DÉBATS de l'Assemblée nationale du

QUÉBEC

Le mardi 11 mars 1969

Vol. 8 -N° 8 TABLE DES MATIERES

Présentation du député de Dorion 247

Droits miniers sous-marins Le premier ministre, M. Jean-Jacques Bertrand 247 Le chef de l'Opposition, M. Jean Lesage 247

Questions et réponses Niveau de la Gatineau 249 L'image de Mao dans les écoles 249 Coups de feu 250 Fermeture d'école 250 L'Alliance Crédit 251 Terre des Hommes 251 Grèves tournantes des enseignants 252 Le président de Radio-Québec 253 Prévisions budgétaires 253 Débat sur l'adresse Amendement de M. Laporte M. René Lévesque 254 M. Maurice Martel 258 Mme Claire Kirkland-Casgrain 262 M. Armand Maltais 265 M. Gilles Houde 270 M. Paul Allard 274 M. Victor-C. Goldbloom 278 M. Paul-Emile Sauvageau 282 M. Guy LeChasseur 286 M. Roland Théorêt 288 M. Gérard Cadieux 292

Ajournement 295 247

(Quinze heures quatre minutes) M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les por- Affaires du jour. tes. A l'ordre, messieurs! L'honorable ministre de l'Agriculture. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. M. VINCENT: J'ai l'honneur de déposer en Présentation de rapports de comités élus. deux copies un document confirmant qu'au cours Présentation de motions non annoncées. de l'année 1968 aucun arrêté en conseil n'a été Présentation de bills privés. adopté en vertu de la Loi pour augmenter le do- Présentation de bills publics. maine cultivable de la province.

M. LAPORTE: Il l'avait augmenté. Présentation du député de Dorion M. VINCENT: J'ai l'honneur de déposer éga- M. LE PRESIDENT: On me permettra de lement un document confirmant qu'au cours de communiquer à cette Chambre une lettre du l'année 1968, aucun arrêté en conseil n'a été président général des élections. adopté pour réserver des cantons ou parties de cantons en faveur des sociétés de colonisation. « Au président de l'Assemblée nationale du Québec, M. LE PRESIDENT: L'honorable premier Hôtel du Gouvernement, ministre. Québec. Droits miniers sous-marins Monsieur, M. Jean-Jacques Bertrand Je certifie que, conformément à un bref d'é- lection émis le 9 janvier 1969 et adressé à M. M. BERTRAND: Je dépose sur la table de R. Eugène Tanguay, comptable, domicilié à cette Chambre une nouvelle lettre que j'ai reçue Montréal, M. Mario Beaulieu, notaire, a été, du premier ministre du Canada, M. Trudeau, le ainsi qu'il appert du rapport qui se trouve dans 27 février, au sujet des droits miniers sous- les archives de mon bureau, élu député du Col- marins, en particulier relativement aux lignes lège électoral de Dorion à l'Assemblée nationa- d'administration des ressources minières dans le du Québec, en remplacement de M. François la baie d'Hudson et l'Ungava, et copie également Aquin, démissionnaire. » de la réponse. Je vous prierais de noter que M. Trudeau déclare, dans cette lettre, qu'il attend M. LE PRESIDENT: L'honorable député de encore la réaction des autres premiers minis- Dorion occupera le fauteuil autrefois occupé tres canadiens ou des provinces au sujet de sa par l'honorable député de Dorchester. lettre du 29 novembre, lettre que j'ai déjà dé- posée en cette Chambre. J'ai transmis une M. BERTRAND: M. le Président, j'ai l'hon- photocopie au chef de l'Opposition. neur de vous présenter M. Mario Beaulieu, dé- puté du Collège électoral de Dorion. M. Beau- M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de lieu a prêté et souscrit sur le rôle le serment l'Opposition. prescrit par la loi et il réclame maintenant le droit de siéger en cette Chambre. M. Jean Lesage

(Note de l'éditeur: Présentation du nouveau dé- M. LESAGE: Sur ce sujet, le premier mi- puté de Dorion. Le premier ministre, l'honora- nistre a eu l'amabilité de me remettre copie des ble Jean-Jacques Bertrand et le ministre des documents qu'il vient de déposer, juste avant la Finances, l'honorable Paul Dozois, sont allés séance. J'ai pris connaissance d'une carte qui chercher M. Mario Beaulieu à l'extérieur de accompagnait la lettre de M. Trudeau concer- la Chambre, l'ont conduit à la table du Secré- nant, en particulier — les lignes administrati- taire, puis M. Bertrand l'a présenté au Prési- ves, comme on les appelle maintenant — en ce dent de la Chambre dans les termes ci-dessus qui concerne la baie James et la baie d'Hudson. et ensuite MM. Bertrand et Dozois ont conduit Comme le premier ministre le sait, il y avait le nouveau député de Dorion à son siège.) eu, avant juin 1966, des pourparlers entre le 248 premier ministre de l'Ontario, le premier mi- Trudeau, celle que vient de déposer le premier nistre du Manitoba et celui qui vous parle, au ministre. sujet d'une division possible du lit de la baie James et de la baie d'Hudson entre les trois M. BERTRAND: C'est ça. provinces et, évidemment, les Territoires du Nord-Ouest, puisque ces territoires ont une par- M. LESAGE: Mais, il y avait aussi celle du tie de leurs rives sur la baie d'Hudson. 29 novembre, à laquelle le premier ministre du Il est clair que les lignes administratives Québec a répondu le 5 février. proposées par le premier ministre du Canada Il était surtout question, dans cette lettre du ne donnent pratiquement rien aux provinces 29 novembre pour autant que le Québec est con- alors que les plans qui avaient été préparés di- cerné, des droits sous-marins dans le golfe visaient en quatre secteurs le lit de la baie Saint-Laurent. James et de la baie d'Hudson. Comme l'a dit avec raison le premier mi- Est-ce que le premier ministre s'est con- nistre du Québec dans sa réponse à M. Tru- certé avec les autres premiers ministres, ceux deau, le golfe Saint-Laurent, même s'il est con- de l'Ontario et du Manitoba, ou entend-il se con- sidéré par certains pays comme une mer in- certer avec eux en vue de donner une réponse ternationale, a quand même fait l'objet de dis- au premier ministre du Canada, réponse qui cussions au plan international. Le Canada, com- tiendrait compte de l'entente de principe inter- me l'a dit avec justesse le premier ministre venue en 1965 ou au début de 1966 quant à cette dans sa lettre à M. Trudeau, a réclamé que, au division du lit de la baie d'Hudson entre les plan international, le golfe Saint-Laurent soit trois provinces concernées? reconnu comme une mer intérieure. La baie d'Hudson est déjà reconnue comme une mer in- M. BERTRAND: J'ai déjà eu l'occasion de térieure. Donc, de ce côté-là, pas de problème. causer de ce problème avec le premier ministre Mais, puisque le Canada reconnaît le golfe Saint- de l'Ontario. Au début du mois, vers le 5 mars, Laurent comme une mer intérieure et qu'il ré- je pense, le premier ministre de l'Ontario me clame que cela soit reconnu sur le plan inter- transmettait une lettre indiquant que nous de- national, le premier ministre du Québec a eu vrions nous rencontrer. C'est ce que nous allons parfaitement raison d'envoyer à M. Trudeau la faire. Le ministre des Richesses naturelles ren- lettre qu'il lui a envoyée. contrera le ministre qui s'occupe de ce problè- Au sujet du golfe Saint-Laurent, je pose au me en Ontario et qui en est responsable au con- premier ministre, par votre entremise, M. le seil des ministres, de même qu'un représentant Président, la même question que j'ai posée au du Manitoba — j'espère que ce sera sous peu — sujet de la baie d'Hudson. Le premier ministre en vue de continuer les pourparlers qui ont a-t-il l'intention de se concerter avec les pre- déjà été entrepris. miers ministres des quatre provinces atlanti- M. Morin m'a informé qu'il avait un dossier ques — c'est-à-dire l'Ile-du-Prince-Edouard, assez volumineux au sujet de ce problème. J'es- le Nouveau Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et père, comme le chef de l'Opposition vient de le Terre-Neuve — en vue de s'entendre sur une noter, que nous conserverons ce que nous croyons division du lit du golfe Saint-Laurent —division être la propriété des provinces, en particulier au sujet de laquelle il y a déjà eu une certaine du Québec, et non pas seulement cette mince entente de principe — et de présenter un front bande de terre le long de la côte. commun vis-à-vis d'Ottawa pour que les droits miniers dans le golfe Saint-Laurent restent la M. LESAGE: II y a surtout les fies Belcher propriété des provinces, comme j'ai toujours qui devaient revenir au Québec. considéré qu'ils l'étaient? M. BERTRAND: Je tiendrai la Chambre au M. BERTRAND: M. le Président, alautom- courant des pourparlers qui auront lieu entre ne, a eu lieu une réunion du ministre des Riches- le Manitoba et l'Ontario et, également, s'il y ses naturelles avec ses collègues des provinces a lieu des rencontres avec les autorités fédéra- atlantiques. J'inviterais mon collègue à nous les. dire quel a été le climat et la décision que l'on a prise à cette réunion des ministres intéres- M. LESAGE: M. le Président, je m'excuse sés. de reprendre la parole sur le même sujet, mais jusqu'à maintenant j'ai surtout traité de la baie M. .ALLARD: M. le Président, à la suite d'Hudson qui a fait l'objet de la lettre de M. d'une rencontre qui a eu lieu à Halifax, au mois 249

de juillet, nous avons, avec les provinces inté- du golfe Saint-Laurent montrant les divisions ressées, procédé à un partage du territoire. sur lesquelles il y a eu entente et signature Lors d'une rencontre subséquente, nous nous d'entente? sommes entendus et nous avons accepté mutuel- lement les divisions entre l'Ile-du-Prince- M. ALLARD: Je n'ai aucune objection. J'en Edouard, Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick ai même fait faire d'une grandeur assez appré- et le Québec. Nous sommes tombés d'accord ciable, pour que les journalistes puissent en sur les limites que nous entendions être du do- prendre connaissance sans qu'il y ait d'erreur maine de chacune des provinces. Cette division possible. était de beaucoup antérieure à celle qui nous fut, par la suite, proposée par le gouvernement fé- déral. M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Quant à ce qui concerne la division de la baie Gatineau. James entre l'Ontario et le Manitoba, nous som- mes tombés d'accord... Questions et réponses

M. LESAGE: ... et de la baie d'Hudson. Niveau de la Gatineau

M. ALLARD: ... et de labaie d'Hudson, nous M. FOURNIER: M. le Président, ma question sommes tombés d'accord sur un certain partage est à l'adresse du ministre des Richesses natu- du territoire, mais seulement d'une façon ver- relles. Relativement à la baisse du niveau de la bale, contrairement à ce qui a été fait avec les Gatineau, de sept pieds, la semaine dernière provinces maritimes où des écrits ont été si- pour des travaux de l'Hydro, le ministre peut-il gnés entre les provinces intéressées. Un écrit informer la Chambre quand le niveau normal devra être signé par les provinces du Manitoba va être rétabli, étant donné que les gens man- et de l'Ontario d'ici une quinzaine de jours. quent d'eau, à cause de la baisse du niveau de la rivière en haut de leur prise d'eau? M. LESAGE: Je remercie infiniment le ministre des Richesses naturelles. La division M. ALLARD: M. le Président, il s'agit d'une sur laquelle il y a entente de principe, en ce question dont je n'ai pas eu avis. Si j'avais à qui concerne la baie James et la baie d'Hudson, mémoriser les baisses et les hausses de niveau est-elle bien celle qui avait été préparée avant de tous les cours d'eau, je ne pourrais pas être 1966 par M. Côté et soumise aux autres gouver- ici. Mais je prends avis de la question. Je puis nements? communiquer avec les autorités concernées et transmettre la réponse. D'ailleurs, si le député M. ALLARD: Je crois que ça suit les pro- s'adressait à l'Hydro, il aurait immédiatement positions déjà faites, depuis quelque temps. une réponse. C'était en vertu des mêmes... M. LE PRESIDENT: L'honorable député de M. LESAGE: Oui. Est-ce la même chose Richmond. pour le golfe du Saint-Laurent? L'image de Mao dans les écoles M. ALLARD: Bien, je ne peux pas vous le dire. Je n'ai pas consulté ce qui a été fait M. LAFRANCE: M. le Président, le ministre avant... de l'Education a-t-il été informé et se propose-t- il de faire enquête sur la situation assez étrange M. LESAGE: Bien, ces dossiers sont entre qui existe à l'heure actuelle dans certaines écoles les mains de M, Claude Morin. de l'Estrie? Il semble bien — c'est d'ailleurs fondé sur des faits — que le crucifix a été rem- M. ALLARD: Oui, mais on m'a averti seule- placé dans les écoles par l'image de Mao, l'image ment lorsque j'ai eu à discuter avec certaines de Che Guevara, l'image de certaines vedettes. provinces. On m'a soumis à ce moment-là un On sait que le gouvernement actuel a exploité dossier qui était entre leurs mains et dont je la région au cours de la dernière élection... n'ai pas pris connaissance. DES VOIX: A l'ordre! M. LESAGE: C'était le même dossier. Le ministre des Richesses naturelles aurait-il M. LAFRANCE: M. le Président, ma ques- objection à déposer une photocopie d'une carte tion est bien précise... 250

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable Coups de feu député de Richmond a posé une question. Il est sur le point de l'accompagner de commentaires, M. FOURNIER: M. le Président, une ques- ce qui est interdit, en vertu de nos règlements. tion à l'honorable Solliciteur général relative- ment à une demande d'enquête faite par l'As- M. LAFRANCE: Alors, j'arrivais à la ques- sociation des libertés civiles canadiennes de tion, M. le Président. Le ministre a-t-il été la région de la capitale nationale de même que informé de cette situation? Se propose-t-il de par la tribu indienne de rivière Désert à Ma- faire enquête? Des députés, comme le député niwaki, au sujet de coups de feu tirés sur un de Compton, ont-ils protesté contre cette situa- nommé Willie Mitchell, Indien âgé de 15 ans. tion? Est-ce que la commission a été autorisée à faire enquête par le Solliciteur général? M. GOSSELIN: Bien, voici, M. le Président, le député de Compton n'a pas pu protester, parce M. MALTAIS (Limoilou): J'ai été avisé, il que je n'ai pas entendu parler de telles choses. y a plus de trois semaines, de cette question à mon bureau par un appel téléphonique en M. LAFRANCE: Non. provenance d'Ottawa. J'ai immédiatement de- mandé une enquête, la plus sommaire possi- M. GOSSELIN: Mais il y a tellement de ble, afin d'être immédiatement au courant au chasse-sorcières qui courent dans l'esprit du moins des premiers faits. J'ai reçu le rapport député de Richmond que ça ne me surprendrait de cette enquête sommaire, qui était effective- pas que... ment très sommaire. Une autre enquête se pour- suit. On m'informe, aujourd'hui même, que je M. LAFRANCE: Les chasse-sorcières sont devrais avoir le rapport de cette enquête beau- du côté des députés de l', pour coup plus complète demain ou après-demain. la façon dont ils ont fait leur élection. Je dois dire, pour l'information du député, que l'enquête préliminaire, très sommaire si M. GOSSELIN: Jamais, jamais. l'on veut, indiquait qu'il s'agissait en fait de deux agents de la Sûreté de Maniwaki qui, au M. LE PRESIDENT: L'honorable député de cours d'une chasse à l'homme d'un ou de deux Gatineau. fugitifs, ont blessé de façon accidentelle l'un des deux fugitifs. En l'occurence il s'agirait, me M. CARDINAL: M. le Président, je ne suis dit le député, d'un nommé Mitchell. Des que pas surpris de la question du député. Je n'ai nous serons en possession du rapport définitif jamais été informé de faits semblables. Je le plus complet possible, nous verrons s'il y a laisse aux autorités locales la responsabilité lieu de prendre action et de quelle façon. des gestes que peuvent poser ces autorités, si elles ont posé des gestes de ce genre, ce dont M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre je n'ai aucune preuve au moment présent. des Affaires municipales.

