L’INDUSTRIE LOTOISE, TOUTE UNE HISTOIRE !

Sommaire Des racines agricoles… 2 …aux trois phases du développement industriel 4 L’industrie lotoise face à la crise et aux nouveaux enjeux 12

1

DES RACINES AGRICOLES…

L’EPOQUE GALLO-ROMAINE, LES DEBUTS DE L’AGRICULTURE LOTOISE 51 av. J.C. : « Romanisation » progressive du se développent activement. Au travail du lin, Quercy après la chute d’Uxellodunum. s’ajoute le travail de la laine vers laquelle Le Quercy connaît son premier essor s’oriente de plus en plus l’élevage traditionnel économique lorsque les Romains impriment du mouton. leur marque sur la civilisation d’origine celte. Les échanges commerciaux avec les pays de Ils importent leur système d’organisation et l’Empire (essentiellement le Languedoc et mettent en pratique la maîtrise des grands l’Italie), concernent surtout le blé, le vin et travaux et le sens du commerce. l’huile de noix. Les fines toiles de lin blanc La déforestation progressive permet le tissées en bas-Quercy, ainsi que les étoffes et développement des cultures telles que les matelas de laine sont particulièrement prisées céréales, la vigne et le lin. par les Romains et constituent la véritable référence du Quercy et de à Rome. 3e siècle : Déploiement de l’agriculture. Le noyer fait son apparition dans le Quercy et La situation géographique de Cahors, véritable l’actuel Périgord. Les vignes, que l’empereur étape aux bornes de l’Aquitaine et de Domitien avait fait arracher, sont replantées l’Auvergne après la traversée du Languedoc, sous le règne de l’empereur Probus (276-282) et son niveau d’organisation à l’arrivée des avec l’introduction de plants italiens. Les Romains, expliquent l’attention qu’ont portée cultures de céréales, d’arbres fruitiers et de lin ces derniers à son essor économique.

LE MOYEN-ÂGE : GUERRES, PAUVRETE ET STAGNATION ECONOMIQUE

5e siècle : Début des invasions et des guerres . L’avènement des Capétiens au 8e siècle Les Vandales, les Wisigoths, les Sarrasins, les changera peu de choses. Les prélèvements de Normands, les Hongrois déferlent tour à tour droits importants sur les terres, les péages à sur le territoire et, se chassant mutuellement, l’entrée des seigneuries sur le parcours des pillent, ravagent, brûlent les richesses, marchandises, les profits sur les monnaies, les détruisent et appauvrissent les systèmes taxes sur les transactions commerciales et les économiques mis en place par les Romains. denrées telles que le sel, le blé, le pain, les Entre temps, les querelles familiales des bestiaux, le vin, contribuent à Francs, des Mérovingiens et des Carolingiens l’appauvrissement de ceux qui travaillent. ont également engendré des invasions e e brutales en Quercy. Le pays connaît une 13 et 14 siècle : liberté d’entreprendre et longue période d’insécurité, de guerres et de artisanat de production. Une courte période décadence qui désorganise totalement de prospérité, de développement et l’économie, anéantit les quelques activités d’intensification des échanges va reprendre, commerciales et artisanales et maintient les aux 13e et 14e siècles, notamment grâce à la populations dans un état de stricte pauvreté. fondation de villes neuves et bastides

2 affranchies des pouvoirs seigneuriaux et préparation de la laine, premiers abattoirs de ecclésiastiques. Ces places fortes sont dotées viande, moulins fariniers, distilleries, etc. Les de « chartes de coutume » qui autorisent les artisans sont regroupés en corporations et libertés individuelles de propriété et confréries structurées et bien défendues. d’entreprise. Devenus plus faciles et affranchis de taxes, les échanges commerciaux stimulent Mais la guerre de Cent ans met fin à cette une reprise de l’agriculture et la création des période faste et le Quercy, lieu de convoitise premiers lieux industriels : fabrique d’étoffes, entre rois de et d’Angleterre, est à nouveau dépeuplé, détruit et ruiné.

