenzen. » (SCHMITZ, Französische Gesellschaftsprobleme, Berlin, Wedekind & Co., 1907, S. 12). 44 BARBARA BEßLICH wissenschaftlich[e] Abhandlung » verfasst hatte und der sehr wohlmeinend aufgenommen wurde20. Hofmannsthal begeisterte sich für Schmitzens Text und sah in diesem Buch ein Paradebeispiel für einen neuen kulturellen Journalismus, für den Hofmannsthal warb21. Im Unterschied zu der zeitgleichen, dickleibigen « Weltanschauungsliteratur », wie sie Horst Thomé analysiert hat, vermischt Schmitz zwar in diesem kulturkritischen Text auch eigene Eindrücke mit « waghalsigen Hypothesen, metaphysischen Theorie- fragmenten, autobiographischen Mitteilungen, persönlichen Glaubens- bekenntnissen, ethischen Handlungsanweisungen, zeitpolitischen Diagnosen und gesellschaftlichen Ordnungsmodellen22 ». Aber Schmitz betreibt niemals Wissenschaftsmimikry, im Gegenteil: er bemüht sich stets um einen unakade- mischen Plauderton, der mehr im Salon als auf dem Katheder beheimatet ist. Oswald Spengler, der eine spätere Auflage der Französischen Gesellschafts- probleme rezensierte, bescheinigte Schmitzens Betrachtungen eine « Her- kunft aus dem Feuilleton, aber man darf als Lob hinzufügen, daß das ihren Wert nicht herabsetzt »23. Schmitz zielt auf das « Aphoristische, Impressio- nistische, als meine eigentliche Originalität », und er versucht, « das Werk fast ganz von Ballast zu befreien. Mir schwebte das Bild eines englischen Kuchens vor mit mehr Rosinen als Teig, und dieser möglichst locker »24. Dieses Buch über Französische Gesellschaftsprobleme erfährt mehrere Auflagen. Und es ist aufschlussreich zu beobachten, was sich von Auflage zu Auflage ändert. Ab der dritten Auflage trägt das Werk einen neuen Titel : Das Land der Wirklichkeit, und im einleitenden Kapitel wird (im Kontrast zu Frankreich als Land der Wirklichkeit) ein Abschnitt integriert über Das unwirkliche Deutschland, den Schmitz 1913 verfasst hat. Über die Opposition « wirkliches Frankreich » versus « unwirkliches Deutschland » bemüht sich Schmitz um eine kulturkritische Bestandsaufnahme:

In der Form mißachtenden einseitigen Naturgebundenheit, die als Gegengewicht Fremdes verstandesmäßig und übereifrig hinzulernt, sah ich den spezifisch deutschen Irrweg, während die französische Kultur kein mühsames Streben ist nach etwas, was man nicht hat, sondern eine den Menschen immanente Wirklichkeit.25

20 Ibid., S. 2. 21 Hugo von HOFMANNSTHAL, « Umrisse eines neuen Journalismus », in HOFMANNSTHAL, Reden und Aufsätze, hrsg. von Konrad HEUMANN und Ellen RITTER, Frankfurt a. M., Fischer, 2009 (= Sämtliche Werke, 33), Bd. 2, S. 149-151. 22 Horst THOMÉ, « Weltanschauungsliteratur. Vorüberlegungen zu Funktion und Texttyp », in Lutz DANNEBERG und Friedrich VOLLHARDT mit Hartmut BÖHME und Jörg SCHÖNERT (Hrsg.), Wissen in Literatur im 19. Jahrhundert, Tübingen, Niemeyer, 2002, S. 338–380, hier S. 338. 23 Oswald SPENGLER, [Rezension zu] « Oskar A. H. Schmitz, Das Land der Wirklichkeit », Der Bücherwurm, Nr. 4, 1913, S. 117. 24 SCHMITZ, Dämon Welt. Jahre der Entwicklung, München, Müller, 1926, S. 357. 25 Ibid., S. 347. Schmitzens kulturkritische Überlegungen in dem Kapitel Das unwirkliche Deutschland knüpfen an eigene Artikel an, vgl. SCHMITZ, « Mißkultur! Zur Charakteristik der bürgerlichen Lebensauffassung », Südwestdeutsche Rundschau, Nr. 2, 1901, S. 621-631. DAS LAND DER WIRKLICHKEIT UND DAS WIRKLICHE DEUTSCHLAND 45

Schmitz formuliert in dem Kapitel über Das unwirkliche Deutschland eine Stadtkritik und zeiht den Moloch Berlin als riesig und ungeistig, er klagt über eine deutsche Zerrissenheit, die sich in einer Unverbundenheit von Politik und Kunst äußere. In einer stereotypen Attacke auf den Wilhelminismus, für die Jacob Burckhardt Pate steht, bedauert Schmitz, dass die deutsche Kultur « bei der zu plötzlichen äußeren Entwicklung des Landes » auf der Strecke geblieben ist26. Statt wirklicher Kultur sieht er nur « Pseudokulturmenschen » in diesem unwirklichen Deutschland27. Soziale Segmentierung und Differenzierung, Spezialisierung in « Sonderberühmtheiten, Sonderzirkel » erscheinen ihm als Verlust von Einheit28. Eine große materialistische Gefahr sieht Schmitz in der Orientierung an Amerika: « Wir nähern uns immer mehr amerikanischen Formen. Amerika ist das Land, das die Mittel erfunden hat, ohne Ideen zu leben. »29 Die deutsche Selbstdefinition erfolge zu oft nicht durch einen positiven Entwurf, sondern durch negative Abgrenzung. Schmitz bedauert, « daß man in keinem anderen Land mehr das betont, was man nicht ist, als bei uns; die Vorsilben “anti” spielen bei uns eine ungeheure Rolle »30. Paradoxerweise ist Schmitzens kulturpessimistische Klage über Das unwirkliche Deutschland ein Paradebeispiel für diese bemängelte Selbstbestimmung durch Defizitermittlung und Fahndung nach dem Feind. In diesem desaströsen Zustand bedarf Deutschland der kulturellen Hilfe, es dürstet regelrecht nach geistigem Import. Schmitz sieht 1913 eine mögliche Kultur-Therapie für das unwirkliche Deutschland in der Aneignung der Philosophie von Henri Bergson. Aber auch hier muss Schmitz erst einmal darauf hinweisen, dass man bisher in Deutschland Bergson falsch rezipiert habe. Er rekapituliert die deutsche Bergson-Rezeption folgendermaßen:

Ich glaube, Bergson hat in Deutschland früher als in Frankreich ein Leserpublikum gefunden. [...] Aber wie sind die Deutschen mit ihm umgegangen ? Die Zünftigen haben ihn natürlich sofort zu vernichten versucht und erklärt, das sei überhaupt keine Philosophie. Die andern fanden ihn sehr interessant und stellten ihn zu Häupten ihres Alltags aufs Bücherbrett neben die “Kritik der reinen Vernunft”, “die Welt als Wille und Vorstellung” und den “Zarathustra”. Habemus philosophum, und damit ist für Deutschland der Fall Bergson erledigt. Das Leben bleibt, .31

SCHMITZ, « Weibliche Kultur », Südwestdeutsche Rundschau, Nr. 3, 1902, S. 92-97. SCHMITZ, « Die Spaltung der modernen Kultur », Morgen. Wochenschrift für die moderne Kultur [2], Nr. 17, 24. April 1908, S. 534-539. 26 SCHMITZ, Das Land der Wirklichkeit. Der Französischen Gesellschaftsprobleme vierte Auflage, München, Müller, 1914, S. 36. 27 Ibid., S. 39. 28 Ibid., S. 25. 29 Ibid., S. 40. 30 Ibid., S. 24. 31 Ibid., S. 29. Zur kulturkritischen Bergson-Rezeption vgl. Gérard RAULET, « Histoire d’un malentendu fécond. La réception de Bergson en Allemagne », in Gilbert MERLIO und Gérard RAULET (Hrsg.), Linke und rechte Kulturkritik. Interdiskursivität als Krisenbewußtsein, Frankfurt a. M. u. a., Lang, 2005, S. 23–54. 46 BARBARA BEßLICH

Gegenüber dieser falschen, weil oberflächlichen, rein intellektuell- spezialisierten und bloß philosophisch-akademischen Rezeption ohne Sitz im Leben positioniert Schmitz nun eine vorbildliche französische Bergson- Rezeption, die er den Deutschen vorstellt und zu Nachahmung anempfiehlt. In Frankreich habe, so Schmitz, Bergson sehr viel langsamer, aber dafür auch sehr viel umfassender und radikaler gewirkt: « nicht nur alles, was sich mit Kunst, Literatur und Wissenschaft befaßt, sieht in ihm den Philosophen der Zeit, auch die neu auflebende Religion » orientiere sich an ihm32. Schmitz fügt 1913 seiner Studie am Ende ein Kapitel über neueste französische Geistesströmungen an, das Oswald Spengler außerordentlich gefiel und in dem Schmitz die französische Jugend in einem Aufbruch beschrieb, der Deutschland zum Vorbild gereichen sollte33. Schmitz beo- bachtet in Frankreich die « Wiedergeburt eines idealistischen Patriotismus » und ist begeistert, wie der « materialistisch-naturalistische Geist », Determinismus und « Verstandesherrschaft » entthront werden34. Auch die Décadence und eine schwächende « Lebensmüdigkeit » sind erfolgreich überwunden. Man hat gebrochen mit « Intellektualismus, dem Dilettantismus und dem Ästhetentum », zelebriert nicht mehr eine « frei vagierende » (Nipperdey) dekadente Religiosität, sondern wählt die katholische Religion als Ordnung stiftenden Ausweg aus der Décadence35. Gefahr gehe zwar auch hier aus von einer Orientierung an England und Amerika, aber die scheint Schmitz 1913 in Frankreich für geringer zu erachten als in Deutschland. Angelehnt an Étienne Reys Schrift über La Renaissance de l’Orgueil Français beschreibt Schmitz den jugendlichen Protest gegen ein positivistisch-philologisches Wissenschaftsverständnis und verbindet dies mit Hoffnungen für die wissenschaftliche Entwicklung im eigenen Land36. Insgesamt präsentiert Schmitz hier Frankreich als Schule der Kulturkrisenüberwindung für Deutschland. Nirgends ist Frankreich der kulturkritische Feind, sondern vielmehr Vorbild, um die Krise im eigenen Land, dem unwirklichen Deutschland, zu überwinden. Bemerkenswert ist, dass Schmitz nach Ausbruch des Ersten Weltkriegs sein Frankreichbuch fast unverändert wieder erscheinen lässt, allerdings mit einer bedeutsamen Titeländerung: Aus dem Land der Wirklichkeit wird nun Was uns Frankreich war37, ein Titel, der für den Schmitz-unkundigen Leser erst einmal offen lässt, ob es sich hier um eine im Krieg marktgängige nationalistische Attacke

32 SCHMITZ, Das Land der Wirklichkeit, S. 30. 33 « Wertvoll ist besonders der Aufsatz über die neuesten geistigen Strömungen in Frankreich; er ist vermutlich der beste, der bisher über das Thema geschrieben wurde. » (SPENGLER, Schmitz, S. 117). 34 SCHMITZ, Das Land der Wirklichkeit, S. 270f. et 279. 35 Ibid., S. 282 und 288. 36 « Die Jugend verlangt wieder eine mehr literarische als philologische Kultur; und es ist möglich, daß der Anstoß zu einem Umschwung aus Frankreich kommt. » (ibid., S. 298). Vgl. Étienne REY, La Renaissance de l’Orgueil Français, Paris, Grasset, 1912. 37 So kommt es zu dem mehrgliedrigen Titel : Was uns Frankreich war. Siebente Auflage der Französischen Gesellschaftsprobleme (Das Land der Wirklichkeit), München, Müller, 1914. DAS LAND DER WIRKLICHKEIT UND DAS WIRKLICHE DEUTSCHLAND 47 auf Frankreich oder ein affirmatives landeskundliches Porträt handelt. Das Präteritum im Titel (Was uns Frankreich war) signalisiert, dass eine Orientierung an Frankreich für Deutschland eine Angelegenheit der Vergangenheit bedeutet. Und während der frühere Titel Land der Wirklichkeit ausschließlich die Darstellung der anderen Nation perspektiviert, verschiebt sich mit dem national einvernehmlichen Personalpronomen (Was uns Frankreich war) der Fokus auf den aufnehmenden Part des Kulturtransfers, auf Deutschland. In der knappen Vorrede der Kriegsauflage schildert Schmitz Frankreich nicht als Nationalfeind, sondern als ein durch Missgeschick entstandenen Kriegsgegner38. Gleichwohl ist Schmitz kein Pazifist, im Gegenteil: Er sieht den Krieg als Chance für einen kulturellen Neuanfang und feiert, wie viele andere deutsche Schriftsteller und Wissenschaftler, die nationale Wiedergeburt durch den Krieg39.

Politisierung und Nationalisierung im Ersten Weltkrieg

Nachdem Schmitz vor dem Krieg Frankreich als Land der Wirklichkeit gepriesen und dem unwirklichen Deutschland als Vorbild präsentiert hatte, erscheint 1915 eine Schrift von Schmitz, die die Akzente wieder anders setzt. Sein Kriegsbuch trägt den Titel Das wirkliche Deutschland, ein Text, den Thomas Mann aufmerksam gelesen hat und der ihn auch bei der Konzeption der Betrachtungen eines Unpolitischen beeinflusste40. Die Lösung der Kulturkrise muss für Schmitz nun nicht mehr jenseits der Grenze im neuen Frankreich gesucht werden, sondern zeichnet sich klassenübergreifend und national selbstbezüglich im deutschen Augusterlebnis ab. Mit dem Begriff « August-Wunder » bezeichnete die ältere Forschung ja lange Zeit eine real angenommene allumfassende deutsche Euphorie bei Kriegsbeginn, die feierte, dass die inneren Zerklüftungen überwunden seien. Neuere Studien haben gezeigt: Die Kriegsbegeisterung war vielerorts, nachgerade in der Arbeiterschaft, nicht so stark, wie es der Kulturkrieg ex post verklärte, der von Wilhelm II. entworfene Burgfrieden mehr bürgerliches Wunschdenken

38 « Frankreich wurde wider seinen Willen in den Kampf gezogen und ist infolgedessen auch nur mit halbem Herzen dabei. » (SCHMITZ, Was uns Frankreich war, S. 6). 39 Schon vor dem Krieg spöttelte SCHMITZ über « Die Friedensschwärmer »; vgl. das gleichnamige Kapitel in seiner Schrift Die Weltanschauung der Halbgebildeten, München, Müller, 1914, S. 193-199. Die Weltanschauung der Halbgebildeteten war eine Kampfschrift gegen den Monismus, die Wolfskehl vernichtend abkanzelte als « sehr flach, schepp und gehaltlos aber mit der schnauzigen Chuzpe die eine Schein-Überlegenheit vortäuscht. » (Brief Karl WOLFSKEHLS an GUNDOLF vom 4. Mai 1914, in WOLFSKEHL, Briefwechsel mit Friedrich Gundolf, S. 102). 40 SCHMITZ, Das wirkliche Deutschland. Die Wiedergeburt durch den Krieg, München, Müller, 1915. Vgl. Brief MANNS an SCHMITZ vom 4. November 1915, in Dichter über ihre Dichtungen. Thomas Mann, 1889-1917, hrsg. von Hans WYSLING mit Marianne FISCHER, München, Heimeran, 1975, Bd. 1, S. 630. 48 BARBARA BEßLICH als Realität41. Je mehr man auf die einigende Kraft des Burgfriedens hoffte, desto mehr beschwor man ihn. Schmitzens Buch war Teil dieser nationalen Autosuggestion, die den Ersten Weltkrieg zum Kampf für die deutsche Kultur, zum « Kulturkrieg » stilisierte42. Während er die Kulturkrise vor 1914 vor allem im eigenen Land, Dem unwirklichen Deutschland, mit « Pathos der Distanz » (Nietzsche) diagnostiziert hatte, projizierte Schmitz im Ersten Weltkrieg mit einem nationalen Pathos der Identifikation die kulturkritischen Übel auf den Feind. Das wirkliche Deutschland hingegen scheint für ihn im Krieg zu sich selbst gefunden zu haben. Dabei schließt sich Schmitz durchaus nationalistisch aggressiv in der Attacke gegen England Werner Sombarts Helden und Händler und Max Schelers Der Genius des Krieges an, die er ausführlich diskutiert43. In Auseinandersetzung mit Thomas Manns Friedrich-Essay und Karl Joëls nationaler Selbstbesinnungsschrift sowie im Rückbezug auf Lagardes Deutsche Schriften radikalisiert Schmitz seine kulturkritischen Vorkriegsthesen44. Seine Kulturkritik nationalisiert sich nicht nur, sie wird auch politisch konkreter: Im Anschluss an das Konzept einer spezifisch deutschen Freiheit, die schon immer will, was sie im Dienst der Allgemeinheit muss, wird der Liberalismus als westeuropäisches Konzept

41 Vgl. Wolfgang KRUSE, Krieg und nationale Integration. Eine Neuinterpretation des sozialdemokratischen Burgfriedensschlusses 1914/15, Essen, Klartext, 1994. Thomas RAITHEL, Das « Wunder » der inneren Einheit. Studien zur deutschen und französischen Öffentlichkeit bei Beginn des Ersten Weltkriegs, Bonn, Bouvier, 1996. Jeffrey Todd VERHEY, The « spirit of 1914 » : The myth of enthusiasm and the rhetoric of unity in World War I in Germany, Diss. Berkley, 1991. 42 Vgl. hierzu meine Ausführungen in Wege in den ‘Kulturkrieg’. Zivilisationskritik in Deutschland 1890–1914, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2000. 43 Zu SOMBART (Helden und Händler. Patriotische Besinnungen, München, Leipzig, Duncker u. Humblot, 1915) und zu SCHELER (Der Genius des Krieges und der Deutsche Krieg, Leipzig, Verlag der Weißen Bücher, 1915) vgl. SCHMITZ, Das wirkliche Deutschland, S. 118- 126. Schmitz kritisiert allerdings, dass « Scheler unbegreiflicherweise doch noch von einer künftigen Gemeinschaft Westeuropas gegen die übrige Welt » (ibid., S. 124) ausgehe, und er schließt sich in diesem Punkt Sombart an. Schmitz war mit beiden persönlich bekannt und berichtet in seiner Autobiographie von einem Berliner Kriegs-Stammtisch « im “Gasthaus Fasan”, wo Werner Sombart, der Missverstandene, und Max Scheler die Hauptpersonen waren. Man war, weiß Gott, nicht “militaristisch” eingestellt und ließ jede Kritik an der herrschenden Mentalität aufkommen, aber die menschlichen Sympathien waren hier auch mehr auf seiten der Verblendeten, als der grundsätzlichen Verneiner, die sachlich dieses Mal recht haben mochten. » (SCHMITZ, Ergo sum, S. 234). 44 Dieser Kriegsnationalismus kann dabei aber anknüpfen an Vorkriegstendenzen von Schmitz, der bereits 1912/13 den Patriotismus in Frankreich bewundert hatte, in Deutschland der frei-konservativen Partei beitrat und mit Adolf Grabowsky deren Publikationsorgan, Das neue Deutschland, gründete. Einige dort publizierten Artikel nahm er dann in Das wirkliche Deutschland auf. Vgl. hierzu in der Retrospektive SCHMITZ, Ergo sum, S. 165. Zu Manns Friedrich-Essay im Februarheft des Neuen Merkur vgl. SCHMITZ, Das wirkliche Deutschland, S. 118ff.; zu Karl JOËL (Neue Weltkultur, Leipzig, Kurt Wolff, 1915), vgl. ibid. S. 128-133, zu Lagarde vgl. ibid. S. 97. Mann dankte Schmitz und teilte ihm mit, « dass mein Friedrich-Aufsatz […] Ihnen zugesagt hat, ja, dass sie ihn als ein Beispiel neuer deutscher Geistigkeit anführen, war mir natürlich eine kleine Genugtuung. » (Brief MANNS an SCHMITZ vom 4. November 1915, in Dichter über ihre Dichtungen, S. 630). DAS LAND DER WIRKLICHKEIT UND DAS WIRKLICHE DEUTSCHLAND 49 abgelehnt, « Preußen als Hort des Fortschritts » ausgemacht und vor einer Demokratisierung des Wahlrechts und Stärkung des Parlamentarismus gewarnt45. Thomas Mann konnte hier das rhetorisch versatile Jonglieren mit politischen Gegensätzen beobachten, das für die Konservative Revolution kennzeichnend wird; Thomas Mann schrieb Schmitz: « Als ganz besonders anregend empfand ich das scheinbar paradoxe Stück über “Preußen als Hort des Fortschritts”, – eine gräuliche Ketzerei vom Standpunkt unserer Sapadniks, natürlich, aber vernünftig, aber vollkommen zutreffend. »46 Mit der dichotomen Losung « Die Freiheit, die wir meinen, ist anders47 » beteiligt sich Schmitz an einer argumentativen Strategie des Kulturkriegs, zentrale politische Begriffe semantisch umzuprägen. Freiheit ohne das attributive Ethnicum « deutsch » verschiebt sich semantisch hin zu « Willkür » und wird den westlichen Kriegsgegnern zugeordnet, wohingegen in dem Begriff « deutsche Freiheit » das Attribut « deutsch » nicht mehr nur eine nationale Zuordnung meint, vielmehr zugleich dem Abstractum « Freiheit » konstitutive Bedeutungselemente (wie das Fehlen äußerer und innerer Zwänge) entzieht. « Deutsche Freiheit » stellt einen Euphemismus für « selbst auferlegte Unterordnung » dar, der seinen rhetorischen Reiz aus der Tatsache zieht, dass der uneigentliche Ausdruck eigentlich nicht nur eine periphrastische Verharmlosung, sondern sein eigenes Gegenteil bedeutet: « deutsche Freiheit » meint politische Selbstbeschneidung und Unfreiheit. Argumentativen Rückhalt sucht Schmitz hier auch traditionsbewusst bei Friedrich Schiller und dessen Verkoppelung von Freiheit und Notwendigkeit48. Gegen Liberalismus und Individualismus bringt Schmitz Nationalismus und Sozialismus als die zentralen deutschen Anliegen in Stellung, distanziert sich aber von dem Konzept des

Naumannschen Nationalsozialismus, dessen Forderungen auf der Grundlage einer individualistischen, d.h. liberalen Lebensauffassung entstanden sind. Während sich in Zukunft zwei deutsche Gedanken, der nationale und der soziale, auseinanderzusetzen haben werden, dürften die grundsätzlich liberal- individualistischen französisch-englischen Ansprüche durch die Zeitereignisse widerlegt sein.49

45 SCHMITZ, Das wirkliche Deutschland, S. 219-225 (Kapitel « Was ist deutsche Freiheit? »), S. 256-258 (zum Liberalismus), S. 31-41 (Kapitel « Preußen als Hort des Fortschritts »), S. 233 (Antiparlamentarismus), S. 341-378 (die Kapitel « Irrtümer des Wahlrechts » [S. 341-345], « Wer ist Volksvertreter? » [S. 345-359] und « Wer soll wählen? » [S. 359-378]). 46 Brief MANNS an SCHMITZ vom 4. November 1915, in Dichter über ihre Dichtungen, S. 630. 47 SCHMITZ, Das wirkliche Deutschland, S. 49. 48 « Nur bei uns werden Freiheit und Notwendigkeit im Schillerschen Sinn Eines. » (SCHMITZ, Das wirkliche Deutschland, S. 20). Zur Bedeutung von Schiller für die Kulturkritik im 20. Jahrhundert vgl. Georg BOLLENBECK, « Die konstitutive Funktion der Kulturkritik für Schillers Briefe “Über die ästhetische Erziehung” », Euphorion, Nr. 99, 2005, S. 213-241. 49 SCHMITZ, Das wirkliche Deutschland, S. XII. 50 BARBARA BEßLICH

Wenn hier auch « französisch-englische Ansprüche » zusammengezogen sind, muss doch für Schmitz betont werden, dass vor allem England als der eigentliche politische Feind konzipiert wird. Aus England kamen für Schmitz folgende für Deutschland gefährliche « politische Begriffe: Öffentliche Meinung, Presse, Parlament, Frauenstimmrecht, Geldherrschaft unter der Larve einer vermeintlichen Freiheit der Masse »50. Auch sprachpuristisch wagt sich Schmitz in dieser Schrift weit vor und plädiert dafür, dass per Gesetz festgelegt werde, dass das « Handelsregister […] künftig nur noch Geschäftsnamen in deutscher Sprache ohne unnötige Fremdworte » aufnehmen soll. Seinen Lesern empfiehlt er « das ausgezeich- nete Verdeutschungswörterbuch von Otto Sarrazin », dem Urgroßonkel von Thilo Sarrazin51. Auch eine Umorientierung in Sachen Mode scheint ihm angebracht52. Aber da er als Ästhet nicht reinen Herzens die Berliner Mode propagieren kann, weicht er nibelungentreu aus und preist die Wiener Mode als künftiges Vorbild der deutschen Frau53. Es sind wohl auch diese Skurrilitäten und unfreiwillig komischen Exkurse, die bewirken, dass Schmitz sich rasch von der nationalistischen Radikalität seiner Kulturkriegsschrift abwendet54.

Wege aus dem Kulturkrieg : Das rätselhafte Deutschland

Schon bald nach dem Krieg verfasst Schmitz eine weitere kulturkritische Selbstbesinnungsschrift, die mit ihrem Titel auf die Kriegspublikation verweist und sich zugleich von ihr distanziert. Nachdem er vor dem Krieg Das unwirkliche Deutschland kritisiert und dem französischen Land der Wirklichkeit gegenübergestellt hatte, im Krieg Das wirkliche Deutschland enthusiastisch feierte, beschreibt Schmitz 1920 nun weniger pausbäckig und sehr viel kleinlauter Das rätselhafte Deutschland55. Schmitz widerruft dort seine Kriegspositionen im alttestamentlichen Duktus56, und er erwägt

50 Ibid., S. 379. 51 Ibid., S. 27. 52 Ibid., S. 26. 53 Vgl. ibid., S. 27f. 54 « Meine in nationaler Richtung gehenden 1913 und 1914 entstandenen Aufsätze freilich, die inzwischen in einem Band “Das wirkliche Deutschland” erschienen waren, wurde das ein- zige meiner Werke, das ich später als ganzes widerrufen habe. » (SCHMITZ, Ergo sum, S. 229). 55 Mit seinen Buchtiteln schafft Schmitz ein paratextuelles Verweissystem, mit dem er seine eigene Werkbiographie vernetzt. Oft erweist er sich auch als verwirrender Meister der Überschriften, die etwas anderes versprechen als die nachfolgenden Texte einhalten, denn wer vermag schon – rein vom Titel – zu erraten, was folgende Bücher miteinander gemein haben und was sie voneinander trennt: SCHMITZ, Brevier für Einsame. Fingerzeige zu einem neuen Leben, München, Müller, 1923. SCHMITZ, Brevier für Unpolitische. Wegweiser zum öffentlichen Leben, München, Müller, 1923. 56 « “Ich bekenne, dass ich geredet habe unweislich” ; so muß ich mit Hiob sagen im Hinblick auf ein Kriegsbuch von 1914 “Das wirkliche Deutschland”, ehe ich wiederum über DAS LAND DER WIRKLICHKEIT UND DAS WIRKLICHE DEUTSCHLAND 51 politische Optionen für den Kriegsverlierer Deutschland. Der aggressive Nationalismus wird zurückgenommen, aber die im Krieg zugespitzte Politisierung bleibt erhalten. Diese Broschüre von Schmitz sorgte für Verwirrung, weil er nach der revocatio seines Kriegsnationalismus für rechte gesellschaftspolitische Vorstellungen mit linken Vokabeln warb. Ob Schmitz nun zu den Münchner Räte-Revolutionären migriert war und die politischen Fronten gewechselt hatte, war manchem unklar. Aber Thomas Mann nahm Schmitz gegen den Verdacht des « Vaterlandsverrats » in Schutz:

Sie werden mir glauben, dass, wenn dieses Buch wäre, wofür man es zu halten scheint, ein Pasquill also im Stil jenes linksradikalen Literatentums, von dessen “europäischen” Expektorationen Deutschland begreiflicherweise auf ein Weilchen genug hat, […] dass ich in diesem Fall der Letzte wäre, zu seinen Gunsten zu sprechen.57

Thomas Mann parallelisiert Schmitzens rätselhaftes Deutschland mit Keyserlings Überlegungen über Deutschlands wahre politische Mission und mit seinen eigenen Betrachtungen eines Unpolitischen, auf die Schmitz wiederum lobend zu sprechen gekommen war58. Es ist dabei für Thomas Manns eigene politische Suchbewegungen nach 1918 bezeichnend, dass er zwar Schmitzens konservative innenpolitische Vorschläge einer berufs- ständisch gegliederten Volksvertretung begrüßt, aber dessen außenpolitische Hoffnungen auf eine europäische Wiederannäherung kritisiert59. Außenpolitisch unterscheidet Schmitz zwischen einem abzulehnenden « lakaienhaften Internationalismus » und einem positiv konnotierten « wahren Kosmopolitismus60 ». Dies war allerdings eine Differenzierung, die Schmitz bereits während des Krieges aus Schelers Schrift über den Genius des Krieges

deutsche Fragen zu schreiben wage. » (SCHMITZ, Das rätselhafte Deutschland, München, Müller, 1920, S. 7). 57 Thomas MANN, [Über Das rätselhafte Deutschland von Oscar A.H. SCHMITZ]. In MANN, Essays, 1924-1926, hrsg. von Hermann KURZKE mit Jöelle STOUPY, Jörn BENDER und Stephan STACHORSKI (Große kommentierte Frankfurter Ausgabe, 15, 1). Frankfurt a.M., Fischer, 2002, Bd. II, S. 421-424, hier S. 421. 58 Ibid., S. 422. Hermann KEYSERLING, Deutschlands wahre politische Mission, Darmstadt, Reichl, 1919. SCHMITZ, Das rätselhafte Deutschland, S. 135f. (Rekurs auf die Betrachtungen eines Unpolitischen). 59 HESSE hingegen sympathisierte mit SCHMITZENS Beitrag zur « Wiedergeburt des europäischen Geistes ». Vgl. Hermann HESSE, « Das dionysische Geheimnis » in Oscar A. H. Schmitz zum fünfzigsten Geburtstag, S. 14. MANN gefiel vor allem, dass sich die Ausführungen von SCHMITZ nur schwer eindeutig politisch als links oder rechts einordnen ließen: Indem SCHMITZ « einer neuen Lebendigkeit zustrebt, muß er es für den Augenblick mit beiden Parteien, mit “rechts” und mit “links” verderben, wird dort als Revolutionär, hier als Reaktionär verschrieen und hat nicht, wo er sein Haupt hinlege. Das ist eine Situation, die mich anheimelt. » (Thomas MANN, Über « Das rätselhafte Deutschland », S. 423). Dieses « vexatorische Changieren » zwischen den politischen Gegensätzen hatte Mann ja bereits beim Kapitel über « Preußen als Hort des Fortschritts » in Schmitzens Kriegsbuch fasziniert. 60 SCHMITZ, Das rätselhafte Deutschland, S. 47. 52 BARBARA BEßLICH

übernommen hatte61. Den größten Gegensatz zu seiner Kriegspublizistik bedeutete die Wiederannäherung an England, dem Schmitz sogar nun die Vormachtstellung in Europa zudachte, allerdings mit einer bezeichnenden Metaphorik: « Das alternde England ist weiser als wir und muß darum das Haupt unseres Erdteils sein, unser Blut dagegen ist noch reicher, darum seien wir das Herz. »62 Aus einer solchen Biologisierung von Nationen, denen ein Lebensalter zugesprochen wurde, hatte Arthur Moeller van den Bruck kurz zuvor Das Recht der jungen Völker auf Hegemonie abgeleitet63. Bei Schmitz folgt aus der Lebensalter-Metaphorik keine Hierarchie der “jungen Deutschen” über das “alte England”, sondern eine Kompetenzaufteilung, die nach Ratio (« Haupt ») und Emotion (« Herz ») zu differenzieren scheint. Seine gesamteuropäischen Phantasien verstehen sich dabei in erster Linie als ein bürgerlicher Schutzwall gegen den « von Osten drohenden Bolschewismus »64. Innenpolitisch ringt Schmitz in seinem Nachkriegstext um eine bürgerliche Neudefinition in postmonarchischen Umständen, zwischen den Extremen und in Abwehr der nachrückenden neuen Angestelltenklasse65. Er plädiert für eine nach Klassen getrennte Erziehung66, und er stellt sein Modell einer berufsständisch gegliederten Volksvertretung vor, in der der erste Stand die « geistigen Berufe » ausmacht, der zweite Stand die « Bodenbebauer », der dritte Stand von Industrie und Handel getragen wird und der vierte Stand die « eigentlichen Arbeiter » umfasst, « zu denen auch die Dienstboten zählen »67. Deutlich wird hier, wie Krieg und Revolution Schmitz prägend und bleibend politisiert haben und wie er beginnt, seine Kulturkritik zur bildungsbürgerlichen Besitzstandswahrung zu funktionalisieren. Dass sich hinter den weitschweifigen und wortreichen kulturkritischen Jeremiaden von Schmitz immer mehr die handfeste bürgerliche Angst vor dem sozialen und finanziellen Abstieg in modernen Zeiten verbarg, hat Kurt Tucholsky gesehen. Tucholsky befand 1931 in der Weltbühne: « Wenn man die fein abgewogenen Aufsätze Oskar A. H. Schmitzens [...] liest, hat man immer das Gefühl: Es gibt wirklich nur eine Lösung: Man muß reich heiraten. »68

61 Auch an SOMBARTS Händler und Helden versucht SCHMITZ sogar noch einmal anzuknüpfen ; vgl. ibid., S. 67. 62 Ibid., S. 58. 63 Arthur MOELLER VAN DEN BRUCK, Das Recht der jungen Völker, München, Piper, 1919. 64 SCHMITZ, Das rätselhafte Deutschland, S. 60. 65 « Die deutsche Zukunft hängt einzig und allein davon ab, ob es gelingen wird, eine neue Oberschicht von lebendigem Geist und unstarrer Form zu schaffen. Diese Forderung ist weder reaktionär noch revolutionär. » (ibid., S. 27). 66 Ibid., S. 33. 67 Ibid., S.126. 68 Kurt Tucholsky, « So verschieden ist es im menschlichen Leben », Die Weltbühne vom 21.7.1931. Wieder abgedruckt und zitiert nach: Kurt TUCHOLSKY, Texte 1931, in Gesamtausgabe, hrsg. von Sabina BECKER, Reinbek, Rowohlt, 1998, Bd. 14, S. 335 f, hier S. 335. Guerre et journalisme culturel : les variantes du “feuilleton” durant la Première Guerre

Françoise KNOPPER CREG, université de Toulouse-Le Mirail

En consultant un journal, quotidien ou hebdomadaire, paru en Allemagne entre 1914 et 1918, on trouvera, à la une, des informations sur les opérations militaires puis, trois ou quatre pages plus loin, le « feuilleton », lequel se repèrera aisément car il figure sous un double trait épais et est généralement situé en bas de page. Ces feuilletons sont ainsi présentés comme des articles marginaux, au sens propre comme au figuré, destinés à détendre les lecteurs. Autrement dit, les rédactions et les lecteurs des journaux ont tenu à préserver, même durant la Première Guerre, cette rubrique qui était entrée dans les usages culturels depuis quelque 150 ans1. Le genre du « feuilleton » avait en effet connu plusieurs heures de gloire par le passé : les feuilletonistes avaient par exemple répondu aux attentes des lecteurs à l’époque de l’Aufklärung en sachant à la fois distraire et éduquer ; puis les auteurs de la Jeune Allemagne avaient utilisé cette rubrique dans les années 1830-1840 pour s’exprimer tout en prenant une position de repli culturel, par exemple Heine, Börne, Laube, Gutzkow2 ; ils étaient largement diffusés à la fin du XIXe siècle et les Wanderungen durch die Mark Brandenburg ont permis à Fontane d’aiguiser son talent d’écrivain. Le mode de la narration, toutes périodes confondues, se devait d’être plaisant, léger et élégant3. Comme en France, la rubrique du feuilleton pouvait parfois consister en une suite d’épisodes, mais elle

1 Après avoir été quelque temps délaissé, le genre du feuilleton culturel a connu un regain d’intérêt grâce à Almut TODOROW (Das Feuilleton der Frankfurter Zeitung in der Weimarer Republik, Tübingen, Niemeyer, 1996) et aux travaux menés sous son impulsion. Cf. aussi l’état de la recherche chez Christina PRÜWER, Willy Haas und das Feuilleton der Tageszeitung Die Welt, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2007, p. 17-20, et Hildegard KERNMEYER, « Perspektiven der Feuilletonforschung : Vorwort », Zeitschrift für Germanistik, vol. XXII, n° 3, 2012, p. 494-508. 2 Ernst ECKSTEIN, Beiträge zur Geschichte des Feuilletons, Leipzig, Hartknoch, 1876, p. 70-107. 3 TODOROW, Das Feuilleton der Frankfurter Zeitung, p. 260. 54 FRANÇOISE KNOPPER proposait le plus souvent un article autonome, relevant de la catégorie des formes narratives brèves et pouvant consister en un reportage, un compte rendu, un essai, une nouvelle4. De tels articles, tout en empruntant leur cadre formel au discours journalistique, avaient des ambitions littéraires5 : tout en s’insérant dans le quotidien, ils le transposaient et l’interprétaient ; ils pouvaient se référer à des faits mais les esthétisaient. La majorité des exemples qui vont être évoqués dans la présente étude sont des reportages rédigés par des journalistes qui ont été dépêchés sur le front par leurs rédactions, ou ont demandé à l’être ; ils ne font partie ni des militaires – dont le déplacement relevait évidemment du devoir – ni de touristes dont les déplacements n’auraient pas répondu à une mission. Tandis que l’on peut encore parler de tourisme chez les militaires visitant les Balkans en 1912 et 1913, cette notion paraît plus contestable durant les années 14- 186 : les reportages se présentent dorénavant comme des écrits semi-littéraires et semi-privés, ils associent réalisme et recherche stylistique, idéologie et observations de terrain. C’est pourquoi une des questions qui se posent est de savoir comment les feuilletonistes ont géré la touche de raffinement inhérente au feuilleton culturel dans un environnent où planaient la tension, l’angoisse, le danger. Que pouvaient apporter de tels intermèdes narratifs et culturels dans le contexte des conflits militaires ? Comblaient-ils un déficit informatif ? Confrontés aux difficultés morales et matérielles de la guerre, avaient-ils des particularités thématiques ? Ce double trait qui, sur le papier, isolait le feuilleton des autres articles, était-il un moyen commode que la rédaction du journal pouvait utiliser pour élargir sa marge de manœuvre, s’accorder un peu de liberté malgré la censure ? La porosité des deux registres, celui du discours journalistique et celui de l’évasion esthétique, plaçait-elle les auteurs dans un entre- deux, leur servait-elle de garde-fou, ou bien toute neutralité était-elle au contraire incompatible avec ces temps de guerre ? Des exemples d’articles parus respectivement dans de grands organes de presse (Frankfurter Zeitung, Berliner Tageblatt, Neue Freie Presse, Die Weissen Blätter) vont nous permettre d’examiner des stratégies de communication et d’écriture utilisées dans des feuilletons. Ces exemples ne sont pas tirés de la presse officielle (« Kriegspresse ») ni de gazettes de partis politiques, mais – dans les limites de cet article – de quelques représentations

4 Sur la diversité des feuilletons, cf. Wilmont HAACKE, dont on utilisera plutôt le Handbuch des Feuilletons, Emsdetten, Lechte, 1952, ou la contribution au Handbuch der Publizistik d’Emil DOVIFAT, t. II, Berlin, de Gruyter, 1969, plutôt que Feuilletonkunde, Leipzig, Hiersemann, 1943, son travail d’habilitation, qui avait été très marqué par l’arrière-plan de l’époque. Cf. aussi Heinz KNOBLOCH, Vom Wesen des Feuilleton, Halle (Saale), VEB Sprache und Literatur, 1962. 5 Norbert BACHLEITNER, « Littérature industrielle : Bericht über Untersuchungen zum deutschen und französischen Feuilletonroman im 19. Jahrhundert », Internationales Archiv für Sozialgeschichte der deutschen Literatur, vol. XIX, 1994, n° spécial 6, p. 159-223. 6 Mechthild GOLCZEWSKI, dans Der Balkan in deutschen und österreichischen Reise- und Erlebnisberichte 1912- 1918, Wiesbaden, Steiner, 1981, établit une distinction entre ces deux catégories en analysant plusieurs témoignages d’officiers. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 55 de scènes de guerre transposées dans cette rubrique. Leurs paradigmes n’étant pas ceux de tacticiens ou d’historiens, ils viennent illustrer une « autre face de l’histoire » de la Grande Guerre7. Les auteurs n’en demeuraient pas moins tributaires de la censure et de l’attitude des autorités en matière de liberté d’expression, et les années de parution des articles seront à relier aux conditions dans lesquelles la presse pouvait travailler en temps de guerre8. Il faut à cet égard différencier la situation entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. En Autriche9, la censure fut confiée d’emblée à des autorités militaires, comme en France, et la censure ne se relâcha qu’au début de l’année 1917. En Allemagne en revanche, la situation évolua au fil des ans10 et les hésitations des autorités semblent avoir quelque peu fragilisé l’efficacité des contrôles sur ce plan, de sorte que, quand les feuilletonistes apporteront un appui explicite à l’effort de guerre, ce ne sera pas à la seule censure qu’il faudra l’imputer et d’autres facteurs seront à rechercher. Comme la censure dépendit tout d’abord de civils du service des affaires étrangères (« Presseamt der Politischen Abteilung des Auswärtigen Amts ») car, à cette époque, le chancelier Bethmann-Hollweg privilégiait le consensus, l’union sacrée, ce n’est sans doute pas par hasard que fut publié à ce moment-là un article ironique dans les Weisse Blätter, mensuel qui paraissait encore à Leipzig : dans cet article intitulé « Der erlöste Feuilletonist », Christian Heinold feignait, sur le ton de la dérision, de se féliciter du fait que les feuilletonistes aient dorénavant la tâche facile puisqu’il leur était demandé de préserver l’union sacrée et que leurs commentaires pourraient faire l’éloge de poètes nationalistes sans plus subtiliser, sans réserver leur jugement, au nom du prétendu « véritable art allemand »11. Puis, en un deuxième temps, à partir d’octobre 1915, la censure fut réorganisée et confiée à des militaires (« Kriegs-Presse-Amt im Stellvertretenden Generalstab ») et la situation se durcit davantage lors de l’instauration de la dictature militaire de Ludendorff en 1916 ; la tâche des censeurs, durant cette deuxième phase, consistait à atténuer ou lisser les différences entre l’armée, les partis politiques et la population civile ; c’est

7 Pour reprendre le titre de Klaus AMANN et Hubert LENGAUER (dir.), Österreich und der Große Krieg 1914-1918. Die andere Seite der Geschichte, Wien, Brandstätter, 1989. 8 Cf. Martin CREUTZ, Die Pressepolitik der kaiserlichen Regierung während des Ersten Weltkriegs, Bern, Peter Lang, 1996 ; dans le cadre restreint de notre article, il n’est pas possible d’établir des comparaisons avec des pratiques à l’étranger mais nous signalons une mise en perspective de la censure en France et en Allemagne chez Thilo EISERMANN, Pressephotographie und Informationskontrolle im Ersten Weltkrieg. Deutschland und Frankreich im Vergleich, Hamburg, Kämpfer, 2000, p. 46 et suiv. Et, pour la littérature, Anne- Marie SAINT-GILLE et Jean-Jacques POLLET (dir.), Écritures franco-allemandes de la Grande Guerre, Arras, Artois Presses Université, 1996. 9 Petronilla EHRENREIS, Kriegs- und Friedensziele im Diskurs. Regierung und deutschsprachige Öffentlichkeit Österreich-Ungarns während des Ersten Weltkriegs, Wien, Institut für Geschichte, 2005. 10 Kurt KOSZYK, Die Pressepolitik im Ersten Weltkrieg, Düsseldorf, Droste, 1968. 11 e La raillerie de C. HEINOLD concerne Bloem et Herzog (cf. Die Weissen Blätter, 2 année, n° 2, janvier 1915, p. 128-129). 56 FRANÇOISE KNOPPER durant cette période que par exemple les reportages de Norbert Jacques, dont nous parlerons plus loin, sont publiés dans la presse. Enfin un relatif assouplissement de la censure est concédé à l’hiver 1917 dans la mesure où ce fut à la chancellerie qu’on créa un service de presse, et ce changement est souhaité par un périodique tel que le Berliner Tageblatt. En somme, comme le souligne Gerd Krumeich12, la situation de la presse n’était pas celle qu’elle connaîtra sous Hitler lors de la « guerre totale ». Les feuilletonistes pouvaient gérer en connaissance de cause les relations entre le lieu des combats, quand ils les observaient, et « le front de l’arrière » (« Heimatfront »), pour qui ils écrivaient. Nul doute que les soldats avaient besoin du soutien de l’arrière et que les civils étaient incités à manifester leur solidarité. Nous le verrons d’abord en montrant que les auteurs de ces feuilletons veillent à être « des agents de liaison13 », à transmettre les informations qu’ils ont pu se procurer en enquêtant eux-mêmes sur place, et qu’ils s’efforcent de rendre visible une factualité qui est étrangère aux lecteurs, à ceux de l’arrière. Puis nous examinerons en quoi certains de ces feuilletons vont plus loin et se placent délibérément au service d’une propagande idéologique, le journaliste prolongeant le conflit des armes par la guerre des mots, guerre dont il est un acteur essentiel ; les exemples de propagande tendancieuse que nous avons retenus ici ont été écrits en faveur de l’Allemagne. Ces exemples seront ensuite complétés par des feuilletons attestant des positions intermédiaires, patriotiques mais non bellicistes, celles de journalistes qui osèrent cependant parler de paix mais sans basculer dans le militantisme d’auteurs qui, pacifistes patentés, faisaient quant à eux usage de techniques de représentations expressionnistes et étaient publiés dans des revues littéraires.

Focalisation sur l’enquêteur

Les différences entre une chronique officielle, dont la vocation se voulait historique et militaire, et des reportages de guerre publiés en tant que feuilletons étaient notables. C’est dû en particulier à la focalisation sur le témoignage individuel de feuilletoniste, tandis que les autres catégories de chroniqueurs, ceux qui ont été commandités par l’armée, relatent les opérations sans en référer à leur propre personne et ils semblent s’effacer derrière l’ampleur des événements qu’ils ont été chargés de consigner.

12 Dans son introduction au volume : Gerhard HIRSCHFELD (dir.), Kriegserfahrungen. Studien zur Sozial- und Mentalitätsgeschichte des Ersten Weltkriegs, Essen, Klartext, 1997, p. 12 et suiv. 13 Cf. Almut LINDENER-WIRSCHING, « Patrioten im Pool ? Deutsche und französische Kriegsberichterstatter im Ersten Weltkrieg », in Ute DANIEL (dir.), Augenzeugen. Kriegsberichterstattung vom 18. zum 21. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, p. 113-140. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 57

Le supplément hebdomadaire au Berliner Lokalanzeiger, Deutsche Kriegszeitung, publiait par exemple les articles du contre-amiral von Schliepe et les accompagnait des clichés de photographes officiels14. La une comporte ainsi systématiquement le portrait d’un grand général allemand, l’empereur Guillaume II figure sur le numéro 1 daté du dimanche 16 août 1914. Le titre de cette chronique est programmatique « Aus großer Zeit. Von einem alten preußischen Offizier » et la rédaction recommande aux lecteurs de conserver tous les numéros afin de se construire, en quelque sorte en direct, la mémoire de « l’héroïque combat mené par la nation » (« Denkmal des Heldenkampfes unseres Volkes »). Le périodique n’entend donc nullement publier un feuilleton mais éditer des annales rédigées par un technicien de la guerre et pour servir à la postérité. Comme c’est seulement la raison d’État qui compte ici, la propagande s’opère par l’image – les progrès techniques étant conséquents à cet égard – tout comme par le texte : soulignant que le moment n’est pas venu de songer à la paix, l’auteur relate les victoires, en particulier celles de Hindenburg, conteste ce qu’il estime relever de la désinformation de la part des ennemis, dénonce des atrocités commises dans le camp adverse. C’est dans cet esprit qu’il est aussi périodiquement fait allusion au patrimoine culturel allemand, par exemple Goethe est mis à contribution dans le numéro du 12 décembre 1915 :

Wir werden uns mit der Zeit an den Gedanken gewöhnen müssen, daß unseren Feldgrauen in diesem Weltkriege keine geographische Grenze mehr gezogen ist. Was würde der Dichter des Faust dazu gesagt haben, wenn man ihm erzählt hätte, daß nicht nur hinten, fern in der Türkei, nein selbst in Arabien deutsche Fäuste tätig seien! 15

D’ailleurs la signature « Par un vieil officier prussien » est peut-être un hommage aux usages internes des militaires prussiens car elle rappelle les entrefilets que le roi Frédéric II inséra jadis lui-même dans la presse et qu’il signa de façon analogue en tant qu’officier anonyme. Les feuilletons se présentent différemment d’une telle chronique. Cela commence par le montage des articles : à la différence de la Kriegszeitung dont la typographie était pensée à partir des articles du « vieil officier prussien », les feuilletons ne sont pas placés plastiquement au pinacle, même s’ils sont eux aussi thématiquement liés à l’esprit des périodiques. En outre, au lieu de l’ambition prioritaire que le chroniqueur avait de servir à la postérité, le feuilletoniste est un journaliste qui livre ses impressions dans le cadre d’un instant rapproché. À cela s’ajoute le fait que ses informations se

14 Le texte a été numérisé et est consultable sur le site de l’université de Heidelberg. Pour l’année 1914 : http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/feldztgdkz1914. 15 Les journalistes français le lisaient et y répliquaient puisque Le Temps le cite et le conteste, le 2 février par exemple : « Le contre-amiral Schliepe, dans le Lokal-Anzeiger, soutient la même thèse “Nos sous-marins puissants, écrit-il, répandent la terreur ; n’hésitons-pas à les employer contre tout navire battant pavillon britannique. Peu importe ce que pensent les personnes voyageant sous ce pavillon” ». 58 FRANÇOISE KNOPPER veulent certes authentiques mais que le reporter ne s’arroge pas la stature d’un expert militaire et que, le cas échéant, il s’abrite derrière les avis qu’il dit récolter sur place. Enfin, ce sont précisément son approche individuelle, son expérience, ses sentiments, son identité, qui sont mis en exergue. En dépit de ces différences dans les intentions et les orientations que l’on constate entre les annales d’un tacticien et les feuilletons des journalistes, l’objet décrit est le même, la guerre, si bien que des points communs sont à relever, d’autant que la gravité des enjeux n’est pas perdue de vue même quand les recherches esthétiques sont très travaillées par les auteurs des articles. Les feuilletons qui se rapprochent le plus des chroniques sont les reportages qui précisent la localisation des régiments observés de façon hyperdétaillée. Prenons les exemples d’Alice Schalek et de Norbert Jacques : leurs enquêtes livraient en quelque sorte une photographie de l’environnement, et étaient susceptibles de contribuer à étancher la soif d’information du public. On ne saurait être surpris si les noms des officiers ne sont que rarement indiqués dans ces reportages, étant donné que c’était là une exigence de la part des autorités : il était interdit de désigner nommément les chefs militaires rencontrés. En revanche, les données géographiques sont précisées, il n’est pas exceptionnel que des cotes cartographiques soient même indiquées. À première vue, l’objectif en est d’aider le lecteur de l’époque à repérer le trajet du reporter et à suivre son évolution sur des cartes, sachant que des articles précédents ont justement traité de ces aspects militaires. La localisation confirme en outre l’authenticité du témoignage, laquelle peut être certifiée par l’emplacement des régiments observés. Mais, dans un feuilleton, cette reconstruction de la topographie débouche en définitive sur la construction d’une autre catégorie de paysage, d’un horizon virtuel16, qui pouvait servir à stabiliser la représentation et circonscrivait au moins dans l’espace les limites d’un conflit qui, lui, s’enlisait dans l’espace et la durée. Tout comme d’autres indications concrètes récurrentes dans tous ces textes – départ des trains, uniformes des infirmières –, de tels repères semblaient garantir une cohérence et assurer une continuité par rapport à des choses connues. Du 4 avril au 15 septembre 1916, la journaliste viennoise Alice Schalek (1874-1956), une des rares femmes reporters de guerre, publie dans la Neue Freie Presse17 une série d’articles sur le front qu’elle avait visité durant plusieurs semaines dans les Dolomites et le long de l’Isonzo, dans la Slovénie actuelle. D’un bout à l’autre, elle fait montre d’un patriotisme indéfectible. À

16 Bernd HÜPPAUF, « Räume des Destruktion und Konstruktion vom Raum. Landschaft, Sehen und Raum im Ersten Weltkrieg », Krieg und Literatur/ War and Literature. Internationale Beträge zur Erforschung der Kriegs- und Antikriegsliteratur, vol. III, n° 5/6, 1991, p. 105-123, ici p. 109. 17 Cf. Adam WANDRUSZKA, Geschichte einer Zeitung : Das Schicksal der Presse und der Neuen Freien Presse von 1948 bis zur Zweiten Republik, Wien, Neue Wiener Presse, 1958 ; Sigurd SCHEICHL, « Journalisten leisten Kriegsdienst, Die Neue Freie Presse im September 1915 », in AMANN et LENGAUER (dir.), Österreich und der Große Krieg 1914-1918, p. 104-108. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 59 cela s’ajoute dans son propre cas un civisme féministe que la guerre lui permet d’afficher puisqu’elle souligne qu’elle ne s’est pas contentée d’observer l’endurance – jusqu’à l’épuisement extrême – des soldats mais qu’elle a partagé leurs efforts physiques :

Die Höhe treibt uns den Schweiß aus den Poren. Die Sonne macht aus dem “Laufgraben” einen Hexenkessel. Eine Erlösung scheint es, daß Tolmein immer näher rückt. Die eigene Ermüdung drängt mir auf die Zunge: “Tragen die Leute auch über diesen Weg die Kochkisten, die Munition, das Bauholz hinauf?” Und dabei zuckt es wie eine heimliche Erleichterung durch meine Gedanken, daß ich selbst da nur hinunter-, nicht hinaufsteigen muß. “Aber früher galt es, den Mrzli und den Vodil ganz ohne Weg und ohne Deckung zu erklettern! Dieser Steig ist doch ganz im Feuer, im Finstern gehauen worden. Und im Tragen, im Bauen kämpften die Männer noch!” Dieses schauerliche Wort “früher” ist im Isonzowortschatz das ärgste. Wie muß es “früher” gewesen sein. Müde sind wir und es ist jämmerlich heiß.18

Ce monologue intérieur a ceci de caractéristique qu’il montre comment il s’opérait, ici et dans le reste du reportage, un transfert du courage des combattants sur le reporter de guerre, A. Schalek fut d’ailleurs décorée en 1917 du « Goldenes Verdienstkreuz » de la monarchie austro-hongroise pour sa bravoure. Comme beaucoup d’autres reporters, elle aspire à partager l’effort, à s’assimiler aux soldats. Chaque journaliste en trouvait son identité individuelle enrichie, ce qui dans le cas d’une femme se dégageait plus fortement encore que chez d’autres. Mais ce n’est pas cet aspect identitaire que Karl Kraus retiendra dans Die letzten Tage der Menschheit où, avec force sarcasmes, il reprochera à A. Schalek de s’être inféodée à l’esprit du temps, d’avoir soutenu le militarisme ambiant, exploité la guerre et dévoyé le discours journalistique à des fins commerciales19. Outre le soin mis à localiser les événements, les journalistes transposent presque toujours leurs impressions sous forme d’instantanés, tant et si bien qu’on ignore la plupart du temps le décalage entre le moment de la publication et le déroulement des opérations. Or – rétrospectivement, pour le lecteur d’aujourd’hui – ce décalage était un révélateur de la durée de la guerre. Ainsi, comme les affrontements sur le front célèbre de l’Isonzo firent des milliers de morts et se déroulèrent durant plus de deux ans, du 23 juin 1915 au 10 novembre 1917, la description d’A. Schalek peut alimenter notre analyse de ce qu’était une guerre de montagnes et montrer les difficultés qu’il y eut à mettre un terme à ces opérations dans les Dolomites. Mais, prisonnière qu’elle était des contingences du moment, la journaliste a quant à elle signalé la moindre avancée des soldats autrichiens ; sans véhiculer des convictions politiques, le seul fait de sélectionner dans ce qu’elle voyait et entendait ce qui était

18 Alice SCHALEK, Neue Freie Presse, 15 septembre 1916. 19 Cf. Irina DJASSEMY, Die verfolgende Unschuld. Zur Geschichte des autoritären Charakters in der Darstellung von Karl Kraus, Wien, Böhlau, 2011, p. 12 et suiv. 60 FRANÇOISE KNOPPER susceptible d’inciter à l’optimisme, d’affirmer que la situation était « meilleure qu’avant », l’impliquait dans le spectre de la guerre. Même si le ton peut sembler anecdotique, la curiosité de ce genre de reporters n’est pas celle d’un touriste. La majorité d’entre eux justifient la rédaction de tels articles par le devoir journalistique d’informer. Un tel devoir ne résidait pourtant pas dans la vérification des données officielles ni dans la transmission de détails tactiques : il s’agissait pour ces auteurs de se rendre au cœur de l’actualité et de décrire le quotidien, surtout dans les tranchées, d’avoir un contact immédiat avec la guerre, de la découvrir. Un revers de la médaille est que ces auteurs-là ne cherchaient alors pas à expliquer la guerre, ils la recevaient comme une donnée. A. Schalek en livre un témoignage au tout début de sa série d’articles. Entendant une cliente dans une librairie viennoise qui se refusait à acheter un livre parlant de la guerre et s’exclamait « S’il vous plaît, rien sur la guerre ! » (« Bitte, nichts vom Krieg! »), la journaliste s’indigne :

Nein, ich meine, man hört nicht genug, weiß viel zu wenig von ihm. Die furchtbar knappen Worte, in die man ihn für uns zusammengepresst hat, stehen wie eine Mauer vor uns. Schlacht! –Welch ein Ausdruck. Sieg! – Welch eine Zusammenfassung. Daß dahinter Menschen sterben – wissen wir’s? Daß jedes dieser Worte Tausende von Schicksalen umfasst – würdigen wir’s? Während der Krieg Hunderttausende von Leben umkrallt und mitten aus ihnen heute den, morgen jenen verbluten lässt – sollen wir uns eher die Ohren zuhalten, damit wir ungestörter lachen oder träumen können, damit wir sagen können “Bitte, nichts vom Krieg?”.20

En rejetant l’abstraction, en rendant visible et tangible ce qu’est un conflit, sans se borner à utiliser des mots, le reportage de guerre entendait être la tâche la plus noble qui pouvait incomber à ces journalistes enquêteurs s’ils se chargeaient de relier le front aux civils de l’arrière. Parce que « la guerre est là », il y aurait selon cette journaliste un impératif de vérité, de camaraderie et de civisme. Malgré les termes connotés positivement de « Schlacht » et « Sieg », sa formule « Der Krieg ist da » ne marque pas d’euphorie21, elle est plutôt le constat d’un cas de force majeure, l’écho d’une réalité qui serait incontournable. Néanmoins, comme cette journaliste affirme avec fougue que l’élite cultivée ne devrait pas l’éluder, elle rend ténue – volens nolens – la frontière entre résignation et enthousiasme. La narration à la première personne confère aux reportages une part de spontanéité et de suspense. Cela ne conduit pas forcément à exalter la guerre, comme on le voit chez A. Schalek, mais cela peut le faciliter et servir de tremplin, comme nous allons le voir dans les articles de Norbert Jacques. Tout un chacun a certainement déjà croisé une fois le nom de Norbert Jacques

20 Alice SCHALEK, Neue Freie Presse, 6 avril1916. 21 Sur les signes de l’acceptation de la guerre par la presse autrichienne, sans qu’elle l’ait majoritairement accueillie avec enthousiasme, cf. EHRENREIS, Kriegs- und Friedensziele im Diskurs, p. 381. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 61 car c’est lui qui avait écrit en 1921 Dr. Mabuse, der Spieler, texte dont Fritz Lang s’inspira en 1922. Les germanistes connaissent souvent aussi le scénario qu’il a écrit en 1940 pour un film nationaliste sur Schiller. Né à Luxembourg en 1880, N. Jacques mourut en 1954 à Coblence. Journaliste et romancier prolifique, il opta très tôt pour la langue et la culture allemandes. Il a entrepris de nombreux voyages et séjourné plus d’un an à Paris, en 1910 et 1911, y fréquentant journalistes et artistes, nouant des liens amicaux avec François de Curel, René Schickele et Marcel Ray22. Ses reportages écrits entre 1914 et 1916 ont été publiés dans les pages culturelles de périodiques tels que Frankfurter Zeitung, Neuer Merkur, Gartenlaube, ils font œuvre de propagande en faveur de la germanité. Simultanément, ces reportages ont été regroupés par N. Jacques dans trois livres – tirés à 17 000 exemplaires, édités et réédités à Berlin chez S. Fischer23 –, publication qui lui permit de lier un discours journalistique portant sur l’actualité à son ambition explicite de s’engager et de transmettre des convictions durables24. Sous sa plume aussi, le genre du feuilleton se prête à diffuser des observations notées sur le vif ainsi que des anecdotes. Sa manière de les relater met particulièrement en relief la composante du déplacement individuel car tout se passe comme si le reporter bougeait sans arrêt : les moyens de transport ont des retards, il y a moult imprévus. L’aspect fragmentaire et discontinu de la parution dans des périodiques accompagnait la mobilité du reporter et facilitait la lecture, d’autant plus que l’emplacement des lieux est repérable ici encore, N. Jacques étant allé sur trois fronts. Dans les articles rassemblés dans Die Flüchtlinge. Von einer Reise durch Holland hinter die belgische Front (1915), N. Jacques rapporte comment, partant de la Suisse où il habite, il se rend en Belgique au moment où commence la bataille d’Anvers (le lecteur pourra donc situer ce déplacement entre le 28 septembre et le 10 octobre 1914) ; il propose ses services en tant qu’espion, puis, comme son offre est caduque, il reste pour rassembler de la documentation sur le déroulement de la guerre. Dans London und Paris im Krieg. Erlebnisse auf Reisen durch England und Frankreich in Kriegszeit (1915), il relate la suite : de Belgique, il s’embarque début novembre pour Londres, puis voyage à travers la France; il se présente tantôt comme journaliste de la Frankfurter Zeitung tantôt comme simple touriste suisse. Il y reste environ trois mois, durant l’automne et l’hiver 1914, et mène dans les deux pays une enquête sur les mentalités ainsi que sur le nombre des

22 Norbert JACQUES avait donné en 1950 des précisions factuelles dans l’autobiographie Mit Lust gelebt, rééditée depuis, St. Ingbert, Röhrig, 2004. Une présentation de son œuvre figure dans la monographie de Günter SCHOLDT, Der Fall Norbert Jacques. Über Rang und Niedergang eines Erzählers (1880-1954), Stuttgart, Heinz, 1976. 23 Norbert JACQUES, Die Flüchtlinge. Von einer Reise durch Holland hinter die belgische Front, Berlin, S. Fischer, 1915, 108 p. ; Norbert JACQUES, London und Paris im Krieg. Erlebnisse auf Reisen durch England und Frankreich in Kriegszeit, Berlin, S. Fischer, 1915, 211 p. ; Norbert JACQUES, In der Schwarmlinie des österreichisch-ungarischen Bundesgenossen, Berlin, S. Fischer, 1916, 131 p. 24 « Ich widme sie [die Reiseberichte nach London und Paris] in Liebe und Ehrfurcht meiner Wahlheimat Deutschland » (London und Paris). 62 FRANÇOISE KNOPPER soldats chez l’ennemi (estimant que le nombre est bien moins important qu’on ne le croyait). Pour finir, il se rend à Vienne et obtient l’autorisation d’aller sur le front de l’Est, en Podolie (Ukraine), entre Bug et Dniepr ; il y est envoyé en tant que reporter de guerre par la Frankfurter Zeitung. Il en résulte la relation In der Schwarmlinie des österreichisch-ungarischen Bundesgenossen (1916). Ce qui frappe en outre, quel que soit le reportage de guerre de N. Jacques, est la pérennisation de ses pratiques en matière de civilité. Il reste un bourgeois riche, voyage en première classe, fréquente les meilleures tables ou les hôtels luxueux, tel un aventurier doublé d’un dandy. Il privilégie des lieux où les cultures sont en contact : bateau, train, cafés. La capacité de s’entretenir avec des personnes d’origines géographiques diverses implique selon lui la « bienséance25 » des propos échangés. Cette prédilection atteint un point d’orgue à la fin de son troisième livre : la scène se déroule à Czernowtiz dans le « café Europe », nom programmatique : un pope y joue avec un libraire juif et le député roumain, N. Jacques lui-même déjeune avec un Kommerzialrat de Bucovine auquel il prend le temps de démontrer en quoi les liens de la monarchie austro-hongroise avec l’Allemagne seraient bénéfiques aux économies. Par ailleurs, N. Jacques aime décrire les mouvements de masse et recourir alors à un style épique. Les transports des blessés et les ambulances de la Croix Rouge composent une sorte de ballet monotone. Les flots de réfugiés belges qui sont évacués d’Anvers sont les premiers à stimuler son inspiration car il a l’impression d’assister à un gigantesque exode (« Völkerwanderung ») : on a l’impression de lire un scénario de film. Un moment particulièrement saisissant est celui où, avançant à contre-courant, N. Jacques tente de gagner le lieu où la bataille se livre et de remonter le défilé des Belges en fuite. Mais il est finalement balayé, emporté malgré lui par le flot des réfugiés et, au lieu de rejoindre les soldats allemands, il se retrouve dans un train pour la Hollande. Au total, la mobilité est l’élément structurant de chaque reportage, le narrateur restant le seul repère et forçant ainsi le lecteur à suivre son regard. Cette focalisation est d’autant plus lourde de sens si le journaliste tente d’imposer ses vues nationalistes.

L’affrontement par les mots ou quand le patriotisme se mue en propagande

L’affirmation du patriotisme étant omniprésente, la part d’autocensure exercée par les rédactions est à prendre en compte ; selon Wolfgang

25 « zwischen gesitteteten Menschen » (JACQUES, London und Paris, p. 36). GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 63

H. Mommsen26 elle était même plus efficace que la censure exercée par les autorités officielles. De surcroît, si, faute d’optimisme, le journaliste avait insisté sur le nombre des morts et les destructions, il aurait risqué de passer pour un traître ou un défaitiste, car, en temps de guerre, de telles informations sur l’état des mentalités auraient été exploitables par le camp adverse27. Mais le discours ne se mue en propagande à proprement parler que si le feuilletoniste pratique un véritable conflit verbal et entretient la « guerre des esprits28 ». C’est le cas de N. Jacques dont le nationalisme germanique exacerbé est affiché avec ostentation et à des endroits-charnière et dont les reportages tendaient à encourager le conflit entre les cultures. Ses déplacements incitent N. Jacques non seulement à repérer à l’étranger des manifestations de germanophobie mais plus encore à les provoquer et à les orchestrer. Chaque fois qu’il les signale, il les compense en rappelant son propre attachement à la culture allemande, autant par prudence qu’en raison de son prosélytisme de Luxembourgeois devenu Allemand de cœur. Par exemple, quand il recopie et traduit un article élogieux qu’il lit sur Liebknecht dans Bonnet rouge29, il y réplique de façon sarcastique, probablement pour se dédouaner et éloigner de lui tout soupçon, comme s’il était sur la défensive. Ou encore il fait l’éloge de « l’âme » allemande », adoptant un essentialisme possiblement hérité de Paul de Lagarde pour qui la germanité était fondée sur “l’âme” plutôt que la pureté d’une race germanique. Il emploie des sarcasmes contre toutes les confessions religieuses et peut-être l’antisémitisme de Lagarde ne lui est-il pas non plus étranger car il se moque de l’âpreté au gain qu’il prête à des commerçants juifs qu’il croise. Sa volonté de propagande se manifeste quand il s’intéresse à l’imaginaire social des étrangers et à leurs représentations négatives de l’Allemagne. Il proclame son irritation face à l’incompréhension dont l’Allemagne ferait l’objet. Pour lui, le Kaiser serait à tort traité en responsable de la guerre. Il est aussi profondément blessé par les caricatures des cartes postales30 que l’on pourrait acheter dans tout Paris. Ce qu’il leur oppose est un relais de la propagande allemande, centrée quant à elle sur l’invincibilité des troupes, ainsi que des explications ethnographiques héritée de la psychologie des

26 « Deutschland », in Gerhard HIRSCHFELD, Gerd KRUMEICH, Irina RENZ, Enzyklopädie Erster Weltkrieg, Paderborn, F. Schöningh, 2009, p. 15-30, ici p. 19. 27 Cela valait également pour la presse éditée en interne pour les soldats, cf. Anne LIPP, Meinungslenkung im Krieg. Kriegserfahrungen deutscher Soldaten und ihre Deutung 1914- 1918, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2003, p. 18 et 89. 28 Selon une expression qui avait été forgée en 1915 par Hermann KELLERMANN dans un ouvrage regroupant des sermons, des discours, des appels, cf. Sylvia PALETSCHEK, « Tübinger Hochschullehrer im Ersten Weltkrieg : Kriegserfahrungen an der “Heimatfront” Universität und im Feld », in Gerhard HIRSCHFELD (dir.), Kriegserfahrungen. Studien zur Sozial- und Mentalitätsgeschichte des Ersten Weltkriegs, Essen, Klartext, 1997, p. 83-106. 29 JACQUES, London und Paris, p. 174. 30 Cf. Peter FISCHER, « Die propagandistische Funktion von Bildpostkarten im Ersten Weltkrieg », in Siegfried QUANDT, Der Erste Weltkrieg als Kommunikationsereignis, Gießen, Justus-Liebig-Universität, 1993, p. 63-75. 64 FRANÇOISE KNOPPER peuples à la manière de Lagarde ou Langbehn, attribuant ces représentations négatives à des carences collectives : les Français seraient incapables de supporter l’idée même de la défaite, leurs « nerfs » seraient trop fragiles, et cela les conduirait au déni de la supériorité militaire allemande, déni qui proviendrait de la crise culturelle que les Français traverseraient et que N. Jacques prétendait déjà diagnostiquer en 1911. Leur dégénérescence, selon lui, reposerait moins sur des connotations biologiques que culturelles, et nulle part il ne parle de « race » française ou britannique. Son éloge obsessionnel de la préséance culturelle allemande contamine même ses descriptions de paysages, aussi bien les vastes horizons gelés et brumeux de Podolie que les collines de Bourgogne. À preuve le paysage qu’il décrit lors de son passage à Dijon :

[Dijon] Vor der Préfecture stehen einige Dutzend Soldaten. Ein Automobil verläßt den Hof. Generale sitzen drin. Ein Soldat sagt: “Der Kommandant!” Das Automobil rast zur Stadt hinaus. Nach Westen. Die Hügel Burgunds erheben sich wellig. Die Forts sitzen unsichtbar drin, wohin das Automobil des Kommandanten rast. Die Seine hat ihre Quelle in einem der Täler dort und ihr Denkmal, und François Rude, “der große Sohn der Stadt”, hat zusammen mit Noisot, “grenadier de l’île d’Elbe”, auf einem dieser Hügel jenes rätselhafte Denkmal Napoleons errichtet, auf dem der Kaiser, aus langem Schlaf erwachend, sich halb im Bett hochhebt und versucht, wieder Frankreich entgegen aufzuerstehen. Aber von Dijon aus hat einmal ein germanisches Genie die französische Kunst befruchtet, der Bildhauer Klaus Sluter. Im Museum könnte man sein Grabdenkmal Philipps des Kühnen sehen, wenn es Frankreich in dieser Zeit um Kunst zu tun wäre und es seine Museen offen hielte. Dies Grabmal ist eines der erhabensten und mächtigsten Kunstwerke, die in Frankreich entstanden sind, und wurde in der Karthause von Champmol von Franzosen in der Revolution, ohne alle jene Gründe zerstört, aus denen deutsche Granaten heute gezwungen sind, die militärischen Stellungen, die das französische Heer auf Kirchtürmen einrichtet, zu beschießen.31

Le quotidien de la guerre (une des rares automobiles transporte un officier de haut rang) se conjugue ici avec la localisation géographique (la source de la Seine) et les détails historiques et artistiques. Mais N. Jacques donne un sens particulier à sa description puisque, au terme des méandres d’un paysage virtuellement reconstitué à partir du trajet imaginaire de l’automobile, elle débouche sur la justification de la guerre telle qu’elle était menée par les Allemands : les Français révolutionnaires avaient détruit leur propre patrimoine bourguignon alors que les Allemands, eux, auraient maintenant de bonnes raisons pour pilonner les clochers français, ils y seraient « obligés », autrement dit ils mèneraient une guerre défensive. Les termes du conflit tels qu’il les pose sont d’une part le déni de la supériorité militaire allemande, supériorité qu’il entend démontrer par ses observations dont il prétend qu’elles donnent des preuves matérielles. Les termes du conflit sont d’autre part les rumeurs à propos de la cruauté et des

31 JACQUES, London und Paris, p. 206. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 65 exactions des soldats allemands (dont on a effectivement la trace sur les cartes postales d’époque), que N. Jacques conteste avec vigueur, accusant ceux qui les colportent d’être quant à eux incapables d’en fournir des preuves matérielles. Par ses répliques à ces agressions verbales, N. Jacques transpose chez les civils la propagande officielle des autorités gouvernementales de l’Allemagne. Ses cibles principales sont les journalistes étrangers, si bien qu’il témoigne d’une autre guerre, celle que se livraient les médiateurs culturels des pays belligérants. Cela fait de sa part l’objet d’une réflexion synthétique, placée au début de Die Flüchtlinge. N. Jacques s’y arroge le devoir de déconstruire le discours des journalistes hostiles à l’Allemagne et de démontrer que les autres opèreraient désinformation et intoxication du public. Pour ce, il procède à un montage et met en parallèle les événements militaires et les informations données par les journaux belges, cette comparaison faisant ressortir un décalage flagrant et, selon Jacques, les mensonges de ses homologues belges. Mais le lecteur n’a alors aucune marge de manœuvre et n’est que le spectateur de cette confrontation de parole contre parole, slogan contre slogan. Si, à notre tour, nous sélectionnons un de ses exemples et comparons un article paru dans l’Écho de Paris du 10 décembre 1914 avec la traduction et le commentaire de N. Jacques, on voit comment il conçoit un dialogue interculturel :

[Der heftige und schmähende Artikel vom Écho de Paris, 10-12-1914] spricht mit unverkennbarer Deutlichkeit für den Geist, der Frankreich jetzt beherrscht. Er verträgt keinen weiteren Druck mehr. Er genügt sich in seiner einfältigen, begrenzten und blinden Selbstgefälligkeit. Widerstand ist für ihn schon Sieg. Und von Widerwärtigkeiten will er nichts wissen. Soviel zusammen ertragen die Nerven nicht.32

Le choix de N. Jacques porte sur un article de propagande rédigé par Clément Garapon et intitulé « Les pessimistes ». Garapon étant le chef des services politiques de l’Écho de Paris, son point de vue était barrésien, nationaliste et militariste. Dans sa réplique, N. Jacques adopte une position tout à la fois opposée et proche, si bien que le dialogue devient impossible. Chaque propagandiste se replie sur son camp et son nationalisme, Jacques recourant aux élucubrations psychologiques du darwinisme social alors que Garapon développe des arguments politiques, visant les pacifistes, et suggère que l’ennemi véritable (et commun aux autres États) serait l’Angleterre. Pour N. Jacques, de tels conflits verbaux font partie de son aventure. Voyager en temps de guerre, c’est une prise de risque comme il l’affectionne. Il se pare du rôle d’agent secret, signale qu’il a été sur le point d’être démasqué à plusieurs reprises et s’en amuse. La relation de son voyage en Angleterre et en France se termine comme un thriller puisque, une fois de retour chez lui et à l’abri, il lit un entrefilet du Figaro prévenant que

32 Ibid., p. 155. 66 FRANÇOISE KNOPPER

« l’Allemand Norbert Jacques » est un espion. Son triomphe est alors double : il a choisi la Suisse comme lieu de résidence, un espace neutre où il peut dire ce qu’il pense, et le Figaro lui fait le plus grand compliment qu’il puisse souhaiter en le qualifiant d’Allemand. Enfin, ces expéditions en direction du front et la griserie de situations extrêmes étaient susceptibles de galvaniser une autre forme de sensibilité, celle qui relevait du pessimisme culturel et de la crise que les consciences avaient traversée dans la période d’avant 191433. N. Jacques en est également un exemple significatif : la guerre lui a fourni l’occasion de prouver le bien- fondé de son choix d’avoir quitté le Luxembourg en 1901 et opté pour la culture germanique. Son évocation du conflit militaire semble annoncer Jünger, la médiation passant sans doute par Moeller van den Bruck. Son esthétisation de la violence se place encore sous le signe d’un pathos expressionniste : N. Jacques décèle dans cette « nouvelle guerre » une bestialité d’un type nouveau, la propagande belliciste des Anglais, qu’il observe en octobre 1914, serait celle d’une bête féroce : l’Angleterre qui aurait « flairé le sang34 » serait guidée par la volonté de détruire l’Allemagne, elle menacerait d’être aussi cruelle qu’elle l’aurait été pour les Boers, n’épargnant ni les femmes ni les enfants. Et la vision conclusive de son reportage sur Londres est celle d’une chaudière à vapeur, vision probablement inspirée par la salle des machines du bateau qui le ramène sur le continent, chargée des menaces inhérentes à la modernité industrielle et vision prémonitoire de la destruction du Lusitania. Une telle énergie maléfique, un tel bouillonnement démoniaque relèvent de fantasmagories dignes du lyrisme expressionniste tel qu’on le trouverait chez Walter Hasenclever. Mais, dans ce reportage, la finalité de ces allusions pathétiques n’est pas esthétique, elle reste fixée sur le « Feindbild », sur la conviction que le principal ennemi serait britannique. La dernière description, celle du conflit militaire sur le front de l’Est (In der Schwarmlinie des österreichisch-ungarischen Bundesgenossen), est la plus aboutie sur le plan de l’écriture. Il s’agissait pour N. Jacques de traduire la violence brute qui ferait l’essence de cette guerre, sa force est perçue dans sa globalité, comme une concentration « cosmique » de « folie et de rage » :

Immer hartnäckiger knackert das trockene Gewehrfeuer. Die Geschütze brüllen bald hohl, wie kosmische verrückte Pfropfenzieher, die aus einer Weltflasche ein ganzes Gebirge herausreißen ; bald schreien sie hell und grell, wie Kinder, die Angst in einem Wald überfällt. Wir fühlen, wie sich Kraft und Stahl, Feuer, Mut, Blut, Menschen und Schlamm, Raserei und kalte Wucht dort mischen, nahe bei uns, wo die Schlacht im Nebel rast.35

33 PALETSCHEK, « Tübinger Hochschullehrer », p. 168 et suiv. 34 « England hat Blut gerochen. Wehe ! » (London und Paris, p. 27), écrit-il à deux reprises. 35 JACQUES, Schwarmlinie, p. 44-45. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 67

C’est pourquoi les ennemis sont rarement approchés de façon individualisée. Les soldats morts dont il décrit le cadavre ne répondent pas à une attirance pour le morbide, les descriptions sont sobres et rappellent plus la saisissante tristesse du dormeur du val de Rimbaud qu’une complaisance malsaine pour le macabre. Le premier groupe de prisonniers russes qu’il voit nous rappelle une sculpture de Barlach :

Sie standen da unter dem trübseligen Licht, in ihren Mänteln in Regen und Schmutz, Kinder dieses Schlammes, der der Erde näher ist als der Mitteleuropäer. Kaum bewegten sie sich, große starke Männer waren es, sie erhoben sich dort in der Düsternis, wie Geister, die aus dem kotigen Boden aufgestiegen. Stumpf und schön, gewaltig gefeit vor Unglück, ein jeder selber Fatum ; sie standen da mit der selbstverständlichen Teilnahmlosigkeit eines Tieres.36

Ces prisonniers russes vus comme une masse argileuse sont décrits dans leur matérialité, statufiés, hébétés, et pourtant « beaux ». Comme si la guerre faisait revenir aux causes premières, au mythe de la genèse, de la création du genre humain, quand Yahvé modela l'homme avec la glaise du sol. Ensuite, tout au long de ce reportage en Podolie, la guerre reste présentée comme un amalgame de glaise et de mort, « Lehm und Tod ». Or, comme dans le cas des prisonniers russes, cette alliance du sang et de la terre fait de la guerre un rituel de renouveau, une expression élémentaire du cycle de la vie, qui rappelle les commentaires faits par exemple par Langbehn qui décelait dans les brumes et paysages enneigés peints par le nordique Rembrandt, l’éducateur, « une mort pleine de vie ». Le sang est un autre leitmotiv qui, à première vue, s’inscrit dans la tradition d’une violence purificatrice à laquelle avaient aspiré Langbehn ou Spengler. Chez N. Jacques aussi, l’image de la purification des esprits et l’héroïsme militaire engendreraient à terme un progrès de la civilisation. Toutefois, il se limite à cette césure bénéfique que la guerre apporterait, il n’invoque en revanche pas le sang pour faire l’éloge des racines rurales ou d’une prétendue pureté de la race et il s’écarte à cet égard de l’approche mystique que l’on trouve chez Lagarde ou Langbehn. Il se borne à greffer sur ce leitmotiv sa vision de l’histoire et du progrès de la culture :

Das Friedensbündnis, das einem im Krieg zusammengeschweißten Verhältnis zwischen Völkern folgen wird, muss auf gegenseitige Waffentüchtigkeit gebaut sein, damit es gut sei. Der Krieg darf im Krieg nicht stehen bleiben, sondern muss die Blutsaat und die Bluterneuerung der Völker, die sich in ihm bewahrt haben, für eine lange Friedenszeit fruchtbar machen.37

Ces phrases qui figurent dans l’introduction de ce reportage sur le front de l’Est associent une nouvelle fois les élans esthétiques à une critique d’ordre politique que notre journaliste ne perd pas de vue ; référence est faite ici –

36 Ibid., p. 46. 37 Ibid., p. 7. 68 FRANÇOISE KNOPPER implicitement – à un tract que le pacifiste Umfrid avait écrit en octobre 1914 et où il était annoncé que la « vraie paix entre les peuples serait la moisson qui naîtrait de la semence sanglante du présent38 ». Jacques reste journaliste, son objectif reste celui d’un nationaliste. Il justifie le bien-fondé de l’alliance avec l’Autriche- Hongrie, plaidant ainsi sans doute contre les Allemands qui émettaient des réserves à propos de cette alliance. Certes, les populations de la monarchie seraient culturellement contrastées, il est le premier à en convenir, mais les soldats de ces divers peuples slaves seraient très courageux, à commencer par les Hongrois. Dans ce reportage, le contact entre les cultures est donc inversé par rapport aux deux précédents : ce n’est plus le conflit, mais la coexistence qui serait pittoresque, l’armée autrichienne saurait être pragmatique et utiliser les peuples, les Hongrois s’exalter de la musique des tsiganes et les Viennois imiter l’humour des juifs. Une évolution se produit chez N. Jacques : si la mentalité française lui avait paru traduire une dégénérescence, les populations slaves seraient à observer en fonction d’autres paramètres. Le partage du quotidien des soldats tirailleurs près de la ligne des tranchées se transforme au fil des pages en expérience d’autres formes de civilité, qu’il qualifie de « quasi idylliques »39, qualificatif surprenant puisqu’on est en pleine guerre mais approprié à transmettre son opinion, celle qu’un « homme nouveau » pourrait émerger. Au demeurant, civilité obligeant, N. Jacques pondère ces positions, évite d’exacerber le goût de la violence, note sans déplaisir qu’il reste aussi des pratiques de guerre à l’ancienne, à côté de la technologie moderne. Et surtout les soirées des officiers sont agrémentées de musiques tziganes, arrosées de champagne hongrois et de Schnaps, et N. Jacques de s’adonner à l’étrange fascination que la musique et le regard d’un tzigane exercent sur lui et sur un officier présent. Le bénéfice qu’il retire de ce séjour est son instrumentalisation de la multinationalité de l’Autriche-Hongrie dont il cautionne l’alliance avec l’Allemagne. Pour démontrer que ces soldats possèderaient le trait culturel de la virilité – attendu des combattants –, il s’intéresse à leur aspect physique et s’inscrit ainsi dans une autre des formes de la propagande durant la Première Guerre, qui a consisté à photographier les combattants, leurs silhouettes et leurs visages, et, dans la continuation de la Jugendbewegung40, à privilégier la représentation d’une jeunesse virile de manière à suggérer la convergence de qualités physiques et morales, d’endurance et d’obéissance, et de glorifier ainsi le sens du sacrifice.

38 « Ein Denkmal für die Gefallenen », cf. Karl HOLL (dir.), Der deutsche Pazifismus während des Weltkrieges 1914-1918. Aus dem Nachlass Ludwig Quiddes, Boppard, Boldt, 1979, p. 50. 39 JACQUES, Schwarmlinie, p. 195. 40 Cf. Jürgen REULEKE, «Vom Kämpfer zum Krieger. Zur Visualisierung des Männerbildes im Ersten Weltkrieg », in QUANDT, Der Erste Weltkrieg als Kommunikationsereignis, p. 158- 175. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 69

La véritable héroïne, chez Jacques, ce n’est pas la guerre, c’est la culture germanique et celle de ses alliés. La propagande de ses feuilletons est celle d’une guerre d’opinions, dans laquelle il est lui-même un acteur engagé, qui proteste et souhaite déclencher des réactions. Elle répond aussi à son souhait personnel de mettre à mal une arrogance qu’il aurait prêtée aux Français et aux Anglais dès avant la guerre et de confirmer a posteriori son dénigrement du Luxembourg. En transposant le conflit militaire en affrontements intellectuels, il occulte les buts de guerre. Ses écrits des années 1914-1916 ont été ceux d’un agitateur qui a cherché à attiser les conflits culturels en déconstruisant les prises de position d’autres journalistes et en apportant des rectifications chronologiques et quantitatives. Il a cherché aussi à séduire les lecteurs en variant le ton à l’intérieur de ses articles et en faisant alterner élans emphatiques et indignés, déclarations de principe, relation d’incidents ou de rencontres avec des anonymes. Capable de transmettre son goût de l’aventure et de stimuler des émotions fortes autant que de susciter l’approbation de militaires, il a prolongé le conflit sur la scène médiatique, déclenchant des répliques du Figaro et des réprimandes de politiciens luxembourgeois. La réception que ces écrits ont rencontrée l’a pourtant fait évoluer : ses premiers reportages récoltèrent moult éloges de la part de la presse allemande, ces articles ayant été interprétés comme actes patriotiques et les milieux militaires s’étant estimés compris et soutenus, ainsi que c’est signalé en couverture de l’édition du livre. Mais ce sont les amis pacifistes de N. Jacques qui lui adressèrent de sévères reproches, si bien qu’il préféra se réconcilier avec Schickele et publia des textes de fiction jusqu’à la fin de la guerre.