M. LAFRANCE: M. le Président, une ques- M. LUSSIER: M. le Président, j'ai l'honneur tion additionnelle. Le ministre a-t-il reçu de de déposer le rapport annuel de la Régie des la part du président de la régionale, M. Dupont eaux du Québec. — les journaux l'ont d'ailleurs publiée — une de- mande de faire une enquête à ce sujet? M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition. M. CARDINAL: M. le Président... Fermeture d'école M. GOSSELIN: Chasseur de sorcières. M. LESAGE: Hier, j'ai tenté de rejoindre M. LAFRANCE: Le chasseur de sorcières, le ministre de l'Education qui était à Montréal c'est le président de la régionale. avec ses secrétaires. J'ai finalement rejoint M. Jean-Marie Beauchemin pour lui dire que M. CARDINAL: M. le Président, à ma con- j'avais l'intention de poser une question au naissance, je n'ai reçu aucune lettre à cet effet. ministre de l'Education aujourd'hui, concernant la fermeture de l'école Saint-Patrice-de-Sher- M. LE PRESIDENT: Le députée de Gati- rington, fermeture qui aurait eu pour effet de neau. faire perdre leur emploi à onze institutrices 251 de Sherrington. Le ministre a reçu une lettre En terminant, je transmettrai incessamment à ce sujet, dans laquelle on allègue qu'il s'agi- tous les renseignements que je possède à ce rait d'une mesure punitive contre les institu- sujet au ministre d'Etat délégué à la Fonction trices en question. Est-ce que le ministre a publique, l'honorable , pour que eu le temps d'examiner ce cas et pourrait-il notre travail soit coordonné de part et d'autre, faire ses commentaires? en vue de trouver au plus tôt une solution à cet- te situation. M. CARDINAL: M. le Président, je remer- cie l'honorable chef de l'Opposition de m'avoir M. LE PRESIDENT: L'honorable député de prévenu de sa question dont j'ai été informé Mercier. même si j'étais à Montréal. Tous les lundis, je suis en effet à mon bureau de Montréal. L'Alliance Crédit D'ailleurs, le député de Louis-Hébert a la bonne habitude de nous prévenir assez souvent M. BOURASSA: Une question au premier mi- des questions qu'il désire poser en cette Cham- nistre. Le premier ministre est-il en mesure bre. de confirmer s'il a reçu le rapport sur la fail- La lettre de M. Claude Tremblay, secrétai- lite de l'Alliance Crédit et qu'entend-il faire re de l'Association des professeurs de Ligne- avec le rapport? ry, lettre dont le chef de l'Opposition a parlé, est parvenue hier à Québec au bureau du mi- M. BERTRAND: Pour répondre au député nistre de l'Education alors que j'étais à Mont- de Mercier, j'ai reçu le rapport du président réal, comme on vient de l'affirmer. J'ai donc du comité d'étude des institutions financières. pris connaissance de cette lettre ce matin. Dans sa lettre, M. Parizeau me recommande A la commission scolaire de Saint-Patrice- de transmettre copie dudit rapport au minis- de-Sherrington, il y avait une coutume établie tre de la Justice, au ministre du Revenu et, à l'effet que les professeurs faisaient bien vo- bien entendu au ministre des Institutions fi- lontiers la surveillance des élèves en dehors nancières. Ceci a été fait. Deuxièmement, quant des heures de classe, bien que la convention à le rendre public, je n'y vois personnellement et le contrat ne spécifient rien à cet effet. aucune objection. Je le fais toutefois examiner Or, il appert qu'en novembre dernier, les parce qu'on donne des noms — il y a beaucoup professeurs ont décidé d'appliquer rigoureuse- de noms là-dedans, — Je ne voudrais pas que ment la convention collective et ont cessé de l'on puisse porter indûment atteinte à la répu- faire la surveillance qu'ils exerçaient volontai- tation des gens. Je le fais examiner par le con- rement auparavant. Devant cette situation, les tentieux du ministère de la Justice. Je crois commissaires ont engagé du personnel surnu- bien être en état, si rien ne s'y oppose, de ren- méraire pour faire cette surveillance. Il est dre ce rapport public, peut-être au début de la exact qu'en janvier dernier, les commissaires semaine prochaine. ont fermé l'école. Quelques jours plus tard, les commissaires décidèrent de rouvrir les clas- M. BOURASSA: Merci. ses — les classes ont été rouvertes depuis — avec du personnel suppléant, nouvellement em- M. LE PRESIDENT: L'honorable député de bauché, sans faire appel aux services des en- D'Arcy-McGee. seignants déjà sous contrat. Voilà la situation, telle que j'ai pu l'examiner, depuis que j'ai pris Terre des Hommes connaissance de la lettre, ce matin. Je me permettrai, M. le Président, les com- M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'adres- mentaires suivants: il ne semble pas faire de se ma question à l'honorable ministre de l'In- doute que ce conflit s'inscrit dans le jeu des dustrie et du Commerce. Le ministre pourrait- pressions exercées, de part et d'autre, pour il informer cette Chambre si le cas de Terre hâter la conclusion de la convention collective des Hommes est maintenant définitivement ré- provinciale entre les syndicats d'enseignants, glé, ou est-ce qu'il demeure en quelque sorte d'une part, et les fédérations des commissions en suspens? scolaires, d'autre part, et le gouvernement. Depuis que la médiation est commencée, com- M. BEAUDRY: M. le Président, tel que je me les enseignants ont accepté de suspendre l'ai mentionné il y a quinze jours, la modifica- les grèves tournantes, l'on devrait croire que tion à la proposition Dozois ayant été refusée, les commissions scolaires ont aussi accepté de certaines modifications ont été apportées. Elles suspendre l'exercice de leur droit de « lock- exigeaient des implications financières. J'ai re- out ». mis le problème au ministre des Finances. Je 252 crois qu'il pourrait vous donner de plus amples ces personnes soient suffisamment protégées? renseignements. On m'avise, en effet, qu'il y a déjà une liste noire de quatorze enseignants, dans ce milieu, M. DOZOIS: M. le Président, pour complé- qui ne pourront pas être employés l'année pro- ter la réponse du ministre de l'Industrie et du chaine. Je demande ici une affirmation ou un Commerce, je dois dire que j'attends actuelle- aveu de la part du ministre de l'Education à ment une réponse du ministre de l'Industrie et l'effet qu'on verra à protéger ces personnes qui du Commerce d'Ottawa, M. Jean-Luc Pépin. ont voulu tout simplement faire leur devoir. M. Pépin a posé à la province des conditions que je juge inacceptables. Après avoir consul- M. CARDINAL: Je répondrai au député de té mes collègues, je lui ai fait une contrepro- Baldwin que je n'ai pas d'aveu à faire à ce su- position et j'attends sa réponse. Il m'a dit ven- jet. J'apporterai deux précisions avant de ré- dredi, c'est la dernière fois que je lui en ai par- pondre à la question. La première, c'est que lé, qu'il consulterait ses collègues. l'on sait que les grèves tournantes sont termi- nées depuis qu'une tierce personne a été nom- M. LAPORTE: Est-ce qu'il a encore envie mée pour animer les négociations à la table où de changer la date de l'été? se rencontrent les représentants des trois syn- dicats d'enseignants, les représentants des trois M. LE PRESIDENT: L'honorable député de fédérations de commissions scolaires et le délé- Baldwin. gué du gouvernement du Québec, Phonorable Marcel Masse. La deuxième précision, c'est Grèves tournantes des enseignants que, justement, tout ce qui concerne les négo- ciations est l'affaire du gouvernement. Cepen- M. SEGUIN: M. le Président, j'avais une dant, M. Masse est le délégué spécial du gou- question pour le ministre de l'Education, qui vernement pour ce domaine. C'est sa responsa- vient de s'absenter. Je me demande si on ne bilité. Nous travaillons en collaboration dans pourrait pas le faire revenir à la Chambre. ce domaine. Est-ce qu'il est en arrière? M. LAPORTE: On se le demande. UNE VOIX: Une motion de retour. M. CARDINAL: La troisième... M. SEGUIN: Non, mais je peux poser la ques- tion. J'aime mieux la poser directement. Je M. LE PRESIDENT: A l'ordre! pense qu'il pourrait me répondre immédiate- ment. M. CARDINAL: Si on peut me laisser ré- pondre, je n'ai pas passé de responsabilité à M. LAPORTE: Voyons donc! d'autres. Le député de Chambly s'est rendu compte que j'ai parlé d'une responsabilité du M. SEGUIN: Je regrette, M. le ministre, de gouvernement. Au contraire, M. Masse, par- vous occasionner cet ennui de revenir en Cham- don, le député de... bre. Dans la matinée, on m'a dit qu'à la suite des grèves tournantes qui auraient été déclen- M. MICHAUD: L'honorable... chées à l'impromptu dans certains milieux — vous avez référé à ces grèves tournantes il y M. CARDINAL: ... le ministre d'Etat délé- a quelques instants et je voulais poser ma ques- gué à la Fonction publique et le ministre de tion à ce moment-là, mais il ne m'a pas été l'Education coopèrent pour faire ce travail. possible de le faire. — Quatorze enseignants, Quant au renseignement qui m'est fourni, il d'une commission scolaire assez importante de n'est pas suffisamment détaillé pour que je la région de Montréal n'ont pas voulu observer puisse connaître la situation. Si le député de cette demande, préférant, au niveau élémentaire, Baldwin a des faits précis, avec détails et preu- s'en tenir à leur devoir de voir au bien-être ves à l'appui, nous serons heureux de prendre des enfants dont ils ou elles étaient responsa- nos responsabilités dans ce domaine. bles. Voici la question que je pose plus directe- ment au ministre: Dans des cas semblables où M. SEGUIN: Je vois que je suis en face d'une des enseignants ont préféré demeurer à leur situation où, comme on le dit en anglais, on poste, à l'heure du midi, lorsqu'on déclenchait « pass the buck ». Alors, je pose ma question des grèves à l'improviste, est-ce que le minis- au ministre responsable et je lui demande si, tre ou le ministère a l'intention de voir à ce que dans les négociations présentement en cours, 253 on verra à protéger certains enseignants qui M. SEGUIN: Question subsidiaire en ce cas- ont bien voulu remplir leur devoir, mais qui là. Le ministre reconnaît-il un droit aux en- présentement seraient menacés, même si ces fants, même au niveau des négociations en cours, grèves tournantes sont suspendues. Je retour- au sujet du règlement du problème qui existe ne en arrière, au moment où ces grèves étaient entre les enseignants et le gouvernement? d'actualité. M. MASSE: Je ne peux pas interpréter les M. MASSE: La législation des relations lois que les députés ont votées. ouvrières au Québec prévoit et accorde aux en- seignants le droit de grève à certaines con- M. LE PRESIDENT: Je me levais précisé- ditions. De prime abord, il n'est pas de la ment au moment où l'honorable député de Bald- responsabilité du gouvernement de voir, dans win terminait sa question pour lui dire qu'on ne les cadre de la législation ouvrière au Québec, peut pas demander au ministre une opinion lé- à la pratique de la démocratie à l'intérieur des gale. syndicats. J'ai toujours considéré que les en- L'honorable député de Gouin. seignants connaissent très bien les droits et les devoirs qu'ils ont à l'intérieur des relations Le président de Radio-Québec de travail au Québec. Si des droits fondamentaux des citoyens sont violés à l'occasion de l'ap- M. MICHAUD: Le premier ministre peut-il plication de ces droits et de ces devoirs dans confirmer ou infirmer la nouvelle publiée ce ma- le domaine des relations de travail, il est évi- tin dans un quotidien montréalais à l'effet que dent que le gouvernement devra voir à protéger le président de Radio-Québec songeait à démis- ces droits fondamentaux des citoyens. sionner de son poste? Je ne crois pas que, pour l'instant, à moins que le Parlement se prononce en faveur de M. BERTRAND: Je pourrais répondre que changements ou d'amendements aux relations ce n'est pas une affaire urgente, mais je dirai de travail, aux lois qui régissent le secteur tout simplement ceci: Le président de Radio- du travail, je ne crois pas qu'il soit de la res- Québec, M. Guérin, a exprimé à quelques re- ponsabilité du gouvernement de faire ingérence prises son intention de reprendre l'exercice de à ce point à l'intérieur des syndicats pour con- ses fonctions judiciaires. Je dois le rencontrer trôler l'application de la législation dans le sec- à ce sujet. teur du travail. Considérons de prime abord que les enseignants sont suffisamment bien in- M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétai- formés et qu'ils ont suffisamment le sens de la re de la province. démocratie et de leur devoir pour faire en sor- te de ne pas brimer les droits individuels de M. PAUL: En me référant au feuilleton du leurs concitoyens en vue d'avantages collectifs. 18 décembre, je voudrais, avec votre permis- sion et le consentement unanime de la Cham- M. SEGUIN: Je remercie le ministre mais bre, appeler l'article 22 : question de M. Bris- je reconnais quand même... son, réponse de M. Dozois. DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre! Prévisions budgétaires M. SEGUIN: M. le Président, un instant... M. DOZOIS: Lu et répondu, M. le Président. Avec le consentement de la Chambre, je pro- M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je veux sim- pose que la Chambre, au cours de la présente plement faire une mise au point... A l'ordre! séance, se forme en comité pour prendre en ...qui est la suivante. J'ai permis à l'honora- considération les subsides à accorder à Sa ble député de Baldwin de poser une question Majesté. assez détaillée à l'honorable ministre de l'E- ducation et ensuite à l'honorable ministre délé- M. LE PRESIDENT: La Chambre accorde- gué à la Fonction publique, mais il comprendra t-elle son consentement unanime à la présenta- qu'à ce moment-ci, je ne peux pas permettre tion et à l'adoption de cette motion? un contre-interrogatoire ni un débat. S'il veut La motion est adoptée. poser une question subsidiaire, je l'inviterais à la poser directement sans la faire précéder d'un M. DOZOIS: Avec le consentement de la long préambule. Chambre, je propose que la Chambre, au cours 254 de la présente séance, se forme en comité pour tes à vous infliger — nous ne nous chicanerons prendre en considération les voies et moyens pas pour une minute de plus ou de moins. de payer le subside à accorder à Sa Majesté. M. LE PRESIDENT: Afin d'être assez clair M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle sur la question du temps, je dois dire... adoptée de consentement unanime? Adopté. M. LEVESQUE (Laurier): Vous prenez mon temps. M. DOZOIS: Un message de Son Honneur l'administrateur de la province, signé de sa M. LE PRESIDENT: ... que les deux comp- main. tables et vérificateurs m'indiquent dix-sept mi- nutes. Je tiens toutefois à dire que la politique M. LE PRESIDENT: Message de Son Hon- que j'ai adoptée depuis le début de ce débat est neur l'administrateur de la province, M. André que j'accorde deux ou trois minutes, suivant le Taschereau. cas et suivant les interruptions que le député L'honorable administrateur de la province puisse acquiescer ou non. de Québec transmet à l'Assemblée nationale le budget des dépenses pour l'année financière se Politique d'énergie terminant le 31 mars 1970, conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amé- M. LEVESQUE (Laurier): Que j'avais subies rique du Nord britannique 1867, et recommande d'ailleurs, sauf erreur, vendredi. En tout cas, ce budget à la considération de la Chambre. je disais donc, M. le Président, au moment où il me restait quelque chose entre dix-sept ou André Taschereau, vingt minutes à vous infliger, que, dans ce coin Hôtel du gouvernement, Québec. absolument vital qu'est la vie économique, et surtout dans le secteur des investissements, M. DOZOIS: Je propose que le message de créateurs d'industries et d'emplois modernes, Son Honneur l'administrateur de la province le gouvernement ne fait pas preuve de leader- ainsi que le budget qui l'accompagne soient ré- ship, pour reprendre l'expression clé de la mo- férés au comité des subsides. tion libérale qui est en discussion en ce mo- ment. Dans le cas de la raffinerie Ultra-Mar M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle Golden Eagle, non seulement il ne fait pas preu- adoptée de consentement unanime? ve de leadership, mais il vient plutôt, encore une Adopté. fois, de trahir, je crois, une passivité et un man- que d'initiative qui rejoignent un conservatisme M. BERTRAND: Numéro 1. terriblement attardé. On avait laborieusement mis au point depuis Débat sur l'adresse trois ou quatre ans — j'en ai vu les débuts — les éléments d'une politique de l'énergie qui, en Amendement de M. Laporte se servant d'une partie de notre marché de con- sommation de combustible, qui est l'un des plus M. LE PRESIDENT: L'honorable premier vastes au monde, per capita, à cause de notre ministre propose la reprise du débat sur l'a- climat, de nos distances, etc., et qui, en re- mendement de l'honorable député de Chambly à groupant d'importants milieux coopératifs, quel- la motion de l'honorable député de Frontenac ques indépendants et un partnership français, proposant une adresse en réponse au discours n'aurait demandé justement, en plus, qu'un mi- inaugural, lequel amendement se lit comme nimum de leadership de la part du gouvernement suit... Suis-je dispensé? pour permettre de réaliser dans la région de Québec une raffinerie qui eut été foncièrement M. LAPORTE: Oui, M. le Président. québécoise. Cela aurait été, autrement dit, une entreprise qui nous permettrait maintenant de M. LE PRESIDENT: L'honorable député de pénétrer un peu sérieusement dans ce vaste sec- Laurier. teur de l'énergie pétrolière et de cesser d'être exclusivement des gens qui regardent passer les M. René Lévesque trains chez eux. Or, au lieu de cela, on a laissé passer l'oc- M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, casion. On a envoyé aux oubliettes le travail de je disais donc au moment où, sauf erreur, il me trois ou quatre ans, en risquant de démoraliser restait vendredi dernier une vingtaine de minu- les auteurs qui travaillent pour l'administra- 255