L’AGRICULTURE, MERE DE L’INDUSTRIE

Sur un territoire pauvre, trop souvent agressé, 1730 : la culture de la vigne s’est largement à population fortement rurale et à habitat étendue dans tout le Quercy, terre propice à dispersé, l’agriculture a en charge de nourrir cette agriculture. Mais le pouvoir va la et de fournir les matières premières restreindre pour ne pas concurrencer la indispensables à l’exercice de l’artisanat et du production céréalière, dont les vertus sont commerce. Ces lourdes prérogatives sont la autant nourricières que commerciales. base du développement économique à cette époque. A côté du vin noir, qui fait la renommée du Les productions vivrières offrent des Quercy jusqu’en Angleterre et même à rendements souvent insuffisants pour cause Bordeaux où on l’utilise pour rehausser des de techniques moyenâgeuses et de sols vins jugés trop peu corsés, se développent pauvres. Seul le blé jouit d’une valeur des productions spéculatives qui dessinent d’échange importante et n’a guère de produit progressivement les bases de l’actuelle de substitution. Mais les années de mauvaise industrie agroalimentaire : noix, châtaignes, récolte sont courantes et entraînent disettes fruits frais, truffes, champignons et volailles et spéculations pernicieuses. grasses. Le , terre peu fertile pour les céréales et les D’autres cultures vont prendre un essor légumes, va progressivement accueillir et important, notamment la culture du chanvre sélectionner une agriculture différente, dont le pouvoir royal, en 1781, va spécialisée, et dont les besoins sont adaptés recommander l’intensification afin de aux typicités locales : développer la confection de voiles pour la 1650 : Introduction de la culture du tabac. marine marchande. Expédiée vers des manufactures agenaises, sa 1784 : premières récoltes de pomme de terre production va représenter un gros apport en Quercy. pour les agriculteurs lotois car elle leur assure un revenu régulier et contractualisé.

Dépourvu de matières premières en provenance du sous-sol, de sources d’énergie facilement mobilisables, de moyens de communication adaptés, le Lot a souffert de handicaps structurels importants pour développer une industrie moderne. Il aborde le 19e siècle complètement démuni, dans un état de sous-développement, doté en 1840 de seulement deux industries manufacturières employant plus de 20 salariés.

3

…AUX TROIS PHASES DU DEVELOPPEMENT INDUST RIEL

Si les origines de certaines filières lotoises remontent à des temps très anciens, leur modernisation s’est articulée en trois étapes essentielles qui, auto-entretenant le développement des techniques, permettent de subvenir aux besoins du moment :

1- 19E SIECLE, QUAND LE SOUS-SOL LOTOIS DEVIENT UNE RICHESSE

Mal exploitées en raison d’un manque de Une importante fonderie de fer, implantée à capitaux, les carrières lotoises parsemaient Bourzolles en 1700, près de Souillac, valorise tout de même le paysage lotois depuis le 17e le minerai de Cressensac et produit des siècle : le marbre et la pierre serpentine à chaudières, des marmites, des ustensiles de et St Céré; la terre argileuse à Catus et cuisine et parfois de canons. Son transport Cazals; les phosphates à et ; la ainsi que la fourniture de bois et d charbon de houille à St Perdroux, et ; bois met en œuvre 150 ânes, chevaux et le fer à Cressensac, Lherm et Belaye; le plomb mulets conduits par 20 enfants de moins de à ; l’argent à Floirac. 16 ans, 30 femmes et 50 hommes.