La question de la paix ou les perspectives d’une autre réalité

Les feuilletons du Berliner Tageblatt et de son supplément culturel Der Zeitgeist, quand ils abordent le sujet de la guerre, se caractérisent au contraire par leur attention à préserver les principes du droit, le sens de l’humanité et le respect d’autrui, et ce sans offenser les valeurs patriotiques, conformément à l’orientation libérale de gauche de ce quotidien et du public bourgeois et cultivé qui le lisait41. Ce journal qui avait été fondé en 1871 par Rudolf Mosse et restait conscient de son rôle dans la presse de la capitale, disposait de renseignements provenant de très bonne source qu’il plaçait à la une. Il avait des correspondants dans les grandes capitales, y compris pendant la guerre, si bien qu’il publie, dans les feuilletons, des reportages sur la Russie, la Bulgarie, la Roumanie, l’Italie. On trouve en 1916, année que nous avons regardée de plus près, beaucoup de reportages de guerre. Tous

41 KOSZYK, Die Pressepolitik im Ersten Weltkrieg, p. 112-134. 70 FRANÇOISE KNOPPER s’accompagnent, d’une façon ou d’une autre, d’une mise à distance intellectuelle et d’une rationalisation des conflits culturels. Par exemple le 3 septembre 1916 (par conséquent en pleine offensive de la Somme), le Berliner Tageblatt publie vingt aphorismes humoristiques signés du talentueux critique littéraire Oskar Blumenthal (1852-1917), qui fut longtemps responsable de cette rubrique des feuilletons et dont le ton est en accord avec l’orientation du périodique :

Aus dem Munde einer Mutter: “es gibt keine stillen Stunden mehr – die Toten sprechen zu laut”. Der Krieg hämmert Altruisten. Oder lebt in Europa wirklich noch jemand, der sich für sich selbst interessiert?

Sans inciter à la désertion, Blumenthal refuse de cautionner un bellicisme aveugle ou un nationalisme exacerbé, quelle que soit la nation qui les pratiquerait :

Die Sparsamkeitsbewegung in England zeigt sich auch darin, dass man in den Londoner Witzblättern nur noch die billigsten Scherze findet.42

Mais une question se pose au vu de l’escapisme littéraire de certains articles : serait-il le signe que les journalistes tabouisaient la mort des soldats et la cruauté des combats ? Serait-il une forme de propagande pour protéger, rassurer la population civile ? C’est une interrogation que peut par exemple soulever une série de reportages de guerre publiés dans le Berliner Tageblatt à partir du 1er septembre 1916 et dus à un archéologue, Wladimir Sis (1889- 1958). Pour ce dernier, les soldats allemands qu’il a vus auraient un comportement exemplaire, donneraient du pain aux enfants affamés, ne harcèleraient pas les villageoises, bavarderaient avec les prisonniers et ne leur déroberaient pas leur nourriture. Or une telle description de la guerre a été prisée par le public berlinois, aux dires de la rédaction du journal qui se réfère au courrier de ses lecteurs. Nous pourrions conclure de cette configuration que, plus qu’une propagande, il pourrait s’agir d’une incitation à moraliser la gestion des combats. C’est la même interprétation que nous inspire la série « Bilder aus dem Kriege » de l’Alsacien Oskar Wöhrle (1890-1946), sous titrée, comme c’est souvent le cas, par la précision que l’auteur est enrôlé (« im Feld »). Le 21 août 1916, le canonnier relate une scène idyllique vécue en Lituanie :

Ich glaubte zu träumen, als ich ins Zimmer geführt wurde. Spiegel an den Wänden, bunte Bilder, Abklatsch des Lebens, einen Tisch, ganz weiß gedeckt, blinkendes Geschirr, Polsterstühle, für einen Soldaten, der frisch aus dem Graben gekommen, Sachen, die er nur noch vom Hörensagen kannte. Die Liebenswürdigkeit der Wirte war nicht zu erschöpfen, das Gespräch floss so ruhig dahin wie das Wasser in einem sauber abgestochenem Kanalbett ; das Essen war so gutmundend, dass ich keinen Augenblick daran dachte, unter fremden Menschen zu sitzen. Als die Lichter angezündet wurden, setzt (sic) sich

42 Ibid., p. 111. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 71

der dicke Pfarrherr an den Flügel und von einer weichen Frauenstimme getragen, schwebte das Lied durchs Zimmer. Als ich saß beim Mütterchen, blieb die Arbeit ungetan, hatte mir mein Gärtlein mit grünem Ahorn umzäunt [...] Einfach die Worte, einfach die Weise, Ausdruck der Seele eines Volkes, das bisher das Leben einer Pflanze geführt.43

Le fait de citer ce chant populaire lituanien, d’en vanter la simplicité, d’y déceler « l’âme d’un peuple » rappelle forcément Herder et sa collecte de chants populaires, ainsi que celle des romantiques Arnim et Brentano. Ce genre de reportage et sa publication dans le Berliner Tageblatt montrent une culture préservée en temps de guerre. La vision du peuple est certes idéalisée, aseptisée, mais elle prouve que Wöhrle préférait reproduire un « reflet de la vie » (« Abklatsch des Lebens ») que le vacarme des armes. À la différence d’autres reportages, les journalistes du Berliner Tageblatt attirent volontiers l’attention sur les individus plus que sur le collectif. Par exemple, le 8 septembre 1916, le Berliner Tageblatt publie la relation « Der Sprüchleingraben », la vie dans les tranchées est décrite non pas avec des hommes mais avec les petites inscriptions qu’ils ont laissées. L’auteur est Wilhelm Hegeler (1870-1943), un reporter que le journal avait envoyé sur le front nord-est :

Dieser Graben an der Düna nun trug noch einen ganz besonderen Schmuck. Er war von Inschriften bedeckt wie ein mittelalterliches Haus. Er war ein rechter Sprüchleingraben. Was immer das Soldatenherz bewegt, Kampf und Sieg, Heimat und Feind, Essen und Schießen, Dienst und Freiheit, das alles war mit feinen oder derben, spaßhaften oder ernsten Worten in ein paar Reime zusammengepresst. Einer, dem die Gedanken sich vielleicht unwillkürlich zum Reim verflechten, mochte damit angefangen haben. Flugs machte ein anderer es ihm nach. Der Dritte und Vierte wollte nicht zurückstehen. So wurde ein Sport daraus. Machte sich der Telephonist ein gereimtes Hassschild über seinen Unterstand, flugs verfertigte sich auch das Maschinengewehr eine ebensolche Visitenkarte und schrieb, um allen Irrtümern vorzubeugen : Die beste Waffe, die wir haben, ist das M. G. im Schützengraben. Sogleich meinte auch der Infanterist : Schützen im Flankierungsgraben. Ein richtiges Visier muss jeder haben. Schießt nicht in Luft und Dreck. Es gibt dem Feinde Mut und hat keinen Zweck. Aber mit dem Schießen ist es nicht ganz so schlimm. In ruhigeren Zeiten darf der Russe schon einmal seine Nase aus dem überdeckten Graben hervorstrecken, um Luft zu schnappen. Nur wenn er sich frech aus der Brüstung zeigt, wird sogleich gefunkt. Respekt verlangt der deutsche Soldat unbedingt vom Feind. Im übrigen aber ist die gutmütige Denkart für ihn charakteristisch, die sich in dem Vers ausprägt : Schon den, der wehrlos sieht, Haue den, der widersteht. Alles hat sein Spruchband gefunden, die Menschen wie die Dinge. Auf dem Kasten, in dem die Handgranaten liegen, steht : Gut ist, wenn in Kasten liegt ; Schlecht ist, wenn in Fresse fliegt. Und vom Gasangriff heißt es : Gut ist, wenn in Lampe glieht ; Schlecht ist, wenn in Nase zieht.

43 Oskar WÖHRLE, « Bilder aus dem Kriege », Berliner Tageblatt, 21 août 1916. 72 FRANÇOISE KNOPPER

[...] Alle sind sie zu Wort gekommen, der Skeptiker wie der Enthusiast, das Weltkind wie der Fromme, der Ernste und der Schalk. Dieser findet sein Kernsprüchlein im Wilhelm Busch, jener im Propheten Sirach.44

Nous observons une fois de plus que ce journaliste s’adresse à des lecteurs lettrés, capables de sourire des allusions littéraires et de priser les rimes populaires. Sa démarche est phénoménologique : son reportage illustre la variété des individus, reconstitue l’esprit, la vivacité, la créativité de chacun. Chacun aurait gardé son sens de l’humour et un art de vivre conforme au rôle que l’armée lui a affecté. La guerre des mots est transmuée en une communication ludique et spirituelle. Mais W. Hegeler ne fait pas oublier la guerre, au contraire il souligne ainsi le courage et l’endurance de ces soldats. Cette attention à porter aux individus est problématisée dans la recension d’un recueil de lettres envoyées du front (Feldpostbriefe). En soi, une telle publication n’avait rien de spectaculaire puisque ce genre de lettres commençait à paraître en grand nombre, aussi bien dans les divers journaux que dans des livres, et que l’état-major allemand y était favorable car ces lettres devaient apporter un démenti aux rumeurs alarmistes de découragement45. Mais le présent compte rendu mérite de retenir l’attention :

Man hat wohl hier und da unserer klassischen Geschichtsforschung den Vorwurf gemacht, dass sie die Ereignisse mehr aus der Vogelperspektive betrachte, dass sie nur die großen Richtflächen des Völkergeschehens berücksichtige, während sie an den Erscheinungen der Volksseele achtlos vorübergehe. Die Archive mit ihren aufgespeicherten Gesandtschaftsberichten, mit ihren Denkschriften und ihren Briefsammlungen von Königen, von Feldherren, von Ministern, das sind die vorzüglichsten, ja die alleinigen Quellen, aus denen die Geschichtsschreiber schöpfen, wenn sie darstellen wollen, “wie es eigentlich gewesen ist”, um an ein Rankesches Wort zu erinnern. Nun tritt aber während dieses Völkerringens ohne Gleichen in der Menschheitsgeschichte ein Faktor in die Erscheinung, wie er in dieser Gestalt und in solcher Wucht auch noch nie zuvor beobachtet werden konnte. Das ganze Volk steht in Waffen und kämpft nicht nur mit einem nicht mehr zu überbietenden Heldenmut : es denkt auch über den Krieg und seine Ursachen nach und gibt seinem Denken und Fühlen in zahllosen Niederschriften unmittelbar und beredt Ausdruck. Hier sprudelt eine neuartige Quelle für den zukünftigen Geschichtsschreiber dieser ungeheuren Zeit ; hier in diesen zahllosen Briefen, in diesen Darstellungen von Einzelerlebnissen entfaltet sich die Volksseele und deren Einwirkung auf die moralische Haltung des Einzelkämpfers wird in diesen Selbstbekenntnissen kundbar.46

Cette recension livre pour ainsi dire l’arrière-plan du reportage de W. Hegeler : il s’agit d’inciter les particuliers à réfléchir à la guerre. Le commentateur souligne ici que les individualités des soldats n’ont pas été étouffées, qu’il importe de consigner leurs témoignages pour écrire une autre histoire que celle des chroniqueurs officiels, que la scientificité, jadis tant

44 Wilhelm HEGELER, « Der Sprüchleingraben », Berliner Tageblatt, 8 septembre 1916. 45 DANIEL, Augenzeugen. Kriegsberichterstattung vom 18. zum 21. Jahrhundert, p. 76-91. 46 Berliner Tageblatt, 10 septembre 1916. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 73 souhaitée par Ranke, ne pourrait plus se concevoir sans prendre en considération le quotidien des poilus. Le journal portant ce regard critique sur les historiens issus de l’état-major (rappelons la chronique « Aus großer Zeit »), il renferme un projet politique de démocratisation et il annonce aussi la rupture épistémologique qui consistera à inclure la « petite histoire » dans la macrohistoire, comme les historiens de la Première Guerre le pratiquent de nos jours. Mais le Berliner Tageblatt aborde aussi fréquemment et subtilement la thématique de la paix. Profitant des hésitations institutionnelles en matière de censure, des allusions sont faites aux demandes des pacifistes d’avoir l’autorisation d’aborder la question des buts de guerre. Le numéro du 21 août 1916 informe de la requête qu’avait déposée la Deutsche Friedensgesellschaft auprès de la chancellerie afin de pouvoir exposer librement son point de vue ; la réponse de la chancellerie est publiée intégralement, avec notamment sa consigne, donnée à toutes les associations et à tous les partis politiques, de s’abstenir de toute polémique, d’encourager la ténacité dans les mentalités à l’extérieur et à l’intérieur, de ne porter aucun tort à la solidarité nationale, de ne pas donner au camp ennemi l’impression que la détermination des Allemands s’affaiblirait. Cet article est suivi, toujours ce 21 août, d’un entrefilet signalant que les nationaux libéraux de Stettin ont réclamé que la censure ne s’applique qu’aux militaires, ce qui montre l’attention que ces journalistes berlinois portaient à l’aile des nationaux libéraux, certes plus proche des conservateurs mais libérale malgré tout. Le numéro du 7 septembre 1916 va jusqu’à publier le célèbre appel des pacifistes lors de leur fondation de la Zentralstelle Völkerrecht et leur exhortation à ne pas procéder à des annexions territoriales lors de la négociation de la future paix, à respecter le doit des peuples à disposer d’eux-mêmes, faute de quoi il faudrait s’attendre à de nouvelles représailles, et à mettre un terme à la course aux armements. Cette nostalgie de la paix se manifeste souvent dans des anecdotes anodines. Par exemple un feuilleton du 10 septembre 1916 raconte un combat aérien qui a été confortablement observé depuis un jardin, par un beau soir d’été, à quelques kilomètres du front de l’Ouest : « Der Schauflieger aus Frankreich », signé de « Kurt Küchler, im Westen ». Le narrateur voit apparaitre dans le ciel un avion militaire français. Le pilote exécute toutes sortes de loopings provocateurs et virevolte gracieusement jusqu’à ce qu’une machine allemande décolle pour intimider et réprimander l’audacieux Français, lequel se retire avec agilité vers l’ouest, non sans avoir lâché quelques rafales de mitraillette. En somme les deux avions exécutent une sorte de ballet, et ce fut seulement « un jeu », « une démonstration stupide » (« törichte Spielerei ») de la part de l’avion français. La perspective est donc inversée puisque ce n’est en définitive plus un reportage de guerre mais un reportage de paix en pleine guerre. Cette étrangeté, sur laquelle Kurt Küchler (1883-1925), romancier et feuilletoniste, attire l’attention, correspond au vécu d’un civil qui donne certes tort aux provocations de l’ennemi mais en 74 FRANÇOISE KNOPPER apprécie d’autant plus le fait qu’aucun coup de feu, à l’en croire, n’aurait été tiré par l’armée allemande. Ailleurs, une fiction intitulée « Träume eines Friedensfreundes » met en scène un pope russe qui rêve que la paix s’instaure, et ne se laisse pas décourager malgré ses déconvenues puisque ses rêves se répètent à l’infini. D’autres scènes, souvent observées en Bulgarie ou en Roumanie, rapportent comment, même dans un salon aristocratique, le ton pouvait se durcir et les règles de la civilité basculer sitôt que le sentiment national était avivé. C’est ce que rapporte, le 30 août 1916, le romancier Ferdinand Künzelmann qui avait assisté « deux ans avant la guerre », dans un château près de Hermannstadt, à un tel incident entre des Hongrois et des Autrichiens, tous fins connaisseurs de la France et de Paris, et une Américaine, féministe enragée. Ou, pour donner un dernier exemple, signalons que, à l’occasion d’une réédition de Goethe, un article du 26 août 1916, intitulé « Goethe in Verdun », commence par le sobre constat :

Es sind dieselben Gedanken, wo auch heute wieder unsere Gedanken weilen – und doch welche Unterschiede in der Stimmung zwischen Einst und Jetzt! seule phrase qui rappelle que, lors de sa campagne en France, Goethe était passé à Verdun et avait décrit ses rencontres. Il y a donc une différence qualitative entre le passage en force de la chronique du contre-amiral Schliepe, dont nous avons vu plus haut qu’il réquisitionnait l’héritage de Faust, et la sobriété de cette allusion au Verdun de 1792, le feuilleton du Berliner Tageblatt laissant quant à lui une grande liberté d’interprétation au lecteur. Nous avons constaté que les activités des pacifistes étaient connues aussi bien d’un nationaliste tel que N. Jacques que des journalistes du Berliner Tageblatt. Mais ce n’est que dans une revue proche de ce cercle de Romain Rolland, Die Weissen Blätter, que les feuilletons sont explicitement hostiles à la guerre. Un reportage sur « le village détruit » d’Ulrich Rauscher (1884- 1930) renferme à la fois un plaidoyer en faveur des milieux paysans, ruinés, et la vision apocalyptique d’une nature défigurée par le déploiement de nouvelles techniques militaires :

Wer das Dorf tötet, tötet das Land. In jedem zerstörten Dorfe lockern sich die Wurzeln des Volks. Was am stärksten ist, die Bauernschaft, unterliegt wehrlos dem Krieg, weil es ihm in der blutigen Glorie seiner wahren Gestalt begegnet. Die Natur hat sich verkleinert und gezähmt, Wälder lichteten sich und Tiergeschlechter schrumpften. Nur der Mensch Vernichter ist gleich unerbittlich geblieben wie am ersten Mordtag.47

Nous sommes aux antipodes des descriptions d’A. Schalek ou de N. Jacques. La dévastation de ce village de Prusse orientale devient un

47 Ulrich RAUSCHER, « Das zerstörte Dorf », Die Weissen Blätter, janvier 1915, p. 30-36, ici p. 36. GUERRE ET JOURNALISME CULTUREL 75 absolu, propulsé hors du temps. La représentation de la guerre n’est plus liée à un seul endroit : elle est socialisante et, au-delà du social, ce sont les principes mêmes de l’existence ici-bas qui seraient ébranlés par les capacités destructrices de l’être humain. Si l’article de Rauscher s’inspire du genre du reportage, d’autres s’inspirent de la lettre fictive. Celle d’Annette Kolb48 a la particularité d’être adressée à un mort ; la guerre lui inspire de douloureux sentiments contradictoires car, si elle se sent prête à parjurer la croyance qu’elle avait jadis en la supériorité de la culture allemande, elle sait pourtant que ce serait hors de propos en un temps où la solidarité devrait avoir priorité. Le discours littéraire lui-même est d’emblée déclaré nul et non avenu puisque seul un destinataire virtuel, décédé, pourrait légitimement écouter l’aveu de la narratrice et comprendre son déchirement. Aucun mot n’est plus innocent, aucune insouciance n’est plus de mise. Ce subterfuge littéraire est au demeurant loin de saper les fondements de la communication par le biais des médias ; au contraire, il montre que c’est bien par le truchement de tels articles semi-fictifs que la diffusion de libres opinions pourrait encore être assurée. La mobilité a permis aux reporters de guerre de repérer des contacts entre les cultures et, dans le traitement de la représentation qu’ils en donnent, nous avons constaté qu’il existait une grande variété d’un périodique à l’autre. D’un côté ce n’est guère surprenant puisque le feuilleton était un genre qui relayait les orientations de chaque rédaction et était censé répondre aux attentes des habitués du journal ; d’un autre côté ni les uns ni les autres ne pouvaient occulter les devoirs des patriotes. Mais des gradations sont à distinguer. Il y eut des journalistes et des hommes de lettres qui étaient en quête de sensations fortes et ont affiché leur excitation en s’approchant du front, ils ont mis un point d’honneur à manifester des élans nationalistes, à « modeler de la guerre une image conforme aux yeux de la hiérarchie »49 ; à l’instar de N. Jacques, ces reporters, quand ils étaient confrontés à l’imaginaire social des étrangers rencontrés en France et en Angleterre, ont durci la guerre des esprits et l’ont entretenue par la guerre des mots. Mais chez d’autres, l’optimisme paraît avoir été de commande et rester dans les limites d’un choix rationnel, comme dans la Neue Freie Presse. Enfin on décèle chez d’autres encore le souhait de revenir à des relations pacifiées et au dialogue des cultures, comme cela s’exprimait dans les brefs récits du Berliner Tageblatt. Ce n’était pas la curiosité qui était le mobile des reporters, mais un devoir d’écriture qui se déclinait entre solidarité avec la collectivité, comme pour A. Schalek, ou avec des individus anonymes dont les

48 Outre aux travaux de Maryse STAIBER et de Maurice GODÉ, nous renvoyons à Anne- Marie SAINT-GILLE, Les idées politiques d’Annette Kolb, 1870-1967 : la France, l’Allemagne et l’Europe, Bern, Lang, 1993. 49 Nicolas BEAUPRÉ, Écrire en guerre, écrire la guerre. France, Allemagne 1914-1920, Paris, CNRS éditions, 2006, p. 90. 76 FRANÇOISE KNOPPER consciences restaient manifestement en éveil, comme pour les journalistes du Tageblatt. Démobilisation des esprits chez l’occupé et guerre des cultures : l’expérience de la Gazette des Ardennes

David WEBER Université d’Aix-Marseille

Conformément à ce que prévoyait le plan Schlieffen (1905), l’entrée des troupes de l’aile droite allemande se fait au mois d’août 1914 par la Belgique neutre. Ce plan parie sur la rapidité de l’avancée à l’ouest comme sur le temps que devait prendre, en théorie, la mobilisation russe1. Du début des combats de la bataille de la Meuse, le 24 août 1914, à la fin de la bataille de la Marne, le 13 septembre 1914, un territoire correspondant à une grande partie du nord- est de la France passe sous le contrôle de l’armée allemande2. Tandis que la majeure partie de la Belgique devient un « gouvernement général », annonciateur d’un rattachement ou d’une annexion, le nord de la France demeure sous le coup des opérations militaires pendant la majeure partie du conflit. En conséquence, les départements français restent placés sous le double contrôle du commandement militaire et d’un appareil administratif (Militär- und Etappenkommando)3. L’ordre public est de la responsabilité de la police militaire (Militärpolizei) tandis que sont créées des commissions municipales composées d’élus et de notables placés sous la direction des anciens maires4. Ces commandements ont soumis la population civile à un contrôle très strict et à des réquisitions, des pénuries et des déportations. Les historiens

1 Gerd KRUMEICH, « Anticipations de la guerre », in Jean-Jacques BECKER, Stéphane AUDOIN-ROUZEAU (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, Paris, Bayard, 2004, p. 169-178. 2 70 % du département du Nord, 25 % du Pas-de-Calais, 16 % de la Somme, 55 % de l’Aisne, 12 % de la Marne, 30 % de la Meuse, 25 % de la Meurthe-et-Moselle. Selon les chiffres établis par M. Michel, inspecteur général de la Société de statistique de Paris, repris dans la Gazette des Ardennes, n° 59, 24 juin 1915, p. 1 ; Philippe NIVET, La France occupée. 1914- 1918, Paris, Armand Colin, 2011, p. 9, note 2. 3 Jacques ROS, « L’administration allemande », in Les Ardennes durant la Première Guerre mondiale, Charleville-Mézières, Conseil général des Ardennes, 1994, p. 68 sq. 4 Les situations varient selon les communes et n’excluent pas la désignation de conseillers municipaux pour assurer les fonctions de maire. ROS, « L’administration allemande », p. 69 sq. 78 DAVID WEBER

Philippe Nivet et Annette Becker y ont vu l’existence d’un régime de terreur5 et d’une violence d’un type nouveau6, A. Becker allant jusqu’à affirmer que cette occupation a pu constituer le laboratoire d’une totalisation de la guerre7. P. Nivet y lit surtout une tentative de germanisation de ces territoires8, dont la presse allemande parue en France pourrait bien constituer le fer de lance. Ces deux études convergent dans une lecture patriotique faisant du civil en territoire occupé une victime de violences nouvelles, mais aussi un combattant par son attitude individuelle faite de refus, d’opposition et de résistance9. L’étude de la presse, si elle ne peut nous offrir de mesurer directement l’impact de l’occupation sur les populations, nous permet d’appréhender la complexité et l’ambiguïté des rapports entre occupants et occupés. Les territoires français occupés jouent un rôle central dans la propagande allemande à l’étranger10. Celle-ci dépend depuis le mois d’octobre 1915 d’un Office de guerre pour la presse (Kriegspresseamt) qui est rattaché à la Section d’information et d’espionnage IIIb de l’état-major. Par ailleurs, la propagande à l’étranger est centralisée par le Bureau central de services à l’étranger (Zentralstelle für Auslandsdienst) relevant du ministère des Affaires étrangères11. Malgré tout, la mise en place de la presse de propagande est tardive parce que personne n’avait prévu une stabilisation de la ligne de front occidentale, ni une occupation longue. Après une période intermédiaire caractérisée par la diffusion de journaux allemands ou belges, les autorités allemandes tentent plusieurs expériences de publications destinées à des populations francophones à Laon (Journal de Guerre), à Guise (Moniteur de la ville de Guise) ou encore à Maubeuge (Journal officiel). La Gazette des Ardennes, fondée le 1er novembre 1914 à Charleville à l’initiative de l’état- major allemand, sera, avec le Bulletin de Lille, le principal outil de propagande allemande en zone occupée. Notre étude repose sur le dépouillement systématique de la Gazette des Ardennes, depuis la création du journal le 1er novembre 1914 jusqu’à sa dernière édition, le 8 novembre 1918, soit 773 numéros. La Gazette est fondée par le colonel Walter Nicolai qui dirige la Section d’information et d’espionnage de l’état-major (IIIb). La rédaction est dirigée par le capitaine de cavalerie Fritz H. Schnitzer et se

5 NIVET, La France occupée, p. 373. 6 Annette BECKER, Les oubliés de la Grande Guerre : humanitaire et culture de guerre, 1914-1948: populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Paris, Hachette- littératures, 2003, p. 52. 7 Annette BECKER, Les cicatrices rouges 14-18. France et Belgique occupées, Paris, Fayard, 2010, p. 13. 8 NIVET, La France occupée, p. 7. 9 Cette thèse s’inscrit donc dans la droite ligne des études parues dans l’immédiat après guerre. Georges GROMAIRE, L’occupation allemande en France (1914-1918), Paris, Payot, 1925. 10 David WELCH, Germany, Propaganda and Total War, 1914-1918. The Sins of Omission, New Brunswick, New Jersey, Rutgers University Press, 2000, p. 23. 11 Ibid., p. 36, 40. L’EXPÉRIENCE DE LA GAZETTE DES ARDENNES 79 compose en partie de membres de l’armée. Le ministère des Affaires étrangères désigne bientôt un journaliste d’origine alsacienne, René Prévot, comme rédacteur en chef adjoint12. La composition de la rédaction reflète donc la double tutelle sous laquelle est placée cette propagande allemande. De toute évidence, la Gazette des Ardennes occupe une place croissante dans le dispositif allemand : d’abord hebdomadaire à diffusion restreinte, elle paraît ensuite trois fois par semaine, avec une édition illustrée, puis devient quotidienne en janvier 1918. Elle revendique d’importants tirages, surtout en 1917-191813. Comment l’expliquer ? L’occupant dispose dans cette zone d’un monopole quasi incontesté en matière d’information, alors que le besoin de s’informer est grand. La publication des périodiques français y est en effet interrompue et la censure allemande s’applique14. Ensuite, pratiquant une politique éditoriale habile, la Gazette choisit de publier en regard les communiqués militaires allemands et français, les listes de prisonniers de guerre français en Allemagne et des rubriques variées, proches des intérêts immédiats des populations occupées, telles la Gazette régionale (décembre 1915) ou Le Coin du cultivateur (mars 1916). Cette politique éditoriale est doublée d’une diffusion organisée de manière efficace dans l’intégralité de cette zone, mais aussi en Belgique, en Alsace-Lorraine, dans les camps de prisonniers français en Allemagne comme dans les pays neutres15. La Gazette des Ardennes est à ce titre un relais entre les élites militaires et intellectuelles allemandes et la population occupée à un moment où l’expérience de la guerre et de l’occupation accroit le transfert d’informations facilitant la confirmation ou l’infirmation de l’image de l’autre. En effet, ce journal est non seulement consacré aux faits de guerre, mais aussi aux relations entre l’Allemagne et la France, entre les occupants et les occupés, à leurs cultures respectives. Ces images sont bien sûr manipulables, mais elles interagissent également et donnent des informations sur la culture de celui qui les diffuse comme sur la culture cible16. Dès lors, doit-on considérer que ce

12 René Prévot, après des études à Berlin et Munich, a été le correspondant parisien des Münchner Neueste Nachrichten. Plusieurs Français, publiant sous des pseudonymes, rejoignent l’équipe rédactionnelle : Émile Toqué, Auguste Massé de la Fontaine, ancien journaliste à L’Univers, et Henri Laverne, qui avait travaillé pour les services d’espionnage allemands. Andreas LASKA, Presse et propagande allemande en France occupée : des Moniteurs officiels (1870-1871) à la Pariser Zeitung (1940-1944), München, Herbert Utz, 2003, p. 135-140. 13 Le tirage de la Gazette, publié régulièrement dans le journal, s’élèverait à 4 000 exemplaires pour le 1er numéro, 17 000 pour le 3e. Début 1915, ce tirage s’accroîtrait pour atteindre 25 000 numéros. L’édition anniversaire du 1er novembre 1915 tire à 82 000 exemplaires. Un an plus tard exactement, la rédaction annonce 135 000 exemplaires, et même en mars 1917 160 000. Le point culminant est atteint fin octobre 1917, avec 175 000 exemplaires, chiffre stable jusqu’au 16 octobre 1918, date de la dernière indication de tirage. 14 Kurt KOSZYK, Deutsche Presse 1914-1945: Geschichte der deutschen Presse, t. IV, Berlin, Colloquium Verlag, 1986, p. 20 sq. 15 A. Laska s’est appuyé sur les témoignages de membres des formations bavaroises et saxonnes au sein des troupes d’occupation. Ces derniers sont conservés aux archives du Land de Bavière et de celui de Saxe. LASKA, Presse et propagande, p. 148-153. 16 Voir Jean-Noël JEANNENEY (dir.), Une idée fausse est un fait vrai. Les stéréotypes nationaux 80 DAVID WEBER journal d’occupation vise à réduire la mobilisation des esprits chez les populations occupées, ou bien mènerait-il plutôt une guerre des cultures ? Nous souhaitons y répondre en étudiant tout d’abord la stratégie mise en œuvre afin de lutter contre la mobilisation française des esprits en 1914 et les accusations de barbarie et de bellicisme portées par la presse et le gouvernement français. Nous nous demanderons si cette propagande positive doit être comprise comme une tentative de lutter contre la mobilisation des esprits en France en visant une intériorisation de la culture de l’autre. Comment expliquer, alors, l’importance de la place occupée dans le journal par la référence historique à la nation et son rôle dans le cadre d’une occupation ? Doit-on en déduire que ce retour sur soi est constitutif d’une guerre des cultures ?

La propagande du « bon occupant »

Un large consensus voit le jour en France, au commencement de la guerre, autour d’une barbarie allemande qui serait fondée sur le militarisme, mais aussi sur des caractéristiques attribuées aux Allemands en tant que peuple, une association d’images et de stéréotypes. Les accusations de la presse française réactivent des peurs anciennes17 qui indiquent l’importance de la mémoire de la guerre. Elles sont aussi induites par des rumeurs de terreurs qui seraient infligées par l’ennemi aux populations civiles de Belgique et du Nord de la France au début du mois d’août 1914. Ces exactions, qui sont avérées18, sont dues pour l’essentiel à la crainte, instrumentalisée par l’état-major allemand, d’une guerre populaire (Franktireurkrieg) comparable à celle de 1871. Elles font naître en retour des fantasmes puissants, tel celui accusant l’occupant de couper des mains à de jeunes enfants. Violences réelles et légendes engendrent une guerre de rapports officiels français et allemands dans la première moitié de l’année 1915, que la Gazette des Ardennes accompagne en multipliant les démentis. Cette ligne éditoriale demeure un des leitmotive du journal jusqu’à la fin du conflit, ce qui révèle le fort écho que rencontre les rapports français en Allemagne et dans le monde. Les journaux Le Matin, L’Écho de Paris, mais aussi Le Journal des débats ou Le Temps, sont accusés d’être des « bourreurs de crânes » ou des « fers à cerveaux »19, tandis que les écrivains nationalistes Maurice Barrès, Alfred Capus et René Bazin sont régulièrement pris pour cible. La Gazette offre une

en Europe, Paris, Odile Jacob, 2000. 17 J. A. ZEUNE, Der fremde Götzendienst. Leipzig, [s.n.], [1814], p. 40 ; cité d’après Maurice JACOB, « Souvenirs de guerre et stéréotypes », in Jean-Jacques BECKER, Jay M. WINTER, Gerd KRUMEICH et al. (dir.), Guerre et cultures, Paris, Armand Colin, 1994, p. 263. 18 John HORNE et Alan KRAMER, 1914. Les atrocités allemandes, Paris, Tallandier, 2001, p. 190 sq., 223 sq. 19 Gazette des Ardennes, n° 165, 31 mars 1916, p. 1 ; Gazette des Ardennes, n° 428, 8 juillet 1917, p. 1. L’EXPÉRIENCE DE LA GAZETTE DES ARDENNES 81 représentation, en négatif, de l’image véhiculée de l’ennemi dans l’opinion publique française : le barbare, sa responsabilité dans le conflit, la guerre menée par tous les moyens, y compris contre des populations civiles20, et contribue à ce titre à l’élaboration d’une vision nouvelle des événements. Le recours au témoignage permet de démontrer que la Gazette dit le vrai à l’inverse de la presse « boulevardienne21 », alors qu’elle traite avec une distance teintée d’ironie les réminiscences, telles le recours au terme « boche » qui avait déjà été employé lors de la guerre de 1870-187122. Ces témoignages, comme certains romans-feuilletons parus dans la rubrique culturelle de la Gazette des Ardennes23, participent de la diffusion de cette propagande du « bon occupant ».

Ils ne font pas violence aux hommes, respectent les femmes, aiment beaucoup les enfants, et ils ne sont pas chiches d’un morceau de pain et d’un bout de viande, d’une portion de « rata » ou de haricots, pour les vieux et les vieilles qui vont leur tendre leurs casseroles et leurs marmites à la porte des casernes. Chez l’habitant, ils sont affables et complaisants, chez le commerçant, corrects et polis… à part, bien entendu, quelques rares exceptions.24

C’est le poids des représentations qui est ici fondamental et sur lequel il convient d’agir. Le choix des figures est délibéré : partout les femmes, les enfants, les vieillards, y occupent une place particulière. Il convient de rassurer contre une invasion qui semble avoir été vécue non seulement comme un viol du territoire, mais aussi comme celui des corps et de l’ordre civil25. À cet égard, le choix des lieux attire également l’attention. La notion de la maison ou du village intact y est très présente, comme l’atteste un témoin de la situation en France occupée pour qui, en juin 1915, « les Allemands, loin de démolir, reconstruisent »26. La position du journal est inconfortable : elle se lit dans la manière dont l’envahisseur – qui a réagi à une violence fantasmée – est amené à se défendre contre une campagne de calomnie née des fantasmes que son invasion a engendrés en retour27. Ces fantasmes ont indéniablement une force mobilisatrice que l’occupant doit

20 Stéphanie DALBIN, Visions croisées franco-allemandes de la Première Guerre mondiale. Étude de deux quotidiens : la Metzer Zeitung et L’Est républicain, Bern/ Berlin/ Bruxelles/ Frankfurt am Main/ New York/ Oxford/ Wien, Peter Lang, 2007, p. 164. 21 « Vandalisme », Gazette des Ardennes, n° 258, 9 septembre 1916, p. 1. 22 er Gazette des Ardennes, n° 18, 1 février 1915, p. 4 ; Wolfgang LEINER, Das Deutschlandbild in der französischen Literatur, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1989, p. 181-186. 23 « La vie réelle aux pays occupés », Gazette des Ardennes, n° 56, 14 juin 1915, p. 1 ; « Un roman à Lille » de Paul Höcker, rédacteur en chef de la Liller Kriegszeitung, qui y relate l’histoire d’amour entre une jeune Lilloise et un officier allemand (septembre 1917-janvier 1918) ; « Fragments du journal d’une “Occupée” », Gazette des Ardennes, n° 355, 27 février 1917, p. 1. 24 « Allemands et Français », Gazette des Ardennes, n° 143, 9 février 1916, p. 1. 25 HORNE, KRAMER, 1914, p. 216, 341 sq. 26 Gazette des Ardennes, n° 56, 14 juin 1915, p. 1. 27 Marc BLOCH, Écrits de guerre (1914-1918), Paris, Armand Colin, 1997, p. 178 sq. 82 DAVID WEBER chercher à étouffer : c’est pourquoi ils vont constituer un élément de propagande et de contre-propagande. Les arguments employés forment toutefois un discours didactique et rapidement mécanique qui semble bien inadapté28. Dans la droite ligne du rapport du gouvernement allemand du mois de mai 1915, la Gazette des Ardennes impute aux gouvernements des pays de l’Entente la responsabilité des violences envers les populations civiles. Deux articles consacrés aux femmes allemandes qui sont internées en France en sont l’exemple. La Gazette retranscrit un article paru dans Le Bonnet rouge, dévoilant que les femmes françaises mariées à des Allemands auraient été internées avec leurs enfants afin de les pousser à divorcer29. Cet article appelle, trois jours plus tard, le commentaire d’un lecteur réel ou fictif indigné par la cruauté du gouvernement français30. Ces articles doivent être compris comme une réponse au scandale provoqué en mars 1916 par la déportation de civils lillois par les autorités allemandes31, qui semble avoir été motivée par la volonté d’éloigner de cette zone des bouches inutiles à nourrir32. Aussi le journal désigne-t-il à son tour l’ennemi comme le barbare. La nation ayant besoin de se définir par rapport à un autre, et contraire à cet autre, l’inversion des pôles conduit toujours à une représentation négative de l’ennemi, source de dérive conflictuelle. Quel ennemi le journal pouvait-il désigner, puisqu’il ne peut être question pour lui de pointer du doigt les populations françaises occupées ? Il apparaît, au regard des sources étudiées, que l’occupant transmet bien la ligne de l’idéologie dominante. L’Angleterre, et sa politique extérieure à visées hégémoniques, est tout d’abord désignée comme la première responsable, tandis que la France est présentée dans l’éditorial du 6 décembre 191433 comme manipulée par ses alliés, conformément aux vues exposées par le chancelier de l’Empire, Theobald von Bethmann-Hollweg. Ces lignes rappellent le sentiment d’avoir subi une humiliation à Tanger, où l’entente entre le ministre des affaires étrangères français Théophile Delcassé et Georges V se révélait hostile aux intérêts allemands. L’autre ennemi tout désigné est la Troisième République et ses hommes politiques : dissocier gouvernants et gouvernés permet de préserver les populations occupées. C’est l’offre de paix du chancelier T. von Bethmann- Hollweg en décembre 1916, la « paix glorieuse », qui servira à compter de cette date dans le journal à opposer la volonté pacificatrice de l’Empire34 au militarisme destructeur de la République35. C’est bien la Troisième

28 Jean-Jacques BECKER, Gerd KRUMEICH, La Grande Guerre. Une histoire franco- allemande, Paris, Tallandier, 2012, p. 108 sq. 29 « Une noble protestation », Gazette des Ardennes, n° 217, 30 juin 1916, p. 4. 30 « Une ignominie », Gazette des Ardennes, n° 221, 7 juillet 1916, p. 1. 31 BECKER, KRUMEICH, La Grande Guerre, p. 178. 32 BECKER, Oubliés de la grande guerre, p. 53-56. 33 Gazette des Ardennes, n° 6, 6 décembre 1914, p. 1. 34 « L’idée généreuse », Gazette des Ardennes, n° 322, 30 décembre 1916, p. 1. 35 Gazette des Ardennes, n° 543, 1er février 1918, p. 1. L’EXPÉRIENCE DE LA GAZETTE DES ARDENNES 83

République qui est visée derrière les noms de Viviani, Poincaré ou Clemenceau, car leur personnalité n’intéresse la rédaction du journal que dans la mesure où elle reflète leur politique étrangère revancharde et belliqueuse ou les points faibles du système. La France, mal gouvernée, apparaît ainsi affaiblie politiquement36. Il en découle deux constatations. La propagande allemande est sur la défensive, affaiblie par la nécessité de désigner non pas un ennemi, mais un ensemble fluctuant d’ennemis. Par ailleurs, l’échec de la Gazette est inscrit d’avance car, si elle peut rejeter les accusations, voire tenter de les retourner contre l’ennemi, elle ne peut les réfuter. L’autojustification et les contre-accusations confirment simplement les charges aux yeux de ceux qui en sont à l’origine37. Si l’on suit les réflexions de l’historien Marc Bloch, c’est dans la conscience collective que l’on devrait rechercher la clé de cette opposition38. À ce titre, le journal est bien un révélateur de la culture des belligérants et des civils occupés pendant la guerre. Il apparaît en effet que l’occupant véhicule, malgré lui, d’autres éléments de sa propre culture : la crise de l’identité nationale engendrée par le conflit comme par l’absence d’ennemi clairement identifié et la crainte plus profonde des soulèvements populaires39. Cela peut se lire dans la méthode consistant à développer un véritable culte de la vérité en publiant les communiqués militaires français et allemands afin d’éviter, comme dans l’Empire, une agitation des esprits. C’est pour la même raison que les mutineries observables dans l’armée française en 1917 sont à peine évoquées dans le journal étudié, ce qui pourrait bien participer d’une stratégie d’évitement. Cela se retrouve enfin dans les articles consacrés aux hommes d’État français qui témoignent d’une opposition plus radicale et plus fondamentale à la démocratie. C’est un processus complexe qui se lit en creux. Il se nourrit des mythes fondateurs de la nation et d’une aversion idéologique ancienne envers les citoyens politisés.

La réactivation du schéma mythologique de la fondation de la nation allemande (1813-1870)

Nous observons la détermination d’un antagonisme qui sert à cimenter une société qui se perçoit comme menacée. En Allemagne, on passe progressivement entre le XVIIIe siècle et le début du XXe siècle de la difficulté à définir la nation à une image de soi relevant de la culture de la démarcation. La France se rapproche de ce concept à partir de 1860 pour se

36 « Réouverture de la Chambre française », Gazette des Ardennes, n° 10, 3 janvier 1915, p. 1. 37 HORNE, KRAMER, 1914, p. 330. 38 BLOCH, Écrits de guerre, p. 181 sq. 39 HORNE, KRAMER, 1914, p. 170-179. Depuis les conventions de La Haye de 1899 et de 1907, l’Allemagne lutte au côté de la Russie en faveur d’une limitation, à défaut d’une interdiction, de la levée en masse et de la guerre irrégulière pour ces mêmes raisons. 84 DAVID WEBER distinguer de son voisin en historicisant sa conscience nationale40. Du côté allemand, ce fondamentalisme historique se situe dans la tradition du soulèvement national inauguré en 1813 et peut s’appuyer sur le dénouement heureux de 1870-1871 : il s’inscrit dans un continuum guerrier. La crise de l’identité nationale que nous avons décrite a conduit dans la Gazette des Ardennes à un retour aux mythes fondateurs de la nation – l’unité de la nation et de l’armée et celle du peuple et de son souverain. Bismarck a permis de réaliser ce que 1814 n’a fait qu’ébaucher, c’est-à-dire la cohésion du peuple grâce au souverain, mais aussi l’écrasement de la France, qui inscrit le soldat dans une tradition historique. Dans le même temps, la Gazette réagit aux accusations de la presse française qui, à compter de 1866, assimile l’Allemagne au militarisme. Les stéréotypes français relatifs au régime allemand s’inspirent également du poids de la société militaire et des valeurs aristocratiques dans la mise en place du régime impérial. Dans ce continuum guerrier, la figure impériale occupe en effet une place essentielle. A contrario, Guillaume II n’est pas présenté dans le journal étudié comme monarque absolu, mais, dans une tradition remontant au Saint-Empire, comme « le premier parmi les princes des États allemands ».

L’Empereur n’est pas le « monarque » de cette confédération ; les autres Rois, Grands-Ducs, etc., ne sont ni ses sujets ni ses vassaux, mais ses « confédérés », parmi lesquels il occupe la place d’honneur d’un président portant le titre « Empereur allemand » (et non pas « Empereur d’Allemagne » comme on dit couramment en France).41

Cette référence au Saint-Empire permet bien sûr de déconstruire à coup d’arguments historiques les stéréotypes français qui font du pouvoir impérial une autocratie, mais l’essentiel est ailleurs. Elle renouvelle en effet l’antagonisme culturel entre les deux pays lié au phénomène de « curialisation » (Norbert Elias42), la mise en place de la monarchie absolue ayant été beaucoup plus longue et marquée en France qu’en Allemagne. Aussi le développement des États germaniques est-il caractérisé dans le journal par une nouvelle définition de la liberté où les particularités deviennent libertés (le centralisme nuisant au contraire à la libre expression43) et où l’égalité des États est opposée à l’administration française niveleuse. Ce n’est pas la capacité de la France à s’unifier et à se doter d’un pouvoir fort qui se trouve ainsi mise en avant, mais sa centralisation excessive44 : les points de divergence et non de convergence.

40 Michael JEISMANN, La patrie de l’ennemi. La notion d’ennemi national et la représentation de la nation en Allemagne et en France de 1792 à 1918, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 40, 164. 41 « Comment est gouvernée l’Allemagne », Gazette des Ardennes, n° 211, 19 juin 1916, p. 1. 42 Norbert ELIAS, La société de cour, Paris, Calmann-Lévy, 1974 ; Jacques DEMORGON, Complexité des cultures et de l’interculturel, Paris, Anthropos, 1996, p. 203. 43 Gazette des Ardennes, n° 20, 8 février 1915, p. 1. 44 Gazette des Ardennes, n° 479, 21 octobre 1917, p.1. L’EXPÉRIENCE DE LA GAZETTE DES ARDENNES 85

Ce repli s’observe aussi par le fait que l’occupant parle de soi quand il parle par l’entremise de l’autre. Le soulèvement contre l’occupant en 1813 n’occupe que peu de place dans la Gazette, à la différence du traitement de Jeanne d’Arc et de Napoléon, présentés comme des victimes de l’Angleterre45. Les extraits du Mémorial de Sainte-Hélène du comte de Las Cases (1835)46, du Supplice de Jeanne d’Arc d’après Michelet (1853)47, mais surtout du livre de Bertrand Barère (1798) La liberté des Mers48, viennent exprimer, par un jeu de miroirs, la conscience nationale telle qu’on l’observe en Allemagne à la parution de l’article. Le modèle traditionnel de l’image de l’ennemi ne rencontrerait plus d’écho véritable à cette date, contrairement à la configuration politique du jeune empire49. Cet antagonisme, plus récent, puisqu’il date des années 1880 et de la politique navale de l’empire wilhelminien, a été en effet ravivé peu de temps avant la guerre au moment de la guerre des Boers, puis de la deuxième crise marocaine. La France, attaquée jadis comme l’Allemagne aujourd’hui, doit mener une guerre défensive contre l’Angleterre. La signification du texte initial est ici bien réinterprétée, créant donc de nouvelles unités de sens qui étaient absentes du contexte français. Peut-on observer un phénomène d’appropriation chez l’occupé ? Il est rendu impossible par le traitement des espaces frontaliers dans le journal, le Rhin et l’Alsace-Lorraine. La Gazette des Ardennes publie des extraits du Rhin (1841) dans lequel Victor Hugo développe l’idée d’une « communauté naturelle de la France et de l’Allemagne50 » mais les rédacteurs s’empressent de relever le manque de perspicacité de l’auteur quant à ses revendications portant sur la rive gauche du Rhin. La Gazette reprend au contraire à son compte les théories d’Albert Sorel et des publicistes allemands du XIXe siècle qui affirment l’existence d’une continuité offensive et guerrière de la France depuis Richelieu, Louis XIV, les guerres révolutionnaires et napoléoniennes.

La monarchie vise par un mouvement continu à atteindre la frontière du Rhin et elle l’obtint sous Louis XIV en occupant l’Alsace. Bien mieux, la Ligue du Rhin place sous la protection du roi de France et met en son pouvoir les princes allemands des régimes de l’Eiffel et du Hardt. […] La Révolution recueillit

45 « Bourreau de Jeanne d’Arc et de Napoléon », Gazette des Ardennes, n°163, 26 mars 1916, p. 1. 46 Gazette des Ardennes, n° 108, 110 et 112, 19, 24 et 28 novembre 1915. 47 « Le supplice de Jeanne d’Arc par Michelet », Gazette des Ardennes, n° 164, 29 mars 1916, p. 1. Plusieurs romans-feuilletons republiés sont des récits de guerres fictives entre la France et l’Angleterre : La Guerre fatale France-Angleterre (s.l., s.d. [1901]) du capitaine DANRIT en 60 épisodes en 1916 et Le Sous-Marin « Le Vengeur » (Paris, Ollendorff, 1902) de Pierre MAËL [pseudonyme collectif pour Charles CAUSSE et Charles VINCENT], paru en 52 épisodes en 1916-1917. 48 « Les maux de la France (souvenirs rétrospectifs) », Gazette des Ardennes, n° 296, e 14 novembre 1916, p. 1. Extraits de la préface du 3 tome du livre de Bertrand BARÈRE, La Liberté des mers ou le gouvernement anglais dévoilé, [s.l.], 1798, t. III. 49 JEISMANN, La patrie de l’ennemi, p. 290. 50 Gazette des Ardennes, n° 27, 5 mars 1915, p. 1. 86 DAVID WEBER

l’héritage des rois de France. Les armées françaises de 1795 à 1802 achevèrent leur œuvre. […] Œuvre complète – qui oserait le nier ? […] Ce n’est qu’en 1812, après avoir subi tant d’invasions et d’humiliations, depuis Louvois jusqu’à Napoléon, que l’Allemagne enfin se dressa pour secouer le joug.51

Cette filiation vise à imputer à la France la continuité offensive qu’elle prête à l’Allemagne, mais ce n’est pas là ce qui est le plus important. Elle réactive le sentiment anti-absolutiste de la faiblesse militaire du Saint- Empire52. Cela se comprend si l’on considère que, selon la place prise par le fleuve dans la définition allemande de la nation, s’en prendre au Rhin revient à s’en prendre à la représentation que l’Allemagne a d’elle-même53. Celle-ci se situerait également dans son bon droit lorsqu’elle annexe l’Alsace- Lorraine, tant pour ce qui est des traditions historiques que des traditions militaires car « c’est Louis XIV qui, le premier “arracha” jadis, par la force, à la vieille Allemagne dont elles faisaient partie depuis huit siècles, ces provinces de race et de langue germanique54 ». Elle ne fait qu’exprimer au fond la conviction que le Reichsland était une vieille terre germanique et qu’à ce titre il devait rester allemand. En 1917, la publication de deux articles du parlementaire alsacien Eugène Ricklin et du sénateur Jean Hoeffel n’y change rien. Ils permettent de souligner le caractère démocratique du régime et l’autonomie limitée accordée en 191155 et plaident en faveur d’une autonomie dans l’Empire. Dans la controverse ayant opposé Ernest Renan à David Friedrich Strauss, l’équipe rédactionnelle du journal prend sans surprise parti pour D. F. Strauss, conformément à la définition allemande de la nation à cette date. La propagande vers l’extérieur se différenciait donc peu de la propagande de l’intérieur prévue comme un nécessaire retour sur soi. Si l’on comprend l’intérêt de la réactivation des mythes nationaux en période de conflit, elle ne pouvait aider à une pacification des territoires occupés. L’image de soi que l’occupant allemand voudrait propager en France favorise au contraire l’exclusion. Elle est par conséquent susceptible de cimenter l’appartenance nationale de l’ennemi en s’appuyant sur un antagonisme des cultures développé dès avant guerre.

51 « Le Rhin au Roy », Gazette des Ardennes, n° 452, 30 août 1917, p. 1. 52 « Hohenzollern », Gazette des Ardennes, n° 98, 27 octobre 1915, p. 1. 53 JEISMANN, La patrie de l’ennemi, p. 49. 54 « Paix française III », Gazette des Ardennes, n° 415, 16 juin 1917, p. 1. 55 « Paix française III », Gazette des Ardennes, n° 415, 16 juin 1917, p. 1. Hans-Ulrich WEHLER, « Unfähig zur Verfassungsreform. Das “Reichsland” Elsass-Lothringen von 1870 bis 1918 », in Hans-Ulrich WEHLER, Krisenherde des Kaiserreichs: 1871-1918. Studien zur deutschen Sozial- und Verfassungsgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1970, p. 30-51. 55 « Voix d’Alsace-Lorraine », Gazette des Ardennes, n° 419, 23 juin 1917, p. 1. L’EXPÉRIENCE DE LA GAZETTE DES ARDENNES 87

Le conflit des cultures

Quelle a été la place et quel a pu être l’impact des idées développées dans le Manifeste au monde de la culture sur la Gazette des Ardennes ? La Kultur y est définie contre les idéaux occidentaux, un universalisme censé incarner la vérité contre le particularisme culturel et linguistique allemand56. Dans une tentative syncrétique, la Gazette des Ardennes suggère que ces deux conceptions se complètent. Pour le journal – qui cite Victor Hugo – « L’Allemagne est le cœur, la France est la tête. L’Allemagne et la France sont essentiellement la civilisation. L’Allemagne sent, la France pense. Le sentiment et la pensée c’est tout l’homme civilisé57 ». Loin d’être présentée comme le pendant négatif de la civilisation, la Kultur pourrait s’adjoindre à la civilisation contre la « barbarie »58. Quelles sont les caractéristiques de la Kultur aux yeux du lecteur qui les découvre dans les pages du journal au printemps 1915 ? Elles peuvent être tout d’abord résumées par la formule laconique « l’ordre, l’exactitude et le travail assidu », qualités acquises selon la Gazette à l’école du militarisme qui rend ensuite à la société « un homme droit, consciencieux et honnête. D’où il résulte que la probité notoire des petits fonctionnaires allemands est, en effet, l’un des supports les plus précieux de l’État59 ». Le journaliste allemand reprend donc à son compte, pour les retourner en leur positif, les conclusions du Comité d’études et de documents sur la guerre60 pour qui ces valeurs spécifiques à la société militaire et à l’imaginaire guerrier permettaient de dévaloriser l’ennemi. Mais il exprime aussi le caractère immuable de cette culture. L’esprit de sacrifice qui lui est lié se transmet en effet « de père en fils61 », en adéquation avec une vision organique de la société ; il est aussi et surtout intrinsèque à la nation allemande que cet esprit fonde62 car ce militarisme découle de qualités qui sont durablement allemandes.

56 Reinhard RÜRUP, « “Der Geist von 1914” in Deutschland: Kriegsbegeisterung und Ideologisierung des Krieges im Ersten Weltkrieg », in Bernd HÜPPAUF (dir.), Ansichten vom Krieg: vergleichende Studien zum Ersten Weltkrieg in Literatur und Gesellschaft, Königstein im Taunus, Forum Academicum, 1984, p. 1-30. 57 « Que penserait Victor Hugo de la Grande Guerre ? », Gazette des Ardennes, n° 27, 5 mars 1915, p. 2. 58 Voir, sur l’évolution de cette notion en Europe, l’ouvrage de Jean SCHILLINGER, Philippe ALEXANDRE (dir.) Le Barbare. Images phobiques et réflexions sur l’altérité dans la culture européenne, Bern/ Berlin/ Bruxelles/ Frankfurt am Main/ New York/ Oxford/ Wien, Peter Lang, coll. Convergences, 2008. Plus largement, nous renvoyons aux définitions des concepts analysés par Reinhart Kosellek, en particulier dans la somme collective : Reinhart KOSELLEK, Werner CONZE, Otto BRUNNER (dir.) Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, Stuttgart, Klett-Cotta, 9 vol., 1972-1997. 59 « Le militarisme » (1), Gazette des Ardennes, n° 36, 5 avril 1915, p. 1. 60 Charles ANDLER, Ernest LAVISSE, Pratique et doctrine allemandes de la guerre, Paris, Armand Colin, 1915. 61 « Une question allemande », Gazette des Ardennes, n° 382, 17 avril 1917, p. 1. 62 « Le militarisme » (1), Gazette des Ardennes, n° 36, 5 avril 1915, p. 1. 88 DAVID WEBER

Ces deux acceptions diffèrent donc dans leurs présupposés. La conception française prend sens en regard de valeurs universelles alors que, dans la conception allemande, ce sont les caractéristiques exclusives qui doivent permettre à la nation de participer au mouvement de la civilisation européenne. Dans la droite ligne du concept de la nouvelle communauté nationale (Volksgemeinschaft) préconisée par les « idées de 191463 », cette dichotomie ancienne entre Zivilisation et Kultur s’exprime contre une civilisation occidentale matérielle et superficielle s’incarnant dans le caractère « verbeux » et les « phrases creuses » des parlementaires français64. Il s’agit de convaincre le lectorat que le système parlementaire ne peut être appliqué à l’Allemagne, mais paradoxalement, il induit l’idée que le système allemand, découlant de spécificités allemandes, ne peut être non plus appliqué aux territoires occupés. Les nombreuses références à la culture classique allemande montrent au contraire qu’elle est tout en intériorité65. Cette culture est également pensée sur le mode vitaliste qui justifie le besoin de la jeune nation de s’étendre. Des voix extérieures, par l’objectivité que le lecteur est tenté de leur attribuer, donnent plus de crédit aux bilans dressés dans le journal : un article d’un journaliste suisse romand « pourtant connu pour ses opinions antiallemandes66 », d’autres, tirés de la Liberté de Fribourg « dont la tendance [serait] nettement favorable à l’Entente67 » ou encore celui présenté comme étant de la main d’un « lecteur industriel français du Nord » qui rappelle l’essor économique de l’Allemagne au XIXe siècle, puis entre 1900 et 191068. Des graphiques, enfin, apportent la caution scientifique qui manquait. L’Allemagne est présentée comme une « jeune nation » visant simplement à obtenir, en référence au discours du chancelier Bülow, la « place au soleil69 » qui lui reviendrait. Dès le printemps 1915, mais surtout à compter de 1917, cette conception vitaliste et morale se double d’une lecture social-darwiniste du rapport entre les nations européennes. La guerre, dès lors régénératrice, permettrait de changer l’Europe spirituellement et de remplacer la vieille civilisation française par celle de la jeune nation70. Ainsi, conformément au Manifeste,

63 BECKER, KRUMEICH, La Grande Guerre, p. 99 sq. 64 « Quelques vérités. Article du Bruxellois », Gazette des Ardennes, n° 117, 10 décembre 1915, p. 1. 65 « L’art et la guerre », Gazette des Ardennes, n° 59, 24 juin 1915, p. 1 ; « Une question allemande », Gazette des Ardennes, n° 382, 17 avril 1917, p. 1. 66 « Impressions d’Allemagne », Gazette des Ardennes, n° 319 et 321, 24 et 28 décembre 1916. 67 « Le problème de la famine », Gazette des Ardennes, n° 457, 9 septembre 1917, p. 2. 68 « La puissance financière de l’Allemagne », Gazette des Ardennes, n° 164, 29 mars 1916, p. 2. 69 Selon l’idée formulée par le futur chancelier Bernhard von Bülow, alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères, le 6 décembre 1897. 70 Eberhard DEMM, « Les intellectuels allemands et la guerre », in Jean-Jacques BECKER, Stéphane AUDOIN-ROUZEAU (dir.), Les sociétés européennes et la guerre de 1914-1918, Paris, Presses de l’université Paris X-Nanterre, 1990, p. 185. L’EXPÉRIENCE DE LA GAZETTE DES ARDENNES 89 l’Allemagne dont le patriotisme « est né d’un instinct de race, servi par l’unité de langue71 » apparaît dans la Gazette comme investie d’une mission passant par une victoire sur l’Angleterre qui signerait la libération de l’Europe72. Avant 1917 déjà, la Gazette souligne à intervalles réguliers la faiblesse de son voisin en matière économique. Si la Gazette ne cache pas que ces difficultés sont pour partie liées à l’occupation de régions industrielles au nord du pays73, elle souligne en 1918, engageant un véritable travail de sape, les souffrances d’une population qui ne serait sans doute plus en mesure de se relever après la guerre74. La radicalisation de l’idéologie nationale allemande partagée par les milieux pangermanistes n’est donc pas étrangère au journal, en particulier de son édition illustrée75. La rédaction offre d’ailleurs à ses lecteurs de faire la douloureuse constatation de la supériorité allemande par la lecture des réflexions de l’auteur du Sang des races (1899), Louis Bertrand, qui estime que « c’est une mauvaise méthode que de commencer par dénigrer et mépriser un ennemi beaucoup plus fort que soi. Que ne nous a-t-on fait toucher du doigt », s’interroge-t-il, « la force du Germain, au lieu de plaisanter sur ses tares et ses ridicules76 ? ». Ainsi le virulent article du 4 mai 1918, titré « La crise de la race française », représente-t-il plus l’aboutissement de cette ligne de pensée qu’une exception dans le journal. Ce seraient les valeurs de la société bourgeoise qui entraîneraient la décadence de la France, laquelle se trouve aggravée par une forte immigration et l’entrée de troupes étrangères dans l’armée nationale. La Gazette l’affirme sans ambages dans le même article : « Les étrangers, et parmi eux de nombreux soldats et ouvriers exotiques d’Amérique, d’Afrique, d’Asie etc. ont inondé la France ; et cela n’a pas contribué à améliorer la race77 ». Ces arguments constituent une arme redoutable contre le moral des populations occupées dans la mesure où ces stéréotypes sont partagés par la majeure partie des Européens et peuvent être renforcés par des extraits empruntés à la presse nationaliste et antisémite française. La Gazette reproduit dans le même article des extraits de La libre parole dans son édition du 19 janvier 1918 et les propos de Ferdinand d’Orléans, duc de Montpensier, cité d’après La revue hebdomadaire. La Gazette essaie de faire prendre conscience aux lecteurs français qu’ils ne pouvaient pas jouer dans la même cour que les Allemands. Le journal voudrait faire croire à une tendance de la « race française » à la déliquescence, renforcée par les choix de ses dirigeants. La tentative

71 « En Allemagne », Gazette des Ardennes, n° 167, 5 avril 1916, p. 1. 72 « L’Europe », Gazette des Ardennes, n° 319, 24 décembre 1916, p. 1. 73 Gazette des Ardennes, n° 276, 10 octobre 1916, p. 1. 74 « La crise de la race française », Gazette des Ardennes, n° 620, 4 mai 1918, p. 1. 75 Gazette des Ardennes, 1er août 1916, édition illustrée ; voir également les éditions du 1er septembre et du 16 octobre 1916, ainsi que du 15 mai 1917. 76 « Arrogance et sagesse », Gazette des Ardennes, n° 165, 31 mars 1916, p. 1. 77 « La crise de la race française », Gazette des Ardennes, n° 620, 4 mai 1918, p. 1. 90 DAVID WEBER didactique de la rédaction de la Gazette consiste dès lors à mettre tout en œuvre afin que les Français comprennent les Allemands dans leur supériorité.

Conclusion

Le journal étudié montre l’importance du travail mené afin de déconstruire l’image que la presse française attribue à l’Allemagne et à son peuple. Se disculper des accusations dont on est l’objet révèle toutefois davantage la faiblesse de la jeune nation, sa hantise des mouvements populaires, que sa force. La crise de l’identité nationale engendrée par le conflit et un ennemi difficile à cerner, la crainte des débordements aussi, font que le périodique ne trouve d’autre solution que le recours aux mythes fondateurs qu’il réactualise sans cesse dans une perspective autoréférentielle, y compris là où il entend, parfois, mettre en avant des points de convergence. Le paradoxe réside dans le fait qu’il réactive par ce biais les antagonismes nationaux, là où l’on attendrait qu’il pacifie les territoires occupés afin d’éviter des débordements. Le journal combat bien la mobilisation des esprits en France en menant une guerre des cultures. Loin de la volonté affirmée d’un but commun, la Gazette des Ardennes confère au peuple allemand une dimension messianique en raison de sa supériorité. Cette ligne idéologique contribue, tout bien considéré, à faire des Français des ennemis perdants dans la lutte que se livrent les peuples pour la domination en Europe. Si la propagande intérieure a réussi sur un point, celui de faire croire à une armée allemande invaincue jusqu’au bout, l’histoire de la Gazette des Ardennes ne pouvait permettre d’engager une reconstruction après une victoire allemande. Le quotidien renforce ainsi un antagonisme qui sera long à se résorber, au niveau politique comme dans les mémoires. Nous pouvons toutefois nous demander si ce journal n’aurait pas favorisé à son insu le fléchissement de la mobilisation française, voire certaines aspirations pacifistes à partir de 1916, a fortiori en 1917. Cette présentation d’un antagonisme culturel irréductible et immuable pouvait en effet difficilement résister au sentiment partagé des horreurs de la guerre qui gagne en importance à compter de 1915. C’est par l’image d’une souffrance commune, celle engendrée par une guerre prolongée, vécue de part et d’autre du front par l’ensemble des populations civiles, que transparaît à travers les lignes la fatigue ayant gagné les populations. Esthétique de la violence

Heroismus und Defätismus Alte und neue Feindbilder in den Chansons der Poilus

Janina ARNDTS Aix-Marseille/Tübingen

Die äußerst konfliktreiche Geschichte der deutsch-französischen Beziehungen hat über viele Generationen hinweg tiefe Spuren im kollektiven Gedächtnis beider Nationen hinterlassen. Das von häufigen kriegerischen Auseinandersetzungen beeinträchtigte Verhältnis zwischen Deutschen und Franzosen spiegelt sich auch im Liedgut beider Völker wider. Es existieren französische Chansons, die über viele Jahrzehnte den Hass auf die Deutschen propagieren, sowie deutsche Lieder, die einen virulenten Franzosenhass verbreiten. Ebenso wie die Kriege zwischen beiden Nationen formen von Ressentiments und Revanchegedanken geprägte Lieder, Hymnen und Chansons das kollektive Gedächtnis beider Völker. Frankophobe Lieder werden in Deutschland, germanophobe Chansons in Frankreich über die Elternhäuser, den Schulunterricht, die Gesangsvereine und den Militärdienst an die jeweils nächste Generation vermittelt. Ein solches Liedgut perpetuiert und verstärkt die gegenseitige Konfliktbereitschaft und wird mit jedem Konflikt immer umfangreicher. Bevor der Frage nachgegangen wird, ob es Abweichungen von diesem musikalischen Mainstream gibt, sollen hier zunächst die Traditionslinien eines Liedguts aufgezeigt werden, das Feindbilder kultiviert.

Erste Feindbilder

Auf der deutschen Seite entstehen die ersten frankophoben Lieder während der Zeit der Befreiungskriege, vor allem in den Jahren 1812 und 1813. Zu diesen Liedern gehört zum Beispiel Ernst Moritz Arndts Der Gott, der Eisen wachsen ließ, ein Text, der in seiner martialischen Phantasie davon träumt, mit „Franzosenblut“ das „Eisen (zu) röten“. 94 JANINA ARNDTS

Weitere frankophobe Lieder entstehen während der Rheinkrise von 1840/41. Hier sind das Rheinlied von Nikolaus Becker und von Max Schneckenburger zu nennen, während das von Hoffmann von Fallersleben gedichtete Lied der Deutschen entgegen einer geläufigen Einschätzung und trotz der Zeile Deutschland, Deutschland über alles kein frankophobes Lied ist. Nikolaus Becker widmete sein im September 1840 veröffentlichtes Rheinlied dem Dichter , der im Januar 1840 in einer Rede vor der französischen Kammer den Anspruch Frankreichs auf das linke Rheinufer erneuert hatte. Das Lied wird so zu einer zugeeigneten Replik. Es beginnt mit folgenden Zeilen: „Sie sollen ihn nicht haben / den freien deutschen Rhein, ob sie wie gierige Raben / sich heiser danach schrein.“ Die anlässlich der Rheinkrise geschriebenen Verse wurden von vertont und bald überall gesungen. Reichskanzler Otto von Bismarck sagte 1893 über das Rheinlied, dass es wegen der Schnelligkeit, mit der es von der Bevölkerung aufgegriffen wurde, wirkte, „als ob wir ein paar Armeecorps mehr am Rhein stehen hätten, als wir hatten“1. Alphonse de Lamartine antwortete am 1. Juni 1841 mit seiner Marseillaise de la Paix, der einen Tag später Alfred de Mussets Le Rhin allemand folgte. Musset erinnert in seinem später vertonten Gedicht an die gegen Ludwig XIV. und Napoleon I. erlittenen militärischen Niederlagen der Deutschen: „Nous l’avons eu, votre Rhin allemand. Que faisaient vos vertus germaines, Quand notre César tout- puissant / De son ombre couvrait vos plaines?“. Als ausgesprochen frankophobes Lied kann Die Wacht am Rhein bezeichnet werden, in der es unter anderem heißt: „Solang ein Tropfen Blut noch glüht / noch eine Faust den Degen zieht, und noch ein Arm die Büchse spannt / betritt kein Welscher deinen Strand. Lieb Vaterland, magst ruhig sein / Fest steht und treu die Wacht, die Wacht am Rhein!“. Das Lied Die Wacht am Rhein hatte im Kaiserreich von 1871 neben der Hymne beim Volk den – wenngleich nie staatlich anerkannten – Status einer Nationalhymne der Deutschen; das Lied wurde häufig bei offiziellen Anlässen gesungen. Auch wenn die Rheinkrise militärisch folgenlos blieb, beweist sie doch, wie groß auf beiden Seiten des Rheins die Bereitschaft war, einen deutsch- französischen Krieg zu riskieren. Die patriotischen und meist frankophoben Lieder der Befreiungskriege und der Rheinkrise gehörten zum musikalischen Marschgepäck der Preussen, Badener, Bayern und Württemberger, die 1870 in den Deutsch-Französischen Krieg zogen. Diese Lieder gehörten ebenfalls zum musikalischen Repertoire der deutschen Soldaten, die im August 1914 in den Ersten Weltkrieg marschierten. Hinzu kamen nun Lieder, die den Sieg von 1870, insbesondere die Schlacht von Sedan, den Kaiser und Bismarck

1 Zitiert in Aachener Zeitung vom 2. Oktober 2009: http://www.aachener- zeitung.de/lokales/geilenkirchen/nikolaus-becker-gluehender-patriot-oder-dummer-kerl- 1.328920 (Zugriff 27.08.2013). ALTE UND NEUE FEINDBILDER IN DEN CHANSONS DER POILUS 95 glorifizierten. In den Tornistern der Deutschen befanden sich auch Kriegsliederbücher. Eines von ihnen trug den bezeichnenden Titel Jeder Stoß ein Franzos2 und kündigte damit die Bajonettkämpfe an, die auf den Schlachtfeldern des Ersten Weltkriegs bevorstanden. Im kollektiven Gedächtnis Frankreichs kann der Deutsch-Französische Krieg von 1870/71 und der Erste Weltkrieg eine Einheit bilden, insofern den Söhnen und Enkeln der in Sedan und Metz besiegten Franzosen 1918 die lang ersehnte Revanche gegen das Deutsche Reich gelingt. Das musikalische Marschgepäck der Poilus bestand zu Beginn des Ersten Weltkrieges aus der Marseillaise, dem Chant du départ und den nach der Niederlage im Deutsch-Französischen Krieg verfassten chansons revanchardes. Die von Rouget de Lisle in der Nacht auf den 26. April 1792 während der Kriegserklärung an Österreich im elsässischen Straßburg verfasste Marseillaise hatte zunächst den Titel Chant de guerre pour l’armée du Rhin – Kriegslied für die Rheinarmee. Mit den Worten Aux armes, citoyens, formez vos bataillons! rief die Marseillaise zum Kampf gegen die Feinde Frankreichs auf, damit – wie es blutrünstig heißt – deren unreines Blut der Äcker Furchen tränke. Das Kriegslied wurde 1795 erstmals und 1871 erneut zur Nationalhymne Frankreichs erklärt. Das Revolutions- und Kriegslied Le Chant du Départ war von 1804 bis 1815 die Nationalhymne Frankreichs und Schlachtgesang der napoleonischen Heere. Das mit den Zeilen La victoire en chantant nous ouvre la barrière beginnende Lied blieb bis in unsere Zeit populär.

La chanson revancharde

Als getreues Abbild einer nationalistisch gesinnten Gesellschaft entsteht ab 1871 ein neues musikalisches Genre, das sich bis zum Beginn des Ersten Weltkrieges beim französischen Publikum großer Beliebtheit erfreut: la chanson revancharde. Wegen des enormen Erfolges solcher Chansons spezialisieren sich Autoren und Komponisten wie Lucien Delormel, Gaston Villemer und Paul Déroulède, die selbst am verlorenen Krieg teilgenommen haben, auf die Produktion revanchistischer Lieder. Den Reigen der chansons revanchardes eröffnet Gaston Villemers 1871 veröffentlichtes Chanson Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ! Es thematisiert eines der Leitmotive der französischen Politik der Nachkriegszeit, nämlich die Rückeroberung der beiden verlorenen Provinzen. Dieses Ziel wird einer der Gründe für die Teilnahme Frankreichs am Ersten Weltkrieg sein. Der Refrain des Chansons ist eine patriotische Kampfansage der Elsässer und Lothringer an die Deutschen: « Vous n’aurez pas l’Alsace et

2 Irmgard HEIDLER, Der Verleger Eugen Diederichs und seine Welt (1896-1930), Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 1998, S. 393. 96 JANINA ARNDTS la Lorraine, / Et, malgré vous, nous resterons français, / Vous avez pu germaniser la plaine, / Mais notre cœur vous ne l’aurez jamais ! ». Heroisierende Chansons erleichtern die gesellschaftliche Bewältigung der militärischen Niederlage von 1871, indem sie die Tapferkeit der besiegten Soldaten besingen, diese Tugend aber den an Zahl und Material überlegenen Siegern absprechen. Im Repertoire der chanson revancharde folgen vor allem die Chansons Les Cuirassiers de Reichshoffen und Le Clairon diesem aus politischer und psychologischer Sicht verständlichen Schema: Das negative Feindbild beider Chansons soll das nationale Selbstbild aufwerten. Die überwiegend deutschsprachigen Elsass-Lothringer teilen häufig die in Frankreich virulente haine du Boche nicht. Viele bleiben Frankreich emotional verbunden, können aber Deutschland, das ihnen kulturell nahe steht, nicht hassen3. Die Autoren der chansons revanchardes setzen sich über dieses Dilemma der Elsass-Lothringer hinweg: Sie erfinden Geschichten, in denen sich Männer, Frauen und sogar Kinder hasserfüllt gegen die deutsche Fremdherrschaft wehren. Einige Beispiele seien hier genannt. Als in Frankreich die Befürchtung wächst, dass die ledigen Frauen der verlorenen Provinzen auch preußische Soldaten heiraten könnten, nimmt sich Villemer 1881 dieser Thematik in seinem Chanson La fiancée alsacienne an. Eine junge Elsässerin liebt ihren in der französischen Armee dienenden Verlobten so sehr, dass sie sich eher das Leben nimmt, als sich von einem preußischen Offizier zur Hochzeit zwingen zu lassen. Besonders aufschlussreich ist das Chanson Le fils de l’Allemand, dessen Text Villemer und Delormel 1882 verfassen: Ein preußischer Offizier klopft an die Tür einer Lothringerin, die gerade ihr eigenes Kind stillt. Er bringt ihr seinen Sohn, dessen Mutter einen Tag zuvor bei der Geburt gestorben ist, und fleht sie an, dem Säugling von ihrer Milch zu geben. Die Frau lehnt diese Bitte ab: Im Krieg hätten preußische Soldaten ihren erstgeborenen Sohn in seiner Wiege getötet. Ihre Muttermilch sei französisch: « Mes garçons chanteront plus tard , / Je ne vends pas mon lait au fils d’un Allemand. » Das Thema der Revanche ist auch in diesem Chanson präsent: Zum einen verweigert die Lothringerin den Ammendienst, zum anderen verkündet sie, dass ihre Söhne eines Tages die Marseillaise singen werden. Die Darstellung der Preußen als barbarische Soldateska, die selbst Kinder in der Wiege tötet, soll die Franzosen in ihrer haine du Boche bestärken und der Patriotismus der lothringischen Mutter sie zur Revanche verpflichten. Diese doppelte Funktion erfüllt auch das 1885 geschriebene Chanson Le violon brisé. Ein Greis erzählt, dass die Kinder gerade zum Spiel seiner Violine tanzten, als unerwartet die Feinde erschienen. Als er ohne Angst auf die Deutschen zugegangen sei, hätten die Soldaten ihn zu Boden gestoßen und dann gefragt, wer er denn sei, um ihnen die Stirn zu bieten. Nach seiner Antwort „Je suis, dis-je, en me redressant / L’ennemi des peuples esclaves !“

3 Alfred WAHL, Jean-Claude RICHEZ, L’Alsace entre France et Allemagne, Paris, Hachette, 1994, S. 250. ALTE UND NEUE FEINDBILDER IN DEN CHANSONS DER POILUS 97 hätten sie ihn geohrfeigt und verlangt, die Lieder ihres Königs zu spielen. Als er stattdessen die Marseillaise angestimmt habe, hätten die Deutschen seine Violine zerbrochen: Die zerbrochene Violine soll verdeutlichen, dass die Deutschen nicht länger zu den Kultur-völkern zählen. Sie gehören vielmehr zu den peuples esclaves, die ihren Monarchen untertan sind und die Ideale der Französischen Revolution – Liberté, Égalité, Fraternité – bekämpfen. Nicht anders als zur Zeit der Revolutionskriege, ist die Marseillaise, die der Greis spielt, eine gegen die äußeren Feinde Frankreichs und seiner Ideale gerichtete Hymne. Andere Chansons zeigen explizit, dass von der neuen Armee der Dritten Republik die Revanche für die 1870/71 erlittene Demütigung erwartet wird : In seinem Chanson En revenant de la revue beschreibt Delormel die Militärparade, die anlässlich des französischen Nationalfeiertages am 14. Juli 1886 vor den Toren von Paris in Longchamp stattfindet. Dieses Chanson bleibt bis 1914 eines der beliebtesten Lieder zum Ruhme der französischen Armee. 1889 fordert Delormel die Soldaten der Dritten Republik auf, sich an den militärischen Siegen der Napoleonischen Armee ein Beispiel zu nehmen. In seinem Chanson Le Père la Victoire erzählt ein hundertjähriger Kriegsveteran einer Gruppe junger Rekruten sein Soldatenleben. Die Rekruten sollten ihm nacheifern: « Marchez à la gloire ! / Mes chers enfants, / Revenez triomphants. » Mit diesem Appell ruft der Kriegsveteran die Rekruten zur Revanche auf. An die aus französischer Sicht glorreiche Zeit der Napoleonischen Kriege erinnert auch das Chanson Le Rêve passe aus dem Jahre 1906: Einem jungen Soldaten erscheint im Traum zunächst die Kavallerie Napoleons, dann eine Hydra, die auf jedem ihrer neun Köpfe eine preußische Pickelhaube trägt. Im Kampf gegen die preußische Hydra sollen die Soldaten der Dritten Republik ebenso tapfer sein wie die napoleonischen Helden. Die Metapher, die den deutschen Feind als schlangenartiges Ungeheuer karikiert, ist der griechischen Mythologie entlehnt. Im Repertoire der chansons revanchardes stellt diese Karikatur eine weitere Variante des propagierten Feindbildes dar. Die französischen Soldaten sollen – wie einst der Sagenheld Herakles – die Hydra enthaupten.

Chansons der Grande Guerre

Die Chansons, die das Heldentum der Poilus der Grande Guerre besingen, entstehen fern der Front. Ihre Pariser Autoren kennen das Kriegsgeschehen oft nur aus den offiziellen Frontberichten. Ihre Lieder werden an der Front kaum gesungen. Roland Dorgelès schildert in seinem 1919 erschienenen Antikriegsroman Les Croix de bois mehrere Szenen, in denen die Poilus weder die deutsch-feindlichen chansons revanchardes noch die fern der Front geschriebenen Soldatenlieder singen, sondern bekannte Heimat- und 98 JANINA ARNDTS

Liebeslieder anstimmen. Erst nach seiner Entlassung aus dem Militärdienst singt ein Kriegsinvalide in einem Pariser Café das zum Repertoire der chansons revanchardes gehörende Lied Le rêve passe4. Trotz ihrer geringen Popularität bei den Poilus seien hier zunächst einige der in den ersten Jahren der Grande Guerre entstandenen heroisierenden Chansons Pariser Autoren vorgestellt: In seinem Chanson Le cri du poilu fragt Vincent Scotto 1915 sein Pariser Publikum, was den Poilus wohl am meisten fehle, wenn sie nicht gerade kämpfen müssten. Die Antwort lautet: Une femme, une femme ! Der Gedanke an eine Frau, die sie vermissen, verließe die Soldaten nur während des Gefechts. Scotto verharmlost das Elend des Krieges. Sein vorwiegend weibliches Publikum hört nur, dass die Soldaten lieber bei ihren Frauen wären als an der Front auf die Deutschen schießen zu müssen. Das Chanson Ce que chantent les flots de la Marne erinnert an die siegreiche Marneschlacht, die im Herbst 1914 den deutschen Blitzkrieg beendet. Pierre Willems besingt in seinem 1915 publizierten Lied zunächst die Marne rieuse, dann die Marne rougie. Das in Friedenszeiten lachende Wasser des Flusses rötet sich während der Schlacht. Willems behauptet, dass sich Deutschland seit dem Ende des Deutsch-Französischen Krieges auf den nächsten Konflikt mit Frankreich militärisch vorbereitet habe. Das seit 1871 in Frankreich vorhandene Streben nach einer Revanche verschweigt er. Willems beantwortet vorzeitig die Frage der Kriegsschuld, die der Versailler Vertrag nur Deutschland zuschreiben wird. Im Kriegsjahr 1916 widmen die Autoren Jack Cazol und Eugène Joullot ihr Chanson Verdun ! On ne passe pas ! dem für Franzosen wie Deutsche blutigsten Kriegsschauplatz des Ersten Weltkrieges. In dem Chanson dieser Autoren stehen sich nicht nur die Soldaten beider Länder als erbitterte Feinde gegenüber, sondern auch die allegorischen Figuren, die Deutschland und Frankreich in vielen Karikaturen repräsentieren: der schwarze preußische Adler und der gold-farbene gallische Hahn. Das an Feindbildern reiche Lied endet mit den boshaften Zeilen: « Pendant que nous chantons La Marseillaise, / Les assassins fuient devant les soldats. » Die ihre Nationalhymne singenden Franzosen sind Soldaten, die vor ihnen fliehenden Feinde Mörder! Mit dieser Diffamierung wird den Deutschen der Soldatenstatus aberkannt. Die Allegorie des gallischen Hahnes, der den preußischen Adler bekämpft, verwendet auch Théodore Botrel in seinem 1916 geschriebenen Chanson Les Coqs d’Or. Botrel wendet sich an die goldenen Hähne, die als Wetterhähne auf den Spitzen französischer Kirchtürme zu sehen sind. Er fordert die Hähne auf, ihre Kirchtürme zu verlassen, denn die Stunde nahe, in der sich der erschöpfte räuberische Adler fast tot ihren Sporen ausliefern werde. Das Chanson La Mimi, das Théodore Botrel 1916 verfasst, ist weit weniger „poetisch“ als das vorige Lied: Der Schütze eines Maschinengewehrs macht seiner Waffe, einer mitrailleuse, die er ma p’tite Mimi nennt, eine

4 Roland DORGELES, Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1919, S. 275. ALTE UND NEUE FEINDBILDER IN DEN CHANSONS DER POILUS 99

Liebeserklärung. Auch wenn ihn seine Rosalie daheim liebevoll anschaue, sei es doch Mimi, die er am meisten liebe. Er liebe es, wenn seine p’tite Mimi auf ihre Weise sänge. Wenn die Boches sich ihnen näherten, begänne das Konzert. Dann würde er die Deutschen mit dem Feuer seines Maschinengewehrs niedermähen. In seinem im November 1916 erschienenen Antikriegsroman Le feu, der auf eigenen Fronterlebnissen beruht, kritisiert Henri Barbusse den Missbrauch der Chansons: « Ceux qui s’enivrent avec la musique militaire ou avec les chansons versées au peuple comme des petits verres…5 » Insbesondere denunziert Barbusse die Aufopferung der Völker: « les peuples entiers vont à la boucherie, rangés en troupeaux d’armées, pour qu’une caste galonnée d’or écrive ses noms de princes dans l’histoire; pour que des gens dorés aussi, qui font partie de la même gradaille, brassent plus d’affaires…6 » Hier wird die Diskrepanz zwischen den heroisierenden Liedern der Pariser Autoren und dem täglichen Überlebenskampf und Empfinden der Poilus deutlich. Die ersten Anzeichen eines Nachlassens des Heldenmutes, des Gehorsams und der Opferbereitschaft der Poilus beschreiben in ihren Romanen sowohl Henri Barbusse als auch Roland Dorgelès. Beide Autoren erleben die Exekution eines wegen Feigheit vor dem Feinde von einem Militärgericht zum Tode verurteilten Soldaten. Bei Dorgelès findet die Exekution des Verurteilten vor seinem in voller Mannschaftsstärke angetretenen Regiment statt7. Als das Regiment im Marschschritt die Hinrichtungsstätte verlässt, spielt die Regimentsmusik das Lied Mourir pour la Patrie8. Der Refrain dieses Liedes glorifiziert die Opferbereitschaft der Soldaten: « Mourir pour la Patrie / Mourir pour la Patrie / C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie / C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie. » Dorgelès prangert in dem dieser Hinrichtung gewidmeten Kapitel seines Romans den Zynismus der Militärführung gegenüber den Kameraden des exekutierten Soldaten an. Im Kriegsjahr 1917 sinkt die Truppenmoral. Trotz der enormen Verluste ändert sich die Kriegslage nicht. Es kommt zu Meutereien. Immer mehr Soldaten fragen sich, welchen Sinn ihr Opfer haben soll. Der Hass der Poilus richtet sich bald mehr gegen die Kapitalisten, die fern der Front ihren Wohlstand genießen, als gegen die Deutschen. In dieser kritischen Situation beginnen die Soldaten selbst gedichtete Chansons zu singen. Im Unterschied zu den Kriegsliedern der Pariser Autoren, die von den Zivilisten mehr geschätzt werden als von den Poilus, sind die Texte dieser Chansons

5 Henri BARBUSSE, Le Feu, Paris, Flammarion, 1965, S. 371. 6 Ibid., S. 369. 7 Roland DORGELES, Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1919, S. 149 f. 8 Der eigentliche Titel dieses Liedes lautet Chœur des Girondins. Der Text wurde 1847 von Alexandre Dumas und Auguste Maquet anlässlich einer Theateraufführung ihres gemeinsam verfassten Romans Le Chevalier de Maison-Rouge geschrieben und von Alphonse Varney vertont. Der dazugehörige Refrain Mourir pour la Patrie stammt dagegen aus dem 1792 von Claude-Joseph Rouget de Lisle kurz nach der Marseillaise gedichteten und vertonten Kriegslied Roland à Roncevaux. Als Chant des Girondins war das Lied von 1848 bis 1851 die Nationalhymne der Zweiten Republik. 100 JANINA ARNDTS defätistisch. Die französische Armeeführung untersagt das Singen solcher Lieder. Sie verspricht, jeden Hinweis, der zur Festnahme ihrer Autoren führt, zu belohnen. Obwohl die Generalität hohe Geldsummen und die sofortige Entlassung aus der Armee anbietet, denunziert keiner der Poilus die dichtenden Kameraden. Die Autoren der defätistischen Chansons bleiben anonym. Das wohl bekannteste dieser Lieder ist La chanson de Craonne, das Paul Vaillant-Couturier, der spätere Chefredakteur der kommunistischen Tageszeitung L’Humanité, als Unteroffizier an der Front hört, aufschreibt und nach dem Krieg veröffentlicht. Das Chanson beschreibt die Verzweiflung der Soldaten, die ein von den Deutschen gehaltenes Hochplateau erstürmen sollen, das in der Nähe des Ortes Craonne im nordfranzösischen Département Aisne liegt: « Adieu la vie, adieu l’amour, / Adieu toutes les femmes. / C’est bien fini, c’est pour toujours, / De cette guerre infâme. / C’est à Craonne, sur le plateau, / Qu’on doit laisser sa peau, / Car nous sommes tous condamnés, / C’est nous les sacrifiés ! ». Die Soldaten sagen dem Leben, der Liebe und den Frauen Adieu. Da sie den Tod erwarten, verabschieden sie sich zugleich von diesem abscheulichen Krieg. Auf dem Plateau von Craonne werden sie fallen, denn sie sind alle zum Tode verurteilt. Dann aber wendet sich das Chanson anklagend denjenigen zu, für die sie sterben sollen: den Reichen, die in Paris das Leben genießen. Die Soldaten fordern diese Herren auf, in die Schützengräben zu kommen und ihren Reichtum selbst zu verteidigen, denn sie besäßen nichts und wollten nicht länger kämpfen: « Ce sera votre tour, messieurs les gros, / De monter sur le plateau, / Car si vous voulez la guerre, / Payez-la de votre peau ! ». Das Lied, dessen Autor trotz einer Belohnung von einer Million Franken nicht gefasst wird, ruft zu Meuterei und Klassenkampf auf: Wenn die Reichen den Krieg wollten, dann sollten sie ihn auch mit ihrem eigenen Leben bezahlen! Wegen dieser gesellschaftskritischen Botschaft wird das Chanson nach dem Ersten Weltkrieg in das traditionelle Liedrepertoire der politischen Linken aufgenommen. In der Reihe der bisher vorgestellten Lieder ist La chanson de Craonne das einzige Lied, das keine antideutschen Ressentiments weckt. Außerdem ist es eines der wenigen Chansons des Zeitraumes 1871 bis 1919, die auch heute noch in Frankreich bekannt sind: Der Regisseur Fabrice Cazeneuve integriert es in seinen 2002 gedrehten Fernsehfilm La Dette; der bekannte Sänger Maxime Le Forestier nimmt das Lied 2003 in sein Repertoire auf; ein zum Tode Verurteilter singt La chanson de Craonne in dem Spielfilm Un long dimanche de fiançailles, den der Regisseur Jean-Pierre Jeunet 2004 produziert. Während der Meutereien entsteht ebenfalls das Chanson Non, non, plus de Combats eines anonymen Autors. Das pazifistische Lied verurteilt den Krieg, der ein einziges Gemetzel sei: La guerre est une boucherie. Der Autor fragt, ob der Arbeiter seine Fabrik verlassen müsse, um im Krieg vor die Wahl gestellt zu werden, entweder sein Leben zu verlieren oder seinen ALTE UND NEUE FEINDBILDER IN DEN CHANSONS DER POILUS 101

Nächsten zu töten. Die Völker sollten einander lieben, die Brüder einander nicht mehr töten: „Aimons-nous, peuples d’ici-bas, / Ne nous tuons plus entre frères !“. Ohne sie beim Namen zu nennen, werden die Deutschen zu Brüdern erklärt! Sie sind nicht länger feindliche Soldaten, sondern Arbeiter, die an der Front das gleiche Schicksal ertragen müssen wie die Franzosen. Das pazifistische Chanson wird verboten, weil es ein Ende des Krieges fordert und dem Feindbild der staatlichen Propaganda widerspricht. Im Kriegsjahr 1917 beteiligen sich etwa 40.000 Poilus an den Meutereien. General Philippe Pétain, der „Sieger von Verdun“, stellt innerhalb weniger Wochen die Ordnung wieder her: Um ein Exempel zu statuieren, wird jeder zehnte Meuterer vor ein Kriegsgericht gestellt. Ein Losverfahren ermittelt die Angeklagten. Von 3.427 Urteilen entfallen 554 auf die Todesstrafe. Letztendlich werden 49 Meuterer exekutiert9. Gleichzeitig sorgt Pétain aber auch dafür, dass die Soldaten bessere Nahrung und häufiger Fronturlaub erhalten. Diese Maßnahmen tragen zur Popularität des Generals bei, der 1918 zum Marschall befördert wird. Ähnlich wie die anonymen Autoren der defätistischen Chansons äußert sich – allerdings fern der Front – im Oktober 1916 auch der deutsche Kriegsdienstverweigerer und Anarchist Erich Mühsam in seinem Soldatenlied 1916, in dem es unter anderem heißt: „Soldaten! Ruft’s von Front zu Front: Es ruhe das Gewehr! Wer für die Reichen bluten konnt, kann für die Seinen mehr. Ihr drüben! Auf zur gleichen Pflicht! Vergesst den Freund im Feinde nicht!“.