tion publique. On s'est servi des incitations et tre les mains de groupes de plus en plus gros, des subventions qui étaient disponibles, de toute de moins en moins nombreux et de plus en plus façon, pour aller mendier à une entreprise bri- exposés à se vendre au plus offrant — de nos tannique de deuxième ou de troisième ordre son journaux et de nos périodiques, de nos canaux installation confortable et définitive sur les mar- de télévision et de nos fréquences radiophoni- chés québécois. ques, la direction collective que nous prenons, qui s'accélère et que personne, à commencer M. BERTRAND: Le député de Montréal-Lau- par l'Etat québécois, ne tente sérieusement rier me permettrait-il juste une question? d'enrayer, est celle d'une dégringolade angois- sante. M. LEVESOUE (Laurier): A une condition, M. le premier ministre, c'est que les compta- Politique de langue bles du président... M. LEVESQUE (Laurier): Je noterai sim- M. BERTRAND: Est-ce que je dois compren- plement que le véhicule essentiel de cette cul- dre que le député de Montréal-Laurier s'oppose ture — dont les instruments vont en s'émiet- ou s'opposerait à l'établissement d'une raffine- tant dans l'incurie et dans les déclarations d'im- rie de pétrole Ultra-Mar, cette compagnie qu'il puissance — par conséquent, le trait le plus appelle de deuxième ou troisième ordre, à Saint- distinctif du peuple que nous sommes, c'est-à- Romuald? dire sa langue, est dans un état d'urgence — je cite, entre autres, le ministre des Affaires M. LEVESOUE (Laurier): Je viens de dire au culturelles — dont on parle éloquemment de- premier ministre — il y avait peut-être un peu puis quelques années. Sauf quelques projets trop de brouhaha pour qu'il comprenne — qu'en velléitaires, tronqués et mêmes caricaturaux, vidant littéralement de sa substance et en en- on n'a rien fait. On a parlé d'une langue na- voyant aux oubliettes les éléments d'une politi- tionale dans un certain programme politique. que de l'énergie qui aurait permis d'établir une Il y a des gens, chez nous, qui ont du prendre raffinerie équivalente dans la même région, avec ça au sérieux. Agissant, pour la première fois participation québécoise, on enlève encore une dans notre histoire, comme un majorité qui se fois une occasion de reprise minimum du con- pencherait sur elle et risquant, par conséquent, trôle de croissance économique de pénétration de commettre le genre d'excès auxquels s'expo- dans notre vie économique, au lieu d'être éter- se une poussée majoritaire longtemps frustrée nellement des consommateurs. Au lieu de cela, et privée de leadership, ils se sont mis, à laissant de côté les éléments d'une politique qui Saint-Léonard et ailleurs, à vouloir faire passer a été préparée depuis trois ou quatre ans par cette expression triomphale de la langue na- des gens qui travaillent d'arrache-pied pour le tionale dans la réalité québécoise. gouvernement, on est allé mendier, clé en porte, Ni du gouvernement, ni de l'Opposition offi- une raffinerie d'une entreprise britannique de cielle, sur ce point, aucun leadership ferme et troisième ordre, avec des incitations et des sub- rationnel, capable de concilier ce besoin d'une ventions qui auraient existé de toute façon, si langue nationale qui sera enfin chez elle au on avait réalisé ce qui était le projet sur lequel Québec avec le respect des droits acquis des des gens ont travaillé depuis longtemps. minorités, n'est venu, ou ne pointe à l'horizon. Puis-je reprendre mon discours, M. le comp- Si j'ai bien compris les élucubrations du table? Cela, c'était pour répondre au premier gouvernement et les appels presque lamenta- ministre. bles du premier ministre à ce sujet, l'autre Voilà donc un des exemples les plus courants jour, si j'ai bien compris, d'autre part, les du leadership économique dont nous sommes do- porte-parole « séniors » du parti libéral, sans tés en ce moment. compter les résultats de la réunion des jeunes Du côté de tout cet ensemble d'institutions, libéraux, à Montréal, en fin de semaine, j'en d'entreprises et d'activités qui déterminent, déduis que, de part et d'autre, on continue à d'autre part, le plus directement la qualité trembler à l'idée de circonscrire, tout en les culturelle de notre vie nationale, je ne re- respectant, ces droits acquis de la minorité prendrai pas la démonstration qu'a faite, l'au- à ce qu'ils sont. On hésite à ne plus permettre, tre jour, le député de Gouin. Pour l'essentiel, sous le couvert passif du fameux libre choix je me contenterai de l'endosser. De l'affaire des parents, à la minorité anglophone du Qué- du Centre de psychologie et de pédagogie, en bec de continuer à s'annexer, année après an- passant par notre totale inexistence cinémato- née, tous les futurs immigrants, c'est-à-dire graphique, jusqu'à l'aliénation potentielle — en- le facteur le plus déterminant, peut-être, de 256 l'avenir démographique du Québec. tement minimum pour les travailleurs modestes De part et d'autre, c'est le laisser-faire et qui tiennent justement à se hausser au moins l'attentisme des dirigeants, c'est-à-dire, en pé- un peu au-dessus du niveau de l'assistance. riode de tension grandissante, la plus évidente Mais à moins qu'on ne prétende faire mar- invitation aux gestes et aux réactions passion- cher le navire de toute une société uniquement nelles, à tous les déchirements qui peuvent s'en- avec des moteurs auxiliaires, il y a finalement suivre et qui, dans certains coins, surtout dans un secteur qui recoupe en fait tous ceux que je la région de Montréal, s'ensuivent déjà. viens de mentionner. Un secteur qui domine, ou du moins est censé coiffer vigoureusement Le domaine social l'économique, le culturel et le social et les en- cadrer dans toute société moderne. Ce secteur M. LEVESQUE (Laurier): Enfin, dans le do- c'est celui de la Politique. maine social auquel on n'a pas touché jusqu'ici, Il est curieux qu'on se sente obligé de souli- il faut bien dire rapidement au gouvernement que, gner ce fait, presque d'en faire un rappel dans là aussi, son inaction à peu près totale est non un endroit comme cette Chambre, c'est-à-dire un seulement désastreuse, non seulement une autre endroit où on devrait en être conscient plus que invitation persistante au ressentiment et à la ré- n'importe où ailleurs. Pourtant, il y en a certains volte, qu'on voit d'ailleurs gronder de plus en qui le font sincèrement. Vous avez des hommes plus, mais que cette inaction sociale est littéra- ici, des deux côtés de la Chambre, qui se battent lement inhumaine. les flancs méritoirement en prétendant susci- Il y a, chez nous, par dizaines de milliers, des ter des efforts transcendants, secteur par sec- hommes, des femmes, des enfants ou des vieux teur, pour faire avancer le Québec. Il y en a qui pensionnés qui ne peuvent pas se payer des cho- tiennent à faire marcher uniquement l'économie. Il y en a d'autres qui se préoccupent unique- ses aussi nécessaires que les soins médicaux ou ment du social. Il y en a d'autres qui font des les médicaments hors de prix. Mais, dans la con- discours éloquents axés uniquement sur les pro- fusion inextricable ou nos deux niveaux de gou- blèmes culturels. Us veulent faire partir toutes vernement se sont plongés et continuent à patau- sortes de moteurs auxiliaires dans tous les coins ger, les Québécois paient désormais $110 mil- de la société parce qu'ils sentent bien que ça lions de plus par année de soi-disant progrès so- ralentit, mais ils refusent de voir. Ou alors, sur- cial, sans avancer d'un pouce vers le régime ci- veillés par les dirigeants des partis tradition- vilisé d'assurance-santé qu'ils attendent depuis nels, ils n'osent pas voir publiquement qu'en des années. fait, si le navire québécois est ralenti, en danger Par ailleurs, des milliers de familles vivent de s'immobiliser, c'est d'abord et avant tout dans des taudis, des taudis urbains et des taudis parce que sa chambre des machines, son engin ruraux. Ces gens se dégradent au même rythme principal, c'est-à-dire la politique, est en train que les baraques où ils vivotent. Tout ce qu'on de tomber en pièces parce qu'il est encadré dans leur propose, c'est l'inexistence complète de un régime complètement désuet, de plus en plus toute politique de logement familial au Québec, coûteux et, par-dessus le marché, de moins en en y ajoutant récemment le néant pratique de la moins efficace. Au niveau des dirigeants des commission Hellyer à Ottawa. Un zéro fédéral deux côtés de cette Chambre — et ce débat vient additionné avec un zéro provincial. d'en administrer une nouvelle preuve — on cher- Il faut noter aussi que depuis trois ans la che désespérément à éviter la minute de vérité fameuse loi-cadre de l'assistance sociale con- de cette crise du régime politique dans laquelle tinue à traîner dans les comités et dans les nous nous enfonçons sans cesse, d'année en an- vastes zones d'apathie de l'administration pen- née. On ne peut tout de même pas la retarder dant que chez les assistés sociaux l'insuffisance indéfiniment, la minute de vérité. de l'aide reçue, les chinoiseries invraisembla- bles de la législation et des règlements, l'ab- Le député de Chambly a pu dans son discours, sence de toute politique cohérente de réhabili- et à juste titre, je crois, énumérer au moins tation socio-économique et la tolérance dans sept grandes similitudes de position entre le par- tous les coins de la petite fraude lamentable, ti libéral et l'Union Nationale; énumérer, autre- tout conspire pour empirer la situation. Enfin, ment dit, sept grands chapitres fondamentaux de on a aussi ralenti et tronqué la progression cette vaste utopie qu'on appelle le statut parti- prévue du salaire minimum. C'est-à-dire une culier ou encore, comme l'a dit le député de politique qui, tardivement, venait enfin de dé- Chambly, dont on espère voir sortir ce fameux marrer dans le Québec, dont les étapes étaient fédéralisme renouvelé. prévues et qui commençait à contribuer à éta- Le premier ministre, qui tout récemment blir un plancher de décence et de dignité stric- encore participait à une exhibition télévisée, la 257 dernière en date, des doléances ou encore des Chambre — mais il y en a de plus en plus dans remontrances moyenâgeuses du Québec — pour cette Chambre — des Québécois se rendent employer l'expression du professeur Jacques- compte que telle est la réalité. Sans répéter Yvan Morin en fin de semaine — le premier mi- mot à mot — je ne l'ai pas apprise par coeur — nistre n'avait certainement pas à contredire sur la dernière phrase d'un article signé par le dé- ce point le député de Chambly. Il ne l'a pas fait. puté de Verdun en fin de semaine, je dirais que, Il y a un accord des deux côtés au niveau des di- sur ce point comme sur d'autres, on a parfois rigeants. On cherche à renouveler un régime l'impression qu'il y a véritablement un monde du 19e siècle dans lequel on achève d'étouffer. de distance entre les préoccupations qu'impo- sent à cette Chambre les dirigeants des deux Minorités francophones côtés et ce qui se passe en réalité dans notre société. M. LEVESQUE (Laurier): Peut-être le pre- Semaine après semaine, mois après mois, la mier ministre aurait-il pu simplement ramener prise de conscience s'accentue dans le Québec, à des proportions un peu moins miraculeuses mais on s'obstine à se fermer les yeux et à ne ces minorités francophones du reste du Canada, pas la voir. Heureusement, il y a des hommes, dont le député de Chambly gonflait héroïquement dans les deux partis officiels et traditionnels de les effectifs jusqu'à trois millions d'hommes, cette Chambre, qui, de plus en plus nombreux, de femmes et d'enfants. Il faudrait croire que, et tout en respectant encore au moins en façade si elle baisse désastreusement au Québec, la les attitudes prises et l'espèce d'enracinement natalité augmente d'une façon miraculeuse par- dans 1' « establishment » des attitudes, de plus tout ailleurs. Autant que je sache, les chiffres, en plus, je crois, se préparent au moins à se les seuls que l'on connaisse du dernier recen- le dire, sinon publiquement, au moins entre eux. sement fédéral national, si l'on veut, donnaient Même si les dirigeants en place, un peu comme 1,250,000 Canadiens d'origine ethnique françai- font toujours les généraux dans la société mili- se dans le reste du pays, en dehors du Québec. taire, continuent patiemment, avec une espèce Un tiers et plus, 34%, déclaraient eux-mêmes d'obstination qui aurait quelque chose de tou- qu'ils étaient déjà assimilés et qu'ils ne consi- chant, si ce n'était pas si désastreux, à prépa- déraient plus le français comme leur langue rer la dernière guerre. maternelle. Ce qui fait qu'à toutes fins prati- Malgré tout cela, il n'est pas possible de se ques, sans entrer dans le détail, au strict mi- fermer indéfiniment les yeux. Je ne crois pas nimum, cette version numérique des minorités que cela se produise. Seulement, il y a une cho- du député de Chambly se situe à trois millions se qu'on peut craindre à cause du temps qui se en dehors du Québec et multiplie la réalité par perd de cette façon. On peut craindre qu'entre- au moins quatre. temps, pendant que, dans cette Chambre, les De toute façon, si l'on se sent tenu d'exagé- leaders des « establishments » en place que rer à ce point, c'est que l'on sent bien, je crois, sont nos deux vieux partis s'obstinent à retar- que ce vieux chantage de la patrie biculturelle der — très sincèrement, je n'en doute pas, par- et de la vocation conquérante de nos malheureux ce que, quand on est pris dans un « establish- minoritaires en dehors du Québec, ne tient plus ment », on devient sincèrement retardataire, qu'à un fil, le fil que cassera sans doute à tout surtout quand on est dépassé et qu'on ne s'en jamais le résultat du prochain recensement gé- rend pas compte — pendant, dis-je, que les néral, à moins que cela ne se fasse avant. En leaders de 1' « establishment » parlementaire réalité, plus vite, chaque semaine et chaque et politique continuent à retarder et à faire per- mois qui passent, le Québec se rapproche, par- dre le temps dont cette évolution du Québec ne ce qu'il ne peut pas faire autrement, d'une pri- pas se permettre de faire un trop gros gaspilla- se de conscience décisive, de la nécessité de ge, on court des risques terribles. Ce sont des dénouer d'abord la crise politique, la crise de risques dont la description a été faite par d'au- régime et d'institutions politiques qui le mi- tres ici, des risques qu'on nous reproche parfois nent de plus en plus, qui sapent ses énergies, de souligner. Ils crèvent pourtant les yeux. qui l'empêchent d'avoir une volonté collective Le risque que l'on court, c'est que les pres- et toute direction clairement indiquée. sions très visibles, chaque jour plus visibles Il faut que cette crise se dénoue, à notre avis dans notre société, en particulier dans les jeu- à nous — du moins nous le disons clairement — nes générations, deviennent bientôt intolérables, par la prise de conscience de la nécessité du parce qu'il y a, dans tous les secteurs du Qué- « self government » moderne et efficace pour bec, une impatience sans précédent. Si on ne la le Québec, c'est-à-dire la souveraineté. De sent pas, c'est vraiment que l'on refuse d'ouvrir part et d'autre, et non seulement dans cette les yeux, les oreilles et son esprit. Il y a une 258 impatience sans précédent, qui cherche à débou- générale de Financement, l'Hydro-Québec, la cher et qui ne trouve pas à déboucher, certaine- Caisse de dépôt. On sait que ces organismes ment pas dans les directions que lui offrent les sont valables, que ces organismes sont néces- autorités en place. saires. Depuis deux ans et demi, le gouverne- Cette impatience toute neuve, qui est la ment que je représente met l'accent, donne de promesse de plus qu'une renaissance, c'est la vie à ces organismes d'Etat, de façon que nous la première chance véritable que le Québec ait puissions véritablement prendre notre économie de connaître une espèce de véritable jeunesse en main propre. collective. Pour nous, ça pourrait être une sor- De plus vous avez vu, lors de la dernière te de recommencement de notre histoire, mais session, les lois 23 et 24 qui ont été adoptées il y a des gens qui contineunt à s'obstiner, à par cette Chambre et qui favorisent en quelque retarder... sorte l'implantation de nouvelles industries dans des zones défavorisées. Encore là, M. le Pré- M. LE PRESIDENT: A l'ordre! sident, nous adoptons des mesures positives dans le but de créer des emplois. Tout derniè- M. LEVESQUE (Laurier): ... cette évolu- rement, nous avons vu qu'on met davantage l'ac- tion du Québec, en nous confinant dans un ca- cent sur des missions commerciales qui ont pour chot structurel... but de faire connaître le Québec à travers le monde — c'est tout à fait normal, pour un Etat M. LE PRESIDENT: A l'ordre! qui évolue aussi rapidement que le nôtre — et aussi de mettre en évidence les produits, ce que M. LEVESQUE (Laurier): ... du 19e siè- nous savons faire au Québec. cle. Point final. Merci, M. le Président. N'exagérons pas, mais vingt minutes, ce M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque n'est pas long. le règlement. Je sais que le député de Richelieu est un homme fort sympathique. Il est agréable M. LE PRESIDENT: L'honorable député de le voir siéger dans cette Chambre; mais le de Richelieu. premier ministre lui-même s'étant chargé, à deux reprises, pendant l'intervention que j'ai M. Maurice Martel faite sur cette motion, de rappeler qu'il y a eu une première motion de non confiance pro- M. MARTEL: M. le Président, à l'occa- posée par le chef de l'Opposition, qui portait sion de ce premier discours de la présente justement sur lesproblèmes économiques, lors- session, je désire formuler les voeux d'usa- qu'on se met à analyser l'activité du ministère ge. Je tenais à participer à cette motion de de l'Industrie et du Commerce, je crois que non confiance sur le leadership du parti au le député de Richelieu revient malheureusement pouvoir, parce que je considère que, depuis en arrière, et qu'il devrait s'en tenir à la mo- que je siège en cette Chambre, j'ai rarement tion que nous étudions actuellement. vu une motion de non confiance tourner tant au désavantage du parti qui la propose. M. MARTEL: D'accord, M. le Président. M. le Président, vous avez constaté, depuis J'aurais pu parler aussi du Conseil général le début, que le gouvernement du Québec est de l'Industrie et du Commerce, mais je m'ar- conscient de ses responsabilités et qu'il con- rête là. En ce qui a trait aux mesures écono- naît les problèmes actuels du Québec, problè- miques que le gouvernement a appliquées jus- mes inhérents à tout Etat, à tout gouvernement, qu'à maintenant, elles démontrent bien une ac- et qui comprend évidemment, pour le Québec, tion positive, non pas du verbiage, mais des la création d'emplois et aussi la formation de gestes bien concrets, pour assurer cette évo- la main-d'oeuvre. C'est pour cette raison, M. lution que l'on veut pour le Québec. le Président, que, par exemple, lorsqu'on met C'est la même chose dans le domaine de en doute le leadership au niveau du ministère l'éducation. On reconnaît l'importance de met- de l'Industrie et du Commerce, je crois qu'il tre l'accent sur l'éducation. Des sommes d'ar- est insensé de critiquer ce ministère, lorsqu'on gent de plus en plus considérables sont consa- voit des mesures positives comme celles qui crées à assurer une main-d'oeuvre qualifiée. ont été prises depuis quelques mois, depuis Nous avons vu des gestes tangibles, par exem- quelques années. ple, lors de la création des 24 CEGEP, lors de On sait par exemple, l'importance que peu- la création de l'Université du Québec, et aussi vent avoir pour un gouvernement les sociétés lorsqu'on créera, en septembre, la deuxième d'Etat, telles que Sidbec, Soquem, la Société université française à Montréal. 259