Entrée des carrières de au début du 20e siècle * Avec 81 fours à tuiles et briques recensés en d’amélioration de l’habitat développé au 1830, cette activité est bien représentée et cours de la deuxième moitié du 19e siècle. concourt à l’effort de construction et

Les Grandes Tuileries Mécaniques, à , au début du 20e siècle (75 salariés). 4

*

L’imprimerie est une très ancienne tradition de Cahors, et rapidement devenue une des dans le Lot puisque la première trace d’un plus célèbres du royaume, a favorisé atelier d’imprimeur, à Cahors, remonte à l’émergence de cette activité. Au 19e siècle 1472, soit peu de temps après les découvertes vont se développer plusieurs imprimeries de de Gutemberg (1440). De plus, le labeur dont certaines existent encore au rayonnement de l’université cadurcienne, début du 21e siècle. créée en 1331 par le pape Jean XXII, originaire

L’atelier de l’Imprimerie France Quercy au début du 20e siècle

Avec quelques entreprises de taille modeste, attardées et non adaptées à l’évolution des besoins et des techniques, le Lot entre dans le 20e siècle dans un état de sous-industrialisation. Pourtant, face aux besoins générés par le développement et la modernisation de la France (densification du réseau ferré, la naissance de l’aviation, électrification…), quelques entreprises font leurs premières armes dans le secteur des biens d’équipement et acquièrent rapidement une bonne notoriété.

5

2- UNE POIGNEE D’ENTREPRENEURS VONT REVOLUTIONNER L’INDUSTRIE LOTOISE

En 1904, Paulin Ratier crée un atelier de Concorde, Airbus, ATR…, parmi les principaux menuiserie spécialisé dans la fabrication héliciers mondiaux, grand spécialiste d’hélices en bois pour l’aviation, et d’équipements d’avions, l’évolution de Ratier- d’ébénisterie pour téléphones. En 1916, a suivi les gloires mais aussi les crises l’entreprise s’installe à l’entrée de la ville de (1948, 1977) de l’industrie aéronautique Figeac puis construit, sur le site actuel, une mondiale. Elle emploie aujourd’hui plus de nouvelle usine, inaugurée en 1940, pour la 1000 salariés, dans une usine de 52000m², mise en œuvre de l’invention du fondateur: doublée en 1992 pour accueillir des unités l’hélice à pas variable en vol. Les Ateliers dédiées aux matériaux composites, à la d’Aviation Pierre Ratier deviennent la société maintenance et aux traitements de surface. Ratier-Figeac en 1954, puis Ratier-Forest en Donneur d’ordres, Ratier-Figeac sous-traite 1966, à la suite de la fusion avec Forest et Cie une partie de sa production auprès de PME créée en 1957, pour reprendre, finalement, locales. L’entreprise fait partie du groupe leur propre identité, Ratier-Figeac en 1972. américain United Technologies Corporation Partenaire des grands programmes Caravelle, depuis 1998.

L’usine Ratier dans les années 1960 * Fondée en 1910 sous la dénomination clients comme EDF, la SNCF et des entreprises Éclairage Général et implantée sur la plaine du de branchement, MAEC se développe Pal, près de l’abattoir, la Manufacture rapidement et occupe 192 personnes en 1948. d’Appareillage Électrique de Cahors (MAEC) La nouvelle implantation au carrefour de naît avec les débuts de l’électrification et Regourd et la mise en marché d’un nouveau fabrique des appareils de tableaux, des produit, le Paninter, coffret en matériau disjoncteurs et des interrupteurs. composite qui protège les compteurs Elle s’approvisionne en pièces de porcelaine d’électricité et de gaz, lui permet d’atteindre produites par l’usine Virebent, créée en 1924 une autre dimension et de se tailler une place à Puy l’Évêque, qui a employé près de 150 de leader sur le marché. personnes en 1935. Fournisseur d’importants

6

L’Eclairage Général, dans les années 1920, qui deviendra la MAEC La diversification de ses activités, dans des filiales, dont certaines étrangères (Espagne, domaines de pointe aussi variés que les Maroc, Tunisie, Uruguay, Chine, Inde) qui transformateurs, les baignoires en occupent près de 2000 personnes au total. La composites, les téléalarmes, les connecteurs maison-mère, toujours à Cahors, constitue le de télécommunication, les antennes centre de recherche et de décision avec plus paraboliques, en font un groupe – le Groupe de 400 employés et réalise environ la moitié Cahors – à capitaux familiaux de plus de 15 du chiffre d’affaires.