Waffenstillstand 1918 und Versailler Vertrag 1919

Im Herbst 1918 bricht die deutsche Westfront zusammen. Der Waffenstillstand wird am 11. November 1918 unterzeichnet. Der Versailler Vertrag besiegelt 1919 die Rückkehr Elsass-Lothringens und seiner Bevölkerung nach Frankreich. Fast fünfzig Jahre nach der Veröffentlichung des Chansons Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ! erfüllt sich die Revanche für die 1870/71 erlittene militärische Niederlage. Das 1919 von Charles Louis Pothier verfasste Chanson Ils ont rendu l’Alsace et la Lorraine gibt den Jubel wieder, der im Elsass nach vier Kriegsjahren in weiten Teilen der Bevölkerung tatsächlich herrscht10. Das harte Militärregime der Deutschen ist beendet. Der Refrain des Chansons von 1919 knüpft an das im Refrain seines Pendants aus dem Jahre 1871 gegebene Versprechen an, dass die Elsässer immer Franzosen bleiben würden. Fast fünfzig Jahre später stellt Pothier im Refrain seines Chansons triumphierend fest, dass das Herz des Elsass

9 Pierre SAKA, Y’a d’la France en chansons, Paris, Larousse, 2001, S. 49. 10 Alfred WAHL, Jean-Claude RICHEZ, L’Alsace entre France et Allemagne, Paris, Hachette, 1994, S. 252. 102 JANINA ARNDTS französisch geblieben sei. Die Deutschen, die Frankreich verspottend immer „Niemals“ sagten, hätten endlich das Elsass und Lothringen zurückgegeben. Nicht Liebe, nur Hass hätten sie dort entfachen können: « Ils ont enfin rendu l’Alsace et la Lorraine, / Eux qui raillaient la France et qui disaient “jamais !” / Ils n’avaient su là-bas que déchaîner la haine, / Mais le cœur de l’Alsace était resté français, / Oui, le cœur de l’Alsace était resté français. »

Retrospektive Chansons

Abgesehen von einigen Liedern zu Ehren der französischen Generale Foch, Joffre und Pétain, in denen der besiegte deutsche Feind ebenso wenig erwähnt wird wie in den Liedern, deren Helden die legendären Poilus sind, entstehen nach dem Kriegsende keine Chansons, die den Ersten Weltkrieg thematisieren. Das Chanson der Nachkriegszeit überlässt der Literatur die Verarbeitung der Tragödie des Ersten Weltkrieges: So erscheint im Jahr 1929 der Roman Im Westen nichts Neues von Erich Maria Remarque, der 1917 Soldat an der Westfront war. Sein Roman wurde 1930 in den USA von Lewis Milestone verfilmt, die Vorführung des Films in Deutschland aber von den Nationalsozialisten gestört und ab 1933 verboten. Humphrey Cobb, der im Ersten Weltkrieg drei Jahre lang in einem kanadischen Regiment diente, schrieb 1935 den Roman Paths of Glory, der 1958 in den USA von Stanley Kubrick verfilmt wurde. Da dieser Film in Frankreich als Angriff auf die Ehre der französischen Armee empfunden wurde, durfte er dort erst ab 1975 gezeigt werden. Im Chanson erfolgt der Rückblick auf die Grande Guerre erst nach dem Zweiten Weltkrieg. Der zeitliche Abstand zum Ersten Weltkrieg ist so groß, dass keiner der drei Autoren dieser retrospektiven Chansons die Katastrophe der Jahre 1914 bis 1918 selbst erlebt hat: Georges Brassens wurde 1921, Jacques Brel 1929 und Michel Sardou 1947 geboren. Die Auseinandersetzung dieser drei auteurs-compositeurs-interprètes mit dem Ersten Weltkrieg könnte kaum gegensätzlicher sein: Brassens verspottet 1956 mit La guerre de 14-18 den Totenkult der Kriegsveteranen; Brel erinnert 1977 mit Jaurès an den 1914 ermordeten Pazifisten Jean Jaurès; Sardou gedenkt 1979 mit Verdun der Gefallenen der Grande Guerre. Keines dieser Chansons ist dem Heldentum der Poilus oder den Meutereien des Jahres 1917 gewidmet. Auch knüpft keiner der drei Autoren mit seinen Chansons an die antideutschen Ressentiments an, die bei Ausbruch des Ersten Weltkrieges vorherrschten.

Fazit

In Deutschland gehörte ein frankophobes, in Frankreich ein germanophobes Liedgut über viele Generationen hinweg zum Selbstverständnis beider Nationen. Feindbilder erleichterten die Definition ALTE UND NEUE FEINDBILDER IN DEN CHANSONS DER POILUS 103 der jeweiligen nationalen Identität. Auf französischer Seite stieß die identitäts-stiftende und die Konfliktbereitschaft unterhaltende und verschärfende Wirkung deutsch-feindlicher Lieder spätestens mit den Meutereien des Jahres 1917 an ihre Grenzen. Diese Feststellung trifft ebenso auf das Repertoire der chansons revanchardes zu wie auf die von Pariser Autoren fern der Front verfassten heroisierenden Chansons der ersten Jahre der Grande Guerre. Solche Lieder wurden zwar in den Pariser cafés-concerts, jedoch nicht an der Front gesungen. Das Publikum dieser Etablissements bestand kaum aus Frontsoldaten auf Heimaturlaub, sondern zunehmend aus Personen, die vom Krieg finanziell profitierten, Militärs, die nicht unmittelbar an der Front kämpfen mussten, und einer Bourgeoisie, die keine Vorstellung vom grauenhaften Frontalltag der Poilus hatte bzw. haben wollte. Es waren diejenigen, die in den defätistischen Chansons der Meuterer von 1917 als eigentliche Feinde entlarvt wurden : Die Kapitalisten, die Offizierskaste und das wohlhabende Bürgertum. Dieses neue, über die deutsch-französische Grenze hinweg reichende Feindbild thematisieren auch Henri Barbusse und Roland Dorgelès in ihren Antikriegsromanen.

Chronologie der zitierten Lieder

Erste Feindbilder

• Der Gott, der Eisen wachsen ließ (Ernst Moritz Arndt, 1812) • Rheinlied (Nikolaus Becker/Robert Schumann, 1840) • Die Wacht am Rhein (Max Schneckenburger, 1840) • Lied der Deutschen (Hoffmann von Fallersleben/Joseph Haydn, 1841) • Heil dir im Siegerkranz (Balthasar Gerhard Schumacher, 1793/1871) • La Marseillaise (Claude Joseph Rouget de Lisle, 1792) • Le Chant du Départ (Étienne-Nicolas Méhul und Marie-Joseph Chénier, 1794)

Chansons revanchardes

• Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ! (Gaston Villemer, 1871) • Les Cuirassiers de Reichshoffen (Gaston Villemer, 1871) • Le Clairon (Paul Déroulède, 1875) • La fiancée alsacienne (Gaston Villemer, 1881) • Le fils de l’Allemand (Gaston Villemer und Lucien Delormel, 1882) • Le violon brisé (René de Saint-Prest, 1885) • En revenant de la revue (Lucien Delormel, 1886) 104 JANINA ARNDTS

• Le Père la Victoire (Lucien Delormel, 1889) • Le Rêve passe (Armand Foucher, 1906)

Chansons der Grande Guerre

• Le cri du poilu (Vincent Scotto, 1915) • La Mimi (Théodore Botrel, 1916) • Ce que chantent les flots de la Marne (Pierre Willems, 1915) • Verdun ! On ne passe pas ! (Jack Cazol und Eugène Joullot, 1916) • Les Coqs d’Or (Théodore Botrel, 1916) • La chanson de Craonne (Anonym, 1917) • Non, non, plus de Combats (Anonym, 1917) • Soldatenlied 1916 (Erich Mühsam, 1916)

Waffenstillstand 1918 und Versailler Vertrag 1919

• Ils ont rendu l’Alsace et la Lorraine (Charles Louis Pothier, 1919)

Retrospektive Chansons

• La guerre de 14-18 (Georges Brassens, 1956) • Jaurès (Jacques Brel, 1977) • Verdun (Michel Sardou, 1979) « Ah Dieu ! que la guerre est jolie » (Apollinaire). Die ästhetische Valorisierung des Kriegs durch die französische Avantgarde

Joseph JURT Universität Freiburg

1989 veröffentlichte der amerikanische Kunsthistoriker Kenneth E. Silver eine Monographie zur Pariser Avantgarde und dem Ersten Weltkrieg, die schon 1991 auf Französisch unter dem Titel Vers le retour à l’ordre. L’avant- garde parisienne et la première guerre mondiale erschien.1 Nach Kenneth E. Silver bedeutete die ‘Union sacrée’ de facto eine Quasi-Kapitulation der Linken vor der Rechten. Jene mussten nun beweisen, dass sie auch Patrioten seien, selbst die avantgardistische Kunst, die sich vor dem Krieg durch ihre internationale Dimension ausgezeichnet hatte, stellte nun patriotische Werte in den Mittelpunkt. Das kulturelle Paradigma der Rechten, wie es die Action française artikuliert hatte (die Verbindung von Klassizismus und Nationalismus), wurde zur Dominante. Ein dekadentes, verrücktes, kosmopolitisches Vorkriegsfrankreich sei durch den Krieg zur Vernunft gebracht worden.2 Ich bin mir nicht sicher, ob man von einer solchen generellen Wende zum Paradigma der Rechten sprechen kann. Zweifellos teilten nun beide Seiten einen patriotischen Konsens auf der Basis dessen, was Poincaré in seiner ‘Union sacrée’-Rede vom August 1914 formuliert hatte („In dem Krieg, der jetzt entbrennt, hat Frankreich das Recht für sich.“). Der soziale Druck war viel zu groß, so Jean-Jacques Becker, als dass man sich der Forderung nach der gemeinsamen Verteidigung der Heimat hätte entziehen können; das habe aber nicht bedeutet, dass die gewohnten politischen Standpunkte und geistigen Einstellungen aufgegeben worden seien, sie rückten bloß in den Hintergrund.

1 Kenneth E. SILVER, Vers le retour à l’ordre. L’avant-garde parisienne et la première guerre mondiale, Paris, Flammarion, 1991. 2 Ibid., S. 20-22. 106 JOSEPH JURT

Zurück zur Tradition ?

Apollinaire, der über seine polnische Mutter russischer Nationalität war, stellte schon am 5. August 1914 den Antrag, in die französische Armee inkorporiert zu werden. Er, der schon seit seiner frühen Jugend in Frankreich lebte und schrieb, hatte schon mehrere Anträge auf Naturalisierung als Franzose gestellt und dachte nun, seine Integrationsbereitschaft durch sein militärisches Engagement zu unterstreichen, ähnlich auch der Schweizer Blaise Cendrars oder der Italiener Canudo.3 Apollinaire teilte den allgemeinen patriotischen Enthusiasmus, verurteilte jene, die sich wie Delaunay ins Ausland absetzen, um dem Militärdienst zu entgehen. Gegenüber seinem großen Freund Picasso, der sich als Spanier nicht engagierte und auch nicht engagieren musste, war er indes nachsichtig; Picasso sei physisch zu schwach, um sich etwas anderem als seiner unschätzbaren Arbeit als Künstler zu widmen.4 Am 5. November 1914 wurde Apollinaire in Nizza dem 38. Artillerie- Regiment zugeteilt und er sollte nunmehr für vier Jahre den Krieg und die französische Uniform nicht mehr verlassen. Sein Freund Picasso schickte ihm schon im Dezember eine Zeichnung, die Apollinaire als Artillerist mit gezücktem Säbel zeigte mit der Inschrift in großen Buchstaben auf blau-weiß- rotem Band : „Guillaume de Kostrowitzky/Artilleur/1914“.5 Picasso habe mit dieser Zeichnung, die an die Épinal-Bilder erinnerte, spontan erkannt, in welche Richtung sich der populäre Kunstgeschmack entwickle, meint dazu Kenneth E. Silver. In der Tat stießen die Épinal-Bilder auf große Resonanz. Épinal erinnerte an das zu rückerobernde Lothringen. Die Épinal-Bilder verstanden sich nicht als hohe Kunst ; aber in ihrer Naivität konnten sie mit dem „Primitivismus“ in Verbindung gebracht werden, der den Künstlern der Jahrhundertwende durchaus sympathisch war.6 Der Maler Raoul Dufy, der für das Propagandabüro der Regierung arbeitete, entwarf so eine ganze Reihe von graphischen Blättern im Épinal-Stil, die die Alliierten darstellten, und die starke Verbreitung fanden.7 In den Augen von Kenneth E. Silver bedeutet das Épinal-Bild von Apollinaire, das Picasso entwarf, eine Abkehr von der avantgardistischen Formen der Vorkriegszeit und eine Hinwendung zu traditionelleren Ausdrucksweisen. Diese Wende glaubt er auf diskursiver Ebene auch in Cocteaus Zeitschrift Le Mot festzustellen, der eine gleichzeitig

3 Cendrars und Canudo hatten schon am 2. August 1914 einen « Appel aux étrangers vivant en France » veröffentlicht : „Des étrangers amis de la France qui ont appris à l’aimer et à la chérir comme une seconde patrie, sentent le besoin impérieux de lui offrir le bras“. Zitiert bei Annette BECKER, Apollinaire.Une biographie de guerre 1914-1918, Paris, Tallandier, 2009, S. 46. 4 Ibid., S. 48. 5 Abgebildet in SILVER, Vers le retour de l’ordre, S. 31. 6 Ibid., S. 32. 7 Ibid., S. 33-35. VALORISIERUNG DES KRIEGS DURCH DIE FRANZÖSISCHE AVANTGARDE 107 modernistische und antimodernistische Ästhetik der Ambiguität vertrat oder in André Ozenfants Publikation L’Élan, die die Avantgarde mit nationalistischen Argumenten verteidigte.8 Vor allem Picasso sei nun mit seinen Bildern „Le Peintre et son modèle“ (1914), „Portrait de Max Jacob“ (1915) und dem „Portrait d’Ambroise Vollard“ (1915) zur Tradition zurückgekehrt. Er orientierte sich an Géricault, Courbet oder Ingres. Kenneth E. Silver zeigt Picassos Entwicklung vor allem über den Vergleich des kubistischen Bildes „Ma Jolie“ (1912) und dem sehr realistischen „Portrait d’Olga“ von 1917 auf. Apollinaire schien diesen Schritt seines Freundes zu begrüßen und verstand sein eigenes Schaffen im Einklang mit dem Picassos. „[Mes travaux] que je fais maintenant concorderait mieux avec tes préoccupations présentes. J’essaie de renouveler le ton poétique, mais dans le rythme classique.“9 Picasso wird nach Apollinaires Kopfverletzung ein sehr klassisches Porträt seines Freundes in Uniform und den Kriegsorden entwerfen („Portrait de Guillaume Apollinaire en uniforme“ [1918])10 analog zu dem Bild des anderen Maler-Freundes, Canudo, der ebenfalls als Freiwilliger diente („Portrait de Riccioto Canudo en uniforme“ [1918])11. Apollinaire wird seinerseits den stark „lateinischen“ Charakter des Kubismus betonen, so in einem Aufsatz im Mercure de France :

Tout le mérite de cette ‘création’ – si mérite il y a – revient sans que cela puisse être contesté à Pablo Picasso et Georges Braque. Ce sont les véritables ‘créateurs’ d’une école qui pourrait être qualifiée par conséquent de franco- espagnole ou plus simplement de latine. Il est vrai que depuis la guerre elle s’est étendue au point qu’il s’en faudrait de peu qu’on pût l’appeller cosmopolite si sa latinité ne s’était encore une fois affirmée par l’absorption importante qu’elle a faite du futurisme italien. Il est juste par conséquent qu’on appelle latine une école dont les principaux adeptes sont français, espagnols et italiens. De toute façon, elle est née sur le sol français et les artistes qui la composent travaillent à Paris, ce qui fait que le qualificatif de ‘parisienne’ ne lui irait pas si mal.12

Kenneth E. Silver erwähnt dann noch, dass Apollinaire wie Gide, Proust und Rodin während des Krieges zu den Abonnenten des neo-royalistischen Blattes L’Action française zählte und dass er nach seiner Verwundung in Briefkontakt mit dem Action française-Intellektuellen Léon Daudet stand13 – offensichtlich weitere Belege des Rechtsdralls von Apollinaire im Kontext des Krieges.

8 Ibid., S. 42-49. 9 Brief vom 4. September 1918, zitiert ibid., S. 124. 10 Abgebildet ibid., S. 95. 11 Abgebildet ibid., S. 98. 12 Guillaume APOLLINAIRE, « Lettre au Mercure de France », 22. September 1917 ; zitiert ibid., S. 110. 13 Ibid., S. 108. 108 JOSEPH JURT

Apollinaire im Kontext des literarischen Feldes

2001 veröffentlichte Anna Boschetti, die zuvor, von Bourdieus Feldtheorie ausgehend, Sartre und die Temps Modernes14 analysiert hatte, eine Monographie zu Apollinaire unter dem Titel La poésie partout. Apollinaire, homme-époque (1898-1918). Die Autorin ist mit der These Silvers, der eines ‘retour à l’ordre’ der Avantgarde, und vor allem Apollinaires, während der Kriegsjahre, nicht einverstanden. Sie folgt generell dem Gedanken Bourdieus, dass die soziokulturelle Disposition deklassierter Bürger- oder Adelssöhne oder -töchter, oder Angehörige von Minderheiten zur literarischen Innovation führe.15 So zählten in der Tat zahlreiche Ausländer oder Angehörige der jüdischen Minderheit der Gruppe der Symbolisten. Die politische Avantgarde des 20. Jahrhunderts wies dieselben Charakteristika auf : Apollinaire, Cendrars, Marinetti waren Nicht-Franzosen in Paris, Max Jacob war Jude. Diese wagten sich in den riskanten Bereich der avantgardistischen Poesie vor, weil ihnen der „sens du placement“ der Einheimischen abging, die sich der weniger riskanten Gattung des Romans zuwandten, so Gide oder die Unanimisten. Apollinaire, der bis zu seinem siebten Lebensjahr in Italien lebte, um dann ab 1899 in den avantgardistischen Kreisen von Paris zu verkehren, zog indes Profit aus seiner sozialen Exzentrizität : er hatte nichts zu verlieren. Wenn er in der ersten Periode (1901-1906) zunächst sich in eine bestehende Position des literarischen Feldes, dem Prinzip der Einfachheit des „Naturisme“ mit seinen „Rhénanes“ einschrieb, so versuchte er dann diese Position durch eine neue antinaturalistische Ästhetik (1907-1908) zu überwinden, die die Autonomie der Kunst und der Bedeutung der formalen Elemente und der Diskontinuität unterstreicht, so in seinem „Portrait de Matisse“ (1907). Wenn er schon 1908 mit den kubistischen Versuchen von Picasso und Braque vertraut wird, so sucht er in der Poesie ein sprachliches Äquivalent dazu zu schaffen.16 Er, der über gute Kenntnisse der Maltechnik verfügt, stellt Picasso andere Maler (Derain, Matisse, Braque, De Chirico, Rousseau) sowie Max Jacob vor, die sich als Gruppe des Bateau-Lavoir konstituieren.

14 Anna BOSCHETTI, Sartre et les ‘Temps modernes’. Une entreprise intellectuelle, Paris, Éditions de Minuit, 1985; siehe dazu Joseph JURT, Das literarische Feld. Das Konzept Pierre Bourdieus in Theorie und Praxis, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1995, S. 283- 295. 15 „[Les écrivains les plus novateurs sont très souvent] des bourgeois dévoyés ou déclassés qui possèdent toutes les propriétés des dominants moins une, parents pauvres des grandes dynasties bourgeoises, aristocrates ruinés ou en déclin, étrangers ou membres de minorités stigmatisées comme les juifs.“ (Pierre BOURDIEU, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992, S. 88). 16 Apollinaire wird aber die Bezeichnung seines Schaffens (wie desjenigen von Max Jacob und Cendrars) durch das von Frédéric Lefèvre vorgeschlagene Label „cubisme littéraire“ ablehnen, weil das suggerieren würde, ihre Poesie sei bloß eine Imitation der kubistischen Malerei. VALORISIERUNG DES KRIEGS DURCH DIE FRANZÖSISCHE AVANTGARDE 109

In den Jahren 1909-1911 findet Apollinaire seinen eigenen Weg, indem er sich von den beiden Gruppen des Unanimisme (um Jules Romains) und der 1909 gegründeten N.R.F. abgrenzt, zwei Gruppen, die im Übrigen ausschließlich aus Franzosen bestehen. 1912/13 erreicht er die herausragende Position einer Avantgarde der Modernität, die die zeitgenössische Welt in die Kunst integriert : „L’œuvre d’un artiste ne doit avoir de rapport qu’avec l’époque où cet artiste vit“.17 In enger Zusammenarbeit mit den Malern entwirft er eine Kunst, die Gegenstände des Alltags – Reklame, Zeitungsausdrucke – in die Werke integriert, die der kubistischen Ästhetik der Auflösung und der Rekonstruktion entspricht. Der Kubismus versucht nach Apollinaire die simultane Wahrnehmungsweise des modernen Menschen zu übersetzen. Er wird mit seinem Werk Peintres cubistes. Méditations esthétiques (1913) zum Verteidiger der Innovation auf allen Ebenen. Bezeichnenderweise findet sich auf dem Titelblatt seines Gedichtbandes Alcools (1913) ein von Picasso entworfenes kubistisches Portrait von ihm. Apollinaire findet Resonanz auch außerhalb Frankreichs, etwas bei Ezra Pound und tritt in Kontakt mit den Berliner Expressionisten der Gruppe Der Sturm sowie mit italienischen Künstlern wie De Chirico und Savinio. Sein Gedicht „Les Fenêtres“ versteht sich wie ein kubistisches Bild mit fragmentierten Inhalten, die nicht mehr über ein lyrisches Ich oder eine metaphorische Kontinuität organisiert werden; es wird nicht mehr zwischen einem Innen und Außen unterschieden.18 Das Gedicht entspricht das Delaunays „Fenêtres“, die über Farbkonstruktionen gegen das Nicht- Figurative tendieren. Einen Schritt weiter geht dann Apollinaire mit der visuellen Poesie, seinen Calligrammes, die die Linearität der Literatur aufzuheben versuchen in Richtung einer nicht hierarchisierten Simultaneität, die ähnlich wie Delaunays „Tour Eiffel“, dem Autor keine Zentralposition mehr zuschreiben. Hinsichtlich Apollinaires Texten, die er während der vier Kriegsjahre schrieb, kommen nach Anna Boschetti die Interpreten indes sehr schnell zu moralischen (positiven oder negativen) Urteilen und verkennen dabei, dass kollektive Ereignisse wie ein Krieg die gesamte Gesellschaft beeinflussten und so auch die Autonomie des Feldes der kulturellen Produktion in Frage stellten.19 Apollinaire habe sich als Freiwilliger engagiert, weil er den Krieg (auf Frankreichs Seite) als legitim einstufte. In seinen Texten bringe er bisweilen einen germanophoben Patriotismus zum Ausdruck, der ihm die Überlegenheit der französischen, lateinischen Zivilisation über die deutsche Barbarei hervorheben ließ. Die Schrecken der Front habe er zu überwinden versucht, indem er die Selbstbeherrschung und die Erkenntnis des Lebens betonte, die

17 Zitiert ibid., S. 134. 18 Siehe dazu Laurent JENNY, La Fin de l’intériorité. Théorie de l’expression et invention esthétique dans les avant-gardes françaises, Paris, P.U.F., 2002. 19 Anna BOSCHETTI, La Poésie partout, Paris, Seuil, S. 192-193. 110 JOSEPH JURT ihm diese Erfahrung vermittelten; dabei folgte er einer Art „Religion der Ehre“. Selbst wenn er die positiven Seiten des Militärlebens besang, so sei er auch hin- und hergerissen gewesen zwischen der patriotischen Loyalität und dem Gefühl der Revolte gegen die „patries jalouses“. In dem Gedicht „Allons plus vite“ von 1917 brachte er seine Wut gegen die „Patrons“, die vom Krieg ökonomisch profitierten, zum Ausdruck.20 Vor allem der Vers „Ah Dieu ! que la guerre est jolie“ aus dem Gedicht „L’Adieu du Cavalier“ von 1915 wurde Apollinaire vorgeworfen so wie der Gedichttitel „Merveille de la guerre“. Das sind aber nach Anna Boschetti keine Lobpreisungen des Krieges ; die Verse betonten vielmehr das Paradox einer schrecklichen Situation, die ästhetische Emotionen hervorrufen könne.21 Seine Haltung entspreche im Übrigen der Orientierung der meisten Vertreter einer „reinen“ Literatur während der Kriegsjahre. Die Ablehnung des Krieges sei nur von ganz wenigen Schriftstellern wie Romain Rolland vertreten worden. Anna Boschetti sieht bei Apollinaire auch persönliche Prädispositionen für sein Engagement. Er glaubte, Sohn eines Offiziers zu sein, mit dem er sich so zu identifizieren zu können hoffte. „Mourir comme mes aïeux qui étaient tous des guerriers“, so definierte er sein Schicksal in einem Brief an seine Geliebte Lou.22 Die Experimentierlust scheine in seinen Kriegsgedichten etwas erlahmt zu sein ; aber man finde auch jetzt Versuche, die Simultaneität der Wahrnehmungen zu übersetzen. Die Person des Dichters steht mehr im Vordergrund, so etwa im Gedicht „Merveille de la guerre“: „Je lègue à l’avenir l’histoire de Guillaume Apollinaire/ Qui fut à la guerre et sut être partout.23 Der Dichter schreibt sich und der Dichtung nicht mehr bloß eine literarische, sondern auch eine patriotische, politische Funktion zu, was nach Anna Boschetti einherging mit einer Schwächung der poetischen Qualität.24 Apollinaire sah sich indessen durch sein militärisches Engagement legitimiert und konnte seine Versuche, innovative ikonische Texte herzustellen weiterverfolgen, während die Künstler in Paris angesichts der Attacken gegen die Avantgarde ihre Ernsthaftigkeit und ihren Patriotismus unter Beweis stellen mussten.25

20 Ibid., S. 193-194. 21 Ibid., S. 195. 22 Zitiert ibid., S. 197. 23 Zitiert ibid., S. 201. 24 Ibid., S. 202. 25 Siehe ibid., S. 316 : „Les artistes qui ont participé au combat n’ont pas ressenti, par ailleurs à la différence de ceux qui sont restés à Paris, l’effet culpabilisant des attaques que la guerre a déclenchées contre les innovations des avant-gardes : leur engagement les exemptait de prouver leur patriotisme. C’est ainsi qu’Apollinaire peut continuer à revendiquer la plus totale liberté dans ses expériences : il n’abandonne jamais ses recherches ‘calligrammatiques’, qui touchent l’aspect iconique et spatial du texte ; et il en vient à concevoir une notion de la poésie encore plus ample, qui va au-delà du domaine du langage verbal. Le recours à des moyens pris à d’autres arts (théâtre, danse, musique, cinéma) lui apparaît comme une voie qui ouvre à la VALORISIERUNG DES KRIEGS DURCH DIE FRANZÖSISCHE AVANTGARDE 111

Als Apollinaire nach seiner Verwundung 1916 nach Paris zurückkommt, ist er enttäuscht über die Indifferenz der Zivilgesellschaft gegenüber den Opfern des blutigen Konfliktes. In diesem Kontext näherte er sich den nationalistischen Schriftstellern, die diese Frage aufgriffen und er beginnt, die Action française zu lesen. Am 20. November 1916 veröffentlicht dieses Blatt einen Leserbrief, in dem Apollinaire Maurras dafür lobt, für die Soldaten aktiv geworden zu sein. Doch nach Anna Boschetti handelt es sich hier nur um eine sehr punktuelle Übereinstimmung. Andere Texte aus dieser Zeit belegten, dass Apollinaire der anarchistisch-aristokratischen libertären Haltung seiner Jugend treu geblieben sei; er verachtet jedes Regime, das die Dichter verkennt. 1916 ist Apollinaire zur führenden literarischen Persönlichkeit seiner Generation geworden und er findet breite Anerkennung auch außerhalb Frankreichs; aber Vertreter der jüngeren Generation, wie die künftigen Surrealisten beginnen sich vom Meister abzusetzen, gemäß einer etablierten Distinktionslogik. Wenn nun der Kubismus in der Öffentlichkeit als subversiv und destruktiv angegriffen wird, so sucht Apollinaire in seinen Briefen an Maurras und Léon Daudet die Legitimität der avantgardistischen Versuche zu verteidigen. In seinem Vorwort zur Ausstellung Matisse-Picasso unterstreicht Apollinaire, dass Picasso nicht der Gefangene eines einzigen Stils sei, sondern sich in unerwartete Richtungen entwickelt habe. Man könne, so Anna Boschetti, die Wendungen und das Oszillieren einer künstlerischen Generation nicht allein als Reaktion auf die Attacken gegen die Avantgarde während des Krieges zurückführen. Die Künstler seien sich bewusst geworden, dass die permanente formale Revolution in eine Sackgasse münden könne, vor allem auch weil das Publikum oft den eingeschlagenen Weg nicht folgen wollte.26 Den Willen zur Innovation gab Apollinaire aber nicht auf : „Nous irons plus loin sans avancer jamais“, schreibt er so in seinem Gedicht „Toujours“.

poésie des possibilités nouvelles. En effet, ses tentatives ‘multimédias’ avant la lettre annoncent une des directions les plus caractéristiques et les plus fécondes de la recherche artistique du XXe siècle.“ 26 Ibid., S. 230-231: „Si les novateurs sont sensibles aux accusations des fauteurs de l’ordre ancien, c’est qu’ils sont conscients des impasses qu’implique la logique de la révolution permanente : le vieillissement accéléré des inventions, la difficulté toujours croissante de trouver des voies nouvelles, le sentiment d’avoir épuisé toutes les possibilités, la mise en cause radicale de l’art et de sa fonction, l’écart qui s’est creusé entre les recherches de l’avant-garde et les goûts du public cultivé. Ce sentiment d’impasse est présent chez Apollinaire dès avant la guerre, comme en témoigne le dialogue sur l’art et la poésie entre le protagoniste du ‘Poète assassiné’ et le personnage inspiré de Picasso. […] Dans un champ autonome, les transformations des modèles artistiques sont indépendantes, à l’origine, des événements externes, bien que ceux-ci exercent des effets, car ils peuvent favoriser certaines positions plus que d’autres.“ 112 JOSEPH JURT

Apollinaire – Zeuge einer ‘Kriegskultur’

2009 veröffentlichte dann die Historikerin Annette Becker eine Monographie unter dem Titel Guillaume Apollinaire. Une biographie de guerre 1914-191827. Die Autorin ist eine eigentliche Spezialistin des Ersten Weltkrieges. Sie beruft sich auf den Ansatz der „culture de guerre“ und betrachtet den Krieg nicht bloß in seiner militärischen und politischen Dimension, sondern als gesellschaftliches Gesamtphänomen, in das alle Bereiche der Gesellschaft involviert sind.28 Sie bezieht sich nicht nur auf die literarischen Werke von Apollinaire, sondern auf das Gesamt seiner Verlautbarungen, vor allem auch auf seine umfangreiche Korrespondenz, seine Zeichnungen, Gedichte, seine journalistischen Texte. Die Haltung Apollinaires wird so in ein globales Panorama eingebunden, ohne dass dabei seine Singularität vernachlässigt würde ; seine gesamten Äußerungen stellen, so die Autorin, ein außergewöhnliches Zeugnis dar, das erlaube, den großen Krieg besser zu verstehen. Diese Einbettung ermöglicht aber auch, Apollinaire besser einzuschätzen. Die Autorin rekonstruiert zunächst die Zeugnisse eines enthusiastischen und bewusst naiven Patriotismus der ersten Augustwochen, aber auch das Gefühl der Einsamkeit des Dichters, da die meisten Freunde zum Militärdienst aufgeboten wurden; wie die meisten denkt er an einen kurzen und glorreichen Krieg. Wenn er dann als 2e canonnier-conducteur des 38. Artillerie-Regiments in Nîmes ab November 1914 ausgebildet wird, so spürt er hier die physische und symbolische Gewalt, die ihn verändert. Wenn er sich im April 1915 für den Einsatz an der Front meldet, dann auch in der Hoffnung auf einen militärischen Aufstieg und er bereitet sich mit einer gewissen Begeisterung auf die technische Prüfung vor. Seine Militär- und Kriegserfahrungen teilt er vor allem in Briefen an ‘seine’ Frauen mit : Lou – Louise de Coligny-Châtillon – und Madeleine Pagès, die junge Frau, die er im Zug im Januar 1915 kennen gelernt hatte. Die Stillage seiner Briefe und der beigelegten Gedichte wird so auch durch die jeweiligen Empfänger(innen) bestimmt ; in den Briefen an die Frauen stellt er seine Mannhaftigkeit in den Vordergrund und spart auch nicht mit erotischen Anspielungen und humorvollen Wortspielen. Die Briefe an Fernand Fleuret und Francis Picabia zeugen indes vom Ernst, ja von der Tragik des Krieges. Widersprüchliche Gefühle kommen zum Ausdruck, „consentement à la guerre; haine de la guerre“.29 Annette Becker stellt die vielen Oxymora in seinen Äußerungen fest, die das Oxymoron der Kriegserfahrung zum

27 Annette BECKER, Guillaume Apollinaire. Une biographie de guerre, 1914-1918, Paris, Tallandier, 2009. 28 Den Ansatz teilt sie mit Jean-Jacques Becker, Stéphane Audoin-Rouzeau sowie Gerd Krumeich. 29 Ibid., S. 62. VALORISIERUNG DES KRIEGS DURCH DIE FRANZÖSISCHE AVANTGARDE 113

Ausdruck bringen : „L’écrivain […] fait de sa vie au front l’oxymore des oxymores, entre tragique et comique, danger et calme.“30 Die ideologische Rechtfertigung des Krieges bei Apollinaire ist nun keineswegs originell. Vom Feind spricht er nur als den ‘boches’, keine Spur einer Solidarität mit den Soldaten jenseits der Front. Deutschland wird kulturelle Inferiorität zugeschrieben gemäß dem gängigen Barbaren-Topos („ce pays d’idiotie et de médiocrité“) und Apollinaire bedauert seine Kontakte mit deutschen Künstlern vor dem Krieg.31 Frankreich und die lateinischen Länder sind indes der Hort der Zivilisation: „L’innocence du pays que je défends me donne plus d’espoir que tout au monde.“32 1915 publiziert Apollinaire mit Hilfe der Druckmaschine und des Papiers der Schützengrabenpresse eine kleine Gedichtsammlung unter dem Titel La Case d’Armons – in einer Auflage von 25 Exemplaren ; der Titelbegriff bezeichnet eine Nische für persönliche Effekten im Artillerie-Geschütz; es handelt sich bei dieser kleinen Gedicht-Sammlung zumeist um Calligramme, die einer avantgardistischen Schreibweise entsprechen: „[C]’est le comble de l’avant-gardisme“33 schreibt Annette Becker: „D’un point de vue littéraire il n’abandonne en rien la forme nouvelle qu’il avait expérimentée en 1914.“34 Die modernste Schreibweise ging hier einher mit der artisanalsten Herstellungsform auf einer Soldatendruckpresse. Gleichzeitig sendet er ein Exemplar seines Bändchens an seine neue Geliebte Madeleine als „fixation d’un moment de ma vie“.35 Seine Briefe und seine Gedichte halten so permanent die Verbindung zwischen der militärischen Front und der Heimatfront aufrecht (Annette Becker betont von ihrem Ansatz der „Kriegskultur“ die Verbindung der beiden „Fronten“: sie spricht dann von „front domestique“ und nicht vom „arrière“). Alle Äußerungen Apolllinaires sind so „le journal de tranchée individuel d’un combattant qui, comme les autres, se débat avec l’éloignement et la souffrance, les rumeurs et les réalités, la découverte de l’ennemi, de ses camarades de tranchée, du feu qui tue.“36 Letztlich aber, so schreibt er im Dezember 1915, kann kein Schriftsteller den schlichten Schrecken und das geheimnisvolle Leben des Schützengrabens beschreiben. An der Front wirkte er als Verbindungsmann zu Pferd und nimmt aus dieser Perspektive den Krieg akustisch wahr, wie „barocke Musik“.37 In

30 Ibid., S. 63. 31 Ibid., S. 93. 32 Ibid., S. 70 [14. Juli 1915]. 33 Ibid., S. 77. 34 Ibid., S. 77 ; Anna Boschetti spricht von „tentatives les plus neuves et les plus audacieuses“; sie erklärt dies auch wieder aus der anvisierten Rezipientendestination. Die Calligramme seien für eine Ausstellung der avantgardistischen Kunst in New York geschrieben worden, die Marius de Zayas vorsah (BOSCHETTI, La poésie partout, S. 203). 35 Ibid., S. 79. 36 Ibid., S. 80. 37 Ibid., S. 90. Zur dominanten akustischen Wahrnehmung siehe auch Fernand Leger : „Tout le monde a entendu la guerre. Ce fut une énorme symphonie qu’aucun musicien […] n’a 114 JOSEPH JURT diesem Kontext ist auch das kleine Gedicht „L’adieu du cavalier“ vom September 1915 zu situieren :

L’Adieu du Cavalier Ah Dieu ! que la guerre est jolie Avec ses chants ses longs loisirs La bague si pâle et polie Et le cortège des plaisirs

Adieu ! Voici le boute-selle ! Il disparut dans un tournant Et mourut là-bas, tandis qu’elle Cueillait des fleurs en se damnant.38

Apollinaire sandte dieses Gedicht an Madeleine, die Adressatin ist hier nicht unwichtig ; gleichzeitig unterstrich er, dass das Gedicht Teil eines „petit roman poétique guerrier“ sein sollte. Die Serie mit diesen Gedichten unter dem Titel „Le médaillon toujours fermé“ sandte er an seine Ex-, die Malerin Marie Laurencin, damit sie diese zugunsten einer karikativen Organisation illustriere : „Apollinaire fait au moins d’une pierre trois coups, amoureux, charitable, littéraire“.39 Das skandalöse Oxymoron „Ah Dieu ! que la guerre est jolie“ wurde in den Augen von Annette Becker nach dem Tod von Apollinaire zum „vers le plus célèbre et le plus incompromis“.40 Nach ihr entsprechen diese Verse den Erfahrungen vieler Schriftsteller und Intellektuellen während des Krieges. Mit der Erinnerung an den Krieg verbanden sie die Erfahrungen von Schönheit und Gewalt, von Verzweiflung und Faszination. Der Maler André Masson, der sich als Freiwilliger für den Kriegsdienst gemeldet hatte und 1917 schwer verwundet wurde, wusste sich eins mit der Übersetzung der Kriegserfahrung von Apollinaire ; er kam explizit auf den berühmten Vers des Dichters zurück. Auch für ihn war die Gewalt ein Teil des Lebens im Krieg und man musste sich darauf einstellen. Wenn der Krieg nur permanenter Horror gewesen wäre, wie es Barbusse in Le Feu oder Remarque in Im Westen nichts Neues es darstellen, dann wäre das nicht auszuhalten gewesen. Es gab aber auch Kompensationen, so Masson. Es gab auch veritable Glücksmomente : Manchmal gab es Dinge zu sehen, die schön waren und wären es nur die Leuchtfeuer am Abend. Die Geschosse, der Geruch des Schlachtfeldes konnten berauschen. All’ das hat Apollinaire gesehen. Nur ein Dichter konnte

encore égalée.“ (Zitiert ibid., S. 130.) Vgl. Jean ECHENOZ, 14, Paris, Éditions de Minuit, 2012, S. 79 : „Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n’est-il pas la peine de s’attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n’est-il d’ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d’autant moins quand on n’aime pas tellement l’opéra, même si comme lui c’est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c’est assez ennuyeux.“ 38 Zitiert ibid., S. 95. 39 Ibid., S. 95. 40 Ibid., S. 95-96. VALORISIERUNG DES KRIEGS DURCH DIE FRANZÖSISCHE AVANTGARDE 115 dies zum Ausdruck bringen. Er hat nicht eine Apologie des Krieges vorgelegt, sondern schlicht die Apologie des Lebens im Tod, des Friedens im Krieg41: „Pour lutter contre la déshumanisation de la grande tuerie, l’écrivain combattant en vient à humaniser tout ce qui l’entoure“.42 Er teilt das Leben der Soldaten; kommt auf religiöse Praktiken zurück, sammelt Kirchenfenstersplitter der Kathedrale von Reims und bezieht sich auf Jeanne d’Arc. Er beobachtet, wie Soldaten kleine Kunstgegenstände aus Trümmermaterial herstellen, um die Zeit totzuschlagen – das Kunsthandwerk der Schützengräben als Kontrast zum industrialisierten Krieg. Apollinaire meldet sich dann zur Infanterie, wo er im November 1915 den Grad eines Unteroffiziers erhält. In den Grabenkämpfen erfährt er noch viel unmittelbarer die Schrecken des Krieges: „Je sens maintenant toute l’horreur de cette guerre […]. Les souffrances de l’infanterie sont au-dessus de tout ce qu’on peut imaginer […]“.43 In dieser Zeit schreibt er seine eindrücklichsten Gedichte zu den Schrecken der Front. Er vergleicht die Schützengräben mit einem Vampir, der alles verschlingt. Das Gedicht „Ombre“ erscheint als ein Schrei in tiefster Not. Annette Becker konstatiert bei Apollinaire in den letzten Monaten an der Front ein eigentliches Kriegstrauma. „Je déteste cette guerre“, schreibt er nun im Dezember 1915. Im März 1916 wird er, drei Tage nachdem ihm das französische Bürgerrecht verliehen wurde, von einem Granatsplitter an der Schläfe in der Nähe des Chemin des Dames schwer verletzt und muss mehrmals operiert werden (Schädelbohrung). Er wird mit der Tapferkeitsmedaille ausgezeichnet. Nach mehreren Krankenhaus- aufenthalten kann er zurück nach Paris, bleibt aber mobilisiert, arbeitet in der Zensurabteilung des Kriegsministeriums und im Kolonialministerium. Er behält seine Uniform und Photos und Bilder halten ihn mit seinem verbundenen Kopf fest. Er nimmt nun seine intellektuelle Aktivitität wieder auf, beendet die Gedichtsammlung Calligrammes, den Erzählband Le Poète assassiné, schreibt das surrealistische Stück Les mamelles de Tirésias. Gleichzeitig trauert er der Zeit an der Front trotz aller Schrecknisse nach. Zwei Tage vor Friedensschluss, am 9. November 1918, erliegt er mit 38 Jahren dem, was man damals „Spanische Grippe“ nannte, was aber nach Annette Becker eine Vogelgrippe war, die nicht aus Spanien, sondern aus China über die USA eingeschleppt wurde und die allein in Frankreich 240.000 Tote forderte. Blaise Cendrars begleitete Apollinaire in seinen letzten Stunden und bei der Beerdigung auf dem Père Lachaise. In der Zeitschrift SIC gedachte er des Verstorbenen :

Amis Apollinaire n’est pas mort. Vous avez suivi un corbillard vide

41 Entretiens avec André Masson [1985] zitiert ibid., S. 96. 42 Ibid., S. 99. 43 Brief vom 16. Dezember 1915, zitiert ibid., S. 145. 116 JOSEPH JURT

[…] Et voilà que se lève une nouvelle génération […] Et ils parlent tous la langue d’Apollinaire.44

Nach der Lektüre des Buches von Annette Becker würde ich in Bezug auf Apollinaire nicht mehr von einer ästhetischen Valorisierung des Krieges sprechen, sondern eher von einer Humanisierung der paradoxen Realität des Krieges durch vielfältige innovative literarische Formen in einem eindrücklichen, sehr persönlichen Zeugnis, das gleichzeitig für zahllose andere zeugt45 – oder um es mit den Worten von Annette Becker zu sagen : „Apollinaire avait recherché du sens dans le désastre de la guerre, sens trouvé dans les paradoxes renouvelés du conflit et des représentations qu’il en avait tirées, de la guerre désirée pour atteindre la paix, de la civilisation brisée pour mieux la ressaisir“.46

44 Blaise CENDRARS, „Hommage à Guillaume Apollinaire“, SIC, Januar 1919, zitiert ibid., S. 218. 45 Annette Becker spricht ihrerseits in Bezug auf die Einschätzung Apollinaires von einer Debatte « qui oppose depuis quatre-vingt-dix ans, ceux qui n’ont vu que les héros et ont tu les souffrances à ceux qui n’ont vu que les victimes et on tu le consentement », ibid., S. 255. 46 Ibid., S. 234-235. Une esthétique agonale de la Grande Guerre

Jochen MECKE Université de Regensburg

La représentation de la guerre

Le conflit interculturel

Qu’une littérature qui traite de la guerre et qui oppose deux groupes ennemis se construise sur une base agonale va sans dire. En effet, l’antagonisme entre les soldats de la Triple Entente d’une part et ceux des Empires Centraux de l’autre détermine la constellation des personnages et l’action de la plupart des romans et récits de guerre. Il se concrétise généralement dans un noyau narratif qui raconte l’affrontement des ennemis dans un combat armé. Ce qui peut surprendre quelquefois, par contre, c’est la violence du récit. Ainsi, Blaise Cendrars raconte dans J’ai tué (1918) comment il a pu égorger un soldat allemand dans la guerre de tranchées :

Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J’ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Œil pour œil, dent pour dent. À nous deux maintenant. À coups de poing, à coups de couteau. Sans merci, je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le Boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre.1

Il en est de même de l’autre côté du front : deux ans après Cendrars, Ernst Jünger décrit ses souvenirs de guerre dans In Stahlgewittern2.

1 Blaise CENDRARS, « J’ai tué » [1918], in ID., Tout autour d’aujourd’hui, vol. 11, Paris, Denoel, 2002, p. 16. 2 « In einer Mischung von Gefühlen, hervorgerufen durch Blutdurst, Wut und Alkoholgenuß gingen wir im Schritt auf die feindlichen Linien los. […] Der übermächtige Wunsch zu töten, beflügelte meine Schritte. Der ungeheure Vernichtungswille, der über der Walstatt lastete, konzentrierte sich in den Gehirnen. […] So mögen die Männer der Renaissance 118 JOCHEN MECKE

Les passages cités correspondent certainement aux attentes que peut avoir un lecteur quelconque à l’égard d’un récit de guerre. Néanmoins, ils sont plutôt exceptionnels car ils relatent ce combat entre deux individus avec une certaine brutalité, qui redouble la représentation de la violence par une violence de la représentation, tandis que dans la plupart des romans sur la Grande Guerre, il est rare d’être confronté à la description brutale d’un combat corps à corps. Ainsi, des auteurs comme Maurice Genevoix (Sous Verdun, 1916), Henri Barbusse (Le Feu, 1916), Roland Dorgelès (Les Croix de bois, 1919), Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit, 1932), Ludwig Renn (Krieg, 1928), ou encore Erich Maria Remarque (Im Westen nichts Neues, 1929) – pour n’en citer que quelques-uns – ne racontent que rarement une confrontation directe entre deux individus. En revanche, beaucoup de ces romans représentent, outre le conflit opposant Anglais et Français d’un côté, et Allemands et Autrichiens de l’autre, d’autres conflits internes qui s’avèrent parfois plus importants que les premiers.

Le conflit intraculturel

Il est certain que la plupart des romans dépeignent, surtout au début de l’histoire, une ligne de démarcation claire et nette entre les parties ennemies. Mais au cours du récit, cette première frontière est complétée par une seconde, transversale, qui prend de plus en plus d’importance et finit presque par remplacer la première. À côté de la guerre au « front » s’ébauche un autre conflit qui oppose les simples soldats aux rangs supérieurs de la hiérarchie militaire. Déjà au début de son récit autobiographique La Main coupée, Blaise Cendrars raconte comment un officier et un sergent abandonnent leurs hommes aux rafales des mitrailleuses ennemies pour se mettre à l’abri du tir, ce qui oblige le caporal Cendrars à les faire arrêter3. Plus tard, Cendrars généralise sa critique des officiers et des généraux :

Ils [les officiers, J. M.] s’éclipsèrent tous, sauf qu’ils le firent avec beaucoup plus de souplesse que les sous-offs, ayant de meilleurs motifs et de plus hautes relations et beaucoup plus de bonnes raisons encore à invoquer sous prétexte de von ihren Leidenschaften gepackt sein, so mag ein Cellini gerast haben, Werwölfe, die heulend durch die Nacht hetzen, um Blut zu trinken. […] Da erblickte ich den ersten Feind. Eine Gestalt kauerte etwa drei Meter vor mir, anscheinend verwundet, in der Mitte der zertrommelten Mulde. Ich sah sie bei meinem Erscheinen zusammenfahren und mich mit weit geöffneten Augen anstarren, als ich ganz langsam, die Pistole vorstreckend, auf sie zuschritt. Zähneknirschend setzte ich die Mündung an die Schläfe des vor Angst Gelähmten […] » (Ernst JÜNGER, In Stahlgewittern. Aus dem Tagebuch eines Stoßtruppführers, Berlin, Mittler und Sohn, 3e édition 1922, p. 199). Au bout du compte, Jünger décide d’épargner le soldat allemand, ce qu’il ne fit point dans d’autres cas. Un peu plus loin : « […] Auch die Besatzung einer Reihe in einen Hohlweg eingebauter Unterstände stürzte heraus und entfloh. Ich schoß einen davon in dem Augenblick, als er aus dem Eingange des ersten sprang, nieder » (Ibid., p. 201). 3 Blaise CENDRARS, La Main coupée [1946], Paris, Gallimard (coll. « Folio »), 1975, p. 84 sq., p. 92. UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 119

spécialité, de compétence, de cours de perfectionnement à suivre […]. Dans la vie des tranchées ils étaient inexistants.4

Il en est de même pour les généraux qui « meurent dans leur lit, [comme] dit un proverbe canadien5 ». En fait, ce qui oppose les officiers et les simples poilus, c’est ce qui devrait normalement les rapprocher, c’est-à-dire l’expérience partagée de la guerre : mais tandis que le quartier général est normalement situé plus loin de la ligne de combat, les soldats des tranchées sont directement exposés aux tirs des mitrailleuses, des canons, aux shrapnells ou aux obus et deviennent de véritables « chairs à canons »6. Cet éloignement entraîne des « tirs amis » lorsque la ligne de démarcation semble passer, cette fois-ci, à l’intérieur des lignes françaises :

On s’était mis à nous tirer dessus. Pas les Allemands. Les Français ! On nous tirait dans le dos. Des feux de salve. Les copains. Les nôtres. Les escouades, demi-sections, sections, compagnies du régiment échelonnées derrière nous, probablement dans des positions aussi précaires que la nôtre, prenaient peur, s’affolaient.7

L’expérience de la guerre oppose également les soldats aux civils. Cela concerne en premier lieu les visiteurs du front. Barbusse peint un portrait assez critique des civils qui se comportent comme des touristes malsains et pervers sur le front, observant les poilus comme des animaux étranges.

« – C’est les touristes des tranchées, dit à mi-voix Barque. […] – Ah ! ah ! fait le premier monsieur, voilà des poilus… Ce sont de vrais poilus, en effet. Il s’approche un peu de notre groupe, un peu timidement, comme au Jardin d’Acclimatation, et tend la main à celui qui est le plus près de lui, non sans gaucherie, comme on présente un bout de pain à l’éléphant. – Hé, hé, ils boivent le café, fait-il remarquer. – On dit le « jus », rectifie l’homme-pie. – C’est bon, mes amis ? »8

Les romans de guerre montrent également un autre type de conflit qui éclate quand les combattants sont en permission. Personne ne semble avoir relevé ce conflit d’une manière plus brutale que Cendrars dans La Femme et le Soldat, un récit décrivant de façon très abrupte la rencontre entre les soldats d’un régiment en permission et une jeune vendeuse de fruits9. Le comportement agressif des permissionnaires montre une véritable haine des soldats envers ceux qui n’ont pas connu l’horreur qu’ils ont vécue eux- mêmes. Dans d’autres romans, les habitants des villages essaient de s’enrichir en vendant aux soldats leurs produits à des prix surfaits.

4 Ibid., p. 155. 5 Ibid., p. 157. 6 Ibid.. 7 Ibid., p. 88. 8 Henri BARBUSSE, Le Feu. Journal d’une escouade, Paris, Flammarion, 1916, p. 38. 9 Blaise CENDRARS, « La Femme et le soldat », in Tout autour d’aujourd’hui, t. VI, textes présentés et annotés par Michèle TOURET, Paris, Denoël, 2002. 120 JOCHEN MECKE

Rapprochement des ennemis

Mais si les soldats des tranchées s’éloignent de leurs généraux, officiers et sergents, ils se sentent en revanche parfois plus proches de leurs ennemis avec qui ils partagent l’expérience des tranchées. Ce que Christian Carion montre dans son film Joyeux Noël n’est pas une fiction cinématographique, mais un fait historique attesté10. Cependant, ce rapprochement entre les soldats de la Triple Entente et ceux des Empires centraux n’était pas limité à la Trêve de Noël, mais comportait également des avertissements aux soldats ennemis pour les prévenir d’un bombardement imminent ou bien des cessez-le-feu spontanés de plusieurs jours pour pouvoir enterrer les camarades morts11. Cet accord tacite avec l’ennemi existait également dans la vie quotidienne. Même Ernst Jünger, qui ne montre pourtant pas d’affection particulière pour les soldats anglais ou français, raconte ce genre de fraternisation dans In Stahlgewittern12. Cette « entente cordiale » peut même se transformer en acte de solidarité et d’aide, comme Maurice Genevoix le raconte dans un épisode de Sous Verdun :

À la jumelle, je vois sur un chemin deux blessés qui se traînent, deux Français. Un des uhlans les a aperçus. Il a mis pied à terre et il s’avance vers eux. Je suis la scène de toute mon attention. Le voici qui les aborde, qui leur parle ; et tous les trois se mettent en marche vers un gros buisson voisin de la route, l’Allemand entre les deux Français, les soutenant, les exhortant sans doute de la voix. Et là, précautionneusement, le grand cavalier gris aide les nôtres à s’étendre. Il est courbé vers eux, il ne se relève pas ; je suis certain qu’il les panse.13

Ainsi, dans plusieurs romans, au conflit externe s’ajoutent des conflits internes qui se jouent au sein d’une même culture, alors que s’installe une solidarité spontanée et inattendue entre les soldats ennemis. Le conflit intraculturel dont se double le conflit interculturel s’avère parfois plus important que ce dernier, ce qui rapproche les combattants ennemis tout en les éloignant de leurs supérieurs et des civils de leur propre culture. Mais la relation conflictuelle ne se manifeste pas seulement au niveau de l’histoire ; elle détermine également le discours narratif.

10 Christian CARION, Joyeux Noël, France, 2005 11 Jean-Jacques BECKER, L’Année 14, Paris, Armand Colin, 2005. 12 « Als ich am anderen Morgen völlig durchnäßt den Stollen verließ, glaubte ich meinen Augen nicht trauen zu dürfen. Das Gelände, dem bisher die Einsamkeit des Todes ihren Stempel aufgedrückt, hatte das Aussehen eines Jahrmarktes angenommen. Die Besatzung beider Gräben war von dem furchtbaren Schlamm auf die Brustwehren getrieben, und schon hatte sich vor den Drahtverhauen ein lebhafter Verkehr und Austausch von Schnaps, Zigaretten, Uniformknöpfen usw. entwickelt. Die Menge khakifarbener Gestalten, die den bisher so öden englischen Gräben entquoll, wirkte direkt verblüffend. » (JÜNGER, Stahlgewitter, p. 35). 13 Maurice GENEVOIX, Sous Verdun, Août-octobre 1914, Paris, Hachette, 1916, p. 23. UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 121

Défense de la représentation de la mort

Pour établir le lien entre la représentation du conflit et le conflit qui traverse cette représentation même, il est utile de reprendre l’épisode déjà cité de « J’ai tué » de Blaise Cendrars. En réalité, la singularité de ce texte apparaît d’une manière encore plus nette, si nous le comparons à une version ultérieure de Cendrars dans son récit autobiographique La Main coupée en 1946 :

C’est durant ce nettoyage [i.e. des tranchées, J. M.] que j’ai tué d’un coup de couteau un Allemand qui était déjà mort. Il me guettait, embusqué derrière un pare-éclats, le fusil en arrêt. Je lui sautai dessus et lui portai un coup terrible qui lui décolla presque la tête et qui le fit tomber à la renverse, semant son casque à pointe. Alors, je constatai qu’il était déjà mort depuis le matin et qu’il avait eu le ventre ouvert par un obus. Il s’était vidé. Jamais un homme ne m’a fait aussi peur.14

En insistant sur le fait que c’est un soldat déjà mort à qui le narrateur auto- diégétique coupe la gorge, l’acte de tuer est révoqué, comme si Cendrars avait, des années plus tard, senti le besoin d’amortir le choc de son premier récit. Cette révocation est d’autant plus surprenante qu’elle s’opère dans un contexte qui, en soi, était tout à fait propice à une surenchère de la violence narrative. Car La Main coupée a été écrit après la Seconde Guerre mondiale et par conséquent dans un sentiment de haine à l’encontre de l’Allemagne, un pays responsable non seulement d’une guerre atroce et de l’holocauste, mais également de la mort du fils de Cendrars, tué en Afrique du Nord comme pilote de guerre dans un accident d’avion15. Compte tenu de ce contexte, il est étonnant que le même Cendrars – qui par ailleurs traite les Allemands de tous les noms et se complaît à raconter comment ses camarades et lui avaient, avec succès, truffé un gramophone d’explosifs pour attirer et tuer un maximum de soldats allemands – ait senti le besoin d’atténuer la violence de la première version de 191816. Dans Sous Verdun, Maurice Genevoix fait montre des mêmes réticences. Dans la première édition, Genevois décrit comment il s’est soudain retrouvé entouré d’Allemands qui étaient en train de passer à l’attaque contre les lignes françaises. Dans cette situation absurde, il ne lui reste rien d’autre que de hurler avec les loups au sens propre du terme pour ne pas se faire reconnaître. Comme il fait nuit et qu’il peut se coiffer d’un casque allemand trouvé par hasard, il réussit à passer inaperçu et à courir avec les Allemands jusqu’au moment où ceux-ci doivent se reformer avant de passer au prochain assaut. À la suite de ce passage, Genevois écrit :

Déjà il n’y a plus de braillards à voix rauque [i.e. d’Allemands, J. M.]. […] Pourtant avant de rallier les chasseurs, j’ai rattrapé encore trois fantassins

14 CENDRARS, La Main coupée, p. 120. 15 Ibid., p. 11 sq. 16 Ibid., p. 169 sq. 122 JOCHEN MECKE

allemands isolés. Et à chacun, courant derrière lui du même pas, j’ai tiré une balle de revolver dans la tête ou dans le dos. Ils se sont effondrés avec le même cri étranglé.17

Il est ici intéressant de noter que Genevoix avait senti le besoin de supprimer cette scène à la première réimpression de son livre. Il commente cette autocensure de la manière suivante :

Lors d’une réimpression du livre j’avais supprimé ce passage : c’est une indication quant à ces retours sur soi-même que devaient fatalement se produire. Je la rétablis aujourd’hui, tenant pour un manque d’honnêteté l’omission volontaire d’un des épisodes de guerre qui m’ont le plus profondément secoué et qui ont marqué ma mémoire d’une empreinte jamais effacée. (Note de 1949)18.

Les mêmes réticences à l’égard du récit de mise à mort sont à l’œuvre dans Le Feu de Barbusse. S’il raconte comment ses camarades ont tué un Allemand, la manière dont il évoque cet épisode est néanmoins symptomatique à plusieurs égards. Le motif qui déclenche toute l’action est insignifiant : il manque des allumettes aux soldats français pour préparer le repas. À la recherche d’une boîte d’allumettes, ils s’égarent dans les tranchées allemandes :

– Des chargeurs ! dit à voix basse Pépin… Des chargeurs boches sur la planchette ! Nous sommes dans le boyau boche ! – Mettons-les. Il y a un élan des trois hommes pour sortir. – Attention, bon Dieu ! Bougez pas !… Les pas… On entend marcher. C’est le pas assez rapide d’un homme seul. Ils ne bougent pas, retiennent leur souffle. Leurs yeux braqués à ras de terre voient la nuit remuer, à droite, puis une ombre avec des jambes, se détache, approche, passe… Cette ombre se silhouette. Elle est surmontée d’un casque recouvert d’une housse sous laquelle on devine la pointe. Aucun autre bruit que celui de la marche de ce passant. À peine l’Allemand est-il passé que les quatre cuisiniers, d’un seul mouvement, sans s’être concertés, s’élancent, se bousculent, courent comme des fous, et se jettent sur lui. – Kamerad, messieurs ! dit-il. Mais on voit briller et disparaître la lame d’un couteau. L’homme s’affaisse comme s’il s’enfonçait par terre. Pépin saisit le casque tandis qu’il tombe et le garde dans sa main.19

Si la scène décrit bien l’assassinat du soldat allemand par les quatre poilus français, Barbusse évite toutefois de nommer l’auteur grâce à une ellipse narrative qui évoque seulement la lame de couteau qui brille un moment et disparaît ensuite, comme si le couteau avait agi tout seul. La scène est imprégnée de toutes ces ellipses, suppressions et euphémismes qui permettent d’éluder une description trop directe de la mise à mort. Cela est nécessaire parce que, comme l’acte de tuer en lui-même, la représentation de l’acte de tuer a besoin d’une légitimation. Mais tandis que la guerre donne le droit de tuer, le récit de guerre ne donne pas automatiquement la licence poétique de

17 GENEVOIX, Sous Verdun, p. 51. 18 Ibid., 19 BARBUSSE, Le Feu, p. 234. UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 123 représenter les meurtres commis par les soldats. Les réticences de Barbusse, de Cendrars et de Genevoix révèlent l’existence d’un conflit important entre éthique et esthétique qui se situe au sein de l’écriture même.

Hommes et machines

Que ce conflit entre esthétique et éthique puisse prendre une telle importance relève d’une forme nouvelle et particulière de guerre : la guerre à distance. Car dans la mesure où il constitue une exception, l’acte de tuer un ennemi dans un combat corps à corps acquiert une importance éthique plus grande. Si l’on examine le texte de Cendrars de plus près, on peut y détecter un motif de la haine inouïe éprouvée par le protagoniste. En effet, c’est la haine de « toute cette machinerie démoniaque systématique et aveugle »20 qui se décharge par métonymie dans l’attaque contre le soldat allemand. La plupart des romans de la Grande Guerre tiennent compte du changement radical provoqué par les nouveaux dispositifs techniques mis en place, pour la première fois, de manière si massive. Ce qui – au moins encore dans les guerres précédentes – pouvait être considéré comme un adversaire humain se voit transformé en pure cible technique, tandis que les machines de guerre évoquées dans J’ai tué deviennent les véritables adversaires. Cela est particulièrement visible dans les scènes de combat à distance où la grande portée des mitrailleuses, grenades, obus et fusées fait disparaître les ennemis au profit d’une machinerie militaire anonyme qui peut frapper à tout moment. Le résultat de ce changement ne saurait être plus radical : le combat de l’homme contre l’homme est remplacé par une guerre entre hommes et machines ou, pire encore, par le combat de la machine contre la machine, canon contre canon et fusée contre fusée, qui ne laisse plus guère de place à l’homme. C’est Jünger lui-même qui décrit dans les premiers paragraphes de In Stahlgewittern les effets de cette nouvelle forme de guerre à distance sans ennemi personnel visible21. Il en est de même pour Roland Dorgelès qui décrit un bombardement dans Les Croix de bois :

20 CENDRARS, « J’ai tué », p. 16. 21 « Plötzlich dröhnte eine Reihe dumpfer Erschütterungen in der Nähe, während aus allen Häusern Soldaten dem Dorfeingang zustürzten. Wir befolgten dies Beispiel, ohne recht zu wissen warum. Wieder ertönte ein eigenartiges, nie gehörtes Flattern und Rauschen über uns und ertrank in polterndem Krachen. […] Gleich darauf erschienen schwarze Gruppen auf der menschenleeren Dorfstraße, in Zeltbahnen oder auf den verschränkten Händen schwarze Bündel schleppend. Mit einem merkwürdig beklommenen Gefühl der Unwirklichkeit starrte ich auf eine blutüberströmte Gestalt mit lose am Körper herabhängendem Bein, die unaufhörlich ein heiseres »Zu Hilfe!« hervorstieß […]. Das war so rätselhaft, so unpersönlich. […] Kaum, daß man dabei an den Feind dachte, dieses geheimnisvolle, tückische Wesen irgendwo dahinten. Das völlig außerhalb der Erfahrung liegende Ereignis machte einen so starken Eindruck, daß es Mühe kostete, die Zusammenhänge zu begreifen. » (JÜNGER, In Stahlgewittern, p. 2). 124 JOCHEN MECKE

Brusquement, une rafale d’explosions les secoua. Ce fut une seconde d’affolement. Ils se levaient, sortaient des trous, se bousculaient pour prendre leurs fusils, tout de suite hébétés par le tonnerre assourdissant de l’artillerie subitement déchaîné. Au même signal, sur toute la ligne, nos pièces s’étaient mises à tirer, et dans ce déchirant fracas, on n’entendait même plus les obus rayer l’air. Nous nous étions précipités aux créneaux, fouillant déjà la cartouchière. Au bout du terrain vague qui séparait les deux réseaux, juste sur la ligne allemande dont on apercevait encore le lacet sinueux dans la fumée, les obus tapaient à coups furieux, faisant voler des morceaux de tranchée blanche, comme des copeaux sous un rabot de menuisier. Enervés, nous courions de droite à gauche, on s’appelait, on se renseignait l’un l’autre, sans rien savoir.22

La plupart des romans de 1914-18 décrivent longuement des scènes de bombardement à distance de ce type, sans que jamais un ennemi apparaisse. Tous les soldats sont réduits à subir l’attaque de la machine de guerre adverse, tout en restant passifs, comme s’il s’agissait d’une intempérie. En ce sens, le titre In Stahlgewittern est bien choisi, car les possibilités pour l’individu de combattre des canons, des obus, des mitrailleuses et d’autres armes à distance sont aussi réduites que le seraient celles d’humains voulant combattre des orages. Ainsi, l’ennemi reste invisible23. M. Genevoix insiste également sur la rareté du combat avec un ennemi visible. Quand il raconte comment il a réussi à tuer des soldats allemands qui se trouvaient près de lui, il précise que « ç’a été la seule occasion – la seconde et la dernière a été aux Éparges, le 18 février au matin – où j’ai senti en tant que telles la présence et la vie des hommes sur qui je tirais24 ». Cette nouvelle forme de guerre, la guerre des machines, ne permet plus de conserver la continuité de l’action. Ainsi, Genevoix, lorsqu’il raconte dans le premier chapitre la « prise de contact » avec l’ennemi, utilise un oxymore puisque cette prise de contact se fait à distance. Dès lors, le récit ne peut raconter le combat qu’en se limitant à constater les dégâts causés par les canons et les obus allemands :

Soudain, un sifflement rapide qui grandit, grandit... et voilà deux shrapnells qui éclatent, presque sur ma tranchée. Je me suis baissé ; j’ai remarqué surtout l’expression angoissée d’un de mes hommes. Cette vision me reste. Elle fixe mon impression.25

Une modification radicale du récit de guerre

Cette nouvelle forme de guerre ne peut plus être racontée selon les formes du récit héritées de la tradition littéraire. Elle entraîne une modification

22 Roland DORGELÈS, Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1964, p. 46. 23 « Die Schlacht von “Les Eparges” war meine erste. Sie war ganz anders, als ich gedacht. Ich hatte an einer großen Kampfhandlung teilgenommen, ohne einen Gegner zu Gesicht bekommen zu haben » (JÜNGER, In Stahlgewittern, p. 20). 24 Maurice GENEVOIX, Ceux de 14, Paris, Flammarion, rééd. 2007, p. 51. 25 ID., Sous Verdun, p. 20 sq. UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 125 narrative considérable : la machinerie militaire anonyme destitue l’homme de son rôle traditionnel de sujet de l’action pour prendre définitivement sa place et révolutionner, de ce fait, la relation entre homme et machine. Le dispositif technique est promu au rang de véritable actant d’une guerre qui assigne à l’homme un rôle subalterne :

Ligne de section par quatre dans le bois, près d’une clairière. Les chaudrons dégringolent ; un réserviste, grand, blond roux, au premier qui explose, se retourne brusquement, me crie qu’il est blessé. Il est blafard et il tremble violemment : c’est une branchette qui l’a piqué, comme il se baissait. Un second chaudron, et c’est la ruée fantastique de Ferrai, serrant son poignet ensanglanté. Un troisième : le caporal Trémault reçoit dans la joue le bout d’un canon de fusil. Il est estomaqué un moment, puis, ses esprits revenus, il sacre jusqu’à extinction. L’arrosage continue.26

La structure traditionnelle du récit et de la phrase ne peut plus être conforme à une guerre menée par des machines. La séquence sujet-verbe est remplacée par un style télégraphique. Les ellipses du verbe permettent de rendre la forme particulière du nouvel art de la guerre à distance, qui contraint l’homme à accuser les coups assénés par les armes de longue portée. La plupart des particularités narratives des récits de 1914-18 découlent de ce nouvel art de la guerre, fait d’armes de destruction massive, de batailles à distance et de guerres de tranchées immobiles sans individus.

Dimensions esthétiques de la guerre

Cependant, les romans de 14-18 décrivent souvent la beauté éblouissante de cette nouvelle forme de guerre. Dans In Stahlgewittern, Jünger évoque à plusieurs reprises cette splendeur du spectacle des fusées et obus27. Dorgelès décrit la même beauté insolite du spectacle : « La nuit, c’était là qu’on tirait le feu d’artifice : globes rouges, étoiles blanches, chenilles vertes balancées, vision splendide des nuits de guerre. Des éclairs d’éclatements y joignaient leur fracas28. » Cette beauté déconcertante de la nouvelle guerre ne manque pas de provoquer de l’admiration chez les soldats. Chez Barbusse, l’escouade du narrateur est littéralement subjuguée :

[…] Tout à coup une étoile intense s’épanouit là-bas, vers les lieux vagues où nous allons : une fusée. Elle éclaire toute une portion du firmament de son halo

26 Ibid., p. 21. 27 « Mit jener eigentümlichen Mißstimmung, die eine in der Morgensonne strahlende Landschaft auf die erschöpften, übernächtigten Nerven ausübt, zogen wie durch die Laufgräben nach Monchy und von dort zu der sich vor dem Waldrande von Adinfer hinziehenden zweiten Stellung, von wo wir einen grandiosen Ausblick auf den ersten Auftakt zur Sommeschlacht hatten. Die Frontabschnitte links von uns waren in weiße und schwarze Rauchwolken gehüllt, turmhoch spritzte ein schwerer Einschlag neben dem anderen; darüber zuckten zu Hunderten die kurzen Blitze platzender Schrapnells. » (JÜNGER, In Stahlgewittern, p. 54). 28 DORGELÈS, Les Croix de bois, p. 159 sq. 126 JOCHEN MECKE

laiteux, en effaçant les constellations, et elle descend gracieusement avec des airs de fée. Une rapide lumière en face de nous, là-bas ; un éclair, une détonation. C’est un obus. [...] L’obus est tombé sur le sommet, dans nos lignes. Ce sont eux qui tirent. Un autre obus. Un autre, un autre, plantent, vers le haut de la colline, des arbres de lumière violacée dont chacun illumine sourdement tout l’horizon. Et bientôt, il y a un scintillement d’étoiles éclatantes et une forêt subite de panaches phosphorescents sur la colline : un mirage de féerie bleu et blanc se suspend légèrement à nos yeux dans le gouffre entier de la nuit. […] – C’est comme si tu vois un feu d’artifice, disent-ils. […] voici une étoile rouge, une verte ; une gerbe rouge, beaucoup plus lente. […] Ce sont les Allemands qui font des signaux, et aussi les nôtres qui demandent de l’artillerie.29

Dans Les Croix de bois, les soldats éprouvent la même admiration :

Pas bien loin, les fusées barraient la nuit d’un long boulevard de clarté, et, par instants, cela s’égayait de lueurs rouges ou vertes, vite éteintes, pareilles à des enseignes lumineuses. Ce ciel de guerre faisait penser à une nuit populaire de quatorze juillet. (Dorgelès, p. 39). Quand une salve bien pointée donnait sur la tranchée ses quatre coups de pic, arrachant une gerbe de terre, de pierres et de madriers, un cri d’admiration montait, une clameur ravie de feu d’artifice. Dans le vacarme, on n’entendait plus que ce rire heureux, ce rire honnête, comme si nous avions jugé l’effet de balles à massacre, sur les têtes de bois d’une noce villageoise.30

Mais c’est justement cet aspect esthétique qui pose un problème fondamental pour tous les romans sur la guerre de 14-18. Car la « beauté » de ce feu d’artifice, si elle constitue un spectacle impressionnant pour les soldats, cause également la mort de centaines d’entre eux. En ce sens, la scène topique des récits de la Grande Guerre, dans laquelle le bombardement est perçu comme un feu d’artifice, ne concerne pas seulement le droit de décrire l’aspect esthétique d’un bombardement, mais aussi la légitimité de toute esthétique de la guerre. Ce sont évidemment les futuristes italiens qui les premiers ont magnifié la beauté de la guerre. Déjà dans le premier manifeste futuriste, publié dans Le Figaro en 1909, Marinetti célèbre la guerre : « Nous voulons glorifier la guerre – seule hygiène du monde –, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées qui tuent, et le mépris de la femme31 ». Ni la Première Guerre mondiale, à laquelle Marinetti a participé lui-même, ni la mort de plusieurs futuristes n’ont pu le faire revenir sur ses positions. En 1935, il réitère sa célébration de la guerre dans le manifeste intitulé « Invito a la guerra africana32 ».

C’est pourquoi [...] nous affirmons ceci : la guerre est belle, parce que, grâce aux masques à gaz, au terrifiant mégaphone, aux lance-flammes et aux petits chars

29 BARBUSSE, Le Feu, p. 224. 30 DORGELÈS, Les Croix de bois, p. 47. 31 Filippo Tomaso MARINETTI, « Manifeste futuriste », Le Figaro, 20 février 1909, p. 1. 32 ID., « Invito alla guerra africana. Manifesto agli scrittori e agli artisti d’Italia », La Gazzetta del Popolo, Torino, 30 juillet 1935, p. 3. UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 127

d’assaut, elle fonde la souveraineté de l’homme sur la machine subjuguée. La guerre est belle, parce qu’elle réalise pour la première fois le rêve d’un homme au corps métallique. La guerre est belle, parce qu’elle enrichit un pré en fleurs des orchidées flamboyantes que sont les mitrailleuses. La guerre est belle, parce qu’elle rassemble, pour en faire une symphonie, la fusillade, les canonnades, les suspensions de tir, les parfums et les odeurs de décomposition. La guerre est belle, parce qu’elle crée de nouvelles architectures, comme celle des grands chars, des escadres aériennes aux formes géométriques, des spirales de fumée montant des villages incendiés, et bien d’autres encore (...). Écrivains et artistes futuristes, [...] rappelez-vous ces principes fondamentaux d’une esthétique de guerre, pour que soit ainsi éclairé [...) votre combat pour une nouvelle poésie et une nouvelle sculpture !33

Dans la postface de son essai, Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit, Walter Benjamin avance sa célèbre hypothèse selon laquelle le fascisme promeut l’esthétisation de la politique34. Selon lui, celle-ci aurait pour fonction principale de limiter l’action des masses, qui veulent le changement politique, à sa seule représentation dans des manifestations esthétisantes. Ainsi, la manifestation fasciste empêche l’action, elle se complaît dans l’expérience dionysiaque de l’ivresse, sans aboutir à une conséquence pratique quelconque. Voilà pourquoi, pour Benjamin, l’esthétisation de la politique trouve son aboutissement ou son point culminant dans la guerre. Selon lui, la déshumanisation de la guerre et de l’être humain signifie également une révolte de la technique contre l’homme, une technique qui doit récupérer auprès du matériel humain ce que la société lui a soustrait comme matériel naturel. Ainsi, au lieu de canaliser des fleuves, la technique canalise désormais des flots de sang humain vers les tranchées. Dans cette perspective, les batailles de matériel apparaissent comme l’effet d’une technique déchaînée qui se retourne contre l’homme. La révolte des machines prend l’homme pour cible35. Ce phénomène d’esthétisation ne concerne pas seulement la politique telle qu’elle est conçue par le fascisme, mais aussi la guerre elle-même. Si les soldats peuvent admirer le spectacle insolite de la beauté de la guerre, cela est justement dû aux nouvelles armes qui permettent d’attaquer l’ennemi à longue distance. C’est cet éloignement qui donne au combattant une position d’observateur qui lui permet de prendre du recul par rapport aux événements, recul qui est la condition de la transformation du combat en spectacle et de la naissance d’un regard esthétique. Tel est par exemple le cas lorsque les

33 Ibid. 34 Walter BENJAMIN, Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit, Frankfurt/M., Suhrkamp, 1963, p. 48-51. 35 « Der imperialistische Krieg ist ein Aufstand der Technik, die am „Menschenmaterial“ die Ansprüche eintreibt, denen die Gesellschaft ihr natürliches Material entzogen hat. Anstatt Flüsse zu kanalisieren, lenkt sie den Menschenstrom in das Bett ihrer Schützengräben, anstatt Saaten aus ihren Aeroplanen zu streuen, streut sie Brandbomben über die Städte hin, und im Gaskrieg hat sie ein Mittel gefunden, die Aura auf neue Art abzuschaffen. » (Ibid., p. 50). 128 JOCHEN MECKE soldats de l’escadron du narrateur du Feu de Barbusse admirent les fusées et les signaux des deux armées comme un feu d’artifice. Bien sûr, cette dimension esthétique de la guerre n’est pas un phénomène entièrement nouveau. Les guerres précédentes faisaient déjà montre d’une certaine esthétisation. L’organisation de l’armée, les couleurs des drapeaux et des uniformes, ainsi que le prestige de ces derniers auprès des citoyens et des femmes, les défilés, la marche au pas cadencé, les chansons des armées, les cris lors de l’attaque, les formations militaires avant celle-ci, tout cela constitue un dispositif qui dote également la guerre traditionnelle d’une dimension esthétique. La littérature a également contribué à cette esthétisation. De nombreux textes ont participé à la création d’un discours esthétique sur la guerre qui est doté de différents éléments constitutifs : le héros unique et individualisé qui vainc son adversaire ou meurt de façon héroïque lors d’un combat, les actes de bravoure des héros de guerre qui acquièrent gloire et renommée par leur mort et leur sacrifice pour la nation, et la guerre comme possibilité de transcender l’homme dans une expérience dionysiaque où se mélangent les individus. Tous ces éléments ont créé un discours qui a depuis toujours exercé une certaine fascination sur les peuples. Mais si la littérature, depuis l’Iliade d’Homère, a toujours embelli la guerre, cette esthétisation prend une forme particulière dans les œuvres littéraires qui précèdent la Première Guerre Mondiale, avec des auteurs tels que Maurice Barrès, Léon Bloy, Paul Déroulède ou bien Ernest Psichari. Dans L’Appel des armes (1913) par exemple, Psichari réunit tous les éléments nécessaires à la préparation esthétique de la guerre, comme par exemple la force unificatrice et purifiante de l’armée, l’expérience héroïque du combat et une valorisation esthétique de la machinerie de guerre se composant de « beaux canons, précis et gais, avec des ornements qui n’en sont pas […] (de) beaux joujoux […] l’absolue perfection […] d’un beau travail métallurgique36 ». Pour lui, rien ne semble plus digne d’admiration que le chef qui se dresse devant l’ennemi la poitrine nue, sabre au clair. À toute cette fascination littéraire pour la guerre s’ajoutent d’autres éléments importants relatifs à la jeunesse de 1914, comme le montre l’exemple d’Ernst Jünger37. Le jeune Jünger attend de la guerre de 14-18 une expérience esthétique où l’enivrement et l’extase se joignent pour l’arracher à la vie quotidienne normale et dont il a décrit les enjeux dans son essai « Der

36 Ernest PSICHARI, L’appel des armes, Paris, Oudin, 1913, p. 131. 37 « Wir hatten Hörsäle, Schulbänke und Werktische verlassen und waren in den kurzen Ausbildungswochen zusammengeschmolzen zu einem großen, begeisterten Körper, Träger des deutschen Idealismus der nachsiebziger Jahre. Aufgewachsen im Geiste einer materialistischen Zeit, wob in uns allen die Sehnsucht nach dem Ungewöhnlichen, nach dem großen Erleben. Da hatte uns der Krieg gepackt wie ein Rausch. In einem Regen von Blumen waren wir hinausgezogen in trunkener Morituri-Stimmung. Der Krieg mußte es uns ja bringen, das Große, Starke, Feierliche. Er schien uns männliche Tat, ein fröhliches Schützengefecht auf blumigen, blutbetauten Wiesen. Kein schönrer Tod ist auf der Welt... Ach, nur nicht zu Haus bleiben, nur mitmachen dürfen ! » (JÜNGER, In Stahlgewittern, p. 1). UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 129

Kampf als inneres Erlebnis ». Mais déjà, dans In Stahlgewittern, il célèbre le danger de la mort38. Cette attitude de Jünger était loin d’être un cas unique d’enthousiasme, comme l’ont démontré les études sur les attitudes des intellectuels avant la Première Guerre mondiale39.