Encore là, je pense qu'on n'a pas raison de constitution interne du Québec — à partir de dire, par exemple, qu'au ministère de l'Educa- certaines propositions fondamentales auxquelles tion l'on manque de leadership. Il me semble que puissent adhérer spontanément tous les citoyens ce sont des mesures logiques et modernes qui du Québec et les gouvernements eux-mêmes, il va répondent aux besoins actuels du Québec. On voit de soi. Les constitutions sont faites pour les la même chose dans tous les autres ministères. hommes et non pas les hommes pour les cons- On a vu l'essor que connaît le ministère de titutions. l'Industrie et du Commerce, ministère qui a La constitution du Québec doit tendre à assu- toujours été délaissé dans le passé, de même rer aux citoyens l'égalité, la prospérité, la li- que l'essor que connaît le ministère du Tou- berté, la paix et l'ordre public. Cette constitu- risme, de la Chasse et de la Pêche. C'est un tion doit également tenir compte du facteur dé- secteur qu'on avait négligé; pourtant, c'est un mographique, puisque la nation canadienne- secteur vital que le tourisme pour le Québec. française constitue seulement 30% de la popula- On met l'accent là-dessus. On adopte, par exem- tion du Canada. On doit également tenir compte ple, au ministère de la Santé, les fameuses lois du facteur politique; les Canadiens français ne concernant les hôpitaux, qui sont nécessaires sont en majorité que dans un seul des onze gou- pour assurer l'utilisation rationnelle des som- vernements. L'on doit aussi mentionner le fac- mes importantes qui sont consacrées à cette teur géographique, puisque les six millions de fin. Canadiens d'expression française, évoluent dans une mer de 200 millions d'anglophones. La constitution du Québec Il me semble qu'en se basant sur les prémis- ses suivantes — c'est-à-dire que seul le gouver- M. MARTEL: Aussi, dans le domaine des nement a le pouvoir de convoquer une assemblée affaires municipales, vous avez vu les lois très constituante; que le peuple québécois a le droit récentes, les instruments très valables que le à l'autodétermination, que la nation canadienne- gouvernement du Québec met entre les mains française a le droit de disposer d'elle-même des autorités municipales de façon à assurer et de choisir librement le régime politique sous cette évolution à tous les niveaux au Québec. lequel elle entend vivre — il s'agit, à ce moment- Evidemment, devant cette vague de contestation là, d'un principe et cela n'indique pas néces- que l'on pourrait peut-être définir comme étant sairement un choix. On affirme simplement le une mise en cause de la société, une recherche, droit de choisir. Il y aura lieu de déclarer for- en quelque sorte, de cette liberté individuelle... mellement la primauté de la constitution, loi Dans le domaine de la constitution, qu'est-ce que fondamentale de l'Etat, à mon avis. le gouvernement a fait? Le gouvernement du Il serait également souhaitable d'examiner Québec n'a-t-il pas été le premier à répondre, l'opportunité de remplacer le régime parle- par un geste positif, lors de la dernière confé- mentaire britannique par un type de régime pré- rence, à cette question: « What does sidentiel s'inspirant des meilleurs éléments qui want? » Je veux parler du document de travail régissent actuellement plusieurs de nos démo- qui a été présenté concernant l'avenir constitu- craties occidentales. tionnel du Québec. La constitution actuelle au Canada permet en Il est très important de développer ces mé- principe aux Etats de se donner des institutions canismes dont j'ai parlé tout à l'heure, d'écono- politiques qui correspondent à leurs besoins. Il mie, d'éducation et de prendre d'autres moyens ne s'agit évidemment pas simplement d'avoir des pour assurer cette évolution du Québec. Il est droits dans cette constitution. Il doit également aussi nécessaire de se donner des instruments y avoir des sommes d'argent pour appliquer de travail efficaces au niveau de la constitu- ces mesures qui constituent en quelque sorte tion et au niveau du Parlement. Ils permettront, cette structure que nous voulons établir au Qué- en quelque sorte, à l'Etat québécois de moderni- bec, un système qui est propre, qui colle à la ser ses institutions politiques en établissant, par réalité du Québec. exemple, un type de régime présidentiel. La Nous vivons évidemment dans un monde tech- constitution d'un Etat n'a pas seulement pour nologique qui occupe la première place, où les objet d'en établir les structures politiques et Etats sont de plus en plus responsables du sys- la forme de gouvernement; elle doit aussi avoir tème économique. Il y aurait lieu, à ce moment- une valeur éducative et de civisme pour toute la là, de reviser le partage des pouvoirs législa- population. Qu'elle soit génératrice de compré- tifs, car l'attribution des compétences résiduai- hension et d'amitié ou bien qu'elle favorise une res au gouvernement central serait susceptible, action concertée à la poursuite d'un vouloir- à la longue, d'ouvrir la porte à une centralisa- vivre commun, elle doit être construite — cette tion excessive, à cause des ressources finan- 260 cières importantes dont celui-ci dispose. doit être directement proportionnelle à l'attri- Par contre, en ne les attribuant pas aux Etats, bution des compétences que les Etats détien- l'on peut mieux savoir où commence et où finit nent. la compétence centrale et réduire, par le fait Devant l'évolution historique et les nombreux même, les tensions engendrées pur l'ingérence précédents, dont le plus récent est la suppres- centralisatrice. Je n'insiste pas là-dessus. Nous sion du Conseil législatif, toute cette évolution avons constaté les problèmes, les accrochages nous démontre qu'il ne saurait être question qu'il y a, à chaque rencontre entre le gouver- dans l'avenir de faire revivre certains éléments nement du Québec et le gouvernement central. que l'on pourrait qualifier d'archaïques. Je crois qu'il est temps d'attribuer aux Etats Il en est de même, à mon avis, pour l'institu- des compétences résiduaires qui permettent, tion du lieutenant-gouverneur. En effet, les pou- d'une certaine façon, d'équilibrer les rapports voirs qui lui restent théoriquement, aux fins de de force entre les deux ordres de gouvernement. l'administration interne ou encore au nom d'un En s'assurant ainsi, au point de départ, que autre gouvernement, que ce soit Ottawa ou Lon- toutes les compétences appartiennent auxEtats, dres, sont véritablement devenus désuets. sauf celles qui se rapportent à des éléments Dans cet esprit, et même dans le cadre identifiables comme représentant un intérêt de l'Acte de l'Amérique britannique du Nord, ce commun pour tout le Canada, l'on éviterait que document dépassé que l'on devrait de toute façon l'apparition de conditions nouvelles ne soit, en reviser de fond en comble, il n'en demeure pas quelque sorte, génératrice de conflits pronon- moins que je ne vols rien qui s'oppose à ce que cés pouvant mettre en danger la structure fédé- le peuple du Québec, dans son entité pluraliste, rative du pays. Un exemple frappant de cette puisse se donner à la premiere occasion, au ambiguïté est le système de la sécurité socia- moyen d'un mode approprié, que ce soit un plé- le. Je crois que, dans ce domaine, tout ce qui biscite ou un référendum, une constitution vrai- touche à la sécurité sociale, soit les alloca- ment digne de sa personnalité propre, des ins- tions sociales, les pensions de vieillesse, les titutions qui répondent à ses aspirations légiti- allocations familiales, la santé, les hôpitaux, le mes ainsi que des modalités qui faciliteront la placement et la formation de la main-d'oeuvre tâche de plus en plus lourde et complexe de ses aussi, devraient être attribués exclusivement animateurs. aux Etats. La coexistance de deux gouverne- Je voudrais ici faire appel à. tous les vérita- ments dans ce domaine empêche en effet une bles contestataires du régime sclérosé que nous planification efficace de la sécurité sociale. Elle connaissions lorsque je me suis engagé dans le permet la contradiction entre les divers pro- dialogue public. Je suis persuadé que la grande grammes. Elle mène au double emploi adminis- majorité de la population dont je fais partie sau- tratif et aussi au gaspillage des deniers publics. ra apporter les idées constructives dont nous On sait fort bien que l'ensemble des mesures avons tous besoin et évitera l'anarchie vers la- de sécurité sociale a une relation directe avec quelle un régime incohérent nous engouffrait à la culture d'un peuple et lui permet de s'ex- grands pas à l'époque. primer également collectivement. La nation qué- En conséquence, je suis fier d'appuyer le pre- bécoise ne peut pas être privée de son propre mier gouvernement québécois qui a eu l'audace système de sécurité sociale que de son propre de tenter de répondre à cette fameuse question système de lois ou d'éducation. Pour s'acquit- d'Ottawa: Que veut le Québec? Cependant, je ter de leurs responsabilités constitutionnelles, comprends qu'il existe des problèmes dans le do- les Etats, tout autant que le gouvernement cen- maine de la constitution, et je tiens a ouvrir une tral, devraient avoir accès à toutes les ressour- parenthèse pour féliciter en quelque sorte les ces fiscales. Lorsque je parle des ressources Etats Généraux de leur travail de fin de semaine. fiscales, j'entends les politiques fiscales, mo- C'est un travail très productif à mon sens. nétaires, commerciales qui devraient norma- Cependant, je comprends que les modalités lement se faire par voie de consultation réci- d'une association constituante doivent être inti- proque et de partage constant et systématique mement liées aux destinées de l'Assemblée na- entre les Etats et le gouvernement central. tionale qui représente véritablement le peuple La mise en oeuvre de ces politiques devrait québécois. L'Assemblée nationale peut considé- d'ailleurs se fonder sur une action coordonnée rer la possibilité de compléter, par exemple, le des gouvernements en cause, chacun selon leurs mandat du comité qui s'occupe de ces questions compétences constitutionnelles. Il va de soi, en en faisant une véritable assemblée constituan- — je ne sens pas le besoin d'insister plus lon- te, laquelle sera appelée à recevoir toutes les guement