*

A la même époque, deux entreprises cadurciennes, les Etablissements Meyrat et Artigues et les Etablissements Dubois- Desprats-Crespeau et Cie (jusqu’à 250 salariés en 1948 à elles deux) assurent 95% de la production nationale des poignées de porte en porcelaine, soit 2 millions d’unités.

Subsiste aujourd’hui la société Dubois Industrie qui continue de fabriquer des poignées de porte et conçoit des produits innovants dans le domaine des contrôles d’accès.

Panoplie de poignées de portes en porcelaine présentée aux Expositions coloniales de Marseille (1922) et de Strasbourg (1924)

C’est incontestablement après la Seconde Guerre mondiale que prend corps l’industrialisation du département du Lot. Elle s’appuie sur les quelques entreprises qui ont réussi à passer ce cap difficile, dirigées par des promoteurs perspicaces qui saisissent les opportunités qu’offre la reconstruction de la France et qui vont profiter du boom de la société de consommation pour mettre sur le marché des produits adaptés aux besoins de la mondialisation.

7

3- EFFORT DE RECONSTRUCTION ET MONDIALISATION: DEUX DEFIS SURMONTES

Métallurgie L’industrie lotoise des biens d’équipement Employant 35 personnes (50 aujourd’hui), poursuit son essor autour d’entreprises Brown Europe est spécialisé dans la tréfilerie toujours plus grosses et taillées pour la d’aciers spéciaux pour l’aéronautique. compétition mondiale. Les succès industriels et les besoins en sous-traitance de proximité vont favoriser l’émergence d’un tissu de PME Les capsules et bouchons pour flacons de de la mécanique et du travail des métaux, parfums : les Etablissements Pivaudran et hautement spécialisées et compétitives : Sclaffert, à Souillac, spécialistes de fabricants de machines, de pièces spéciales, l’emboutissage de précision et du traitement bureaux d’études, etc. forment l’actuelle de surface des métaux par oxydation Mécanic Vallée qui fédère sur un petit anodique, entreprennent en 1948, avec une territoire plus de 200 entreprises et 12000 cinquantaine d’ouvriers, la fabrication de emplois. bouchons métalliques pour flacons de Dans la première transformation des métaux, parfums haut de gamme. La qualité de leur quelques entreprises nouvelles viennent travail attire les plus grands noms de la conforter, après 1940, un secteur parfumerie française ainsi qu’une notoriété essentiellement occupé par les activités de internationale. fabrication de poignées de porte mais affaibli par un affaissement du marché. 3 filières vont sortir du lot : L’électro-métallurgie : implantée à Laval-de- Cère et utilisant l’énergie résultant de l’aménagement hydroélectrique de la Vallée de la Cère, cette activité est opérationnelle au début des années 1940 et, avec près de 250 salariés, produit des ferro-alliages destinés à la construction mécanique. La restructuration du groupe Péchiney conduit à sa fermeture et à l’installation en 1985, dans une partie des locaux, d’une entreprise nouvelle, d’origine américaine, Brown Europe.

Pivaudran dans les années 1980 Avec la SOLEV, créée à Martel en 1984 pour le traitement de surface et la métallisation sous vide des bouchons en matières plastiques, rattachée au groupe international POCHET depuis 2011, ces entreprises représentent actuellement, avec 450 salariés, un des plus fort potentiel national dans ce domaine.