Critique de l’esthétisation

Dans l’un des romans les plus curieux sur la Première Guerre mondiale, Thomas l’imposteur (1923), Jean Cocteau propose une analyse pertinente de ce désir d’expérience esthétique. Il y raconte l’histoire de la princesse de Bormes qui veut organiser avec l’aide de quelques amis – entre autres Thomas Fontenoy – des transports de blessés de guerre. Cependant, le motif pour lequel elle et Thomas veulent aider les blessés n’est point la charité ou l’amour du prochain, mais le besoin d’éprouver des sensations fortes : « Elle voulait s’amuser et savait s’amuser40 ». Ainsi, « la guerre lui apparut tout de suite comme le théâtre de la guerre. Théâtre réservé aux hommes41. » Elle développe une véritable soif de guerre, parce que la mode d’alors est au danger42. Pour la princesse qui « sentait la gloire comme un cheval l’écurie43», tout se transforme immédiatement en spectacle. Ainsi, à la vue des champs de bataille et de quelques dragons, elle imagine se trouver dans les coulisses d’un théâtre et perçoit les soldats comme des figurants qui s’habillent44. Il ne saurait y avoir d’analyse plus sarcastique des motivations bellicistes fondées principalement sur des besoins esthétiques. Certes, l’on peut objecter que l’envergure de la critique de Cocteau est limitée, car elle ne s’applique qu’à ceux qui sont condamnés à être les simples observateurs d’une guerre dont ils sont exclus. Mais lors du bombardement de Reims, la princesse et Thomas participent bel et bien aux affrontements et, à la fin du roman, Thomas devient un véritable soldat. Il entre tellement bien dans son rôle qu’il se laisse prendre à son propre jeu45, si bien que, lorsqu’il doit apporter personnellement un message à un autre poste au front, rôle et réalité se confondent. Surpris par une patrouille allemande, il provoque ses

38 « Die Gefahr ist der vornehmste Augenblick seines Berufes, da gilt es, gesteigerte Männlichkeit zu beweisen. Ehre und Ritterlichkeit erheben ihn zum Herrn der Stunde. Was ist erhabener, als hundert Männern voranzuschreiten in den Tod? Gefolgschaft wird solcher Persönlichkeit nie versagt, die mutige Tat fliegt wie Rausch durch die Reihen. » (Jünger, In Stahlgewittern, p. 18). 39 Helmut FRIES, Die große Katharsis. Der Erste Weltkrieg in der Sicht deutscher Dichter und Gelehrter, vol. 1, Die Kriegsbegeisterung von 1914: Ursprünge – Denkweisen – Auflösung, Konstanz, Verlag am Hockgraben, 1994. 40 Jean COCTEAU, Thomas l’imposteur, Paris, Gallimard, rééd. 2010, p. 12. 41 Ibid., p. 16. 42 Ibid., p. 17. 43 Ibid., p. 19. 44 Ibid., p. 37. 45 Ibid., p. 27. 130 JOCHEN MECKE adversaires et prend ensuite la fuite, mais les Allemands tirent sur lui et l’atteignent à la poitrine :

Il tomba. Il devenait sourd. « Une balle se dit-il. Je suis perdu si je ne fais pas semblant d’être mort. » Mais, en lui, la fiction et la réalité ne formaient qu’un. Guillaume Thomas était mort.46

Ainsi, le roman de Cocteau conjugue la fiction esthétique avec la réalité de la guerre pour former un ensemble inextricable. Tout en montrant les motivations personnelles de ses personnages – participer à la guerre pour des motifs esthétiques –, il les dénonce et arrive à analyser le mécanisme qui a incité des jeunes gens à s’engager comme volontaires. À l’instar de Thomas l’imposteur, beaucoup de romans de 14-18 rejettent le discours esthétisant sur la guerre et les manifestations littéraires qui en résultent. Ce n’est pas un hasard si Genevoix relate dans son récit daté du vendredi 28 août le discours pathétique d’un commandant qui cite Déroulède : « Et là, un commandant à monocle nous lit, d’une voix sèche, une proclamation vibrante : oraison funèbre du colonel, exhortations véhémentes, vers de Déroulède pour finir47. » Dans Les Croix de bois, Dorgelès raconte les réactions des soldats face à l’ordre d’attaquer :

Les camarades non plus ne rient pas : rien qu’en tournant la tête, ils pourraient voir, par le créneau, ceux de la dernière attaque, restés couchés dans l’herbe haute. Aucun ne sort un médaillon de sa poche pour l’embrasser furtivement, aucun non plus ne s’écrie, comme dans les contes : « Enfin ! On va sortir des trous. »48

Évidemment, en évoquant le baiser posé sur le médaillon et les cris de joie, le texte prend le contre-pied de toute une littérature de guerre néoromantique ou enthousiaste à la manière de Psichari, qualifiée ici de conte de fée. Mais le rejet le plus explicite de cette littérature se trouve probablement dans La Main coupée, lorsque Cendrars reçoit la visite d’un agent secret – qui est également un écrivain peu talentueux – s’enthousiasmant pour la guerre, qu’il considère comme une source d’inspiration esthétique :

La guerre, pontifiait l’autre, mais c’est sublime. Je suis en train d’écrire le plus beau poème de ma vie. Vous allez pas me faire croire, Blaise Cendrars, que tout ce qui se passe au front ne vous inspire pas ? – Oh, pas du tout. – Vous devez avoir des poèmes plein la poche. – Pas un ! Alors, pourquoi vous êtes-vous engagé ? En tout cas pas pour tenir un porte-plume. […] – J’entends, mais c’est existant ! Je croyais, qu’avec votre amour de la vie, Blaise Cendrars, la vie pleine que vous menez ici, le danger, la camaraderie, le décor camouflé, la nature, le plein air, le rythme industriel dans lequel on est plongé dès qu’on pénètre dans les tranchées, le pittoresque, l’imprévu, les rencontres surprenantes,

46 Ibid, p. 130. 47 GENEVOIX, Sous Verdun, p. 16. 48 DORGELÈS, Les Croix de bois, p. 85. UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 131

la mort violente, je croyais qu’avec la guerre vous étiez dans votre élément, et que tout cela vous inspirerait, Blaise Cendrars.49

Le discours de l’agent-écrivain reprend les stéréotypes de toute une littérature qui peint un tableau idéalisé d’une guerre propice à l’esthétique, que Cendrars rejette violemment dans sa réponse tout en faisant allusion au discours esthétisant sur la guerre :

– « Mourir pour la patrie est le sort le plus beau… » n’est-ce pas ? Vous croyez- vous au théâtre, Monsieur ? Avez-vous perdu le sens de la réalité ? Vous n’êtes pas au Français, ici. Et savez-vous ce qui se cache sous cet alexandrin ? La guerre est une ignominie. Tout au plus ce spectacle peut satisfaire les yeux, le cœur d’un philosophe cynique et combler la logique du pessimisme le plus noir. La vie dangereuse peut convenir à un individu, certes, mais sur le plan social, cela mène directement à la tyrannie […].50

La réponse de Cendrars est dans le droit fil de l’expérience qu’il a vécue pendant la guerre et qui s’avère une désillusion dont l’engagé volontaire fait les frais : il constate que « ces souffrances étaient sans grandeur » et que « tout cela manquait de gloire »51, et cela est valable pour beaucoup de personnages dans les romans de la Grande Guerre. Dans ces conditions, les possibilités de devenir un héros sont de fait limitées. « Nous étions remontés en ligne devant Herbécourt, dans la tranchée Clara, où tout l’héroïsme consistait de résister durant quatre jours à la succion de la boue qui faisait ventouse par en bas52 ». Les personnages de Dorgelès partagent la même déception à l’égard de la guerre de tranchées qui ne se conforme aucunement à leurs attentes :

C’était pour lui une déception, cette première vision de la guerre. Il aurait voulu être ému, éprouver quelque chose, et il regardait obstinément vers les tranchées, pour se donner une émotion, pour frissonner un peu. Mais il se répétait : « C’est la guerre... Je vois la guerre » sans parvenir à s’émouvoir. Il ne ressentait rien, qu’un peu de surprise. Cela lui semblait tout drôle et déplacé, cette féerie électrique au milieu des champs muets. Les quelques coups de fusil qui claquaient avaient un air inoffensif. Même ce village dévasté ne le troublait pas : cela ressemblait trop à un décor. C’était trop ce qu’on pouvait imaginer. Il eût fallu des cris, du tumulte, une fusillade, pour animer tout cela, donner une âme aux choses : mais cette nuit, ce grand silence, ce n’était pas la guerre... Et c’était bien elle pourtant : une rude et triste veille plutôt qu’une bataille.53

49 CENDRARS, La Main coupée, p. 378. 50 Ibid. 51 Ibid., p. 215 sq. 52 Ibid., p. 216. 53 DORGELÈS, Les Croix de bois, p. 41. 132 JOCHEN MECKE

La guerre contre l’esthétique

Les déceptions et les critiques évoquées par Dorgelès et Cendrars ne sont pas des prises de position isolées. Elles constituent plutôt une mise en abyme qui reflète la poétique de la plupart des romans sur la Grande Guerre, tout en tirant les conséquences des critiques formulées et en prenant même systématiquement, par leur pratique littéraire, le contrepied de toute une littérature héroïque et esthétisante qu’ils essaient de démystifier. Ainsi, de nombreux romans sur la Grande Guerre sont marqués par un conflit interne qui les incite à combattre toute tentative d’esthétisation de la guerre. S’ils décrivent un bombardement comme un feu d’artifice, c’est justement pour en exposer la beauté dans le dessein de l’isoler et de l’exclure de leur propre écriture. Ils décrivent le feu d’artifice par refus de devenir eux-mêmes un simple feu d’artifice littéraire. La littérature de la Grande Guerre refuse d’être « belle », elle ne veut plus faire partie des « Belles Lettres ». C’est pour cette raison qu’elle se trouve dans une relation agonale avec sa propre dimension esthétique. Plutôt qu’une esthétique de l’horreur, de l’abject ou de la laideur, un certain nombre de romans de 14-18 opte pour une écriture par-delà le beau et le laid, se décidant de fait pour une véritable « anesthétique littéraire » aux traits caractéristiques suivants : 1. La constellation des personnages. Le héros classique est remplacé par une multiplicité de personnages, l’individu par une masse anonyme de soldats. Dans les romans de Barbusse, de Remarque, de Cendrars ou de Dorgelès, le lecteur est confronté à une foule de protagonistes. Barbusse et Cendrars consacrent de nombreuses pages à en faire les portraits individuels et à décrire les dialogues qu’ils engagent entre eux. Mais leur nombre excessivement élevé empêche le lecteur de les percevoir comme individus. De cette manière, ces romans étouffent d’emblée toute tentative d’héroïsation et tout héroïsme. 2. La structure de l’action. Le récit d’actions singulières est réduit au profit d’une description détaillée de la vie quotidienne dans les tranchées. Cette réduction va de pair avec le remplacement du singulatif – mode temporel par excellence des actes héroïques – par l’itératif des actions répétées forgées par l’habitude et plus propices à raconter la vie quotidienne des soldats. De plus, la narration des actions humaines est en grande partie relayée par la description des canons et des mitrailleuses qui semblent tirer eux-mêmes sans l’aide d’aucun acteur humain. L’événement perd de l’importance, y compris celui qui semble pourtant crucial dans un récit de guerre, c’est-à-dire la mort du soldat. Ainsi, Barbusse, qui s’attarde pourtant sur ses personnages et leur vie de tous les jours, évoque leur mort d’une manière assez prosaïque. Cendrars, quant à lui, décrit longuement chacun des siens et souligne son importance en donnant son nom comme titre au chapitre qui lui est consacré. Mais les titres indiquent souvent le lieu où ils sont UNE ESTHETIQUE AGONALE DE LA GRANDE GUERRE 133 morts : Rossi (tué à Tillaloy54), Lang (tué à Bus55), Robert Bellesort (mort en Angleterre) et Segouana (tué à la ferme de Navarin56), Bikoff (aveugle de guerre, suicidé57), etc. Cendrars raconte également tous les détails de leur mort, surtout si ceux-ci sont peu glorieux :

À Dompierre, ce sont les hommes qui volaient en l’air par sections entières, soufflés qu’ils étaient par les terrifiantes explosions des fourneaux de mines qui partaient en chapelet et beaucoup d’hommes ne retombaient pas, sinon sous forme de pluie de sang.58 […] Angéli était mort asphyxié, la tête dans du caca allemand, les jambes au ciel.59

3. Impassibilité. Ce qui frappe dans ces descriptions et dans bien d’autres, c’est leur caractère prosaïque et impassible, qui constitue un élément commun entre les récits de Barbusse, Dorgelès, Genevoix, Cendars et Remarque, comme si les auteurs voulaient empêcher le lecteur de s’identifier aux protagonistes ou bien de compatir à leurs sentiments. Chez Ernst Jünger, cette impassibilité dans la description de la mort atteint son comble60. Mais ce n’est là que la forme très marquée d’une attitude qui se retrouve également dans d’autres récits de 14-18 et qui sert surtout à empêcher le lecteur d’éprouver des émotions à l’égard des personnages, comme c’était encore le cas dans les romans de guerre héroïques. 4. Un degré anesthétique de l’écriture. En effet, le prosaïsme et le laconisme notoires des romans de la Grande Guerre peuvent se comprendre comme une écriture au sens que Roland Barthes a donné à ce concept dans son essai Le degré zéro de l’écriture, c’est-à-dire comme une prise de position ou un engagement qui se fait par et dans la forme littéraire même61. Barthes choisit le terme de « degré zéro » pour caractériser une écriture transparente qui ne se désigne pas comme littéraire ou artistique, mais qui « dépasse la Littérature en se confiant à une sorte de langue basique »62. Dans le cas concret des romans de guerre, cette écriture s’oppose à toute tentative d’embellissement et d’esthétisation de la guerre et se conçoit comme un souci

54 CENDRARS, La Main coupée, p. 23. 55 Ibid., p. 34. 56 Ibid., p. 39. 57 Ibid., p. 105. 58 Ibid., p. 331. 59 Ibid., p. 335. 60 « Fortwährend zischte es in langem, scharfem Bogen heran, Blitze wirbelten den Boden der Lichtung hoch. “Sanitäter!” Wir hatten den ersten Toten. Dem Füsilier S. zerriß eine

Schrapnelkugel die Halsschlagader. » (JÜNGER, In Stahlgewittern, p. 15). Et, beaucoup plus loin : « Wir packten die aus den Trümmern ragenden Gliedmaßen und zogen die Leichen heraus. Dem einen war der Kopf abgeschlagen und der Hals saß am Rumpf wie ein großer, blutiger Schwamm. Aus dem Armstumpf des zweiten ragte der zersplitterte Knochen, und die Uniform war vom Blute einer großen Brustwunde durchtränkt. Dem dritten quollen die Eingeweide aus dem aufgerissenen Leib. » (Ibid., p. 101). 61 Roland BARTHES, Le degré zéro de l’écriture suivi de Nouveaux essais critiques, Paris, Seuil, 1972. 62 Ibid., p. 56. 134 JOCHEN MECKE d’authenticité et de démystification. En fait, il s’agit là d’un parti pris contre l’écriture esthétique, un peu comme si le roman devait se racheter, parce qu’il décrit la guerre, par une écriture proche du style de ceux qui la font, c’est-à- dire des journaux intimes et des lettres des poilus. Ce parti pris pour un « degré anesthétique » de l’écriture explique également pourquoi ces romans sont décevants quand on les compare, par exemple, aux œuvres d’avant-garde ou bien aux traitements modernes de la même thématique, tels L’Acacia de Claude Simon. Que l’esthétisation de la guerre à laquelle s’oppose cette forme anesthétique soit loin d’être gratuite devient évident, quand on sait que Charles Péguy a trouvé la mort parce que, malgré les mises en garde répétées de ses camarades, il refusait de se coucher par terre, mais persistait à rester héroïquement debout face aux mitrailleuses allemandes63. Et si les romans de Dorgelès, Barbusse, Chevallier ou Remarque prennent systématiquement le contrepied de cette esthétique de la guerre en prônant une « anesthétique agonale », c’est parce qu’ils veulent démystifier après coup cette esthétisation mensongère, c’est en somme parce qu’ils font la guerre contre la guerre par la littérature. Comme s’ils disaient à Péguy : « Profil bas ! Couche-toi par terre ! »

63 Romain ROLLAND, Charles Péguy, t. II, Paris, Albin Michel, 1944, p. 102. „Ende Juli. Eine Fliege stirbt: Weltkrieg“. Zu Robert Musils Wahrnehmung des Krieges

Claus ERHART Université Nice Sophia Antipolis

Kriegseuphorie

In einem Artikel über die internationale Friedensbewegung schildert der früh verstorbene Wiener Kulturhistoriker Albert Fuchs (1905-1946) die geistige Lage seiner Heimat in den „Sommermonaten 1914“. Damals

begann eine Überschwemmung des österreichischen Volkes mit chauvinistischer Propaganda. Alle politischen Parteien, einschließlich der Arbeiterpartei, waren an dieser Propaganda beteiligt. Sie hatten durch Jahre und Jahrzehnte das Gift der deutsch-imperialistischen Ideologie in sich aufgenommen, nun brach es wie eine ekelerregende Krankheit aus ihnen heraus. […] Wesentliche Teile der Intelligenz wurden, durch die Kundgebungen der Regierung, durch den Taumel der Massen beeindruckt, mitgerissen. Ärzte und Musiker, Nationalökonomen und Philosophen wetteiferten in Zeitungsartikeln und Deklarationen, ihre Unfä- higkeit zu selbständigem Denken zu erweisen. Besonders schlimme Verhee- rungen gab es im Felde der Literatur.1

Wenn in der Liste prominenter Autoren, die laut Fuchs zu diesen „Verheerungen“ beigetragen haben, der Name Robert Musils fehlt, dann wohl auch darum, weil dessen Euphorie rascher abgeklungen war als die vieler seiner Schriftsteller-Kollegen. Es weist dieses Fehlen aber auch auf eine Tendenz zur Exkulpation des Autors voraus, die in der Sekundärliteratur späterer Jahre unschwer nachgewiesen werden kann. Die verschwommene Vorstellung, Musils anfängliche Kriegsbegeisterung habe sich vor allem aus der Hoffnung genährt, der Krieg werde den Unzulänglichkeiten im geistigen und politischen Leben seiner Zeit ein Ende bereiten2, greift ebenso zu kurz

1 Albert FUCHS, „Pazifismus“, in Albert FUCHS, Geistige Strömungen in Österreich: 1867- 1918, Nachdruck der Ausgabe 1949. Mit einem Vorwort von Friedrich Heer. Wien, Löcker, 1984, S. 270. 2 Vgl. Wilfried BERGHAHN, Robert Musil in Selbstzeugnissen und Bilddokumenten, Reinbek bei Hamburg, Rowohlts Monographien, 1972, S. 71. 136 CLAUS ERHART wie die These, wonach seine Faszination angesichts des beginnenden Konflikts sich zwanglos und zwangsläufig aus seinem Dichtungsbegriff herleiten lasse3. In diese letztere Perspektive gerückt, erscheint Musil als eine Art Hohepriester der Literatur, der in der Mobilisierung gleichsam nur die Fortsetzung seiner Poetik mit anderen Mitteln gesehen habe.4 Stichwortgeber für solch milde Deutungen war Musil selbst, etwa mit der Formel, Kunst sei, wo sie „Wert“ habe, „erobernd, nicht pazifizierend“5, oder auch mit der nach Kriegsausbruch formulierten Vorstellung, große Kunst werde „von dem gleichen kriegerischen und erobernden Geist belebt, den wir heute in seiner Urart verwundert und beglückt in uns und um uns fühlen“ (PS, 1021). Will man sich ein genaueres Bild von Musils Beiträgen zur Beurteilung der Situation im Sommer 1914 machen, so verdient vor allem der Essay Europäertum, Krieg, Deutschtum Beachtung, der zusammen mit Texten u.a. von Richard Dehmel, Gerhart Hauptmann, Alfred Kerr oder Emil Ludwig im Septemberheft der Neuen Rundschau erschienen war. „Es muß damals“, räumt Musil-Biograph Karl Corino ein, „ungeheuer schwer gewesen sein, sich der kollektiven Psychose zu entziehen.“6 Dennoch fällt er über Musils Aufsatz ein unmissverständlich hartes Urteil: Es war dieser

Tribut an den Zeitgeist, an die Zeitgeistkrankheit […] ein Gegenstück zu der Kriegsbegeisterung, wie man sie aus den Manifesten der italienischen Futuristen kannte, und in den Augen der Nachgeborenen zugleich eines der deprimie- rendsten Beispiele aus der Musilschen Publizistik.7

Tatsächlich lieferte der Autor, bevor es ins Feld zu ziehen galt, in diesem Essay auf knappem Raum sein „geistiges Testament“ (PS, 1020), das sich von vielen ähnlichen Vermächtnissen der Zeit nur durch geschliffenere Formulierungen unterscheidet und durch die bereits erwähnte Engführung des in der hohen Literatur und in der Mobilisierung sich artikulierenden Geistes. Davon einmal abgesehen, bemüht der Text die gleichen patriotischen, nationalistischen und soldatischen Klischees, denen ein Deutscher, Österreicher oder auch Russe, Engländer oder Franzose im ersten Kriegsjahr notgedrungen ausgesetzt war: Die Schuld am Konflikt tragen die anderen, die in einer „Verschwörung unsere Ausrottung beschlossen haben“, der „Einzelne“ geht vollkommen auf in „seiner elementaren Leistung, den Stamm zu schützen“, der Krieg ist „schön und brüderlich“, der „Tod hat keine Schrecken mehr“ und die, „welche sterben müssen oder ihren Besitz opfern,

3 Vgl. Hertwig GRADISCHNIG, Das Bild des Dichters bei Robert Musil, Musil-Studien, Bd. 6, München/ Salzburg, Wilhelm Fink, 1976, S. 24 f. 4 Vgl. Zu dieser Tendenz in der Sekundärliteratur auch Alexander HONOLD, Die Stadt und der Krieg. Raum- und Zeitkonstruktionen in Robert Musils Roman „Der Mann ohne Eigenschaften“, Musil-Studien, Bd. 25, München, Wilhelm Fink, 1995, S. 207, Anm. 31. 5 Robert MUSIL, Prosa und Stücke, Kleine Prosa, Aphorismen, Autobiographisches, Essays und Reden, hrsg. von Adolf Frisé, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1978. Zitatbelege künftig nach dieser Ausgabe im Text (Sigle: PS + Seitenzahl), hier: PS, 981. 6 Karl CORINO, Robert Musil. Eine Biographie, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, S. 492. 7 Ibid., S. 493. ZU ROBERT MUSILS WAHRNEHMUNG DES KRIEGES 137 haben das Leben und sind reich“ (vgl. PS, 1020-1022). Der Autor, der noch im November 1913 in den Weißen Blättern geschrieben hatte:

Ich hielt, dass alle Menschen im Grunde gleich und Brüder seien, immer für eine sentimentale Übertreibung und tue es noch heute, denn mein Gefühl wurde von den anderen stets mehr abgestoßen als angezogen. (PS, 1011)

– derselbe Autor sieht sich nun vom Gefühl „eine[r] betäubende[n] Zugehörigkeit“ in sein „Volk hineingerissen“ (PS, 1021). Dieser offen- sichtliche Wandel in der Anschauung ist ein Hinweis auf die Richtigkeit der These Walter Benjamins, wonach es „nur der Krieg […] möglich [macht], Massenbewegungen größten Maßstabs unter Wahrung der überkommenen Eigentumsverhältnisse ein Ziel zu geben.“8 Dass der proklamierten Verbrüderungseuphorie im Empfinden Musils dennoch soziale und kulturelle Grenzen gesetzt waren, wird aus einem späteren Tagebucheintrag ersichtlich, in dem er sich daran erinnert, als Soldat „plötzlich von lauter Menschen umgeben“ gewesen zu sein, „die nie ein Buch lasen“. Das Resümee dieser Erfahrung – er spricht immerhin von „einem der stärksten alten Kriegseindrücke“ – fällt etwas prätentiös aus, wenn es heißt: „Welche unerwartete u. breite Berührung mit dem Durchschnittsleben!“9 Wenn in Musils Bewusstsein nach ein „ein paar Wochen ethischen Aufschwungs“ (T, 354) auch wieder Ernüchterung eingekehrt war, wäre es doch verfehlt, in dem zitierten Essay einfach nur eine verspätete Jugendsünde des damals 34-jährigen Autors zu sehen. Tatsächlich trug er die Faszination für die Ereignisse um den Ausbruch des 1. Weltkrieges, die sein Menschenbild wesentlich geprägt haben, für den Rest seines Schriftstellerlebens mit sich. Er sah im Begeisterungsfieber um die Mobilisierung ein religiöses (vgl. etwa T, 339, 540, 544) oder „dem religiösen verwandtes Erlebnis“ (PS, 1060), dessen Ursachen und Voraussetzungen er in den Jahren nach 1918 zu ergründen suchte10. In einem Essay aus dem Jahre 1921 stellt er fest:

Man führt ja […] den Weltkrieg […] bald auf diese, bald auf jene Ursachen- gruppe zurück. Aber das ist Täuschung. Ebensolcher Schwindel, wie wenn man ein einzelnes physisches Ereignis auf eine Ursachenkette zurückführt. In Wirk- lichkeit zerfließen die Ursachen schon bei den ersten Gliedern der Kette in eine unabsehbare Breite. (PS, 1056 f.)

8 Walter BENJAMIN, „Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit“, in Walter BENJAMIN, Illuminationen. Ausgewählte Schriften 1, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1977, S. 168. 9 Robert MUSIL, Tagebücher, hrsg. von Adolf Frisé, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1976. Zitatbelege künftig nach dieser Ausgabe im Text (Sigle: T + Seitenzahl), hier: T, 945. 10 Ein Überblick über Musils weitläufige Überlegungen zum Thema Weltkrieg findet sich etwa in Paul ZÖCHBAUER, Der Krieg in den Essays und Tagebüchern Robert Musils, Stuttgarter Arbeiten zur Germanistik, Nr. 316, Unterreihe Salzburger Beiträge, Nr. 25, Stuttgart, Heinz, 1996, vor allem S. 44-62. 138 CLAUS ERHART

Die „unabsehbare Breite“ ist ein früher Hinweis auf den Mann ohne Ei- genschaften, in dem Musil den Versuch unternehmen wird, den Ausbruch des Krieges als Ergebnis all der im Roman gezeigten heterogenen Strömungen, Bewegungen und Bewusstseinslagen darzustellen. Meine eigenen Absichten die folgenden Bemerkungen betreffend sind naturgemäß wesentlich bescheidener. Dass das hoch flammende Pathos von Musils Kriegsapologetik erlöschen würde, war eine Frage der Zeit und hängt wohl mit der Anschaulichkeit zusammen, die jeder Realität innewohnt, auch oder gerade der Realität bewaffneter Konflikte. Dennoch scheint der Prozess der Desillusionierung einer Logik zu folgen, die an die Besonderheiten des 1. Weltkriegs geknüpft sein dürfte und die ich anhand der wenigen Texte, die der Autor zwischen 1914 und 1918 verfasst hat, im Folgenden erläutern möchte.

Kriegserlebnis

Noch in Berlin, im August 1914, hatte Musil erkannt, dass angesichts der sich überstürzenden Ereignisse „Psychotiker […] in ihrem Element“ waren, und als die ersten Verlustlisten eintrafen, vermerkte er im Tagebuch seine Erschütterung darüber: „[…] tot … tot … tot … so untereinandergedruckt, niederschmetternder Eindruck.“ (T, 299) Musil rückt Ende August zum Landsturm nach Linz ein und wird Anfang September mit seiner Kompanie zum „ausübenden Grenzschutz“ nach Südtirol abkommandiert.11 Als Italien am 23. Mai 1915 Österreich-Ungarn den Krieg erklärt, verwandelt sich die zu schützende Grenze in eine Kampfzone und aus dem monatelang geübten harmlosen „Pfadfinderspiel“12 wird mit einem Schlag blutiger Ernst. Bis zum Kriegsende wird Musil etwa eineinhalb Jahre an der Front verbringen und unter anderem an vier Isonzoschlachten teilnehmen. Am Isonzo, dem heutigen Grenzgebiet zwischen Italien und Slowenien, war ein großer Teil der italienischen Armee stationiert. Die Front erstreckte sich über 64 km, im Laufe der insgesamt 12 Schlachten, die sich Österreicher und Italiener lieferten, gab es auf beiden Seiten zusammen etwa eine Million Tote und Verwundete.13 Wer wie Musil das amtliche Zeugnis ausgestellt bekam, am Isonzo „Vorzügliches geleistet“ und „im feindlichen Artilleriefeuer […] schwierige Rekognoszierungen […] mit Geschick bewirkt“ zu haben,14 der wusste also, wenn das Thema auf den Krieg kam, wovon er sprach, oder besser: wovon er schwieg. Denn es ist in der Tat erstaunlich, in welch hohem Maße Walter Benjamins Beobachtung, dass die Menschen stumm aus dem Krieg zurückkehrten, auch auf einen Mann zutrifft, der seit 1910 die

11 Vgl. CORINO, Musil, S. 497. 12 Ibid., S. 520. 13 Vgl. ibid., S. 543 14 Vgl. ibid., S. 545 f. ZU ROBERT MUSILS WAHRNEHMUNG DES KRIEGES 139

Berufsbezeichnung Schriftsteller führte und der nicht im Verdacht stehen kann, sich seinen prominenten Platz in der Literaturgeschichte durch Einsilbigkeit erworben zu haben. Im Aufsatz Erfahrung und Armut aus dem Jahre 1933 schreibt Walter Benjamin:

[…] die Erfahrung ist im Kurs gefallen und das in einer Generation, die 1914- 1918 eine der ungeheuersten Erfahrungen der Weltgeschichte gemacht hat. Viel- leicht ist das nicht so merkwürdig wie das scheint. Konnte man damals nicht die Feststellung machen: die Leute kamen verstummt aus dem Felde? Nicht reicher, ärmer an mitteilbarer Erfahrung.15

Drei Jahre später führt er den Gedanken im Essay Der Erzähler ergänzend weiter. Dieses Verstummen sei in der Tat

nicht merkwürdig. Denn nie sind Erfahrungen gründlicher Lügen gestraft worden als die strategischen durch den Stellungskrieg, die wirtschaftlichen durch die Inflation, die körperlichen durch die Materialschlacht, die sittlichen durch die Machthaber. Eine Generation, die noch mit der Pferdebahn zur Schule gefahren war, stand unter freiem Himmel in einer Landschaft, in der nichts unverändert geblieben war als die Wolken und unter ihnen, in einem Kraftfeld zerstörender Ströme und Explosionen, der winzige, gebrechliche Menschenkörper.16

Einen ganz ähnlichen Gedanken findet man in Musils 1922 geschrie- benem Essay Das hilflose Europa, wenn er auf die Kriegsjahre zurückbli- ckend meint:

[…] wir waren früher betriebsame Bürger, sind dann Mörder, Totschläger, Diebe, Brandstifter und ähnliches geworden: und haben doch eigentlich nichts erlebt. […] wir haben viel gesehen und nichts wahrgenommen. Darauf gibt es, glaube ich, nur eine Antwort: Wir besaßen nicht die Begriffe, um das Erlebte in uns hineinzuziehen. […] Zurückgeblieben ist nur eine sehr erstaunte Unruhe, ein Zustand, als hätten sich vom Erlebnis her Nervenbahnen zu bilden begonnen und wären vorzeitig abgerissen worden. (PS, 1075 f.)

Erlebnisse, die sich in dem angegebenen Sinn ohne die entsprechende Unterstützung durch die Begriffe nicht zur Wahrnehmung entwickeln – kantisch: Anschauungen, die ohne Begriffe blind bleiben – ziehen sich wie ein roter Faden durch Musils spärliche Tagebucheintragungen aus den Kriegsjahren. Im Juli 1915 notiert er etwa:

Beschießung des Werks Mte Verena durch 30.5 Mörser gesehn. Wo das Geschoß einschlägt[,] steigt senkrecht eine Fontäne von Rauch und Staub auf, die oben wie eine Pinie breit wird. Man hat ein neutrales Gefühl wie beim Scheibenschießen. […] Eine italienische Batterie schwerer Geschütze sucht mit Schrapnells unsren Mörser. Staubwolke in der Luft, kein anderer Eindruck. [Nachtrag:] Helle Rauchwolke. (T, 309)

15 Walter BENJAMIN, „Erfahrung und Armut“, in Illuminationen, S. 291. 16 Walter BENJAMIN, „Der Erzähler. Betrachtungen zum Werk Nikolai Lesskows“, in Illuminationen, S. 386. 140 CLAUS ERHART

Es ist manchmal schwer zu entscheiden, ob der dem Ereignis beiwohnende und dieses Ereignis festhaltende Tagebuchschreiber die Begriffsbildung nicht leisten kann oder nicht leisten will. Der 30,5 cm- Mörser, der in der k.u.k. Armee ab 1914 zum Einsatz kam, wog an die 19 Tonnen. Er verschoss bei einer Reichweite von 9,6 Kilometern 385 kg schwere Sprenggranaten, die zwar imstande waren, zwei Meter starken Beton zu durchschlagen17, offenbar aber nicht den Panzer, hinter dem in dieser Tagbuchnotiz ein neutrales „Man […] ein neutrales Gefühl“ registriert und Assoziationen signalisiert („Scheibenschießen“), die mehr an einen Sonntagsausflug als an Krieg denken lassen. Dass sich bei einem Angriff durch schwere feindliche Geschütze außer zwei bescheidenen optischen Wahrnehmungen („Staubwolken in der Luft“, „Helle Rauchwolke“) kein anderer Eindruck einstellen will, kann vielleicht als Beleg für die „vorzeitig abgerissen[en] […] Nervenbahnen“ im Sensorium des Beobachters gelten. Jedenfalls bleibt hier mit der Extrembelastung für das Gehör zumindest ein wesentliches Element ausgespart, das in Schilderungen vergleichbarer Gefechtssituationen in Kriegsreportagen, aber auch in der medizinischen Literatur der Zeit regelmäßig wiederkehrt18. Nach einigen Betrachtungen erotischer Natur über die Bäuerinnen der Gegend, die später zum Teil wörtlich in die Erzählung Grigia einfließen werden, folgt eine Eintragung, die deutlich macht, dass der „niederschmetternde Eindruck“, der sich noch in Berlin angesichts der gedruckten Verlustlisten eingestellt hatte (vgl. T, 299), nun einer distanzierteren Haltung gewichen ist: „Die Gefechte, Toten usw., die sich vor den Stellungen abspielten, haben mir bisher keinen Eindruck gemacht.“ (T, 312) Auch hier wird ausdrücklich betont, dass die Eindrücke eigentlich keinen Eindruck machen, sondern an der Netzhaut des unbeteiligten oder sich unbeteiligt gebenden Augenzeugen abgleiten. Sind Tod und Sterben ein Thema, an dem sich schon unter normalen Lebensbedingungen auf Dauer nicht vorbeidenken lässt, so entwickeln sie in den Kampfhandlungen des 1. Weltkriegs eine empirische Aufdringlichkeit, der sich auch Musils widerspenstiges Tagebuch-Ich nicht ganz entziehen kann. Die Gegenwehr, die es dabei aber dennoch leistet, wird als Verschiebung sichtbar, und zwar zunächst als Konzentration der Aufmerksamkeit auf das Leiden und Sterben der nicht menschlichen Kreatur. „Ende Juli. Eine Fliege stirbt: Weltkrieg“ (T, 309), lauten die ersten Worte einer Notiz, in der die Agonie einer von einem Fliegenpapier auf den Tisch gefallenen Fliege beschrieben wird: „Ihre sechs Beinchen legen sich

17 Vgl. http://www.fl18.de/artikel/319/ (aufgerufen am 31.10.2013). 18 Vgl. Julia ENCKE, Augenblicke der Gefahr. Der Krieg und die Sinne, 1914-1934, Paderborn, Wilhelm Fink, 2006, S. 152-154. Encke schreibt, dass „mit dem Eintritt des Stellungskriegs auch ein neues Kapitel der Ohrenheilkunde“ aufgeschlagen worden sei, ibid., S. 153. ZU ROBERT MUSILS WAHRNEHMUNG DES KRIEGES 141 manchmal spitz zusammengefaltet in die Höhe. Sie wird schwächer, stirbt ganz einsam. Eine andere Fliege läuft hin und wieder weg.“ (T, 310) Dramatischer und erzähltechnisch komplexer ist die folgende Szene:

Feu ….. er – Alles läuft in Deckung; hinter dem Haus wird ein Stein gesprengt für den Bau der Kommandobaracke. Ein Regen wischt mit den ersten Strichen naß über das Gras. Unter einem Strauch am anderen Bachufer brennt ein Feuer. Daneben steht wie ein Zuseher eine junge Birke. An diese Birke ist mit einem in der Luft hängenden Bein noch das schwarze Schwein gebunden. Das Feuer, die Birke und das Schwein sind allein [Nachtrag:] Und eine lange Blutlache wie eine Fahne. Dieses Schwein hat schon geschrien, als es ein Einzelner am Stricke führte und ihm zuredete weiter zu kommen. Dann schrie es lauter, als es zwei auf sich zurennen sah. Erbärmlich als es bei den Ohren gepackt und gezerrt wurde. Der Schmerz zog es sprungweise. Am anderen Ende der Brücke griff der eine nach der Hacke und schlug mit der Schneide auf die Stirn. In diesem Augenblick brachen die Vorderbeine gleichzeitig ein. Schrei erst wieder, als das Messer in der Kehle stack [!]. Zucken, Röcheln; wie ein pathetisches Schnarchen. (T, 311)

Die Szene setzt mit dem Ruf „Feuer“ ein, der im Krieg wie im Frieden Gefahr bedeutet, sich im gegebenen Fall aber nur auf eine vergleichsweise harmlose Sprengung bezieht. Da die Aufmerksamkeit nun aber geweckt ist, schweift der Blick des Beobachters zum gegenüberliegenden Ufer, wo ein Feuer brennt. Hüben und drüben also Feuer. Auf dieser Seite befindet sich ein Zuseher, aus dessen Perspektive wir die Szenerie mitbetrachten, auf der anderen Seite erkennt man eine junge Birke, die ebenfalls „wie ein Zuseher“ dasteht. Der zwischen den beiden Ufern fließende Bach verstärkt den Eindruck der Spiegelbildlichkeit und ermuntert den Leser, auf beiden Seiten des Wasserlaufs nach weiteren kommunizierenden Elementen zu suchen, die sich sicherlich finden ließen. Über den Bach führt eine Brücke, über die das – man kann es nicht anders sagen – arme Schwein gezerrt und gezogen wurde, um dann erst am jenseitigen Ufer hingeschlachtet zu werden. Es ist nicht auszuschließen, dass Musil dem Verdrängungs- und Verschiebungsprozess, dem sein Schreiben über den Krieg unterliegt, mit dieser Szene einen bildlichen Ausdruck gegeben hat. „Das Feuer, die Birke und das Schwein sind allein“. Man darf vermuten, dass dieser Satz nicht nur um des hübschen Binnenreimes willen formuliert wurde. Die Frage nach dem Verbleib der Schlächter ist also berechtigt. Vielleicht sind auch sie in Deckung gerannt, als sie den Ruf „Feuer“ und gleich darauf die Explosion am anderen Ufer des Baches gehört haben. Vielleicht haben sie – was der Text nicht sagt – zuerst das schwarze Schwein getötet, es dann an einem Bein an der Zuseher-Birke aufgehängt, haben dann unter einem Strauch das Feuer gemacht, um das Schwein darauf zu braten und sind dann erst verschwunden. In jedem anderen Fall, wenn der Schweinekadaver nicht irgendeiner vernünftigen Bestimmung zugeführt hätte werden sollen, hätte es sich um ein sinnloses Schlachten gehandelt, das wohl als Hinweis auf den Krieg zu deuten wäre, so wie auch der dem Text nachträglich hinzugefügte Vergleich der „lange[n] Blutlache“ mit einer 142 CLAUS ERHART

„Fahne“. Aber man soll Texten keine Gewalt antun, auch dann nicht, wenn sie von Gewalt und – vielleicht – auf verdeckte Weise von den Gräueln des Krieges handeln. Die markanteste Verschiebung vom Massensterben an der Kriegsfront auf einen wahrnehmungstechnisch leichter zu bewältigenden Bereich der Erfahrungswelt ist jene, die Musil im Dezember 1917 unter dem Stichwort „Begräbnis in A“ (T, 337) notiert. „A“ steht für Adelsberg, slowenisch Postojna, wo sich das Kommando der k.u.k. Isonzo-Armee befand, dem Musil im Mai 1917 zugeteilt worden war. Markant ist dieser Prozess hier weniger wegen des Ereignisses, das den manifesten Schreibanlass liefert, als vielmehr wegen der besonderen geschichtlichen Bedingungen, unter denen die Verschiebung stattfindet. Karl Corino zitiert aus der historischen Forschung, wenn er schreibt:

Wer annimmt, das […] Generationserlebnis der Materialschlacht habe man nur in Frankreich erleben können, irrt. Am 23. Mai 191719 stand an der Isonzofront alle zehn Meter ein Geschütz oder ein schwerer Minenwerfer. Zwischen sechs Uhr morgens und sechzehn Uhr explodierte eine Million Granaten in den österreichischen Stellungen, rechnerisch 56 Geschosse pro Frontmeter. […] Es gehörte zur blutigen Mechanik der Isonzokämpfe, daß jedes Remis bald zum Anlass einer neuen Schlacht wurde. Der zehnten folgte die elfte, und der größte Gewinner war erneut der Tod.20

Als die Zahl der Opfer auf beiden kriegführenden Seiten in die Hunderttausende ging, hat die einzige Tagebuchnotiz, die von Musils Präsenz im Kampfgebiet zeugt, das Begräbnis einer unbekannten Zivilperson zum Thema, deren Tod in keinem erkennbaren Zusammenhang mit den Feindseligkeiten steht. „Es ist fast zu Thränen rührend“, notiert Musil, der vom Fenster seines Zimmers aus den Beginn des Zeremoniells verfolgt. Zum ersten und einzigen Mal in seinem Kriegstagebuch registriert er auch den Geruch des Todes. Der weht aber nicht von den Schlachtfeldern her, sondern kommt, wie er sich beeilt zu bemerken, aus dem Inneren des Hauses, das „erfüllt“ ist „vom Gestank verwester Mäuse“ (T, 337). Das Sterben einer Fliege, die Tötung eines Schweins, eine um einen einzelnen Sarg versammelte zivile Trauergesellschaft, der Leichengeruch von Mäusen – all diese zu Papier gebrachten Wahrnehmungen beziehen ihre Extravaganz nicht aus sich selbst, sondern aus dem Kontrast zu den welthistorischen Ereignissen, in den sie gesetzt sind. Es sieht so aus, als habe sich Musil in seinen Tagebuchnotizen mit den Begriffen, die ihm zur Verfügung standen, auf die Schilderung des Schilderbaren beschränkt. Etwa im Sinne der These von Helmut Lethen, dass die „vom Dröhnen der vorgeschriebenen Diskurse erschöpfte Wahrnehmung […] sich an

19 Das Datum markiert den Beginn der 10. von 12 Isonzoschlachten, der zweiten von vier Schlachten, an denen Musil teilnahm. 20 CORINO, Musil, S. 572 f. ZU ROBERT MUSILS WAHRNEHMUNG DES KRIEGES 143 bedeutungslosen Dingen [regeneriert].“21 Musil selbst hatte an diesem Diskurs teilgehabt und im Chor mit vielen anderen eine glorreiche Wirklichkeit suggeriert, die von den Erfahrungen des Kriegs weggefegt wurde.

Vergrößerung

Befragt man Musils Texte nach einer übereinstimmenden Formel, die er diesen Erfahrungen abringen konnte, so löst sich aus den Skizzen und Aufzeichnungen des Tagebuchs, aus den in den Kriegsjahren verfassten Prosafragmenten sowie aus den rückblickenden Betrachtungen der späteren Jahre die Vorstellung der Vergrößerung. Der Krieg habe viele Phänomene, die schon vor 1914 da waren, verstärkt und damit augenscheinlicher gemacht. Vom Helden des kleinen Prosatextes mit dem zögernden Titel Der Gesang des Todes/ Der singende Tod, einem Maler und Ingenieur, dem der Autor ganz offenkundig autobiographische Züge verliehen hat, von diesem Helden heißt es etwa: „Der Mann, von dem das erzählt wird, hatte bald den Eindruck, dass er in den Krieg gegangen war, wie man vor ein ungeheures Vergrößerungsglas tritt.“ (PS, 758) Dass die Zustände vor und nach dem Ausbruch des Weltkriegs nicht grundsätzlich verschieden waren, sondern manche strukturellen Gemeinsamkeiten aufwiesen, hat auf seine Art auch Karl Kraus zum Ausdruck gebracht, wenn er in den Letzten Tagen der Menschheit den Nörgler sagen lässt, dass der barbarischen deutschen Kriegführung eine barbarische deutsche Friedensführung vorangegangen sei.22 An anderer Stelle heißt es, weniger polemisch und mehr im Sinne Musils, der Krieg sei „ein Anschauungsunterricht durch stärkere Kontrastierung.“23 Was da durch den Effekt der Vergrößerung oder der Kontrastierung stärker zutage tritt, ist dem Bereich der Materialschlachten zuzurechnen, vor allem dann, wenn man die Grenze des Begriffs Material – in Einklang mit den militärstrategischen Gepflogenheiten der Zeit – so weit lockert, dass nicht nur der Einsatz moderner Waffen, sondern auch das durch diese Waffen verstümmelte und getötete Menschenmaterial in ihm Platz findet. Das häufig beschriebene Einheitsgefühl der Masse Mensch, das anlässlich der Mobilisierung freigesetzt wurde, konnte sich Alexander Honold zufolge, auch deshalb zu rauschhafter Intensität steigern, weil es als „Umkehrung

21 Helmuth LETHEN, Verhaltenslehren der Kälte. Lebensversuche zwischen den Kriegen, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1994, S. 187. 22 „Aber wenn die andern sagen, die deutsche Kriegführung sei barbarisch, so fühlen sie doch mit Recht, dass die deutsche Friedensführung barbarisch ist. Und das muß sie gewesen sein, da sie sonst nicht seit Generationen auf dem Gedanken aufgebaut gewesen wäre, die deutsche Kriegführung vorzubereiten“, Karl KRAUS, Die letzten Tage der Menschheit. Tragödie in fünf Akten mit Vorspiel und Epilog, Teil I, München, dtv, 1975, I, 29, S. 150. 23 Ibid., I, 22, S. 118. 144 CLAUS ERHART realer Trennungen“ begrüßt wurde, „die durch Arbeitsteilung, durch ökonomische und politische Konfliktlinien […] markiert waren.“24 Ähnlich argumentiert Klaus Vondung, wenn er meint, der Krieg habe der „zunehmenden[n] Desintegration der Gesellschaft in die zwei Nationen von Adel und Bürgertum einerseits und der Arbeiterschaft andererseits“ vorübergehend entgegengewirkt.25 Dass diesen Gefühlen und Tendenzen unter den Bedingungen des ersten Weltkriegs aber oft keine Dauer gegeben war, erklärt Sigmund Freud in der Schrift Massenpsychologie und Ich- Analyse (1921) mit der „libidinöse[n] Struktur“ des Heeres. Wie auch in der Kirche wirke die libidinöse Energie in zwei Richtungen – in horizontaler und in vertikaler –, wobei über die horizontale Wirkung der Zusammenhalt unter den Massenindividuen gesichert werde. Entscheidend sei in diesem System aber das, was von oben komme:

In der Kirche […] gilt wie im Heer, so verschieden beide sonst sein mögen, die nämliche Vorspiegelung (Illusion), daß ein Oberhaupt da ist – in der katholischen Kirche Christus, in der Armee der Feldherr –, das alle Einzelnen der Masse mit der gleichen Liebe liebt. An dieser Illusion hängt alles; ließe man sie fallen, so zerfiele sofort, soweit der äußere Zwang es gestattete, Kirche wie Heer.26

Freud sieht in der libidinösen Bindung an den Feldherrn nicht den einzig wirksamen Faktor bei der Massenbindung in der Armee, hält ihn aber für bedeutender als etwa die „Ideen des Vaterlandes“ oder „des nationalen Ruhmes.“27 Der preußische Militarismus habe nun mit seiner „lieblosen Behandlung des gemeinen Mannes“ dessen Libidoansprüche nachhaltig enttäuscht, was zu zahlreichen, die deutsche Armee zersetzenden Kriegsneurosen geführt und das Gemeinschaftsgefühl geschwächt habe.28 Wenn man dem Freudschen Modell des vertikalen und horizontalen Libidostromes auch nur ein wenig Gültigkeit beimisst, wird man die negativen Konsequenzen, die sich aus einer gestörten Verbindung zwischen Soldat und Kommando für das Einheitsgefühl der militärischen Masse ergeben, kaum hoch genug veranschlagen können. Man geht wohl nicht fehl in der Annahme, dass die Situation der österreichisch-ungarischen Soldaten nicht wesentlich anders war als die ihrer deutschen Waffenbrüder. Jedenfalls

24 HONOLD, Die Stadt und der Krieg, S. 195. 25 Vgl. Klaus VONDUNG, Die Apokalypse in Deutschland, München, dtv, 1988, S. 198 f. 26 Sigmund FREUD, „Massenpsychologie und Ich-Analyse“, in Sigmund FREUD, Studienausgabe, Band IX, Fragen der Gesellschaft, Ursprünge der Religion, Frankfurt am Main, Fischer, 1974, S. 88 f. Zum libidinösen Verhältnis zwischen den gemeinen Soldaten einerseits, zwischen den gemeinen Soldaten und den Kommandierenden andererseits vgl. auch Klaus THEWELEIT, Männerphantasien, 1. Frauen, Fluten, Körper, Geschichte, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1980, S. 66-71. 27 Vgl. ibid., S. 89. 28 Vgl. ibid., S. 89 f. ZU ROBERT MUSILS WAHRNEHMUNG DES KRIEGES 145 schreibt Musil über den Verlust dieses Einheitsgefühls, über dessen Umkehrung ins Gegenteil, in einem Essayentwurf aus dem Jahre 1918:

Man hat sich nie vorher so gut kennen gelernt wie im Krieg und ist bis zum bittren Ekel enttäuscht. Aus dieser Enttäuschung am nächsten Nachbarn flüchtet sich das Gefühl irrsinnigerweise zum Gedanken der Menschheit. […] Man möchte sich mit dem Feind verbrüdern, weil man sich mit den Brüdern verfeindet. (PS, 1341)

Dass die vertikale Verbindung häufig nicht nur gestört, sondern vollkommen anonym geworden war, erkannte etwa Krupp-Direktor Freiherr von Bodenhausen, der 1915 vom „Fabrikbetrieb des modernen Krieges“ sprach, „in dem der Commandierende seine Truppen nicht kenne, sehe, oder mit ihnen Fühlung habe“, und der meinte, dass aus den Planspielen der Strategen unter den Voraussetzungen des „modernen – nämlich industriellen – Krieges […] vollständige Bureauarbeit“ geworden sei.29 Das Zitat ist nicht nur deshalb interessant, weil von berufener Seite die Verbindung zwischen der Führung und dem soldatischen Fußvolk als gekappt begriffen wird, sondern auch weil das verwendete Vokabular („Fabrikbetrieb“, „Bureauarbeit“) deutlich macht, wie weit die Entmystifizierung des Krieges – zumindest bei Krupp – schon gediehen war. Aus dem gleichen Wortfeld schöpft auch Peter Sloterdijk, wenn er schreibt, seinem Wesen nach sei der „namenlose[] Held“ des Ersten Weltkriegs „doch mehr Techniker als Kämpfer, mehr Staatsangestellter als Heros“ gewesen.30 Solche Befunde weisen darauf hin, dass ein Volk, das herrlichen Zeiten entgegengeführt werden sollte, in diesen angekommen oder auf dem Weg dahin, soziale Strukturen und Verhältnisse vorfand, die denen ähnelten, die es im Sommer 1914 so freudig verlassen hatte. Der Effekt der „Vergrößerung“, der Akzentuierung, betrifft hier die Rahmenbedingungen, unter denen diese Verhältnisse nun gelebt werden mussten und die kriegsbedingt ungleich schwieriger geworden waren. Die Sachlichkeit in den menschlichen Beziehungen, die sich innerhalb der technisierten Massengesellschaft entwickelt hatte, bekam durch die täglich erwiesene Möglichkeit des Todes einen verschärft zynischen Charakter. So heißt es bei Musil:

Jeden Tag holt sie [die Gefahr] sich ihre Opfer, einen festen Wochendurchschnitt, soundsoviel vom Hundert, und schon die Generalstabsoffiziere der Division rechnen so unpersönlich damit wie eine Versicherungsgesellschaft. (PS, 555)

29 Zitiert nach: Peter SPRENGEL, „’Im Kriege erscheint Kultur als ein künstlicher Zustand’. Gerhart Hauptmann und der Erste Weltkrieg“, in Uwe SCHNEIDER und Andreas SCHUMANN (Hrsg.), Krieg der Geister. Erster Weltkrieg und literarische Moderne, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2000, S. 59. 30 Peter SLOTERDIJK, Kritik der zynischen Vernunft, Zweiter Band, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1983, S. 414. 146 CLAUS ERHART

Der „lebendige Tod“

Statt Teil eines sinnvollen Ganzen war man – das scheint zumindest Musils Grundstimmung gewesen zu sein – mit einem ungeliebten Massenkörper verwachsen, dessen Bewegungen man willenlos mit auszuführen hatte. Eine der ganz wenigen Skizzen zu einer Schlachtszene beschreibt dies mit knappen Worten:

[…] aus dem Eisenbahnwagen stieg man ins Artilleriefeuer, hastete verbissen vorwärts, um endlich ans Ende dieser verzweifelten Schießerei zu gelangen, wurde plötzlich in Splitter zerrissen, Flucht, flog als Wolke zurück, wurde gesammelt, wieder vorgeführt, unterlag oder siegte, ohne es zu wissen. (PS, 757)

In den „Wellenbrecherschlachten“ (ibid.) des Ersten Weltkrieges wurde der Einzelne auf drastische Weise auf eine der Grunderfahrungen der Moderne zurückgeworfen, nämlich einen großen Teil der beanspruchten Entscheidungsgewalt über sein Leben eingebüßt zu haben. Der im Laufe des 19. Jahrhunderts aufdringlicher gewordene Gedanke, „daß es – irgendwie – nicht mehr so sehr auf ihn ankomme“, ist dem Menschen dann, wie Musil 1934 in einer Rede erklärt, „vom Krieg dazu noch sehr eindringlich doziert worden.“ (PS, 1246) Für Clausewitz, der seine Erfahrungen vor allem in den Schlachten gegen Napoleon gesammelt hatte, war der „Krieg […] nichts als ein erweiterter Zweikampf“31 und mit Abstrichen lässt sich diese Formel auch noch auf den Preußisch-Österreichischen Krieg von 1866 und den Deutsch-Französischen Krieg von 1870/71 anwenden. So hatten die habsburgischen Truppen in der Schlacht von Königgrätz noch versucht, „die Entscheidung mit gefälltem Bajonett im Nahkampf [zu] erzwingen“, zu dem es der technologisch überlegene Gegner aber kaum mehr kommen ließ:

Die Preußen belegten sie mit konzentriertem Feuer aus ihren für die damalige Zeit hochmodernen Dreyse-Gewehren, mit Zündnadeln versehenen Hinterladern, die fünf Schüsse in der Minute abgeben konnten. Die veralteten Vorderlader der österreichischen Armee […] schafften höchstens einen Schuss in der Minute. […] Die tapfere Truppe […] des Vielvölkerstaates […] marschierte mannhaft in das mörderische Feuer.32

31 Zitiert nach Christian STADLER, Krieg, Wien, Facultas, 2009, S. 80. 32 Stephan VAJDA, Felix Austria. Eine Geschichte Österreichs, Wien, Ueberreuter, 1980, S. 522. Dieses Zitat macht auch deutlich, dass die seit Königgrätz sich hartnäckig behauptende Vorstellung, die österreichischen Soldaten seien „fesch, aber feig“, nur zu Hälfte richtig ist. Die „in ihren auffälligen, farbenprächtigen Monturen schon von weitem sichtbar[en]“ Truppen Franz Josephs waren weniger feig’ als vielmehr technisch und strategisch rückständig. Vgl. Ödön VON HORVATH, Geschichten aus dem Wiener Wald, Gesammelte Werke, Bd. 4, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1986, S. 61 und 162. Vgl. VAJDA, Felix Austria, S. 522. ZU ROBERT MUSILS WAHRNEHMUNG DES KRIEGES 147

Paul Virilio sieht im Waffengang von 1914-1918 den „erste[n] mediatisierte[n] Krieg der Geschichte […], in dem Schnellfeuerwaffen an die Stelle der Vielzahl individueller Waffen traten“, und der Kampf „Mann gegen Mann […] seine grundsätzliche Bedeutung [verlor].“33 Daniel Marc Segesser schreibt, dass die „meisten Soldaten […] während des Stellungskrieges nicht wegen einer direkten Feindberührung ums Leben [kamen].“ Der weitaus größte Teil „der Verluste war vielmehr auf Artilleriebeschuss zurückzu- führen.“34. Musils Tagebuchaufzeichnungen zeugen davon, dass das Massensterben zu den sinnlich und wohl auch mental kaum mehr nachvollziehbaren Eindrücken des Ersten Weltkriegs gehört. Dem anonymen soldatischen Massenkörper – so lautet die ständig wiederholte Lektion der Kampf- handlungen – konnte man letztlich nur als Toter entkommen, wenn man nach dem Zufallsprinzip aus der Schicksalsgemeinschaft herausgeschossen wurde und „wahnsinniges Feuer des Gegners […] Löcher mit blutigen Rändern in die Masse“35 riss. Auf diesen Tatbestand reagiert der Soldat Musil mit dem Bedürfnis nach Isolation und der Sehnsucht nach einem individuellen Sterben, wie es auch in der oben zitierten Skizze „Begräbnis in A“ zum Ausdruck kommt. Nun schreibt er davon, manchmal „ohne äußeren Grund“ und „allein […] z.B. morgens bei klarer Sicht, wenn alles in den Deckungen steckt, spazieren [zu] gehen.“ Er ist sich der Gefahr, in die er sich dabei begibt, wohl bewusst, und „bei jedem Schritt [ist] eine gewisse Überwindung nötig.“ Hier, zwischen den eigenen und den feindlichen Stellungen, scheint der Tagebuchschreiber eine Situation provozieren zu wollen, in der der einzelne Soldat noch einmal als solcher identifizierbar und der „Tod etwas ganz Persönliches [ist]“. Bei dem „Glücksgefühl“, das ihn dabei „überströmt“, (T, 325) handelt es sich offenbar um eine Reminiszenz an ein Erlebnis, das seine volle Wirkung nicht im Augenblick des Geschehens, sondern erst im Nachhinein entwickelt hat und über das er später schreibt: „jedesmal, wenn ich mich daran erinnere, möchte ich etwas von dieser Art noch einmal deutlicher erleben!“ (PS, 557) Am 22. September 1915 notierte er unter dem Titel „Das Schrapnellstück oder der Fliegerpfeil auf Tenna“, dass ein Fliegerpfeil unmittelbar neben ihm in den Boden einschlug und er dem Tod nur dadurch entgangen war, dass er seinen „Oberkörper zur Seite [riß] und […] bei feststehenden Füßen eine ziemlich tiefe Verbeugung [machte].“ Der Begebenheit wird sofort eine ins

33 Zitiert nach Arno RUSSEGGER, „’Daß Krieg wurde, werden musste, ist die Summe all der widerstrebenden Strömungen und Einflüsse und Bewegungen, die ich zeige’. Erster Weltkrieg und Moderne – am Beispiel von Robert Musil, in SCHNEIDER / SCHUMANN, Krieg, S. 241. Das Originalzitat in Paul VIRILIO, Guerre et cinéma I. Logistique de la perception, Paris, Cahiers du cinéma, nouvelle édition augmentée, 1991, S. 123. 34 Vgl. Daniel Marc SEGESSER, Der Erste Weltkrieg in globaler Perspektive, Wiesbaden, marixverlag, 2012, S. 128 f. 35 Musil in der Tiroler Soldaten-Zeitung vom 26. Juli 1916. Zitiert nach CORINO, Musil, S. 561 f. 148 CLAUS ERHART

Religiöse weisende Bedeutung beigemessen: „Befriedigung, es erlebt zu haben. Beinahe Stolz; aufgenommen in eine Gemeinschaft, Taufe.“ (T, 312) In insgesamt fünf überlieferten Anläufen hat Musil diesem Erlebnis eine sprachliche Form zu geben versucht und es schließlich als mittlere von drei Episoden in die 1928 erschienene Novelle Die Amsel integriert. „Fliegerpfeil[e], heißt es dort erläuternd,

waren spitze Eisenstäbe, nicht dicker als ein Zimmermannsblei, welche damals die Flugzeuge aus der Höhe abwarfen; und trafen sie den Schädel, so kamen sie wohl erst bei den Fußsohlen wieder heraus, aber sie trafen eben nicht oft, und man hat sie bald wieder aufgegeben. (PS, 555)

Die teilweise befiederten, etwa 10 bis 15 cm langen Eisen- oder Stahlstifte, markierten „den Übergang von archaischen zu modernen Waffentechniken.“36 Modern war neben dem Abwurf aus einem Flugzeug vor allem die strategische Umfunktionierung der „intentionale[n]“ oder gerichteten „Waffe zu einer statistischen“37, die immer dann vorlag, wenn Fliegerpfeile „in großer Menge herabgeschleudert“ wurden.38 Die auch im gewöhnlichen Leben stets vorhandene Möglichkeit eines plötzlichen Todes wurde dann „in ungeheurer Vergrößerung“ erfahren. Der

Menschenleib ist wie ein Quadratmillimeter in einem Millimeterpapier [,] auf das die „Streuung“ irgend einer Wahrscheinlichkeit projiziert (geworfen) wird. Eingebettet in eine zufällige Verteilung. (PS, 758)

An die Stelle des „schauerliche[n] Gerippe[s], das man täglich an uns vorbeitrug“, an die Stelle des „wahnsinnige[n] [,] zweckbefangene[n], geschäftige[n] Tod[es]“, der die Soldaten unter diesen und ähnlichen Bedingungen trifft, rückt in Musils Wunschvorstellung „der lebendige, der geistliche Tod“, der „nur an stilleren Fronten zuhause ist.“ (PS, 752) Als solche gestaltet der Autor ansatzweise jenen Ort, an dem er das Fliegerpfeil- Erlebnis in seiner literarischen Verarbeitung situiert und in dessen Beschreibung sich biblisch-archaisierende Wendungen mengen. Die Truppe hielt damals im „toten Winkel einer Kampflinie in Südtirol“ (PS, 554) eine vorgeschobene Position. „Von Gott wie ein Posaunenstoß geschaffen“ (PS, 752), lag das Suganer Tal in der Herbstsonne und die Stellung des Bataillons war darin „so offen […], dass man uns von oben mit Steinwürfen erschlagen konnte.“ (PS, 554) Der „lebendige Tod“ tritt aber nicht auf diese althergebrachte Weise an die Soldaten heran, sondern nähert sich „einmal mitten in der Zeit“ durch einen feindlichen Flieger. Die

36 RUSSEGGER, Krieg, S. 240. 37 ENCKE, Augenblicke, S. 175. 38 Vgl. COENEN, „Der Pfeil als Fliegerwaffe“, in Berliner Klinische Wochenschrift, Jg. 51, Nr. 43, 26.10.1914, S. 1745. Zitiert nach ENCKE, ibid. ZU ROBERT MUSILS WAHRNEHMUNG DES KRIEGES 149

Sonne schien durch die dreifarbigen Tragflächen des Flugzeugs, gerade als es hoch über unseren Köpfen fuhr wie durch ein Kirchenfenster oder buntes Seidenpapier, und es hätte zu diesem Augenblick nur noch einer Musik von Mozart bedurft. (PS, 555)

Der Hinweis auf Mozart ist ein deutliches Indiz für ein bevorstehendes, die Grenzen der alltäglichen Erfahrung sprengendes Ereignis.39 In vier der fünf vorliegenden Textvarianten hört der Ich-Erzähler einen Laut. Im Tagebuch ist es ein „windhaft pfeifendes oder rauschendes Geräusch“ (T, 312), in den literarischen Verarbeitungsstufen „ein leises Singen“ (PS, 752, 755), „ein leises Klingen“ (PS, 555), dann „ein hoher, dünner, singender[,] einfacher Laut“ (PS, 755) oder auch ein „Laut […] wie der einer Stimmgabel“, an dem „vom ersten Augenblick an etwas Unirdisches [war] (PS, 753), der das „Musikhafte“ aber nicht verlor (vgl. PS, 753). Und immer ist da auch die Gewissheit: „es ist ein Fliegerpfeil!“ (PS, 555) Und fast stärker als diese die sichere Erkenntnis, er „war auf mich gerichtet“ (PS, 556,756) sowie „das sonderbare, nicht im Wahrscheinlichen begründete Empfinden: er trifft“ (PS, 556) ! An diese – kriegsgeschichtlich gesehen – anachronistischen Gewissheiten knüpft sich die den realen Lebens-bedingungen trotzende Vorstellung des „persönliche[n] Auserwähltsein[s] trotz der Statistik.“ (PS, 754) Der Ich-Erzähler glaubt, „eine persönliche Weihe empfangen zu haben“ (PS, 753), fühlt „Gottes Nähe“ (PS, 556) und es fällt ihm ein: „so ist es, wenn Gott etwas verkünden will“ (PS, 756). Die religiöse Überhöhung der Szene ist angesichts der geschilderten Eindrücke nicht verwunderlich, denn es drückt sich in ihr, wie Dietmar Goltschnigg in anderem Zusammenhang erläutert, „die bekannte mystische Erfahrung aus, dass Gott gerade dann dem Menschen am nächsten zu stehen scheint, wenn dieser sich selbst, sein eigenes Ich erlebt“40. Für den Menschen, dem in modernen Friedenszeiten schon längst das Verschwinden in der anonymen Masse droht, bedeutet der Erste Weltkrieg eine extreme Zuspitzung dieser krisenhaften Situation. Auf dem Schlachtfeld, im Augenblick der intuitiv erkannten Gefahr, streift den Soldaten Robert Musil die Ahnung von der Möglichkeit eines persönlichen Schicksals. Im literarischen Text lässt der Autor Robert Musil die ersehnte Individuation schließlich noch einmal gelingen.

39 Aus dem Wortfeld Musik stammende Begriffe werden von Musil häufig als fester, verselbständigter Tropus verwendet. Gradischnig erkennt in der Vermittlung durch Musik ein Strukturelement der für Musils Helden charakteristischen Erweckungserlebnisse. Vgl. GRADISCHNIG, Das Bild …, S. 74, 85, 95. Vgl. zu dieser Thematik auch Ernst KAISER, Eithne WILKINS, Robert Musil. Eine Einführung in das Werk, Stuttgart, Kohlhammer, 1962, S. 101. 40 Dietmar GOLTSCHNIGG, Mystische Tradition im Roman Robert Musils. Martin Bubers ‚Ekstatische Konfessionen’ im ‚Mann ohne Eigenschaften’“, Heidelberg, Lothar Stiehm, 1974, S. 60.

„Über den Schmerz“. Weltkriegstrauma in der Literatur

Dorothee KIMMICH Universität Tübingen

Krieg macht krank

„Nervenschock“ und „Kriegshysterie“

[Soldat] B.: Im Felde seit April 1915; erst im Osten, dann im Westen: Mitte März 1917 schlug eine Granate so dicht vor ihm ein, daß sein Gewehr zertrümmert wurde; er selbst wurde 15 m hoch in die Luft geschleudert; sofort 1 drei Stunden bewusstlos. Danach allgemeiner Tremor.

Der Soldat B. leidet an einer traumatischen Neurose. Die vielen unterschiedlichen Krankheitsbezeichnungen für psychische Erkrankungen zeigen die diagnostische Verlegenheit der damaligen Militärpsychiater: Neurose, Schreckneurose, Granatschock, Nervenschock, Kriegshysterie, Kriegszitterer, Hysteria virilis, Neurasthenie u.a. Die Erscheinungsformen der seelischen Verletzungen durch die Gräuel des Krieges waren unterschiedlich: Lethargie, Dämmerzustände, Bewusstlosigkeit, Starre, Schütteltremor, Lähmungen, Stottern, Mutismus, Lachkrämpfe, Erbrechen und Durchfall. Am bekanntesten wurden die ‚Kriegszitterer‘. Einige Psychiater gingen davon aus, dass eine in der Nähe explodierende Granate durch die Explosionswellen körperliche Schäden im Gehirn oder an den Nerven verursachen könne2. Daher auch die englische Bezeichnung ‚bomb shell disease‘ oder ‚shellshock‘3.

1 Wolfgang HAMMER, „Von der Folter zur Therapie. Traumatisierte Soldaten und die Militärpsychiatrie vom Ersten Weltkrieg bis zum Afghanistaneinsatz“, in Geschichte für heute. Zeitschrift für historisch-politische Bildung 3 (2010), S. 27-40, hier S. 27. 2 Vgl. Nicola FEAR / Edgar JONES / Simon WESSELY, „Shell Shock and Mild Traumatic Brain Injury: A Historical Review”, in American Journal for Psychiatry 164 (2007), S. 1641- 1645. 3 Vgl. dazu die Dissertation von Barbara LIEBEREI, Diagnostische Kriterien und Entwicklung eines diagnostischen Interviews für die Posttraumatische Verbitterungsstörung, 152 DOROTHEE KIMMICH

Die große Mehrheit der behandelnden Ärzte war, zur Genugtuung der militärischen Führung, der Meinung, dass die nervösen Störungen eine Flucht in die Krankheit seien mit dem Ziel, entlassen zu werden. Während man bei Diagnosen wie Shellschock oder ‚Kriegszitterer‘ noch mit Mitleid, Badekuren, Versetzung in die Heimat und Verrentung reagierte, behandelte man die entlarvten ‚Kriegsflüchtlinge‘ hart, da sie sich dem Dienst am Vaterland feige verweigerten. Dies gilt übrigens nicht nur für deutsche, sondern auch für englische und französische Ärzte4.

Wir wollen [...] den Weg einschlagen, der am sichersten zur Heilung führt [...] und wollen niemals vergessen, dass wir Ärzte unser ganzes Handeln jetzt in den Dienst der einen Aufgabe zu stellen haben: unserem Heere, unserem Vaterlande zu dienen.5

In all den Erscheinungsformen der übermächtigen Angst sahen die meisten deutschen Psychiater mangelnden Willen zum Kämpfen. „Der Hysteriker flüchtet in seine Krankheit, folglich muss man ihn wieder zur Flucht aus dieser Krankheit bringen!“. Diese Einstellung legitimierte die brutalen Methoden einer ‚therapeutischen‘ Folter, um die Patienten wieder der Kriegsmaschinerie zuzuführen: Stromschläge, in den Kehlkopf eingebrachte Kugeln, die Erstickungsangst hervorrufen, verbale Drohungen, Hypnose, Zwangsexerzieren, Dauerbäder von ein, zwei, drei Tagen, völlige Isolation und Scheinoperationen. Berüchtigt war die „Kaufmann-Kur“, bei der der Patient so lange mit sehr hohen elektrischen Stößen traktiert wurde, bis die Symptome angeblich beseitigt waren. Bei Offizieren diagnostizierte man im Übrigen eher „Neurasthenie“, die als „ernsthafte“ Krankheit für die „höheren Stände“ angesehen wurde6. Die Zahl der an einer Kriegsneurose Erkrankten wird auf ca. 600 000 geschätzt. Angesichts der Zahl von zwei Millionen gefallen deutschen Soldaten7 ist die Zahl der Traumatisierten sehr hoch. Man könnte also auch mit einer starken Resonanz in den verschiedenen Medien, darunter auch in der Literatur rechnen. Dies ist nicht der Fall. Während wir etwa in der Bildenden Kunst – u. a. bei Otto Dix eindringliche Darstellung verletzter,

http://www.diss.fu-berlin.de/diss/, Zugriff am 30.09.2013; Adam HOCHSCHILD, To End all Wars – a story of loyalty and rebellion. 1914-1918, Boston / New York, 2011; Charles Samuel MYERS, „A contribution to the study of shell shock", in Lancet 185 (1915), S. 316–320. 4 Vgl. Simon WESSELY, „The Life and Death of Private Harry Farr”, in Journal of the Royal Society of Medicine 99 (2006), S. 440-443. 5 HAMMER 2010, S. 29. 6 Ibid. 7 Der Erste Weltkrieg forderte fast zehn Millionen Todesopfer; 20 Millionen Verwundete unter den Soldaten. Die Anzahl der zivilen Opfer wird auf sieben Millionen geschätzt. WELTKRIEGSTRAUMA IN DER LITERATUR 153 verstümmelter und verkommender Kriegsveteranen finden8, bleibt die Literatur überraschend evasiv9. Dramatische Bilder und drastische Metaphern, wie wir sie etwa aus der expressionistischen Lyrik kennen, finden sich in der Nachkriegsliteratur kaum. Während wir aus der Literatur, aus Lyrik und Prosa des Expressionismus das ästhetische Konzept des ‚Schocks‘ kennen, bleiben solche Texte für den Ersten Weltkrieg weitgehend aus. Gottfried Benn ‚schockiert‘ in seinem Morgue-Zyklus, z. B. in ‚Mann und Frau gehen durch die Krebsbaracke‘; allerdings geht es darin gerade nicht um Kriegserlebnisse, sondern um ,zivile‘ Erkrankungen. Von Benn kennen wir zwar auch Berichte aus dem Krieg, z. B. eine 1928 verfassten Bericht über die Exekution einer Krankenschwester, der er 1915 als Militärarzt beigewohnt hatte. Diesen Vorfall berichtet Benn nüchtern, für seine Funktion bei der Exekution rechtfertigt er sich ausführlich10. Die Ästhetik des Schocks gehört zum Expressionismus, die Literatur der 20er Jahre produziert – mit wenigen Ausnahmen – nichts Vergleichbares. Die Literatur, die sich in der Nachkriegszeit mit dem Krieg befasst, basiert auf einem anderen ästhetischen Prinzip. Der Krieg ist nur noch indirekt präsent in der Sprachlosigkeit, im Verschweigen, Vergessen und Verdrängen der Ereignisse; es scheint eher eine Literatur des Traumas zu sein.

Trauma

Sigmund Freud hat in seinen frühen Studien – vor allem vor 1900 – das Trauma als seelische Verletzung beschrieben, die sich durch einen Mangel an Reaktion bzw. durch eine neurotische Reaktion manifestiert. Diese Thesen hat er in den zwanziger Jahren – also nach dem Krieg – korrigiert und z. T. revidiert. In ‚Hemmung, Angst, Symptom‘ (1926) wird das Trauma nun vor allem zu einer Signatur der Hilflosigkeit und der Ohnmacht; die neurotische Angst ist von der Realangst und damit von der auslösenden Gefahr zu trennen:

Wir kommen weiter, wenn wir uns auch mit der Zurückführung der Angst auf die Gefahr nicht begnügen. Was ist der Kern, die Bedeutung der Gefahrensituation? Offenbar ist die Einschätzung unserer Stärke im Vergleich zu ihrer Größe, das Zugeständnis unserer Hilflosigkeit gegen sie, der materiellen Hilflosigkeit im Falle der Realgefahr, der psychischen Hilflosigkeit im Falle der

8 Dietrich SCHUBERT (Hrsg.), Otto Dix: Der Krieg. 50 Radierungen von 1924, Marburg, 2002. 9 Bernd HÜPPAUF, „‚Der Tod ist verschlungen in den Sieg‘. Todesbilder aus dem Ersten Weltkrieg und der Nachkriegszeit“, in ders. (Hrsg.), Ansichten vom Krieg. Vergleichende Studien zum Ersten Weltkrieg in Literatur und Gesellschaft, Hain, 1984, S. 55-91. 10 Vgl. Jörg DÖRING / Erhard SCHÜTZ, Benn als Reporter. ‚Wie Miss Cavell erschossen wurde‘, Siegen, 2007; Mathias Mayer, Der Erste Weltkrieg und die literarische Ethik. Historische und systematische Perspektiven, München 2010; Thomas ANZ / Joseph VOGL (Hrsg.), Die Dichter und der Krieg. Deutsche Lyrik 1914-1918, München, 1982. 154 DOROTHEE KIMMICH

Triebgefahr. Unser Urteil wird dabei von wirklich gemachten Erfahrungen geleitet werden; ob es sich in seiner Schätzung irrt, ist für den Erfolg gleichgültig. Heißen wir eine solche erlebte Situation von Hilflosigkeit eine traumatische […].11

Das ‚Ich‘ ist ‚auf der Flucht‘ vor seinen eigenen Reaktionen: „Solange wir den Fluchtversuch des Ichs studieren, bleiben wir der Symptombildung ferne. Das Symptom entsteht aus der durch die Verdrängung beeinträchtigten Triebregung“12. Die Triebregung ist gewissermaßen verkrüppelt, kaum mehr als solche zu erkennen und daher eine Befriedigung auch kaum mehr möglich. Freud geht in seiner Schrift ‚Hemmung, Angst, Symptom‘ wird vor allem darauf ein, was Angst für die Ich-Konstitution bedeutet: Eine letztlich nicht zu korrigierende Beschädigung des Verhältnisses von ‚Es‘ und ‚Ich‘, die sich nicht nur in der bekannten Symptombildung äußert, sondern ein Leben lang dann im Kampf gegen das Symptom selbst fortgesetzt wird. Angst, so könnte man sagen, produziert eine Deckgeschichte nach der anderen, ist ein wahrer Geschichtenmotor und steht am Anfang einer nicht mehr einholbaren Selbstentfremdung, gewissermaßen einer Ansteckung mit der eignen Angst:

Hat der Akt der Verdrängung uns die Stärke des Ichs gezeigt, so legt er doch in einem auch Zeugnis ab für dessen Ohnmacht und für die Unbeeinflußbarkeit der einzelnen Triebregung des Es. Denn der Vorgang, der durch die Verdrängung zum Symptom geworden ist, behauptet nun seine Existenz außerhalb der Ichorganisation und unabhängig von ihr. Und nicht er allein, auch alle seine Abkömmlinge genießen dasselbe Vorrecht, man möchte sagen: der Exterritorialität, und wo sie mit Anteilen der Ichorganisation assoziativ zusammentreffen, wird es fraglich, ob sie diese nicht zu sich herüberziehen und sich mit diesem Gewinn auf Kosten des Ichs ausbreiten werden. Ein uns längst vertrauter Vergleich betrachtet das Symptom als einen Fremdkörper, der unaufhörlich Reiz- und Reaktionserscheinungen in dem Gewebe unterhält, in das er sich eingebettet hat. Es kommt zwar vor, daß der Abwehrkampf gegen die unliebsame Triebregung durch die Symptombildung abgeschlossen wird; soweit wir sehen, ist dies am ehesten bei der hysterischen Konversion möglich, aber in der Regel ist der Verlauf ein anderer; nach dem ersten Akt der Verdrängung folgt ein langwieriges oder nie zu beendendes Nachspiel, der Kampf gegen die Triebregung findet seine Fortsetzung in dem Kampf gegen das Symptom.13

Die Psyche des Traumatisierten wird selbst zum Schauplatz eines Krieges, in dem der ‚Kampf‘ gegen die Triebregungen und gegen die Symptome, die durch verkrüppelte Triebregungen entstehen. Man hat den Eindruck, dass sich hier starke Armeen gegenüber stehen, die allerdings einen Bürgerkrieg mit unklaren Fronten und mit Feinden ausfechten, die sich wie eine Guerilla im eigenen Hinterland eingenistet haben.

11 Sigmund FREUD, Hemmung, Symptom und Angst, Wien, 1926, S. 46. 12 Ibid., S. 6. 13 Ibid., S. 7. WELTKRIEGSTRAUMA IN DER LITERATUR 155

Jacques Lacan hat aus Freuds radikaler und trostloser Theorie des Traumas eine etwas versöhnlichere Variante erarbeitet: Das Trauma wird bei Lacan zu einem Bestandteil der menschlichen Entwicklung und markiert den Einbruch des Realen, das heißt den der Sprache, des Vaters und damit die Trennung von der Mutter14. Es handelt sich um einen Akt der schockhaften Subjektivierung, der allerdings vom Subjekt nicht beobachtet werden kann. Das Trauma ist gewissermaßen der blinde Fleck, den jedes Subjekt im Prozess der Selbstkonstitution eingeschrieben bekommt. Traumatisiert ist man also in jedem Fall nicht für einen bestimmten Moment des Lebens, sondern ein Leben lang. Das Trauma ist als exterritorialer Raum des Ichs Teil des Charakters und konstitutives Moment des Subjekts. Tatsächlich finden sich viele einschlägige Texte in der deutschen Literatur, in denen der Weltkrieg eher etwas wie ein blinder Fleck, eine deutlich vorhandene Leerstelle, etwas Unausprechliches ist; und eben gerade kein in expressionistischen Farben und dramatischen Metaphern dargestelltes Grauen. Der Krieg ist vielleicht die Bedingung der Selbstsetzung, allerdings einer solchen, die per se und qua definitionem immer eine mangelhafte, verletzte, traumatisierte und leidende sein muss. Die Kriegserfahrung produziert eine nicht still zu stellende Serie von Reaktionen, die sich als vergeblichen Kampf gegen die Angst lesen lassen. Ich nenne im Folgenden nur vier Beispiele, die aus sehr unterschiedlicher politischer und ästhetischer Perspektive den Weltkrieg betrachten und doch alle etwas wie ‚Traumaliteratur‘ sind: Ernst Jünger Über den Schmerz (1934); Joseph Roth Die Flucht ohne Ende (1928); Robert Musil Grigia (1921) und Siegfried Kracauers Roman Ginster (1928). Bei Ernst Jünger werden Angst und Schmerz umgedeutet zu Posen heroischer Indifferenz; bei Joseph Roth ist das ‚Ich‘ bereits, wie es Freud formulierte, ‚auf der Flucht‘ ohne wirkliches Ziel und ohne Ende; auch Robert Musils Grigia erzählt von einer Flucht, die zwar endet, aber trotzdem ohne Erlösung bleibt, sondern in die Katastrophe mündet. Siegfried Kracauers Ginster überlebt den Krieg, allerdings büßt er die Erinnerung ein; Geschichte wird ihm zur Leerstelle – und das eigene Leben auch.

14 Vgl. Jacques LACAN, Le Séminaire, Livre III, Les psychoses, Paris, 1981, S. 190ff.; Ders., Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, 1973, S. 55f.; Cathy CARUTH, Unclaimed Experience. Trauma, Narrative, and History, Baltimore, 1996. 156 DOROTHEE KIMMICH

Traumatisierte Texte

Ernst Jünger und die Prothesen des Leids

In seinem Essay Über den Schmerz geht Jünger auf das Verhältnis zum eigenen Ich, genauer zum eigenen Körper ein und versucht, gewissermaßen anhand einer Kulturgeschichte des Schmerzes die Folgen des Ersten Weltkriegs für den modernen Menschen – der bei Jünger immer der Mann ist – herauszuarbeiten. Insgesamt ist die Argumentation wenig stringent und lässt sich kaum zu einer widerspruchsfreien These zusammenfassen. Jedenfalls wird klar, dass sich das Verhältnis von Schmerz, Körper und Individuum durch den Einsatz von Technik im Ersten Weltkrieg radikal verändert haben. Funktionierender Schutz vor Schmerz soll maximale Unberührbarkeit, maximale Gleichgültigkeit, totale Unverletzbarkeit und ganz offensichtlich damit dann auch maximale Überlebenschancen in modernen Gesellschaften garantieren. Es geht um eine Versachlichung, eine Verobjektivierung des eigenen Ichs. Unklar bleibt dabei, ob es sich um ein Modernisierungskonzept handelt oder eher um ein antimodernes Dekadenzmodell. In Abschnitt 14 des Essays wird die These einer Verobjektivierung und Versachlichung der Gesellschaft detailliert ausgeführt. Individualität, so Jünger, sei in den 20er Jahren unter den Bedingungen der modernen Technik, der modernen Kriegsführung und der modernen Staaten eine Illusion geworden. Auch das Konzept der Identität habe sich als ein veraltetes herausgestellt, vielmehr sei der moderne Typ Mensch gerade nicht mit sich selbst identisch:

Wenn man den Typus, wie er sich in unseren Tagen herausbildet, mit einem Wort kennzeichnen sollte, so könnte man sagen, dass eine seiner auffälligen Eigenschaften im Besitz eines ‚zweiten Bewusstseins‘ besteht. Dieses zweite und kältere Bewusstsein deutet sich an in der sich immer schärfer entwickelnden Fähigkeit, sich selbst als Objekt zu sehen.15

Die Verobjektivierung oder „Vergegenständlichung unseres Weltbildes“16 macht Jünger an zwei modernen Entwicklungen, an der Photographie und an der Prothetik fest. Beide gehören sogar in bestimmter Weise zusammen: Photographie hat Urkundencharakter für ihn und hält Geschichte – etwa den Ersten Weltkrieg – fest. Dabei ist wichtig, dass die Aufnahme von einem Auge gemacht wird, das selbst nicht zu einem empfindsamen, verletzlichen Körper gehört, sondern etwas wie eine Prothese darstellt. Die Photographie ist eine Waffe, das Sehen mit dem Photoapparat ein Angriffsakt17:

15 Ernst JÜNGER, „Über den Schmerz“, in ders., Essays I. Betrachtungen zur Zeit, Sämtliche Werke Bd. 7, Stuttgart, 1980, S. 143-194, hier: S. 181. 16 Ibid. 17 Vgl. ibid., S. 182. WELTKRIEGSTRAUMA IN DER LITERATUR 157

Die Photographie ist also ein Ausdruck der uns eigentümlichen, und zwar einer grausamen, Weise zu sehen. Letzten Endes liegt hier eine Form des Bösen Blickes, eine Art von magischer Besitzergreifung vor [...] Ein seltsames und schwer zu beschreibendes Bestreben […], dem lebendigen Vorgang den Charakter des Präparats zu verleihen.18

Die Photographie ist eine ‚Feststellung‘, also eine Stillstellung von Prozessen und Ereignissen; sie schneidet das Bild aus dem Zusammenhang und „tötet“ die Bewegung ab. Das künstliche Auge sieht dabei mehr als das körperliche und es kann auch mehr aushalten; es ist außerhalb der ‚Zone der Empfindsamkeit‘. Es handelt sich also nicht nur um eine Optimierung des menschlichen Organismus, sondern eine totale Veränderung der menschlichen Physis hin zur Maschine, der Körper, das Auge mit dem Photoapparat, wird zur Prothese. Ereignisse werden stillgestellt und so gewissermaßen zum Präparat, der Körper zur Maschine, aus der Geschichte ist die Bewegung und aus dem Körper das Leben verschwunden. Was beweglich und lebendig war, ist jetzt leblos und tot. Der Betrachter solcher Foto- und Filmaufnahmen wiederum befindet sich in Räumen, die die Beobachtung von schrecklichsten Ereignissen erlaubt – z. B. im Kino bei den Wochenschauen –, ohne dass er den Schmerz fürchten müsste. Zu Beginn des Textes ist die Rede von einer spezifischen soldatischen Disziplin, die man aufbringen muss, um auf dem Schlachtfeld zwischen pfeifenden Geschossen nicht wahnsinnig zu werden. Im Zuschauerraum eines Kinos kann der Betrachter eine fast vergleichbare Erfahrung machen, allerdings ohne sich je einer Gefahr auszusetzen. Deutlich wird die Sorge, dass die alten soldatischen Leistungen, der Mut, die Schmerzbewältigung, die Disziplin, wertlos werden. Mit Hilfe von Techniken und Apparaten können sie von jedwedem erbracht werden: Im Kino kann jeder mutig sein. Heldentum im Kino ist für Jünger lächerlich und dekadent. Was vor der Erfindung der Photographie als stoisch gelten konnte, ist jetzt proletarisch. Das Heroische und das Rituelle werden im Gefolge der Technik durch amoralische und vor allem „unritterliche Abläufe“ ersetzt19. Der Kinobesucher zahlt für Kriegserfahrungen einen niedrigen Preis, er ist nie in Lebensgefahr und hat keine Verletzung, keine Traumatisierung zu befürchten: Der Vorgang, „wenn ein Mensch von einer Explosion zerrissen wird, wird von einem unempfindlichen und unverletzlichen Auge gesehen20“. Jünger spricht hier nur von körperlichen Verletzungen: Die Frage, ob die Seele beim Anblick eines zerfetzten Menschen leidet, wird gar nicht gestellt. Alles was „hinter“ dem Auge sich noch befinden könnte, ist eine Leerstelle, die allerdings nicht unerwähnt bleibt, denn es ist genau diese Leerstelle als solche, die wiederum die zeitgenössische Ästhetik prägen soll: „[…] die

18 Ibid., S. 183. 19 Ibid., S. 185. 20 Ibid., S. 182. 158 DOROTHEE KIMMICH

Beschreibung der feinsten seelischen Vorgänge [wird] abgelöst werden durch eine neue Art der präzisen, sachlichen Schilderung21“. Damit hat Jünger sicherlich eine richtige Beobachtung gemacht: Den Zusammenhang von Mediengeschichte, Kriegsästhetik und Heldenfiguren hat Bernd Hüppauf in einem ausführlichen Artikel über Geschichte, Ethik und Ästhetik der „Fliegerhelden des Ersten Weltkriegs“ untersucht; er geht dabei vor allem auf Fotographie, Film und Kunst im Dienste der Heldenbildung ein und kann zeigen, dass die Modernisierung des Heldenbildes ein Bündnis mit den Massenmedien voraussetzt. Die Kinoleinwand ermöglicht sowohl eine Distanzierung von den schrecklichen Ereignissen des Kriegs, der plötzlich aseptisch und sauber zu sein scheint; zugleich werden die Ereignisse bzw. die Fliegerhelden selbst aber alltäglicher und die Bilder wirken damit egalisierend; jeder wird ein Teilnehmer. Interessanterweise lässt sich eine Feminisierung – vor allem der besonders medientauglichen – Fliegerhelden beobachten. Nicht nur, dass es tatschlich eine überraschend große Zahl weiblicher, berühmter Pilotinnen gab – Elly Beinhorn, Marga von Ertzdorff, Melitta Gräfin Schenk von Stauffenberg und Hanna Reitsch –, auch die Männer entwickeln einen Stil femininer Selbstdarstellung. Sie werden Diven und gehen eine ästhetische Verbindung mit der Technik ein. Apparate, Technik, glatte Oberflächen und stromlinienförmiges Design spielen eine zentrale Rolle bei der Inszenierung des Helden. Er ist kühl, unverletzlich und schön, auf keinen Fall blutend oder verwundet. Der Held entspricht der photographischen Ästhetik der Neuen Sachlichkeit. Diese Demokratisierung und Feminisierung des Helden, des Kriegs und des Subjekts löst bei Jünger offensichtlich geradezu Ekel aus; obwohl er zugleich der Sachlichkeit der Ästhetik durchaus Sympathie entgegenbringt. Auf den ersten Blick ist daher Jüngers Argumentation nicht nachvollziehbar, sie bleibt konfus und verdeckt offenbar einen anderen Problemkomplex: Jünger besteht gewissermaßen auf dem Lacanschen Gewinn durch das Trauma. Ihm fehlen allerdings in der neuen medialen Umgebung des Kriegs das Reale und der „echte“ Krieg. Der Gewinn durch das Trauma sollte denjenigen vorbehalten bleiben, die wirklich auf dem Schlachtfeld waren, den Krieg erlebt haben, also den wirklich Traumatisierten, die damit die wahren Vertreter einer posttraumatischen, sachlichen und kalten Ästhetik sein dürften: Der traumatisierte Soldat ist für Jünger der Prototyp des wahren männlichen Subjekts. Es geht in einer demokratischen, medialen und femininen Welt für immer unter.