là-dessus — que la répartition fiscale, observations jugées utiles et dans l'esprit d'une dans tout régime de type fédéral qui se tient, véritable démocratie agissante. Cette commis- 261 slon pourrait déléguer des sous-comités res- voir le développement social et économique de treints dans différentes régions du Québec pour notre patrie. permettre à tous les citoyens de participer à C'est pourquoi nous ne devons pas hésiter l'élaboration de notre future constitution. à mon sens, à recourir à toutes les formules Il est bien entendu qu'aucune formule ne doit jugées valables et dont les diverses institu- être rejetée a priori. Lorsque les élus du peu- tions démocratiques dont j'ai fait mention nous ple seront en mesure de dégager, avec les con- permettent d'entrevoir la valeur. Bien que les seillers compétents, un nouveau projet de cons- groupements politiques aient encore, dans notre titution, la solemnité d'un tel moment exigera système, une certaine valeur indéniable et que sans doute que les observations supplémentai- nous devions faire preuve de prudence en re- res que les organismes représentatifs pour- nonçant à cette forme d'expression démocrati- raient juger bon de soumettre soient présentées que, il m'apparaît logique que le contexte actuel à la barre même de l'Assemblée nationale du de diverses factions idéologiques ainsi que la Québec. Il s'agit bien entendu d'une oeuvre qui masse d'informations qui orientent la pensée exclut le respect traditionnel des lignes de par- de nos concitoyens nous obligent à entrevoir tis politiques, et le député croit que tout ce tra- la possibilité d'essayer de nous dégager de plus vail pourrait, à mon sens, être soumis au peuple en plus de cette formule, du moins en ce qui a dans un moment opportun. trait au plus grand nombre de nos préoccupa- Il est clair que les différentes tâches que le tions. chef d'Etat, notre premier ministre, subit pré- Depuis trop longtemps l'activité locale ou sentement, qu'elles soient parlementaires, poli- régionale de cette unité de base que constitue tiques, administratives ou autres, sont beaucoup le député ou délégué du peuple a été négligée. trop lourdes. Si nous continuons ainsi, nous al- C'est ce qui a donné prise, malheureusement, lons épuiser, nous allons tuer nos hommes poli- dans l'esprit d'un grand nombre de gens, à la tiques. C'est là une des raisons pour lesquelles pensée de manoeuvres douteuses que l'on a nous devons changer notre système politique. qualifiées d'ingérence, de patronage ou d'autres Aussi devons-nous songer — et c'est là peut- vocables. être un des éléments essentiels de la refonte à Pourtant, n'est-ce pas le citoyen lui-même, envisager — à libérer quelque peu ce leader de qui, de tout temps, a non seulement demandé notre société de certaines de ses attributions. mais exigé de son député qu'il remplisse le rô- Ce faisant, il faut évidemment songer à permet- le de planificateur régional, de conciliateur tre à tous les citoyens de l'Etat d'exprimer le à l'échelle de sa région et, peut-on même di- plus démocratiquement possible leurs vues en ce re, de quasi ombubsman vis-à-vis des tendan- qui a trait à l'homme qui est le véritable maître ces parfois omniprésentes et impersonnelles, de nos destinées. pour ne pas dire despotiques en quelques cas, En même temps, il y a lieu, à mon avis, de d'une administration de plus en plus fonction- pourvoir nos institutions renouvelées d'une équi- narisée? pe dont l'activité collégiale et la loyauté à notre Aussi, comment ne pas concevoir un rôle chef d'Etat accroîtront l'efficacité et le rende- sérieux, et enfin reconnu par des moyens ap- ment de notre appareil administratif. Il est évi- propriés, au député. Précisons, par exemple, dent que les citoyens ne désirent pas limiter le son activité, tant dans le milieu dont il est is- choix des membres de cette équipe à quelque su que dans le cadre du siège central du pou- groupe que ce soit, fût-ce même aux membres de voir de la nation. Dans ce contexte, ne ressen- notre Assemblée. tirions-nous pas à un degré moindre le besoin Le plus important de tout réside dans les at- de nous perdre en de vaines et futiles divisions tributions ainsi que dans l'activité créatrice partisanes. Les idées qui pourraient s'exprimer des représentants des différents secteurs de par exemple, au moyen d'un nombre infini de notre population. Qu'il s'agisse, à ce moment- partis pourraient bien être canalisées par un pe- là, de représentation géographique ou autre, ces tit nombre de groupements politiques. derniers, qui sont vraiment la voix connue de- A la limite, je dois avouer que je ne puis puis toujours sous l'expression populaire vox écarter la possibilité de maintenir de fait un populi, vox Dei, doivent vraiment être investis système bipartite, qui nous a apporté une si de pouvoirs accrus en ce qui a trait à tout le grande stabilité. Le problème, à mon avis, c'est secteur d'activités de la nation, y compris la démocratisation des partis politiques afin que l'élaboration même des règles qui nous régis- les hommes qui y oeuvrent, regroupés autour sent ainsi que la répartition détaillée des de- d'un certain nombre de thèmes dominants ou de niers publics que leurs commettants immédiats moyens, soient quand même ouverts — et ceci veulent bien mettre en commun pour promou- continuellement — aux idées du plus grand nom- 262 bre et plus particulièrement aux idées de la jeu- besoin de rappeler ici tous les problèmes que nesse positive qui constitue, comme je l'ai déjà nous avons avec la cour Supreme du Canada. mentionné, l'un des éléments les plus dynami- Je crois qu'il serait bon de songer à établir, ques de notre société. ici, au Québec, un mécanisme qui réglerait nos L'une des hypothèses que nous pourrions en- problèmes. visager serait la suivante: Le président pour- Pour des raisons que nous connaissons bien rait être libéré de toutes ses obligations par- et qui, à mon avis, n'ont pas bien servi notre lementaires, dans la plus grande mesure pos- démocratie, jusqu'à maintenant, du moins, il ne sible, afin de lui permettre de concentrer son m'apparaft pas approprié de laisser à la dis- énergie sur la haute direction des affaires de crétion seule du pouvoir judiciaire l'interpréta- l'Etat. Le vice-président, de son côté, pourrait tion de notre future constitution. Aussi, je crois être appelé à remplir une grande partie des qu'il serait utile d'envisager la création d'un tri- attributions parlementaires du chef des affai- bunal constitutionnel du Québec, formé de repré- res de l'Etat et, à ce moment-là, il devrait être sentants du pouvoir exécutif, du pouvoir judiciai- secondé adéquatement, il va de soi, par des re, du pouvoir législatif et, si la chose s'avérait leaders compétents des principaux groupements nécessaire, de ceux d'autres organismes jugés auxquels se rallient les représentants du peu- importants et représentatifs de notre population. ple. Loin de moi l'idée de vouloir faire revivre En ce qui a trait au député dans ce système une institution que nous avons contribué à faire — je parle toujours d'un système de type pré- disparaître, c'est-à-dire le Conseil législatif; sidentiel — on pourrait prévoir, pour lui, des toutefois, il n'est pas impossible, à mon avis, organismes à caractère régional où les repré- qu'un conseil national, dont la création dans une sentants du peuple, au sein de l'Assemblée na- certaine mesure pourrait s'inspirer du conseil tionale, seraient appelés à consulter officielle- d'Etat en France, par exemple, puisse s'impo- ment les éléments régionaux de nos institutions ser à nous. Nous éviterions, je crois, la plus publiques en vue d'élaborer des modes d'action grande des difficultés qui se présente tant dans et de se mieux préparer à participer au grand notre régime canadien que dans le régime amé- débat qui se déroule au coeur de l'administra- ricain, c'est-à-dire le recours unique au systè- tion publique. me judiciaire, la fameuse cour Supreme. Aujourd'hui, il faut administrer avec le peu- Enfin, ne serait-il pas plus logique que le ple, avec la population et je crois que ce moyen législateur qui élabore les lois soit appelé en de constituer des noyaux au niveau de chaque partie à soumettre à un conseil national québé- comté est un moyen efficace d'assurer cette cois l'interprétation de ces lois? grande démocratie nécessaire à l'administra- M. le Président, pour les raisons énumérées tion des affaires de l'Etat. au début, je voterai contre la motion de non- En vue de préparer en quelque sorte la ve- confiance envers le leadership de notre parti. nue de ces modifications, nous serait-il possi- ble, par exemple, de songer à poursuivre ces M. LE PRESIDENT; L'honorable député de modifications physiques que nous avons appor- Marguerite-Bourgeoys. tées dans cette Chambre au cours de la présen- te session? En ce qui me concerne, je ne verrais Mme Kirkland-Casgrain aucune objection à ce que cette auguste assem- blée soit appelée à siéger devant vous, M. le Pré- MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Prési- sident, selon la disposition en hémicycle que nous dent, je me permets, en commençant, de vous connaissons tous. Cela, d'ailleurs, ne ferait que présenter mes hommages et mes félicitations consacrer le principe que l'on doit s'adresser à pour la façon dont vous vous acquittez de la vous lorsque l'on prend la parole et contribue- lourde tâche qui vous a été confiée. Il me fait rait, peut-être, à éliminer certaines pertes de plaisir de souligner ici la compétence avec temps dues parfois à des interventions quelque laquelle, M. le Président, vous accomplissez peu partisanes ou à des espiègleries que nos cette tâche si délicate et l'impartialité dont commettants acceptent de moins en moins. vous avez déjà fait preuve lorsque vous avez dirigé nos débats parfois houleux. Tribunal constitutionnel au Québec Je désire également associer à cet homma- ge notre nouveau vice-président qui nous a déjà M. MARTEL: En terminant, il m'apparaît donné des preuves de qualités, qui sûrement approprié d'évoquer les conflits susceptibles de nous le rendront précieux. Mes souhaits de naître de l'application des règles découlant de prompt rétablissement s'adressent aux deux notre loi supreme, la constitution. Je n'ai pas ministres éprouvés par la maladie; le député de 263