Les charpentes et constructions métalliques : un industriel de Paimboeuf devenu Bagnacois par son mariage, implante en 1947 une usine Brown Europe dans les années 1980 de fabrication de charpentes et construction

8 métalliques, les Etablissements Larive, à partir des baisses de charges et la réduction des de profilés et de tôles d’acier provenant des effectifs. Le site sera repris par le groupe forges du Nord et de l’Est, destinées aux aurillacois Matière, qui y implantera des mines, la SNCF, l’aéronautique, l’agriculture… ateliers de fabrication de grands ensembles Des temps plus difficiles et l’abandon de métalliques destinés au génie civil. programmes d’investissements vont entraîner

* Chimie, pharmacie et parachimie Plus récemment, le secteur de la chimie, 1977, 25 salariés), Pierre Fabre Médicaments pharmacie et parachimie va apporter une (ex Plantes et Médecine, pharmaceutique, nouvelle corde à l’arc déjà bien fourni de 1988, 41 salariés), Phyt’s (cosmétique, date, l’industrie lotoise : ce secteur trouve son 80 salariés), les Laboratoires Ducastel origine dans la fabrication de bougies, (cosmétique, 1971, 70 salariés), Tridyn représentée notamment par les (cosmétique, 1977), Simeca (travail du Etablissements Fenelon, créé en 1743, et qui caoutchouc, 1978, 25 salariés), etc. redonnent se diversifie plus récemment dans les articles vie et notoriété à cette branche d’activité et religieux. Elle employait encore 50 salariés en apportent la preuve que les entreprises 1990 et exportait 10% de ses fabrications, exploitant des niches de marchés peuvent mais a dû fermer dans les années 2000. De trouver place et se développer dans notre créations plus récentes, la SOB (peintures, département. 1946, 50 salariés), CMPC (produits chimiques,

* Aéronautique L’essor spectaculaire de la construction premier rang d’Airbus. Après Ratier-Figeac aéronautique dans la région toulousaine comme premier client, l'entreprise a élargi son contribue ces dernières années à la création et portefeuille de clients en fournissant au développement d’entreprises de sous- Latécoère à partir de 1990, Dassault, Sonaca traitance d’un bon niveau de qualification et Aernnova dès 1992, le motoriste Snecma en spécialisées dans la réalisation, la finition, la 1998, l'avionneur brésilien Embraer en 2000, rectification de pièces et sous-ensembles l'équipementier américain Spirit (issu de particuliers : au-delà de Ratier-Figeac, une Boeing) en 2008 et le canadien Bombardier en entreprise parmi d’autres, Figeac-Aero, créée 2009. En croissance presqu’ininterrompue, en 1989, a connu une croissance fulgurante et Figeac-Aéro emploie aujourd’hui environ 700 fait aujourd’hui partie des 20 fournisseurs de personnes.

* Construction mécanique machines spéciales et des ensembles Dans le domaine de la construction d’usinage pour les industries de mécanique, deux principales entreprises, l’aéronautique, du ferroviaire, de l’automobile autour d’un ensemble de plus petites unités, et de l’armement. Elles constituent, avec près la Sermati (créée en 1966) et Cinetic de 250 emplois qualifiés dans le nord du Lot, Machining (1996), conçoivent et réalisent des un pôle important de mécanique de précision.

* Agroalimentaire singulières : à Biars-sur-Cère, deux familles Sur les bases d’un potentiel agricole fortement négociantes en noix et châtaignes depuis les qualitatif, l’industrie agroalimentaire lotoise années 1920, Chapoulart et Boin, se lancent jouit d’une large renommée autour de leaders dans la commercialisation des confitures mondiaux issus, là encore, d’histoires artisanales, puis industrielles après-guerre, et

9 rencontrent un destin hors du commun. Deux obligera les conserveurs à respecter des beaux-frères, Pierre Chapoulart et Jean normes plus drastiques, ce que certaines Gervoson, fondent Andros en 1948 puis la entreprises parviendront mieux à faire marque Bonne Maman en 1971 dont le (Godard et Valette notamment) que d’autres. symbole, inchangé depuis, se résume à un simple couvercle au dessin Vichy façon nappe Nombre d’autres filières, qui font la campagnarde, symbole de la plus pure renommée lotoise, sont en réalité issus de tradition d’une cuisine familiale. produits agricoles très anciens : le vin est introduit par les Romains avant J.-C. ; ces La fabrication du foie gras et sa derniers importent également la culture du commercialisation à grande échelle noyer au 3e siècle et la fabrication de son apparaissent après 1945 au travers d’une huile ; les premiers abattoirs de viande, les quinzaine d’unités artisanales fabricant en moulins fariniers et les distilleries voient le saison: Bizac fait partie des précurseurs ; en jour aux 13e et 14e siècles ; le petit fromage 1946, Jean Larnaudie reprend l’affaire rond au lait cru entier de chèvre est cité pour paternelle de volailles en gros et développe la première fois dans une monographie du 15e une activité de conserves de champignons siècle, bien avant de s’orner de l’AOC qu’il reconvertit en 1973, après une récolte ; la truffe noire du Lot était la plus catastrophique, en fabrication de foie gras et réputée de France en 1850… autres plats cuisinés. L’arrêté du 3 mars 1981