Joseph Roth und der Verlust der Liebe

Joseph Roth hat 1928 einen kurzen Roman geschrieben, in dem der Krieg auch keine eigentliche Rolle spielt, aber doch alles bestimmt22. Er ist die

21 Ibid. WELTKRIEGSTRAUMA IN DER LITERATUR 159 räumliche und zeitliche Leerstelle, um die sich alles anordnet. Franz Tunda, der Mann, der sich auf der „Flucht ohne Ende“ befindet, ist ein ehemaliger Offizier. Es verschlägt ihn nach Sibirien und wir begleiten ihn durch ganz Europa auf der Suche nach seiner Verlobten. Deren Foto trägt er in der Brusttasche mit sich von Sibirien in die Ukraine, nach Wien, nach Bonn nach Paris23. Der Roman beginnt in der russischen Taiga, weit von der österreichischen Heimat, in einer einsamen Gegend, in der vollkommene Stille herrscht. Jede Erfahrung ist unmittelbar an den Verlust des Erfahrenen gebunden: Heimat, Liebe, Familie, Freunde, Beruf. Alles ist verloren im und durch den Krieg: Tunda ist jetzt „ein junger Mann ohne Namen, ohne Bedeutung, ohne Rang ohne Titel, ohne Geld und ohne Beruf [...]24“. Als er ging, war er ein Offizier gewesen. „Die große Trauer der Welt verschönte ihn damals [...]“. Seine Verlobte ist das Ziel seiner Wanderungen, das er aber schon zu Beginn verloren weiß. Daher ist auch nicht wirklich verwunderlich, dass die Reise immer wieder unterbrochen wird. Tunda gerät in die Revolutionswirren und lebt mit einer Rotgardistin zusammen, heiratet dann in Baku eine Frau, mit der er kaum je ein Wort wechselt. Von dieser verabschiedet Tunda sich nicht einmal, als er sich plötzlich entschließt, seine Heimreise nach sechs Jahren wieder aufzunehmen25. Tunda landet in Wien, die Braut ist inzwischen verheiratet und nach Paris gezogen. Tunda folgt ihr auch dorthin, obwohl er selbst gesteht: „Ich suche sie in Wirklichkeit ja nicht“26. Am 27. August 1926 in Paris begegnet er ihr mitten in Paris. „Irene sah Tunda und erkannte ihn nicht“27. Die Differenz zwischen ‚sehen‘ und ‚erkennen‘ markiert den Riss, der durch die Person geht und die Gegenwart von der Vergangenheit, das Ich von seinen Erinnerungen, den Menschen von seinem fotographischen Abbild trennt: „Irene gehörte zur anderen Welt28“. Was Tunda bleibt, ist ihre Photographie: „Er behält die Photographie Irenes,

22 Vgl. Johann Georg LUGHOFER, „‚Im Grunde war er ein Europäer, ein Individualist‘. ‚Die Flucht ohne Ende‘ zwischen den Kulturen“, in ders. (Hrsg.), Im Prisma. Joseph Roths Romane, Wien, 2009, S. 132-152; Reiner WILD, „Beobachtet oder gedichtet? Joseph Roths Roman ‚Die Flucht ohne Ende‘“, in Sabina BECKER / Christoph WEISS (Hrsg.), Neue Sachlichkeit im Roman. Neue Interpretationen zum Roman der Weimarer Republik, Stuttgart, 1995, S. 27-48. 23 Vgl. Dietrich BEYRAU, „Ein Historiker liest ‚Die Flucht ohne Ende‘“, in Johann Georg Lughofer, Im Prisma. Joseph Roths Romane, Wien, 2009, S. 121-131. 24 Joseph ROTH, „Die Flucht ohne Ende“, in ders., Romane und Erzählungen 1916-1929, Werke Band 4, Köln, 1989, S. 389-496, hier: S. 396. 25 Jacqueline BEL, „Snobisme à l'est et à l'ouest. ‚Die Flucht ohne Ende‘ de Joseph Roth“, in Germanica 49 (2011), S. 95-108; Florian GELZER, „Unzuverlässiges Erzählen als Provokation des Lesers in Joseph Roths ‚Die Flucht ohne Ende. Ein Bericht‘“, in Modern Austrian Literature 43 (2010), S. 23-40. 26 ROTH 1989, S. 494. 27 Ibid. 28 Ibid. 160 DOROTHEE KIMMICH wie er sie jahrelang getragen hat. Sie liegt auf seiner Brust. Er geht mit ihr durch die Straßen29“. Tunda bleibt in dieser Situation der verfehlten „Anagnorisis“ seltsam indifferent. Jahrelang herbeigesehnt, ist die Begegnung eine Katastrophe, wird aber nicht als solche empfunden. „Eine Wand stand in der Tiefe ihres Auges, eine Wand zwischen Netzhaut und Seele, eine Wand in ihren grauen, kühlen, unwilligen Augen“30. Die „Wand zwischen Netzhaut und Seele“ ist das Wahrnehmungs-Prinzip, nach dem alle Figuren funktionieren. Es ist das Prinzip der Kamera, das Prinzip des Sehens, das nicht mit einem lebendigen Körper verbunden ist, ‚sachliches‘, indifferentes Sehen ohne Wieder- erkennen. Die Seele hat sich hinter dem Auge gewissermaßen in einer Welt ohne Erinnerung eingemauert. Franz Tunda schreibt übrigens ein Tagebuch und versucht sich an einer Autobiographie – aber er scheitert. Für eine Therapie durch schriftliche Selbstreflexion ist es zu spät. Das Trauma ist so umfassend, der Verlust so unermesslich, dass eine Heilung nicht in Sicht ist: „So überflüssig wie er, war niemand auf der Welt“31 – so lautet der letzte Satz des Romans. Der Roman berichtet von verloren gegangenen Geschichten und verloren gegangener Geschichte; aber nicht indem er davon berichtet, sondern indem er darüber schweigt.

Robert Musil und die verpasste Erlösung

Von Robert Musil ist bekannt, dass er zunächst – wie viele andere eben auch – den Kriegsausbruch durchaus positiv einschätzte32. Im Ersten

29 Ibid., S. 496. 30 Ibid., S. 494. 31 Ibid., S. 496. 32 Die Studien zu Musil, seiner Biographie und seinen vielen Bezügen auf Krieg- und Kriegserlebnisse in verschiedenen Werken gibt es zahlreiche, z. T. kanonische gewordene Studien. Viele beziehen sich auf den Mann ohne Eigenschaften; einige sollen hier exemplarisch genannt werden: Alexander HONOLD, Die Stadt und der Krieg. Raum- und Zeitkonstruktion in Robert Musils Roman ‚Der Mann ohne Eigenschaften‘, München, 1995; ders., „Der Krieg als literarisches Datum“, in Annette DAIGGER / Peter HENNINGER (Hrsg.), Robert Musils Drang nach Berlin. Internationales Kolloquium zum 125. Geburtstag des Schriftstellers, Bern u.a., 2008, S. 131-152; Roland INNERHOFER / Katja ROTHE, „Regulierung des Verhaltens zwischen den Weltkriegen. Robert Musil und Kurt Lewin“, in Berichte zur Wissenschaftsgeschichte 33 (2010), S. 365-381; Michael ANGELE / Reto SORG, „Der Crash als Metapher. Automobil-Unfall und Apokalypse in der Literatur der Zwischenkriegszeit“, in Reto SORG / Stefan BODO WURFFEL (Hrsg.), Utopie und Apokalypse in der Moderne, München, 2010, S. 179-215; Kai EVERS, „‚Krieg ist das gleiche wie aZ‘. Krieg, Gewalt und Erlösung in Robert Musils Nachkriegsschriften“, in: Hans FEGER / Hans-Georg POTT / Norbert Christian WOLF (Hrsg.), Terror und Erlösung. Robert Musil und der Gewaltdiskurs der Zwischenkriegszeit, München, 2009, S. 227-250; Joachim HARST, „Vergebliche Erlösung. Ein ‚Rest von Seele‘“, in Hans FEGER / Hans-Georg POTT / Norbert Christian WOLF (Hrsg.), Terror und Erlösung. Robert Musil und der Gewaltdiskurs der Zwischenkriegszeit, München, 2009, S. 251-277; Alfred DOPPLER, „‚Seinesgleichen führt zum Krieg‘. Robert Musils Auseinandersetzung mit dem Krieg“, in Michael KLEIN / Sieglinde KLETTENHAMMER / Elfriede PODER (Hrsg.), Literatur der WELTKRIEGSTRAUMA IN DER LITERATUR 161

Weltkrieg ist Musil in Südtirol und an der italienisch-serbischen Front stationiert. Zunächst verschlägt es ihn zur Grenzsicherung ins Ortlergebiet, genauer in die Festungsanlagen von Gomagoi und Trafoi, wo er bis Januar 1915 bleibt. Als Adjutant im Landsturm-Infanteriebataillon 169 macht Musil von Januar bis zur Kriegserklärung Italiens an Österreich-Ungarn Zwischenstopp in den trientinischen Städten Pergine und Levico. Auch seine Stieftochter Annina sowie Martha sind vor Ort. Mit der Kriegserklärung Italiens am 23. Mai 1915 wird seine Einheit zum Kampfeinsatz verlegt. Es geht von Pergine, das am Eingang des Fersentals liegt, in die Ortschaft Palai am Talende. Hier lernt er die Bäuerin Lena Maria Lenzi kennen. Die Liebesbeziehung zu ihr verarbeitet er in der Novelle Grigia (1921), die 1924 als Teil des Zyklus Drei Frauen erscheint. Musil scheut sich nicht, die Identität seiner Sommerliebe in der Novelle preiszugeben: „Sie hieß Lene Maria Lenzi; das klang wie Selvot und Gronleit oder Malga Mendana, nach Amethystkristallen und Blumen, er aber nannte sie noch lieber Grigia, mit langem I und verhauchtem Dscha, nach der Kuh, die sie hatte, und Grigia, die Graue rief33“. In der Erzählung Grigia ist auch wieder gerade nicht vom Krieg, von Kaampfgeschehen die Rede, sondern es wird erzählt von der totalen Isolierung der Personen in einem einsamen Gebirgstal34. Der Protagonist ist „Homo“, der mit einer der – verheirateten – Bäuerinnen eine Affäre beginnt, während ihr Mann im Ausland arbeitet. Homo wird am Schluss von dem zurückgekehrten Ehemann ermordet. Den Zustand im Krieg beschreibt Musil in seinem kurzen Texte Die Amsel, der ebenfalls eine Geschichte kriegstraumatischer Erfahrung ist, folgendermaßen:

Weimarer Republik. Kontinuität– Brüche, Innsbruck, 2002, S. 59-68; Theo BUCK, Vorschein der Apokalypse. Das Thema des Ersten Weltkriegs bei Georg Trakl, Robert Musil und Karl Kraus, Tübingen, 2001; Birthe HOFFMANN, „Die Religiosität des Tatsachenmenschen. Zur Bedeutung des ersten Weltkriegs in der Kulturkritik Robert Musils“, in Text & Kontext 22 (2000), S. 53-71; Arno RUSEGGER, „‚Dass Krieg wurde, werden musste, ist die Summe all der widerstrebenden Strömungen und Einflüsse und Bewegungen, die ich zeige‘. Erster Weltkrieg und literarische Moderne – am Beispiel von Robert Musil“, in Uwe SCHEIDER / Andreas SCHUMANN (Hrsg.), Krieg der Geister. Erster Weltkrieg und literarische Moderne, Würzburg, 2000, S. 229-245. 33 Arlette CAMION, „‚Grigia‘ de Robert Musil. L’ecriture de l’ailleurs”, in Germanica 40 (2007), S. 143–155; Michael SCHMITZ, „Frau ohne Eigenschaften. Die Konstruktion von Liebe in Robert Musils Novelle ‚Grigia‘“, in Musil-Forum 29 (2005/2006), S. 57-77; Wolfgang HACKL, „Erzählte Fremdheit. Zu Robert Musils Novelle ‚Grigia‘“, in Mitteilungen aus dem Brenner-Archiv 21 (2002), S. 39-49; Birthe HOFFMANN, „Die Seele im Labor der Novelle. Gestaltpsychologische Experimente in Musils ‚Grigia‘“, in Deutsche Vierteljahrsschrift für Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte 69 (1995), S. 735-765; Alexander HONOLD, ,„Diese neue Eigenschaft der Trennbarkeit‘. Eigennamen bei Robert Musil“, in Poetica 27 (1995), S. 149-186; Julia ENCKE, Augenblicke der Gefahr. Der Krieg und die Sinne. 1914–1934, München, 2006. 34 Vgl. Alexander HONOLD, „Auf dem Fliegenpapier: Robert Musil im Ersten Weltkrieg“, in: Literatur für Leser 4 (1997), S. 224-239; Paul ZOCHBAUER, Der Krieg in den Essays und Tagebüchern Robert Musils, Stuttgart, 1996. 162 DOROTHEE KIMMICH

Jeden Tag holt sie sich ihre Opfer, einen festen Wochendurchschnitt, soundsoviel vom Hundert, und schon die Generalstabsoffiziere der Division rechnen so unpersönlich damit wie eine Versicherungsgesellschaft. Übrigens man selbst auch. Man kennt instinktiv seine Chance und fühlt sich versichert, wenn auch nicht gerade unter günstigen Bedingungen. Das ist jene merkwürdige Ruhe, die man empfindet, wenn man dauernd im Feuerbereich lebt. Es ist so, als ob die Angst vor dem Ende, die offenbar immer wie ein Stein auf dem Menschen liegt, weggewalzt worden wäre, und nun blüht in der unbestimmten Nähe des Todes eine sonderbare innere Freiheit.35

Homos Ende findet allerdings gerade in einer Höhle statt, vor die der eifersüchtige Ehemann einen Stein wälzt; Grigia kann sich durch einen Spalt retten, den Homo in seinem schon geschwächten Zustand offenbar übersieht. Seltsamerweise führt der Krieg zu einem Zustand innerer Freiheit, der sich einstellt durch die ständige Lebensgefahr, die offenbar nur auszuhalten ist, wenn man die Angst gar nicht mehr spürt. Der Krieg befreit von Todesangst und wälzt wie vom Grab Christi den Stein von allen Gräbern. Er erfüllt damit gewissermaßen auf vollkommen paradoxe Weise das christliche Versprechen der Erlösung von der Todesangst. Der von aller Angst befreite Mann Homo stirbt dann allerdings seinen Tod in einer Liebeshöhle, die ihm zum Grab wird. Die Geschichte von Homo ist die Geschichte einer Desozialisierung: Er verlässt seine Familie, geht ins Gebirge, liefert sich der Eifersucht des Ehemannes aus und verdurstet und verhungert schließlich: In jeder Hinsicht ‚eingemauert‘ kann er die Möglichkeit zur Rettung nicht sehen. In Umkehrung der biblischen Szene wird hier der Stein vor die Höhle gerollt und gerade nicht ein Grab geöffnet. Wie paralysiert ist Homo – der eben nur ein Mann und kein Gottessohn ist – der Kontingenz des Geschehens ausgeliefert. Alles Leben scheint wie auf dem Schlachtfeld dem Zufall anheimgefallen, ohne Gnade und ohne Rettung. Der Verlust der Angst, die Indifferenz und Gefühllosigkeit gegenüber der Lebensgefahr stellt sich als tödliche Falle heraus.

Siegfried Kracauer und das Ende der Erinnerung

Auch Siegried Kracauer schreibt 1928 mit Ginster so etwas wie einen Kriegsroman ohne Krieg. Am 15. Januar 1928 hatte Ernst Bloch in einem Brief an Kracauer bereits konstatiert:

[...] eine spannendere Entspanntheit habe ich noch nicht gelesen. Der unbeteiligte Held, den nichts angeht, der alles jetzt Geschehende dadurch zugleich, ganz ohne Pathos, entwertet. Trotz Schweijk (dazu wäre viel zu sagen) ist der Typ neu. Höchstens vom Film gehen gewisse Züge herüber, von Chaplin und Buster Keaton. Seltsam wirkt dabei die angehaltene Langeweile des Aspekts; sie vergrößert sowohl verblüffend, als sie macht das Trostlose

35 Robert MUSIL, „Die Amsel“, in Prosa und Stücke, Gesammelte Werke Band 2, Reinbek b. Hamburg, 2000, S. 548-562, hier S. 555. WELTKRIEGSTRAUMA IN DER LITERATUR 163

irgendwie heiter, als vor allem: sie ist das Erkenntnisinstrument des Wahren, Konkreten, wirklich damals Geschehenen.36

Die seltsame Gleichgültigkeit, mit der Ginster auf die Katastrophe des Kriegs reagiert, findet Ernst Bloch ‚heiter‘ und attestiert ihr eine gewisse kritische Macht gegenüber den Verhältnissen. Th. W. Adorno dagegen reagiert irritiert, ihm scheint in dieser Indifferenz das ‚Ich‘ verloren zu gehen: Ginster – so Adorno zwischen Bewunderung und Ablehnung – sei ein roman philosophique, in dem der „Knoten der Individualität nicht als etwas Substantielles affirmativ hingestellt“, sondern „vermöge der ästhetischen Reflexion wird das tragende Ich selbst relativiert37“. Das ist eine zutreffende Bemerkung. Das tragende Ich ist schließlich nach einer Pflanze benannt, die an Bahndämmen und auf Brachen wächst und dafür prädestiniert scheint, übersehen zu werden. Ginster ist ein Mensch, der nicht im üblichen Sinne Erfahrungen macht, sich erinnert, Geschehnisse in kausale Zusammenhänge setzt und daraus Schlüsse zieht. Es scheint, als glitte er durch die Geschichte, als lebte er in den Ritzen der Zeit oder eben – wie der Name Ginster sagt – an den Rändern der Welt. Ginster überlebt – womöglich gerade darum – den Krieg in der Etappe und in Amtsstuben. Fünf Jahre nach dem Kriegsende verbringt er dann einen seltsam planlosen Urlaub an der Côte d´Azur. Allein spaziert er durch die Straßen von Marseille und als er zufällig einer alten Bekannten begegnet, kann er sich nur mit Mühe unterhalten. „Sie schien den Austausch von Erinnerungen zu wünschen, es war ihm aber für die Vergangenheit zu heiß. Er hatte auch sein Gedächtnis verloren38“. Die lakonische Formulierung macht stutzig: Gedächtnisverlust ist keine Lappalie, es sei denn, es ist darin die einzige Möglichkeit zu sehen, das Grauen des Krieges zu überleben. In bestimmter Weise hat sich Ginster selbst überlebt; er begegnet seiner eigenen Vergangenheit, als habe er sie nicht selbst erlebt, total entfremdet39.

36 Zit. nach Ingrid BELKE / Ulrich OTT / Irina RENZ (Hrsg.): Sigfried Kracauer 1889-1966 (= Marbacher Magazin 47 [1988]), Marbach, 1989, S. 47. In der Frankfurter Zeitung vom 25. November 1928 findet sich eine Rezension von Joseph Roth, der ebenfalls den Vergleich mit dem Film und mit Chaplin bemüht: „Ginster im Krieg, das ist: Chaplin im Warenhaus. Über die rollende Treppe, die allen anderen zur Hinaufbeförderung dient, stolpert Chaplin sechzehnmal. Wo alle anderen einkaufen, wird er von Rayon-Chefs verfolgt. Wo alle anderen regelrecht und bieder zahlen, gerät er in Verdacht, ein Dieb zu sein. Gegenüber den Warenhäusern, den Kriegen, der Konfektion, den Vaterländern sind Chaplin ebenso wie Ginster ratlos und feig, merkwürdig und unbeholfen, lächerlich und tragikomisch. Wir haben endlich den literarischen Chaplin. Das ist Ginster.“ (Ibid., S. 52) 37 Adorno betont, dass es sich hier nicht um ein theoretisches Programm handle, sondern um ästhetische Praxis: „Ebenbürtig der Konzeption ist die Sprache. Mit ihrer unzähmbaren Lust, Metaphern wörtlich zu nehmen, eulenspigelhaft zu verselbständigen, aus ihnen eine Arabeskenrealität zweiten Grades zu stricheln, treibt sie Luftwurzeln weit in die Moderne hinein.“ (Theodor W. ADORNO, „Der wunderliche Realist“, in ders., Noten zur Literatur III, Frankfurt a. M., 1974, S. 388-408, hier: S. 402.) 38 Sigfried KRACAUER, Ginster. Von ihm selbst geschrieben, Frankfurt, 1990, S. 230f. 39 Für Kracauer ist der Komplex der Entfremdung allerdings weit komplexer; er wird z. T. auch positiv konnotiert: „Geschichte gleicht Photographie unter anderem darin, daß sie ein 164 DOROTHEE KIMMICH

So etwas Ähnliches versucht er – freilich vergeblich – zu kommunizieren. Lieber als Erinnerungen hervorzukramen, erzählt er nämlich von einem Besuch im Hafen, den er am Tag zuvor unternommen hatte: „Ein Mann verabschiedete sich von einer Frau, die nicht einmal weinte – er war nicht mehr zu Hause, er war noch nicht unterwegs, er war unerreichbar weit fort. Für einen Augenblick wenigstens aus jedem Zusammenhang gerissen; wie neu40“. Ginster spricht von sich selbst, von einem Leben zwischen hier und dort, jetzt und nachher, einer Existenz jenseits von Raum und Zeit. Die Unerreichbarkeit für Trauer und Abschied, Verlust und Sorge, die eine solche Szene bestimmen sollte, wird nicht beklagt und nicht vermisst. „Wie neu“ soll ein solcher Moment sein: Die Hoffnung auf einen möglichen Neuanfang, ohne Erinnerung, ohne Geschichte ist trügerisch. „Ich habe ihn nicht eigentlich beobachtet, ich habe überhaupt nichts beobachtet, sondern bin selbst entglitten, als führe ich ab. Es handelt sich immer um den Augenblick, in dem sich ein winziges Loch öffnet, ich weiß nicht, ob sie mich verstehen.“41 So versucht Ginster, seine Erfahrung noch etwas genauer zu beschreiben. Die Szene verspricht für einen kurzen Moment so etwas wie Rettung, sogar Erlösung. Wie Musils Homo, der den realen Felsspalt nicht findet, sondern im Sterben nur davon träumt, markiert auch dieser Moment für Ginster die Hoffnung auf Vergessen und Tod, eine Flucht, ein Entkommen. Die Lücke, die Leerstelle markiert das Zentrum der Person und zugleich das Zentrum der Geschichte. Der Schrecken bleibt uneinholbar, der Krieg entzieht sich in allen besprochenen Texten der Darstellung, aber nicht weil er so grausam oder unmenschlich oder entsetzlich ist – das ist er auch –, sondern weil er mit denjenigen, die ihn erlebt haben und erzählen könnten, offenbar etwas macht, was sie der Sprache und dem Erzählen letztlich entfremdet: Es ist kein Erzählen vom Trauma, sondern ein traumatisiertes Erzählen.

Literatur

Primärliteratur

JÜNGER, Ernst, „Über den Schmerz“, in ders., Essays I. Betrachtungen zur Zeit, Sämtliche Werke Bd. 7, Stuttgart, 1980, S. 143-194. KRACAUER, Siegfried, Ginster. Von ihm selbst geschrieben, Frankfurt, 1990. Ders., Geschichte - vor den letzten Dingen, Frankfurt a. M., 2009.

Mittel der Entfremdung ist.“ (Siegfried KRACAUER, Geschichte – vor den letzten Dingen, Frankfurt a. M., 2009, S. 16); vgl. dazu auch Carlo GINZBURG, „Verfremdung. Vorgeschichte eines literarischen Verfahrens“, in ders., Holzaugen. Über Nähe und Differenz, Berlin 1999, S.11-41; vgl. Zu technischen Innovationen und Verfremdung: Jonathan CRARY, Suspension of Perception, Cambridge/Mass., 1999. 40 Ibid. 41 Ibid., S.230. WELTKRIEGSTRAUMA IN DER LITERATUR 165

ROTH, Joseph, „Die Flucht ohne Ende“, in ders., Romane und Erzählungen 1916-1929, Werke Band 4, Köln, 1989, S. 389-496.

Sekundärliteratur

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Thomas KELLER Aix Marseille Université

Introduction

En 1929 Hannah Höch, femme dadaïste, peint un dessin aquarelle qui est énigmatique au premier abord1. Le personnage représenté est Salomo Friedlaender, alias Mynona, qui apparaît souvent dans les réalisations dadaïstes, par exemple dans le collage Schnitt mit dem Küchenmesser durch die erste Bierbauch-Kulturepoche Deutschlands (1919) de Höch ou dans les œuvres de Raoul Hausmann. Le philosophe quelque peu occulte du dadaïsme y est facilement identifiable à partir de sa silhouette, de la forme de sa tête et / ou grâce à une citation rappelant son œuvre Schöpferische Indifferenz / Indifférence créatrice. Le tableau de Höch expose le philosophe à l’appétit sexuel légendaire, en train d’écraser avec ses pattes d’éléphant le célèbre roman de Remarque Im Westen nichts Neues, paru en 1929. Sur la carte, les lettres du titre du roman, dont l’action se déroule surtout dans les tranchées en France, ne recouvrent que l’Allemagne. Le texte de Remarque n’est pas franco-allemand. On y regardant de plus près, le spectateur s’aperçoit que Höch met sous les pieds de Mynona un titre incomplet, amputé du mot « Nichts » : « IM WESTEN NEUES. » À l’Ouest du nouveau. Le texte de Remarque ne traite pas du Nichts, du rien. Le rien est un des concepts-clés du dadaïsme et notamment de l’indifférentisme. Il est créateur, non le contraire d’une information donnée. Ainsi est-il impossible de terminer une guerre par un pacifisme qui n’est que l’opposition au bellicisme. Le rien est une polarité tierce. C’est justement ce que Remarque n’aurait pas compris.

1 Aquarelle reproduite in Detlef THIEL, « Einleitung. Stiche in Wespennester. Mynona dekonstruiert die Moderne (Remarque / Tucholsky) », in Salomo FRIEDLAENDER / MYNONA, « Hat Erich Maria Remarque wirklich gelebt ? Der Holzweg zurück », Detlef THIEL (éd.), Gesammelte Schriften, vol. 11, Hartmut GEERKEN, Detlef THIEL (éd.), Herrsching, Waitawhile Ed., 2010, p. 9-92, p. 37. 168 THOMAS KELLER

Hannah Höch, Der Gigant (Im Westen nichts Neues), Berlin 1929, AKB Kunstsammlung,  ADAGP, Paris 2014

Salomo Friedlaender (né en 1871 à Gollantsch, près de Posen ; mort en 1946 à Paris) avait, dès la parution du bestseller Im Westen nichts Neues, élaboré une critique cinglante du roman. Dans Hat Erich Maria Remarque wirklich gelebt? Eine Denkmalsenthüllung, von Mynona (1929), Friedlaender a pris l’œuvre de Remarque comme cible puisqu’elle serait représentative d’une « médiocrité neutre » et correspondrait au « goût de Monsieur Toutlemonde2 ». L’auteur n’aurait pas « le moindre talent3 ». Le reproche

2 Salomo FRIEDLAENDER / MYNONA, Hat Erich Maria Remarque wirklich gelebt? Eine Denkmalsenthüllung, von Mynona (1929) ; je cite d’après Salomo FRIEDLAENDER / MYNONA, « Hat Erich Maria Remarque wirklich gelebt ? Der Holzweg zurück », p. 95. Je remercie vivement M. Thiel pour ses précieuses informations. Voir aussi : « Remarques Werk reflektiert eine mittelmässige Gesamtverfassung so neutral, trifft damit so kräftig ins Herz des Allerweltgeschmacks, dass es sich zu meiner Zielscheibe am besten eignet » (MYNONA, Remarque, p. 93). L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 169 central de Mynona vise le rapport qu’entretient le texte avec la guerre. Le roman est « neutre », c’est-à-dire obéit à une indifférence non-créatrice qui serait incapable de sortir de la logique meurtrière4. Les invectives de Mynona provoquent une réplique sévère de Tucholsky5. S’il est vrai que l’éditeur Ullstein a imposé à Remarque des modifications destinées à produire un bestseller et a fait de l’auteur un simple soldat loin du milieu artistique6, les révélations de Mynona concernant les détails biographiques (par exemple la référence à la ville natale Osnabrück…) sont parfois gratuites. Aujourd’hui nous lisons les textes de Remarque et de Mynona en ayant connaissance des actions des nazis contre le film américain tourné d’après le roman. Au lieu de railler le pauvre Remarque sur des centaines de pages, Mynona aurait pu mieux utiliser son temps en prenant pour cible des auteurs bien plus douteux. Friedlaender a d’ailleurs payé son insolence impitoyable. Il fut très isolé pendant son exil en France à partir de 1933. Ainsi Thomas Mann a-t-il refusé son soutien pour le faire venir aux États-Unis après l’occupation de la France par la Wehrmacht. L’analyse de Mynona mérite pourtant notre plus grand intérêt parce que l’indifférentisme représente une conception-clé des avant-gardes. Elle permet de retracer une position qui se situe au-delà du bellicisme et du pacifisme et de comprendre une nouvelle argumentation transculturelle. Le refus du pacifisme chez les dadaïstes allemands trouve son parallèle dans les avant- gardes françaises. Les dadaïstes et futurs surréalistes en France ont peu d’estime pour Rolland ou pour Barbusse, l’auteur du Feu (1916). Les propos à ce sujet sont nombreux. Le plus connu est probablement le manifeste La Mobilisation contre la Guerre n’est pas la Paix, publié en juin 1933 à l’occasion du congrès international contre la guerre prévu à Genève : « Ainsi la bonne volonté évangélique des intellectuels de tous les partis trouve l’occasion, une fois de plus, de se manifester et d’exercer ses ravages sous prétexte de paix sur la terre7. »

3 « Remarque hat nicht das allergeringste Talent, dafür aber ist er Genius par excellence. “Der Mensch ist gut” […] heisst ein Ausspruch. […] Der nackte Mensch ist gut » (Mynona cite Leonhard Frank, TK : MYNONA, Remarque, p. 149). 4 « Remarque, ein reproduktives Genie, hat der Menschheit den Weltkrieg friedlich reproduziert » (MYNONA, Remarque, p. 150). 5 « Die spezifisch deutsche Widerwärtigkeit, die die Luft unserer Politik so verpestet, weht durch dieses Buch Mynonas. Hierzulande werden Einwände damit erwidert, daß man sagt: der Einwendende habe einen roten Bart und eine verstopfte Schwiegermutter. Statt Breitscheid und Hilferding als geistige Typen zu verhöhnen und zu bekämpfen, wird argumentiert: “Und dann hat sich Breitscheid im Jahre 1897 eine Goldplombe machen lassen, aber nur für Amalgam bezahlt!” Anathema sit », Ignaz WROBEL (pseudonyme de Kurt TUCHOLSKY), « Hat Mynona wirklich gelebt? », Die Weltbühne, 31 décembre 1929, p. 15 sq. 6 Günter OESTERLE, « Das Kriegserlebnis im für und wider. “Im Westen nichts Neues” von Erich Maria Remarque (1929) », in Dirk VAN LAAK (dir.), Literatur, die Geschichte schrieb, Göttingen, Wallstein, 2011, p. 213-223. 7 La Mobilisation contre la Guerre n’est pas la Paix, in Maurice NADEAU, Histoire du surréalisme, Paris, Seuil, 1964, p. 371-376. 170 THOMAS KELLER

Les surréalistes nient toute force de conviction aux pacifistes, chez des écrivains comme Romain Rolland et Barbusse, ou chez Gandhi8. Leur anti- pacifisme est néanmoins différent de celui de Mynona. Il est dû en outre à une décision politique, à une prise de parti pour la cause révolutionnaire. Toutefois on peut y voir une critique commune de l’idéalisme, de la bonne volonté évangélique, de ce qu’on appelle l’angélisme en français ou Gutmenschentum en allemand. Ce refus s’exprime à travers une surenchère : le recours à la force est inévitable pour changer les bases des cultures belligènes. Peter Bürger9 et Karl Heinz Bohrer10 y perçoivent, de façon certes très différente, une violence esthétique. Rieuneau y voit le fruit d’un désespoir déclenchant la résistance révolutionnaire11. Ces interprétations désamorcent l’idolâtrie de la violence. Souligner l’ambiguïté des dadaïstes et séparer les tendances cyniques préparant le fascisme des tendances « kyniques12 » (Sloterdijk) n’est guère satisfaisant non plus. L’approbation de la violence effective fait consensus pour ces avant-gardes13. J’y perçois plutôt une mobilisation qui suscite une autre force pour répondre aux atrocités de la machine de guerre déclenchées par les États-nations. La tentative de gagner

8 « Nous tenons à dénoncer, une fois de plus, le rôle néfaste et profondément contre- révolutionnaire des intellectuels qui en prennent l’initiative. Barbusse auteur de Jésus et Romain Rolland apologiste de Gandhi sont actuellement dans le monde les propagateurs les plus dangereux d'un mysticisme humanitaire plus pernicieux à tout prendre que n’importe quelle théologie abstraite. L’idéalisme et la mystique de la non-violence sont les bases et les soutiens de tous les impérialismes, de toutes les oppressions. En réponse au pacifisme officiel qui fait se muer les anges gardiens de la paix en ministres de la guerre ; en réponse à la plus vieille des formules impérialistes : « Si vous voulez la paix, préparez la guerre » ; en réponse encore à l’hypocrite mot d’ordre de guerre à la guerre, nous disons : « SI VOUS VOULEZ LA PAIX, PRÉPAREZ LA GUERRE CIVILE ». ANDRÉ BRETON, ROGER CAILLOIS, RENÉ CHAR, RENÉ CREVEL, PAUL ELUARD, J.-M. MONNEROT, BENJAMIN PÉRET, GUI ROSEY, YVES TANGUY, ANDRÉ THIRION », in NADEAU, Histoire du surréalisme, p. 371-376, p. 376. 9 Peter BÜRGER, Der französische Surrealismus. Studien zur avantgardistischen Literatur. Um neue Studien erweiterte Ausgabe, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1996, p. 199. 10 Karl Heinz BOHRER, Die Ästhetik des Schreckens. Die pessimistische Romantik und Ernst Jüngers Frühwerk, Frankfurt am Main/ Berlin/ Vienne, Ullstein, 1983, en particulier p. 325-412. Karl Heinz BOHRER, Plötzlichkeit. Zum Augenblick des ästhetischen Scheins, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1981. 11 re Maurice RIEUNEAU, Guerre et révolution dans le roman français de 1919 à 1939, (1 éd. Paris, Klincksieck 1974), Genève, Slatkine Reprints, 2000, p. 248. 12 Peter SLOTERDIJK, Kritik der zynischen Vernunft, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1983, vol. 2, p. 717. Sloterdijk caractérise le dadaïsme comme suit : « [E]inverstanden mit dem Schlimmsten » (p. 713), « unfreie Destruktivität » (p. 717), « Selbstmörder-Selbstbewusstsein » et « kalte Romantik » (p. 724). 13 Je ne résiste pas à la tentation de rappeler le passage si souvent cité d’André Breton : « [L]’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule », « Second Manifeste du Surréalisme », 1929, (André BRETON, Manifestes du surréalisme, Paris, Gallimard (coll. « Idées »), 1963, p. 7-8 ; André BRETON, Œuvres complètes, M. BONNET (éd.), Paris, Bibl. de la Pléiade, vol. I, 1988, 782 sq.) ; voir aussi Georges Bataille : « Le désespoir n’aboutit ni à la veulerie ni au rêve, mais à la violence » (Georges BATAILLE, Œuvres complètes, t. I, Paris, Gallimard, 1987, p. 211). L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 171 une position tierce reflète aussi une violence constitutive des avant-gardes et crée du même coup un lien entre les avant-gardes de pays différents14. L’indifférentisme est un concept transversal et transculturel qui permet de sortir de la binarité tout court, en particulier de la binarité guerre / paix et allemand / français. La violence fait du hasard l’élément tiers, le rien créateur d’un horizon nouveau. La notion d’indifférence ne doit pas être confondue avec une attitude désengagée. Elle relie deux significations et deux facultés : d’une part, elle décrit l’état d’esprit serein qui permet de s’affranchir de tout mécanisme polarisant ; de l’autre, elle désigne l’absence d’antinomies telles que guerre et paix, ou français et allemand. Je retracerai l’itinéraire du concept d’indifférence depuis le traité de Mynona jusqu’au procès Barrès à Paris. Je le décrirai en tant qu’il constitue un phénomène transitoire dans les rapports franco-allemands, puis j’analyserai sa diversification en plusieurs figures : le dandy (Huelsenbeck), l’étranger (Tzara) et le témoin (Péret).

L’indifférence créatrice et la guerre

Le philosophe autodidacte Friedlaender publie son texte Schöpferische Indifferenz en 1918. En écrivant sous le pseudonyme Mynona – inversion d’« anonyme » –, il assume la posture qui supprime le nom au profit de sa multiplication. Il reprend des articles rédigés au cours de la guerre. Selon Friedlaender, l’indifférence créatrice réalise une « tendance indo- américaine », c’est-à-dire une attitude réconciliant la sérénité et la recherche du vide propres au bouddhisme avec le dynamisme du monde américain15. Ce mysticisme de l’indifférence renoue aussi avec certaines caractéristiques de la pensée mystique européenne ; toutefois, Friedlaender critique aussi la formule de Nicolas de Cues de la coincidentia oppositorum qui débouche sur une identité des tendances contraires. Friedlaender, qui fut un temps le disciple du kantien non-conformiste Ernst Marcus, s’oppose ici à la conception kantienne de la vérité selon laquelle le Oui exclut le Non, selon laquelle une chose ne peut être à la fois son affirmation et son contraire. Friedlaender est convaincu de la possibilité tierce qui est neutre et créatrice.

14 Hanno EHRLICHER, Die Kunst der Zerstörung. Gewaltphantasien und Manifestationspraktiken europäischer Avantgarden, Berlin, Akademie Verlag, 2001. 15 « Indo-Amerikanismus würde sich diese Tendenz bezeichnen; vom Innersten her alle Differenz, also Welt, Leib und Leben zu kultivieren. Hierdurch erst würde die Erde, deren Diametrik noch krampfhaft disproportioniert ist, die Erdkultur sich runden » (Salomo FRIEDLAENDER, Schöpferische Indifferenz, 1918, XXVII). Je cite d‘après la nouvelle édition : Salomo FRIEDLAENDER / MYNONA, Schöpferische Indifferenz, Gesammelte Schriften, Vol. 10, Detlef THIEL (éd.), Waitawhile, Herrsching, 2009, p. 110. Voir aussi l’introduction instructive de Detlef THIEL, « Friedlaenders / Mynonas “Hauptwerk” », ibid., p. 9-87. Detlef THIEL, « “Philosophie ist keineswegs harmlos.” Zum 150. Geburtstag von Ernst Marcus », Kalonymos, Beiträge zur deutsch-jüdischen Geschichte aus dem Salomon Ludwig Institut, 9e année, 2006, n° 4, p. 1-4. 172 THOMAS KELLER

Ce tiers devient la limite des différences. Nihil devient le nom personnel pour les noms infinis. Il s’agit d’une catégorie négative qui intègre les conflits et crée une nouvelle polarité. Friedlaender distingue la dualité néfaste de la tension créatrice. La sagesse du monde dépasse par exemple la polarité entre homme et femme16. Il n’y a pas d’antisémites sans juifs ; il n’y a pas d’Allemands sans Français ; il n’y a pas de guerre sans paix, en ce sens que l’un n’est pas le contraire de l’autre, c’est la relation entre les deux qui fait apparaître leur différence, celle entre guerre et paix mais aussi celle entre les belligérants17. Le troisième chapitre de Schöpferische Indifferenz est d’ailleurs intitulé « Frieden18 », « Paix »19.. Indépendamment des formules parfois nébuleuses, Friedlaender tire les conséquences de l’impossibilité de combattre efficacement une chose par son contraire. Les deux combattants finissent toujours par se ressembler et par pérenniser le conflit. La simple contradiction n’échappe pas au mimétisme. L’invective contre Remarque dénonce l’incapacité de ce dernier d’explorer le terrain au-delà de la binarité entre guerre et paix, entre Allemand et Français. L’indifférentiste est avant tout la personne tierce qui refuse de prendre parti pour un pays, pour une culture et s’engage en faveur d’une rupture radicale. Friedlaender transpose ainsi à la relation transculturelle l’objectif de l’avant-garde qui vise à abolir les cadres différenciateurs, afin de dépasser la différenciation sociale par la dédifférenciation. Dans son roman à clefs Graue Magie (1922) Mynona présente l’artiste Settegal (l’ami peintre de Mynona s’appelle Arthur Segal) et son invité le psychiatre Lemmis (lu à l’envers : Simmel, c’est-à-dire le psychiatre Ernst Simmel). Ils défendent le principe d’ôter et d’intégrer les cadres, qu’il s’agisse des concepts ou des tableaux. En cassant et en dissolvant les cadres de ses tableaux, Settegal (« c’est égal20 ») permet à l’œuvre d’interférer dans son environnement et de l’intégrer. La différenciation socio-culturelle – les distinctions entre art et vie, art et politique, privé et public, art et travail – disparaît. Cette indifférenciation devient alors transculturelle.

16 « Weininger zum Beispiel zerschnitt den Magnetismus zwischen Mann und Weib, er bevorzugte das männliche Extrem als göttlich, verwarf das weibliche als teuflisch und missverstand also den Polarismus als den Dualismus. » (MYNONA, Schöpferische Indifferenz, p. 298). 17 « Der Krieg zum Beispiel enthält in sich selber einen Gegensatz, etwa zwischen Deutsch und Englisch. Der Friede ist aber gar nicht Gegensatz zum Kriege, nicht dessen andrer Pol, sondern dessen Sinn, Seele, Individuum; das schöpferische Zentrum aller Diametrik. Der Friede bedeutet die Überwindung des Krieges, keineswegs im Sinne von Vernichtung, sondern von gleichsam musikalischer Beherrschung und Besiegung allen Widerstreits. » (ibid., p. 103). 18 Ibid., p. 286-294. 19 Friedlaender y écrit : « Sein [des Schöpfers] inwendiger Frieden ist nicht der Funktionär des Weltkrieges, sondern des siegreichen Weltkrieges, der Weltharmonie, zu der jener immense Krieg nur die Einübung ist. », ibid., p. 292-293. 20 Je remercie Detlef Thiel pour son décryptage. L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 173

La stratégie avant-gardiste s’efforce de s’affranchir des différences à deux niveaux : celui des réalisations telles que le collage et la performance qui intègrent la vie quotidienne à l’art, dans un rapport transculturel ; celui de l’indifférence créatrice, qui devient une puissance d’inversion, transformant la guerre en force qui s’anéantit elle-même. Le parallèle s’impose avec l’idée répandue en France de « der des ders » : la dernière des guerres, celle qui abolit la guerre en tant que moyen politique de régler les problèmes entre nations.

Le dadandy

Les dadaïstes décomposent l’indifférentisme en plusieurs stratégies. Hausmann et Höch, mais surtout Huelsenbeck rapprochent le pacifiste du bourgeois se réclamant de valeurs idéalistes, du Spiessbürger qui aime le confort, laisse les autres se battre et ne change rien au cours de l’histoire menant à des guerres entre nations. Ces auteurs prônent l’attitude dadaïste qui crée une distance permettant la mise en scène de rôles efficaces21. L’indifférence créatrice tout à la fois conserve et transforme les antagonismes, elle rend perméables les positions figées, ainsi que l’affirme Hausmann22. Huelsenbeck, qui fuit la guerre et devient cofondateur de Dada Zurich en 1916, reprend l’équivalence entre l’indifférentisme et l‘indo-américanisme et l’intègre dans sa théorie de la simultanéité23. L’indo-américain est à la fois ancien et moderne. Il réussit à faire coexister les différences temporelles et spatiales. L’indifférentisme brise les murs séparant l’art de son environnement. La simultanéité et l’ubiquité insèrent l’héritage de l’indifférence dans le monde contemporain dynamique et bruyant. L’électricité transforme la nuit en jour, la télécommunication convertit la distance en présence.

21 Cf. Bettina SCHASCHKE, Verwandlungskunst. Zum Verhältnis von Kritik und Selbstbehauptung in DADA, Berlin und Köln, Berlin, Gebr. Mann Verlag, 2004. 22 « […] Dada entspringt aus einer Einstellung, die man Schöpferische Indifferenz nennt: dort, wo die eigentlichen Gedankenbildungen anfangen und von wo aus man sie nie mehr in falsche Bahnen zurücklenken sollte und dürfte (Raoul HAUSMANN, cité d’après Detlef THIEL, « Einleitung », in MYNONA, Schöpferische Indifferenz, p. 38). Cf. Patrick LHOT, L’indifférence créatrice de Raoul Hausmann. Aux sources du dadaïsme, Presses universitaires de Provence, Aix-en-Provence, 2012. Je n’analyse pas ici le rôle de Hausmann pour le transfert culturel franco-allemand. Il transmet les théories d’Ernst Marcus et de Mynona surtout pendant son exil en France. 23 « Der Dadaist hat sich primitive Symbole für das Problem der Bewegung in dem ‘Bruitismus’ und in der ‘Simultaneität’ geschaffen – er ist der eigentliche Indoamerikaner, von dem S. Friedländer in seiner schöpferischen Indifferenz spricht. » (Richard HUELSENBECK, « Was ist Dadaismus und was will er in Deutschland? » in ID., En avant Dada, Hannover, Paul Steegemann Verlag, 1920, p. 34-44, p. 37, ainsi que dans Die dadaistische Bewegung. Eine Selbstbiographie [1920], cité par THIEL, « Einleitung », p. 39). 174 THOMAS KELLER

À l’instar de Friedlaender, Huelsenbeck définit Dada « comme point d’indifférence entre contenu et forme, femme et homme, matière et esprit ». Dada est « la pointe d’un triangle qui s’élève au-dessus de la polarité linéaire des choses et des concepts humains24 ». C’est ce rien qui crée une différenciation à un autre niveau25. L’indifférentisme abolit le seuil entre le sacré et le profane. Il émerveille le monde26. Or Huelsenbeck relie le rien de l’indifférence et la guerre. Seul le rien permet d’en finir avec la guerre27. Il permet de transcender l’opposition entre guerre et paix28. Cette formule revient plusieurs fois, dont la première dans un poème de 1916. Il traduit ce geste “cool” que Lethen décrit si bien dans sa Verhaltenslehre der Kälte. Huelsenbeck devient dadandy. Toutefois, cette posture n’est pas l’apanage des Allemands. L’indifférentisme revêt ici les caractéristiques de l’acte gratuit, un acte sans aucune utilité, ni aucun intérêt, qu’Arthur Cravan et Felix Paul Greve affichent déjà avant 1914. Ces personnages scandaleux transcendent toutes les frontières entre les nations. Cravan, neveu d’Oscar Wilde, suisse et anglais, boxeur et artiste, brouille les pistes en Europe avant de disparaître au Mexique. Le mythomane Greve, qui joue avec le crime, se réinvente une vie et une biographie et devient le célèbre écrivain canadien Frederick Philip Grove. Gide29, qui a reçu la visite de Greve et de Cravan, s’inspire de leur attitude et de leur disposition à aller jusqu’au meurtre sans motif dans la figure de Lafcadio, le protagoniste déconcertant et scandaleux qu’il met en scène dans le roman Les caves du Vatican. Il est impossible de déterminer son

24 « Dada ist der Indifferenzpunkt zwischen Inhalt und Form, Weib und Mann, Materie und Geist, indem es die Spitze des magischen Dreiecks ist, das sich über die lineare Polarität der menschlichen Dinge und Begriffe erhebt ». (Richard HUELSENBECK, « Einleitung », in ID. (éd.), Dada-Almanach, Berlin, Erich Reiss Verlag, 1920, p. 3-9, p. 4. 25 « Das Nichts ist kein Extrem, es ist auch bei Leibe nicht die Versöhnung seiner Extreme: ja es ist etwas polar Anderes als Nein. Das Nichts ist also gleichsam ihre magnetische Indifferenz, ihre polarisierende Neutralisation, ihre differenzierende Zentrierung, das Zentrum ihrer Antipodie. » (Richard HUELSENBECK, cité d’après Hanno EHRLICHER, Die Kunst der Zerstörung. Gewaltphantasien und Manifestationspraktiken europäischer Avantgarden, Berlin, Akademie Verlag, 2001, p. 196). 26 « Dada repräsentiert jenen von S. Friedlaender propagierten Indoamerikanismus, wonach Heiligstes im Profansten und umgekehrt Profanstes im Heiligsten enthalten ist » (Richard HUELSENBECK, cité d’après THIEL, « Einleitung », Schöpferische Indifferenz, p. 39). 27 « Dies ist das bedeutende Nichts […] Wir wollen die Welt mit Nichts ändern […] wir wollen den Krieg mit Nichts zuende bringen » (Richard HUELSENBECK, « Erklärung » [vorgetragen im Frühjahr 1916 im Cabaret Voltaire], in Dada, Eine literarische Dokumentation, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1984, p. 34). 28 « Dada ist die amerikanische Seite des Buddhismus […] Ich halte den Krieg und den Frieden in meiner Toga, aber ich entscheide mich für den Cherry-Brandy-Flip. » (Richard HUELSENBECK, « Einleitung », in Dada-Almanach, 1920, p. 4). 29 Cf. Iris ROEBLING, Acte gratuit. Variationen einer Denkfigur von André Gide, München, Fink, 2009. L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 175

« identité ». Il change constamment d’aspect et est partout à l’aise. À la fin de la « sotie » de Gide, les clairons annoncent la guerre30. Le Westphalien Huelsenbeck, qui anime le dadaïsme à Berlin à partir de 1917, reste en contact avec le dadaïsme de langue française, voyage en Asie et deviendra plus tard aux États-Unis le psychanalyste Charles S. Hulbeck. Il s’installera dans le Tessin en 1970. S’il se situe dans la ligne de la posture transgressive et froide, il incarne aussi le magicien capable de ré-enchanter le monde et de se glisser dans des contextes culturels différents. La vie protéiforme s’oppose à l’intériorité si chère aux expressionnistes. Le moment vécu pleinement acquiert une valeur qui fait défaut à la culture traditionnelle. Le dandysme dadaïste met la vie en jeu et en danger tout en craignant d’être surpris par l’humiliation et le ridicule. Le dadandy ne veut pas perdre la face. Il n’admet aucune inféodation. Il combat la guerre en tant que guerre entre les nations. L’héroïsme à l’allemande ou à la française est dérisoire, mais le pacifisme l’est également. S’il est vrai que le dadaïste adhère à la violence esthétique, cette violence n’est pas purement esthétique31. Huelsenbeck voit le côté américain du bouddhisme incarné dans le délinquant sexuel Alton ou dans l’imposteur Manolescu. Le dadandy flirte avec le crime. Il contribue à inaugurer un nouveau type social transfrontalier. Il se prolonge dans la tendance à la violence qui apparaît parfois dans le milieu libertaire et hédoniste des situationnistes et des spontanéistes. Il déplace et radicalise la formule de l’indifférence créatrice. L’indifférentiste devient ici une figure réprimant sa vulnérabilité et son empathie. Le chevalier-dandy, dont l’épée divise, déclame : « distinguo, ergo sum ». Je tranche, donc je suis. Je décide, donc je suis. Il hérite du code aristocratique en réservant son respect aux personnes dignes d’un duel (« satisfaktionsfähig »). Toutefois il se décide pour un tiers, qui n’est ni pour la guerre, ni pour la paix, mais pour le Cherry-Brandy-Flip, le faisant ainsi glisser à un niveau supérieur. Ces distinctions violentes ne séparent ni le vrai du faux, ni le bon du mauvais, ni le beau du laid. Elles créent un maximum de différences engendrées par le dégoût pour des ressentiments répandus dans le monde bourgeois et nourris par les nationalismes. Dans la mesure où l’indifférentisme légitime cette attitude de froideur, il n’est pas uniquement responsable de la scission entre les dadandys du type

30 Gide a largement pratiqué la retenue et le silence pendant la guerre. Il devient à la fois cible et collaborateur des dadaïstes français rassemblés dans la revue Littérature (1919-1921). Voir le poème d’André BRETON « Pour Lafcadio », Dada, n° 4-5, mai 1919, p. 12 : « Jamais je ne gagnerai tant de guerres / Des combattants ». Breton rappelle qu’aucune guerre n’est terminée tant que deux combattants s’affrontent. 31 Wir waren gegen die Pazifisten, weil der Krieg uns die Möglichkeit gegeben hatte, überhaupt in unserer ganzen Gloria zu existieren. Und damals waren die Pazifisten noch anständiger wie heute, wo jeder dumme Junge mit seinen Büchern gegen die Zeit die Konjunktur nutzen will. Wir waren für den Krieg, und der Dadaismus ist noch heute für den Krieg. Die Dinge müssen sich stossen: es geht noch nicht grausam genug zu. » (Richard HUELSENBECK, « Erste Dada-Rede in Deutschland » (février 1918), Document 4, in Dada- Berlin, Texte, Manifeste, Aktionen, Karl RIHA (éd.), Stuttgart, Reclam, 1977, p. 17). 176 THOMAS KELLER

Huelsenbeck et les dadaïstes militants et plus politisés d’Allemagne (Grosz et Heartfield). Il entraîne également la rupture avec les avant-gardistes plus compatissants. L’indifférentisme a aussi contribué à creuser l’écart entre les dadaïstes et les futurs surréalistes en France : cette dernière division se manifeste lors du procès Barrès quand les futurs surréalistes semblent maintenir contre l’indifférentisme dadaïste un jugement de valeur. Cette attitude attribue pourtant à l’indifférentisme un sens réduit, celui de flegmatisme, de fatalisme, de tiédeur du coeur. Il fait l’impasse sur sa charge émotionnelle et sa force mobilisatrice et créatrice qui comprend justement la violence. En revanche, la lecture transculturelle permet de relier la question de la violence à ce « rien », à ce choc dédifférenciateur qui met fin aux guerres connues. L’indifférentisme se diversifie et devient une passerelle entre cultures. S’il peut signifier la prise de distance et la froideur parfois communes aux dadaïstes et aux surréalistes, il peut aussi être plus compatissant. Toutefois il passe toujours par un acte violent dans lequel le transfert culturel franco-allemand fait de l’expérience de la guerre un médiateur pour sortir de la confrontation duelliste.

Le lien transculturel et l’étranger

L’indifférentisme signifie aussi la simultanéité et l’ubiquité de sons, de langues et de cultures. Dans le « poème simultan L’amiral cherche une maison à louer, poème par R. Huelsenbeck, M. Janko, Tr. Tzara », mis en scène en 1916 à Zurich, le rien représente le carrefour des cultures.

La nouvelle esthétique prend une forme concrète. Huelsenbeck déclame en allemand, Janko chante en anglais et Tzara parle en français. Les différentes voix ne représentent pas un seul texte traduit en plusieurs langues. L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 177

Un chaos règne rappelant la guerre, la Babel des langues et des cultures. Ce n’est qu’à la fin que les trois s’exclament en chœur dans la même langue : « L’Amiral n’a rien trouvé ». Le « rien » est ici l’élément indifférenciateur qui permet de créer de nouvelles différences. Il s’est imposé. Les trois voix séparées dans les langues des trois parties belligérantes confluent et acquiescent à l’unisson et indépendamment de l’appartenance nationale. Tous accostent par ce rien qui les relie. Le français qui leur est commun est une langue étrangère pour les trois. Huelsenbeck, Janko et Tzara participent à une performance qui dépasse les conflits entre nations. Le groupuscule pratique le multilinguisme. Les numéros 3 et 4 de Dada sont édités dans une version allemande et française. Le numéro 4-5 (1919) dissout plus que toute autre publication dadaïste les différences et pratique le bilinguisme : à côté de textes français de Tzara, Breton, Soupault, figurent des textes en allemand d’Arp, Serner, Huelsenbeck, Hausmann. Huelsenbeck a transplanté les concepts de Mynona et les a recontextualisés dans un environnement plurinational, ou plutôt dans un environnement défiant toute nationalité. L’indifférentisme transforme ainsi la violence. Tandis que Huelsenbeck conserve largement la pose du dandy froid, l’indifférentisme transplanté prend chez Tzara une autre tournure32. En 1919, donc deux ans après le départ de Huelsenbeck de Zurich, Tzara présente dans la revue Dada « R. Huelsenbeck, Phantastische Gebete, Zurich ». La caractérisation de Huelsenbeck par Tzara vaut davantage pour Tzara lui- même : « Les langues différentes à son aide, – ses compagnons ses témoins. Il jette sa vision du paradis en enfer et réciproquement ; il n’y a rien de saint, tout est d’essence divine »33. Pour caractériser Tzara, Henri Meschonnic parle d’une « éthique » cosmique, d’une « violence visible contre une violence invisible34 ». Le nom Tristan Tzara, pseudonyme de Samuel Rosenstock, originaire d’une famille juive de Roumanie, signale une référence à la tradition européenne du romantisme noir symbolisée dans le prénom Tristan et une extraterritorialité conférée par le mot roumain Tzara, qui signifie Terre. Tzara n’est ni français ni allemand. C’est un tiers. S’il décide d’écrire en français,

32 Hubert VAN DEN BERG, Avantgarde und Anarchismus. Dada in Zürich und Berlin, Heidelberg, C. Winter, 1999. ID., « Tristan Tzara’s Manifest Dada 1918: Anti-Manifest oder manifestierte Indifferenz? Salomo Friedlaenders schöpferische Indifferenz und das dadaistische Selbstverständnis », Neophilologus, n° 79, 1995, p. 353-376. Wolfgang ASHOLT, « Internationale Strategien in futuristischen, dadaistischen und surrealistischen Manifesten », in Hubert VAN DEN BERG, Ralf GRÜTTEMEIER (dir.), Manifeste: Intentionalität, Amsterdam, Rodopi, 1998, p. 39-56. 33 Dada, n° 4-5, mai 1919, p. 27, revue rééditée dans Tristan TZARA, « Note sur Huelsenbeck », in Dada est tatou. Tout est dada, Henri BÉHAR (dir.), Paris, Garnier- Flammarion, 1996, p. 250. 34 er Henri MESCHONNIC, « Dada, on ne joue plus », Résonance Générale, 1 septembre 2009 (Revue-resonancegenerale.blogspotcom). 178 THOMAS KELLER cette langue ne devient jamais sa langue maternelle. Il est indifférent puisqu’il n’incarne pas les différences qui se combattent. Son dégoût dadaïste renoue autrement avec la « religion d’indifférence quasi-bouddhique ». Son « À quoi bon », son « je m’en foutisme » ne l’empêchent pas d’exprimer dans son manifeste de 1918 : « Pas de pitié. Après le carnage l’espoir d’une humanité purifiée »35. Tzara relie le rejet de la folie guerrière à l’œuvre rédemptrice de l’indifférentisme.

J’écris un manifeste et je ne veux rien […] J’écris ce manifeste pour montrer qu’on peut faire les actions opposées ensemble. […] DADA NE SIGNIFIE RIEN […] Ordre = désordre ; non = non-moi ; affirmation = négation […] [I]l y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l’individu s’affirme après l’état de folie, de la folie agressive, complète, d’un monde laissé entre les mains des bandits qui déchirent et détruisent les siècles […] DADA, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires, et de toutes les contradictions […] LA VIE.36

La violence est positive en ce qu’elle débouche sur cette indifférence qui peut penser oui = non. Pendant sa tournée en Allemagne en 1922, Tzara se réclame de la « religion d’indifférence », qui est violente sans faire le jeu des forces destructrices opposées dans les guerres :

Dada n’est pas du tout moderne, c’est plutôt le retour à une religion d’indifférence quasi-bouddhique […]. Vous direz que cela est un paradoxe parce que Dada se manifeste par des actes violents. Oui, les réactions des individus contaminés par la destruction sont assez violentes, mais ces réactions épuisées, annihilées par l’instance satanique d’un « à quoi bon » continuel et progressif, ce qui reste et domine est l’indifférence.37

Bien que Tzara incarne un maillon crucial entre les contextes allemand et français, il ne relie pas en lui l’allemand et le français. Même après son arrivée à Paris en 1920, il garde son accent ; il n’est, ni l’un, ni l’autre. Il témoigne des tiers qui sont plutôt victimes des antagonismes franco- allemands. Il n’appartient à personne et à rien. S’il démystifie les croyances du monde bourgeois, il se réclame d’un mysticisme de l’immanence. Tzara identifie les similitudes des belligérants et celles des victimes. Il dit « non distinguo, ergo sum ». Il est l’indifférentiste du ni, ni. Son dégoût ne connaît pas la haine. L’étranger sombre paye de sa personne. Tout comme l’étranger

35 Tristan TZARA, « Manifeste Dada 1918 », dans Dada, n° 3, décembre 1918, sans pagination. 36 Ibid. 37 Tristan TZARA, « Conférence sur Dada, prononcée à Weimar et à Iéna en septembre 1922 », in ID., Dada est tatou. Tout est dada, Henri BÉHAR (éd.), Paris, Garnier-Flammarion, 1996, p. 267, ou Tristan TZARA, Œuvres Complètes, t. 1, p. 419-424, p. 420. L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 179 décrit par Simmel, il est dedans et dehors, il réunit et incarne l’appartenance et la non-appartenance. Il ne connaît pas de frontières. L’indifférentisme, l’élément transculturel migrant entre 1916 et 1918 de Dada Zurich à Dada Berlin, puis à Dada Paris, s’incruste dans le contexte français avant d’être récusé par les futurs surréalistes qui épousent l’engagement politique et prennent parti. La revue Littérature garde pendant un moment des traces transculturelles. Walter Serner, le seul parmi les dadaïstes germanophones à y publier, figure parmi les éditeurs ; néanmoins, son texte est traduit en français. L’indifférentisme réapparaît recontextualisé par les avant-gardistes de langue française qui se revendiquent du dadaïsme. En 1920, Paul Éluard écrit dans Cinq moyens de pénurie Dada ou deux mots d’explications : « MORALE : Nous voyons tout, nous n’aimons rien, / Nous sommes indifférents, / In-diffé-rents. Nous sommes morts. Mais nous ne pourrissons pas38… » Dans le même numéro de Littérature, Aragon se réclame du rien : « plus de peintres, plus de littérateurs, plus de musiciens […], plus de politiques, plus de prolétaires, […] plus d’armée, plus de police, plus de patries […], plus rien, plus rien, rien, RIEN, RIEN, RIEN39. » Les morts vivants organisent un an plus tard le procès Barrès, qui représente une nouvelle manifestation de l’indifférentisme et introduit, grâce à une performance, la figure du témoin.

Le témoin du procès Barrès ou le mutilé de guerre des avant-gardes

Le procès Barrès a lieu le 13 mai 1921 à Paris. L’année précédente, l’État français a inventé la cérémonie du soldat inconnu. Une tombe a été installée sous l’Arc de Triomphe. On y transféré les restes de soldats non identifiés mais reconnus comme français. Huit corps sont exhumés. Le 11 novembre 1920, jour anniversaire de l’armistice, on commémore pour la première fois la mort pour la patrie. Le procès Barrès est une contre-performance avec un soldat inconnu mort-vivant. André Breton est nommé Président. Théodore Fraenkel et Pierre Deval sont ses deux assesseurs. Georges Ribemont-Dessaignes assume le rôle de l’accusateur public. Louis Aragon et Philippe Soupault se déclarent prêts à défendre Barrès. Le 7 mai, la commission d’enquête décide d’accuser Maurice Barrès d’« attentat à la sûreté de l’esprit ». Selon le texte paru dans Littérature40, Barrès a quitté Paris pour Metz, puis pour Aix-en-Provence où il tient un discours sur le sens de la guerre. Pendant le procès, Barrès est présent sous forme de poupée.

38 Paul ÉLUARD, « Cinq moyens de pénurie Dada ou deux mots d’explications », Littérature, n° 13, 1920, p. 20. 39 Louis ARAGON, « Manifeste », Littérature, n° 13-14, mai 1920, p. 1. 40 « L’affaire Barrès I. Acte d’accusation – Témoignages », Littérature, n° 20, août 1921, p. 1-24. 180 THOMAS KELLER

Tandis que le président, l’accusateur et les défenseurs sont tous français, les sept témoins sont mixtes : Serge Romoff est russe ; Guiseppe Ungaretti italien ; Tristan Tzara roumain ; Rachilde, Drieu La Rochelle, Jacques Rigaut et Benjamin Péret français. Seuls Drieu et Ungaretti ont combattu dans les tranchées. Péret a été infirmier pendant, c’est-à-dire la dernière phase de la guerre qui doit être la « Der des Der ». Les témoins semblent représenter les pays en guerre, mais la mise en scène subvertit la fonction représentative. Parmi les témoins, trois ont un accent. Toutefois, aucun Allemand n’est présent. Cependant Péret, un Français, parle allemand en tant que « lieu tenant ». La notion de témoin prend une signification particulière dans ce contexte41. Faire appel, dans le procès contre Barrès, à des déclarations de personnes étrangères signifie faire dépendre le jugement d’un savoir extérieur à la nation française. Le témoin sait quelque chose, que président et accusateur ignorent. Il transmet, mais il incarne aussi ce savoir42. La voix et le contact établi par les yeux contraignent les témoins à la véracité. Témoigner a donc deux significations : les propos des témoins promettent de dire la vérité ; ils témoignent physiquement. La vérité dont ils témoignent est justement un indice d’étrangeté. Leur prestige, leur crédit viennent de cette étrangeté. Les témoins ébranlent le rôle du président, de l’accusateur et de la défense, c’est- à-dire du mécanisme judiciaire binaire, au profit d’un tiers étranger. Les témoins créent un lien physique avec les événements. Le premier témoin, Serge Romoff, représente l’esprit révolutionnaire. Contrairement au « nationalisme constructif » de la révolution russe, Barrès prêcherait un nationalisme odieux : « Le nationalisme de Barrès est destructif en tant qu’il entretient surtout la haine entre les nations. C’est un nationalisme offensif43. » Tristan Tzara partage l’opinion négative sur Barrès. Mais il récuse la dualité séparant l’accusé coupable et les accusateurs innocents représentant le droit. Il conteste l’autorité du tribunal :

Maurice Barrès est pour moi l’homme le plus antipathique que j’aie rencontré dans ma carrière littéraire ; c’est la plus grande fripouille que j’aie rencontré dans ma carrière poétique ; le plus grand cochon que j’aie rencontré dans ma carrière politique ; la plus grande canaille qui s’est produite en Europe depuis Napoléon. Je n’ai aucune confiance dans la justice, même si cette justice est faite par Dada. Vous conviendrez avec moi, M. le Président, que nous ne sommes tous qu’une bande de salauds et que par conséquent les petites différences, salauds plus grands ou salauds plus petits, n’ont aucune importance.44

Tzara renonce au jugement de l’un par l’autre. En cela, il finit la guerre. Il constate clairement la convergence entre le nationalisme de Barrès et le nationalisme allemand. Il rappelle le rejet de l’expressionisme allemand par

41 « Einleitung », in Sibylle SCHMIDT, Sybille KRÄMER, Ramon VOGES (dir.), Politik der Zeugenschaft. Zur Kritik einer Wissenspraxis, Bielefeld, transcript Verlag, 2010, p. 7-22. 42 Cf. Sybille KRÄMER, Medium, Bote, Übertragung. Kleine Metaphysik der Medialität, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2008, p. 223-260. 43 Littérature, n° 20, p. 9. 44 Ibid., p. 14. L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 181 l’Action française, mais il est tout autant dégoûté par les petit-bourgeois admirateurs de Wagner et consommateurs de bière, par la « Bierbauchkultur » dénoncée dans le célèbre collage de Hannah Höch. Le wagnérisme relie les hommes politiques des puissances victorieuses et les nationalistes allemands :

L’amour, tel que Barrès l’entend, est une vague rêverie allemande. Je le connais trop bien pour en être assez dégoûté. L’action que Barrès nous propose n’a réussi qu’à couvrir de matière fécale les toiles des peintres expressionnistes allemands. L’hypocrisie qui se cache derrière chaque phrase de Barrès est la même que celle d’un M. Hellfferich, Lloyd George, Briand ou Harding. Le wagnérisme a gonflé d’air les ventres des Allemands qu’on croit maintenant remplis de bière. Le wagnérisme est la caractéristique de l’œuvre de Barrès, qui est pompeuse et bombastique.45

Tzara devient en quelque sorte « un témoin à décharge », « de la même façon que Barrès est un témoin à décharge dans le procès du crétinisme européen ». Le tribunal n’est pas le moyen approprié pour sortir des dualismes néfastes. Tzara ne se range pas du côté des cultures antagonistes qui se ressemblent. Sa perception vient de l’extérieur. Guiseppe Ungaretti, le futur compagnon de route de Mussolini, assume le point de vue indifférentiste :

Q(uestion) - Il ne vous arrive donc jamais de prendre des mesures contre un de vos adversaires ? Vous êtes partisan de la tolérance absolue ? R(éponse) - Non de la tolérance, mais de l’indifférence. Q. - Est-il quelque chose au monde à quoi vous ne vous déclariez pas indifférent ? R. - Je me suis servi de l’indifférence comme d’une arme. Q. - Vous servez-vous de cette arme contre Maurice Barrès particulièrement ? R. - Contre Barrès comme contre presque tout. Q. - Ne trouvez-vous pas que Maurice Barrès apparaît comme le symbole d’un état de choses parfaitement haïssables ? R. - Du tout, puisque ces choses me sont indifférentes.46

C’est lui le personnage le plus “froid” parmi les témoins, qui retient de l’indifférentisme surtout sa valeur tranchante. Il devient une arme – qui combat cependant pour un tiers. Drieu La Rochelle, futur fasciste, rappelle le passé révolutionnaire de Barrès. L’Action française, et tout particulièrement la génération Agathon (Massis et Tarde), s’opposent au positivisme et aux orientations de l’État laïque telles qu’elles se manifestent à l’École Normale supérieure (sociologie de Durkheim…). Il ne peut qu’approuver l’opposition à la Troisième République. Mais il

45 Ibid. 46 Ibid., p. 17. 182 THOMAS KELLER

préfère tous ceux de la génération suivante. Péguy parce qu’il était d’âge mobilisable et qu’il a détruit son génie sans précaution ; d’Annunzio qui est un beau militaire. Je voudrais pouvoir citer Romain Rolland qui a failli avoir une belle attitude, mais qui manque trop de force dans ses gestes et dans ses écrits. J’ajoute que je crois que nous ne sommes plus du tout sur le même terrain.47

Drieu ne sait pas dire s’il trouve Barrès antipathique ou sympathique, mais il exprime son « sens du respect48 ». Néanmoins la résistance à la Troisième République ne peut plus être un nationalisme étriqué comme celui incarné par l’Action française. La suite du procès n’apparaît pas dans le numéro 20 de Littérature, dont les 24 pages sont pourtant entièrement consacrées au procès. Étant donné la brièveté des propos manquants, il est peu probable que la déposition du témoin Péret soit prévue dans le numéro 21 jamais paru. Benjamin Péret est littéralement le lieutenant du témoin allemand absent, et il est plus que cela. Il est revêtu d’une capote de soldat français, maculée de boue, portant un masque à gaz, mais parlant allemand, marchant au pas de l’oie.

L’accusateur : – Sie verstehen nicht ? R. – Nein. Ich bin kaputt. (Il se met au garde-à-vous). L’accusateur : – Raus ! (Il se retire au pas de parade)

Le soldat sacrifié devient à nouveau victime de la violence. Puis le public furieux et révolté entonne la Marseillaise comprenant les lignes notoires : « Marchons, marchons/ Qu’un sang impur/ Abreuve nos sillons.49 » Les témoins avec accent, et surtout Péret en habit français avec une voix allemande, créent des indices d’étrangeté physique se dérobant à toute appartenance univoque. À travers l’accent et la langue étrangère, le témoin devient une trace de l’autre sans être l’autre. En tant que tel, il ne peut pas mentir. Il n’est, ni soi-même, ni l’autre. Péret devient un lieutenant, il agit « à la place de ». Ce procédé va plus loin que par exemple chez Siegfried, alias Jacques, ce soldat français amnésique devenu allemand dans Siegfried et le Limousin. Dans le roman et la pièce de théâtre de Giraudoux, le transplanté rentre finalement au pays et retrouve l’identité nationale parsemée de quelques propriétés étrangères. La performance devient, plus que la pièce de théâtre et le texte écrit, le moyen pour dédifférencier. Le groupe avant-gardiste dont l’inspiration est foisonnante y crée des figures et des fonctions tierces déjouant physiquement les différences nationales et culturelles. Or, avec l’apparition de Péret, on s’éloigne aussi du mimétisme des actes violents. Il incarne tout simplement l’indifférence, c’est-à-dire l’absence de différences, de la créature « kaputt ».

47 Ibid., p. 24. 48 Ibid. 49 Texte reconstruit d’après les épreuves inédites trouvées et publiées par Michel SANOUILLET, Dada à Paris (1965), Paris, Flammarion, 1993, p. 272. Voir aussi Marguerite BONNET, L’affaire Barrès, Paris, José Corti, 1987. L’INDIFFÉRENTISME DES AVANT-GARDES 183

Il est un enfant sacrifié. Il est témoin d’une façon particulière : tandis que Romoff, Tzara et les autres témoins mènent un débat sur les attitudes intellectuelles à prendre, Péret témoigne de la vérité cachée de la guerre. Il ne témoigne ni pour, ni contre Barrès. Il actualise le tort, l’injustice et la violence perpétrés à l’encontre des hommes, reniés et abusés dans l’héroïsme de la nouvelle culture mémorielle. Le soldat messager ne peut pas transmettre son message. Le témoin est victime, et de la justice avant-gardiste (« raus »), et de la populace. Le public scandalisé rétablit la binarité et ainsi la réalité porteuse de guerres. Mais ce n’est pas uniquement le bourgeois qui fait disparaître l’oralité et la mise en scène choquantes. Le numéro 20 de la revue Littérature ne donne qu’une version mutilée du procès. Péret, le témoin ainsi que la langue allemande sont évincés. Le texte écrit et publié devient un autre mutilé de guerre. En omettant l’apparition de Péret, la transmission écrite supprime la révolte et le scandale de la violence qui anéantit toute nationalité. L’historiographie des avant-gardes place précisément ici la césure entre le dadaïsme indifférentiste et le jugement de valeur des futurs surréalistes. Le procès Barrès ferait de façon implicite également le procès des dadaïstes. Or il n’en est rien. Si rétrospectivement la présence des futurs fascistes Ungaretti et Drieu peut déconcerter, Romoff, Tzara et Péret déconstruisent, chacun à sa façon, la dualité belligène par une autre violence. Romoff défend le point de vue révolutionnaire. Tzara rejette violemment l’autorité et détermine les similitudes reliant entre eux les différents « juges ». Péret incarne la créature sacrifiée. Certes, le procès Barrès sonne le glas du dadaïsme. Les champs idéologiques et nationaux conflictuels réapparaissent. Les instances antagonistes du tribunal occupent la position plus politique que Grosz ou Heartfield occupent dans le contexte allemand. Mais entre eux se manifestent les tiers au-delà de ces clivages. Ils témoignent d’un savoir apte à casser les cadres culturels. L’observateur assiste à la relève d’un mouvement international, le dada, par un mouvement plus mono-culturel, plus français, bien que Max Ernst, Hans Bellmer et Hans-Jean Arp en fassent partie. Il participe aussi à un procès dont les témoins dépassent les dualités.

Conclusion

Riposter en affirmant le contraire rend impossible une transformation radicale. La négation lie les énergies du contradicteur. Or il est douteux que le comportement agonistique des dadaïstes échappe vraiment aux pièges des oppositions, des objections. L’indifférentisme avec son ni-ni, son ni bellicisme ni pacifisme, prend parfois le chemin d’une impasse, voire l’allure d’un sectarisme. Sur ce point, Tucholsky voit juste. La mobilisation générale du temps défigure aussi les avant-gardes. La formule indifférentiste garde néanmoins son intérêt dans la mesure où elle dépasse la coincidentia 184 THOMAS KELLER oppositorum. Elle trouve une application dans les performances des dadaïstes transculturels. Trois figures du tiers – le dandy transfrontalier, l’étranger ni français ni allemand, le témoin lieutenant franco-allemand – provoquent un scandale. Cependant toute performance, et avec elle toute avant-garde, est passagère. Les lieutenants laissent la place aux représentants. Aujourd’hui les acteurs des cérémonies ont certes changé. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont déposé ensemble une gerbe sur la tombe du soldat inconnu. Mais, ce faisant, ils ont encore une fois incarné leur pays. Faut-il conclure qu’ils ont encore une fois renié les témoins, les enfants innocents sacrifiés indépendamment de leur nationalité ? La mémoire – témoignage et source de conflits

Jean Norton Cru, littérature et témoignages de la Première Guerre mondiale

Jean-Marie GUILLON Université d’Aix-Marseille

Cette contribution entend attirer l’attention sur un acteur majeur de la représentation de la Grande Guerre et du combattant, Jean Norton Cru, dont l’œuvre a fait couler beaucoup d’encre depuis la fin des années vingt. Elle reste au centre de polémiques contemporaines qui touchent tant aux témoignages de guerre qu’à l’utilisation de la littérature comme source historique ou aux représentations de la guerre. Ces polémiques ont été suscitées par la publication en 1929 d’un fort ouvrage, intitulé Témoins1, dans lequel Cru dissèque de façon très pointilleuse, mais aussi avec une méthode systématique et novatrice (même si elle est contestable), la littérature française publiée depuis la guerre et dont la guerre est l’objet, soit au total trois cents récits de nature diverse. Cet ouvrage, publié chez un petit éditeur, a un retentissement tel que Gallimard édite l’année suivante dans la collection de la nrf un texte du même auteur aux dimensions plus modestes, intitulé Du témoignage, où sont rassemblées principalement les considérations de méthode qu’il préconise en matière de sélection du “bon” témoignage2. Ce sont ces ouvrages qui provoquent les débats3. Mais Témoins est devenu, sinon une référence, du moins un jalon qui a marqué l’historiographie de la Grande Guerre et l’historiographie tout court, surtout à partir du moment où l’on a accordé à la mémoire, à ses

1 Jean Norton CRU, Témoins. Essai d’analyse et de critique des souvenirs des combattants édités en français de 1915 à 1928, Paris, Les Étincelles, 1929, rééd. Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2006. 2 Jean Norton CRU, Du témoignage, Paris, Gallimard, nrf, 1930. Diverses rééditions par la suite, notamment la réédition partielle complétée par l’article biographique sur « Jean Norton Cru » par sa sœur Hélène VOGEL, Paris, Jean-Jacques Pauvert (coll. « Libertés »), 1966. 3 Sur cette réception, Frédéric ROUSSEAU, Le procès des témoins de la Grande Guerre. L’affaire Norton Cru, Paris, Seuil, 2003. Nous ne reviendrons pas sur la polémique qui a opposé au sujet de l’interprétation de son œuvre et de son apport les historiens de la Première Guerre mondiale. 188 JEAN-MARIE GUILLON représentations et à leur évolution dans le temps l’attention que l’on sait. Jean Norton Cru a joué « un rôle pionnier » en voulant « donner aux témoignages le statut de documents historiques4 ». Ce faisant, il a voulu aussi donner la parole à la piétaille qui fait la guerre et la subit, et qui, de son point de vue, n’avait pas accès à l’Histoire. Dans l’engouement suscité par l’histoire « orale » il y a trente ans, ce chantre du témoignage et d’une autre histoire, celle d’en bas contre l’histoire « officielle », celle d’en haut, est même apparu comme une sorte de précurseur. Précisons que si l’œuvre de Cru était bien connue, le personnage lui-même l’était beaucoup moins. Sa sœur, Hélène Vogel, professeur de français au lycée Montgrand à Marseille et amie de Pierre Guiral qui enseignait l’histoire contemporaine à la Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence, avait écrit un article biographique publié par les Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines d’Aix-en-Provence en 19615, qui constituait avec les quelques notations qu’il avait faites lui-même dans Témoins sur son parcours de soldat le seul éclairage disponible. La découverte que notre équipe a réalisée de la correspondance de guerre de Jean Norton Cru et l’enquête conduite par Marie-Françoise Attard-Maraninchi permettent enfin d’éclairer l’homme, son milieu familial et son parcours6.

Qui est Jean Norton Cru ?

Il est né en 1879 et a donc 35 ans en 1914 : c’est pourquoi il est mobilisé dans la territoriale, puis l’infanterie de réserve. Mais il est sur le front d’octobre 1914 jusqu’en janvier 1917 et s’est retrouvé à plusieurs reprises dans les premières lignes. Il est passé par le secteur de Saint-Mihiel dans la Meuse, puis par l’Argonne, la Champagne, Verdun à deux reprises, le Chemin des Dames, et, même quand il est affecté comme interprète auprès de l’armée américaine, il participe à l’entrée au combat de son régiment en Lorraine. Lorsqu’il est mobilisé, il se trouve aux États-Unis, dans le Massachussetts où il enseigne depuis 1908. Il est professeur de littérature française à Williams College, une institution notoire, destinée à la formation de l’élite WASP située à Williamstown. Ses trois autres frères enseignent également aux États-Unis : l’un, Paul, au Hunter College de New York, et les deux autres, Albert et Loyalty, à Columbia, toujours à New York. Ces deux derniers sont mobilisés comme lui pour participer à la guerre en France. Jean

4 Antoine PROST, Jay WINTER, Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie, Paris, Seuil (coll. « Points Histoire »), 2004, p. 116. 5 Hélène VOGEL, « Jean Norton Cru. Sa vie par rapport à Témoins », Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines d’Aix-en-Provence, 1961, t. XXXV, p. 37-68. 6 Marie-Françoise ATTARD-MARANINCHI et Roland CATY (éds.), Jean Norton Cru, Lettres du front et d’Amérique 1914-1919, Aix-en-Provence, PUP, 2007, ouvrage dont j’ai rédigé l’introduction. JEAN NORTON CRU, LITTÉRATURE ET TÉMOIGNAGES 189

Norton est l’aîné de la famille. Ses frères et sœurs, qui sont tous enseignants, ont suivi un parcours académique brillant puisque deux d’entre eux, Loyalty et Hélène, ont été admis à l’École normale supérieure et sont agrégés, lui d’anglais et elle de lettres. C’est Loyalty qui, après l’ENS, est arrivé le premier aux États-Unis et qui a fait venir ses frères à Williamstown. Il est vrai que la famille est bilingue. Si leur père est issu d’un milieu très modeste, leur mère anglaise vient d’une famille aisée et cultivée. C’est autour d’elle que le clan familial se rassemble après qu’elle a divorcé7. En effet, le père, bien que pasteur, apparaît comme un individu fruste et aux mœurs dissolues, et il est rejeté8. La culture maternelle et l’expérience américaine donnent à Jean Norton Cru une certaine distance critique vis-à-vis de la société française. Il est à la fois dedans – et son patriotisme ne faiblit jamais – et dehors. Étant l’aîné et compte tenu des tensions familiales, il n’a pas pu suivre le cursus d’excellence de ses frères. Titulaire du baccalauréat en 1899, il a passé le certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais après son service militaire, puis il a continué ses études de lettres9 tout en enseignant aux États-Unis et un an en Algérie. De ce fait, on sent qu’il a une revanche à prendre par rapport au monde universitaire. C’est une évidence dans son œuvre, non qu’il nourrisse du ressentiment, mais il entend par la méthode qu’il met au point et par les résultats qu’il publie en remontrer, notamment aux tenants d’une histoire qu’il estime trop « officielle ». Comme je l’ai écrit en introduisant sa correspondance de guerre, Témoins est la thèse qu’il n’a pu faire. Le titre de cet ouvrage et les préoccupations qu’il reflète ne sont pas neutres. Il s’agit certes de donner la parole aux “vrais” combattants, à ses camarades de tranchée, de se faire leur porte-parole, mais la Parole est pour ce protestant fervent bien plus qu’un mot banal. Elle a un caractère sacré et porter cette parole est, pour lui, la mission – au sens le plus fort – qu’il s’est assignée10. On ne peut comprendre le personnage – raisonneur, moraliste, puritain ne cessant de donner des leçons à ses sœurs, par exemple, mais en même temps libéral et ouvert sur bien des plans et notamment celui de l’égalité des sexes – si l’on ignore sa culture réformée. Elle vient de sa mère et marque profondément toute cette famille, où Jean Norton joue un peu le rôle de mentor. La correspondance de guerre conservée est celle qu’il adresse à ses sœurs. Elle illustre l’affection qu’il porte à Hélène, qui se fera la

7 Pour plus de précisions sur la famille, je renvoie au travail de Marie-Françoise ATTARD- MARANINCHI, Jean Norton Cru, Lettres du front, p. 19 sq. Paul et Albert feront, comme Jean Norton, toute leur carrière aux États-Unis. Jean Norton deviendra Assistant Professor en 1919, puis Associate Professor en 1932, toujours à Williams College. Loyalty s’installera après guerre à Londres comme correspondant du grand journal diplomatique Le Temps et directeur de la Maison de l’Institut de France. 8 Le père a exercé un ministère en Nouvelle-Calédonie de 1883 à 1891, puis a été contraint de revenir en métropole où, à l’évidence, son mode de vie reste dissolu. 9 Jusqu’au DES (diplôme d’études supérieures) soutenu à la Sorbonne en 1913, année où il est également admissible à l’agrégation d’anglais. 10 Ce que Rémy CAZALS fait remarquer à juste titre (« Quelques pierres apportées au chantier », Annales du Midi, t. 112, n° 232, octobre-décembre 2000, p. 443). 190 JEAN-MARIE GUILLON gardienne de sa mémoire, et à Alice, qui enseigne aussi à Marseille, au lycée Longchamp, où elle est professeur d’anglais.