Champlain et celui de Trois-Rivières, à qui je trouver un semblant d'ordre, le gouvernement souhaite de revenir dans cette Chambre le plus aura-t-il décidé de lâcher enfin le dernier grand tôt possible. mot « autorité », pour faire pendant au climat Maintenant, il me fait plaisir de revenir à « d'amitié et de confiance » dont on parle dans l'amendement proposé par mon collègue, le dé- le discours inaugural? puté de Chambly. M. le Président, les gouvernements do l'Union Dans le flot de voeux pieux dont nous gratifie Nationale ont jusqu'à présent trouvé trois mots: le gouvernement à l'heure actuelle, deux mots le premier, sous Duplessis, « l'autonomie »; semblent revenir le plus souvent à la surface de le deuxième, sous Johnson, « Québec d'abord », la marmite gouvernementale, cette marmite qui et le troisième, sous le présent gouvernement, contient un ragoût inodore et sans saveur. Ces « l'autorité en dernier ». mots qui semblent revenir le plus souvent sont Où trouvons-nous un exemple d'autorité dans les mots « dialoguons » et « étudions », chose le gouvernement? On n'a jamais assisté à autant assez étrange pour les successeurs spirituels d'indécision, à autant d'incohérence au sein d'un de celui qui, pendant seize ans, avait supprimé gouvernement. Jamais autant de mots n'ont été et le dialogue et l'étude. galvaudés de plus belle façon. Lorsque l'on as- Je pense que le député de Richelieu est trop siste à ce déluge de mots qui vient couvrir jeune pour s'en souvenir, mais c'était vraiment l'inertie de ce gouvernement, on trouve la répon- un régime sclérosé. Il y a cependant deux con- se à cette question chez un personnage de Mo- cepts dont on parle trop peu à l'heure actuelle, lière: Est-ce la chose ou le mot qui vous ef- deux concepts qui, à mon sens, ont été complè- fraie? Pour aux, la chose, c'est-à-dire l'auto- tement oubliés, depuis juin 1966, par le présent rité, n'existe pas. Ils prennent le mot pour la gouvernement. Ce sont les concepts esprit de chose. On pourrait continuer en disant qu'ici, décision et autorité. on prend vraiment la proie pour l'ombre» Le C'est presque aussi gênant de parler d'auto- pire, c'est que, s'ils le savent, ils en semblent rité dans cette Chambre que de parler de corde malgré tout contents. dans la maison d'un pendu. Après trois ans de Revenons à trois domaines dont on entend brassage de mots sans suite, de professions de parler à peu près tous les jours par les porte- foi en l'avenir de la race, après trois ans de parole du gouvernement. Le premier, qui se monologues interminables interrompus seule- prête évidemment le mieux au sport favori de ment par des bills destinés à faire taire l'inter- l'Union Nationale, c'est la culture. Du temps de locuteur qui aurait pu devenir valable; après M. Duplessis, quand il parlait de culture, il par- trois ans de désordre qui, parce que continu, lait de la culture agraire, il parlait de lois sal- serait devenu monotone, s'il n'avait été inter- vatrices, il parlait parfois et généralement de rompu d'explosions do charges de dynamite et lois de façade. de vandalisme; après trois ans d'absence; au Aujourd'hui, M, le Président, le gouverne- moment où l'on fouille les avocats et les juges ment actuel change les noms. Cette auguste as- qui pénètrent dans le palais de justice de Mont- semblée n'est plus l'Assemblée législative et réal et que les cours doivent même ajourner nous ne sommes plus des membres du Parle- leurs séances, de peur qu'une explosion ou quel- ment provincial mais des membres du Parle- que autre acte de vandalisme ne vienne inter- ment québécois. rompre leurs délibérations; au moment où les Je me souviens du temps où, pour M, Du- représentants du peuple sont également fouillés plessis, nous avions atteint le summum de la lorsqu'ils entrent au Parlement; au moment où culture, puisque nous étions devenus des Fran- ils siègent, pour ainsi dire, entourés d'un cordon çais améliorés. Il faut dire, dans ce domaine, de policiers; au moment où le conseil des mi- que le présent gouvernement de l'Union Natio- nistres lui-même — il n'y a pas tellement long- nale est loin d'être d'accord, si l'on en juge temps de cela — s'est vu forcé d'interrompre par la vigueur avec laquelle les gagnants des ce qu'il est convenu d'appeler, dans ce gouver- Paris-voyages vont plonger aux sources. Dans nement, ses délibérations — j'appellerais cela le temps de M, Duplessis, M. le Président, on plutôt des concours de voyages organisés, puis- construisait des ponts et on faisait des béné- que les nouvelles les plus importantes qu'il nous dictions. Aujourd'hui, on ne construit pas telle- annonce à travers Telbec sont les noms des der- ment de ponts, mais on va chercher des béné- niers gagnants de la loterie Paris-voyages — je dictions à Paris. Eh oui, M. le Président, bien dirais même que les visites au général de Gaul- que la culture puisse être servie à toutes les le constituent le projet Apollo du gouvernement occasions à l'heure actuelle, l'économie agri- de l'Union Nationale — au moment où la provin- cole périclite. Les cultivateurs en particulier, ce tout entière est laissée à elle-même pour crèvent de faim, mais le gouvernement de la 264 province, lui, ce gouvernement, se cultive. néral de Gaulle et pas loin de M. Malraux à Tantôt, c'est le ministre des Affaires culturel- l'Académie française. Je ne vous cache pas, les lui-même qui se délecte dans les néologis- M. le Président, que ce n'est pas sans Intérêt mes — le dernier qu'il a inventé, c'est celui que j'attends le jour où nous verrons notre mi- de politique langagière — . Je suis bien cer- nistre de la Culture lui-même, photographié en taine, M. le Président, que M. Malraux n'a pas uniforme d'académicien, tout chamarré d'or encore entendu l'expression. Sinon, ses Antimé- et l'épée au côté. Quel dommage, M, le Prési- moires auraient sûrement fait état et du mot et dent, que Daumier soit décédé. Je vois tout de du ministre. suite la caricature. Mais je tiens à rassurer tout de suite... La culture, M. le Président, ne nous a pas permis seulement de peinturer la route nationa- M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- le avec de grandes fleurs de lis pour accueillir dent... avec émotion celui qui venait de nous redécou- vrir. C'est au nom de la culture, M, le Prési- MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais je tiens dent, que presque tout le cabinet a pu visiter à rassurer tout de suite le ministre de la Cul- les plus beaux musées d'Europe. En effet, à ture. tour de rôle, plusieurs des ministres de notre gouvernement vont se cultiver à l'Elysée. Il M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- paraît que l'aéroport d'Orly, les cuisines de dent, j'invoque le règlement, simplement pour l'Elysée, les suites royales, les suites impéria- faire observer à madame le député que le mot les même du Crillon, la Place de la Concorde langagière est un mot reçu par l'Académie fran- et l'Arc de Triomphe n'ont plus de secret pour çaise et M. Malraux le connaît certainement eux. Il paraît, M, le Président, que les voyages beaucoup mieux que madame ne le connaît. forment la jeunesse. C'est sans doute cela que le gouvernement veut dire, quand il s'inquiète MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je tiens à ras- de la jeunesse et des désordres auxquels elle surer tout de suite le ministre de la Culture, est mêlée. parce que j'ai l'impression... Mais, M. le Président, je pense que le gou- vernement s'est enfin rendu compte que le peu- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Parlez anglais, ple n'était pas dupe des excuses qu'on trouvait je vais vous comprendre mieux, madame. à ces randonnées européennes et que, même si certains de nos ministres étaient devenus prati- MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... que, s'il quement membres attitrés de ce qu'il est con- continue dans cette voie... venu d'appeler le « jet set », ceux qui paient les voyages culturels, eux, commencent à s'in- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Parlez donc digner. anglais, je vais mieux vous comprendre. C'est alors qu'on a trouvé le mot « intérêt économique » pour donner une certaine autorité M. LE PRESIDENT: A l'ordre! à ces voyages. On nous a dit, le plus sérieuse- ment du monde, que les derniers gagnants du M. LAFRANCE: Vous devriez suivre vos voyage à Paris y étaient allés pour chercher conseils. La politesse demande... de l'industrie. Leurs recherches en France ont été tellement poussées que, quelques semaines M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! après, Golden Eagle de Londres nous annonçait Puis-je signaler aux membres de cette Cham- une raffinerie au Québec Même si nos minis- bre que le statut particulier de l'honorable tres itinérants n'avaient pas eu le temps d'aller député de Marguerite-Bourgeoys, joint aux au- sur les bords du Rhin, l'Allemagne, sans doute tres statuts et à nos règlements, commande entraînée par l'exemple français, nous annon- doublement le respect et le silence? L'honora- çait, elle, l'implantation d'une usine au Québec. ble député de Marguerite-Bourgeoys. C'est à se demander si les voyages les plus utiles de nos ministres ne sont pas ceux qu'ils M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un député ne font pas. comme tout le monde, M. le Président. Un autre mot qui, cependant, a eu un peu moins de succès avec le présent gouvernement, MME KIRKLAND-CASGRAIN: Merci, M. le c'est le mot « loisirs ». Pourtant, ce n'est pas Président. Je tiens à rassurer tout de suite le parce qu'il ne trouve pas son application dans ministre de la Culture que, s'il continue dans les activités du présent gouvernement. En effet, cette voie, il ira bientôt siéger tout près du gé- lorsqu'on parle de loisirs dans le présent gou- 265 vernement, le mot s'applique à peu près à tout partie, il aimait y rester jusqu'à la fin. Le jeu ce qui se passe. Je me demande sérieusement est fini. Le présent gouvernement, s'il n'a pas si l'on ne peut pas même l'appeler « le gouver- trouvé le moyen de passer des paroles auxactes, nement des loisirs ». Tout le monde a des loi- malgré les grands mots qu'il a galvaudés, ne sirs dans ce gouvernement. Comme je l'ai dit mérite plus le mandat populaire qu'il a solli- tout à l'heure, rares sont les ministres qui n'ont cité. pas, dans les six derniers mois, eu l'occasion C'est pourquoi je voterai pour la motion pro- de visiter un ou même deux continents. A un posée par le député de Chambly et appuyée par autre niveau, jamais les professeurs n'ont eu le député de Vaudreuil-Soulanges. autant de loisirs. Quant aux élèves, ils ont eu tellement de loisirs qu'il s'en est même trouvé M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur pour s'en plaindre et pour insister pour que général. le gouvernement prenne enfin ses responsabilités au niveau de l'enseignement. M. Armand Maltais Par ailleurs, même lorsque les professeurs sont prêts à enseigner, on occupe à loisir les M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, je CEGEP et les universités. Mais, il y a pire. tiens d'abord à vous rendre le témoignage que Il y a les travailleurs du Québec pour qui le dans l'exercice de vos importantes fonctions, mot « loisirs » n'est pas une farce et qui, vous vous êtes acquis d'emblée l'estime et le pendant que le gouvernement nous explique que respect de tous les membres de cette Chambre notre économie est florissante et que la fran- et que vous perpétuez avec une distinction parti- cophonie va sauver l'industrie dans la provin- culière une belle tradition d'impartialité, de dis- ce de Québec, qui souffre du taux de chômage cernement et de sérénité qui maintient toujours — on le sait — le plus élevé au Canada. Mais, à la hausse le prestige de la présidence. là encore, le gouvernement croit avoir trouvé Mes hommages vont également au proposeur un mot qui fera tout oublier. Il a inventé le et au secondeur de l'adresse en réponse au dis- haut-commissariat aux loisirs. Sans vouloir cours inaugural, les députés de Frontenac et de choquer personne, il semblerait que, depuis Portneuf. Ils ont apporté aux débats de l'Assem- quelque temps, le plus clair des loisirs du haut- blée nationale, dès le début, un ton, une origina- commissariat aux loisirs a été de répondre aux lité et une dignité qui ont permis d'aborder les critiques de ceux qui trouvent qu'il est temps problèmes de l'heure dans leur plus juste pers- que l'on cesse d'y faire de la petite politique pective. Malheureusement, tous ceux qui ont et qu'on s'occupe des véritables objectifs de ce porté la parole en cette Chambre depuis la re- haut-commissariat. Voilà, le gouvernement qui prise de nos travaux n'ont pas conservé la mê- aurait l'outrecuidance de nous parler aujour- me hauteur de vue. Ce fut le cas de plusieurs d'hui d'ordre, de paix et, par ricochet, d'auto- députés qui siègent de l'autre côté. rité! Quand on va jusqu'à prétendre que les gouver- Ce que je vous ai dit a pu, à certains mo- nants actuels sont responsables de tous les maux ments, paraître amusant, mais ce qui est triste de notre société et que, dans ce contexte politi- dans tout cela, c'est que les exemples que je que, on peut s'attendre à plus de violence et de viens de vous fournir font précisément que plus subversion, on ravale la grande question sociale personne ne prend le gouvernement au sérieux. au bas-fond de l'irrationnel. Ce qui est pire, on C'est un truisme de dire qu'il n'y a pas d'auto- s'égare inconsciemment dans la plus dangereuse rité sans exemple. C'est malheureusement le cas promiscuité avec les tenants de la violence et du présent gouvernement. Ne demandez pas les fauteurs de trouble en leur fournissant des aux professeurs, aux élèves, aux grévistes de propos pour soutenir leurs entreprises insen- prendre au sérieux un gouvernement qui se gar- sées. Bref, on fait preuve d'une totale irrespon- garise de mots depuis qu'il est là! Ce que les sabilité. gens attendaient d'un gouvernement et ce qu'ils Quand la société adulte elle-même n'est pas en attendent encore, c'est qu'il agisse et qu'il encore éduquée à ces nouvelles libertés et res- montre du sérieux dans ce qu'il fait. On ne peut ponsabilités dans un monde où tout est remis en parler d'autorité aux autres quand on est soi- question, quand la société adulte ne sait pas dé- même incapable d'assumer ses propres respon- finir les valeurs sûres, selon le mot employé sabilités. Lincoln avait dit: « You can fool some par le chef de l'Opposition dans son discours en of the people some of the time, but you cannot réponse à l'adresse, il n'est pas étonnant que la fool all the people all the time. » Le chef du jeunesse ne connaisse pas l'art de vivre avec gouvernement disait récemment, lors d'une en- équilibre dans un monde aussi désorienté. Un trevue télévisée, que, quand il commençait une phénomène très important à signaler, c'est que 266 la jeunesse d'aujourd'hui forme en elle-même hommes qui en font partie ont gagné la faveur tout un monde nouveau. Il se trouve qu'elle vient populaire. seulement de prendre conscience collectivement En quelques années, la société a été bouscu- de cette société à part qu'elle est parvenue à lée à une vitesse incroyable; elle a été rudement constituer. Société qui a ses droits, ses commu- ébranlée. Les réformes se sont multipliées nications, ses lieux de rencontre, sa commu- dans tous les milieux; religieux, politique, sco- nauté d'inquiétudes et de pensées. Les sociolo- laire et familial. Un ordre nouveau a pris place, gues ont même vu dans les manifestations d'étu- qui est en train de se consolider et de se stabi- diants à travers le monde des célébrations liser. exaltantes de l'avènement d'une société jeunes- L'équilibre ne peut s'établir que si tous les se. Or, plus encore que la société adulte, la responsables du bouleversement se donnent la jeunesse est à la recherche de son identité et main avec un souci réel d'identifier les nou- de ses objectifs. Laissée à elle-même pour ses velles valeurs qui animent les citoyens et les options sur les valeurs fondamentales, elle est institutions. dans le désarroi. Les réformes précipitées l'ont On a beaucoup parlé de participation. C'est éloignée de ses éducateurs spirituels, affranchie le moment ou jamais pour tous les milieux de l'autorité familiale, dépersonnalisée dans les de participer activement, chacun dans sa sphè- campus scolaires et livrée à elle-même dans re, à l'instauration, au sein de l'ordre nouveau une masse grouillante qui n'obéit à aucune loi qui nous sollicite, d'un climat où l'on retrouvera intérieure. ce qui a toujours fait le bonheur des peuples, soit Ce qui manque à la société moderne, c'est ce le sens des valeurs, la conscience des responsa- qui fait encore le plus défaut à la jeunesse, c'est bilités et le courage de vivre suivant ses meil- une notion claire des valeurs morales et socia- leures convictions. les ainsi que des organismes d'autodiscipline Il est vrai de dire que la démocratie ne souf- qui s'imposent. L'Eglise, en se retirant sur son fre pas la violence, parce que la violence est propre terrain, a laissé un vacuum que l'ancien l'ennemie des libertés fondamentales. Mais où gouvernement n'a pas su combler, créant un commence la violence et où finit la non-violen- abîme autour duquel la jeunesse est entraînée ce quand nous vivons presque constamment en dans un périlleux tourbillon. zone dangereuse faite de licence, de constesta- Heureusement, le ministère de l'Education tion souvent destructrice, de révolte et de défi en est conscient aujourd'hui et l'une des plus à l'autorité? Quand on vit sans cesse sur un clairvoyantes initiatives du leadership des gou- volcan, comment s'étonner ensuite qu'il y ait vernants d'aujourd'hui est sûrement les grands des éruptions de violence? colloques de fondation de l'enseignement des Il faut aller au fond des choses et s'inquié- sciences morales dans nos institutions, collo- ter non seulement des éruptions du volcan, ques qui se sont déroulés ces dernières semai- mais du volcan lui-même, c'est-à-dire de l'état nes. Mais le temps presse et les difficultés de la société dans laquelle nous vivons. Il y a qu'il reste à surmonter sont nombreuses, la no- beaucoup de courants sociaux qui sont presque tion de morale étant elle-même un objet de con- constamment agressifs. Nous entendons pério- testation. Il faut que tous les hommes de bonne diquement des chefs syndicaux, des chefs de fac- volonté, les enseignants, les commissions sco- tions politiques, des éducateurs et nombre d'au- laires, les hommes publics, les hommes d'Egli- tres hommes influents lancer des propos en- se s'en fassent une préoccupation centrale et flammés ou révolutionnaires qui sèment autant s'y consacrent comme à l'oeuvre la plus urgente de dégâts dans la société que peuvent le faire qui les sollicite. les bombes elles-mêmes. Le climat social que nous connaissons à Nous avons même entendu de semblables l'heure actuelle est, comme on l'a dit avant propos de la bouche de policiers. La violence moi, source d'étonnement, d'inquiétude et d'in- verbale est souvent aussi grave dans ses con- sécurité. Lorsque la violence éclate, tout le séquences que tout ce que nous avons pu déplo- monde se trouble. Dans toutes les sphères, on rer à Montréal à la suite des actes de terro- cherche des interprétations, des responsables, risme, inspirés par la plus authentique littéra- des boucs émissaires et des expédients. On ture révolutionnaire, marxiste et maoïste. s'envoie la balle de part et d'autre sans songer Il va falloir que ceux qui s'en rendent res- que c'est aux causes profondes qu'il faut s'atta- ponsables — et ils se connaissent — n'aillent quer. pas crier à l'injustice le jour où le déchaîne- Le gouvernement est conscient du mal dont ment des forces incontrôlables qu'ils provo- souffre la société québécoise; c'est précisé- quent se retournera contre eux. Il sera alors ment par cette qualité de leadership que les trop tard pour se plaindre. 267