* Première transformation du bois 1945, et un tri se fait entre les petites unités Avec plus du tiers de sa superficie boisée, soit qui périclitent et quelques établissements qui 186 000 ha de bois et taillis, le département se modernisent et se hissent à un bon niveau du Lot a une longue tradition forestière. Elle technique. Les Etablissements Gorse, à s’exerce, pour une grande partie, dans le Grèzes, créés en 1920, figurent parmi les plus prolongement des activités agricoles. Les anciens et les plus importantes entreprises. boisements, de qualité médiocre, sont relativement pauvres en essence d’œuvre. Ils ont longtemps été exploités à des fins de bois Les bois sous rail : l’atelier-magasin de la SNCF de feu et de carbonisation pour les besoins de -Biars fut créé au début du siècle locaux de la population et des quelques pour le stockage et la régénération des bois industries avant la motorisation et sous rail. Sur une surface de 25ha, sillonné par l’électrification. Avant la Première Guerre 9Km de voies et doté d’une capacité mondiale, les prélèvements s’élevaient à 3 d’entreposage d’1 million de traverses et bois 200 000 m . En très légère hausse depuis d’appareils, son implantation s’est justifiée par quelques années, ils dépassent tout juste les 3 la proximité d’un important massif forestier. 15 000 m actuellement. Ensemble le plus important de France, il a accueilli jusqu’à 14 000 wagons en transit et Le travail du bois concerne plusieurs filières, 150 salariés. Mais la raréfaction des mises en entremêlées et complémentaires : les scieries, chantier, le développement des trains à le bois sous rail, le tournage sur bois, les grande vitesse et la mutation vers des menuiseries, l’ameublement, la menuiserie du produits en béton ou en bois tropicaux ont bâtiment. considérablement réduit son champ d’action. Ce site est aujourd’hui spécialisé dans la dépollution des bois usagés. La scierie mécanique, d’abord constituée de postes mobiles en forêt, puis d’installations sommaires utilisant la force hydraulique, se développe avec les progrès de la motorisation Le tournage sur bois : en relation étroite avec et l’arrivée du chemin de fer qui est un gros l’activité viti-vinicole du département, deux consommateur de traverses en chêne. petits ateliers tournent des robinets de Traitant des ressources locales, le parc très barriques : l’un à St Cirq Lapopie, l’autre à côté nombreux se structure, à compter des années de Cahors, les Etablissements Mouilhayrat.