Aux origines de Témoins

Le projet de Témoins est né dans la tranchée et il est significatif de la prise de conscience par son auteur de la réalité de la guerre et des travestissements de la propagande11. Sa correspondance le prouve. Comme la plupart de ses camarades, Cru accepte la mobilisation et partage les illusions communes sur le combat à venir. Or, dans les tranchées, au fil des mois, il découvre que la guerre a un autre visage que celui que lui présentaient les œuvres littéraires dont il était nourri et qui l’ont induit en erreur. Mais elle ne ressemble pas non plus à ce qu’en disent les journaux ou les premiers ouvrages qui prétendent la décrire. Elle ne correspond pas aux communiqués d’état-major. « Jamais la guerre n’a été plus sauvage, plus barbare, plus inhumaine qu’aujourd’hui », écrit-il le 9 janvier 191512. Les mensonges de la propagande, les « élucubrations » des journaux le révoltent. Ils heurtent ses convictions et il n’aura de cesse de les traquer. S’il condamne « les procédés inqualifiables de l’ennemi » (2 mars 1915), il dénonce les mythes qui donnent une fausse idée de lui : « La frousse est humaine et non allemande : chacun en a sa part et il est difficile qu’on soit Français ou Boche de voir sans crainte une charge à la baïonnette » (6 juillet 1915)13. Il pourfend déjà ce qu’il va appeler dans Témoins les « idées fausses sur la guerre14 » et, tout particulièrement, le dénigrement imbécile de l’ennemi, les « légendes héroïques », le combat au corps à corps, alors que la guerre devient anonyme et que la mort se donne à distance, ce qui rend les choses encore plus angoissantes. Il écrira dans Témoins que les auteurs qui font un grand usage de la baïonnette sont « tous ceux qui inventent leurs souvenirs15 ». Il n’est pas mu par une idéologie politique et se situe davantage sur un plan religieux ou moral. La politique n’a aucune place dans sa correspondance. Il récuse toute idéologie déraisonnable, pouvant donc conduire au fanatisme. Il rejette le nationalisme, forcément guerrier, le révolutionnarisme, comme les différentes versions du pacifisme. C’est la psychologie de l’individu qui l’intéresse, les réactions de ses camarades. La vérité de la guerre se situe pour lui à ce niveau-là. Il est par toutes ses fibres un protestant libéral et il se veut homme des Lumières. Ses engagements sont d’abord éthiques. Sa mission est de pourfendre les faux prophètes et les marchands du Temple et de proclamer ce qu’il est persuadé être le vrai. Faire

11 Voir à ce sujet l’analyse de Marie-Françoise ATTARD-MARANINCHI, « La correspondance de guerre et la genèse de témoins », in Lettres du front, p. 64 sq. 12 Lettres du front, p. 98. 13 Ibid., p. 120. 14 CRU, Témoins, chap. V, p. 27. 15 Ibid., p. 379. JEAN NORTON CRU, LITTÉRATURE ET TÉMOIGNAGES 191 connaître la vérité sur la guerre permettra de dissiper la tromperie et donc de faire perdre ses attraits éventuels au combat. Ce pédagogue impénitent a confiance en l’homme. Il est par certains côtés – celui du « bon sauvage » qu’il aurait été et dont il joue – rousseauiste : la guerre n’est pas l’état normal de l’homme, mais l’effet de son intoxication par les mensonges, la « tradition », en somme la mauvaise éducation et les mauvais maîtres16. Il se fait envoyer par ses sœurs tout ce qu’elles peuvent lui procurer de ce qui est publié. La liste de ses lectures que sa correspondance de guerre dévoile prouve sa curiosité et sa volonté de dénoncer le travestissement, même littéraire. C’est un devoir qu’il se fixe au nom de ses camarades, les simples soldats dont il se distingue, qui le heurtent souvent par leur attitude mais qu’il prend peu à peu en sympathie parce qu’il leur trouve plus de courage, de sincérité, d’humanité que chez les littérateurs ou les propagandistes qui participent au « bourrage de crâne » : « Un des vœux les plus ardents du poilu, souvent répétés dans les souvenirs de guerre, était qu’on sût un jour, après la guerre pensait-il, la vérité entière sur sa guerre17. » Il n’a de cesse dans ses lettres de dénoncer ce qui est « la chose la plus haïssable » (6 mai 1918) : « la littérature » qui cherche seulement à flatter le public18. Pour lui, à la différence de son frère Loyalty, la guerre ne peut être considérée comme « matière à littérature ». Il ajoute dans cette même carte qu’il écrit à sa sœur Alice du 22 novembre 1917 : « Je considère comme sacrilège de faire avec notre sang et nos angoisses de la matière à littérature. Si nous avons encore la guerre au XXe siècle, c’est parce que les hommes ont trop entretenu cette fausse beauté du carnage19 ». Dès le 6 juillet 1915, dans une longue lettre écrite « aux tranchées », il avait décrit ce qu’il ressentait à l’égard « de la drogue concoctée dans les bureaux de rédaction » :

L’enthousiasme du début a été magnifique, l’esprit de sacrifice, l’oubli des dissensions a été une révélation, une consolation. Mais ce qui m’a choqué dès le mois d’août c’est ce genre de patriotisme affiché dans la presse et bien porté chez les littérateurs, les politiciens et en général, dans le gros public. Tandis que les poilus faisaient de l’héroïsme au quotidien et sans phrases, les civils ne voulurent pas demeurer en reste et ils firent du patriotisme bruyant, verbeux et ostentatoire20.

Bien entendu, sans varier dans ses convictions patriotiques, fier de se conduire en bon soldat et d’avoir pu conduire ses hommes au combat (4 juillet 1916)21, il aspire à la fin du massacre, ce qui est une attitude générale. Tout en participant à la guerre, comme la plupart, il en souhaite la fin. Son « pacifisme » – comme le pacifisme ancien combattant en général –

16 CRU, Du témoignage, p. 129. 17 CRU, Témoins, p. 36. 18 Ibid., p. 307. 19 Ibid., p. 212-213. 20 Ibid., p. 116. 21 Lettres du front, p. 163. 192 JEAN-MARIE GUILLON n’est pas une reconstruction de l’après-guerre. Il est né dans les tranchées et son œuvre qui veut servir la cause de la paix mûrit au même moment, même si elle n’est réalisée que dans les années qui suivent.

Faussaires et “bons” témoins

Témoigner pour Cru, c’est donc révéler la guerre vraie, dénoncer les mensonges qui la masquent, qui en embellissent la réalité, qui trompent le lecteur comme lui a été trompé par la littérature épique qui a nourri ses humanités. Témoins est un fort volume de plus de sept cents pages : les soixante-dix premières rassemblent l’introduction et l’exposition de la méthode, les six cents suivantes passent au crible trois cents ouvrages de guerre français édités à Paris et répartis en cinq catégories : journaux, souvenirs, réflexions, lettres et romans. Les dernières pages sont dévolues aux annexes, dont des tableaux classant œuvres et auteurs. Le plus significatif de ces tableaux est le premier, où Cru répartit les auteurs en six classes, de la moins fiable à la plus fiable. Ces auteurs ont été sélectionnés parmi ceux qui ont réellement combattu. Cru exclut les non-combattants et les officiers supérieurs qui étaient trop éloignés du front pour être des observateurs crédibles. Témoins n’entend rassembler que « les relations des narrateurs qui ont agi et vécu les faits, à l’exclusion des récits des spectateurs, qu’ils soient du quartier général à quelques kilomètres de la scène ou dans leur bureau à Paris22 ». Du point de vue de la critique littéraire ou de l’analyse du témoignage telle qu’on la conçoit aujourd’hui, ses méthodes sont évidemment obsolètes. Sa critique est platement positiviste. Elle est bâtie à l’aune d’une vérité mesurable, celle de l’expérience de guerre des combattants. Il se veut censeur impitoyable et il est prompt à disqualifier les récits pour des raisons qui ne sont pas historiquement fondées. Le témoignage qu’il prend en considération est à l’image du poilu qu’il préfère, un poilu idéal, qui correspond à des critères de qualité et, même, d’éducation. Comme on l’a fréquemment souligné, Témoins est le « récit codé sur sa propre expérience23 ». Il passe à côté de ce qui, pour nous, fait l’intérêt principal de la littérature, c’est-à-dire la façon de transformer les faits en représentation, ce qui ne peut que surprendre pour un professeur de littérature. Mais sa critique ne se veut pas littéraire. Comme on l’a vu, il ne cesse de dénoncer « la littérature » qui est pour lui déformation de la vérité : « Le roman de guerre par les littérateurs civils est un fléau de la vérité historique au même titre que les légendes que j’essaie de discréditer »24. Il conçoit avant tout la question de la mise en scène

22 CRU, Témoins, p. 9. 23 Leonard V. SMITH, « Jean Norton Cru, lecteur de livres de guerre », Annales du Midi, t. 112, n° 232, octobre-décembre 2000, p. 527. 24 CRU, Témoins, p. 50. JEAN NORTON CRU, LITTÉRATURE ET TÉMOIGNAGES 193 des souvenirs sous l’angle de la déformation qu’il redoute et qu’il entend dénoncer, la recherche de l’effet littéraire ou l’exaltation héroïque. De ce fait, le succès ou la notoriété d’un auteur ne lui donne aucun avantage particulier. Il n’est pas meilleur témoin à ses yeux qu’un autre témoin moins connu. Roland Dorgelès, l’auteur des Croix de bois (1919), Henri Barbusse, celui du Feu (1916), sont comme Georges Duhamel (notamment pour la Vie des Martyrs, 1917), Jean Giraudoux (Lecture pour une ombre, 1917), Pierre Mac Orlan (Les poissons morts, 1917), etc. dans la classe 4, Jean Paulhan (Le guerrier appliqué, 1917) en classe 5 et Montherlant (Le Songe 1922) dans la dernière. Barbusse l’exaspère en raison d’« une interprétation tendancieuse, malveillante, déformante des faits ». Il entretient « des idées légendaires si chères aux chauvins de l’arrière : massacre des Boches qu’on tire comme des lapins, qu’on égorge comme des moutons ; rôle prépondérant de la baïonnette et du couteau ; attaques allemandes faites au coude à coude, à plusieurs rangs serrés ; corps à corps où des grappes d’hommes forment une mêlée », etc. « Toutes ces sottises et bien d’autres, Barbusse les répète après les matamores du passé ou de l’arrière ». En outre, « ses personnages, comme ceux de Zola, n’ont aucune psychologie, ce sont des fantoches25 ». Il lui reproche surtout d’être un idéologue, un pacifiste qui dessert la paix par ses outrances. Il lui fait ce reproche dès la première lecture du Feu. Il écrit à son propos le 23 mai 1917 : « Livre très vendu, mais que je n’approuve pas. Ce que Th. Hardy a fait pour la société civile, Barbusse le fait pour les soldats. Il ne voit que le laid et le souligne 3 fois26. » Il fait le même reproche à Erich Maria Remarque, auquel il consacre une courte note : « Roman pacifiste ayant tous les défauts du genre représenté par Barbusse et Latzko : outrance du macabre, meurtre à l’arme blanche, ignorance de ce que tout fantassin combattant doit savoir27 ». La critique est encore plus rude pour Roland Dorgelès : « Barbusse se trompe par fanatisme, Dorgelès se trompe en sacrifiant tout à la littérature », Barbusse est sincère, « il écrit pour défendre sa foi. Qui oserait en dire autant de Dorgelès ? Quand il imite Le Feu, c’est le succès du livre qu’il veut surtout imiter28 ». S’il pourfend les “mauvais” pacifistes – non parce qu’ils sont pacifistes, mais parce qu’ils déforment la réalité de la guerre et ne servent donc pas la cause qu’ils prétendent défendre –, il va de soi qu’il n’a pas d’indulgence pour les bellicistes et qu’il démonte la « version miraculeuse et mystique » des événements29 – celle de Maurice Barrès – ou les divagations de Montherlant qu’il ne faut pas prendre

25 Ibid., p. 564. 26 Lettres du front, p. 246. 27 CRU, Témoins, p. 80. Andreas Latzko est l’auteur de Hommes en guerre (1917). 28 CRU, Témoins, p. 588. 29 Ibid., p. 378 à propos des récits de Jacques Péricard, auteur de l’apostrophe rendue célèbre par la propagande de « Debout les morts ! », titre qu’il a donné récit qu’il publie en 1918. Cru considère que cette « légende » est « la raison d’être des livres de Péricard ». 194 JEAN-MARIE GUILLON

trop au sérieux. Dans une lutte individuelle son héros tue l’Allemand et la scène est décrite avec des détails sadiques (p. 124). Je suis loin de croire à la réalité de l’incident et des sensations : l’auteur croit être dans le ton de la mode ; ce qu’il écrit là, ce sont des mots qui font bien, pense-t-il, les mots que demande ce passage de bravoure.30

Il n’est pas plus indulgent pour Jean Paulhan qui a écrit : « Nous courions vers eux le fusil serré dans les mains et la haine haute… » (Le guerrier appliqué, 1917). Récusant la réalité de cette haine, Cru s’interroge : « Cette haine si fortement matérialisée ici, Paulhan l’a-t-il éprouvée ? N’est-ce pas plutôt un de ces mots qui font bien, qui rendent bien en littérature31 ? » Cru sait surmonter ses sentiments. Il le montre à propos de Clavel soldat de Léon Werth (1919), « livre laid, déplaisant, irritant même par l’impertinence de ses paradoxes », qui manque de goût, qui « abuse des termes crus », qui méprise les paysans que cet écrivain connaît peu, qui pêche par orgueil puisque Clavel ne connaît pas la peur. Mais ce livre qu’il serait tenté de mettre « bien en dessous de tous les autres romans de guerre » « est appuyé sur une expérience réelle que l’auteur n’a pas transposée ni modifiée dans un but littéraire32 ». C’est un roman vrai, vrai dans le sens où Cru l’entend. Mais l’auteur qu’il place au-dessus de tous les autres, c’est Maurice Genevoix. Sous Verdun l’enthousiasme dès 1916. Il écrit à sa sœur le 10 novembre 1916 que Genevoix donne « des idées exactes sur un sujet où je n’ai rien vu de satisfaisant à ce jour. Ce n’est ailleurs que littérature, paroles vaines, procédés, efforts pour viser l’effet et incapacité à voir. Voir, tout est là et ce jeune Normalien a vu33 ». Il garde la même appréciation dans Témoins : « Parmi tous les auteurs de la guerre Genevoix occupe le premier rang, sans conteste », et, très significativement, il explique que « ce n’est pas le jugement d’un lecteur qui préfère un roman à un autre », mais « plutôt le jugement qui accorde la mention très honorable à une seule d’entre plusieurs thèses ». Genevoix

a su raconter sa campagne de huit mois avec la plus scrupuleuse exactitude en s’interdisant tout enjolivement dû à l’imagination, mais cependant en ressuscitant la vie des événements et des personnes, des âmes et des opinions, des gestes et des attitudes, des paroles et des conversations. Son récit est l’image fidèle d’une vie qui fut vécue, comme un bon roman est l’image d’une vie fictive mais vraisemblable. Aucun récit de guerre ne ressemble plus à un roman…34

30 Ibid., p. 632 à propos du roman Le songe (1922). 31 Ibid., p. 638. 32 Ibid., p. 653. 33 Lettres du front, p. 194. 34 CRU, Témoins, p. 145. JEAN NORTON CRU, LITTÉRATURE ET TÉMOIGNAGES 195

Jean Norton Cru historien

En dépit de ses a priori, de ses maniaqueries et de ses œillères, l’œuvre de Jean Norton Cru ne mérite pas l’opprobre à laquelle on la voue parfois. Ses jugements ne manquent pas tous de finesse. Sa curiosité est réelle. Son souci de dire d’où il parle, qui il est et de faire de même pour « ses » témoins, qu’il situe sur le front avec le maximum de précisions, nous paraît tout à fait remarquable. S’il témoigne à travers le témoignage des autres, c’est pour fonder la vérité combattante sur la guerre d’une façon qu’il croit irréfutable, ce qui ne serait pas le cas, à ses yeux, s’il écrivait à la première personne. Son ambition est de se situer au-dessus de la mêlée des témoins ordinaires, « faire un faisceau des témoignages des combattants sur la guerre35 », faire œuvre de science. Témoins, c’est pour lui le témoignage absolu car reposant sur cette science du témoignage qu’il entend proposer à la communauté universitaire. Il ne récuse pas la subjectivité des récits, mais veut dégager une vérité commune, objective, tirée de la répétition d’éléments – faits, attitudes, sentiments – présents dans l’expérience de ses camarades – les “vrais” combattants – et que la sienne confirme. Avec l’ambition humaine, éthique et scientifique qui est la sienne, Cru veut être le passeur qui donnera les clés de la compréhension à ceux qui n’ont pas vécu la guerre et qui tenteront pourtant d’en rendre compte. Il entend servir l’histoire et lui donner le matériau « propre », épuré de ses scories, et les outils qui lui permettront de trier le vrai et le faux. Sa démarche oscille, avec ses limites évidentes, entre une posture d’historien, aller au-delà des mythes, retrouver la réalité de la guerre par-delà les habillages rhétoriques et la propagande, et la position, dominante chez lui, du témoin, sûr de sa vérité et doutant que ceux qui n’ont pas vécu les événements soient capables de les comprendre : « on ne saurait attendre de l’historien qu’il débrouille ce chaos36 ». Du coup, puisque l’on se méfie a priori de la capacité de ceux qui écriront l’histoire, il faut assurer soi-même la transmission de la vérité. Toute la problématique du « devoir de mémoire » dont le mouvement ancien combattant se fait aujourd’hui encore une spécialité est contenue là. Témoins marque une date dans l’historiographie puisque l’ouvrage contribue à inscrire le témoignage en dignité comme une source à prendre en compte avec sérieux, alors que l’histoire “noble”, celle des universitaires, ne tenait pas encore cela pour acquis. Elle en fait le révélateur d’une vérité humaine que l’histoire officielle, l’histoire militaire en particulier, néglige. Cette œuvre est aussi le reflet des sentiments et des idées que nombre de combattants ont adoptés au cours de la lutte, qu’ils ont extériorisés après, et qu’ils expriment dans un rejet viscéral de la guerre, comme Antoine Prost l’a

35 Ibid., p. 13. 36 Ibid., p. 21. 196 JEAN-MARIE GUILLON fait comprendre voilà trente ans37. Cru participe si pleinement de cette évolution et de ce positionnement qu’il reproduit le clivage – classique – entre ceux qui se considèrent comme les « vrais » combattants, dont il estime faire partie, qui, seuls, peuvent témoigner (au sens le plus fort du mot), et les autres, qui, a priori sont disqualifiés pour dire la guerre réelle. Son œuvre est d’abord un témoignage, particulier, sur une représentation devenue dominante – et sans doute très tôt – parmi les rescapés du conflit. L’accueil qu’il reçoit parmi les anciens combattants s’explique par cette communauté de sentiments qui lui fait écrire en 1924 : « L’immense majorité d’entre nous n’avait pas voulu la guerre et en la faisant nous ne sommes devenus ni brutes ni esclaves38. » Cette œuvre est par anticipation la réfutation de la thèse sur la brutalisation qui aurait marqué de façon indélébile les combattants et la société et dont Antoine Prost, au moins pour la France, a montré les limites39.

37 Dans sa thèse : Antoine PROST, Les Anciens combattants et la société française 1914- 1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977. 38 Cité par sa sœur : VOGEL, Annales de la Faculté, p. 63. 39 Cette thèse est issue des travaux de George L. MOSSE, notamment Fallen soldiers: Reshaping the Memory of the World War, édité en français sous le titre De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette, 1999. Voir Antoine PROST, « Les limites de la brutalisation. Tuer sur le front occidental, 1914-1918 », Vingtième siècle, Revue d’histoire, 2004/1, n° 81, p. 5-20. Wie Erinnertes lebendig wird. Tote und Touristen in Hans Chlumbergs Wunder um Verdun

Christa KARPENSTEIN-EßBACH Universität Mannheim

I. Erinnern, die Pflege des Gedächtnisses, das Gedenken gehören zu den Aufgaben, an die wir immer wieder erinnert werden – so auch zum 100. Jahrestag des katastrophischen Beginns des 20. Jahrhunderts. Aber auch jenseits der Daten von Großereignissen haben Gedächtnis und Erinnerung eine prominente Stellung im Gebiet der menschlichen Fähigkeiten – ob es sich nun um die grassierende Angst vor der Krankheit des Gedächtnisverlustes, vor der Auslagerung des Gedächtnisses in technische Apparate oder um die vor amoralischer Vergeßlichkeit handelt. Mnemosyne hat Lethe nicht besiegt, wohl aber in eine untergeordnete Stellung verwiesen. Die starke Position dieser Muse verdankt sich den an Erinnerung und Gedächtnis geknüpften Erwartungen, denn sie sollen zum Besseren beitragen, eine heilsame Funktion für die Zukunft haben oder die Wiederholung eines erinnerten, meist katastrophischen Ereignisses verhindern. Schließlich hat das griechische Wort aletheia, dessen kleine Vorsilbe Lethe negiert, dafür gesorgt, daß die Wahrheit selbst damit zu tun hat, daß wir nicht vergessen.1 Hans Chlumberg hat mit seinem 1932 erschienenen Theaterstück Wunder um Verdun einen der herausragenden Erinnerungsorte an den Ersten Weltkrieg gewählt. Verdun ist der Ort für politisch ausgerichtete Gedenktage. Zum 50. Jahrestag der Schlacht wurde auf Veranlassung von Charles de Gaulle eine rein französische Feier mit großem Aufwand ausgerichtet2; 1984 war Verdun die Kulisse der Begegnung von Mitterand und Kohl mit dem symbolischen Höhepunkt der deutsch-französischen Versöhnungsgeste des gemeinsamen Händehaltens. Aber nicht nur dies: Verdun gehört zu den

1 S. Harald WEINRICH, Lethe. Kunst und Kritik des Vergessens, München, Beck, 2005, S. 15. 2 S. Josef MÜLLER-MAREIN, „Die Veteranen von Verdun“, in Die Zeit vom 3.6.1966, Nr. 23. 198 CHRISTA KARPENSTEIN-EßBACH bevorzugten Adressen eines Kriegsgräbertourismus, der schon in der Zwischenkriegszeit beginnt. Dem heutigen Reisenden wird unter den Sehenswürdigkeiten des Ortes genannt: die rote Zone, das Beinhaus von Douaumont, Fort Douaumont mit seinen Bunkeranlagen und Fort Vaux. Die französische Polizei kontrolliert, daß von den Touristen keine Kriegsgegenstände oder Knochen mitgenommen werden. Der Verband Connaissance de la Meuse richtet jedes Jahr die Event-Aufführung Des Flammes à la Lumière / Von den Flammen zum Licht über die Schlacht von Verdun aus, mit, wie das Tourismusbüro informiert, 300 Schauspielern, 900 Kostümen, 1000 Scheinwerfen, 40 km Kabel sowie vielen Spezialeffekten. Geworben wird mit der Aufforderung: „Tauchen Sie einen Abend in die Geschichte ein. Erleben Sie die Schlacht von Verdun in einer atemberaubend realistischen Freilichtaufführung“, die „emotionale Momente“ verspricht.3 Weit jenseits der Lebenszeit derer, die die Gräber ihrer gefallenen Männer, Väter und Söhne besuchen, sind Stätten wie Verdun Besucheradressen geworden und geblieben.4 Dabei verdankt sich die herausragende Stellung Verduns einer langen Reihe von politischen Ereignissen, Konflikten und Serien institutionell gestützter Erinnerungen, die zum Bestand eines deutsch-französischen Gedächtnisses gehören. Vom Zweiten Weltkrieg aus gesehen, legen sich sechs Daten mit ihren jeweils künftigen Erinnerungspotentialen übereinander. 1940 findet nach 1916 die zweite Schlacht um Verdun statt. 1916 erinnert man sich an 1870/71 und den langen Widerstand Verduns, das nach dem Ende des deutsch-französischen Krieges französisch bleibt, weshalb die Eroberung Verduns nach 1870 eine Planspielaufgabe für Generalstabs- offiziere wird. 1648 war Verdun, das 1552 vom französischen König Heinrich II. annektiert worden war, mit dem Westfälischen Frieden an Frankreich gefallen – beides wiederum Daten, an die im Ersten Weltkrieg erinnert wird. Im Vertrag von Verdun 843 wird das von Karl dem Großen gegründete Fränkische Reich aufgeteilt, und es kommt zur Embryonalbildung von Deutschland und Frankreich. Nimmt man neben 843 als ein zweites Eckdatum die Versöhnungsgeste zwischen Mitterand und Kohl im Jahre 1984, so handelt es sich bei Verdun um einen Ort, an den eine mehr als tausendjährige deutsch-französische Erinnerungsgeschichte adressiert wird.5 Chlumberg verlegt die Spielzeit seines Stückes von 1930 in die Zukunft, in den August 1939 mit den 25-Jahr-Feiern zum Beginn des Ersten Weltkrieges. Daß es sich um das um einen Monat differierende Datum des Beginns des Zweiten Weltkrieges handelt, konnte Chlumberg nicht mehr

3 www.tourisme-lorraine.fr 4 Der Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge e.V. gibt jährlich einen Kalender heraus, der, einem Tourismuskatalog vergleichbar, mit Bildern von schönen Landschaften kombinierte Fotos von den dort liegenden Kriegsgräberstätten zeigt und für „Reisen mit uns“ wirbt. 5 S. die umfangreiche Untersuchung von Matti MÜNCH, Verdun. Mythos und Alltag einer Schlacht, München, Martin Meidenbauer Verlagsbuchhandlung, 2006. Speziell zum „Schlachtfeldtourismus“ s. S. 460 ff. TOTE UND TOURISTEN IN HANS CHLUMBERGS WUNDER UM VERDUN 199 wissen, denn er ist bei einer Probe seines Stückes in den Orchestergraben gestürzt und 1930 vor der Uraufführung in Leipzig an den Folgen des Unfalls gestorben. Wunder um Verdun hatte großen, auch internationalen Erfolg, wurde aber wegen seines „faulen Pazifismus“ angegriffen und später von den Nationalsozialisten verboten.6 Daß es sich um ein, gewiß unkonventionelles, pazifistisches Stück handelt, wird man schnell feststellen können. Hier interessieren zwei andere Fragen: die nach der Dynamik von Erinnern und Gedenken, und die nach den kulturellen Differenzen zwischen den Vertretern der internationalen Personnage der Gedenkfeierlichkeiten.

II. Wunder um Verdun umfaßt dreizehn Szenen, Bilder genannt, die zu Episoden verknüpft werden. Es geht nicht um die Vergegenwärtigung kriegerischer Realität im theatralen Jetzt, sondern um die Erinnerung an den Krieg, deren theatrale Gegenwärtigkeit in die Zukunft projiziert wird. Da das Stück unter Literaturwissenschaftlern nahezu unbekannt ist, ist es notwendig, dieses eine Werk genauer vorzustellen, hier ohne Beschreibungen des Kontextes.7 Das Stück beginnt mit dem Besuch der Schlachtfelder von Verdun durch eine internationale Touristengruppe – „Vergnügungsreisende“ genannt –, führt über die je nationalen Kriegsgedenkfeiern in Frankreich, Deutschland und England, die Auferstehung der toten Soldaten mit deren Besuchen in ihrer Heimat und ihrem Auftritt auf einer internationalen Konferenz bis zur Rückkehr der Toten in ihre Gräber. Neben einigen aus dem großen Heer der Toten werden insgesamt etwa sechzig Personen namentlich benannt, darunter vor allem Touristen und Politiker. Das touristische Interesse wird im Gedenkinteresse der vielen politischen Akteure und der Angehörigen der Gefallenen gespiegelt, denn die Regieanweisung weist darauf hin, daß die Personen der ersten und letzten Szene mit den Auftritten der Touristen und

6 Elisabeth PABLE, „Der vergessene Welterfolg: Hans von Chlumberg“, in Literatur und Kritik, H. 36/37, Salzburg, Otto Müller, 1969, S. 382-395. Zur zeitgenössischen Rezeption: Arno SCHIROKAUER, „Die Partei der 13 Millionen“, in Das Tagebuch, 11. Jg., 2. Halbjahr, Berlin, Tagebuchverlag, 1930, S. 1724 f. Alfred POLGAR, „Wunder um Verdun“, in Die Weltbühne, 28. Jg. 2. Halbjahr, Berlin, Verlag der Weltbühne, 1932, S. 397 f. Fritz BIEBER, „Hans Chlumberg: Wunder um Verdun“, in Die literarische Welt, 8. Jg., Nr. 38, Berlin, 16. Sept. 1932, S. 7. Bieber fragt sich, „was würde wohl Chlumberg zu der neuen Fassung seines Stückes im Deutschen Theater sagen“, und bemerkt: „Oh – wie vorsichtig ist es geworden, wie taktlos taktvoll, wie wunderbar beruhigend – alle fremden Staatsmänner dreschen chauvinistische Phrasen, nur der deutsche Kanzler spricht schlicht und treuherzig ergriffen.“ P. K. G. (Patrick GEOGHEGAN?), „The Play Miracle at Verdun. By Hans Chlumberg. At the Comedy Theatre London”, in New Blackfriars, Jg. 14, Oxford (Blackwell Publishing), 1933, S. 74 f. Hilde SPIEL berichtet von einer Lesung des Stückes durch Attila Hörbiger in der Österreichischen Gesellschaft für Literatur im Jahre 1967, in Theater 1967. Chronik und Bilanz eines Bühnenjahres, Velbert, Erhard Friedrich Verlag, 1968, S. 29. 7 Zu Chlumbergs Drama im Kontext s. Christa KARPENSTEIN-EßBACH, „Krieg und Geschichte. Zur literarischen Repräsentation des Ersten Weltkriegs im Ausgang der Weimarer Republik“, in Elisabeth GUILHAMON, Daniel MEYER (Hrsg.), Die streitbare Clio. Zur Repräsentation von Macht und Geschichte in der Literatur, Frankfurt, Berlin, Peter Lang, 2010, S. 109-126. 200 CHRISTA KARPENSTEIN-EßBACH die Personen in den Bildern zwei bis zwölf von denselben Schauspielern dargestellt werden sollen. Die Toten hingegen treten in je einzelnen Schauspielerkörpern auf, womit sich das Stück zugleich gegen Gedenkkonzepte des Unbekannten Soldaten wendet. Dem Stück vorangestellt sind Verse aus Hesekiel 37, 1 und 4-10, in denen davon berichtet wird, wie das Totenfeld, in diesem Fall Israels, durch den aus dem Mund des Propheten strömenden Odem Gottes lebendig wird. Aber dies alte Wunder der Auferstehung hat in Chlumbergs Stück jedoch keine erlösende Kraft mehr, vielmehr werden die wiederkehrenden Toten des Krieges zum Medium, in dem sich die fatale Dynamik eines verlebendigenden Erinnerns entfaltet. Die Übertragung dieses alten Gedankens der Auferstehung auf die Toten des Weltkrieges ist auch in zwei Versionen des Films J’accuse von Abel Gance aus den Jahren 1918 und 1938 zu finden. Es scheint sich um eine Phantasie zu handeln, die in der Luft liegt. Wir wissen nicht, ob Chlumberg den Film von 1918 gesehen hat. Aber ein vergleichender Blick auf beide Filme macht den Unterschied in der Bedeutung, die diese Auferstehung hat, deutlich. Beide Filme von Gance mit ihrem jeweils melodramatischen Charakter enden mit der Schlußszene der Auferstehung. Gance meinte in Hinblick auf den ersten Film, dass die Wiederkehr der Toten aus dem Film ein transzendierendes Epos der Gefühle macht.8 Diese Toten sind Opfer, und ihr Opfer soll einen Sinn erhalten; insofern darf man in dem Film die Artikulation eines moralischen Protestes sehen, die die Lebenden in der Anerkennung des Opfers mit den Toten versöhnt. Der zweite Film endet ebenfalls mit der Auferstehung der Toten und ihrer Rückkehr in die Heimat. Die Anweisung im Script lautet: „In this last scene … do about ten highly emotional flashes between a woman of 40, daughter of 20, son of 20, grandchildren who embrace their rediscovered dead and who swear never more to hate or to fight. With German, English, Russians, Poles, Italians, Belgians, Americans, in all their respective languages, do: 1) a war widow 2) daughter of a dead soldier 3) son of a dead soldier 4) mother of a dead soldier“. In beiden Fällen finden die Toten ihre Aufnahme, so daß „the sacrifice of the last war rescues the present.“9 Chlumbergs Stück hingegen setzt in diese Form der Rettung der Gegenwart durch die Treue gegenüber den Toten weniger Hoffnung und mißtraut offenbar der präventiven Kraft des Kriegsgedenkens und den friedensstiftenden Folgen, die ihm zugeschrieben werden. Daß drei Jahre vor dem nächsten Krieg sich zehntausend Kriegsveteranen aus verschiedenen Ländern in Fort Douaumont treffen und schwören, den Frieden zu verteidigen, konnte Chlumberg allerdings auch nicht wissen.

8 Gance „considered that the return of the dead made the film a transcendent epic of emotion“, zitiert nach John HORNE, „Film and Cultural Demobilisation after the Great War: The Two Versions of J’accuse by Abel Gance (1918 and 1938)“, in Hanna DIAMOND, Simon KITSON (Hrsg.), Vichy,Resistance, Liberation. New Perspectives on Wartime France, Oxford, New York, Berg, 2005, S. 131-141, hier S. 134. 9 Ibid., S. 138. TOTE UND TOURISTEN IN HANS CHLUMBERGS WUNDER UM VERDUN 201

Am Beginn von Wunder um Verdun steht eine groteske Situation, wenn statt Trauernder oder andächtig Gedenkender die Touristengruppe auftritt, in der sogleich ein Streit u. a. über das angemessene Verhältnis zwischen Eintrittspreis und der Anzahl der Toten ausbricht. Auf die Preiskritik von Amerikanern und Engländern antwortet der Besucher aus Frankreich: „Wer zum Henker, hat Sie denn herübergerufen? Wären Sie doch zu Hause geblieben und hätten sich Ihre eigenen Schlachtfelder angesehen, wenn Ihnen die unseren nicht passen!“10, worauf sich der Streit darüber fortsetzt, welchem Land mit wie vielen seiner Toten die Ehre des Sieges zukommt. Eine gewisse Beruhigung aller setzt in dem Moment ein, in dem ihnen ein Massengrab gezeigt wird, in dem Deutsche und Franzosen gemeinsam liegen. Diese Eröffnungsszene hat ihre historische Resonanz im nach 1918 einsetzenden Kriegsgräbertourismus, den schon Karl Kraus attackierte,11 aber sie hat so wenig dokumentarischen Charakter wie die folgenden Szenen, die als dramatische Analyse der Folgen von Erinnern und Gedenken zu interpretieren sind. Die Feierlichkeiten in Paris und Berlin, die anschließend zu sehen sind, beginnen mit Aufrufen zum Gedenken an die Gefallenen, verwandeln sich aber sogleich in konfliktbeladene Konfrontationen. Im Falle Frankreichs habe das Opfer der Toten „den Feind aufs Knie gezwungen“, im Falle Deutschlands dürfe es „nicht vergebens bleiben“ – jeweils verbunden mit Ausrufen: es lebe Frankreich respektive Deutschland. Wie der französische Ministerpräsident phantasiert, daß „ein Wunder geschähe“ und die Toten, „ekstatisch von uns empfangen“, unter die Lebenden träten, um diesen zu versichern: „Übergegangen ist unser Geist auf euch!“, so bekennt der deutsche Reichskanzler, der Geist der Toten „hat sich von euren Gräbern erhoben. Er kam zu uns, er ging auf uns über12“. Chlumbergs Stück nimmt diese die Toten verlebendigende Phantasie literarisch ernst, wenn die Toten von einem Boten, einem Engel mit der Hoffnung erweckt werden, daß die Auferstehung „Ströme von solcher Glückseligkeit über dieses Gottesvolk auf Erden ausbrechen und aufquellen (lassen werde), daß unser aller Haß unterwühlt und unterwaschen würde.“13 Der Bote hebt an dieser Stelle die heilsame Kraft hervor, die dem Erinnern zugesprochen wird. Angesichts der realen Präsenz der Toten, die innenpolitisch Unruhe stiftet, sehen sich die Weltkriegsnationen zur Einigkeit genötigt, die im gemeinsamen Abweis der Toten besteht. Sie sind in die Nachkriegsgesellschaften nicht integrierbar. Alle Regierungen rühmen sich, mit Heldenfriedhöfen, Denkmälern oder der „internationalen Sehenswürdigkeit des Grabmals des Unbekannten Soldaten“

10 Hans CHLUMBERG, Wunder um Verdun, Berlin, S. Fischer, 1932, S. 15. 11 Karl KRAUS druckt in Die Fackel Nr. 577-582, November 1921 ein Inserat der Basler Nachrichten, das für solche Fahrten wirbt, zusammen mit seinem Kommentar „Reklamefahrten zur Hölle“. Edlef Köppens Roman Heeresbericht von 1930 (Kronberg/Ts. 1976, S. 309) gibt das Inserat eines Berliner Reisebüros wieder. 12 Hans CHLUMBERG, Wunder um Verdun, S. 26, 29. 13 Ibid, S. 32. 202 CHRISTA KARPENSTEIN-EßBACH für die Toten getan zu haben, „was man nur tun konnte“, und fordern sie auf : „kehret darum zurück, Unselige […] Denn – ausgestoßen sollt ihr sein und exkommuniziert.“14 Damit konnten die Toten nach einem zweifachen post mortem zur Einigungsinstanz einer neuen politischen Gegenwart werden. Aber das Stück beläßt es nicht bei dieser Lösung. Ausgerechnet die von den Toten aufgeworfene Friedensfrage provoziert den gegenseitigen Verdacht mangelnder Friedenswilligkeit unter den Politikern aller Seiten. Dabei kommt es zu einer neuen, aber gegenüber der ersten anders konturierten Gemeinsamkeit unter den Nationen. Die erste war über die Gedenkpraxen gestiftet worden, wonach „der Tod den Nationen und Armeen (gehört)15“. Die zweite besteht in der Einigkeit über die dauerhafte und immer zu erneuernde Funktion des Objekts des Gedenkens. Unter Zustimmung aller Teilnehmer der internationalen Konferenz erläutert Professor Dr. Steppach, ein wissenschaftlicher Sachverständiger, dessen Nationalität nicht genannt wird :

Denn der Heldentod ist ja nicht nur eine Institution von hohem ethischen Wert, sondern vor allem ein wirtschaftlicher Faktor von immenser Bedeutung! Mag das Ideal des utopischen Pazifismus der ewige Friede sein – das praktische Erfordernis der Weltwirtschaft ist und bleibt: der periodische Krieg.16

Zu dem ethisch begründeten Wert des Heldentodes tritt dessen funktionale Legitimation hinzu. Chlumbergs Stück verschränkt zwei Konfliktlinien miteinander: den transnationalen Antagonismus von Lebenden und Toten, und den der nationalen Polarisierung. Die Dynamik beider wird als ein dramatischer Prozeß vorgeführt, in dem Friedhöfe und Gedenkfeiern zu Orten werden, an denen das kollektive Gedächtnis als Kriegstreiber entsteht. An einer zentralen Stelle des Dramas reflektiert der Bote die Modalitäten des Erinnerns in den Veranstaltungen des Gedenkens. Während die Lebenden „sonst ihre Toten meist in viel kürzerer Zeit (vergessen)“, gilt für diese Toten eine andere Logik.

Ihr aber, Tote des großen Krieges, seid unvergessen. Nicht verblaßt ist euer Andenken und nicht friedlich verklärt, wie das anderer, die gestorben sind. Nein. Weiß glüht es und wühlt Tag um Tag die Lebenden von neuem auf. Es macht, daß sie euer nicht mit Resignation gedenken, sondern mit all ihrer Leidenschaft!17

Die Hoffnung des Boten auf Ströme von Glückseligkeit erfüllt sich nicht, und die Toten selbst wissen am Ende nicht mehr, warum sie zurückgekehrt

14 Ibid., S. 106, 115. 15 Ibid., S. 111. 16 Ibid., S. 112. 17 Ibid., S. 31. S. zur Frage des Erinnerns auch: Brian MURDOCH, „Memory and prophecy among the war-graves: Hans Chlumberg’s drama, Miracle at Verdun“, in William KIDD, Brian MURDOCH (Hrsg.), Memory and Memorials. The Commemorative Century, London, Ashgate, 2004, S. 92-104. TOTE UND TOURISTEN IN HANS CHLUMBERGS WUNDER UM VERDUN 203 waren. Man darf das Stück als Plädoyer dafür lesen, an die Stelle leidenschaftlichen Gedenkens ein Andenken zu setzen, das „verblaßt“, weil andernfalls, mit den Worten des Propheten Hesekiel, „ein großes, sehr großes Heer“ sich erheben könnte, das, weil die Erinnerung lebendig gehalten wurde, im Jahre 1939 wieder bereit stand. So sehr die Schlacht um Verdun während des Krieges von Erinnerungen an die mit dem Ort verbundenen historischen Tiefenstrukturen unterfüttert war, so sehr wurde Verdun erst mit den in den zwanziger Jahren einsetzenden institutionell gestützten Erinnerungen zum geradezu mythisierten Ereignis, von dem der Auftrag erging, dem Beispiel der Gefallenen nachzufolgen. „Verdun! […] immer wieder – die Jahrhunderte haben es gelehrt – wird Waffengeklirr um ihre Mauern toben“, schreibt die Besucherin von Verdun, Betty Schneider, 1935 in ihrem Reisebericht „Bei den Toten von Verdun“18 .

III. In einer zweiten Schicht von Chlumbergs Stück geht es nicht um die zukünftigen Folgen vergegenwärtigter Erinnerung, sondern um den mit dem Gedenken aufbrechenden, weit zurückliegenden Erfahrungsgrund von Selbst- und Fremdwahrnehmungen, die sich als Stereotype zur Geltung bringen. Mit Verdun hat Chlumberg zweifellos einen Ort aufgerufen, der sich, wie viele andere auch, zur Erzählung von „Schlachtenmythen“ eignet und an den konkurrierende Aktualisierungen historischer Kämpfe oder Vergewisserun- gen nationaler Gründungen und Aufbrüche adressiert werden können.19 Solche Schlachtenmythen eignen sich zur Wiedererzählung alter Ereignisse und zur Mobilisierung von Affekten auf dem Hintergrund alter kriegerischer Konfrontationen. In Chlumbergs Stück treffen aber keine Protagonisten aufeinander, deren Gegnerschaften einen solchen „schlachtenmythischen“ Hintergrund hätten. Ihre Unterschiede liegen weit unterhalb von Gebieten der großen Politik; sie aktualisieren auch keinen kämpferischen oder tragischen Heroismus. Man könnte sie als Mentalitäten im Gebiet des Alltäglichen, als Kleinigkeiten bezeichnen. Chlumberg stattet seine touristischen und politischen dramatis personae mit national-kulturell gefärbten Eigenschaften, Vorlieben und Verhaltensweisen auf eine ins Groteske reichende Weise aus. Ihre Funktion im Stück ist ambivalent, denn zum einen haben sie den Charakter je besonderer Skurrilitäten, zum anderen sind sie ein sich aus der Geschichte speisender Quellgrund für ihre politische Funktionalisierung in Freund-Feind-Verhältnissen. Dazu eine erste kleine Serie von Beispielen. In den Szenen fünf, sechs und sieben wird dem französischen und dem englischen Ministerpräsidenten sowie dem deutschen Reichskanzler nachts die Nachricht von der Auferstehung der Toten telefonisch übermittelt. Das französische

18 Zit. nach Matti MÜNCH, Verdun. Mythos und Alltag einer Schlacht, S. 463. Zu „Verdun“ in der Weimarer Republik ibid., S. 439-466, S. 525 f. 19 S. Gerd KRUMEICH, Susanne BRANDT (Hrsg.), Schlachtenmythen. Ereignis – Erzählung – Erinnerung, Köln, Weimar, Wien, Böhlau, 2003. 204 CHRISTA KARPENSTEIN-EßBACH

Staatsoberhaupt verbringt die Nacht mit seiner Geliebten, ein wortgewandter Disput zwischen beiden über Liebesleben und Politik und der telefonische Zwischenfall werden mit der Versicherung beendet, es handele sich um eine Intrige der Presse. In Berlin reagieren der Reichskanzler und seine Frau, die sich mit „Vatchen“ und „Muttchen“ ansprechen, auf den Anruf, indem sie auf den Instanzenweg und Zuständigkeiten verweisen. In London läßt sich der Ministerpräsident, nach einem Gespräch mit seinem Kammerdiener über die demokratische Einrichtung des Telefons und den Verfall der aristokratischen Sitten, die seinem Diener mitgeteilte Nachricht weitersagen und bezeichnet sie als eine Angelegenheit des Kontinents. Deutsche Ordnung, englischer Snobismus, französische Erotik sind ein Potpourri aus Fremd- und Selbstzuschreibungen, die historisch latent vorhanden sind, aber aktualisiert werden und ebenso wie die Toten wiederauferstehen können. Diese andere Auferstehung vollzieht sich, so führt das Stück vor, mit der Transformation erinnerter kultureller Unterschiede in Konfliktverstärker. Dazu die zweite kleine Serie. Die französische Touristin referiert auf die den Französinnen zugeschriebene besondere Anziehungskraft, indem sie der Engländerin und der Amerikanerin erklärt: „Mit ihren Pfunden und Dollars verteuern Sie uns bloß unsere Kleider – und Ihnen stehen sie doch nicht!“. Den Vorwurf des Franzosen an die Amerikaner, diese hätten nur für ihr Geschäft geblutet, kontert der Amerikaner, sie hätten, wie von Frankreich erwartet, den Krieg zur „Rettung der Kultur“ geführt. Die sorgfältige Pflege des Friedhofs führt der Amerikaner wiederum nicht auf kulturelle, sondern auf wirtschaftliche Interessen zurück: „Eure Fremdenindustrie würde zurückgehen, und eure Handelsbilanz sähe dann noch schlechter aus!“20 Ein deutscher Tourist zeigt sich interessiert an den Namen der Gefallenen, deren Arbeiten die Wissenschaft befördert haben, und wird vom französischen Friedhofswärter auf die Namen der einfachen Leute hingewiesen.21 Die zweite Beispielreihe macht die Logik deutlich, nach der schon lange bestehende Wahrnehmungen national-kultureller Besonderheiten zur Waffe des Stereotyps werden. Dabei werden die Fremdzuschreibungen jeweils in Anspruch genommen, um sie gegen den anderen zu richten. Die durchaus grotesken Konflikte zwischen den Touristen auf dem Friedhof am Beginn des Stückes werden im weiteren Verlauf in den politisch-militärischen Antagonismen gespiegelt. Allein die lebendigen Toten bleiben dieser Logik entzogen. Nimmt man das Stück abschließend in den Blick, so liegt es zunächst nahe, es zu historisieren und auf die besondere Erfahrungslage nach dem Ersten Weltkrieg zu beziehen.22 In einer Situation, in der der Sieg weiterhin gefeiert und die Niederlage nicht anerkannt wurde, persistiert die kriegerische Bereitschaft. Chlumberg hat eben diesen die Weltkriegsnationen umfassenden

20 Ibid., S. 15 ff. 21 Ibid., S. 21. 22 In internationaler Perspektive aufschlußreich: Jost DÜLFFER, Gerd KRUMEICH (Hrsg.), Der verlorene Frieden. Politik und Kriegskultur nach 1918, Essen, Klartext, 2002. TOTE UND TOURISTEN IN HANS CHLUMBERGS WUNDER UM VERDUN 205

Dispositionen von Kollektiven Gestalt gegeben, und insofern darf man darin ein zeitdiagnostisches Stück sehen. Auch Karl Kraus hatte mit seinem Monumentaldrama „Die letzten Tage der Menschheit“ die kriegerische Mentalität seiner Zeit auf die Bühne gebracht, und zweifellos eignet sich auch das Theater auf besondere Weise dazu, die Verfaßtheit und die Dynamik von Kollektiven zur Darstellung zu bringen, während die Lyrik und die Prosa der Perspektive eines Einzelnen verhaftet bleiben müssen.23 Im Unterschied zu Kraus bewegt sich Chlumbergs Stück jedoch nicht in der Aktualität des Kriegsgeschehens selbst.24 Es handelt sich um die Projektion ins Zukünftige, die von der Vergangenheit genährt wird, und es ist der Geist der Erinnerung und des Gedenkens, der den dramatischen Konflikt aufs Neue hervortreibt.. Damit gewinnt das Drama eine über seine Historisierung im Kontext der unmittelbaren Nachkriegszeit hinaus allgemeine Dimension. Bis heute wird täglich ersichtlich, daß, um die Worte des Boten zu wiederholen, der Kriegstoten nicht mit Resignation, sondern mit Leidenschaft gedacht wird. Die von dem deutschen Touristen, einem Überlebenden von Verdun, mit seinen Zweifeln an den Gedenkfeiern formulierte Frage „Was will man denn für die da unten?“,25 bleibt bis zu den heutigen Kriegen so akut wie das Problem, ob Lethe hier der Mnemosyne an die Seite treten dürfte oder sollte.

23 Zur Bedeutung von Gattungen für die literarischen Darstellungsweisen von Kriegen s. Christa KARPENSTEIN-ESSBACH, Orte der Grausamkeit. Die Neuen Kriege in der Literatur, München, Fink, 2011. 24 Zum Vergleich von Kraus’ und Chlumbergs Dramen s. P. J. BRANSCOMBE, „Some Depictions of the First World War in Austrian Drama“, in B. O. MURDOCH, M. G. WARD (Hrsg.), Studies in Modern Austrian Literature, Glasgow, University Printing, 1981, S. 74-86. 25 Hans CHLUMBERG, Wunder um Verdun, S. 23.

Der Erste Weltkrieg als deutsch- französischer Erinnerungsort? Zwischen nationalem Gedenken und europäischer Geschichtspolitik

Johannes GROSSMANN Université de Tübingen

Konzepte

Erinnerungsort

Ganz offensichtlich hatte Pierre Nora nicht vorausgeahnt, dass er durch die Herausgabe seines ursprünglich auf drei Bände angelegten Kompendiums französischer “lieux de mémoire” die geschichtswissenschaftliche Forschung nachhaltig beeinflussen würde. Denn erst gegen Ende seiner zwischen 1984 und 1992 erschienenen und letztlich auf sieben Bände angewachsenen Nationalgeschichte “zweiten Grades”1, welche die Nation und ihre Vergangenheit nicht als realhistorische Größe, sondern als ein auf Symbolen und Mythen basierendes Konstrukt verstand, präsentierte er den Lesern eine Definition seines zentralen Analysebegriffes: “Lieu de mémoire, donc: toute unité significative, d’ordre matériel ou idéel, dont la volonté des hommes ou le travail du temps a fait un élément symbolique du patrimoine mémoriel d’une quelconque communauté”2. Eine weiterreichende Definition, die eine Übertragung von Noras Konzept auf andere nationale oder nicht-nationale Kontexte ermöglichte, entwickelten Étienne François und Hagen Schulze. In ihrer Adaption betonten sie vor allem die identitätsstiftende Funktion und den dynamischen Charakter von Erinnerungsorten :

1 Pierre NORA, “Comment écrire l’histoire de la France?”, in ders. (Hrsg.), Les lieux de mémoire, Bd. III: Les France, Teilbd. 1, Paris, Gallimard, 1992, S. 9–32, hier S. 25. 2 Ibid. S. 20. 208 JOHANNES GROSSMANN

Es handelt sich um langlebige, Generationen überdauernde Kristallisationspunkte kollektiver Erinnerung und Identität, die in gesellschaftliche, kulturelle und politische Üblichkeiten eingebunden sind und die sich in dem Maße verändern, in dem sich die Weise ihrer Wahrnehmung, Aneignung, Anwendung und Übertragung verändert.3

Die Dynamik der von ihnen untersuchten gedächtnisgeschichtlichen Prozesse und das aktive Moment im Handeln der daran beteiligten Akteure unterstrichen François und Schulze außerdem, indem sie sich bewusst dafür entschieden, “lieu de mémoire” nicht mit dem bis dahin im Deutschen gebräuchlichen Begriff “Gedächtnisort”, sondern mit dem Begriff “Erinnerungsort” zu übersetzen4. Definition und Begriffswahl von François und Schulze sollen für die nachfolgenden Überlegungen übernommen, gleichzeitig aber um eine scheinbar beiläufige, tatsächlich aber für die Analyse von Erinnerungsorten unverzichtbare Bemerkung Noras ergänzt werden. Demzufolge zeichnen drei Eigenschaften einen Überrest als “lieu de mémoire” aus5. Dazu zählt erstens seine materielle Qualität, wobei “materiell” nicht unbedingt gegenständlich bedeuten muss. So kann der Überrest beispielsweise ein konkreter geographischer Ort, ein Zeitpunkt, eine Person oder ein Text sein, aber auch ein fiktiver Ort oder eine Legende. Dem Überrest muss zweitens ein symbolischer Wert zugemessen sein. Er muss also in einem gruppenspezifischen Bezugsrahmen “für etwas stehen” und dabei drittens einen funktionalen Gehalt haben, also auf die jeweilige Gegenwart bezogen sein. Dieser funktionale Gehalt kann sich wandeln und dadurch auf den symbolischen Wert des Erinnerungsortes zurückwirken.

Geteilte, parallele und gemeinsame Erinnerungsorte

Noras Ansatz wurde rasch auf andere Länder übertragen. Bis 2010 entstanden Sammelbände und Monographien zu italienischen, deutschen, österreichischen, niederländischen, luxemburgischen, russischen, belgischen und schweizerischen Erinnerungsorten6. Gleichzeitig versuchten Historiker, Noras Fixierung auf die Nation zu dekonstruieren und die Existenz von regionalen, lokalen und milieubezogenen Gedächtnisorten, von

3 Étienne FRANÇOIS, Hagen SCHULZE, “Einleitung”, in dies. (Hrsg.), Deutsche Erinnerungsorte, Bd. I, München, Beck, 2000, S. 9–24, hier S. 18. 4 Vgl. Tilmann ROBBE, Historische Forschung und Geschichtsvermittlung. Erinnerungsorte in der deutschsprachigen Geschichtswissenschaft, Göttingen, V&R unipress, 2009, S. 124–126. 5 Pierre NORA, “Entre mémoire et histoire. La problématique des lieux”, in ders. (Hrsg.), Les lieux de mémoire, Bd. I, La République, Paris, Gallimard, 1984, S. XV–XLII, hier S. XXXIV. 6 Vgl. den Überblick von Kornelia KOCZAL, “Erinnerungsorte. Über die Karriere eines folgenreichen Konzepts”, in Hans Henning HAHN, Robert TRABA (Hrsg.), Deutsch-Polnische Erinnerungsorte, Bd. 4, Reflexionen, Paderborn, Schöningh, 2013, S. 79–106. DER ERSTE WELTKRIEG ALS DEUTSCH-FRANZÖSISCHER ERINNERUNGSORT? 209 epocheneigenen, grenzüberschreitenden, binationalen, transnationalen und europäischen Erinnerungsorten nachzuweisen7. Gerade die deutsch- französische Beziehungsgeschichte diente dabei wiederholt als Untersuchungsfeld für erinnerungsgeschichtliche Zusammenhänge und Narrative jenseits nationalgeschichtlicher Engführungen8. Anknüpfend daran soll hier der Frage nachgegangen werden, ob und inwiefern es sich beim Ersten Weltkrieg um einen deutsch-französischen Erinnerungsort handelt. In Anlehnung an ein derzeit in der Abschlussphase befindliches Forschungsprojekt von Hans Henning Hahn und Robert Traba zur deutsch-polnischen Erinnerungsgeschichte9 und in systematisierender Bezugnahme auf die von Nora beschriebene Trias aus materiellem, symbolischem und funktionalem Gehalt lassen sich dabei drei verschiedene Typen bi- bzw. multinationaler Erinnerungsorte ausmachen : Ein “geteilter Erinnerungsort” (im doppelten Sinne von partagé und divisé) ist demnach ein in materieller Hinsicht eindeutig bestimmbarer Überrest, dessen symbolischer und funktionaler Gehalt aber in Deutschland ein anderer ist als in Frankreich. “Parallele Erinnerungsorte” sind in materieller Hinsicht eigentlich zwei verschiedene Überreste, die aber im jeweiligen nationalen Gedächtnis einen ähnlichen bzw. vergleichbaren symbolischen und funktionalen Gehalt aufweisen. Als “gemeinsamer Erinnerungsort” bezeichnet werden kann schließlich ein in materieller Hinsicht eindeutig bestimmbarer Überrest, dessen symbolischer und funktionaler Gehalt in beiden nationalen Erinnerungskulturen und -kontexten (weitgehend) übereinstimmt.

7 Vgl. zusammenfassend ROBBE, Historische Forschung, insbesondere S. 145–181. Siehe außerdem neuerdings: Pim den BOER, Heinz DUCHHARDT, Georg KREIS, Wolfgang SCHMALE (Hrsg.), Europäische Erinnerungsorte, 3 Bde., München, Oldenbourg, 2012. 8 Siehe insbesondere Étienne FRANÇOIS, Hannes SIEGRIST, Jakob VOGEL (Hrsg.), Nation und Emotion. Deutschland und Frankreich im Vergleich, 19. und 20. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1995; Horst MÖLLER, Jacques MORIZET (Hrsg.), Franzosen und Deutsche. Orte der gemeinsamen Geschichte, München, Beck, 1996; Rainer HUDEMANN (Hrsg.), Stätten grenzüberschreitender Erinnerung. Spuren der Vernetzung des Saar-Lor-Lux- Raumes im 19. und 20. Jahrhundert – Lieux de la mémoire transfrontalière. Traces et réseaux dans l’espace Sarre-Lor-Lux aux XIXe et XXe siècles, Saarbrücken, 3. Aufl., 2009, http://www. memotransfront.uni-saarland.de; Thomas KELLER (Hrsg.), Cahiers d’Études Germaniques, Nr. 53, 2/ 2007, Lieux de migration/ lieux de mémoire franco-allemands. 9 Hans Henning HAHN, Robert TRABA (Hrsg.), Deutsch-Polnische Erinnerungsorte, 5 Bde., Paderborn, Schöningh, 2012–2013. Zwar wird in diesem Projekt begrifflich zwischen den nachstehend genannten drei Typen von Erinnerungs- bzw. Gedächtnisorten unterschieden, die Differenzierung zwischen “gemeinsamen” und “geteilten” Gedächtnisorten bleibt jedoch unscharf und wird nicht theoretisch begründet. 210 JOHANNES GROSSMANN materiell matériel symbolisch symbolique funktional fonctionnel

geteilter Erinnerungsort = ≠ ≠ lieu de mémoire partagé / divisé

paralleler Erinnerungsort ≠ = = lieu de mémoire parallèle

gemeinsamer Erinnerungsort = = = lieu de mémoire commun

Geschichtspolitik

Mit dem Terminus der “Geschichtspolitik” enthält der Titel dieses Beitrags einen weiteren Begriff, der einer genaueren Bestimmung bedarf. Edgar Wolfrum definiert Geschichtspolitik als

ein Handlungs- und Politikfeld, auf dem verschiedene politische Akteure die Vergangenheit mit bestimmten Interessen befrachten und in der Öffentlichkeit um Zustimmung ringen. Dabei bestehen vielfältige Interdependenzen zwischen Politik, Publizistik, Wissenschaft und öffentlicher Meinung. Moderne Demokratien werden durch Deutungszusammenhänge mobilisiert; Geschichte kann hier ein wichtiges Vehikel sein, um Zusammenhänge zwischen diffusen Gruppen zu schaffen, Auseinandersetzungen zu polarisieren, Skandale zu provozieren oder den politischen Gegner zu delegitimieren.10

Dieser Definition zufolge sind Erinnerungsorte untrennbarer Bestandteil des geschichtspolitischen Feldes. Denn ihr symbolischer und ihr funktionaler Gehalt sind das Resultat eines ständigen Aushandlungsprozesses zwischen verschiedenen Sphären der Geschichtskultur. Unterscheiden lassen sich dabei idealtypisch die von individuellen Akteuren getragene, von persönlicher und

10 Edgar WOLFRUM, “Geschichtspolitik in der Bundesrepublik Deutschland 1949–1989”, in Aus Politik und Zeitgeschichte, Bd. 45, 1998, S. 3–15, hier S. 5. DER ERSTE WELTKRIEG ALS DEUTSCH-FRANZÖSISCHER ERINNERUNGSORT? 211 familiärer Erinnerung geprägte “private Geschichtskultur”, die von (nichtstaatlichen) gemeinschaftlichen Akteuren dominierte, beispielsweise von (privaten) Museen, Geschichtsvereinen oder geschichtswissenschaftlicher Forschung vertretene “ungelenkte institutionelle Geschichtskultur” sowie die staatliche Domäne der “gelenkten institutionellen Geschichtskultur”, wie sie beispielsweise in offiziellen Verlautbarungen, der Errichtung von Denk- und Mahnmälern oder den Inhalten von Lehrplänen und Schulbüchern zum Ausdruck kommt11. Letzten Endes muss sogar das Erinnerungsort-Konzept selbst als ein Produkt beziehungsweise Instrument von Geschichtspolitik angesehen werden – sei es im Dienste nationaler, regionaler und lokaler Identitätsstiftung oder im Dienste von Annäherung, Integration und Völkerverständigung. So verweist Tilmann Robbe zu Recht darauf, dass Noras Begriff des “lieu de mémoire” rasch vom Staat vereinnahmt und dadurch

zum Werkzeug dessen geworden [sei], das zu beschreiben er konzipiert worden war. Das Polaritätsverhältnis zwischen wissenschaftlicher Deskription und Reflexion einerseits und der Nutzung als Instrument der Selbstvergewisserung andererseits, das in der Entwicklung des französischen Projektes sichtbar wird, zieht sich durch alle nachfolgenden Verwendungen des Begriffs der Erinnerungsorte.12

Als “Leitbegriff staatlicher wie gesellschaftlicher Vergangenheitspflege13” sind Gedächtnis- bzw. Erinnerungsorte dadurch selbst zur geschichts- politischen Verfügungsmasse geworden.

2. Konjunkturen

1914/18 bis 1961/62 – Von der Kriegsschuldfrage zur einmütigen Amnesie

Im Hinblick auf die “private Geschichtskultur” und das individuelle Gedenken in der Zeit unmittelbar nach dem Ersten Weltkrieg lässt sich in beiden Ländern eine tiefe Kluft zwischen der Erinnerung der Frontsoldaten und der Erinnerung der übrigen Bevölkerung beobachten. So beruhte das Bild, das sich die breite Bevölkerung von der Front machte, auf einer mangelnden Kenntnis der Kriegswirklichkeit und der “zu guten Teilen auf

11 Vgl. Tobias ARAND, “Geschichtskultur des Ersten Weltkriegs – Prolegomena zu einer Systematik”, in ders. (Hrsg.), Die „Urkatastrophe“ als Erinnerung. Geschichtskultur des Ersten Weltkriegs, Münster, Zentrum für Lehrerbildung, 2006, S. 1–14, hier S. 8–10. 12 ROBBE, Historische Forschung, S. 111. 13 Ibid. 212 JOHANNES GROSSMANN reinem Wunschdenken basierende[n] Propaganda14”. In Deutschland konnte sich daher kein allseits akzeptiertes Erinnerungsnarrativ entwickeln. Veteranenverbände radikalisierten sich, stellten die neue politische Ordnung in Frage und führten den “Krieg im Frieden15” weiter gegen “Erfüllungspolitiker”, “Kriegsgewinnler”, “Bolschewisten”, “Juden” … Auch in Frankreich war die Erinnerung der Soldaten alles andere als deckungsgleich mit den Erfahrungen der an der “Heimatfront”. Beide Gruppen konnten sich jedoch im Narrativ der aufopferungsvollen und letztlich erfolgreichen Verteidigung der Nation wiederfinden. Die meisten Veteranenverbände huldigten einem – bei aller Kritik am parlamentarischen System – republiktreuen Antimilitarismus und Pazifismus, der auch die politischen Entscheidungsprozesse nachhaltig beeinflusste16. In der “ungelenkten” und “gelenkten institutionellen Geschichtskultur” – in dieser Phase kaum voneinander zu trennen – blieb die Kriegsschuldfrage das dominierende Thema. Historiker erarbeiteten im Auftrag der Regierungen “Farbbücher”, um den eigenen Anteil am Ausbruch des Krieges zu bagatellisieren und die Verantwortung der Gegenseite zuzuschieben17. Was interessierte, war nicht der Krieg selbst, sondern seine Vorgeschichte: “Weder in Deutschland noch in Frankreich […]”, so Gerhard Hirschfeld, “fand der Erste Weltkrieg in den 1920er und 1930er Jahren eine historiographische Darstellung, die jenseits eng gefasster militärgeschichtlicher Fragestellungen wissenschaftlichen Ansprüchen genügt hätte18”. Die Erinnerungen der Frontsoldaten gingen erst unter dem Nationalsozialismus in den offiziellen staatlichen Diskurs über den Weltkrieg ein. Doch waren es nicht die nachdenklichen Töne, sondern die “mythische[n] Beschwörungen” vermeintlich heroischer Episoden, denen die Nationalsozialisten Gehör verschafften19. Diese Erinnerung an den Ersten Weltkrieg war hochgradig selektiv und stand im Dienste der Machtsicherung und der “Wehrhaftmachung” – weshalb das Thema nach 1945 anrüchig erschien und die Erforschung des Krieges “in den ersten Jahrzehnten nach dem Zweiten Weltkrieg in Deutschland nahezu obsolet war20”. In Frankreich wiederum verlor die Erinnerung an den Ersten Weltkrieg durch die

14 Gerd KRUMEICH, “Konjunkturen der Weltkriegserinnerung”, in Rainer ROTHER (Hrsg.), Der Erste Weltkrieg 1914–1918. Ereignis und Wirkung, Berlin, Minerva, 2004, S. 68–74, hier S. 69. 15 Bernd ULRICH, Benjamin ZIEMANN (Hrsg.), Krieg im Frieden. Die umkämpfte Erinnerung an den Ersten Weltkrieg, Quellen und Dokumente, Frankfurt a. M., Fischer, 1997. 16 Vgl. Antoine PROST, Les anciens combattants et la société française, 1914–1939, Bd. 3: Mentalités et idéologies, Paris, Presses de la Fondation Nationale de Sciences Politiques, 1977. 17 Sascha ZALA, Geschichte unter der Schere politischer Zensur. Amtliche Aktensammlungen im internationalen Vergleich, München, Oldenbourg, 2001, insbesondere S. 47–91. 18 Gerhard HIRSCHFELD, “Der Erste Weltkrieg in der deutschen und internationalen Geschichtsschreibung”, in Aus Politik und Zeitgeschichte, B 29–30, 2004, S. 3–12, hier S. 4. 19 Ibid., S. 5. 20 KRUMEICH, “Konjunkturen”, S. 71f. DER ERSTE WELTKRIEG ALS DEUTSCH-FRANZÖSISCHER ERINNERUNGSORT? 213

Niederlage von 1940 und den Wandel des Weltkriegshelden Philippe Pétain zum Erfüllungsgehilfen der deutschen Besatzungsmacht ihre Funktion als Kitt politischer, sozialer und ideologischer Gegensätze. Auch hier trat der Erste Weltkrieg als geschichtspolitischer Referenzpunkt und als Thema der Forschung nach 1945 vorerst in den Hintergrund21. Diese durch den Nationalsozialismus und die Vichy-Erfahrung ausgelöste, zumindest partielle, Amnesie kam auch darin zum Ausdruck, dass die Gespräche der deutsch- französischen Schulbuchkommission 1951 in einer erstaunlich einmütigen Vereinbarung mündeten: “Die Dokumente erlauben es nicht, im Jahre 1914 irgendeiner Regierung oder einem Volk den bewussten Willen zu einem europäischen Kriege zuzuschreiben22.”

1961/62 bis 1989/91 – Von der Fischer-Kontroverse zur Alltagsgeschichte

Um diesen stillschweigenden Konsens war es 1961 geschehen, als der Hamburger Historiker Fritz Fischer die Kriegsschulddebatte mit seiner These vom deutschen Griff nach der Weltmacht23 neu belebte und damit nicht nur die deutsche Geschichtswissenschaft24, sondern auch die Weltkriegsforschung in anderen Ländern in Bewegung brachte. So setzte, befeuert durch die Auflösung des französischen Kolonialreiches, nun auch in Frankreich eine Diskussion über Hegemonialpolitik ein. Da gesellschaftliche und politische Widerstände eine quellengestützte historiographische Auseinandersetzung mit der jüngsten Vergangenheit behinderten, konzentrierte sich diese Debatte notgedrungen erst einmal auf die Entwicklungen des 19. und des frühen 20. Jahrhunderts25. Im Mittelpunkt der nun auch in den Massenmedien ausgetragenen Debatten über die Verortung des Ersten Weltkriegs in seinem breiteren zeitlichen Umfeld stand jedoch nicht mehr nur die Kriegsschuldfrage. Vielmehr galt das Interesse nun vorrangig den wirtschaftlichen und sozialen Implikationen des Krieges, die zunehmend in vergleichender Perspektive

21 Vgl. zu dieser Einschätzung auch den historiographiegeschichtlichen Überblick von Antoine PROST, Jay WINTER, Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie, Paris, Seuil, 2004, insbesondere S. 15–50. 22 Zitiert nach: Romain FAURE, “Vom internationalen zum historiographischen Konflikt. Der Erste Weltkrieg in der Deutsch-Französischen Schulbuchkommission”, in Eckert. Das Bulletin, Nr. 11, 2012, S. 11–14, hier S. 12f. 23 Fritz FISCHER, Griff nach der Weltmacht. Die Kriegszielpolitik des kaiserlichen Deutschland 1914/1918, Düsseldorf, Droste, 1961. 24 Zum Verlauf der Debatte siehe zusammenfassend: Klaus GROSSE KRACHT, “Die Fischer-Kontroverse. Von der Fachdebatte zum Publikumsstreit”, in ders., Die zankende Zunft. Historische Kontroversen in Deutschland nach 1945, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2. Aufl., 2011, S. 47–67. 25 Siehe dazu emblematisch Henri BRUNSCHWIG, Mythes et réalités de l’impérialisme colonial français, 1871–1914, Paris, Colin, 1960. 214 JOHANNES GROSSMANN untersucht wurden26. Dass diese – für die Entwicklung der Geschichtswissenschaft insgesamt prägende – Hinwendung zur Struktur- und Gesellschaftsgeschichte in den sechziger und siebziger Jahren alles andere als unpolitisch war, verdeutlichen die Auseinandersetzungen über die eng mit der Weltkriegshistoriographie verbundene These vom deutschen “Sonderweg27”. Allerdings verliefen die Konfliktlinien nunmehr weniger entlang nationaler Grenzen, sondern entlang politischer Einstellungen und ideologischer Überzeugungen. Eine gewisse Entpolitisierung der Diskussion ließ sich erst seit den späten siebziger Jahren beobachten, als alltags- und mentalitätsgeschichtliche Deutungsmuster einen anderen Blick auf den Ersten Weltkrieg ermöglichten. Das individuelle Gedenken der noch lebenden ehemaligen Frontsoldaten erhielt nun einen neuen Stellenwert. Sowohl in Frankreich als auch in der Bundesrepublik wurde der Kampf zwischen Mensch und Maschine vor der grauen Kulisse kraterübersäter Mondlandschaften zur vorherrschenden Meistererzählung vom Ersten Weltkrieg – illustriert durch Fotografien von zerschundenen Körpern, zerschossenen Bäumen und endlosen Schlacht- feldern. Kriegstagebücher, Feldpostkarten und Zeitzeugengespräche, von der Forschung als neue Quellen entdeckt, zeugten von der Inhumanität des industriellen Krieges und vom Zynismus der Armeeführung gegenüber den “einfachen” Soldaten28.

1989/91 bis heute – Auf dem Weg in eine gesamteuropäische Gedenkkultur?

Die dritte und bislang letzte Phase der Erinnerung begann um 1989/91 und dauert bis heute an. Sie ist gekennzeichnet durch den Tod der letzten verbliebenen Zeitzeugen und damit durch jenen Übergang vom “kommunikativen” zum “kulturellen Gedächtnis” – man könnte auch sagen: von der Zeitgeschichte zur Geschichte –, in dessen Zuge Jan Assmann zufolge die vormals alltagsnahe, sprachgebundene, “lebendige” Erinnerung “auskristallisiert in die Formen der objektivierten Kultur”, ihren “Gruppen- und Gegenwartsbezug” verliert und zur identitätsstiftenden “Erinnerungs- figur” wird29. Tatsächlich lässt sich seit etwa 25 Jahren beobachten, wie die alltags- und mentalitätsgeschichtliche Perspektive – zumindest in den westlichen Gesellschaften – von fast allen geschichts- und erinnerungspolitischen Akteuren internalisiert wird und die alten nationalen Meistererzählungen in

26 HIRSCHFELD, “Der Erste Weltkrieg”, S. 7. 27 Zur “Sonderwegs”-Debatte siehe zusammenfassend: Hans-Peter ULLMANN, Politik im Deutschen Kaiserreich, 1871–1918, München, Oldenbourg, 2. Aufl., 2005, S. 53–62. 28 HIRSCHFELD, “Der Erste Weltkrieg”, S. 8–10. 29 Jan ASSMANN, “Kollektives Gedächtnis und kulturelle Identität”, in ders., Tonio HÖLSCHER (Hrsg.), Kultur und Gedächtnis, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1988, S. 9–19, hier S. 11f. DER ERSTE WELTKRIEG ALS DEUTSCH-FRANZÖSISCHER ERINNERUNGSORT? 215

Schulbüchern und Museen, in Zeitung, Film und Fernsehen ersetzt. Eine vergleichende beziehungsweise europäische Darstellung des Krieges, wie im 1992 eröffneten Historial de la Grande Guerre in Péronne30, im 2005 in europäischer Koproduktion gedrehten Kinohit Merry Christmas / Joyeux Noël über den “Weihnachtsfrieden” von 191431 oder im 2008 erschienenen zweiten Band des deutsch-französischen Geschichtsbuchs32, ist nicht nur weithin akzeptiert, sondern vielmehr geschichtspolitisches Gebot. Diese Entwicklung kollidiert jedoch mit einer Re-Politisierung und Re- Nationalisierung der Erinnerung in Ost- und Ostmitteleuropa seit dem Fall des Eisernen Vorhangs. Denn seit den neunziger Jahren wird die Geschichte der “vergessenen Front33” im Osten in den vormals kommunistisch regierten Ländern auf die geschichtspolitische Agenda gesetzt. Nicht selten wird dabei die Erinnerung an den Ersten Weltkrieg instrumentalisiert, um wiedererwachten ethnischen, nationalen und hegemonialen Forderungen Nachdruck zu verleihen. Der in siebzig Jahren ausgehandelte westeuropäische Erinnerungskonsens sieht sich dadurch erneut in Frage gestellt. Parallel dazu lässt sich eine Re-Individualisierung und Diversifizierung der Erinnerung im Internet und in neuen sozialen Medien beobachten34, die einen Resonanzraum für nationale Animositäten, Mystifizierung und historische Halbwahrheiten bildet und sich der Einbindung in einen europäischen Erinnerungskonsens entzieht.

Verortungen

“1914” – Europa zwischen Selbstzerstörung und Selbstfindung

Ist der Erste Weltkrieg nun ein deutsch-französischer Erinnerungsort? Oder vorsichtiger formuliert: Hat der Erste Weltkrieg deutsch-französische Erinnerungsorte hervorgebracht? Drei Beispiele sollen herausgegriffen werden, um nach Antworten auf diese Frage zu suchen und die Vielschichtigkeit der deutsch-französischen “Erinnerungslandschaft” im

30 Siehe Sophie WAHNICH, Antoine TISSERON, “‘Disposer des corps’ ou mettre la guerre au musée. L’historial de Péronne, un musée d’histoire européenne de la guerre de 1914–1918”, in Tumultes, Nr. 16, 2001, S. 55–81. 31 Siehe Sylvia PALETSCHEK, “Der Weihnachtsfrieden 1914 und der Erste Weltkrieg als neuer (west-) europäischer Erinnerungsort. Epilog”, in dies., Barbara KORTE, Wolfgang HOCHBRUCK (Hrsg.), Der Erste Weltkrieg in der populären Erinnerungskultur, Klartext, Essen, 2008, S. 213–220. 32 Daniel HENRI, Guillaume LE QUINTREC, Peter GEISS (Hrsg.), Histoire/ Geschichte. Deutsch-französisches Geschichtsbuch, Gymnasiale Oberstufe, Bd. 2, Europa und die Welt vom Wiener Kongress bis 1945, Stuttgart, Klett, 2008, insbesondere S. 187–231. 33 Gerhard P. GROSS (Hrsg.), Die vergessene Front – der Osten 1914/15. Ereignis, Wirkung, Nachwirkung, Paderborn, Schöningh, 2006. 34 Gundula BAVENDAMM, “Der Erste Weltkrieg im Internet”, in GROSS (Hrsg.), Die vergessene Front, S. 373–391. 216 JOHANNES GROSSMANN

Hinblick auf den Ersten Weltkrieg zu verdeutlichen. Da wäre zunächst “1914” als das Jahr des Kriegsbeginns. Im deutsch-französischen Zusammenhang könnte “1914” zunächst einmal “Sarajevo 1914” bedeuten – und damit auf einen geteilten Erinnerungsort verweisen. Geteilt, weil es sich einerseits um den gleichen materiellen Überrest handelt: das tödliche Attentat auf den österreichischen Thronfolger, Auslöser der “Julikrise” und Anlass des Kriegsausbruchs. Geteilt, weil sich dessen symbolischer und funktionaler Gehalt in Deutschland und Frankreich lange voneinander unterschieden. So stand “Sarajevo 1914” in Deutschland symbolisch für die serbische Aggression gegen den Bündnispartner und wurde funktionalisiert, um die “Nibelungentreue” gegenüber dem Habsburgerreich zu beschwören bzw. die Verantwortung für den Kriegsausbruch von sich zu weisen. In Frankreich galt “Sarajevo 1914” als Symbol für den Anachronismus des “Völkerkerkers” Österreich-Ungarn und den hegemonialen Drang des Deutschen Kaiserreiches und konnte somit ebenfalls zur Rechtfertigung des eigenen Verhaltens in der “Julikrise” funktionalisiert werden. Später entwickelte sich der geteilte zu einem gemeinsamen Erinnerungsort: “Sarajevo 1914” stand nun für das unheilvolle Aufeinanderprallen nationaler und hegemonialer Interessen, im weiteren Sinne für die Selbstzerstörung und den “Untergang des alten Europa35”. Diese Deutung entfaltete in den 1990er Jahren vor dem Hintergrund des jugoslawischen Bürgerkriegs ihre volle funktionale Wirkung. “Sarajevo 1914” wurde zum Warnzeichen für eine durch ethnische Konflikte drohende Rückkehr des Krieges nach Europa. Dass durch diesen erinnerungsgeschichtlichen Rekurs auch alte nationale Ressentiments zu neuem Leben erwachten, illustriert die damals gerade in Frankreich kursierende Furcht vor einem, durch die USA gestützten, neuen deutschen Hegemonialstreben in (Ost-)Europa36. “1914” könnte im deutsch-französischen Zusammenhang aber auch für die “Union sacrée” und den “Burgfrieden” stehen, und damit auf einen parallelen Erinnerungsort verweisen. Parallel, weil es sich bei der in Frankreich von Staatspräsident Raymond Poincaré am 4. August 1914 verkündeten, wenig später durch den Regierungseintritt sozialistischer Politiker besiegelten “Union sacrée” im Zeichen der militärischen Bedrohung unzweifelhaft um ein anderes historisches Ereignis handelte als um den am gleichen Tag von Kaiser Wilhelm I. für das Deutsche Reich proklamierten “Burgfrieden”, also die Zurückstellung aller ideologischen, sozialen und konfessionellen Konflikte für die Dauer des Krieges. Parallel, weil der symbolische und funktionale Gehalt dieser zwei Erinnerungsorte in den jeweiligen nationalen Kontexten vergleichbar waren. Sowohl die Verkündung der “Union sacrée” als auch die des “Burgfriedens” waren von vornherein als symbolische Akte

35 Volker R. BERGHAHN, Sarajewo, 28. Juni 1914. Der Untergang des alten Europa, München, DTV, 1997. 36 Vgl. beispielhaft für derartige Schreckensszenarien: Pierre-Marie GALLOIS (Hrsg.), Guerres dans les Balkans. La nouvelle Europe germano-américaine, Paris, Ellipses, 2002. DER ERSTE WELTKRIEG ALS DEUTSCH-FRANZÖSISCHER ERINNERUNGSORT? 217 konzipiert. Die Erinnerung daran wurde – weit über den Krieg hinaus – für die Wahrung der nationalen Einheit, die Disqualifizierung politischer Gegner und die Ruhigstellung revolutionärer Kräfte funktionalisiert37. Freilich entwickelte sich auch eine pazifistische bzw. “antiimperialistische” Gegenerinnerung, die “Union sacrée” und “Burgfrieden” als Symbole für das Versagen der Sozialisten in der “Julikrise” deutete. Heutzutage hat sich die Erinnerung an die “Union sacrée” und den “Burgfrieden” allerdings weitgehend von ihren nationalistischen und revolutionären Traditionslinien gelöst und ist, wie das Attentat von Sarajevo, die “Julikrise” und das “Augusterlebnis”, in einer gemeinsamen deutsch-französischen bzw. westeuropäischen Erinnerung an die “Urkatastrophe” des Jahres 1914 aufgegangen.

“Verdun” – Der Erste Weltkrieg als deutsch-französischer Krieg

“Verdun”, das wie kaum ein anderer Begriff für die deutsch-französische Dimension des Ersten Weltkriegs steht, beginnt seine gedächtnisgeschichtliche Karriere ebenfalls als geteilter Erinnerungsort. Der materielle Bezugspunkt in Deutschland und Frankreich ist der selbe: die Schlacht um Verdun, von Februar bis Dezember 1916, mehr als 300 000 Tote, unzählige Verwundete, über 50 Millionen Granateinschläge, ein Landstrich von 260 km2 von Gräben durchzogen, von Kratern übersät, auf Dauer verödet. “Verdun” war zweifellos ein “Mikrokosmos des Ersten Weltkrieges”38. Doch im Gegensatz zu anderen Kriegsschauplätzen der Westfront wie an der Marne, an der Somme oder in Flandern, standen sich hier fast ausschließlich französische und deutsche Soldaten gegenüber. Der symbolische und funktionale Wert, der dieser Schlacht in Frankreich und Deutschland beigemessen wurde, unterschied sich zunächst deutlich. In Frankreich wurde “Verdun” zum Symbol für die erfolgreiche Verteidigung der Heimat unter großen Opfern39. In funktionaler Hinsicht diente “Verdun” der Beschwörung der nationalen Einheit und zur Rechtfertigung einer vorrangig defensiven, zunehmend rückständigen Militärstrategie. Über den zum “Helden von Verdun” stilisierten Oberkommandierenden Philippe Pétain wurde “Verdun” schließlich zum Referenzmythos des Vichy-Regimes40. In

37 Siehe in vergleichender Perspektive: Wolfram PYTA, Carsten KRETSCHMANN (Hrsg.), Burgfrieden und Union sacrée. Literarische Deutungen und politische Ordnungsvorstellungen in Deutschland und Frankreich 1914–1933, München, Oldenbourg, 2011. 38 Gerd KRUMEICH, “Verdun. Ein Ort gemeinsamer Erinnerung?”, in MÖLLER, MORIZET (Hrsg.), Franzosen und Deutsche, S. 162–184, hier S. 167. 39 Zum Werdegang “Verduns” als französischer Gedächtnisort vgl. Antoine PROST, “Verdun”, in NORA (Hrsg.), Les lieux de mémoire, Bd. II: La Nation, Teilbd. 3, Paris, Gallimard, 1986, S. 111–141; Serge BARCELLINI, “Mémoire et mémoires de Verdun 1916–1996”, in Guerres mondiales et conflits contemporains, Nr. 182, 1996, S. 77–98. 40 Pierre SERVENT, Le mythe Pétain. Verdun ou les tranchées de la mémoire, Paris, Payot, 1992. 218 JOHANNES GROSSMANN

Deutschland stand “Verdun” für die Tapferkeit des einsamen, von der Heimat im Stich gelassenen Frontsoldaten und wurde damit zum Referenzpunkt für die “Dolchstoßlegende”. Der geteilte Erinnerungsort “Verdun” wurde schließlich durch geschichtspolitische Interventionen zum gemeinsamen Erinnerungsort stilisiert. Die Nationalsozialisten sahen “Verdun” vor allem als Symbol für die vermeintliche deutsch-französische “Erbfeindschaft”, die freilich als ehrenwerter Kampf der “besten Soldatenvölker der Alten Welt41” gezeichnet wurde. Ganz auf dieser Linie lag das Treffen französischer und deutscher “Verdun-Kämpfer” in der Nacht vom 12. auf den 13. Juli 1936 vor dem monumentalen Beinhaus von Douaumont. Der dort geleistete Friedensschwur ließ sich – nur kurze Zeit nach der widerrechtlichen Remilitarisierung des Rheinlandes – von der nationalsozialistischen Propaganda als Demonstration der angeblichen deutschen Versöhnungsbereitschaft funktionalisieren. Der Mythos von Verdun wurde damit zum Instrument der von Otto Abetz und seiner Deutsch-französischen Gesellschaft im Auftrag der Dienststelle Ribbentrop betriebenen Annäherungspolitik, die zahlreiche französische Entscheidungsträger in ihrer besänftigenden Haltung gegenüber Deutschland bestärkt haben dürfte42. Unbewusst knüpften François Mitterrand und Helmut Kohl an die in den dreißiger Jahren vollzogene Umdeutung an, als sie im September 1984 an gleicher Stelle mit ihrem Handschlag ein neues Kapitel in der Geschichte des Erinnerungsortes “Verdun” eröffneten. Auch Mitterrand und Kohl interpretierten “Verdun” als einen gemeinsamen Erinnerungsort, der symbolisch für den deutsch-französischen “Bruderkampf” stand. Sie betten diesen Erinnerungsort allerdings in einen anderen funktionalen Zusammenhang ein und instrumentalisierten ihn für die öffentliche Bestärkung der von Konrad Adenauer und Charles de Gaulle entworfenen Meistererzählung von der deutsch-französischen “Aussöhnung”. Sie stellten “Verdun” damit in den Dienst einer verstärkten deutsch-französischen Annäherung und einer forcierten europäischen Integration43. Mit der Einrichtung eines internationalen Begegnungszentrums, des Centre Mondial de la Paix, im Bischofspalast von Verdun hat der Prozess der Umdeutung zu einem gemeinsamen Erinnerungsort 1990 seinen vorläufigen Abschluss gefunden.

41 Wilhelm ZIEGLER, Verdun, Hamburg, Hanseatische Verlags-Anstalt, 1936, S. 188. 42 Vgl. Roland RAY, Annäherung an Frankreich im Dienste Hitlers? Otto Abetz und die deutsche Frankreichpolitik 1930–1942, München, Oldenbourg, 2000, hier S. 147. 43 Vgl. Ulrich PFEIL, “Der Händedruck von Verdun. Pathosformel der deutsch- französischen Versöhnung”, in Gerhard PAUL (Hrsg.), Das Jahrhundert der Bilder, Bd. 2: 1949 bis heute, Göttingen,Vandenhoeck & Ruprecht, 2008, S. 498–505. DER ERSTE WELTKRIEG ALS DEUTSCH-FRANZÖSISCHER ERINNERUNGSORT? 219

“Versailles” – Vom verlorenen Frieden zur deutsch-französischen “Aussöhnung”?

Der letzte hier analysierte Erinnerungsort bezieht sich auf ein Ereignis, das zeitlich schon außerhalb der eigentlichen Kriegshandlungen liegt. “Versailles44” verwies bereits vor dem Ersten Weltkrieg auf zwei parallele Erinnerungsorte, die als Symbole für die nationalstaatliche Einheit standen und als funktionale Referenzpunkte für die historische Legitimation der französischen Dritten Republik und des Deutschen Kaiserreichs dienten. In materieller Hinsicht handelte es sich allerdings nicht um ein und denselben Erinnerungsort, sondern um zwei verschiedene. Im französischen Fall wurde auf “Versailles” als historisches Machtzentrum Frankreichs Bezug genommen. Versinnbildlicht wurde dieser Bezug in der Nutzung des Schlosses als historisches Museum sowie in der an diesem Ort vollzogenen Wahl des französischen Staatspräsidenten. In Deutschland gedachte man der Kaiserproklamation vom 18. Januar 1871 im Spiegelsaal des Versailler Schlosses. Nach dem Ersten Weltkrieg wurde “Versailles” zu einem geteilten deutsch-französischen Erinnerungsort. Materiell handelte es sich bei diesem “Versailles” ohne Zweifel um den Ort des Friedensvertrages von 1919. Die symbolischen und funktionalen Implikationen dieses Erinnerungsortes waren jedoch grundverschieden. In Frankreich galt “Versailles” – gerade in Anspielung auf das Jahr 1871 – nun als Symbol für die Wiedergewinnung der nationalen Ehre und der europäischen Hegemonialstellung. In funktionaler Hinsicht untermauerte “Versailles” den Anspruch Frankreichs, als Gestalter einer neuen internationalen und sozialen Friedensordnung aufzutreten und ein deutsches Widererstarken zu verhindern. Es verwundert kaum, dass der Erinnerungsort “Versailles” für die Franzosen in dem Maße an Bedeutung verlor, wie sich dieser Anspruch als Illusion erweisen sollte. In Deutschland wurde das “Schanddiktat von Versailles” zum Inbegriff einer vermeintlichen französischen Unterdrückungspolitik sowie zum Symbol für die Schwäche der neuen demokratischen Machthaber und ihren angeblichen Verrat an den “im Felde unbesiegten” Soldaten. In diesem Sinne diente der Rekurs auf den Erinnerungsort “Versailles” als Vorwand für außenpolitischen Revisionismus und innenpolitische Agitation gegen die politischen Führer der Weimarer Republik. Die divergierenden Deutungen des Erinnerungsortes “Versailles” bestanden auch nach dem Zweiten Weltkrieg fort. In Frankreich blieb “Versailles” ein Symbol nationaler Einheit und Stärke, wurde nun allerdings – unter Ausblendung der durch Besatzung, Vichy-Regime und Résistance

44 Zum Erinnerungsort “Versailles” siehe Hélène HIMELFARB, “Versailles, fonctions et légendes”, in NORA (Hrsg.), Les lieux de mémoire, Bd. II: La Nation, Teilbd. 2, Paris, Gallimard, 1986, S. 235–292; Jean-Claude ALLAIN, “Das Schloß von Versailles”, in MÖLLER / MORIZET (Hrsg.), Franzosen und Deutsche, S. 59–77; Hagen SCHULZE, “Versailles”, in ders., FRANÇOIS (Hrsg.), Deutsche Erinnerungsorte, Bd. I, S. 407–421. 220 JOHANNES GROSSMANN entstandenen Risse in der nationalen Erinnerungskonstruktionen – eher wieder mit der vorrevolutionären und revolutionären Tradition in Verbindung gesetzt. In der Bundesrepublik wurde “Versailles”, das die unbequeme Erinnerung an die Auswüchse des preußischen Militarismus mit der an die Kriegsniederlage und die Fehlentwicklungen der Zwischenkriegszeit verband, bestenfalls aus den vorherrschenden Erinnerungsdiskursen verbannt45. Wie tief verankert die gegensätzlichen erinnerungspolitischen Deutungen des Kriegsendes und des Versailler Vertrages in der deutschen und französischen Gesellschaft bis heute sind, illustrieren die bezeichnenderweise erst in jüngster Vergangenheit unternommenen Versuche, “Versailles” in einen gemeinsamen deutsch-französischen Erinnerungsort umzudeuten. So zielte die gemeinsame Sitzung des Bundestages und der Assemblée Nationale am 22. Januar 2003 im Schloss von Versailles darauf ab, den Mythos der deutsch-französischen “Aussöhnung” auf diesen im deutsch-französischen Zusammenhang bisher negativ gedeuteten Erinnerungsort zu übertragen und ihm dadurch eine neue Symbolik zu verleihen46. Der erwünschte Effekt blieb jedoch aus. Zwar gehören die Erinnerungskriege um “Versailles” heute sicher der Vergangenheit an. Zum Symbol der deutsch-französischen “Freundschaft” ist es freilich bis heute nicht geworden. Das Beispiel “Versailles” verweist daher – wie auch der ungeschickte und letztlich gescheiterte Versuch Nicolas Sarkozys, den 11. November und damit den Tag des Waffenstillstands 1918 zum “Tag der deutsch-französischen Aussöhnung” zu machen – auf die fortbestehenden Gegensätze zwischen den deutschen und französischen Erinnerungskulturen und die zentrale Bedeutung, die dem Ersten Weltkrieg nach wie vor im Aushandlungsprozess zwischen nationalem Gedenken und europäischer Geschichtspolitik zufällt.