C'est l'ensemble de la société qui souffre leurs éléments de la nation: parents, éducateurs, de ce climat social, mais c'est parmi la jeu- clergé, hommes publics et les élites agissantes nesse que les ravages sont les plus néfastes. dans toutes les sphères de la société. Il semble que ce soit une éducation à la vio- Comme nous le voyons, le ministère de la lence elle-même qui sape à la base le respect Justice, gardien de l'ordre public, n'a pas tous de toute autorité et qui fait que l'enseignement les pouvoirs requis pour bien asseoir les fon- des valeurs morales ou religieuses est devenu dements de la paix sociale. C'est l'ensemble de comme un tabou. la société qui les possède. En autant que le mi- Le Devoir du 17 février, faisant état d'un nistère est concerné, il n'épargne aucun effort colloque sur l'enseignement des sciences hu- pour enrayer l'activité criminelle, mais il ne maines et de la religion, rapportait une décla- peut rien faire sur les ferments eux-mêmes de ration du père Roger Nadeau, jésuite: « Au l'agitation désordonnée. niveau secondaire, l'enseignement des scien- Grâce à l'action concertée, alerte et intense ces religieuses se fait dans un climat d'insé- de la Sûreté du Québec, de la Sûreté de Montréal, curité. Apathie, indifférence, inertie, résistan- de la Gendarmerie canadienne, le terrorisme est ce, agressivité, écoeurement, voilà autant de démasqué et les coupables subiront leur châti- mots qui entrent dans une analyse de l'attitude ment comme des criminels de droit commun. Il des étudiants chez les enseignants. L'ensei- n'y a pas de place pour l'anarchie au Québec. gnement traditionnel, même renouvelé, est de- Par ailleurs, une commission, oeuvrant au venu une pierre d'échappement ». sein des trois corps de police et au ministère D'autre part, le journal L'Action du vendre- de la Justice, est en train d'étudier, en vue d'une di 21 février, révélait certains résultats d'une nouvelle législation, les lois et les règlements enquête menée au pavillon Marie-Victorin en actuellement en vigueur au Québec et à Ottawa, 10e et en 11e année, par le journal étudiant. suivant la juridiction, au sujet de la possession, En voici un échantillon. A une question deman- de la fabrication, du transport, de l'emmagasi- dant: « Comment concevez-vous l'orientation nage, de la vente et de l'utilisation des substan- religieuse des jeunes ? » les élèves ont répon- ces explosives. du comma suit: Sécurité des prisons 14 - C'est une évolution. 24 - C'est une décadence. M. MALTAIS (Limoilou): Après avoir répon- 36 - La majorité des jeunes ne possède du, de mon mieux, à la première question posée, aucune conviction sérieuse à ce sujet. dans son discours, par le député de Verdun, mi- 20 - Cela ne nous intéresse pas. nistre de la Justice sous l'ancien gouvernement, qui était la suivante: Pourquoi en sommes-nous Le climat moral est inséparable du climat arrivés à cette détérioration généralisée d'une social. L'ordre repose sur les bonnes moeurs. société autrefois paisible et respectueuse des Quand on voit une large partie de la jeunesse lois? Vous me permettrez, M. le Président, de non seulement se détacher des valeurs mora- traiter maintenant, d'une façon un peu élaborée, les, mais aussi être entraînée jusqu'au mépris de la question de la sécurité dans nos institutions des lois de la morale naturelle, il n'y a pas pénales, et, ce faisant, je répondrai ainsi à une lieu de s'étonner de ses excès. deuxième question du député de Verdun: Pour- C'est à ces causes profondes du malaise que quoi ce triste bilan des évasions sans nombre? les hommes publics doivent s'attaquer réso- Le rapport spécial de la Commission d'en- lument. Il ne sert à rien de combattre les ef- quête sur l'administration de la justice en ma- fets funestes d'un déséquilibre social si, en tière criminelle et pénale, concernant les éva- même temps, tous les efforts ne sont pas dé- sions, mentionnait, dans les premiers mots mê- ployés par toutes les élites en vue d'identifier, me de son introduction, qu'il y avait lieu de de soutenir et de promouvoir les valeurs qui souligner, dès le départ, que le nombre des manquent à notre société pour établir son équi- évasions, qui demeurent certes des événements libre fondamental. regrettables, n'atteint pas, au Québec, un ni- Il nous faudra faire des options, déterminer veau aussi élevé que dans d'autres pays du mon- quelles sont les valeurs que nous entendons de, par exemple l'Angleterre. maintenir. Je tiens d'abord à faire remarquer, pour Il faudra ensuite faire l'unité autour de celles bien situer la question dans ses véritables pers- que nous aurons choisies pour veiller constam- pectives actuelles, que les évasions qui se sont ment à ce qu'elles imprègnent notre société. A produites dans l'une ou l'autre des 34 institu- cette oeuvre, doivent être conviés tous les meil- tions de détention du Québec, durant les demie- 268 res années, n'ont pas atteint la trentaine au cours cès à la prison par les anciens quartiers de la d'une seule année. Ainsi, en 1964, il y en a eu Sûreté du Québec. vingt, en 1965, vingt-sept, en 1966 dix-neuf, A Trois-Rivières, où cinq prévenus ont réus- en 1967 quatorze, en 1968 dix-huit On consta- si I prendre le large, l'attaque massive des tera que c'est en 1965, sous le régime de ceux cinq hommes a pris apparemment les membres qui font aujourd'hui des gorges chaudes sur du personnel complètement par surprise. L'as- quelques évasions récentes, sans doute, qu'el- saut a provoqué des blessures chez trois sur- les ont été les plus nombreuses et les plus veillants. L'enquête entreprise simultanément spectaculaires. Durant la même période de par le service des prisons et la Sûreté du Qué- 1964 à 1968, inclusivement, la population to- bec est présentement en cours. tale de nos prisons, considérée selon le nom- A Rimouski, le personnel a été alerté et il a bre d'entrées, a varié de 29,028 à 32,326. été I la hauteur de sa responsabilité. Des en- Quant au nombre total de prévenus et de déte- treprises criminelles ont été déjouées grâce à nus relevé au début de chaque mois, dans l'en- l'action prompte et avisée des surveillants. Il nous semble des prisons, il se maintient générale- est loisible de croire, selon ce que nous ment autour de 2,000. savons des événements à l'heure actuelle, qu'une C'est donc dire que la proportion des prison- vigilance aussi en éveil exercée à Trois-Riviè- niers qui réussissent, chaque année, à tromper res aurait pu également mettre en échec les la vigilance de leurs gardiens, reste très faible, agissements des cinq prisonniers. et qu'en dépit du fait que le régime de nos ins- On constatera que dans les trois cas il s'agit titutions pénales soit encore bien imparfait, un de sujets qui sont parmi les plus difficiles¸ à niveau de sécurité raisonnable est établi à de- traiter. C'est-à-dlre de sujets qui sont dans la meure. condition particulièrement agitée d'un prévenu Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas sa- qui est, soit dans l'attente d'une décision des tisfaits de cet état de choses. Ni le gouverne- tribunaux, soit sous le coup immédiat d'une sen- ment, ni les officiers supérieurs du ministère tence de plusieurs années de pénitencier. Ces ne sont satisfaits. Le fugitif constitue toujours prisonniers sont tourmentés, anxieux et souvent une menace pour les paisibles citoyens et il mus par des sentiments de révolte. Leur atti- devient, en plus, le symbole d'un certain re- tude est imprévisible. Dans leur entourage, les lâchement dans les rouages administratifs. surveillants doivent être constamment sur leur Mais s'il ne trouve jamais l'impunité, il pro- garde et leur vigilance ne doit pas fléchir un mène dans la société un authentique défi à l'au- moment. torité et il mine la confiance des honnêtes gens On volt qu'un des éléments les plus impondé- dans les institutions qui les régissent. rables de la situation est un élément humain. Cest pourquoi les autorités ne peuvent rester Un moment d'Insouciance, d'irréflexion ou d'I- insensibles, à la suite des évasions qui se pro- nattention et le prisonnier en profite pour dis- duisent dans nos prisons. Récemment, il y en a paraître. Personne — pas même les experts — eu à Saint-Joseph-de-Beauce et à Trois-Riviè- n'est en mesure d'affirmer qu'il est possible res. A Rimouski, deux tentatives ont échoué. de concevoir et de réaliser un mode de déten- Dans les trois cas, une enquête serrée et ri- tion qui soit complètement étanche et qui offre goureuse a été menée, à la fois par le service les garanties les plus absolues contre les ruses, des prisons et la sûreté du Québec. les audaces ou tout simplement les faiblesses A Saint-Joseph-de-Beauce, le déménagement des hommes. récent du poste de la Sûreté du Québec, qui se Cependant, même si l'idéal d'un régime de dé- trouvait dans le palais de justice et qui a quitté tention à sécurité absolue peut paraître inacces- complètement les lieux a créé une situation qui sible, 11 est du devoir des autorités du minis- apparaît parmi les circonstances ayant entouré tère de la Justice de mettre tout en oeuvre la double évasion comme la plus favorable au pour chercher à l'atteindre, de façon à réduire dessein des prévenus et de leurs complices. Les sans cesse le nombre des évasions au plus strict bandits venus de l'extérieur sont passés par les minimum inévitable. Aussi, pour prévenir la anciens bureaux de la Sûreté, connexes au quar- rupture soudaine de l'emprisonnement, devons- tier de détention, pour pénétrer dans la prison nous tenir compte de tous les facteurs qui mo- et libérer leurs comparses. difient le comportement quotidien aussi bien Le ministère de la Justice n'a pas tardé à des surveillants que des prisonniers. La vigi- agir. De concert avec le ministère des Travaux lance peut être prise en défaut par le jeu cons- publics, des mesures ont été prises en vue d'ins- tamment renouvelé des contingences journa- taller une porte de sécurité qui protégera l'ac- lières qui ont leur influence sur le comporte- 269 ment humain, comme la fatigue et la routine. Il aura pour mission d'établir, sous la res- ponsabilité du directeur du services des prisons, M. LAFRANCE: Est-ce que ce comporte- un système de surveillance et de transport ef- ment des prisonniers est nouveau ou si ça exis- ficace pour les détenus et prévenus dans tout le tait dans le temps de Rivard? Québec. Il possédera tous les pouvoirs dévolus aux inspecteurs de prisons. Le mesure a été M. GOSSELIN: Ce n'est pas là un compli- prise conformément à la recommandation vou- ment pour votre collègue. lant que l'inspection et la réévaluation complète de tous les quartiers de détention ou locaux car- M. WAGNER: Ces discours de l'Opposition céraux, ainsi que des véhicules affectés au trans- n'existaient pas à ce moment-là. port des prévenus soient confiés au Service des prisons du Québec. A cette fin, les commissai- M. MALTAIS (Limoilou): Ce sont peut-être res avaient demandé que le service des prisons les constatations qui sont nouvelles. soit chargé de la surveillance et du transport de tous les détenus et prévenus. M. WAGNER: Autres temps, autres propos. Si le ministère de la Justice a attendu Jus- Autres comportements. qu'à cette semaine pour donner suite à cette ex- cellente recommandation de la commission, c'est M. MALTAIS (Limoilou): Dans les petites qu'il se devait d'embrasser, dans un vaste plan prisons situées en dehors des grandes villes, d'ensemble, toute la réforme envisagée par la les responsables de l'administration sont d'avis nouvelle loi sur les établissements de détention que la sécurité n'a pas de pire ennemi que la et d'y intégrer les tâches de conseiller et de routine de tous les Jours, qui finit par émousser coordinateur d'une façon harmonieuse et fonc- les énergies et affaiblir la surveillance. tionnelle. Quant aux prisonniers, un aspect nouveau de Dans le même rapport du 4 septembre 1968, leur comportement semble tenir aux caracté- la commission Prévost demandait que le minis- ristiques du climat social actuel où la contes- tère de la Justice charge le service des prisons tation et même la violence se donnent libre cours. de la surveillance et du transport de tous les En effet, jusqu'à présent rares étaient les sur- détenus et prévenus dans tout le Québec et déga- veillants qui étalent frappés ou blessés au cours ge ainsi la sûreté du Québec de toute responsa- des événements qui marquaient la fuite de pri- bilité administrative en ce qui concerne les pri- sonniers. Le phénomène de la violence est apparu sons communes et les quartiers de détention dont dans les prisons qui ont été le théâtre de récen- elle a le contrôle. tes évasions et les officiers du ministère en ont En accord avec cette proposition, le service pris conscience. des prisons, le 21 octobre 1968, a assumé la sur- C'est à la lumière de toutes ces données ainsi veillance des cellules qui relevaient de la sûreté qu'à celles des constatations recueillies dans nos au palais de Justice du Québec. Le ministère institutions par les membres de la commission s'apprête également à confier au service des d'enquête sur l'administration de la Justice en prisons la surveillance des quartiers cellulaires matière pénale et criminelle qu'un renouveau du palais de justice de Montréal. Le transfert est en train de s'accomplir dans le régime de devrait s'effectuer d'ici quelques mois. Le mo- détention et le traitement des prisonniers. ment a été déterminé en rapport avec l'ouver- Au lieu de corriger les effets d'un système ture du Centre de prévention de Montréal, qui qui mérite une transformation en profondeur, doit se faire incessamment. nous avons résolu de nous attaquer aux causes D'autre part, bien avant la publication du rap- du malaise qui règne dans nos institutions. Une port Prévost, le service des prisons par la créa- bonne partie du plan de travail nous a été four- tion d'un collège des surveillants en octobre nie par le rapport Prévost sur les évasions des 1967, avait déjà jeté les bases d'un organisme frères Robert et Gérard Lelièvre, des détenus destiné à assurer la formation et le perfection- Claude Levasseur, Yves Simard, Gaston Plante nement de son personnel. Au cours de 1968, le et Serge Cofsky survenues en 1968. collège a connu une activité intense, ayant dis- L'une des principales recommandations du pensé son enseignement à 465 employés du ser- rapport est mise en application cette semaine vice des prisons dans la mise en oeuvre d'un avec la création d'un poste de conseiller spécial programme de formation comprenant des cours en matière de sécurité dans les prisons et les de recyclage, des cours de base et des cours lieux de détention. Ce haut fonctionnaire sera d'avancement, ainsi que des cours spéciaux aux chargé d'inspecter et d'évaluer tous les quar- geôliers. tiers de détention et locaux carcéraux du Qué- En ce qui concerne les recommandations du bec. rapport