10

« Tournage » de robinets de barriques au début du 20e siècle

Deuxième transformation du bois bâtiment (persiennes, volets, portes, portails) Dans le prolongement de la scierie, se et/ou intérieures (fenêtres, portes, etc.) : les développent jusqu’au début des années 1980 Etablissements Miquel-Périé (créés à St-Hilaire des activités spécifiques de deuxième en 1947, réinstallés à en 1960), les transformation : la menuiserie industrielle et Etablissements Noël ( 1949), Bex l’ameublement. (Bretenoux), Courrège (), Feyt (Lavitarelle) et Pons (). La menuiserie industrielle du bâtiment : cette filière s’organise après 1945 autour de deux La fabrication de meubles et objets divers : unités hautement spécialisées : ce secteur est dominé par deux entreprises - les Etablissements Bourdarie, à Souillac. Issus qui interviennent sur des créneaux très à leur origine en 1886 d’une fabrique de différents : sabots et de crosses pour fusils en bois de - les Etablissements Frejac et Roussilhes, à noyer, ils s’engagent progressivement vers un Biars, créés en 1945 sous la dénomination Bois nouveau marché – l’établi pour menuisier – de la Cère, fabriquent des caisses de munition employant une trentaine de salariés en 1948. pour l’armée. Ils constituent la SA Manucère Au cours des années 1970, M. Bourdarie met en 1957 et se diversifient vers le mobilier en au point le lamellé-collé appliqué à la bois massif pour collectivités et fabrication d’aménagements intérieurs haut- administrations ainsi que vers des séries de de-gamme. Ce procédé, véritable produit en petits meubles, souvent en kit, proposés par lui-même, devient rapidement une référence des sociétés de vente par correspondance nationale et le produit leader de la société. comme la Redoute. Bénéficiant d’une bonne - les Etablissements Labrunie, aux Quatre- notoriété, ils ont employé jusqu’à 70 salariés. Routes, spécialisés dans la fabrication de - la Société Industrielle d’Ameublement du parquets, emploie 45 ouvriers en 1950. Ils se Quercy (SIAQ), à Luzech, qui emploie 40 développent rapidement et s’orientent vers ouvriers en 1948, fabrique des meubles deux produits haut-de-gamme : la marquisette rustiques de style à partir de bois de noyer ou – porte de style d’intérieur en bois massif de merisier. S’agrandissant, se modernisant, exotique – et la cressane – porte de style elle emploiera jusqu’à 250 salariés dans les d’intérieur en pin massif. Les ateliers déposent années 1970. L’évolution de la demande, des le bilan en 1984 et sont rachetés par Quercy problèmes de commercialisation et de Menuiseries. concurrence mal contrôlés l’amènent au D’autres entreprises vont émerger dans la dépôt de bilan en 1987. Reprise partiellement, fabrication des menuiseries extérieures du l’usine fermera totalement en 1993.

11

Nous venons de suivre les trois grandes étapes qui ont vu l’industrie lotoise s’affranchir progressivement du manque de matières premières et de ressources énergétiques qui était son principal frein, pour accéder à la production de biens d’équipements à l’aube du 20e siècle, et s’ouvrir enfin à la modernité au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Mais c’est dans les années 1960-1980 qu’elle a trouvé sa véritable dimension. De véritables entrepreneurs conquièrent le « désert » industriel, ouvrent la voie et prouvent que l’industrie n’est pas seulement une « mangeuse de terres, d’hommes et de capitaux ». Au contraire, elle produit des richesses et, à condition d’être vertueuse, participe à la modernisation et à l’équilibre du territoire.

Au cours du temps, de nombreuses activités se sont éteintes, des entreprises ont disparu, d’autres ont été reprises. L’histoire s’est construite au gré de l’évolution des techniques et des marchés, prouvant que la remise en cause est permanente et que l’avenir se construit chaque jour. Mais globalement, le tissu industriel s’est progressivement spécialisé autour de domaines de compétences très spécifiques et bien placés sur les marchés (souvent mondiaux) : la mécanique, la construction électrique et électronique, la sous-traitance aéronautique et l’agroalimentaire. Un nouveau secteur effectue depuis quelques années une forte percée : l’ingénierie électrotechnique.

Aujourd’hui, la compétition technique et commerciale n’est plus seule arbitre dans le succès des entreprises. De nombreux défis jouent désormais un rôle prépondérant. En premier lieu, la crise économique qui, par effet d’entraînement, impacte des secteurs non touchés jusque-là.