45 Vgl. symptomatisch dazu einen zeitgenössischen Bericht über den Besuch von Altkanzler Adenauer 1966 im Versailler Schloss: Dieter WILD, “Nach Königskindern stand ihm nicht der Sinn”, in Der Spiegel, 14.3.1966. 46 Vgl. Corine DEFRANCE, “Construction et déconstruction du mythe de la réconciliation franco-allemande”, in Ulrich PFEIL (Hrsg.), Mythes et tabous des relations franco-allemandes au XXe siècle – Mythen und Tabus der deutsch-französischen Beziehungen im 20. Jahrhundert, Bern, Lang, 2012, S. 69–85. La paradoxale productivité des temps de guerre et d’occupation. Des réflexions théoriques de Richard Cobb aux rencontres franco-germano-africaines de la Première Guerre mondiale

Hans-Jürgen LÜSEBRINK Saarbrücken

Interculturalités en temps de guerre1

Les temps de guerre et d’occupation militaire sont vus, en général et non sans raison, comme des événements, bien sûr violents, mais aussi destructeurs sur les plans humain, économique et culturel. La guerre et l’occupation par des troupes ennemies ont longtemps été considérées comme l’envers même de l’interculturalité et des échanges, transferts (inter)culturels2 et interactions qu’elle implique. Les guerres et les périodes d’occupation militaire, vues dans cette perspective traditionnelle très largement partagée, seraient ainsi essentiellement destructrices de contacts et de transferts, produisant des barrières qui bloquent la juste perception et la connaissance de l’Autre et entraînent la construction de stéréotypes, ainsi que l’élaboration et la diffusion de préjugés suscitant la haine de l’autre. Des livres emblématiques comme le pamphlet virulemment anti-français de Ernst Moritz Arndt, Über Volkshaß und den Gebrauch einer fremden Sprache (1813), paru au paroxysme des guerres napoléoniennes et au moment de la bataille de

1 Ce premier chapitre reprend des réflexions développées dans Hans-Jürgen LÜSEBRINK, « Interculturalité en temps de guerre – approches d’une problématique paradoxale », in Dossier: Interkulturalität in Zeiten des Krieges (1914-1954) / Interculturalité en temps de guerre (1914- 1954), Jahrbuch des Frankreichzentrums der Universität des Saarlandes, vol. XII, 2012, Bielefeld, Transcript, 2013, p. 99-110. 2 Voir sur le concept de transfert (inter)culturel Michel ESPAGNE / Michael WERNER (dir.), Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand (XVIIIe et XIXe siècles), Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations, 1988 ; Michel ESPAGNE, Les transferts franco- allemands, Paris, Presses universitaires de France, 1999. 222 HANS-JÜRGEN LÜSEBRINK

Leipzig3, en témoignent tout autant que les caricatures anti-allemandes de Jean-Jacques Waltz, alias Hansi, publiées en Alsace et en France pendant l’annexion de l’Alsace-Lorraine avant 1918, et durant sa nouvelle occupation par le Troisième Reich entre 1940 et 19444 ; sans parler des violents pamphlets et caricatures racistes parus dans le sillage de la campagne intitulée « La Honte noire », dirigée contre les troupes d’occupation françaises d’origine africaine et maghrébine stationnées entre 1919 en Rhénanie, dans la Sarre et dans la Ruhr5. Les guerres franco-allemandes ont également suscité, comme l’a montré Michael Jeismann dans un travail comparatiste pionnier, l’émergence et la mise en place de paradigmes de perception culturels et mentaux structurellement comparables en France et en Allemagne depuis la fin du XVIIIe siècle et la Révolution. Ceux-ci ont engendré, des deux côtés du Rhin, mais aussi dans d’autres nations et sous d’autres formes de nationalisme, des images comparables de l’Autre, issues de situations de conflit et marquées par la haine, le dénigrement de l’ennemi et la sur- valorisation de soi-même et des valeurs de sa propre nation6. Selon M. Jeismann, les structures fondamentales de ces registres de perception ont été, dans une certaine mesure, comparables, en France et en Allemagne au XIXe et pendant la première moitié du XXe siècle, même si leurs contextes historiques, politiques et intellectuels, ainsi que leurs contenus (aux fondements démocratiques et révolutionnaires ou au contraire raciaux et ethniques) se révèlent, en définitive, très différents. Pourtant, à y regarder de plus près, les choses apparaissent plus compliquées. Des historiens tels Richard Cobb, dans son remarquable ouvrage French and Germans. Germans and French. A Personal Interpretation of France under Two Occupations, 1914-1918 / 1940-19447, ont défendu la thèse, à première vue très provocatrice, que les situations de

3 Voir Hans-Jürgen LÜSEBRINK, « Ein Nationalist aus französischer Inspiration: Ernst Moritz Arndt. (1769-1860) », in Michel ESPAGNE, Werner GREILING (dir.), Frankreichfreunde. Mittler des französisch-deutschen Kulturtransfers (1750-1850), Leipzig, Leipziger Universitätsverlag (Deutsch- Französische Kulturbibliothek, vol. VII), 1997, p. 221-242. 4 Voir sous cet angle Hans-Jürgen LÜSEBRINK, « Publizistische Grenzgänger im Zeitalter des Nationalismus – der Fall des Jean-Jacques Waltz, “patriote Alsacien” », in Reinhard SCHNEIDER (dir.), “Grenzgänger”, Saarbrücken, Kommissionsverlag SDV Saarbrücker Druckerei und Verlag, 1998, p. 111-123. 5 Voir sur ce point János RIESZ, Joachim SCHULTZ (dir.), “Tirailleurs Sénégalais“. Zur bildlichen und literarischen Darstellung afrikanischer Soldaten im Dienste Frankreichs/ Présentations littéraires et figuratives de soldats africains au service de la France, Frankfurt/M., et al., Peter Lang (Bayreuther Beiträge zur Literaturwissen-schaft, vol. XIII), 1989. 6 Michael JEISMANN, Das Vaterland der Feinde. Studien zum nationalen Feindbegriff und Selbstverständnis in Deutschland und Frankreich, 1792 bis 1918, Stuttgart, Klett-Cotta, 1992 ; trad. française : La patrie de l'ennemi : la notion d'ennemi national et la représentation de la nation en Allemagne et en France de 1792 à 1918, trad. coordonnée par Dominique Lassaigne, Paris, Éditions du CNRS, 1997. 7 Richard COBB, French and Germans. Germans and French. A Personal Interpretation of France under Two Occupations, 1914-1918 / 1940-1944, Hanover, University Press of New England, 1983. LA PARADOXALE PRODUCTIVITÉ DES TEMPS DE GUERRE ET D’OCCUPATION 223 guerre et d’occupation pouvaient aussi intensifier les échanges interculturels et produire, au moins dans certaines configurations comme celles des guerres révolutionnaires et napoléoniennes ou bien celles des deux périodes de guerre et d’occupation entre la France et l’Allemagne au XXe siècle, des effets à la fois inattendus, paradoxalement créateurs de contacts et générateurs d’échanges et de transferts culturels. Dans l’ouvrage susmentionné, R. Cobb a fourni toute une série d’exemples, en partie puisés dans des écrits autobiographiques, de cette “productivité paradoxale” des situations de guerre et d’occupation fondée sur des contacts entre occupants et occupés – Français et Allemands en l’occurrence. Même dans des revues militaires officielles allemandes comme la Liller Kriegszeitung, périodique publié à Lille de 1915 à 1917 durant l’occupation allemande, à côté d’articles attisant la haine et la méfiance de l’Autre8 et mettant en garde, dans le sillage de E. M. Arndt, contre « l’imitation aveugle de tout ce qui vient de l’étranger9 » qui aurait caractérisé une certaine Allemagne avant la guerre, on trouve des récits attestant de contacts et de relations interculturelles en pleine période de guerre et d’occupation, comme les articles « Spaziergänge in Lille10 » et « Deutschfreundliche Franzosen11 » parus en 1916.

Conflictualité et créativité des rencontres et contacts franco-germano-africains (1914-1923)

La Première Guerre mondiale a non seulement été la première guerre “moderne” de l’humanité, démontrant l’extrême force destructrice et inhumaine des nouvelles techniques de combat, mais également la première guerre caractérisée par une rencontre massive, entraînant des effets durables, entre Français, Allemands et Africains. La participation de 140 000 soldats

8 Stabsarzt HESSE, « “Der Deutsche stinkt” », Liller Kriegszeitung. Sommerlese 1916. Der Auslese dritter Band. Hg. von Hauptmann d. L. Hoecker, Lille, Druck und Verlag der Liller Kriegszeitung, août 1916, p. 107-109, p. 107 : « Welche Blüten der Deutschenhass selbst in der Wissenschaft feindlicher Länder, namentlich Frankreichs, getrieben hat, möge ein Hinweis auf die “wissenschaftliche Arbeit” erläutern, die ein Pariser Arzt, Dr. Bérillon, veröffentlicht hat in der bis dahin recht angesehenen, ernsten Fachzeitschrift, der Gazette médicinale de Paris. [...]. Der Franzose sucht unter wissenschaftlicher Form den Nachweis zu führen, dass dem Deutschem ein merkwürdig stinkender, Übelkeit erregender, durchdringender und festhaftender Geruch entströmt, der so stark ist, dass selbst die den Gefangenen abgenommenen Banknoten desinfiziert werden mussten [...] » 9 Ibid., p. 109 : « Immerhin aber soll das Gesagte eine ernste Mahnung sein, die mit dazu beitragen möge, mit jener blöden Nachäfferei alles Fremden, das vor dem Kriege so manche Frucht gezeitig, die viele Kreise (Sport, Mode u.a.) in bedingslose Sklaverei gezogen hatte und der wir auch unmittelbare Schädigungen des Volksvermögens durch Handelsspionage zu verdanken haben, gründlich zu brechen ! » 10 Gefreiter WEIGLIN, « Spaziergänge in Lille », Liller Kriegszeitung, p. 39-61. 11 WREDE, « Deutschfreundliche Franzosen », Liller Kriegszeitung, p. 28-31, p. 28 : « Während meiner Tätigkeit bei der Beschlagnahme – Abteilung sind mit mehrfach Franzosen begegnet, die deutschfreundlich, zuweilen gar franzosenfeindlich waren. » 224 HANS-JÜRGEN LÜSEBRINK venant de l’Afrique subsaharienne et de 300 000 soldats indochinois, malgaches et maghrébins aux combats de la Première Guerre mondiale en France, ainsi que l’intégration d’environ 20 000 soldats africains et maghrébins aux forces d’occupation françaises de la rive gauche du Rhin et de la Ruhr, entre 1919 et 1923, représentent, en effet, le premier contact social et interculturel massif entre des hommes originaires de cultures non européennes, en premier lieu africaines, et les sociétés française et allemande. L’impact de cette rencontre interculturelle inédite ne saurait être sous-estimé, étant donné que jusque-là les sociétés allemande et française, dans leur immense majorité, n’avaient eu que des contacts extrêmement limités, occasionnels, artificiels et liés à des dispositifs spécifiques, avec ces cultures et leurs représentants : lors des expositions coloniales et universelles qui mirent en scène, à partir des dernières décennies du XIXe siècle, des villages africains et polynésiens, des ballets balinais ou encore des troupes de théâtre malgaches et asiatiques ; puis dans les Völkerschauen, tels « Hagenbecks Völkerschauen », qui exposaient notamment des Africains comme des objets exotiques ; et enfin, lors des séjours individuels et des voyages aux colonies, en particulier ceux des administrateurs, ce qui ne concerna, en France et plus encore en Allemagne, qu’une frange extrêmement marginale de la population. La participation des 140 000 soldats provenant des colonies françaises subsahariennes à la Première Guerre mondiale et aux forces d’occupation en Rhénanie et dans la Ruhr après 1918 eut, sur le plan interculturel, au moins trois types de conséquences : d’une part, elle entraîna, du côté français, une lente mais irréversible reconnaissance de la valeur, des mérites, et également des capacités d’évolution sociale et culturelle des peuples coloniaux. Celle-ci se manifesta, entre autre, par la construction de la mosquée de Paris en 1920 en signe de reconnaissance par la France de l’effort de guerre des soldats d’origine africaine et de religion musulmane ; par l’attribution du prix Goncourt en 1921 à René Maran, pour son roman Batouala, véritable roman nègre, le premier et pour longtemps le seul écrivain négro-africain ayant obtenu un prix littéraire français ; par une nouvelle curiosité interculturelle pour les cultures maghrébines et africaines qui se reflète dans l’immense succès des expositions coloniales de l’entre-deux-guerres et par l’intérêt pour des romans et récits coloniaux, comme ceux de Jean-Michel Bloch ou des frères Tharaud. En deuxième lieu, cette première rencontre massive entre Africains et Européens en situation de guerre et d’occupation eut pour conséquence, du côté allemand, l’émergence d’un discours raciste dominant, mais aussi d’autres formes de perception et d’appréhension de l’Autre, beaucoup plus positives, comme la parution de l’ouvrage Negerplastik de Carl Einstein en pleine guerre mondiale en 191512, ou du roman Le Nègre Jupiter enlève

12 Carl EINSTEIN, Negerplastik, Leipzig, Verlag der weißen Bücher, 1915. LA PARADOXALE PRODUCTIVITÉ DES TEMPS DE GUERRE ET D’OCCUPATION 225

Europe publié en 1928 par l’écrivain franco-allemande Claire Goll13. La troisième conséquence, enfin, résida dans la prise de parole des Africains eux- mêmes par le biais de la littérature écrite, notamment autobiographique. L’expérience de la guerre constitua en effet, à côté des formes de participation et d’acculturation créées par la presse coloniale et le système scolaire colonial depuis les dernières décennies du XIXe siècle14, notamment au Sénégal, le foyer d’émergence majeur de la littérature africaine écrite en langue française. Deux des tous premiers écrits publiés par des Africains sont directement liés à l’expérience de la Première Guerre mondiale : la rédaction, puis la publication en 1926 de l’autobiographie de Bakary Diallo, intitulée Force-Bonté, considérée comme le premier ouvrage littéraire d’importance publié par un auteur africain subsaharien15 ; et le pamphlet Violation d’un pays de l’ancien tirailleur sénégalais Lamine Diagne, qui s’est engagé comme syndicaliste communiste dans les années 1920 en France16.

Lucie Cousturier ou la genèse d’un regard interculturel

La carrière et l’œuvre de Lucie Cousturier (1876-1925), peintre néo- impressioniste et femme-écrivain française cristallisent peut-être de la manière la plus nette l’impact et les conséquences des contacts interculturels franco-africains liés à la Première Guerre mondiale que nous venons d’esquisser. Après une première prise de contact avec l’Afrique, et notamment l’art africain, grâce à son frère Edmond, qui entra dans l’administration coloniale en 1885 au Gabon-Congo, et à sa rencontre avec un collectionneur d’art africain, Félix Fénéon, dont elle fréquenta l’atelier, sa relation artistique ébauchée avec l’Afrique changea de dimension en 1916 quand un camp de tirailleurs sénégalais s’installa près de la villa des Cousturier située en bordure de la forêt du massif de l’Estérel, dans le sud-est de la France. « Cette rencontre », note sa biographe Adèle de Lanfranchi, « est un véritable tournant dans la vie de L. Cousturier ; elle sera à l’origine d’un livre ainsi que d’un voyage en Afrique de l’Ouest17. »

13 ie Claire GOLL, Le Nègre Jupiter enlève Europe. Roman, Paris, Éditions G. Crès & C , 1928. 14 Hans-Jürgen LÜSEBRINK, Schrift, Buch und Lektüre in der französischsprachigen Literatur Afrikas. Zur Wahrnehmung von Schriftlichkeit und Buchlektüre in einem kulturellen Epochenumbruch der Neuzeit, Tübingen, Niemeyer-Verlag, 1990 (coll. « Mimesis. Untersuchungen zu den romanischen Literaturen der Neuzeit », vol. V). 15 Voir János RIESZ, « The Tirailleur Sénégalais Who did Not Want To Be a “Grand Enfant”: Bakary Diallo’s Force Bonté (1926) Reconsidered », Research in African Literatures, n° 4, 1996, p. 159-177. 16 Lamine SENGHOR, La violation d’un pays. Préface de Paul Vaillant. Paris, Bureau d’Éditions de Diffusion et de Publicité, 1927. Voir sur ce texte pionnier de l’anticolonialisme : Papa Samba DIOP, « Un texte sénégalais inconnu : La violation d’un pays (1927) de Lamine Senghor », Komparatistische Hefte, n° 9/10, 1984, p. 123-128. 17 Adèle DE LANFRANCHI, Lucie Cousturier, 1876-1925, Paris, Adèle de Lanfranchi, 2008. 226 HANS-JÜRGEN LÜSEBRINK

Le contact avec les soldats africains en France se prolonge, chez L. Cousturier, en une volonté de savoir, qui caractérise les récits de son voyage en Afrique en 1922 et 1923 et ses ouvrages sur ses rencontres avec les tirailleurs sénégalais. Cette curiosité est, d’une part, soutenue par la conviction d’une capacité d’évolution rapide des populations indigènes qu’elle découvre lors de son voyage en Afrique occidentale :

« Ils sont tout entiers », souligne-t-elle ainsi à propos des enfants d’une école qu’elle visite à Macenta en Guinée, « les ardents petits élèves, avec le maître qui les instruit de choses nouvelles, contre les parents qui veulent les garder à leurs usages. Leur esprit ambitieux tend au voyage vers Kankan, vers Conakry, vers Gorée, vers les stages scolaires successifs qui doivent les munir finalement de ces diplômes, tatouages de blancs, qui les honoreront. »18

En même temps, le contact interculturel avec les soldats africains qui avaient combattu pendant la Première Guerre en France et dont elle suit les destinées lors de son périple africain à travers le Sénégal, la Guinée, le Mali et la Haute-Volta, a contribué à développer chez elle une sensibilité interculturelle pour des “logiques” de pensée et de comportement différentes, qui relativisent et mettent constamment en cause des préjugés et des idées préconçues. Elle allie, dans cette perspective, un regard interculturel avec un souci constant de la comparaison entre sociétés occidentales et sociétés africaines, susceptible de mettre en lumière des registres de différences, et non pas des hiérarchies éthiques ou des jugements de valeur. Elle commente ainsi comme suit, dans son récit de voyage La Forêt du Haut-Niger, le fait que les soldats africains retournés dans leur pays se font tatouer :

Des tirailleurs qui ont fait six ans de service dont quatre en France, pendant la guerre, se font tatouer dans la forêt après leur libération à Macenta. Le capitaine appelle cela de la régression. Pourquoi ? Ces gens sont aussi logiques que les élèves du maître malinké. En France, l’insigne du mérite national guerrier consiste en des rondelles de métal découpé, clinquantes, appliquées sur la poitrine, au bout de rubans. Dans un village toma, le même insigne de valeur nationale consiste en un triangle dessiné discrètement sur le dos, à petits points. Pourquoi celui-ci serait-il plus négligeable que celui-là à leurs yeux ? Un Africain acquiert par la circoncision une initiation virile ; un Toma acquiert par la retraite, une initiation aux rites de sociétés puissantes. Et il est évident qu’un homme qui a reçu l’initiation mystique de sept ans ne peut être aux yeux de ses compatriotes, un homme ordinaire. Tel, chez nous, un agrégé en philosophie.19

L’œuvre africaniste de L. Cousturier, directement liée à sa rencontre avec des soldats africains stationnés près de sa villa à Fréjus–Saint-Raphaël entre 1916 et 1918, avant d’être envoyés sur le front de l’Est, et en particulier à Verdun et sur la Somme d’où ils lui envoient des lettres, est à la fois ample et innovatrice. Elle est condensée pendant les neuf années qui séparent l’année

18 Lucie COUSTURIER, La Forêt du Haut-Niger, Bruges, Impr. Sainte-Catherine, 1923 (Paris, Les Cahiers d’Aujourd’hui, n° 12), p. 72 (77 pages, avec des dessins). 19 Ibid., p. 74. LA PARADOXALE PRODUCTIVITÉ DES TEMPS DE GUERRE ET D’OCCUPATION 227

1916 de 1925 année de sa mort précoce : on relève treize études consacrées à l’Afrique, en particulier à l’Est africain et aux soldats africains, dans des revues intellectuelles alors prestigieuses telles Europe, La Nouvelle Revue Française et La Vie ; puis quatre livres, dont trois retracent son voyage de dix mois en Afrique, et qui portent des titres à première vue un peu déroutants : d’abord l’ouvrage Des Inconnus chez moi paru en 1920, retraçant ses contacts et rencontres à Fréjus avec des soldats africains à qui elle apprend notamment à lire et à écrire, mais aussi à dessiner ; puis l’ouvrage en deux volumes intitulé Mes Inconnus chez eux, parus en 1923, racontant son voyage en Afrique occidentale sur les traces des soldats africains survivants retournés dans leurs pays qu’elle avait connus en France, ainsi que de leurs épouses et de leurs familles. Chacun de ces ouvrages thématise une multiplicité de rencontres interculturelles et d’observations d’ordre ethnographique et social, mais place toutefois un personnage en son centre : son amie Fatou, dans le premier volume ; et Soumaré, qu’elle appelle également « ami », un ancien soldat africain rencontré en France qui lui sert d’interprète dans le second volume du quatrième ouvrage La Forêt du Haut-Niger, pour l’essentiel un extrait du second volume de son livre Mes Inconnus chez eux, paru en 1923 dans Les Cahiers d’aujourd’hui publiés sous la direction de Georges Besson. Dans l’article écrit dans la revue Europe en août 1925, juste après la mort de L. Cousturier et en son hommage, Léon Werth souligne « L’importance et la nouveauté des livres de Lucie Cousturier », qui sont directement liés à des contacts interculturels nés au cours de la Première Guerre mondiale. Ces qualités résident essentiellement dans trois domaines : d’abord dans la dialoguicité de ses œuvres, largement constituées de dialogues interculturels où l’auteure se met à l’écoute des soldats africains, tente de comprendre leur façon de penser et essaie de se placer délibérément au même niveau qu’eux en refusant des termes comme « nègre » et « tirailleurs sénégalais », en voyageant en 2e classe, avec les indigènes, dans les trains africains, et en évitant le milieu colonial européen lors de son long voyage en Afrique où elle se montre fière de n’avoir « visité ni le gouverneur, ni le médecin-chef de l’hôpital, ni le directeur des écoles, ni aucun fonctionnaire ou officier colonial, ni le maire noir, ni aucun notable20 ». Ensuite, elle développe un regard nouveau, qui se manifeste dans ses registres de perception, dans ses dialogues avec ses interlocuteurs africains et dans les nombreux dessins et peintures proches du néo-impressionnisme qu’elle leur consacre et qui servirent en partie d’illustrations à ses ouvrages – regard qui, selon l’expression de Léon Werth, « détruit » en quelque sorte pour l’avenir toute possibilité d’exotisme, et qui fut en même temps exemplaire de ce que Werth appelle le « sentimentalisme humanitaire21 ». L. Cousturier singularise et

20 Lucie COUSTURIER, Mes Inconnus chez eux. I : Mon amie Fatou, citadine, présentation de Roger LITTLE, avec une préface de René MORON, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 21-22. 21 Léon WERTH, « Lucie Cousturier », Europe, n° 32, 15 août 1925, p. 483-485. Réédité dans Roger LITTLE (dir.), Lucie Cousturier, les tirailleurs sénégalais et la question coloniale. 228 HANS-JÜRGEN LÜSEBRINK individualise, de manière inédite et neuve, l’Autre africain perçu jusque-là essentiellement comme un « type » – le Sénégalais, le Bambara, le Malinké – ou comme un collectif – les tirailleurs, les Noirs, l’armée des soldats de race noire –, en mettant en relief avec empathie des personnages parfois hauts en couleurs et aussi contradictoires. Enfin, L. Cousturier tente non seulement de donner la parole à l’Autre, mais également de l’inciter à écrire, à témoigner, à prendre la plume lui-même, notamment sous forme de lettres qu’elle garde précieusement et qu’elle publie en partie dans ses livres. Elle représente ainsi, en quelque sorte, une médiatrice interculturelle au double sens du terme, social et interculturel. Et il semble significatif que chez un de ses interlocuteurs et élèves, le soldat sénégalais Bakary Diallo qui, entré dans l’armée française, fut grièvement blessé en 1915 et qu’elle rencontra dans un hôpital militaire à Fréjus, cette prise de parole suscitée et transcrite se prolongeât en écriture autobiographique : Force-Bonté, l’autobiographie de Bakary Diallo parue en 1926, fut en effet le premier ouvrage littéraire publié en langue française par un auteur africain, issu d’une dynamique culturelle paradoxale née au sein des conflits et des violences de la Première Guerre mondiale. Cette première prise de parole littéraire africaine issue de la Première Guerre mondiale représente sa violence traumatisante et tente ensuite de la compenser au moyen de l’écriture, puisque Bakary Diallo, grièvement blessé à la mâchoire par un obus et quasi incapable de s’exprimer oralement suite à sa blessure, vit désormais dans l’utilisation de la plume son principal moyen pour communiquer avec les Autres.

Actes du colloque international tenu à Fréjus les 13 et 14 juin 2008, augmentés de lettres adressés à Paul Signac et Léon Werth, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 307-309, p. 308, p. 309. La Première Guerre mondiale au Cameroun : une guerre des archives ?

Isabell SCHEELE Université d’Aix-Marseille / Universität Tübingen

« La culture est l’âme d’un peuple, les archives en sont la mémoire1 ». Cette citation d’Alain Moreau souligne l’importance primordiale des archives qui conservent les traces passées d’un peuple, de son histoire et de sa culture, de ce que Moreau appelle son « âme », c’est-à-dire son être profond, sa pensée, son évolution et son identité. Elles sont l’outil qui permet la transmission du patrimoine culturel et de l’histoire aux nouvelles générations, longtemps après la disparition des témoins. C’est pourquoi elles sont l’une des principales sources de ceux qui s’appliquent à retracer l’histoire et la culture d’un peuple. Elles intéressent principalement les historiens, mais peuvent aussi servir tout autre chercheur. Outre cet aspect culturel et historique, le juriste Thomas Fitchen2 indique deux autres fonctions que l’on pourrait qualifier d’administrative et de juridique. Selon lui, les archives garantiraient les droits des citoyens, auraient valeur de preuve de leurs droits en cas de réclamation ou de succession. D’autre part, elles seraient indispensables à l’exercice du pouvoir et assureraient la continuité légale de l’administration, qui pourrait mettre à disposition ces informations ou y recourir en cas d’hésitation sur la démarche à suivre. Ainsi, toute administration ou institution dispose d’archives, qui se composent en général de règlements, de notes, de rapports, de correspondances ainsi que de

1 Alain MOREAU, cité d’après Archives nationales d’Outre-Mer (ANOM), http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/ anom/fr/Presentation/Fonds.html, consulté le 04.12.2013. Les Archives nationales n’ont pas pu indiquer à l’auteure la référence exacte de cette citation. 2 Thomas FITSCHEN, « Das rechtliche Schicksal von staatlichen Akten und Archiven bei einem Wechsel der Herrschaft über Staatsgebiete », Saarbrücker Studien zum internationalen Recht, Baden-Baden, Nomos, 2004, p. 21, 27 et 33 ; voir aussi : Friedrich BENNINGHOVEN, « Verbleib, Vernichtung und Ersatz Reichs- und preußischer Behördenüberlieferungen », Der Archivar, n° 31, 1978, p. 35-38 ; Heinz BOBERACH, « Die schriftliche Überlieferung der Behörden des Deutschen Reiches 1871-1945. Sicherung, Rückführung, Ersatzdokumentation », in Heinz BOBERACH, Hans BOOMS (dir.), Aus der Arbeit des Bundesarchivs. Beiträge zum Archivwesen, zur Quellenkunde und Zeitgeschichte, Boppard a. Rh., Boldt, 1977. 230 ISABELL SCHEELE documents iconographiques ou filmiques. Leur particularité est d’être constituées d’exemplaires uniques (sauf pour les duplicata) et originels. Rappelons par ailleurs la distinction faite entre les archives courantes, qui sont toujours en cours d’utilisation, et les archives historiques, lesquelles ne sont plus employées régulièrement par l’administration, mais archivées et souvent ouvertes à la recherche scientifique. Elles constituent un témoignage irremplaçable sur le passé d’un peuple ; c’est pourquoi leurs destructions récurrentes au cours des guerres posent une série de problèmes qu’il s’agit de déterminer ici. Nous nous intéresserons dans le présent article au cas de la disparition d’archives pendant la Première Guerre mondiale, lors de l’affrontement entre les troupes allemandes et les forces alliées dans le protectorat allemand du Cameroun. Pour éviter que leur documentation ne tombe entre les mains des Alliés, l’administration allemande en a alors détruit une partie3. Il s’agissait avant tout de ne pas laisser à l’ennemi des documents pouvant contenir des informations stratégiques pour des opérations militaires, telles que les correspondances secrètes et les cartes. En effet, en tant que source d’information, les archives seraient aussi une « clé du pouvoir », pour reprendre le terme de Prakash Menon4. Nous tenterons donc de répondre à la question suivante : dans quelle mesure la Première Guerre mondiale dans la colonie du Cameroun a-t-elle aussi été une guerre des archives, pour quels motifs et avec quels effets ? Il convient, dans un premier temps, de dresser un bref tableau du sort des archives allemandes pendant la guerre, en essayant de retracer si elles ont été laissées sur place ou bien emportées, voire détruites. Puis, nous verrons comment les forces françaises du Condominium ont fait face à un manque partiel de documentation sur l’administration coloniale allemande dans le territoire nouvellement conquis. Dans un dernier temps, nous concentrerons notre attention sur l’utilisation particulière que les puissances européennes ont faite des documents coloniaux : certains extraits d’archives ont, en effet, été publiés dans la presse pour attaquer l’adversaire sur un plan moral.

Les archives dans la guerre : entre destruction, évacuation et appropriation (1914-1916)

Outre le continent européen, la Première Guerre mondiale a également investi des champs de bataille secondaires, dont les colonies allemandes en

3 Berlin avait dès 1902 donné l’ordre de se restreindre à une guérilla en cas de guerre (« hinhaltenden Kleinkrieg »), d’évacuer rapidement le personnel administratif et de ne rien laisser de précieux à l’ennemi (« z.B. die Gegenstände des Signal- und Nachrichtendienstes »), BArch R1001/6878, Maßnahmen für den Kriegsfall, Berlin, 17.03.1902, Der Chef des Admiralstabes an Ausw.Amt, Kol.-Abth., Ganz Geheim. 4 Prakash K. MENON, The Succession of States in Respect to Treaties, State Property, Archives and Debts, Lewiston, E. Mellen Press, 1991, p. 122. LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE AU CAMEROUN 231

Afrique, en Asie et dans les îles du Pacifique. Le rôle de ces dernières dans l’issue de la guerre mondiale a été négligeable, et la majorité d’entre elles ont été conquises très rapidement par les Alliés, ce qui ressort clairement du tableau suivant5 :

Contingent Contingent Fin des Début des Durée des Colonie des troupes des troupes hostilités / hostilités hostilités allemandes alliées Capitulation

Îles du 140 pas de 11 sept. 1914 21 sept. 1914 10 jours Pacifique données

Togo 1500 pas de 06 août 1914 27 août 1914 3 données semaines

Kiautschou 3.500 60 000 23 août 1914 07 nov. 1914 6 semaines

Sud-Ouest 6.000 67 000 janv. 1915 5 juill. 1915 6 mois africain allemand

Cameroun 8.000 18 000 05 août 1914 18 fév. 1916 18 mois

Afrique 18.200 160 000 08 août 1914 nov. 1918 4 ans orientale allemande

Les colonies, enserrées entre les empires français et britannique, laissaient augurer pour le gouvernement allemand une défense très difficile. Aussi l’objectif allemand n’a-t-il pas tant consisté à vaincre l’ennemi qu’à lui résister le plus longtemps possible. C’est pourquoi la principale stratégie appliquée par les troupes allemandes s’apparentait en réalité à une tactique de guérilla, avec des attaques-surprises sur de petites stations où l’on pillait munitions, armes et ravitaillement. D’autre part, pour ralentir l’avancée des Alliés, les Allemands détruisaient souvent toutes les infrastructures : chemins de fer, ponts, puits et points d’eau, mais aussi lignes et stations

5 Tableau élaboré par l’auteure d’après Uwe SCHULTE-VARENDORFF, Krieg in Kamerun, Berlin, Ch. Links Verlag, 2011, p. 18 et p. 140-142. Cette publication est la seule étude exhaustive sur la Première Guerre mondiale au Cameroun, qui est un sujet peu connu. Voir aussi Christoph CORNELISSEN, « Europäische Kolonialherrschaft im Ersten Weltkrieg », in Wolfgang KRUSE (dir.), Eine Welt von Feinden. Der Große Krieg 1914-1918, Frankfurt/M., Fischer Taschenbuch Verl., 1997, p. 43-54 ; Michael CROWDER, « West Africa and the 1914- 1918 War », Bulletin de l’Institut fondamental d’Afrique Noire, vol. 30/1, 1968, p. 227-247 ; Stefanie MICHELS, « Totale Mobilmachung in Afrika. Der Erste Weltkrieg in Kamerun und Deutsch-Ostafrika », in Arndt BAUERKÄMPER, Elise JULIEN (dir.), Durchhalten! Krieg und Gesellschaft im Vergleich 1914-1918, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2010, p. 238-259. 232 ISABELL SCHEELE télégraphiques. Au Cameroun, où la guerre a duré un an et demi, cette stratégie de la terre brûlée a été étendue aux archives. Les autorités savaient qu’en cas de guerre ou d’invasion, la communication avec la lointaine capitale risquait d’être rendue rapidement impossible. C’est pourquoi toutes les informations sur le comportement à adopter en cas de guerre étaient entreposées dès 1908 dans des stations secrètes6. Dans chaque colonie, seul un employé du service postal et télégraphique, chargé de faire des rapports, était informé de leur existence. Les gouverneurs ne devaient être informés du lieu de stockage de ces documents qu’après avoir déclaré l’état de guerre ou l’état de siège pour tout le territoire colonial. Personne d’autre ne devait avoir accès à l’information, et dans le cas d’une invasion ennemie, l’ordre imposait de détruire ces archives. Ainsi, tout a été mis en œuvre pour éviter que l’ennemi n’obtienne de précieuses informations sur les procédures militaires adverses. Toutefois, cet ordre de destruction, émis par le plus haut niveau du gouvernement militaire à Berlin, ne concernait qu’une partie des archives : celles contenant des informations protégées par le secret militaire. Les recherches demeurent infructueuses concernant l’existence d’un ordre semblable pour les documents civils. Il est probable qu’une partie non négligeable des autres archives du Cameroun, qu’elles soient administratives, juridiques, médicales ou encore ethnographiques, a été également, soit détruite, soit emportée, ce que tendent à confirmer plusieurs documents français. Il semblerait que les archives qui n’auraient pas été détruites aient été transférées à plusieurs reprises. À partir d’un certain nombre de documents analysés7, nous pouvons reconstituer cette trajectoire. Les archives du gouvernorat central se trouvaient dans les locaux du siège du gouverneur, à Bouéa (Cameroun). Lorsqu’en août 1914, le gouverneur major Karl Ebermaier a donné les pleins pouvoirs militaires au capitaine des troupes, Carl Zimmermann, le gouvernorat a été transféré à Douala8, siège du commandement militaire. Douala est tombée le 27 septembre 1914, mais le gouvernorat et ses archives se trouvaient déjà transférés à Yaoundé, dernier bastion de la défense allemande. Après la prise de Yaoundé le 1er janvier 19169, les troupes vaincues sont parvenues à traverser la frontière de la colonie voisine Río Muni, un territoire neutre espagnol. En tout, il s’agirait de près de 50 000 personnes, militaires et civils allemands et africains, qui ont passé la frontière espagnole, un cas unique dans l’histoire militaire allemande10.

6 Ces stations secrètes étaient les suivantes : Gouvernement Apia, Gouvernement Herbertshöhe, Bezirksamtmannschaft Ponape, Yep u Friedrich-Wilhelms-Hafen, Landeshauptmannschaft Jaluit, Stationsleiter Saipain, BArch R1001/6878, Maßnahmen für den Kriegsfall - Allgemeines, Berlin, 25.01.1908, Der Chef des Admiralstabes an Kol. Abth. 7 Roger FRANCESCHI, Le mandat français au Cameroun, Paris, Sirey, 1929, FR ANOM. 2300 COL 29, Dossier 250 ; et BArch R1001/3922. 8 BArch R1001/3922, Kamerun 07.08.1914, Gouverneur Ebermaier, Telegramm. 9 SCHULTE-VARENDORFF, Krieg in Kamerun, p. 29. 10 Ibid. LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE AU CAMEROUN 233

Fig. 1.– Le Cameroun en 191411. Carte : Peter Palm, Berlin Cette carte indique: 1. Les sièges successifs du gouvernement allemand (en rouge). Une partie des archives allemandes a probablement été déplacée entre ces différentes villes. 2. La traversée de la frontière espagnole (flèches bleues). Pour éviter d´être faits prisonniers par les Alliés, en février 1916, plus de 50 000 personnes, militaires et civils allemands et africains, fuient vers le territoire voisin du Rio Muni.

11 Peter PALM, Kamerun 1914, carte extraite de Horst GRÜNDER, Gisela GRAICHEN, Deutsche Kolonien – Traum und Trauma, Berlin, Ullstein, 2005, p. 425. L’auteure a pris la liberté de modifier légèrement la carte en y ajoutant des flèches et des points de couleur. 234 ISABELL SCHEELE

Le gouvernorat espagnol a permis aux civils de s’installer sur l’île Fernando Pó tandis que les soldats allemands ont été transférés dans des camps d’internement en Espagne. De là, ils ont rejoint l’Allemagne en 1918. Une large partie des archives, trop encombrantes pour être transportées, ont été laissées sur place ou brûlées, c’est du moins ce qu’affirment les sources françaises12. Il est toutefois probable qu’une petite partie ait été transportée vers Río Muni, puis, en 1919, vers l’Allemagne. Sur la carte suivante, les différentes stations citées, à savoir Bouéa, Edéa, Douala et Yaoundé sont marquées en rouge, le passage des troupes allemandes vers le territoire espagnol est indiqué par des flèches bleues.

Des conflits de culture autour de la disparition des archives (1916-1918)

Le 1er avril 1916, les administrations française et britannique ont officiellement pris possession du territoire camerounais. Attendant l’élaboration d’un traité de paix en Europe, elles ont instauré un gouvernorat temporaire de Condominium. Les débuts de l’occupation ont été très difficiles pour les Britanniques et plus encore pour les Français13. Les quatre raisons de ces difficultés les plus couramment citées étaient : d’abord, l’absence partielle d’archives allemandes sur le fonctionnement de l’organisation administrative et économique ; puis, la disparition de la plupart des agents “indigènes”, qui auraient pu instruire les nouveaux colonisateurs du fonctionnement des institutions et qui « avaient été mobilisés ou avaient suivi leurs anciens maîtres14. ». Ensuite, en raison de la guerre, les activités commerciales avaient cessé, faisant stagner l’économie du pays, et les entrepreneurs allemands, ne faisant confiance ni aux agents africains ni aux Alliés, avaient fermé leurs commerces, dont ils avaient emporté la caisse et les archives :

Organes d’administration, tribunaux, industries, factoreries, tout disparut à la fois. Ce fut, en quelques heures, le vide absolu, la dissolution complète du cadre dans lequel la population était accoutumée de vivre.15

Enfin, la population africaine avait beaucoup souffert pendant une guerre qu’elle n’avait pas voulue et dont elle ne connaissait, ni les tenants, ni les aboutissants. L’administration française notait la nervosité de la population camerounaise en raison de ce qu’elle appelait les « atrocités commises par les

12 FRANCESCHI, Le mandat français, p. 58, 70, 237-240 ; FR ANOM 2300 COL 29, Dossier 254 ; Martial MERLIN, Brazzaville 06.10.1915, Le Gouverneur de l’AEF à Monsieur le Ministre des Colonies, Rapport, FR ANOM 2300 COL 21, Dossier 187, p. 2-9. 13 MERLIN, Rapport du 06.10.1915, FR ANOM 2300 COL 21 ; voir également FRANCESCHI, « La conquête, l’occupation franco-anglaise et le Condominium. L’administration provisoire française », in FRANCESCHI, Le mandat français, p. 58-96. 14 FRANCESCHI, Le mandat français, p. 58. 15 MERLIN, Rapport du 06.10.1915, FR ANOM 2300 COL 21, p. 7. LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE AU CAMEROUN 235

Allemands16 » pendant la guerre. La situation était incertaine, il était déconseillé de sortir la nuit et de s’éloigner des localités occupées par les troupes17. La première préoccupation de la nouvelle administration a été d’assurer le calme et l’ordre dans le pays. Or, seule une administration efficace pouvait être considérée comme un vecteur de cet ordre. Les colonisateurs européens étaient en effet convaincus qu’une population africaine, sans autorité extérieure, était encline à sombrer dans l’anarchie18. Le Condominium a donc dû élaborer au plus vite, avec des moyens matériels et humains limités, une organisation nouvelle : « il a fallu aller au plus pressé, improviser 19 », commentait Martial Henri Merlin, le gouverneur de l’Afrique Équatoriale Française, tentant d’organiser le gouvernorat provisoire. Il n’est pas absurde de soutenir que ce manque de documentation ne pouvait que susciter un conflit de cultures auquel les nouveaux colonisateurs ont dû faire face : ils se sont vus face à des peuples africains largement méconnus, sur lesquels ils ne pouvaient pas s’instruire au moyen d’une documentation écrite. En l’absence des archives allemandes sur le Cameroun, les Français se sont retrouvés largement en terre inconnue. Ils ont alors dû faire une deuxième fois ce travail ethnologique sur des populations que les colons allemands s’étaient déjà efforcés de mieux connaître. Or, gérer une population rendue nerveuse, désorientée par la guerre, était une source de conflits potentiels. Et les correspondances françaises confirment que les débuts du Condominium ont été difficiles20. En privant l’administration française de l’acquisition de cette documentation ethnologique, juridique, médicale et administrative, le gouvernorat allemand du protectorat risquait donc de provoquer un conflit de cultures entre Français et Africains. A l’inverse, les Français se sont appliqués à effacer les traces de la culture allemande, ce qui apparaît clairement dans le domaine de l’enseignement. Les missions chrétiennes allemandes, chargées de l’enseignement, ont dû quitter le territoire21. L’enseignement de la langue française, qui venait remplacer l’allemand et parfois l’anglais, était considéré comme très important. Les autorités ont pu voir le remplacement de la langue allemande par la langue

16 Ibid., p. 3. 17 Ibid., p. 20. 18 MERLIN, Rapport du 06.10.1915, FR ANOM 2300 COL 21. Sur les théories raciales pendant la colonisation allemande, voir Michael SCHUBERT, Der schwarze Fremde. Das Bild des Schwarzafrikaners in der parlamentarischen und publizistischen Kolonialdiskussion in Deutschland von den 1870ern bis in die 1930er Jahre, Diss., Osnabrück, Franz Steiner Verlag Stuttgart, 2001 ; sur les liens entre colonisation et pouvoir, voir Trutz von TROTHA, Koloniale Herrschaft. Zur soziologischen Theorie der Staatsentstehung am Beispiel des “Schutzgebietes Togo”, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1994 ; Jürgen ZIMMERER, « Deutsche Herrschaft über Afrikaner: staatlicher Machtanspruch und Wirklichkeit im kolonialen Namibia », Europa- Übersee, vol. X, Hamburg, LIT, 2001. 19 MERLIN, Rapport du 06.10.1915, FR ANOM 2300 COL 21, p. 9. 20 FR ANOM 2300 COL 21 et 29. 21 Ulrich van der HEYDEN, Jürgen BECHER (dir.), Mission und Gewalt : der Umgang christlicher Missionen mit Gewalt und die Ausbreitung des Christentums in Afrika und Asien in der Zeit von 1792 bis 1918, Stuttgart, F. Steiner, 2000. 236 ISABELL SCHEELE française comme un premier pas vers l’effacement progressif de la culture allemande au profit de la française. Il importait aussi que les Africains se sentent Français, qu’ils aiment la France et la domination française plus que l’allemande. Ces considérations ressortent des rapports que les nouveaux administrateurs réalisaient, relatant en détail les manifestations francophiles en Afrique ainsi que tous les témoignages faisant état d’une souffrance infligée par les Allemands. La question n’est ici pas de savoir si ces témoignages sont véridiques et justifiés ; toutefois les Français s’intéressaient de près au moindre sentiment antiallemand. Pour autant, il serait faux de dire que les Français ne possédaient aucune information sur l’organisation allemande : il est par exemple certain qu’ils connaissaient très bien les budgets et le montant des impôts du gouvernorat précédent22. En effet, l’une des premières mesures françaises au Cameroun a été d’introduire un impôt calqué précisément sur celui prélevé précédemment par les Allemands. En revanche, selon les dires des administrateurs français, la documentation médicale ainsi que les archives judiciaires avaient disparu23. Or, la convention de la seconde Conférence internationale de la Paix du 18 octobre 1907 précisait qu’en cas de changement étatique, la nouvelle puissance devait respecter et appliquer le système de droit de l’État partant :

L’autorité du pouvoir légal ayant passé de fait entre les mains de l’occupant, celui-ci prendra toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d’assurer l’ordre et la vie publics, en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays.24

Ainsi, le but déclaré était d’éviter que les changements d’États produisent une trop grande confusion parmi les populations locales, surtout dans les colonies25. Au Cameroun, faute de documentation écrite ou orale sur le fonctionnement de l’administration judiciaire allemande, les Français ont affirmé se trouver face à « un cas d’empêchement absolu » et ont appliqué les lois en vigueur dans la colonie voisine de l’Afrique Équatoriale française :

Les représentants de l’autorité allemande ayant été faits prisonniers ou ayant disparu; (…) les archives ayant été emportées ou détruites; (…) aucun organe d’administration judiciaire n’ayant été maintenu par l’ennemi au moment où il s’est retiré, il convient de remédier à “l’empêchement absolu” de respecter “les

22 Martial MERLIN, Exposé Général de la situation dans les Territoires Occupés de l’Ancien Cameroun, FR ANOM 61 COL 1050, p. 47-57 ; et BArch R1001/3930, Hamburg 22.07.1917, Wirtschaftsdienst Nr.25. 23 FRANCESCHI, Le mandat français, p. 58, 70, 237-240 ; FR ANOM. 2300 COL 29, Dossier 254 ; MERLIN, Rapport du 06.10.1915, FR ANOM 2300 COL 21, p. 2-9. 24 Convention de la Haye du 18 octobre 1907, article 43, cité d´après : M. Weiss, Paris 09.09.1915, Le ministère des colonies à Monsieur le Gouverneur général de l´Afrique Equatoriale Française, FR ANOM 2300 COL 21, Dossier 188. 25 FR ANOM 2300 COL 29, Dossier 250, « La Législation et les biens ». LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE AU CAMEROUN 237

lois en vigueur dans les pays” et de répondre, par des mesures de fait, aux nécessités que commande la situation26.

Ce tableau est toutefois à nuancer : l’historien peut aujourd’hui consulter des documents sur la domination allemande à Berlin et à Yaoundé27, au Cameroun, bien que cette documentation soit nettement moins importante que par exemple celle des archives nationales de Windhoek, en Namibie, où quasiment rien n’a disparu. Nous relevons ici une contradiction qui soulève des questions : les administrateurs français du Condominium ont affirmé que toute la documentation sur les services juridiques allemands avait disparu et qu’ils étaient par conséquent dans l’incapacité d’appliquer les lois allemandes. Pourtant, aujourd’hui encore, à Yaoundé, nous pouvons trouver un nombre certain de documents juridiques allemands. L’historien, à défaut de résoudre cette contradiction, peut proposer des hypothèses : l’absence partielle d’archives impliquait-elle nécessairement l’incapacité des occupants français à étudier les lois indigènes allemandes ? Une partie des archives juridiques aurait-elle été rapatriée plus tard, lorsque la nouvelle administration avait déjà instauré le régime juridique français ? Ou alors les administrateurs étaient-ils entrés en possession d’une documentation allemande, passant ce fait sous silence dans le but d’appliquer préférentiellement leur propre système juridique ? Deux points peuvent ici être précisés : d’une part, les archives juridiques du gouvernorat allemand qui n’avaient pas été détruites devaient toujours se trouver à Bouéa, en zone anglaise, difficiles d’accès pour les administrateurs français28. Par ailleurs, si le gouvernorat français cherchait en vain des lois pénales pour indigènes, c’est surtout parce qu’il n’y en avait quasiment pas. Les colonisateurs allemands n’avaient jamais établi un code pénal détaillé pour leurs sujets africains29 et il n’existait que quelques actes réglementaires. En général, les administrateurs locaux allemands, qui pour majorité d’entre eux n’avaient pas reçu de formation juridique, décidaient seuls des sanctions pour les Africains. Aux difficultés françaises de gérer le nouveau territoire se sont ajoutées les rivalités avec le colonisateur britannique, mieux organisé et mieux équipé. Or, il était important pour la France d’être présente sur ce territoire conquis,

26 Cette mesure concernait toutefois uniquement les territoires qui avaient fait partie de l´Afrique Équatoriale Française avant d´être cédés à l´Allemagne en novembre 1911, devenant dès lors le « Nouveau Cameroun », FR ANOM 2300 COL 21, Dossier 192, « Instructions du 23 juin 1916 relatives à l´organisation politique et administrative des Territoires du Cameroun et ayant fait partie de l´Afrique Équatoriale Française antérieurement à l´accord du 4 novembre 1911 ». 27 BArch R175 F, Verwaltung des deutschen Schutzgebietes Kamerun, bearbeitet von Peter GEISSLER, Koblenz 1994, p. II. 28 FR ANOM 2300 COL 29, dossier 248, 09.02.1918, objet : Guerre franco-allemande. Préméditation d’une attaque allemande des forces anglaises par Ossidinge et Dschang. 29 Ulrike SCHAPER, Koloniale Verhandlungen. Gerichtsbarkeit, Verwaltung und Herrschaft in Kamerun 1884-1916, Frankfurt/M. / New York, Campus, 2012 ; Isabell SCHEELE, « Le régime pénitentiaire dans le Sud-Ouest allemand africain », mémoire de master 2 non publié, ENS Lyon / Paris 4, 2010. 238 ISABELL SCHEELE par son administration, ses infrastructures et ses institutions, ce qui est résumé brutalement par cette citation d’un administrateur : « C’est avec les fusils que l’on chasse l’ennemi ; c’est par les services que l’on s’implante dans le pays30. » Cette phrase exprime la volonté de s’implanter dans ce territoire, de se faire accepter par la population et de montrer sa présence afin d´illustrer la bonne gestion du territoire. Un objectif d’autant plus important pour la puissance coloniale que la question de l’appartenance du Cameroun n’était pas résolue. Ce territoire allait-il, après la guerre, être rendu à l’Allemagne ou bien être attribué à l’Angleterre ou à la France? Ainsi, la France entendait ne pas être évincée au moment stratégique du partage des anciennes colonies allemandes. Pour ce faire, il lui fallait, autant que possible, instaurer une administration exemplaire, argument solide dans les négociations à venir.

Une guerre de propagande et une guerre des mémoires (1914-1919) ?

Notre sujet aborde encore d’autres aspects intéressants, qui sont liés à deux nouveautés en particulier : d´une part, l’essor de la propagande de guerre, qui prend des dimensions jusqu’alors inconnues, et d´autre part les deux conventions des Conférences Internationales de la Paix (1899 et 1907) qui ont fixé de manière précise le droit de la guerre et les crimes qui lui sont liés. Parmi ces crimes de guerre figurent : l’assassinat de médecins de la Croix-Rouge, l’exécution de prisonniers de guerre, le pillage, le vol, la destruction de biens et l’utilisation de balles dum-dum31, considérées comme excessivement cruelles32. Or, les nombreux excès des guerres en Afrique ont fait que toutes les troupes, qu’elles soient allemandes, françaises, britanniques, belges ou africaines, ont commis de tels crimes de guerre33. Les différents gouvernements ont systématiquement nié les infractions commises par leurs propres troupes34, et lorsqu’ils en ont reconnu certaines, ils en ont rejeté entièrement la faute sur la prétendue « bestialité noire35 ». Une « bestialité » qui n’aurait prétendument pas pu être enrayée en raison du manque de personnel blanc. En revanche, ils ont accusé les troupes ennemies et ont détaillé tous leurs méfaits. Des articles accusateurs ont ainsi paru régulièrement dans la presse. Par exemple, le Times britannique a lancé cette querelle, le 16 octobre 1914, avec un article accusant l’Allemagne d’avoir

30 FR ANOM 2300 COL 21, Dossier 192, Douala 17.03.1915, Note. 31 La balle dum dum a une enveloppe en maillechort fendue en croix à l’avant permettant ainsi au noyau de plomb de s’épanouir dans la blessure. Elle a été développée au XIXe siècle et utilisée par les Anglais en Inde. Lors de la première conférence de La Haye en 1899, elle a été interdite en raison des grandes douleurs qu’elle cause. 32 SCHULTE-VARENDORFF, Krieg in Kamerun, p. 65. 33 Ibid., p. 55-70. 34 Ibid., p. 64. 35 Ibid., p. 65. LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE AU CAMEROUN 239 recruté des centaines de « noirs36 » dans ses troupes, ce qui aurait forcé les Anglais à faire de même, c’est-à-dire une action contraire aux conventions internationales. Cet article a fait le tour de l’Europe et a alimenté la propagande anti- allemande37. Pour contrer ces allégations, l’Office impérial aux Colonies se proposait de publier des extraits d’archives dans le Norddeutsche Allgemeine Zeitung38. Par la même occasion, la presse devait accuser l’Angleterre d’avoir incité des troupes noires à piller et à tuer des civils. L’Office impérial aux Colonies39 prévoyait ainsi de publier des témoignages de missionnaires et de civils sur les prétendus pillages massifs de propriétés privées, sur les mauvais traitements dans les camps de prisonniers de guerre ainsi que sur une population africaine que les Britanniques auraient dressée contre les Allemands, donnant soi-disant lieu à une véritable chasse aux Allemands. Il est à noter que, dans le contexte des théories raciales de l’époque, les colons se sont sentis particulièrement offensés d’avoir été fait prisonniers par des Africains40. Le ton excessif et le contexte de la guerre permettent d’affirmer que le but premier de ces publications était de donner une image négative de l’ennemi et de faire croire à l’immoralité de la partie adverse. L’Allemagne et les Alliés se sont mutuellement accusés de crimes de guerre ou d’autres « atrocités41 » commises en Afrique. Le gouvernement allemand est même allé jusqu’à demander, mais en vain, la médiation des États-Unis contre cette politique de guerre qui offensait tout « sentiment de la race42 ». Il s’agit ici d’une véritable guerre de propagande, menée à grands renforts d’extraits d’archives publiés par voie de presse, dont l’objectif était indéniablement de rallier l’opinion nationale et l’opinion internationale contre l’ennemi. Il n’est pas excessif d’affirmer que ces tentatives se sont soldées par un échec. Le traité de paix signé à Versailles en 1919 en est la preuve : l’Allemagne a été destituée du droit à la colonisation. Et l’un des principaux arguments était d’ordre humanitaire et moral : le gouvernorat colonial aurait été particulièrement brutal dans ses colonies. L’opinion internationale s’était en effet retournée contre l’Allemagne lorsque le gouvernement britannique

36 BArch R1001/7015, Kriegssachen 1914-1915, A. W. SCHREIBER, Stellvertretender Vorsitzender der Gesellschaft für Eingeborenen-Schutz an das RKA, Berlin 05.12.1914, Betr. : Beteiligung farbiger Truppen am Kolonial-Kriege. 37 Ibid. Il a été par exemple publié dans le journal suisse La semaine religieuse. 38 Ibid. 39 BArch R1001/3987, Deutscher Evangelischer Missionsausschluss an das RKA, Herrnhut, 29.01.1916, Betr. : Blaubuch der englischen Regierung vom November 1915. 40 REICHS-KOLONIALAMT, Die Kolonialdeutschen aus Kamerun und Togo in französischer Gefangenschaft, Berlin, Reichsdruckerei, 1917. 41 MERLIN, Rapport du 06.10.1915, FR ANOM 2300 COL 21, p. 19. 42 « Diese Kriegsführung verstößt gegen jedes Rassegefühl […] », BArch R1001/3987, Auswärtiges Amt an den Herrn Staatssekretär des Reichs-Kolonialamts, Berlin 14.06.15, Abschrift eines am 31.5.15 an die hiesige Botschaft der Vereinigten Staaten von Amerika gerichteten Verbalnote wegen der Kriegsführung der britisch-französischen Truppen in Kamerun. 240 ISABELL SCHEELE avait publié un « livre bleu43 » sur une politique coloniale qui, selon les auteurs anglais, n’avait été qu’exploitation et barbarie. Le président des États- Unis, Woodrow Wilson, s’est rangé du côté des Alliés contre l’Allemagne, et les anciennes colonies allemandes ont été transformées en mandats sous tutelle de la Société des Nations. Cette argumentation a été particulièrement douloureuse pour les avocats de la colonisation allemande, qui considéraient qu’une telle entreprise était un reflet du stade de civilisation d’une nation. Affirmer que l’Allemagne était incapable d’administrer correctement ses colonies revenait à lui renvoyer à la figure qu’elle était moins civilisée que les autres nations européennes. En Allemagne est alors née la légende du « mensonge sur la faute coloniale44 », point central d’un révisionnisme qui a eu une influence non négligeable sur la politique allemande jusqu’en 1945. Là encore se sont affrontées différentes campagnes de propagande, allemande, française et britannique. Pour ne citer qu’un seul exemple, le 5 octobre 1918, la société coloniale de Brême a suggéré au secrétaire d’État Wilhelm Solf de répondre aux « diffamations45 » anglaises. Le moyen envisagé a été la publication d’extraits d’un projet de loi datant de 1913, destiné à mieux protéger les travailleurs « indigènes ». La société de Brème plaidait sa cause en soulignant que le souci humaniste était plus important chez les colonisateurs allemands, les lois britanniques ne garantissant pas semblable protection. D’autre part, de nombreuses publications ont fait naître le mythe des fidèles Africains qui, par centaines de milliers, auraient suivi les colonisateurs allemands en territoire espagnol, et qui n’auraient souhaité qu’une chose, leur retour au Cameroun. Notons que les archives françaises affirment exactement le contraire : la quasi-totalité des chefs de tribu ont rédigé et signé une déclaration dans laquelle ils ont refusé le retour des Allemands et affirmé vouloir être gouvernés par la France46. Ces déclarations et témoignages étaient d’une importance primordiale pour le colonisateur français, qui pouvait s’en servir pour appuyer sa demande de voir rattacher ces territoires à son empire. On est donc fondé à se demander si ces déclarations, ces manifestations et ces témoignages étaient entièrement spontanés ou s’ils ont

43 Jeremy SILVESTER, Jan-Bart GEWALD, Words cannot be found. German Colonial Rule in Namibia. An Annotated Reprint of the 1918 Blue Book, Sources for African History, Leiden / Boston, Brill, 2003. 44 « Kolonialschuldlüge ». Sur le révisionnisme colonial, voir par exemple Christoph ROGOWSKI, « “Heraus mit unseren Kolonien!” Der Kolonialrevisionismus der Weimarer Republik und die “Hamburger Kolonialwoche” von 1926 », in Birthe KUNDRUS (dir.), Phantasiereiche. Zur Kulturgeschichte des deutschen Kolonialismus, Frankfurt/M., Campus, 2003, p. 243-262. 45 « Verleumdungen », BArch R1001/3233, Bremer Kolonial-Handelsgesellschaft an den Staatssekretär des RKA Herrn Dr.Solf, Bremen, 05.10.1918, p. 2-3. 46 FR ANOM 61 COL 1050, Dossier non numeroté « Manifestations de loyalisme », et FR ANOM 2300 COL 21, Dossiers 188 et 189. Sur la volonté française de mettre le territoire camerounais en valeur, voir Walter HERTH, “Mise en valeur” und Weltwirtschaftskrise. Koloniale Entwicklungspolitik in Kamerun unter französischer Herrschaft 1916-1938, Diss., Universität Zürich, Zentralstelle der Studentenschaft, 1988. LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE AU CAMEROUN 241

été partiellement provoqués à l´aide de divers moyens par les autorités françaises.

Conclusion

La destruction de documents sous le secret militaire semble avoir été une mesure de contre-espionnage couramment appliquée, et les archives ne sont certainement pas ce qui a le plus occupé les gouvernorats en temps de guerre. Toutefois, lorsque les gouvernements européens ont publié des extraits d’archives pour servir leur propagande, ils pratiquent peu ou prou une guerre spécifique des archives. Les extraits d’archives sont ainsi devenus une arme utilisée par la presse et par les organes de propagande des gouvernements allemand, français et britannique. Ils étaient alors considérés comme des preuves solides, ce qui n’excluait nullement leur manipulation. Les organes de propagande se sont servis de ces preuves prétendues incontestables afin de clamer publiquement les torts et méfaits de l’ennemi, de l’attaquer sur un plan moral, dans le but de rallier l’opinion publique internationale. Si cet aspect prend une ampleur considérable au cours de la guerre et de l’élaboration du Traité de paix, c’est en raison du rôle inédit des conventions internationales sur le droit de la guerre. Ainsi, la question juridique et morale des crimes de guerre a eu des conséquences assez surprenantes et peu connues. D’autre part, la disparition des archives coloniales allemandes rend parfois la recherche impossible. D’éminents chercheurs, dont l’ethnologue Claude Tardits47, en France, et l’historien Peter Sebald, en Allemagne, ont recherché en vain des archives coloniales allemandes. Peter Sebald espérait retrouver une cinquantaine de dossiers, dont il pensait avoir réussi à retracer l’itinéraire avec succès : ces dossiers auraient été transférés de Paris vers Berlin en 1940, puis vers Moscou en 1945 et de nouveau vers Paris en 1994. Voici quelques précisions : en 1940, plus de mille caisses d’archives ont été transférées depuis Paris occupée vers Berlin. C’était une entreprise assez mal organisée, le premier arrivé pouvant souvent prendre des documents sans même établir une liste des archives emportées. Il est sûr que parmi cette énorme masse de documents se trouvaient au moins deux dossiers allemands sur le Cameroun, datés de 191248. Lorsque les troupes russes ont conquis Berlin en 1945, elles ont emporté ce fonds d’archives français ainsi qu’un volume inconnu de documents historiques allemands. Ces fonds ont été entreposés dans un centre spécial près de Moscou, dont l’existence même a été tenue secrète jusqu’en 1990. À la suite d’un accord franco-russe de 1992, deux tiers des fonds français ont été remis à la France en 1994, où ils ont été entreposés dans les

47 Claude TARDITS, Contribution à l’étude des populations Bamiléké de l’ouest Cameroun, Paris, Éd. Berger-Levrault, 1960, p. 114. 48 ANF 20010217/5, Dossier 316, Paris, 15.09.1941, Sendung 60, Betr. : Aufstellung von Schriften und Aktenmaterial, das von Herrn Abteilungsleiter Rothhaupt aus dem französischen Kolonialministerium entnommen wurde zum Versand an das Kolonialpolitische Amt Berlin. 242 ISABELL SCHEELE

Archives nationales contemporaines à Fontainebleau. En revanche, en 1997, le gouvernement russe a refusé de remettre à l’Allemagne ses fonds historiques. Il n’est donc pas impossible que des archives coloniales allemandes se trouvent toujours dans ce centre spécial en Russie. Peter Sebald et l’auteure de l’article avaient espéré trouver des documents allemands à Fontainebleau, qui auraient été entreposés là par erreur, mais cette hypothèse est impossible à vérifier (en effet, une partie importante du fonds de Moscou se trouve dans un bâtiment contaminé par l’amiante49) et demeure peu probable.

49 Damien RICHARD, « Le “fonds de Moscou” aux Archives nationales – site de Fontainebleau », Service des publics, Archives Nationales, mise en ligne en juillet 2010, http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/103-fonds-moscou.pdf, consulté le 09.12.2013. „Grab unerfüllter Möglichkeiten“ – Deutschland und Frankreich im Spiegel einer Erzählung aus dem französischen Exil: Ernst Erich Noth Paul et Marie (1937)

Thomas LANGE Darmstadt

Für Ralph-Rainer Wuthenow (1928-2013)

Am 29. Januar 1937 druckte die Wochenzeitung Vendredi auf einer ganzen Seite eine „Nouvelle inédite de Ernst Erich Noth: Paul et Marie“1. Autor war der 27jährige Paul Krantz, der unter dem Schriftstellernamen Ernst Erich Noth 1931 in Deutschland einen autobiografischen Roman (Die Mietskaserne) veröffentlicht hatte und im März 1933 kurz vor seiner literaturwissenschaftlichen Promotion an der Goethe-Universität Frankfurt aus politischen Gründen nach Frankreich emigriert war. Er lebte als Journalist, Essayist und Romanautor seit 1935 in und bei Aix-en-Provence. Den Lesern der Zeitschrift Vendredi war er durch eigene Beiträge und Rezensionen seiner Werke bekannt.2 Die Novelle erzählt eine schlichte Handlung: Paul Duval, von Beruf Winzer in der Provence, gerät 1916 als Soldat in deutsche Kriegsgefangenschaft. Man bringt ihn erst in ein Kriegsgefangenlager, dann auf ein norddeutsches Landgut, wo französische und russische Kriegsgefangene schwerste Arbeit verrichten müssen. Pauls Lage verbessert sich, als eine junge Bäuerin ihn zur Arbeit auf ihrem Hof anfordert, da ihr eigener Mann nach einem kurzen Urlaub ebenfalls wieder als Soldat an die

1 Ernst Erich NOTH, Paul et Marie. Nouvelle inédite, traduite de l’allemand par Fred Bérence, in Vendredi., Hebdomadaire Littéraire, Politique et Satirique, Nr. 65 vom 29.1.1937, S. 11. 2 In Nr. 21 vom 27.3. 1936 war durch Jean PRÉVOST die Tragédie de la jeunesse allemande, (Paris, Grasset, 1936) besprochen worden, in Nr. 40 vom 7.8.1936 der Roman Un homme à part (Paris, Plon, 1936; deutsch: Der Einzelgänger, Zürich, Schweizer Spiegel Verlag, 1936) durch Manuel LELIS. – Noth selbst hatte in Nr. 47 vom 25.9.1936 eine Sammelbesprechung über emigrierte deutsche Autoren veröffentlicht: „Littérature d’exil“. 244 THOMAS LANGE

Front gehen muss. Sie behandelt den Kriegsgefangenen menschlich, als eine Art Knecht, und es kommt, wie nicht schwer zu erraten ist: Die dauernde nahe Gegenwärtigkeit lässt Marie ihren fernen Gatten und Paul seine Verlobte vergessen: „Die Verzauberung der Nächte war so groß, dass man die Gedanken an Schuld und Folge vergaß“.3 Marie wird schwanger. Bald erhält sie die Nachricht, dass ihr Mann gefallen ist, kann aber ihre Schwiegermutter wie auch die Dorfbewohner überzeugen, dass es das Kind ihres gefallenen Ehemannes ist, das sie zur Welt bringt. Jetzt aber fühlt sie Schuld über ihren Ehebruch, ihre Gefühle wenden sich dem Kind zu: „An ihm würde sie gutmachen, was sie gegen beide Männer gefehlt hatte.“4 Die Zeitereignisse erleichtern die Lösung des Konflikts: Das Kriegsende weist Paul Duval den Weg in die Freiheit. Er schlägt – „ohne viel Überzeugung“ – Marie die Heirat vor, will sie mit in die Provence nehmen, aber sie lehnt ab.5 Die Nachkriegszeit wird mit großen Schritten durcheilt: Paul kehrt auf seinen Hof zurück, heiratet Louise, seine Verlobte, die Ehe bleibt kinderlos, Louise kränkelt und stirbt. Eines Tages erhält Paul ein Foto ohne weiteren Brief „Marie und den Jungen darstellend, einen kräftigen Burschen.“6 Auf seine Briefe bekommt er keine Antwort. Er bittet Mitte der 30er Jahre den Pfarrer seines Orts, einen des Deutschen kundigen Elsässer, Marie zu schreiben und ihr seinen Besuch anzukündigen. Marie hat in den Nachkriegsjahren den Hof weitergeführt, der Sohn Fritz ist „ein feingliedriger, unerwartet zarter Junge, mit dunklen Augen und dunklen Haaren, die sich sehr unterschieden von den runden Flachsköpfen seiner dörflichen Gespielen.“7 Dass Marie einen Brief aus Frankreich erhalten hat, bleibt durch die Schwatzhaftigkeit des Postboten nicht unbekannt. Fritz stellt seine Mutter zur Rede über den Brief aus dem „Land, in dem sein Vater tot lag“. Nachdem er den Brief gelesen hat, bricht er zusammen, begeht Selbstmord und hinterlässt nur einen Zettel: „Ich bin unwürdig, die Ehrentracht zu tragen.“8 Duval kommt kurz nach der Beerdigung in das Dorf: „So fand Duval ein Grab und eine jäh gealterte, gebeugte Frau, die nicht die Marie seiner Träume und Erwartungen war.“ Der Schluss der Erzählung lautet:

3 Zit. nach dem deutschsprachigen Manuskript : Ernst Erich NOTH, Paul und Marie. Novelle, Frankfurt am Main, glotzi-Verlag, 2008, S. 28. – S. 50 schreibt der Herausgeber Lothar Glotzbach, dass dieses hier erstmals vollständig veröffentlichte Manuskript „erhalten geblieben“ sei. Wie andere maschinenschriftliche Manuskripte gehört es zu einem Teilnachlass von E.E. Noth, der im Januar 1983 von Pierre Foucher in Aix-en-Provence bei Mme Péladan gefunden wurde, bei der Noth 1965 gewohnt hatte. Dieser Nachlass wurde im Februar 1983 von Thomas Lange aus Aix-en-Provence geholt und der Witwe des am 15. Januar 1983 verstorbenen Ernst Erich Noth, Frau Claudia Noth, übergeben. 4 NOTH, ibid, S. 33. 5 Ibid, S. 35f. 6 Ibid, S. 37. 7 Ibid, S. 41f. 8 Ibid, S. 46. ERNST ERICH NOTH PAUL ET MARIE (1937). 245

Aber auch in dieser Stunde erkannten sie nicht ihren Irrweg, ihre Kleingläubigkeit, die solch Ende bedingte. Auch erfuhr Duval die Gründe des Freitodes nicht, und eine Panik vor der noch fremderen Fremde ließ ihn nicht weiter forschen. Marie schüttelte nur den Kopf, als er fragte, ob sie ihm jetzt folgen wolle. Sie deutete auf das Grab, hier sei ihr Platz. Sie trennten sich, fröstelnd vor der Vergangenheit und dem freudlosen einsamen Alter, das ihrer harrte. Keine Ahnung dämmerte ihnen, an welchem Grab unerfüllter Möglichkeiten sie standen.9

Ernst Erich Noth hatte sich ein Thema gewählt, das im Ersten Weltkrieg Massenschicksal gewesen war. Mehr als 7 Millionen Menschen waren von 1914 bis 1922 in der Hand der jeweiligen Kriegsgegner gewesen. „Frankreichs Armee büßte rund 600.000 Soldaten durch Kriegsgefangenschaft ein […] Deutschland rund eine Million.“10 Ihr Schicksal war insofern ähnlich, als sie nach anfänglicher Internierung in Lagern mit zunehmender Kriegsdauer von allen kriegführenden Mächten als Arbeitskräfte in der Wirtschaft eingesetzt wurden. „Ohne das erhebliche Potential von bei Kriegsende an die 2 Millionen beschäftigten Kriegsgefangenen wäre die deutsche Kriegswirtschaft bereits früh zusammengebrochen.“11 535.000 Franzosen waren bis 1918 in Deutschland gefangen. Ab 1915 nahm ihr Einsatz als Arbeitskräfte zu, wobei die bäuerliche Landwirtschaft für sie und die noch zahlreicheren (ca. 1,4 Millionen) russischen Gefangenen der „dominierende Beschäftigungsbereich“ wurde.12 Dabei war die von Noth geschilderte Einzelbeschäftigung ohne Bewachung ab 1916 die Regel.13 Noth bildet auch insofern die Realität zutreffend ab, als diese Arbeitskräfte überwiegend „sehr gute Arbeitsleistungen“ erbrachten, so dass die durch die Kriegswirtschaftsämter vorgesehenen möglichen Bestrafungen für „Faulheit […] in der bäuerlichen Landwirtschaft […] keine Bedeutung“ erlangten.14 Gerade das aber – effiziente Arbeit für den Kriegsgegner – war etwas, das ihnen in Frankreich vorgeworfen wurde. Während und nach dem Krieg schlug den französischen Kriegsgefangenen in Frankreich Misstrauen entgegen, sie standen pauschal

9 NOTH, ibid, S. 47f. 10 Jochen OLTMER, „Einführung“, in Ders. (Hrsg.), Kriegsgefangene im Europa des Ersten Weltkriegs, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2006, S. 11-23; hier: S. 13. 11 OLTMER, „Unentbehrliche Arbeitskräfte. Kriegsgefangene in Deutschland 1914-1918“, in OLTMER, Kriegsgefangene, S. 67-96; hier S. 67. 12 OLTMER, „Arbeitskräfte“, S. 82, 75. - Ca. 480.000 deutsche oder österreichisch- ungarische Soldaten waren Kriegsgefangene in Frankreich. Etwa 60% von ihnen wurden ab 1916 für kriegswirtschaftliche Arbeiten eingesetzt, ab 1917 arbeitete ein Drittel in der Landwirtschaft. Bernard DELPAL, „Zwischen Vergeltung und Humanisierung der Lebensverhältnisse. Kriegsgefangene in Frankreich 1914 – 1920“, in OLTMER, Kriegsgefangene, S. 147-164 ; hier S. 153. 13 OLTMER, ibid., S. 84f. 14 Ibid., S. 92, 93. 246 THOMAS LANGE im „Generalverdacht der Desertion.“15 Die Militärbehörden wie die Öffentlichkeit hatten von Kriegsgefangenen Flucht und Rückkehr an die Front erwartet (was etwa 16.000 von ihnen gelang).16 Ob nun aber die Mehrzahl der Gefangenen selbst sich als „räumlich und zeitlich Entwurzelte“ verstand, die gegen ihren Willen der „Kriegsteilnahme „beraubt“ gewesen seien, wie dies Annette Becker darstellt,17 die sich dabei vor allem auf die Erinnerungen des Hauptmanns de Gaulle und dessen fünf (gescheiterten) Fluchtversuche beruft,18 ist doch zweifelhaft und wird sich kaum je feststellen lassen. Gegen diese Interpretation spricht zumindest, dass „die Masse freiwilliger Liebesbeziehungen“ (wie sie Noth schilderte) „das Hauptproblem der Behörden war“, die für die Kriegsgefangenen in Deutschland zuständig waren.19 Die stellvertretenden Generalkommandos an der deutschen „Heimatfront“ sprachen immer wieder Verbote solcher Beziehungen aus. Für diese, in der zeitgenössischen Publizistik „Gefangenenliebe“ genannten Verhältnisse wurden von Psychologen als Ursachen „Liebesbedürfnisse der Kriegerfrauen“ angegeben20, während die Tageszeitungen diese Frauen „ehrlos“ nannten und deutsche Gerichte zahlreiche Urteile wegen solch „unerlaubten Verkehrs“ aussprachen21. Nicht nur Tauschgeschäfte mit den Gefangenen (etwa mit Brotmarken), Transport von Briefen an der Zensur vorbei, sondern auch Austausch von Liebesbriefen, Geschenken und Zärtlichkeiten oder gar Beihilfe zur Flucht führte zu Verurteilungen der betroffenen Frauen bis zu mehreren Monaten Gefängnis.22 Für die Gefangenen dagegen galt eine „vergleichsweise gelinde Strafpraxis – Verlegung in ein anderes Kommando und ab 1918 eine zusätzliche Arreststrafe.“23

15 Odon ABBAL, „Die französische Gesellschaft der Zwischenkriegszeit und die ehemaligen Kriegsgefangenen“, in OLTMER, Kriegsgefangene, S. 295 - 308; hier S. 298, S. 296. 16 ABBAL, „Französische Gesellschaft“, S. 306. 17 Annette BECKER, „Paradoxien in der Situation der Kriegsgefangenen 1914-1918“, in OLTMER, Kriegsgefangene, S. 24-3; hier S. 25. 18 BECKER, ibid, S. 27f. 19 Uta HINZ, Gefangen im Großen Krieg. Kriegsgefangenschaft in Deutschland 1914 – 1921, Essen, Klartext Verlag, 2006, S. 198. 20 Magnus HIRSCHFELD / Andreas GASPER (Hrsg.), Sittengeschichte des Ersten Weltkrieges (zuerst 1930), Hanau, Schustek, 1964, S. 114. 21 Nach dem seit dem 31. 7. 1914 geltenden Gesetz über den Belagerungszustand war „ein gegen die guten Sitten verstoßende[r] Verkehr weiblicher Personen mit Kriegsgefangenen […] verboten“. Zit. mit mehreren Beispielen bei Ute DANIEL, Arbeiterfrauen in der Kriegsgesellschaft, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1989, S. 146. – Nach Benjamin ZIEMANN, Front und Heimat. Ländliche Kriegserfahrungen im südlichen Bayern 1914-1923, Essen, Klartext Verlag, 1997, S. 305 gingen vor allem unverheiratete Dienstmägde, aber auch Bäuerinnen, deren Ehemänner gefallen oder vermisst waren, solche Verhältnisse mit Kriegsgefangenen ein. 22 HINZ, Gefangen, S. 197ff. 23 Ibid., S. 200. Hinz kommentiert, dass ganz traditionell die „gefallene Frau“ bestraft wurde, „während für die sexuellen Nöte des Mannes ein gewisses Verständnis bestand“ – sogar, wenn dieser ein „Erbfeind“ war. ERNST ERICH NOTH PAUL ET MARIE (1937). 247

Es scheint also, als hätte Ernst Erich Noth ein Stück realistischer Literatur geschrieben. Betrachtet man aber Ort und Zeitpunkt der Veröffentlichung sowie die Person des Verfassers näher, öffnet sich der Blick auf andere Dimensionen symbolischer Aussagekraft. Noths Erzählung war in der Zeitschrift Vendredi erschienen, mit der Intellektuelle und Schriftsteller das französische Volksfrontbündnis publizistisch unterstützen wollten24. Julien Benda, André Gide, Jean Giono, Jules Romains, Romain Rolland, André Malraux und viele andere engagierten sich für die Demokratie. Sie wollten ein Gegengewicht zu den rechtsradikalen Zeitschriften bilden, ohne mit einer Auflage von ca. 100.000 im Anfangsjahr25 Blättern wie Gringoire (350.000) oder Candide (200.000)26 ernsthaft Konkurrenz machen zu können. Deutsche Emigranten waren nur sporadisch Mitarbeiter des Vendredi. Neben seltenen Beiträgen international berühmter Erfolgsautoren wie Stefan Zweig27 oder Heinrich Mann28 war Ernst Erich Noth dagegen recht häufig vertreten29. Er gehörte allerdings zu denen, die von Anfang an wegen des starken kommunistischen Einflusses skeptisch gegen Exil-Veranstaltungen wie den „Internationalen Schriftstellerkongress zur Verteidigung der Kultur“ in Paris 1935 gewesen waren30. Konflikte mit den Kommunisten und Uneinigkeit bezüglich außenpolitischer Fragen (Spanien, Sowjetunion) führten schließlich dazu, dass sich die Redaktion des Vendredi zerstritt.31 Das war auch eine Auseinandersetzung zweier Generationen, bei der die Älteren eher dem Pazifismus zuneigten, während die nach 1900 Geborenen doch eher das aktive politische, auch parteipolitische Engagement vertraten.32 Zu dieser Generation zählt auch Noth (Geburtsjahr 1909), der seinen bravourösen

24 Michel WINOCK, Das Jahrhundert der Intellektuellen (Franz. 1997), Konstanz, UVK Verlagsgesellschaft, 2003, S. 344ff. – Herbert R. LOTTMAN, La Rive gauche. Du Front populaire à la guerre froide, Paris, Éditions du Seuil, 1981, S. 135. 25 LOTTMAN, Rive gauche, S. 133. 26 WINOCK, Jahrhundert der Intellektuellen, S. 341. 27 Ibid., S. 347. 28 « Acquittée ». Nouvelle de Heinrich MANN, in Vendredi, Nr. 54, 13.11. 1936, S. 11. - „La peur de diable”, in Vendredi, Nr. 93, 13.8. 1937. (Ein Bericht über die deutsche Volksfront.) - 29 Ernst Erich NOTH, « Joseph Wittlin », in Vendredi, Nr. 93, 13.8. 1937, S. 4 – „Littérature d’exil“, Nr. 70, 5.3. 1937, S. 7. – „Deux romanciers allemands devant la guerre“, (über Hans Carossa und Arnold Zweig), 5.8. 1938, S. 5. – Zu Rezensionen seiner Bücher vgl. oben Anm. 2. Außerdem: A. M. PETITJEAN über L’homme contre le partisan, 14.10. 1938, S. 5. – La voie barrée, Nr. 135, 27.5. 1938, S. 5/6. 30 Vgl. Thomas LANGE, „Ernst Erich Noth als Vermittler zwischen deutscher und fran- zösischer Literatur“, in Revue d'Allemagne, Bd. XVIII, Nr. 2, avril-juin 1986, S. 250-264; hier S. 235. – Außerdem : Ernst Erich NOTH, Erinnerungen eines Deutschen. Hamburg und Düsseldorf, Claassen, 1971, S. 317. (zuerst: Mémoires d’un Allemand, Paris, Julliard, 1970). – Zu diesem Einfluss s. a. WINOCK, Jahrhundert der Intellektuellen, S. 321ff. 31 Ibid., S. 350; LOTTMAN, Rive gauche, S. 137. 32 Bernard LAGUERRE, „Marianne et Vendredi: deux générations ?“, in Vingtième Siècle. Revue d’histoire. Nr. 22, April-Juni 1989, S. 39-44. (Zit. n.: http://www.persee.fr/web/revues/ home/prescript/article/xxs_0294-1759_1989_num_22_1_2125. Zugriff: 6.1. 2013) Hier: S. 41f. 248 THOMAS LANGE publizistischen Einstand in Frankreich mit einem Buch über die Tragödie der deutschen Jugend 1934 gegeben hatte.33 Es erschien gerade zum Zeitpunkt der Ermordung der Führungskader der SA im Juni 1934 („Röhm-Putsch“) und wurde im Gefolge dieses Ereignisses in Frankreich aufmerksam zur Kenntnis genommen. Noths Darstellung gab, jenseits der in Frankreich bis dahin üblichen eher geistesgeschichtlichen Interpretationen des immer ein wenig unheimlichen Nachbarn östlich des Rheins (z.B. Pierre Viénot Incertitudes allemandes, 1931) nun doch soziologisch fundierte Erklärungen für die hohe Bereitschaft vor allem der (kurz vor 1914 geborenen) jungen deutschen Nachkriegsgeneration, sich der NS-Diktatur einverständig zu unterwerfen.34 Der Traditionsbruch des Weltkriegs hätte zu einer ausschließlich materiellen Orientierung geführt wie zur Abwertung bürgerlicher Moral, verbunden mit einem „Bedürfnis nach Erlösung und Gefolgschaft.35 Als Noths Erzählung Paul et Marie Anfang 1937 in Vendredi erschien, war freilich die „heroische Periode“36 der Zeitschrift schon vorbei, die Auflage um die Hälfte geschrumpft37. Die Ursache dafür sind hauptsächlich Ereignisse jenseits der französischen Grenzen. An dem Zwang, dazu Stellung zu nehmen, „zerbricht die Einheit der Linken38 “. Da ist einmal der spanische Bürgerkrieg seit Juni 1936, zu dem die Regierung Blum eine „Politik der Nicht-Intervention“ vertrat.39 Nicht nur über diese Frage lagen die Kommunisten und die anderen Linken der Volksfront in heftigem Dissens, sondern auch über die Kritik an der Sowjetunion, die vor allem der desillusionierte Reisebericht André Gides im Herbst 1936 formulierte: Es gäbe heute kein anderes Land, sei es auch das Deutschland unter Hitler, in dem der Geist weniger frei, mehr unterdrückt, terrorisiert oder in Dienst genommen sei.40 Ein weiterer außenpolitischer Streitpunkt war das Verhältnis zum Deutschen Reich. Die Volksfrontregierung nahm im Juni 1936 die Versöhnungspolitik vom Ende der 20er Jahre wieder auf und blieb (wie die Nachfolgeregierungen) bei einer strikt nicht-konfrontativen Politik gegenüber Nazi-Deutschland bis zu dem öffentlichen Aufatmen Blums („nun können wir

33 NOTH, La tragédie de la jeunesse allemande, Paris, Grasset, 1934. – Noth hatte den Text auf Deutsch niedergeschrieben, die französische Übersetzung ist also der Erstdruck. Das deutsche Manuskript (vgl. o. Anm. 3) wurde 2002 im glotzi-Verlag Frankfurt/M publiziert. 34 LANGE, „Vermittler“, S. 254. Dort auch zur Rezeption des Buches in Frankreich. 35 NOTH, Tragödie (2002), S. 61,63. 36 LOTTMAN, Rive gauche, S. 135. 37 Ibid., S. 137. 38 WINOCK, Jahrhundert der Intellektuellen, S. 350. 39 e Henri DUBIEF, Le déclin de la III République 1928 - 1938. (Nouvelle histoire de la France contemporaine 13). Paris, Éditions du Seuil, 1976, S. 198. - Raymond POIDEVIN / Jacques BARIÉTY, Les Relations Franco-Allemandes 1815–1975, Paris, Armand Colin, 1977, S. 198f. 40 André GIDE, Retour de l’URSS, Paris, Gallimard, 1936, S. 67. – Dazu WINOCK, Jahrhundert der Intellektuellen, S. 371ff. ERNST ERICH NOTH PAUL ET MARIE (1937). 249 den Schlaf wieder finden“41 ) nach der Zustimmung der europäischen Mächte zur Erpressung von München Ende September 1938. Im November dieses Jahres stellte Vendredi sein Erscheinen ein. Auch die traditionell deutschlandkritische (manchmal auch: germanophobe) französische Rechte war dagegen, Hitler in den Arm zu fallen, da sie mit seinem Antimarxismus ganz einverstanden war.42 Wenn es politisch opportun erschien, wurde auch wieder der alte Vorwurf erhoben, französische Kriegsgefangene in Deutschland seien Deserteure gewesen. 1936 traf dieser Vorwurf den französischen Innenminister, ehemaligen Bürgermeister von Lille und Hauptverhandler der Verträge von Matignon, Roger Salengro. Das war zwar reine Verleumdung, die Vorwürfe wurden militärgerichtlich widerlegt, doch der verzweifelte Minister nahm sich im November 1936 das Leben.43 Vor diesem Hintergrund bekommt Noths Novelle einen geradezu allegorischen Charakter. Sein Paul Duval ist alles andere als ein Kriegsheld. Den Vorgang seiner Gefangennahme erlebt er eher als „Unfall“ und findet sich „ohne viel Widerstand und Verwunderung in seine Gefangennahme“. Dabei ist er ebenso wenig voll heroischer Gedanken wie der mit ihm im gleichen Granattrichter ausharrende Deutsche, der seinem Gefangenen „neidisch und aufmunternd zugleich“ zu verstehen gibt: „Finie la guerre44!“ Paul und Marie werden kaum mit „nationalen“ Eigenschaften charakterisiert. Politik spielt in beider Denken und Handeln eigentlich keine Rolle. Der Krieg kam über Paul wie eine „Katastrophe, deren Ursachen ihm fremd waren und deren Folgen er wie die meisten nicht zu bedenken vermochte.“ Eher sind Paul und Marie Repräsentanten ihrer sozialen Schicht: Beide aus bäuerlichen Familien, mit ihrem Landbesitz verwachsen. Nur in Andeutungen werden die unterschiedlichen Landschaften gegeneinander gesetzt, dabei hat die Provence („würziger Duft des Thymiankrautes […] schmeichelnder [...] von Lavendel“) einen starken Sympathievorteil vor den nord- oder ostdeutschen Ebenen („monotones, erschreckend sich gleichbleibendes ebenes Land […] riesige Getreide-, Kartoffel- und Rübenfelder“).45 Für den Franzosen wie für die Deutsche ist „Heimat“ aber nicht „Nation“ oder „Volk“, sondern das jeweilige Dorf. Bei Marie kommt noch hinzu, dass sie eine sehr statische Auffassung von Gesellschaft hat: sie sieht ihr uneheliche Kind losgelöst vom Erzeuger vor allem in seiner sozialen Funktion als „Erbe“, „denn es war ihr Kind vor allem.“

41 In einem Artikel in Le Populaire vom 1. Oktober 1938, zit. bei POIDEVIN / BARIÉTY, Relations Franco-Allemandes, S. 307. 42 WINOCK, Jahrhundert der Intellektuellen, S. 412, spricht vom Neopazifismus der Rechten; vgl. auch POIDEVIN / BARIÉTY, Relations Franco-Allemandes, S. 303. 43 Salengro hatte mit Genehmigung seiner Vorgesetzten am 6. Oktober 1915 die Kampflinie überschritten, um den Leichnam eines Kameraden zu bergen und war dabei von deutschen Truppen gefangengenommen worden. ABBAL, „Französische Gesellschaft“, S. 307f.; e vgl. BECKER, „Paradoxien“, S. 27; DUBIEF, Le déclin de la III République, S. 207. 44 NOTH, Paul und Marie, S. 5 - 9. 45 Ibid, S. 8,11. 250 THOMAS LANGE

Diese soziale Bindung bestimmt sie auch, Pauls Heiratsantrag abzuweisen: „Er überhörte und begriff auch nur halb die verbissene Ernsthaftigkeit ihrer Argumente: vom Erbe, vom Namen, von der Ehre, die auch dann Ehre blieb, wenn sie auf Lüge sich gründete.“46 Auch Pauls Antrag kommt freilich nicht aus wirklich persönlicher Emotion: „ohne viel Überzeugung“ bringt er seine Absicht vor und: „Als er ihr [zum Abschied] die Hand drückte, dünkte ihm für einen Augenblick, als gäbe sie und nur sie ihm die Freiheit und sein Leben wieder.“47 Die Entwicklung in Deutschland nach 1933 wird auf einen „Dämon“ zurückgeführt, „der es allzu häufig überfiel und freundnachbarliches Verhalten unmöglich machte.“ Es ist die Rede von der „Unvereinbarkeit der Lebenssphären der finstersten sozialen Provinz dieses und der heitersten und freiesten jenes Landes.“48 Fritz, der Sohn von Paul und Marie wird zur Inkarnation der von Noth öfter beschriebenen deutschen Nachkriegs- generation: Er trägt „die Uniform der Parteijugend, die der junge Gutsbesitzer befehligte, trug sie stolz wie den Dolch mit dem Gelöbnis ‚Blut und Ehre‘ und glaubte an die Lehren seiner Vorgesetzten, dass er als deutscher Junge ein Auserwählter vor allen anderen Völkern, innerhalb seines Volkes aber als Kriegswaise und künftiger Erbe eines Bauernhofes gleichfalls [vor] anderen bevorzugt [war] und sehnte sich nach dem Augenblick, wo er sein Leben für so herrliche Ideen und für den verehrten Führer einsetzen dürfte.“49 Der Versuch, noch einmal Grenzen zwischen den Völkern zu überwinden, geht von dem Franzosen Duval aus, auf dessen Werben die Deutsche Marie aber nie positiv zu reagieren gedenkt. Sie ist, wie die ganze Gesellschaft um sie herum, gefangen in den wieder hergestellten Machtverhältnissen der Vorkriegszeit: die einfachen Leute nach wie vor „unterwürfig“, die Herrschenden von „Revanche am Erbfeind träumend50“. Als „Irrweg“ und „Kleingläubigkeit“, eben als „Grab unerfüllter Möglichkeiten“ deutet Noth dieses Verhalten bzw. Nicht-Handeln. Eine Chance für einen gemeinsamen Weg sieht er nicht. Diese Novelle ist von einer tiefen Resignation getragen. Einzelne Menschen guten Willens sind nicht in der Lage, die Gegensätze zwischen den Völkern zu überwinden.