L’INDUSTRIE LOTOISE FACE A LA CRISE ET AUX NOUVEAU X ENJEUX

Depuis quelques années, l’industrie lotoise ressources humaines, n’est plus une démarche est entrée dans une 4e phase aux facettes isolée, exceptionnelle, coûteuse et superflue. multiples. Au défi de la survie en pleine crise Elle devient nécessaire, inévitable et s’impose économique et dont les indicateurs, début naturellement aux entreprises : non 2013, semblent encore loin de repasser au seulement pour respecter les normes et vert, s’accumulent d’autres enjeux aux afficher des labels, mais également en tant natures bien différentes. Pourtant, les que pratiques vertueuses pour engager les dirigeants actuels ne pourront pas s’y entreprises dans des démarches structurantes soustraire s’ils veulent assurer la pérennité de qui aboutissent à des gains de compétitivité et leur entreprise : d’image, à un renforcement des arguments commerciaux et à l’ouverture de nouveaux La durée de la crise économique que nous marchés. traversons, débutée en 2008, orchestre une Face à des marchés locaux saturés et/ou « sélection naturelle » en ne permettant moins rémunérateurs, les impératifs de qu’aux entreprises les mieux armées et aux croissance passent souvent par la recherche secteurs les plus utiles de survivre. Là encore, de débouchés plus lointains et par le Lot peut se vanter de voir son industrie l’exportation. Certaines zones géographiques surnager quand d’autres coulent. ne connaissent pas (encore) la crise

économique et, s’ouvrant à l’économie de La Responsabilité Sociétale des Entreprises, marché, découvrent de nouveaux produits. qu’il s’agisse du respect de l’environnement, Ces derniers connaissent souvent un succès d’économies d’énergie ou de gestion des 12 considérable et leurs parts de marché commerciale… l’innovation permet aux progressent rapidement. Aussi, les entreprises entreprises de conquérir de nouveaux les mieux armées pour se positionner marchés, d’élargir sa clientèle, de renforcer décrocheront les meilleurs débouchés. son image. En interne, si elle est correctement mise en œuvre, l’innovation soutient la Enjeu beaucoup plus local, la pyramide des gestion des ressources humaines grâce au âges des dirigeants d’entreprise montre un renforcement de la fierté de ses salariés et du vieillissement de sa population. Afin de sentiment d’appartenance. conserver leurs savoir-faire et leurs réseaux L’introduction des matériaux composites dans commerciaux, les entreprises doivent les procédés industriels est un exemple appréhender la thématique de la transmission d’innovation que certaines entreprises plusieurs années avant la date fatidique. lotoises maîtrisent parfaitement. Quelques- Dans le Lot, plus d’un chef d’entreprise sur unes font même partie des leaders mondiaux trois a plus de 50 ans. Concrètement, cela et développent des produits aux débouchés signifie que plus de 2000 entreprises, tous aussi stratégiques (transports, énergie) que secteurs confondus, sont appelées à être surprenants (bagagerie). reprises au cours des 10 années à venir. Des organismes spécialisés peuvent accompagner Ironie de l’histoire, quand le Quercy était ces mutations et c’est la force, voire la réputé en l’an 300 après J.-C. pour la qualité pérennité, d’un territoire qui se joue dans cet de son lin qu’il vendait jusqu’à Rome, une e enjeu. entreprise quercynoise découvre au 21 siècle un autre débouché pour ce produit naturel et Dernier défi identifié qui s’ajoute aux l’incorpore dans la fabrication d’une valise. précédents cités, l’innovation est un atout Développée en 2012 en résine de lin par pour la progression des entreprises. Dans l’entreprise lotoise Hacoma, cette valise certains domaines elle demeure même une ultramoderne, résistante et légère, élargit la obligation, un exercice imposé face à la gamme du français Delsey dont le premier mondialisation des marchés et à la débouché européen n’est autre que… l’Italie... multiplication des forces en présence. Quelle L’industrie lotoise, toute une Histoire ! soit technologique, organisationnelle,

Retrouvez l’intégralité du dossier consacré à l’industrie lotoise : de l’héritage aux enjeux nouveaux en passant par les produits phares qui font le « made in Lot », dans le numéro 171 du magazine Entreprendre, téléchargeable à cette adresse : http://www.lot-cci-magazine.fr

13