Die Haltung, die Noth in seiner Novelle literarisch ausdrückt, untermauerte er auch theoretisch durch eine „Philosophie des Nicht- Engagements“, die ihn von der Mehrheit der deutschen Emigration abschnitt, in der er allerdings von Anfang an – vermutlich aufgrund seiner Berliner

46 NOTH, ibid., S. 34, 36. 47 Ibid., S. 35, 36. – Das Schicksal der betroffenen Frauen und ihrer Kinder ist kaum erforscht, vgl. HINZ, Gefangen, S. 200. 48 NOTH, Paul und Marie, S. 40. 49 Ibid., S. 43 50 Ibid., S. 39; diese Stelle gehört zu denen, die für die Übersetzung im Vendredi gestrichen wurden. ERNST ERICH NOTH PAUL ET MARIE (1937). 251

Vergangenheit – nie richtig akzeptiert worden war.51 Es war zugleich eine theoretische Unterfütterung für seine „höchst bewusste Option für Geist und Zivilisation des Gastlandes.“ Er sah sein Exil als „Weg ohne Rückkehr […] eine bis ins Sprachliche erhobene kategorische Absage an ein für mich und an sich selber verlorenes Vaterland, in dem sogar die Muttersprache in den Dienst des Ungeistes gepresst worden war.“52 Er wollte in die Rolle eines französischen Schriftstellers und Intellektuellen hineinwachsen und schrieb seinen nächsten Roman gleich auf Französisch nieder (Le désert, 1939). Noths Versuch, eine theoretische Position zu gewinnen, orientierte sich an Julien Bendas Verrat der Intellektuellen (La trahison des clercs, 1927) und wurde bestärkt in Gesprächen mit André Gide53 und dessen Kritik an der „Entpersönlichung“ („dépersonnalisation“)54 in der Sowjetunion. In einem fast 300seitigen Essay stellte Noth „Mensch“ und „Parteigänger“ einander gegenüber (L’homme contre le partisan, 1938)55. „Mensch“ ist vor allem der Künstler, der seinen „Geist“ nie einer Parteidisziplin unterordnen darf, wie das z.B. Lion Feuchtwanger in seiner Antwort (Moskau 1937) auf Gides UdSSR-Buch getan hatte.56 Noths Absage an totalitäre Diktaturen endete in einer Lobeshymne auf Frankreich als Wahrer von Freiheit und Zivilisation.57 Diese Konstruktion einer gewissermaßen „freischwebenden Intelligenz“ im Sinne von Karl Mannheim (dessen Vorlesungen Noth in Frankfurt gehört hatte58) wurde durch die politischen Ereignisse der Jahre 1938/39 rasch als eine der „großen Illusionen“ des guten Willens der Volksfront-Ideologien der 30er Jahre bloßgestellt. Nach der Erfahrung der französischen Niederlage in der „dr_le de guerre“ von 1940 – Noth spricht nur von einem „besudelten Krieg“59 – und seiner Flucht in die USA, widerrief Noth sein idealistisches Konstrukt und machte als Leiter des deutschsprachigen Kurzwellensenders NBC in New York selbst politische Propaganda.60 Schon in dem Roman Le désert (1939) war aus dem deutschen Emigranten in Frankreich, der nicht

51 Noth war unter seinem eigentlichen Namen Paul Krantz 1928 Angeklagter in einem Mordprozess gewesen. Vgl. Thomas LANGE, „‘Moderne Jugend’ als Medienereignis - Der Mordprozess Krantz 1928 und seine Rezeption in Literatur und Film“, in Geschichte in Wissenschaft und Unterricht H.2/2006, S. 96-115. 52 NOTH, Erinnerungen, S. 416f. 53 Ibid., S. 314. 54 GIDE, Retour, S. 47. 55 Vgl. Thomas LANGE, „Verratener Geist - besudelter Krieg. Deutsches Bildungsbür- gertum und Gesellschaftsanalyse, am Beispiel zweier Essays von Ernst Erich Noth », in Exil. Forschung - Erkenntnisse - Ergebnisse. 8. Jg., 1/1988, S. 39-59. – Vgl. auch Albrecht BETZ, Exil und Engagement. Deutsche Schriftsteller im Frankreich der dreißiger Jahre, München, Edition Text und Kritik, 1986, S. 137ff. 56 Ernst Erich NOTH, L’homme contre le partisan. Traduit de l’allemand par A.-E. Sernin, Paris, Grasset, 1938, S. 121. – Zum deutschen Manuskript dieses Buches s.o. Anm. 3. 57 NOTH, L’homme contre le partisan, S. 163, 277f. 58 NOTH, Erinnerungen, S. 191. 59 Ernst Erich NOTH, La guerre pourrie. La plus petite France, New York, Brentano’s, 1942. 60 LANGE, „Verratener Geist“ (Anm. 55), S. 52ff. 252 THOMAS LANGE

„Parteigänger“ werden wollte, ein Gleichgültiger geworden („ma recette, celle de l’indifférence“)61, der die politischen und religiösen Sinnsucher im Exil scheitern sieht, so dass für ihn der Selbstmord die einzige Konsequenz ist.62 Desillusionierung, eine Grundhaltung der kriegskritischen Romane der „verlorenen Generation“ (z. B. Erich Maria Remarques Im Westen nichts Neues“, 1929) kennzeichnet Noths Romanfiguren von Anfang an. Die Erzählliteratur über den Ersten Weltkrieg gestaltete oft das Gefühl, in einer nicht selbst bestimmten Identität „gefangen“ zu sein oder eine persönliche oder soziale Identität aufgezwungen zu bekommen. Das Motiv der Kriegsgefangenschaft eignete sich besonders, um Hilflosigkeit und Verlorenheit des Einzelnen wiederzugeben (Arnold Zweig, Der Streit um den Sergeanten Grischa, 1927; Joseph Roth, Flucht ohne Ende, 1927). Im deutsch-französischen Kontext fällt allerdings auf, dass das Motiv der „Gefangenschaft“ zwar in der deutschen Nachkriegsliteratur häufig, in der französischen aber so gut wie gar nicht dargestellt wurde63. Allein Jean Renoirs Film La Grande Illusion (1937) bildete eine Ausnahme. Dieses Drama aus dem Geist der Volksfront um französische Kriegsgefangene in Deutschland hat eine soziale Botschaft – Bürger und Proletarier lösen die Vertreter der alten aristokratischen Welt als gesellschaftliche Elite ab – und versucht zugleich eine „Utopie der Versöhnung“ zwischen den Kriegsgegnern anzudeuten in dem Liebesverhältnis zwischen einem französischen Offizier und einer deutschen Bäuerin und Kriegerwitwe.64 Der kommerziell erfolgreiche Film65 wurde von der französischen Zensur nach Kriegsbeginn verboten, während die deutsche seine Aufführung von Anfang an untersagte und nach der Besetzung Frankreichs Originale und Kopien des Films beschlagnahmte. Dass „Gefangenschaft“ aber auch ein Eintauchen in eine neue Identität bedeuten kann, hat Jean Giraudoux in seinem Roman Siegfried et le Limousin (1922) und dessen Dramatisierung (Siegfried, 1928) durchgespielt.66

61 Ernst Erich NOTH, Le désert, Paris, Gallimard, 1939, S. 71. 62 Ibid., S. 220. 63 Léon RIEGEL, Guerre et Littérature. Le bouleversement des consciences dans la littérature romanesque inspirée par la Grande Guerre. (Littératures française, anglos-saxonne et allemande) 1910 – 1930, Nancy, Éditions Kleinsieck, 1978, S. 206ff. 64 Karl PRÜMM, „Die große Illusion“, in Thomas KOEBNER (Hrsg.), Filmklassiker. Beschreibungen und Kommentare, Bd. 1: 1913-1946, Stuttgart, Philipp Reclam jun.,1995, S. 359-363. 65 Ginette VINCENDEAU, “The popular cinema of the Popular Front”, in dies. / Keith READER (Hrsg.), La vie est à nous! French cinema of the Popular Front 1935-1938, London, National Film Theatre, 1986, S. 73- 102; hier: S. 81. 66 Vielleicht angeregt durch den 1922 Schlagzeilen machenden Fall des französischen Soldaten „Anthelme Mangin“. Vgl. „L’énigme de l’amnésique de Rodez. De 1920 à 1937, à l’asile d’alinénés“, in La Dépeche du Midi, 11.11.1998. -http://www.ladepeche.fr/article/ 1998/11/11/211008-l-enigme-de-l-amnesique-de-rodez.html (Zugriff: 1.3. 2013) – Jean-Yves LE NAOUR, Le soldat inconnu vivant, Paris, Hachette Littératures, 2008. - Jean Anouilh formte ERNST ERICH NOTH PAUL ET MARIE (1937). 253

Giraudoux spitzt die Motive der französisch-deutschen Identitätssuche dahingehend zu, dass die deutsche Krankenschwester Eva aus einem gedächtnislos in ein Lazarett gebrachten französischen Soldaten einen musterhaften Deutschen mit dem hochsymbolischen Namen „Siegfried von Kleist“ erschafft.67 Dieser wird in einer märchenhaften Karriere ein bedeutender deutscher Politiker der Weimarer Republik. Siegfrieds Identität wird dann allmählich als die des französischen Schriftstellers Jacques Forestier enthüllt, und zwar von dem reaktionären deutschen Putschisten Baron Zelten, der sagt: „Ich habe entdeckt, was ich seit langem vermutete, dass einer, der mit seinem Gehirn richtet, mit der Vernunft paktiert, mit seinem Verstand rechnet, kein Deutscher sein kann.“68 Siegfried/Forestier kehrt nach Frankreich zurück: „Ich fühle, dass ich ein Fremdkörper in Deutschland gewesen bin.“69 Im Roman kommt es nicht zu einer Überwindung der Gegensätze, die als offenbar unveränderliche nationale Eigenschaften beschrieben werden, zwischen dem Land der „Bewegung“ (Deutschland) und dem der „Ruhe“ (Frankreich), zwischen der französischen Logik und der germanischen Schöpferkraft.70 Giraudoux variiert hier die Motive, die in der französischen Deutschland-Publizistik der 20er Jahre verwendet worden waren (z.B. von Pierre Viénot Incertitudes allemandes, 1931; Edmond Vermeil Doctrinaires de la révolution allemande, 1938).71 Allerdings verschließt sich Forestier/Siegfried in seinem alten Vaterland nicht völlig vor dem neuen, angelernten. Vor allem in der Dramenfassung, die in Frankreich und Deutschland große Resonanz auslöste, kommt der Aspekt einer möglichen, wenn auch utopischen Versöhnung beider Identitäten deutlich zum Ausdruck. Als ihm vor seinem Übertritt nach Frankreich deutsche Generäle eine Art Heldentod abverlangen wollen, sagt Siegfried: „Ich ziehe es einfach vor, zu leben. Siegfried und Forestier sollen leben, Seite an Seite. Ich werde versuchen, beide Namen und beide Leben, die mir der Zufall geschenkt hat, ehrenvoll zu tragen.“ Die Kriegsgefangenschaft wird zur Metapher einer Annäherung von Identitäten umgedeutet: „Ich will nicht wie ein letzter Kriegsgefangener aus einem deutschen Gefängnis nach Frankreich zurückkehren, sondern der erste sein, der mit neuem Wissen oder einem neuen Herzen beschenkt wurde. […] Ich gehe in mein Vaterland ins Exil.“72

daraus sein ganz unpolitisches, psychologisches Drama Reisender ohne Gepäck (Le voyageur sans bagage, 1937). 67 Jean GIRAUDOUX , Siegfried oder die zwei Leben des Jacques Forestier. Roman, aus dem Französischen von Otto F. Best, Frankfurt/M, Suhrkamp, 1981, S. 104, 128. 68 Jean GIRAUDOUX, Siegfried, in ders., Dramen, Frankfurt/M, S. Fischer Verlag, 1961. Deutsch von Hans Pavel, S. 56. 69 GIRAUDOUX, Siegfried oder die zwei Leben des Jacques Forestier, S. 226. 70 Ibid., S. 113, 133. 71 Vgl. Bernard TROUILLET, Das deutsch-französische Verhältnis im Spiegel von Kultur und Sprache, Weinheim und Basel, Beltz, 1981, S. 198ff. 72 GIRAUDOUX, Siegfried, S. 77f. 254 THOMAS LANGE

In der Dramenfassung sah die französische Kritik „germanophilie“ und sprach von einem „Locarno in drei Akten.“73 Die deutsche Kritik blieb zurückhaltender. Siegfried sei kein Deutscher, sondern die Inkarnation eines Bildes, das ein intelligenter Franzose sich von Deutschland macht, schrieb der Frankreichkorrespondent der Frankfurter Zeitung, Friedrich Sieburg.74 Auch der seit 1924 überwiegend in Frankreich lebende Kurt Tucholsky, einer der schärfsten deutschen Kritiker des preußisch-militaristischen Deutschland, distanzierte sich von den hergebrachten Deutschen-Klischees, die Giraudoux verwendete: „Wie stehen wir da? Hackenknallend.“ Aber Tucholsky entdeckte auch Versöhnliches:

Hier streckt ein Land einen Fühler aus… Die Franzosen horchen … Der Fühler geht ins Leere, es ist der Widerschein Deutschlands in den Wolken, nach dem hier visiert wird, nicht Deutschland. Wir kennen uns nicht. Wir hassen uns falsch: die Nationalisten beider Länder haben Schießbudenfiguren aufgebaut, nach denen sie zielen.75

Das Drama wurde immerhin, wenn auch wenig erfolgreich, 1930 und 1932 in Deutschland aufgeführt. Dass die nationalistische Presse es „grundsätzlich“ ablehnte, verstand sich von selbst.76 Man mag es eine Ironie der Geschichte nennen, dass Jean Giraudoux und Ernst Erich Noth, die beide eine literarische Annäherung zwischen Frankreich und Deutschland zu gestalten versucht hatten, gemeinsam daran mitwirken sollten, Frankreich vor Deutschland zu retten. Als Giraudoux am 29. Juli 1939 zum „Commissaire général à l’Information“ der französischen Regierung ernannt wurde, weil er als Kenner deutscher Angelegenheiten galt.77 stellte sich schnell heraus, dass die Literatenmannschaft, die er um sich versammelt hatte (darunter der Historiker Paul Hazard, französische Elite- Germanisten wie Robert Minder, Ernest Tonnelat oder Edmond Vermeil, aber auch deutsche Emigranten wie Alfred Döblin oder Ernst Erich Noth) nicht in der Lage war, wirklich auf die Nazi-Ideologie zu reagieren.78 Giraudoux

73 Nozière in „Rumeur“, 3. Mai 1928, zit. bei Jacques BODY, Giraudoux et l’Allemagne, Paris, Didier, 1975, S. 292. 74 In einem Artikel in L’Europe Nouvelle am 12.1. 1929, S. 39-40 ; zit. bei BODY, Giraudoux, S. 298. 75 Peter PANTER, „‘Siegfried’ oder der geleimte Mann“, in Vossische Zeitung, 23. 5. 1928. Zit. n. Kurt TUCHOLSKY, Gesammelte Werke, Bd. 9. Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1995, S. 134 – 137. 76 BODY, Giraudoux, S. 300, 304. 77 Ibid., S. 141, 414, 421. - Vgl. Thomas LANGE, „Zwischen Gott und Teufel. Das Frankreichbild deutscher Schriftsteller im französischen Exil“, in Dietrich HARTH (Hrsg.), Fiktion des Fremden. Erkundung kultureller Grenzen in Literatur und Publizistik., Frankfurt, Fischer Taschenbuch Verlag, 1994, S. 83-112; hier: S. 104. 78 Vgl. auch Albrecht BETZ, „Giraudoux, Minder und die Emigranten. Propaganda während der ‘Drôle-de-guerre’ 1939/40“ in ders. / Richard FABER (Hrsg.), Kultur, Literatur und Wissenschaft in Deutschland und Frankreich. Zum 100. Geburtstag von Robert Minder, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2004, S. 207 -216. – Zu Konflikten zwischen diesen Emigranten vgl. einen Brief von Robert Minder an den Noth-Forscher Pierre Foucher vom 11. ERNST ERICH NOTH PAUL ET MARIE (1937). 255 selbst las nicht einmal die amtlichen deutschen Verlautbarungen und blieb bei seinen alten, eher mythologisch-geistesgeschichtlichen als politischen Kategorien. Er setzte das Spiel mit den gegensätzlichen Deutschlandbildern fort,79 bediente sich der französischen Mythen über deutsche Klassik und Romantik, ging nicht auf die Psychologie der Massen ein. Noth konnte die Wirkungslosigkeit dieser Propaganda nur registrieren, da es ihr nicht gelang, die deutschen Soldaten von ihrer Führung zu entfremden. Er selbst versuchte später, in seiner Radiopropagandatätigkeit in den USA, modernere Mittel zu verwenden.80 Wie wenig Noth seinen als „excommunication“81 empfundenen Ausschluss aus der französischen Kultur überwunden hat, zeigt sich in seinem letzten Roman, der, auf Deutsch niedergeschrieben, 1965 in französischer Übersetzung in Paris erschien. Hier baute er die (jetzt ungekürzte) Geschichte von Paul und Marie fast unverändert in den Kontext einer geradezu „nihilistischen“82 Story ein. Zwei Deutsche werden nach 1933 zu erbitterten Feinden, der eine ein fanatischer Hitler-Anhänger, der andere ein Emigrant. Letzterer erfährt in Frankreich die Geschichte des Bauern Paul Duval83. Charakteristisch für den nun noch gesteigerten Pessimismus des Autors Noth sind einige wenige Änderungen am Schluss der Novelle. Jetzt lernt Paul die Gründe für den Selbstmord seines (deutschen) Sohnes kennen und schaudert in auswegloser Panik vor dem noch fremder gewordenen Deutschland. Der immerhin noch Hoffnung auf Änderung lassende Schlusssatz von den „unerfüllten Möglichkeiten“ der Fassung von 1937 fällt 1965 ersatzlos weg. Es bleibt nur das „Frösteln“ vor Vergangenheit und Zukunft und für den Roman ein gewaltsamer Schluss: diesmal tötet der Emigrant nicht sich selbst, sondern seinen Nazi-Freund. Der Erste Weltkrieg und seine Folgen – die wie ein „Rausch verflogen[e]“ Revolution von 191884 – blieben für Ernst Erich Noth die „Urkatastrophe“ (George F. Kennan) auch seines Lebens. Skeptizismus und Misstrauen gegenüber Deutschland prägten Noth in seinen Jahrzehnten in den USA, nach seiner Rückkehr nach Frankreich 1964 und auch, nachdem er, von politisierten deutschen 68er Studenten überredet, 1971 an seine frühere

4. 1980: “Döblin l'avait en piètre estime et le considérait comme un écrivain de 3ème ordre. Il faisait des jeux de mots: die Notbremse ziehen, Notleim [?], Notzucht. Bref, aucune sympathie.“ – Ich danke Pierre Foucher für die Mitteilung des Briefes. 79 BODY, Giraudoux, S. 421ff. 80 Manche seiner damals gesendeten Texte sind mittlerweile durch den glotzi-Verlag in Deutschland publiziert worden, z. B.: Ernst Erich NOTH, Der neue deutsche Struwwelpeter. Verse für die politisch reifere Jugend. Politische Umdichtung von Heinrich Hoffmanns „Der Struwwelpeter“ aus dem Jahre 1942, hrsg. von Lothar Glotzbach. Frankfurt/M., 2007. 81 NOTH, Le désert, S. 220. 82 René B. LANG, „Ernst Erich NOTH, Le passé nu, Paris, 1965,“ in Books abroad, Bd. 39, 1965, S. 309f. 83 Ernst Erich NOTH, Le passé nu, Paris, Plon, 1965, S. 153 – 177. 84 NOTH, Paul und Marie, S. 38. 256 THOMAS LANGE

Universität in Frankfurt/M zurückgekehrt war.85 In Deutschland wurde er nun nicht mehr als Autor, sondern als „letzter Zeuge des literarischen Exils“ wahrgenommen.

Was die Schatten der Verkürzung, des nicht-Vollendeten, des Unausgelebten über sein Dasein wie sein Schaffen wirft, […] ist die so einfache wie erschreckende Tatsache, dass Ernst Erich Noth wie wenige das Opfer der Epoche geworden war, deren Zeuge er eben dadurch wieder werden sollte.86

85 Vgl. Thomas LANGE, „Einzelgänger in extremen Zeiten. Zum 100. Geburtstag von Ernst Erich Noth (25. Februar 1909 bis 15. Januar 1983“, in Uni-Report, Goethe-Universität Frankfurt am Main, Nr. 3, 6. Mai 2009, S. 13) – S. auch ders., „Ernst Erich Noth“, in Christoph König (Hrsg.), Internationales Germanistenlexikon 1800 - 1950. Berlin - New York, Walter de Gruyter, 2003, S. 1338 – 1340. 86 Ralph-Rainer WUTHENOW, Gedenkansprache für Ernst Erich Noth in der Goethe- Universität, 16. Januar 1984. Wuthenow hatte sich energisch für die Anstellung Noths an der Frankfurter Goethe-Universität eingesetzt, die er allerdings nicht „Wiedergutmachung“ nennen wollte. Der Text wurde mir zugänglich gemacht durch Franz Josef Schäfer (Mail vom 29.1.2006). Résumés en allemand

Gangolf HÜBINGER

Hingabe an die Nation. Die Ideenkämpfe 1911-1914

Der Beitrag deckt die bellizistischen Einstellungen insbesondere ab 1911 in der modernen medialen Öffentlichkeit und ihren geistigen Wortführern auf, was den politischen Handlungsspielraum verengt. Besonders deutsche Professoren wie Meinecke, Rickert, von Below, Dehlbrück und französische Schriftsteller wie Péguy, Tarde, Massis treiben zum angeblich unvermeidlichen Krieg. Die Geistesarbeiter sehen die Nationen in einen kolonialen und planetarischen Kampf verwickelt. Weltpolitik befriedet nicht, sondern mündet in einen clash der Nationen.

Schlüsselwörter: Hingabe, Nation, 1911, Weltpolitik, unvermeidlicher Krieg, Professoren, Schriftsteller

Barbara BESSLICH

Das Land der Wirklichkeit und Das wirkliche Deutschland. Die kulturkritischen Transfers des Oskar A. H. Schmitz (1873–1931) zwischen Krieg und Frieden

Der Schriftsteller Oskar A. H. Schmitz (1873–1931) reiste um die Jahrhundertwende oft nach Frankreich und vermittelte dem deutschen Publikum im späten 19. und frühen 20. Jahrhundert kulturelles Wissen von Frankreich. Während er vor dem Ersten Weltkrieg Frankreich den Deutschen als Vorbild empfahl, um die Krise der Moderne zu überwinden, distanzierte er sich im Ersten Weltkrieg von Frankreich. An den Texten von Schmitz lässt sich zeigen, dass die Kulturkritik nicht nur ein national selbstbezügliches Phänomen darstellt, sondern dass sich deutsche Kulturkritik auch im internationalen Kontext und in der Auseinandersetzung mit Frankreich herausbildet. Während des Ersten Weltkriegs nationalisierte und politisierte sich die Kulturkritik von Schmitz. Die Politisierung der Kulturkritik blieb auch nach 1918 erhalten, aber Schmitz öffnete sich nach dem Ersten Weltkrieg wieder international.

Schlüsselwörter: Kulturkritik, Erster Weltkrieg, Nationalismus, Politisierung, Kulturtransfer

Françoise KNOPPER

Krieg und Kulturjournalismus: das Feuilleton im Ersten Weltkrieg

In den deutschsprachigen Tages- und Wochenzeitungen zwischen 1914 und 1918 erschienen Feuilletons, deren Verfasser von der Redaktion an die Front geschickt worden 258 RÉSUMÉS waren oder die selbst vor Ort ermitteln wollten. Diese Artikel gehörten zu einer Gattung, die meist dem Inhalt und der Form nach unterhaltenden Charakter hatte. Es handelte sich um Fortsetzungen oder um voneinander unabhängige Artikel, um Kurzgeschichten, Kriegsberichte, Rezensionen. Wenn sie auch am journalistischen Diskurs ausgerichtet waren, so wollten sie doch den Alltag vermitteln, interpretieren, ästhetisieren. Hier wird untersucht, wie es den Autoren gelungen ist, dem Feuilleton in einem Umfeld von Angespanntheit, Angst und Gefahr Leichtigkeit und Eleganz zu verleihen. Darüber hinaus konnten sie ein Informationsdefizit ausgleichen und sich trotz der Zensur etwas Freiraum verschaffen. Die Durchlässigkeit zwischen dem journalistischen Diskurs und dem ästhetischen Freiraum diente manchen Autoren vielleicht, die Unmöglichkeit, neutral zu bleiben, zu umgehen. Solche Journalisten nahmen die Rolle von Verbindungsmännern ein und gaben Informationen an die Heimatfront weiter. Manche stellten sich in den Dienst der Propaganda und führten den Krieg mit Wörtern. Andere bezogen Zwischenpositionen oder vertraten einen friedfertigen Patriotismus. Die offenen Pazifisten schrieben ihrerseits für Literaturzeitschriften.

Schlüsselwörter: Norbert Jacques, Presse, Kultur und Krieg, Frankfurter Zeitung, Berliner Tageblatt.

David WEBER

Demobilisierung der Geister in den besetzten Gebieten und Kulturkrieg : das journalistische Experiment der Gazette des Ardennes

In der deutschen Propagandazeitung La Gazette des Ardennes nimmt das Kriegsgeschehen einen bevorzugten Rang ein, jedoch kann sie auch als ein militärisches Mittel verstanden werden, die besetzten Gebiete zu beeinflussen und zu germanisieren. Sie verbindet die deutschen Eliten mit der besetzten französischen Zivilbevölkerung in einem Augenblick, als die Kriegserfahrung und die Besatzung den Wissens- und Informationstransfer intensivieren und dadurch die jeweiligen mentalen Repräsentationen befestigen beziehungsweise entkräften. Dieser Beitrag analysiert, wie diese Zeitung, die sich mit den deutsch-französischen Beziehungen, der Geschichte und der Kultur beider Länder auseinandersetzt und Aufschluss über die Kultur sowohl der besetzten Zivilbevölkerung als auch der kriegsführenden Mächte gibt.

Schlüsselwörter: Krieg und Kultur, deutsche Besatzung, deutsche Presse, deutsche Kriegszeitungen, deutsche Propaganda, Repräsentationen

Janina ARNDTS

Heroismus und Defätismus – Alte und neue Feindbilder in den Chansons der Poilus

Die Kriege, die Deutsche und Franzosen gegeneinander führten, haben im musikalischen Gedächtnis beider Völker tiefe Spuren hinterlassen: Frankophobe Lieder, die aus der Zeit der Befreiungskriege und der Rheinkrise stammen, begleiten die deutschen Soldaten in den Ersten Weltkrieg. Französische Soldaten marschieren 1914 mit Liedern an die Front, die RÉSUMÉS 259 schon während der Koalitionskriege gesungen wurden. Sie kennen auch die nach der Niederlage von 1871 verfassten deutschfeindlichen Texte der chansons revanchardes. Die Chansons Pariser Autoren, die fern der Front das Heldentum der Poilus preisen, werden in den Schützengräben nicht gesungen. Im Kriegsjahr 1917 sinkt die Truppenmoral und es kommt zu Meutereien. Anonym gebliebene Poilus verfassen defätistische Chansons, die gesellschaftskritisch oder pazifistisch sind. Chansons, die retrospektiv der Grande Guerre gewidmet sind, entstehen erst nach dem Zweiten Weltkrieg. Sie thematisieren weder den Heroismus noch den Defätismus der Poilus.

Schlüsselwörter: Chanson, Lied, poilu, revanchard, Heldentum, defätistisch

Joseph JURT

« Ah Dieu ! que la guerre est jolie » (Apollinaire). Die ästhetische Valorisierung des Kriegs durch die französische Avantgarde

Der Beitrag geht der Frage nach, aus welchen Gründen sich Schriftsteller, die als links und avantgardistisch eingestuft werden, sich dem « Burgfrieden » in Frankreich anschließen. Eine entscheidende Rolle spielt hierbei die soziokulturelle Disposition. Deklassierte wie Menschen fremder Herkunft und Angehörige von Minderheiten sind an vorderster Front an literarischer Innovation beteiligt. Sie müssen im Kriegsfall ihren Patriotismus beweisen. Ein Dichter wie Apollinaire, der polnische Vorfahren hat, verherrlicht den Krieg nicht ästhetisch, sondern verteidigt das Leben im Tod, den Friedens im Krieg. Er will die grausame Realität des Krieges durch vielfältige innovative literarische Formen humanisieren.

Schlüsselwörter: Avantgarde, Patriotismus, Ästhetik, humanisieren, innovativ

Jochen MECKE

Eine agonistische Ästhetik des Ersten Weltkriegs

Der Beitrag möchte mittels einer Analyse der Kriegstexte von Cendrars, Barbusse, Genevoix, Dorgelès und Jünger zeigen, wie sich hinter den sichtbaren mörderischen Konfikten zwischen Nationen andere Konflikte verbergen : derjenige zwischen einfachen Soldaten und Offizieren, derjenige zwischen Soldaten und Zivilisten. Verbrüderungen über die Fronten hinweg sind eine verbürgte Tatsache. Dem Hass auf die Kriegsmaschinerie entspricht eine neue Erzählweise, etwa im telegraphischen Stil. Mögen die Texte auch Schönheiten des Kriegsspektakel abbilden, so geht doch letztlich die grausame Realität des Krieges siegreich aus den Texten hervor. Thomas l’imposteur von Cocteau ist hierfür ein Beispiel.

Schlüsselwörter: Soldaten, Zivilisten, Ästhetisierung, Schönheit des Spektakels, Grausamkeit 260 RÉSUMÉS

Claus ERHART

„Ende Juli. Eine Fliege stirbt: Weltkrieg“. Zu Robert Musils Wahrnehmung des Krieges

Wie viele andere Schriftsteller seiner Zeit reagierte Robert Musil auf den Ausbruch des Ersten Weltkriegs mit Begeisterung. Die Euphorie verflog rasch, was blieb, war eine Faszination für die durch die Mobilisierung freigesetzten Gefühle. Über den Krieg selbst, über seinen Einsatz an der Front, berichtet Musil auffallend wenig. Das Massensterben in den Materialschlachten scheint sich nicht in Worte fassen zu lassen. Das Grauen kommt verschoben auf sterbende Fliegen oder verwesende Mäuse zum Ausdruck. Im Fliegerpfeil-Episode, einem Kriegserlebnis, ist die Möglichkeit eines persönlichen Todes angelegt.

Schlüsselwörter: Schweigen, Verschiebung, Tiere, Vergrößerungseffekt, Massensterben, Fliegerpfeil

Dorothee KIMMICH (Universität Tübingen)

„Über den Schmerz “. Weltkriegstrauma in der Literatur

Die Schriften von Ernst Jünger, Joseph Roth, Robert Musil und Siegfried Kracauer bezeugen alle, wenn auch auf verschiedene Weise, im Krieg erlittene Traumata. Jünger verarbeitet Angst zur Geste heroischer Indifferenz, er schafft eine Kunst der Prothese. Roth beschreibt ein Ich, das sich auf einer unendlichen Flucht befindet, ein Photo tritt an die Stelle einer realen Frau. Die Flucht, die Musil in Grigia schildert, endet katastrophal; das Trauma ist in der Kluft zwischen Mensch und unschuldigem Tier gespiegelt. Ginster, Kracauers Überlebender des Krieges, büsst die Erinnerung an die Geschichte und an sein eigenes Leben ein. Die Analysen bringen Unterschiede zwischen bellizistischen und pazifistischen Positionen zum Verschwinden.

Schlüsselwörter: Schmerz, Traumatismus, Indifferenz, Flucht, Tier, Gedächtnisverlust

Thomas KELLER

Jenseits von Bellzismus und Pazifismus – der Indifferentismus der Avantgarden

Der Beitrag zeichnet den Weg des dadaistischen Konzepts der „Indifferenz“ nach, der vom Traktat Schöpferische Indifferenz von Mynona bis zum Prozess Barrès in Paris reicht. Er dient dazu, die Möglichkeiten zu erschliessen, den Gegensatz von Bellizismus und Pazifismus durch eine Entdifferenzierung zu ersetzen, die die deutsch-französische Binarität überschreitet. Die Indifferenz wird als transkulturelles Element sichtbar, das sich in mehrere Figuren diversifiziert: den Dandy (Huelsenbeck), den Fremden (Tzara), den Zeugen (Peret).

Schlüsselwörter : Indifferenz, Dada, Dandy, Fremder, Zeuge, transkulturell RÉSUMÉS 261

Jean-Marie GUILLON

Jean Norton Cru, Literatur und Zeugnisse zum Ersten Weltkrieg

Das Werk von Jean Norton Cru hat seit den zwanziger Jahren die Gemüter erhitzt. Heute noch steht es im Zentrum der Debatten über den Status von Zeugnissen und literarischen Texten zur Darstellung des Krieges. Diese Polemiken wurden durch die Veröffentlichung des umfangreichen Werks Témoins/Zeugen hervorgerufen, in dem dieser puritanische Protestant, der Literatur in den Vereinigten Staaten unterrichtet, auf sehr sorgfältige Weise die Bücher unter die Lupe nimmt, die auf Französisch seit dem Krieg veröffentlicht wurden und den Krieg zum Thema haben. Seine Kritik zielt darauf ab, das zu ermitteln, was für ihn die Wahrheit des Krieges ist, eine Wahrheit, die durch die « Literatur » verdeckt sei und die enthüllt werden müsse, damit die Menschen abgeschreckt werden, sich erneut zu bekämpfen.

Schlüsselwörter: Zeugnis, puritanisch, Wahrheit, polemisch

Christa KARPENSTEIN-ESSBACH

Wie Erinnertes lebendig wird. Tote und Touristen in Hans Chlumbergs Wunder um Verdun

Hans Chlumbergs wenig bekanntes Theaterstück Wunder um Verdun von 1932 wird als kritische Auseinandersetzung mit der Funktion des Kriegs- und Kriegstotengedenkens interpretiert. Im Zentrum der in Formen theatraler Groteske hineinreichenden, in den August 1939 vorverlegten Handlung stehen die fiktiven 25-Jahr-Feiern zum Beginn des Ersten Weltkrieges, der Kriegsgräbertourismus nach Verdun, die konfliktuöse Aufladung der nationalen Gedenkveranstaltungen und die surreale Auferstehung der unwillkommenen Kriegstoten. Die Erinnerung an den Krieg wird zum Kriegstreiber.

Schlüsselwörter: Kriegsdrama, Erster Weltkrieg, Verdun, Kriegstote, Erinnerungskultur. Gedenkstätten, Tourismus, Pazifismus, Konflikt

Johannes GROSSMANN

Der Erste Weltkrieg als deutsch-französischer Erinnerungsort? Zwischen nationalem Gedenken und europäischer Geschichtspolitik

Im Mittelpunkt dieses Beitrages steht eine Analyse des Erinnerungsortes “Erster Weltkrieg” und seiner Bedeutung in den deutsch-französischen Beziehungen. Dabei sollen zunächst einige grundlegende konzeptionelle Fragen geklärt werden zum Begriff “Erinnerungsort”, zu seiner Übertragbarkeit auf die bi- bzw. multinationale Ebene und zu seinem Zusammenhang mit dem Bereich der “Geschichtspolitik”. Der zweite Teil skizziert die “Konjunkturen” der Erinnerung an den Ersten Weltkrieg in Deutschland und Frankreich und unterscheidet dabei drei Zeiträume: eine erste Phase von 1914/18 bis 1961/62, eine zweite Phase von 1961/62 bis 1989/91 und eine dritte Phase von 1989/91 bis heute. Der letzte Teil greift aus der “Erinnerungslandschaft” des Ersten Weltkriegs drei 262 RÉSUMÉS konkrete Beispiele heraus und fragt nach ihrer Tragfähigkeit als deutsch-französische Erinnerungsorte: “1914”, “Verdun” und “Versailles”.

Schlüsselwörter: Erinnerungsort, Geschichtspolitik, Deutschland, Frankreich

Hans-Jürgen LÜSEBRINK

Die paradoxe Produktivität in Zeiten von Krieg und Besatzung. Von Richard Cobbs theoretischer Reflexion zu den französisch-deutsch-afrikanischen Begegnungen des Ersten Weltkriegs

Der Beitrag will zeigen, dass sich im Gegensatz zu einer geläufigen Auffassung Interkulturalität in Zeiten des Krieges und der Besatzung verstärkt. Richard Cobb gibt viele Beispiele dafür in seiner Analyse der Kontakte zwischen deutschen Besatzern und französischen Besetzten während des Ersten Weltkriegs. Lucie Cousturier hat bei Soldaten aus Subsahara-Gebieten die Spuren der im Krieg erlittenen traumatisierenden Gewalt ausgemacht.

Schlüsselwörter: Interkulturalität, Besatzung, Krieg, Kontakt, Gewalt, Trauma, afrikanisch

Isabell SCHEELE

Der Erste Weltkrieg in Kamerun: ein Krieg der Kolonialakten?

Der nachfolgende Artikel beschäftigt sich mit den deutsch-französischen Konflikten bezüglich der Akten und Archivdokumente während des Ersten Weltkrieges in Kamerun. Aus strategischen Gründen zog das deutsche koloniale Gouvernement es vor, seine Akten teils mitzunehmen beziehungsweise zu verbrennen, anstatt den Alliierten Informationen über die deutsche Armee, über das Land und die deutsche Kolonialzeit zu überlassen. Das behauptete und bedauerte jedenfalls die französische Regierung des Kondominiums, die manche Schwierigkeiten bei der Verwaltung des neu eroberten Gebiets hatte. Aber nicht nur der damaligen Verwaltung, sondern auch den heutigen Historikern bereitet dieser Materialschwund einige Probleme. Darüber hinaus muss festgehalten werden, dass Archivakten zum kulturellen Erbe eines Volkes gehören, und dass die deutsche Regierung, indem sie die Zerstörung ihrer eigenen Akten beschloss, zugleich auch die Vernichtung eines Teils des deutschen kulturellen Erbes befehligte.

Schlüsselbegriffe: deutsche und französische Kolonialgeschichte, Kamerun, Kondominium, Archivgeschichte RÉSUMÉS 263

Thomas LANGE

“Grab unerfüllter Möglichkeiten” – Deutschland und Frankreich im Spiegel einer Erzählung aus dem französischen Exil: Ernst Erich Noth Paul et Marie (1937)

In einer Erzählung, die 1937 in der Zeitschrift Vendredi, dem Organ der Volksfront, veröffentlicht wurde, stellt der deutsche Emigrant Ernst Erich Noth die Unmöglichkeit einer Annäherung zwischen Deutschen und Franzosen, zwischen Deutschland und Frankreich nach dem Ende des Ersten Weltkriegs dar. Ein französischer Kriegsgefangener und eine deutsche Bäuerin können aus ihrem Liebesverhältnis keine dauerhafte Beziehung entwickeln. Der bei der Mutter gebliebene Sohn wächst in den Herrschaftsverhältnissen des Nationalsozialismus auf, der die „Erbfeindschaft“ der Vorkriegszeit noch übersteigert. Die Novelle passt mit ihrem Grundton der Desillusionierung in die deutsche Nachkriegsliteratur. In der entsprechenden französischen Literatur war Kriegs- gefangenschaft nur von Jean Giraudoux thematisiert worden, der in Siegfried et le Limousin allerdings im allegorisch Geistesgeschichtlichen bleibt. Noth fand, gegen seinen auch als Theorie formulierten lebensgeschichtlichen Entwurf, nicht in eine parteifreie französische Intellektuellenwelt, sondern 1939 an der Seite des Informationsministers Giraudoux zum Engagement gegen die nationalsozialistische Diktatur. Noths Leben und Werke blieben geprägt von den negativen Erfahrungen der Weltkriege des 20. Jahrhunderts.

Schlüsselwörter: Emigrant, Volksfront, Kriegsgefangener, Erbfeindschaft 264 RÉSUMÉS

Résumés en anglais

Gangolf HÜBINGER

Devotion to the nation. The « battle » of ideas between 1911 and 1914

This paper sheds light on the bellicist ideas that, particularly from 1911 onwards, spread amongst the public, the medias and their representatives, thus narrowing down the political options. German professors in particular such as Meinecke, Rickert, von Below, Dehlbrück, and French writers such as Peguy, Tarde and Massis call for a supposedly unavoidable war. The intellectuals see the nations as involved in a colonial and worldwide conflict. Far from bringing peace, world politics ends in a clash of nations.

Keywords: devotion, nation, 1911, world politics, unavoidable war, professors, writers

Barbara BESSLICH

Das Land der Wirklichkeit and Das wirkliche Deutschland. Oskar A. H. Schmitz’s (1873–1931) transfers of “Kulturkritik” between War and Peace

At the turn of the century the German author Oskar A. H. Schmitz (1873–1931) frequently travelled to France and brought knowledge of French culture to the German public in the late 19th and early 20th century. Before World War I he recommended France as a role model to the Germans, so as to help overcome the crisis of modernism. However, during World War I he distanced himself from France. Schmitz’ essays can be read as evidence of the fact that German “Kulturkritik” is not just a national self-referential phenomenon, but is embedded in an international context and grows out of the conflict with France. During World War I Schmitz’s “Kulturkritik” nationalised and politicised itself more and more. After 1918 the politicised “Kulturkritik” persisted, but Schmitz once again became receptive to international currents of thought.

Keywords: “Kulturkritik”, World War I, nationalism, politicising, culture transfer

Françoise KNOPPER

War and cultural journalism: the variations of the ‘column’ during the First World War

Some of the cultural pages published in the German and Austrian daily and weekly newspapers between 1914 and 1918 were written by journalists who had been sent to the front by their redactions or had asked to be. Their articles belong to the genre of ‘columns’ that were traditionally supposed to be pleasant, light and elegant. They consisted either in a RÉSUMÉS 265 follow up of episodes or in single articles appertaining to brief narrative forms such as reportages, accounts or short stories. Within the formal frame of journalistic discourse they transposed, interpreted and made everyday life more aesthetic. This article examines how the columnists subtly dealt with the touch of refinement inherent to the cultural column, in an environment in which tension, fear and danger ruled, and whether they possibly compensated an informative deficit by taking liberties with censorship. Did the porosity of the two registers – the journalistic discourse and the aesthetic evasion – place the authors in an in-between, did it serve as a safeguard, or was all neutrality incompatible with wartime? These columns’ authors make sure that they act as “liaison agents” and transmit information to the home front. Some deliberately place themselves at the service of propaganda, the journalist thus carrying on the military fight in the war of words. Others occupy intermediary positions, that of patriots but not bellicists. As for those who are openly pacifists, they are published in literary reviews.

Keywords: Norbert Jacques, press, culture and war, Frankfurter Zeitung, Berliner Tageblatt

David WEBER

Demobilising the occupied population and waging a war between cultures: the case of the Gazette des Ardennes

The German propaganda newspaper La Gazette des Ardennes focuses on acts of war, but it can also be seen as the spearhead of an attempt to germanise the occupied areas in France. It acted as an intermediary between the political, military and cultural elites in Germany and the occupied population, at a time when the experience of war and occupation increased transfer of information, thus making it easier to validate or invalidate the image of the other. The present article analyses the complex phenomenon whereby this medium, dedicated to the relations between Germany and France, their respective cultures and histories, gives an insight into both cultures, that of occupied civilians as well as that of the forces at war.

Keywords: war and culture, German occupation, German press, war press, German propaganda, representations

Janina ARNDTS

Heroism and Defeatism – Old and New Perceptions of the Enemy in the Poilus Songs

The wars that pitted Germans and French against one other profoundly marked the collective musical memory of the two populations. The Francophobe songs that were written during the wars against Napoleon and the Crisis would accompany the German soldiers at the beginning of World War One. In 1914, the French soldiers would march towards the Front to the rhythm of the songs that had already been sung during the Wars of Coalition. They also knew the Germanophobe lyrics to the chansons revanchardes, which were written after the French defeat in 1871. But the songs written to 266 RÉSUMÉS praise the heroism of the Poilus by Parisian authors, far from the Front, were not sung in the trenches. In 1917, the morale of the troops was low and mutinies began to take place. The Poilus, remaining anonymous, wrote songs of a defeatist, socio-critical or pacifist nature. It is only after the Second World War that the songs would be devoted to the Great War. These songs do not address the heroism or defeatism of the Poilus.

Keywords: chanson, Lied, poilu, revanchard, heroism, defeatism

Joseph JURT

« Ah Dieu ! que la gerre est jolie » (Apollinaire). The aesthetic valorisation of the war through the avant-garde in France

This article tackles the question of why writers who were considered to be left wing and to belong to the avant-garde joined the national consensus in France. Here, the socio-cultural disposition plays a decisive part. Outcasts as well as people with foreign origins or belonging to minorities are in the lead where literary innovation is concerned. In wartime they have to prove that they are patriots. A poet like Apollinaire, who has Polish ancestors, does not glorify war aesthetically but fends for life in death and for peace in war. He attempts to humanise the frightful reality of war through recourse to a variety of innovative literary forms.

Keywords: avant-garde, patriotism, aesthetics, humanise, innovate

Jochen MECKE

An agonistic aesthetic of the Great War

Through the analysis of war texts by Cendrars, Barbusse, Genevoix, Dorgelès and Jünger, this article attempts to show that the visible murderous conflicts between nations hide other conflicts: those between the simple foot soldiers (the “poilus”) and the officers, or between soldiers and civilians. The entente cordiale between soldiers on each side of the front is a fact. As a response to the hatred of the war machinery, there emerges a new type of narration. One may say that the representation of death is forbidden. If there are texts that represent the beauty of the spectacle of the war, its cruel reality emerges victoriously from the war texts, such as Thomas l’imposteur by Cocteau.

Keywords: soldiers, civilians, war aestheticisation, beauty of the war spectacle, cruelty RÉSUMÉS 267

Claus ERHART

« End of July. A fly dies : World War ». How Robert Musil perceives the War

Like many other authors of his day, Robert Musil’s response to the outbreak of World War I was characterised by ardour. The elation as such evaporated rapidly, yet, a kind of fascination for the feelings unleashed by the mobilisation, remained. On the war itself and his frontline duty, Musil’s lips largely appear sealed. To him, it seems, there is no way to put the widespread slaughter into words. The horrors find an expression in a transfer towards animals like dying flys and mice. The author occupies himself with the Flying Arrow Episode, a distinctive wartime experience enables the author to explore the possibility of one’s individual death.

Keywords: silence, transfer, animals and insects, enlargement effect, collective death

Dorothee KIMMICH

„Über den Schmerz “ (« About pain »). World War Trauma in Literature

The writings of Ernst Jünger, Joseph Roth, Robert Musil und Siegfried Kracauer bear witness, albeit in different ways, to the traumata they suffered during the war. Jünger transforms fear into a gesture of heroic indifference thus creating an art of the prothesis. Roth describes an I who flees endlessly: a picture takes the place of a real woman. The runaway that Musil depicts in Grigia ends in catastrophe. The traumatism is mirrored by the hiatus between Man and innocent animal. Ginster, Kracauer’s war survivor, loses his memory of the historical events and of his own life. These analyses blur away the differences between bellicist and pacifist positions.

Keywords: pain, traumatism, indifference, runaway, animal, memory loss

Thomas KELLER

Beyond bellicism and pacifism – the avant-gardes’ indifferentism

This article retraces the development of the Dadaist concept of “indifference” from Mynona’s treaty Schöpferische Indifferenz/Creative Indifference to Barrès’ trial in Paris. Its purpose is to explore the possibility of replacing the opposition between bellicism and pacifism with an indifferentialism that transcends the Franco-German binary couple. Indifference appears as a transcultural element that takes the shape of several figures: those of the dandy (Huelsenbeck), the stranger (Tzara) and the witness (Peret).

Keywords: indifference, Dada, dandy, witness, stranger, transcultural 268 RÉSUMÉS

Jean-Marie GUILLON

Jean Norton Cru, literature and testimonies of the First World War

Jean Norton Cru’s work has been much written about since the late twenties. It still is at the heart of contemporary controversies that regard war accounts and the use of literature as a historic source as well as the representations of war. These polemics were triggered by the 1929 publication of a major book entitled Witnesses in which this puritan protestant – who teaches literature in the United States – scrutinizes very meticulously the books, written in French, that have been published since the war and whose topic is war. His criticism aims at restoring what, for him, is the truth of the war; a truth that has been masked by literature and that must be revealed in order to dissuade men from fighting again.

Keywords: testimonies, puritan, truth, polemic

Christa KARPENSTEIN-ESSBACH

How things remembered become alive. The Dead and the Tourists in Hans Chlumberg’s Wunder um Verdun/Miracle around Verdun

Hans Chlumberg’s lesser known theatre play Wunder um Verdun/Miracle around Verdun is interpreted as a critique of the remembrance of war and of war victims. The fictitious jubilee celebrations to mark 25 years since the war as well as battlefield tourism are at the core of the action set in the anticipated year 1939. The play stages the conflicts surrounding the national remembrance and the surreal resurrection of the unwelcome Dead, sometimes taking a grotesque theatrical form. And war remembrance leads to war.

Keywords: war drama, First World War, Verdun, war victims, remembrance culture, memorials, tourism, pacifism, conflict.

Johannes GROSSMANN

The First World War as a Franco-German « realm of memory » ? Between national commemoration and a politics of European memory

This contribution analyses the First World War as a Franco-German “realm of memory”. The first part presents the conceptual framework of the analysis, defining the notion of “realm of memory” (“lieu de mémoire”/“Erinnerungsort”), elaborating the possibility of applying this notion to a bi- or multinational context and asserting its links with what has been called the “politics of memory” (“Geschichtspolitik”). The second part outlines the “conjunctures” of memory relating to the First World War in Germany and France, distinguishing three periods: 1914/18 to 1961/62, 1961/62 to 1989/91, and 1989/91 to this day. The third part attempts to evaluate the Franco-German dimension of three concrete examples taken from the “landscape of memory” related to the First World War: “1914”, “Verdun”, and “Versailles”. RÉSUMÉS 269

Keywords: realm of memory, politics of memory, Germany, France

Hans-Jürgen LÜSEBRINK

The paradoxical productivity of wartime and the Occupation. From Richard Cobb’s theoretical reflections to the Franco-German-African encounters of World War I

This article aims at showing that, contrary to a preconceived idea, interculturality reinforces itself during wartime and the Occupation. Richard Cobb gives many an example of this in his analysis of the contacts that existed between the German occupants and the occupied French population during World War I. Lucie Cousturier shows the traces left by the traumatising war violence amongst the soldiers originating from the sub-Saharan regions.

Keywords: interculturality, occupation, war, contact, violence, trauma, African

Isabell SCHEELE

The First World War in Cameroon: a war of colonial documents?

The following article deals with the French-German conflicts concerning the archives during the First World War in the Cameroons. For strategic reasons, the German colonial governorate preferred to take away or even burn a part of its own archives rather than leaving information about the German army, the country and the German colonial administration to the allies. This is at least what the French governorate of the Condominium claimed and deplored, having many difficulties administrating the newly conquered territory. Furthermore, the disappearance of files was not only a problem for the administration of that time, but also for todays historians. Indeed, archive files being an important part of a people’s cultural legacy, the German governorate unwittingly destroyed a part of the German cultural legacy when giving the order to burn a part its own files.

Keywords: German and French colonial history, Cameroons, Condominium, First World War, History of Archives

Thomas LANGE

« A Grave of unfulfilled possibilities » – Germany and France in the mirror of a novella written in exile in France: Ernst Erich Noth Paul and Marie (1937)

In 1937 the German refugee Ernst Erich Noth published a novella in the journal of the French Popular Front, Vendredi. He describes the impossibility for Germans and Frenchmen, for Germany and France to be reconciled after World War I. A French prisoner of war and a German farmer’s wife have a love affair, without the possibility of a permanent relationship. Their son grows up with his German mother and therefore under Nazi rule, which intensifies the hereditary enmity between Germany and France beyond what was common in pre-war times. The novella reflects the general tone of 270 RÉSUMÉS

“disillusionment” characteristic of German post-war literature. Captivity was not a theme in the French literature of the time except in Jean Giraudoux’s novel and drama Siegfried, which however, remains allegorical and reproduces stereotypes of both nations. Although Noth wanted to be part of the community of French intellectuals without taking political sides, in 1939 he found himself working with the Information Minister Jean Giraudoux, who was in charge of French anti-Nazi-Propaganda. The life and works of Ernst Erich Noth remain characterised by the negative effects of the World Wars of the twentieth century.

Keywords: emigrant, Popular Front, prisoner of war, hereditary enemy RÉSUMÉS 271

Résumés en français

Gangolf HÜBINGER

Le dévouement à la nation. Les combats d’idées entre 1911 et 1914

La contribution dévoile les orientations bellicistes qui, particulièrement à partir de 1911, se fraient un chemin dans le public, les médias et parmi leurs représentants intellectuels. Ce sont particulièrement les professeurs d’université allemands Meinecke, Rickert, von Below, Dehlbrück et les écrivains français Péguy, Tarde et Massis qui poussent à la guerre, inévitable selon eux. Les intellectuels situent les nations dans un combat colonial et planétaire. La politique menée à l’échelle mondiale n’apporte pas la paix : elle se termine dans le clash des nations.

Mots-clés : dévouement, nation, 1911, politique mondiale, guerre inévitable, professeurs, écrivains

Barbara BESSLICH

Das Land der Wirklichkeit et Das wirkliche Deutschland. Les transferts d’Oskar A. H. Schmitz (1873-1931) en matière de « Kulturkritik » entre guerre et paix

Au tournant du siècle, l’écrivain Oskar A. H. Schmitz (1873-1931) a souvent voyagé en France et transmis sa connaissance de la culture française au public allemand de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Avant le début de la Première Guerre mondiale, il a conseillé aux Allemands de prendre la France comme modèle pour vaincre la crise de la modernité, mais pendant la Première Guerre mondiale, il a pris ses distances par rapport à la France. Les essais de Schmitz permettent de démontrer que la « Kulturkritik » est non seulement un phénomène national autoréférentiel, mais que la « Kulturkritik » allemande s’est aussi constituée dans un contexte international et en conflit avec la France. Pendant la Première Guerre mondiale, la « Kulturkritik » de Schmitz s’est nationalisée et politisée. La politisation de la « Kulturkritik » s’est poursuivie après 1918, mais après la Première Guerre mondiale, Schmitz s’est de nouveau ouvert aux tendances internationales.

Mots-clés : « Kulturkritik », Première Guerre mondiale, nationalisme, politisation, transfert culturel 272 RÉSUMÉS

Françoise KNOPPER

Guerre et journalisme culturel : les variantes du ‘feuilleton’ durant la Première Guerre

Certaines pages culturelles parues dans les quotidiens et hebdomadaires allemands et autrichiens entre 1914 et 1918 ont été rédigées par des journalistes qui ont été dépêchés sur le front par leurs rédactions, ou quiont demandé à l’être. Leurs articles relèvent du genre du « feuilleton » qui traditionnellement se devait d’être plaisant, léger et élégant. Ils consistaient soit en une suite d’épisodes, soit en articles autonomes, relevant de la catégorie des formes narratives brèves, reportages, comptes rendus, nouvelles. Tout en empruntant leur cadre formel au discours journalistique, ils transposaient, interprétaient, esthétisaient le quotidien. Cet article examine comment les feuilletonistes ont géré la touche de raffinement inhérente au feuilleton culturel dans un environnent où planaient la tension, l’angoisse, le danger, et s’ils comblaient éventuellement un déficit informatif en s’accordant un peu de liberté malgré la censure. La porosité des deux registres, celui du discours journalistique et celui de l’évasion esthétique, plaçait-elle les auteurs dans un entre-deux, leur servait-elle de garde-fou, ou bien toute neutralité était-elle au contraire incompatible avec ces temps de guerre ? Les auteurs de ces feuilletons veillent à être des sortes d’agents de liaison, à transmettre des informations au front de l’arrière. Certains se placent délibérément au service de la propagande, le journaliste prolongeant le conflit des armes par la guerre des mots. D’autres ont des positions intermédiaires, patriotiques mais non bellicistes. Les pacifistes patentés étaient quant à eux publiés dans des revues littéraires.

Mots clés : Norbert Jacques, presse, culture et guerre, Frankfurter Zeitung, Berliner Tageblatt

David WEBER

Démobilisation des esprits chez l’occupé et guerre des cultures : l’expérience journalistique de la Gazette des Ardennes

Le journal de propagande allemand La Gazette des Ardennes accorde une place privilégiée aux faits de guerre mais il peut apparaître aussi comme le fer de lance d’une tentative de germanisation des territoires français occupés. Il est un relais entre les élites politiques, militaires et culturelles allemandes et la population occupée à un moment où l’expérience de la guerre et de l’occupation accroît le transfert d’information facilitant la confirmation ou l’infirmation de l’image de l’autre. Le présent article analyse un phénomène complexe dans lequel ce média consacré aux relations entre l’Allemagne et la France, à leur histoire et culture respectives est un révélateur à la fois de la culture des civils occupés et de celle des belligérants.

Mots-clés : guerre et culture, occupation allemande, presse allemande, journaux de guerre, propagande allemande, représentations RÉSUMÉS 273

Janina ARNDTS

Héroïsme et défaitisme – Anciennes et nouvelles perceptions de l’ennemi dans les chansons des Poilus

Les guerres qui opposaient Allemands et Français ont laissé des traces profondes dans la mémoire musicale des deux peuples : des chansons francophobes qui datent des guerres contre Napoléon et de la Crise du Rhin accompagnent les soldats allemands au début de la Première Guerre mondiale. En 1914, les soldats français marchent vers le front au rythme de chansons déjà chantées à l’époque des guerres de coalition. Ils connaissent aussi les paroles germanophobes des chansons revanchardes écrites après la défaite française de 1871. Les chansons d’auteurs parisiens qui loin du front vantent l’héroïsme des Poilus ne sont pas chantées dans les tranchées. En 1917, le moral des troupes baisse et des mutineries se produisent. Des Poilus restés anonymes créent des chansons défaitistes, sociocritiques ou pacifistes. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que des chansons rétrospectives sont consacrées à la Grande Guerre. Celles-ci ne thématisent ni l’héroïsme, ni le défaitisme des Poilus.

Mots-clés : Chanson, Lied, poilu, revanchard, héroïsme, défaitiste

Joseph JURT

« Ah Dieu ! que la guerre est jolie » (Apollinaire). La valorisation esthétique de la guerre par l’avant-garde en France

La contribution se propose de retracer les raisons pour lesquelles les écrivains considérés comme de gauche et comme avant-gardistes se joignent au consensus national en France. La disposition socio-culturelle - l’origine étrangère ou l’appartenance à une minorité - joue un rôle-clé. Les déclassés sont le moteur de l’innovation littéraire. Ils doivent faire preuve de patriotisme en cas de guerre. Apollinaire, d’origine polonaise, ne valorise pas esthétiquement la guerre. Il défend la vie dans la mort, la paix dans la guerre. Il s’efforce d’humaniser la guerre cruelle au moyen de formes littéraires innovatrices.

Mots-clés : avant-garde, patriotisme, esthétique, humaniser, innover

Jochen MECKE

Une esthétique agonale de la Grande Guerre

La contribution s’efforce de montrer, à travers l’analyse de textes de guerre de Cendrars, Barbusse, Genevoix, Dorgelès et Jünger, que les conflits meurtriers visibles entre nations cachent d’autres conflits : ceux entre simples poilus et officiers, entre soldats et civils. L’entente cordiale entre soldats au-delà des fronts est un fait. On peut parler d’une interdiction de représenter la mort. Á la haine de la machine de guerre correspond un nouveau type de récit, par exemple le style télégraphique. Si les textes représentant les beautés du spectacle de la guerre existent, la réalité cruelle de la guerre sort victorieuse des textes de la guerre. Thomas l’imposteur de Cocteau en est un exemple. 274 RÉSUMÉS

Mots-clés : soldats, civils, esthétisation de la guerre, beauté du spectacle, cruauté

Claus ERHART

« Fin juillet. Une mouche meurt : guerre mondiale ». Sur la perception de la guerre par Robert Musil

Comme beaucoup d’autres écrivains de son époque, Robert Musil a réagi au déclenchement de la Première Guerre mondiale avec enthousiasme. L’euphorie est vite retombée et ce qui est resté était une fascination pour les émotions libérées par la mobilisation. Musil ne parle que très peu de la guerre et de son engagement au front. L’hécatombe que produisent les batailles menées à grand renfort de matériel de guerre semble appartenir au domaine de l’indicible. L’horreur trouve une expression à travers son déplacement sur des mouches mourantes ou des souris en décomposition. L’épisode de la flèche volante, une expérience vécue, met en perspective la possibilité d’une mort personnelle.

Mots-clés : silence, déplacement, animaux, effet d’agrandissement, mort collective

Dorothee KIMMICH

« Sur la douleur ». Le traumatisme de la Guerre mondiale dans la littérature

Les écrits d’Ernst Jünger, de Joseph Roth et de Robert Musil témoignent tous, certes d’une façon très différente, des traumatismes subis pendant la guerre. Jünger transforme la peur en geste d’indifférence héroïque et crée un art de la prothèse. Roth décrit un sujet se situant dans une fuite sans fin, la photo prend la place de la femme réelle. La fuite de Grigia de Musil se termine dans la catastrophe. Le hiatus entre l’homme et l’animal innocent reflète le traumatisme. Ginster, le survivant de Kracauer, perd la mémoire des événements historiques et de sa propre vie. Ces analyses estompent les différences entre les positions bellicistes et pacifistes.

Mots-clés : douleur, traumatisme, indifférence, fuite, animal, perte de mémoire

Thomas KELLER

Au-delà du bellicisme et du pacifisme – l’indifférentisme des avant-gardes

La contribution retrace l’itinéraire du concept dadaïste de l’« indifférence », qui va du traité Schöpferische Indifferenz de Mynona au procès Barrès à Paris. Son but est d’explorer les possibilités de remplacer l’opposition entre bellicisme et pacifisme par une indifférenciation qui dépasse la binarité franco-allemande. L’indifférence apparaît en tant qu’élément transculturel, qui se diversifie en plusieurs figures : le dandy (Huelsenbeck), l’étranger (Tzara) et le témoin (Péret). RÉSUMÉS 275

Mots-clés : indifférence, Dada, dandy, témoin, étranger, transculturel

Jean-Marie GUILLON

Jean Norton Cru, littérature et témoignages de la Première Guerre mondiale

L’œuvre de Jean Norton Cru a fait couler beaucoup d’encre depuis la fin des années vingt. Elle reste au centre de polémiques contemporaines qui touchent tant aux témoignages de guerre qu’à l’utilisation de la littérature comme source historique ou aux représentations de la guerre. Ces polémiques ont été suscitées par la publication en 1929 d’un ouvrage fortement critique, intitulé Témoins, dans lequel ce protestant puritain, qui enseigne la littérature aux États-Unis, dissèque de façon très pointilleuse les ouvrages en français publiés depuis la guerre et dont la guerre est l’objet. Il vise par sa critique à restituer ce qui est pour lui la vérité de la guerre, une vérité cachée par la « littérature » et qu’il faut révéler afin de dissuader les hommes de se battre à nouveau.

Mots-clés : témoignage, puritain, vérité, polémique

Christa KARPENSTEIN-ESSBACH

Comment la remémoration prend vie. Morts et touristes dans Wunder um Verdun/Miracle autour de Verdun de Hans Chlumberg

L’analyse lit la pièce de théâtre Wunder um Verdun de Hans Chlumberg, publiée en 1932 et peu connue, comme une critique des commémorations de la guerre et de ses morts. L’auteur place au centre de l’intrigue, datée de l’année 1939, les festivités organisées à l’occasion des 25 années de commémoration du début de la Première Guerre mondiale. Il met en scène les visites touristiques des cimetières de guerre après Verdun, les conflits déclenchés par la mémoire nationale et la résurrection surréaliste des morts qui ne sont pas les bienvenus. La culture mémorielle de la guerre provoque à son tour la guerre.

Mots-clés : drame de guerre, Verdun, morts, culture mémorielle, tourisme, conflit, lieux de mémoire, pacifisme

Johannes GROSSMANN

La Première guerre mondiale comme lieu de mémoire franco-allemand ? Entre commémoration nationale et politique de la mémoire européenne

Cet article offre une analyse de la Grande Guerre en tant que lieu de mémoire franco- allemande. La première partie présentera le cadre conceptionnel de cette analyse, en précisant la notion de « lieu de mémoire » (« Erinnerungsort »), en exposant les possibilités de l’adapter à l’échelle bi- voire plurinationale et en expliquant son rapport avec le domaine de la « politique de la mémoire » (« Geschichtspolitik »). La deuxième partie esquissera les « conjonctures » de mémoire de la Grande Guerre en France et en Allemagne, en distinguant trois périodes : une première phase de 1914/18 à 1961/62, une 276 RÉSUMÉS deuxième phase de 1961/62 à 1989/91 et une troisième phase de 1989/91 jusqu’à nos jours. La dernière partie analysera trois exemples concrets, qui font partie de ce « paysage de mémoire » franco-allemand de la Grande Guerre : « 1914 », « Verdun » et « Versailles ».

Mots-clés : lieu de mémoire, politique de la mémoire, Allemagne, France

Hans-Jürgen LÜSEBRINK

La paradoxale productivité des temps de guerre et d'occupation. Des réflexions théoriques de Richard Cobb aux rencontres franco-germano-africaines de la Première Guerre Mondiale.

La contribution voudrait montrer que, contrairement à une idée reçue, l’interculturalité se renforce en temps de guerre et d’occupation. Richard Cobb en donne maints exemples dans son analyse des contacts entre occupants allemands et occupés français pendant la Première Guerre mondiale. Lucie Cousturier présente les traces que la violence traumatisante de la guerre a laissées chez les soldats originaires de régions subsahariennes.

Mots-clés : interculturalité, occupation, guerre, contact, violence, traumatisme, africain

Isabell SCHEELE

La Première Guerre mondiale au Cameroun : une guerre des archives ?

L’article porte sur les conflits franco-allemands autour des archives pendant la Première Guerre mondiale au Cameroun. Pour des raisons de stratégie militaire, le gouvernorat allemand du protectorat préféra emporter, voire brûler une partie de ces documents plutôt que de laisser aux mains des Alliés des informations sur l’armée allemande, le pays et l’administration coloniale. C’est en tout cas ce qu’affirma et déplora la nouvelle administration française du Condominium, qui avait des difficultés à gérer l’ancien territoire allemand. La disparition d'une partie non négligeable des archives causa non seulement des difficultés certaines au gouvernorat français du Cameroun, mais pose aussi problème aux historiens contemporains. En outre, les archives font partie intégrante du patrimoine culturel d’un peuple, et c’est en ce sens que les troupes allemandes effacèrent en partie les traces de leur propre culture en détruisant ces documents uniques.

Mots-clés : histoire coloniale allemande et française, Cameroun, condominium, histoire des archives RÉSUMÉS 277

Thomas LANGE

« Tombe des possibilités manquées » – L’Allemagne et la France au miroir d’une nouvelle de l’émigration allemande en France : Ernst Erich Noth, Paul et Marie (1937)

Dans cette nouvelle, publiée dans Vendredi, l’hebdomadaire du Front populaire, l’émigré allemand Ernst Erich Noth représente l’impossibilité d’un rapprochement entre Allemands et Français, entre l’Allemagne et la France, après la Première Guerre mondiale. Un prisonnier de guerre français et une paysanne allemande ne parviennent pas à transformer leur histoire d’amour en une relation durable. Leur fils, resté avec sa mère, grandit sous le national-socialisme, lequel renchérit sur l’inimitié héréditaire de la période d’avant 1914. Par sa tonalité dominante de désillusion, la nouvelle de Noth s’inscrit dans la littérature allemande d’après la Grande Guerre. La littérature française correspondante, elle, ne traite pas de la captivité, exception faite de Jean Giraudoux dont le roman Siegfried et le Limousin et la pièce de théâtre qu’il en a tirée restent cependant dans le cadre de l’histoire des idées et de l’allégorie. Noth ne put réaliser son but de vivre en “clerc” français, en intellectuel au-delà des partis politiques. En 1939, il se retrouva aux côtés du commissaire général à l’information, Jean Giraudoux, pour soutenir la propagande française contre l’hitlérisme. Toute son œuvre et toute sa vie restèrent imprégnées de l’expérience négative des deux guerres mondiales du XXe siècle.

Mots-clés : émigrant, Front populaire, prisonnier de guerre, ennemi héréditaire

CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES

N° 59 (2010/2) Canon et traduction dans l’espace franco-allemand — F. WEINMANN, Canon et traduction, ou l’illusion d’éternité. – C. NORD, Die Luther-Bibel als “kanonischer” Text – Hemmschuh oder Hilfe bei der Neuübersetzung? – W. PÖCKL, Nur wer im Wohlstand lebt, lebt angenehm. Geflügelte Worte, kanonische Eitate : Eine Herausforderung für die Übersetzer von François Villon. – J. ALBRECHT, Racine im deutschen Sprachraum – eine gescheiterte oder aber eine nie angestrebte Kanonisierung? – M. LÉVÊQUE, Le cas du chanoine Schmid, un déluge de traductions avant la mort et l’oubli. – P. GERVAIS, De Goethe à Gounod : le livret de Faust ou la canonisation d’un écart textuel. – F. MALKANI, Werther aller et retour : le livret français de l’opéra de Massenet et sa traduction en allemand. – P. MARTY, Canon interne. Les Sonnets de Shakespeare en allemand. – R. ZSCHACHLITZ, Canon et traduction – La théorie de la production et de la traduction de la poésie de Paul Celan. – C. LECHEVALIER, “Mit Hilfe archaischer Wörter archaische Dinge […] sehen”: Peter Handke et la traduction du Prométhée enchaîné d’Eschyle. – C. PERNOT, La canonisation de Kafka et la traduction palimpseste. – D. RISTERUCCI, Pourquoi retraduire Berlin Alexanderplatz ? – F. BANCAUD, Traduire Elfriede Jelinek. – DOSSIER : “Dans la colonie pénitentiaire de Franz Kafka”, la traduction d’une grande œuvre littéraire en bande dessinée. Une interview du scénariste Sylvain RICARD par Frédéric WEINMANN. 14,00 €

N° 60 (2011/1) Médiateurs — T. KELLER, Troubadours, romantiques, hérétiques. Les chemins franco- allemands en Provence. – D. WEBER, Le juriste aixois Joseph-Jérôme Siméon et l’instauration du Code civil au Royaume de Westphalie. – J. MECKE, Mittler zwischen Kulturen, Medien und Geschlechtern: Jules et Jim. – A. KOSTKA, Otto Dix peint Alfred Flechtheim (1926) : un marchand d’art cubiste sous l’œil critique de la Nouvelle Objectivité. Temporalités cachées de la médiation artistique franco-allemande. – J. WERTHEIMER, Makler – Mittler – Mediatoren: Zur Typologie einer unentdeckten Spezies. – M. PICKER, Von Mittlern und Medien: Der Film Metropolis und seine Kritiker. – K. MARMETSCHKE, Mittler zwischen Wissenschaft, Politik und Öffentlichkeit: Edmond Vermeils deutsch-französisches Verständigungsengagement zu Beginn der 1920er Jahre. – H. M. BOCK, Diesseits und jenseits der “nationalen Optik”. Robert Minder über wahre und falsche Mittler. – J. JURT, Besatzer, Umerzieher oder Vermittler. Kultur- und bildungspolitisch Verantwortliche in der Französischen Besatzungszone: Das Beispiel von Jacques Lacan, Kurator der Universität Freiburg 1945-1950. – S. ZAUNER, René Cheval (1918-1986): trojanisches Pferd zwischen Hahn und Adler? – T. KELLER, Kommunikatives Beschweigen auf Deutsch-Französisch – Vermittlung ohne Wahrheit? Pierre-Paul Sagave und seine Gesprächspartner Wilhelm, Heidegger und Emrich. – M.-A. LESCOURRET, Levinas-Heidegger : malaise dans la médiation. – C. TEISSIER, Une médiation sous contrainte : le cas de Gerhard Leo. – M. WEINSTEIN, Mandelstam et le Sud. – C. KARPENSTEIN-EßBACH, Hubert Fichte und die Montagne de Lure. – A. BUNZEL, La Provence, lieu de médiation interallemand : Erich Arendt/Christoph Meckel, “Reise in die Provence” et “Unterwegs”. 14,00 €

N° 61 (2011/2) Jeux de rôles, jeux de masques — Christina STANGE-FAYOS – Katja WIMMER, Avant- propos – Christina STANGE-FAYOS, La mascarade de l’anonymat dans le ‘débat public’ du XVIIIe siècle – Gilles BUSCOT, Les cérémonies de la (re)germanisation et de la (re)francisation à Strasbourg. Regard croisé sur des frontières urbaines (dé)masquées (1886-1928) – Claus ERHART, Don Juan oder die Masken der Verführung – Karl Heinz GÖTZE, Schillerkragen und Pelzmütze. Warum die Mode es schwer hat in Deutschland – Wolfgang FINK, La France : catholique et républicaine ? Les mises en garde d’Otto Grautoff contre le masque politique de la France – Ingrid HAAG, Rollen- und Maskenspiel im ‘Missbildungsroman’. Von Goethes Wilhelm Meister zu Heinrich Manns Der Untertan – André COMBES, Sur deux masques cinématographiques du “bourgeois démoniaque” weimarien – le gangster et le psychanalyste – dans Mabuse der Spieler de Fritz Lang (1922) – Catherine DESBOIS, Kurt Tucholsky : à cache-cache derrière les pseudonymes – Laurent GAUTIER, Faire tomber les masques du discours officiel de RDA par le défigement : le cas Volker Braun – Jean-Michel POUGET, Jeux de rôles, jeux de masques dans la sociologie de Norbert Elias – Hilda INDERWILDI, Jeux de masques avec la mort. Peinture et masque mortuaire dans l’œuvre d’Arnulf Rainer (*1929) – Susanne BÖHMISCH, Maskerade und Weiblichkeit bei Birgit Jürgenssen – Katja WIMMER, L’art de la métamorphose. À l’exemple de deux talents doubles 14,00 €

N° 62-63 (2012/1-2) Diables et spectres. Croyances et jeux littéraires — Françoise KNOPPER – Wolfgang FINK, Avant-propos – Daniel LACROIX, Visions et spectres dans la littérature norroise : aperçus sur la culture germanique ancienne – Patrick DEL DUCA, Le diable et la critique de la société courtoise dans Gregorius de Hartmann von Aue – Jean SCHILLINGER, Du Hosenteufel au Teutsch-Frantzösischer- Alamode-Teuffel : Le diable et la mode en Allemagne (XVIe et XVIIe siècles) – Dorle MERCHIERS, La stratégie du Diable dans l’Histoire du Docteur Faust (1587) : le recours au mensonge – Marie-Thérèse MOUREY, Le corps et le Diable – le Diable au corps ? De la transe à la danse, entre croyances, légendes et représentations (XVIe-XVIIIe siècles) – Florent GABAUDE, Protéisme du diable dans le théâtre et la publicistique au tournant du XVIIe siècle : les exemples de Heinrich Julius von Braunschweig et de Jakob Ayrer – Yves IEHL, De l’apparition fantomatique à la résurrection glorieuse : les divers visages de la mort dans Méditations dans un cimetière d’Andreas Gryphius – Thomas NICKLAS, Die Entmachtung des Teufels. Das Jenaer Ereignis 1715 und die Dämonologie der Aufklärung – Andrea ALLERKAMP, “Spekulation aus lauter Luft”: Kants Polemik wider die schlafende Vernunft – Wolfgang FINK, Vorsätzliche Bosheit verruchter Pfaffen… unwürdige Dummheit des allerunwissendsten Pöbels. L’affaire Anne Elisabeth Lohmann et les dernières querelles du diable 1759-1776 – Françoise KNOPPER, Du combat contre les croyances populaires à la représentation symbolique des diables et des spectres (1780-1800) – Denise BLONDEAU, Faust : Walpurgisnacht – Wolfgang FINK, Aufklärung über die Aufklärung ? Anmerkungen zu Jung-Stillings Geisterkunde (1808) – Claude PAUL, Au diable le nihilisme ! Lenau, Méphistophélès et le dépassement du “mal du siècle” – Christine SCHMIDER, “Votre cerveau ébranlé ne croit que ce qu’on lui fait voir”. Fantômes, fantasmes, fantasmagorie au XIXe siècle – Alain COZIC, Spectre, mort vivant et autre figure fatale dans trois nouvelles de Hanns Heinz Ewers – Dominique IEHL, Démons, enfer et spectres chez Heym : entre sécularisation et fascination – Sylvie ARLAUD, La représentation du spectre de Hamlet sur les scènes germanophones du XVIIIe au XXe siècle – Oriane ROLLAND, Die satanische Genesis des Bösen. Franz Werfels Versuch einer Rationalisierung des Bösen in Die schwarze Messe – Hilda INDERWILDI, Le diable fatigué et la fabrique de destruction : les incarnations du diable dans la littérature fantastique du début du XXe siècle. Autour de Die andere Seite (Alfred Kubin, 1909) et Die Stadt hinter dem Strom (Hermann Kasack, 1947) – Anne Isabelle FRANÇOIS, Lire ou ne pas (pouvoir) lire. Marque satanique, appareil judiciaire et ambiguïtés herméneutiques chez Kafka – Katja WIMMER, Images démoniaques. L’Enfer et le Ciel. Un roman d’exil d’Alexander Moritz Frey – Georg BOLLENBECK, Doktor Faustus: Das Deutungsmuster des Autors und die Probleme des Erzählers – Werner RÖCKE, Le rire du diable : mises en scène du mal et du rire dans l’Histoire du Docteur Faust (1587) et le Doktor Faustus de Thomas Mann 15,00 €

N° 64 (2013/1) Contre-cultures à Berlin de 1960 à nos jours — Jürgen HOFMANN, Preussisch, protestantisch, plebejisch. Berlins Entwicklung zu einer Metropole kritischer Gegenkultur – Brigitte MARSCHALL, « Berlin-Fieber » – explosiv! Wolf Vostells ewiger Widerstand gegen Krieg und Gewalt – Charlotte BOMY, Happenings étudiants et théâtre de rue : subversion de l’espace public autour de 1968 – Philippe MARTY, Lied contre chanson contre poème : sur Wolf Biermann et « Frühling auf dem Mont-Klamott » – André COMBES, Une cinématographie de la contre-culture politique ouvrière : la trilogie de Christian Ziewer et son contexte – Jeremy HAMERS, Autour de Holger Meins. Documentaire et lutte armée dans l’entourage de la DFFB après 1969 – Christophe PIRENNE, Le rock « cosmique » à Berlin-Ouest, bande sonore de la Guerre Froide – Andreas HÄCKER, Aufbegehren, lachen und die Welt verändern: zum libertären Kabarett -Trio Die 3 Tornados aus Westberlin – Catherine MAZELLIER- LAJARRIGE, Peter Stein à la Schaubühne, un engagement contre-culturel ? Kleists Traum vom Prinzen Homburg ou le basculement vers l’utopie – Boris GRÉSILLON, Contre-culture, musique et urbanisme : le cas emblématique de Kreuzberg, de la fin des années 1960 à aujourd’hui – Elisa GOUDIN- STEINMANN, Entre culture et contre-culture ? Le positionnement du secteur socioculturel dans le Berlin de l’après-unification – Florence BAILLET, Ce que devient le geste critique : l’exemple du Grips-Theater – Emmanuel BÉHAGUE, « Ich bin 1 Volk ». Chance 2000 : subversion et renaissance de l’espace public chez Christoph Schlingensief – Emilie CHEHILITA, Contre-culture et refus de la société hétéronormée dans Tal der fliegenden Messer (Ruhrtrilogie 1, 2008) de René Pollesch – Sylvie ARLAUD, Frank Castorf : de Kean à Hamletmaschine, ou le culte des contre-cultures 15,00 €

N° 65 (2013/2) Les classiques d’hier aujourd’hui —Frédéric WEINMANN, Mehr Licht! La belle mort des classiques – Stéphane ZÉKIAN, Sommes-nous sortis du XIXe siècle ? Le romantisme comme matrice historiographique – Klaus GERLACH, August von Kotzebue et le Siècle de Frédéric II. Histoire d’un succès inachevé – Alexandre CHÈVREMONT, L’émergence de la notion du classique dans la musique chez Amadeus Wendt (1783-1836) – Audrey GIBOUX, Hugo von Hofmannsthal et l’éloge du canon classique français. De l’exemplarité racinienne – Tristan COIGNARD, Christophe Martin Wieland, écrivain cosmopolite ? Les mutations dans la réception d’un classique paradoxal – Frédéric WEINMANN, C comme classique et S comme silence. Grass, lecteur des Grimm – Andrea GREWE, Le « Grand Siècle » dans le cinéma français contemporain. Destruction ou continuation d’un mythe ? – Emmanuel BÉHAGUE, Stratégies de démythification dans la mise en scène de Wilhelm Tell (Hansgünther Heyme, Claus Peymann, Samuel Schwarz) – Delphine KLEIN, Ulrike Maria Stuart d’Elfried Jelinek. Contre l’embaumement d’un classique – Sylvie ARLAUD, faust hat hunger und verschluckt sich an einer grete de Ewald Palmetshofer. De la disgestion difficile des classiques – Bernard BANOUN, « Das Land der Sehnsucht ist die Erde nur ». Le Faust de Philippe Fénelon d’après Lenau – Laurence VIALLET, Image(s) actuelle(s) d’E. T. A Hofmann : un « utopiste sceptique » 15,00 € BULLETIN DE COMMANDE (à retourner directement à l’administration de la revue)

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