Prévost, qui étaient sujettes à une mise 270 en application immédiate, elles ont été mises en Jamais, à ma connaissance, M. le Président, vigueur avec la plus grande diligence. Mesures une si petite équipe, un si petit service, trois disciplinaires, équipement de détecteur de métal personnes ou à peu près,... portatif pour la fouille électronique des locaux cellulaires, directives spéciales concernant les M. BERTRAND: N'a fait autant de bruit? véhicules utilisés pour le transport des prison- niers, uniformisation des registres relatifs aux M. HOUDE: ... n'aura fait parler autant de visites reçues par les prisonniers, toutes les soi. Je me permettrai de retracer quelques éta- dispositions ont été prises pour la mise en oeuvre pes, pour justement tenter de démontrer qu'il y de ces recommandations. a eu ce manque de leadership et tâcher de conclu- Le régime de détention du Québec, appelé à re quand même sur une note très optimiste. se perfectionner encore en vertu d'une législa- tion qui sera soumise prochainement en cette Les loisirs et les sports Chambre, est donc en voie d'évoluer rapide- ment, suivant les exigences des techniques ad- M. HOUDE: M. le Président, le 5 juin 1966, ministratives les plus modernes et les normes au moment où l'Union Nationale prend le pouvoir de sécurité les plus éprouvées. C'est le fruit nous avions dans la province de Québec un bureau d'un effort de planification concerté, s'inspi- des sports et des loisirs. Il y avait à ce moment- rant à la fois de l'expérience acquise dans l'ad- là une dizaine d'employés à plein temps. Il n'y ministration des prisons et des données de la avait ni tambour ni trompette. Il faisait beaucoup science et de la recherche. Le gouvernement moins parler de lui qu'on n'en entend parler au- précédent n'a pas fait de miracle dans le do- jourd'hui. Il y avait quand même là un bureau des maine de la détention, loin de là. Quant à nous, sports et des loisirs et dix employés, dix fonc- nous n'avons pas cette prétention, non plus, mais tionnaires à plein temps, qui avaient un mandat nous sommes animés par une volonté inébran- bien clair, bien net, bien déterminé et qui fai- lable de soutenir sans relâche, dans le régime saient du travail. Et, à ce moment-là, l'autorité des établissements de détention, une évolution — qui était l'autorité dans la province dans ce qui assure la mise en place d'un puissant appa- domaine? — eh bien, d'après certains textes que reil de sécurité où la compétence, la technolo- nous avons, comme hauts fonctionnaires, il y gie, la science administrative et la coordination avait bien sûr, M. Pierre Leclerc. Comme auto- des tâches ne céderont nullement à l'arbitraire rité, parmi les personnes élues, eh bien, celui et à l'improvisation. qui, à la prise du pouvoir, a semblé prendre le leadership dans ce domaine-là, était le député M. LE PRESIDENT: L'honorable député de de Montcalm, l'honorable Marcel Masse. Et ce Fabre. bureau des sports et des loisirs, dans son pre- mier rapport du ministère de l'Education en M. Gilles Houde 1966-1967, expose très clairement à la page 66, le travail exécuté autour de cette première M. HOUDE: M. le Président, je pense que je partie du mandat de l'Union Nationale. A ce n'aurai pas tellement de mérite, sur cette motion, moment-là, le bureau des sports et des loisirs à parler en particulier, d'un secteur très spéci- avait, comme depuis toujours, donné des sub- fique, celui de la jeunesse, des loisirs et des ventions, avait commencé à réorganiser la sports. Je pense ne pas avoir trop de mérite en Confédération des sports du Québec. Par con- défendant la motion qui est devant nous, à savoir séquent, ce n'est pas une invention de 1969 de le manque de leadership du gouvernement actuel, qui que ce soit. C'était commencé. Il y avait au moins dans ce secteur-là. Le 27 février der- déjà vingt associations et organismes dès 1966- nier, lors de sa première intervention, l'hono- 1967 qui étaient déjà dans la Confédération des rable premier ministre disait à cette Chambre sports du Québec. On avait déjà fait l'unité et que le mot « immobilisme » était trop souvent donné des subventions pour créer, par exemple, utilisé par ses amis d'en face. un secrétariat permanent anglophone et franco- Eh bien, si cela peut faire plaisir au premier phone — c'était la première fois que ça se fai- ministre, je lui dirai que, dans le domaine de la sait — pour réunir des gens qui s'occupent des jeunesse, des sports et des loisirs, ce n'est sû- camps de vacances. rement pas vrai. Je ne partage pas les opinions Toujours est-il que, durant cette première de l'Opposition, au moins dans ce secteur-là. Au époque, il y a eu, par conséquent, un leader qui contraire, dans ce secteur de la jeunesse, des a semblé prendre la chose au sérieux. Je l'ai sports et des loisirs, c'est plutôt de l'agitation mentionné, il s'agissait du député de Montcalm. presque maladive que nous connaissons depuis C'est pourquoi nous retrouvions, nous du monde quelque temps. des sports et des loisirs, avec beaucoup de plai- 271 sir, dans un numéro spécial dans Hebdo-Educa- dans le journal des Débats du 12 avril 1967. tion, le texte résumé d'un discours qui a fait Quelque temps après, soit au mois de mai les manchettes à l'époque, discours prononcé 1967, à peine dix-huit jours après, nous arri- le 17 janvier par M. Marcel Masse, au moment vons à la deuxième étape, étape que l'on pour- où le gouvernement — c'est bien cela — créait rait baptiser peut-être de première étape, avec le fameux comité consultatif des sports et des en sous-titre: Loubier, chasse et pêche. Deux- loisirs. A ce moment-là, le ministre faisait un ième étape, par conséquent, où nous changeons discours assez sensationnel, je dois l'admettre, d'autorité une fois de plus, où nous changeons en rendant officiellement publics les noms des de leaders dans ce domaine de la jeunesse, des membres de ce fameux comité consultatif qui, sports et des loisirs. Un nouveau nom monte en une fois pour toutes, allait tout régler. surface. Il s'agit de M. Laferrière. Je ne con- H y avait là des gens de grande valeur, un nais pas son prénom; je sais que c'est le se- nommé Bélisle, le père Marcel de la Sablon- crétaire de l'honorable ministre du Tourisme, nière, Cari Schwende, Robert Pépin, Mlle Lucie de la Chasse et de la Pêche. M. Laferrière a Samson, et j'en passe, il y en a à peu près une fait son possible; il a fait sa besogne, mais ce dizaine. Dans ce discours, le ministre actuel que je veux dire, c'est que pour le monde de la disait, à un moment donné: « En effet, un comi- jeunesse, des sports et des loisirs, il a fallu té interministériel a été institué en plus — c'est réapprendre une série de nouveaux noms. Nous une affirmation — en vue de coordonner l'action étions habitués depuis quelque temps avec Pierre de différents ministères et d'en arriver à une Leclerc, Marcel Masse, et là, tout d'un coup, politique unifiée en tout ce qui touche le loi- parce que ça s'est fait dans la nuit, nous a-t-on sir ». dit à l'époque... Un peu plus loin, tout en parlant du mandat de ce comité consultatif, le ministre affirmait M. BERTRAND: II est bon de connaître « Pour lancer le type d'action que nous venons tous les Québécois importants. de définir, le gouvernement nommera prochai- nement des conseillers techniques en loisirs M. HOUDE: C'est très bon. Là, nous avons dans les nouveaux bureaux interrégionaux du eu un nouveau tandem. Toutes les demandes, ministère ». Cela, c'était le 17 janvier 1967. tous les problèmes en loisirs, toutes les ré- Le fameux comité consultatif qui a été nommé ponses que les gens recevaient à leurs lettres officiellement à ce moment-là n'a jamais siégé, étaient signées par M. Laferrière. A la nomina- sauf la journée où ses membres ont rencontré tion, lorsqu'on a passé du ministère de l'Edu- le ministre pour recevoir leur nomination offi- cation au ministère du Tourisme, de la Chasse cielle. et de la Pêche, 11 y a eu une déclaration. Dans Le comité interministériel, qui est quelque le journal Le Devoir du 4 mai 1967, on pouvait chose d'acquis dans ce discours du 17 janvier lire ceci: « Le service des loisirs (ministère 1967, n'a jamais existé non plus et n'a jamais de l'Education) s'intègre au ministère du Tou- siégé. Finalement, les spécialistes en loisirs risme, de la Chasse et de la Pêche. En vertu devant être engagés et repartis dans tous les d'un arrêté ministériel adopté lundi, le service bureaux régionaux du ministère de l'Education, des loisirs et des sports a changé de juridic- mol, personnellement, je ne crois pas que ça tion. A l'avenir, il relèvera du ministère du existe. Je n'en ai jamais rencontré un seul de Tourisme, de la Chasse et de la pêche. Comme ma vie. premier geste, le ministre se Le 12 avril, quelque temps après ce dis- propose de former définitivement un comité in- cours du député de Montcalm, à une question terministériel sur les loisirs. » Le 17 janvier posée par mon collègue, le député de Gouin, avant c'était à qui ça? « Il considère que le le premier ministre — M. Bertrand, à l'épo- problème de l'organisation des loisirs devient que, n'était pas premier ministre — répondait: de plus en plus prioritaire à cause de l'explo- « Eh bien, oui, en effet, le grand responsable sion démographique et de la durée de la semai- au Québec de toute la question de la jeunesse, ne du travail qui diminue graduellement. » des sports et des loisirs, c'est bel et bien M. Un an après — imaginez, il vient de repren- Pierre Leclerc en qui nous avons confiance, dre ça — que question est posée, le 29 mars etc. » Mais nous arrivons très rapidement... 1968 au feuilleton, par votre humble serviteur, question qui se lisait comme ceci: « Le minis- M. BERTRAND: Malheureusement, je n'ai tère du Tourisme, de la Chasse et de la Pê- pas suivi. che a-t-il, au cours de l'année 1967, formé un comité pour étudier le problème de l'organisa- M. HOUDE: Vous pourrez consulter, c'est tion des loisirs? »Après un an, du ministère 272 de l'Education au ministère du Tourisme, de à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. Pres- la Chasse et de la Pêche, après une belle dé- que immédiatement, il crée un nouveau poste claration du ministre Loubier, un an après, à — pour moi en tout cas, c'était nouveau — et la question posée arrive la réponse, grande ré- redonne les guides, si vous voulez, à un député ponse sur le travail accompli pendant un an, délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, réponse donnée le 8 mai 1968, un seul mot: aux loisirs et aux sports, dans la personne du « Non. » député de Mégantic. Par conséquent, le ministre admet n'avoir à C'est à n'y rien comprendre. Quatrième éta- peu près rien fait pendant un an, dans ce do- pe, on lui redonne cette fonction, cinquième éta- maine, sauf continuer de donner des subven- pe, le ministre annonce, à peine quelques se- tions à gauche et à droite. Nous arrivons donc maines après, que le haut-commissariat sera au mois d'avril, début mai, à la troisième éta- maintenant dirigé, jusqu'à un certain point, par pe, étape que nous pourrions appeler: étape le député de Mégantic. Là, on a inventé un titre, M. Johnson, Jean-Marie Morin. Nous arrivons député délégué au haut-commissariat. Ce même à l'étape où, pour une troisième fois, nous député délégué annonce dans tous les journaux changeons d'autorité et, comme le disait tan- une mini-opération 55 qui se continuerait à tra- tôt le premier ministre, pour permettre aux vers la province, puisque, lui, il parcourrait le jeunes, pour permettre aux travailleurs en loi- Bas Saint-Laurent, la Cote Nord pour continuer sirs et en sports d'apprendre d'autres noms, ce que le député de Lévis avait fait. eh bien, nous rechangeons, nous reprenons le Je suis rendu je ne sais trop à combien de haut-commissariat qui n'existait pas, c'est-à- noms que les gens des sports, des loisirs et de dire que nous reprenons toute cette question de la jeunesse ont dû apprendre par coeur. C'est la jeunesse, des sports et des loisirs, du tou- presque la confusion générale. risme, de la chasse et de la pêche, pour la Nous arrivons à la sixième étape assez tris- passer au Conseil exécutif et là, nous apprenons te, je dois l'admettre, que f ai baptisée l'étape la nomination du député de Lévis comme minis- du journal Le Soleil et des intrigues. Sixième tre d'Etat. Quelque temps après, c'est l'annon- étape, qui a fait crever un abcès. Je ne vou- ce de la création du haut-commissariat avec drais pas discuter sur les mérites et les non- MM. Bélanger, Duceppe et Chantigny, trois mérites de ces articles. Une chose est certaine. nouveaux noms. C'est que, grâce à certains média d'informa- Jamais l'histoire ne donne, en tout cas, un tions, grâce à certains journalistes, il y a un ab- groupe — comme je le disais tantôt — si petit cès qui s'est crevé. Il y a un abcès qui aura per- et qui ait reçu autant de publicité. On aurait cru mis — je le souhaite — de régler une fois pour véritablement à quelque chose d'extraordinaire. toutes ces problèmes, ces intrigues, s'il y a in- On aurait cru à une nomination, à une création trigues, à l'intérieur du haut-commissariat. Cet fantastique. Comme le disait le journal L'Action, abcès aura probablement permis également au il y a à peine quelques jours, on aurait cru à un monde du sport et des loisirs de se lever et de beau rêve. On s'est réveillé, vous savez ce qui se tenir debout. Il aura probablement permis au est arrivé. gouvernement de réaliser que le monde de la Nous passions, quelque temps après, à une jeunesse, des sports et des loisirs ne pourra quatrième étape. Non seulement le haut-com- pas endurer trop longtemps ce manque de lea- missariat fut créé. Non seulement le monde du dership. sport et des loisirs eut à apprendre de nouveaux Après l'étape du Soleil et des intrigues, nous noms. Il y a à peine quelques mois, pour une passons — je pensais que c'était fini, mais troisième ou une quatrième fois — je ne sais nonl — à une septième étape. C'est l'étape que trop encore — on reprend le haut-commissa- j'ai baptisée l'étape de la grande rumeur, la fin riat, et, une fois de plus, on le redonne au mi- de semaine passée, de la grande rumeur et de nistère du Tourisme, de la Chasse et de la Pê- la mini-révolution du monde du sport, de la jeu- che. C'est la quatrième étape, c'est encore l'é- nesse et des sportifs en général. Nous quittons tape de ce ministère. Encore là, non content de vendredi matin cette Assemblée nationale, après reprendre en main, pour une deuxième fois, les une série d'articles qui durent quinze jours, destinées de la jeunesse, des sports et des loi- après des déclarations et des contre déclara- sirs, presque immédiatement — et j'ignore vrai- tions, après qu'un ministre dit oui et que l'au- ment pourquoi — le ministère du Tourisme, de tre dit non. En arrivant à Montréal, vers l'heu- la Chasse et de la Pêche provoque une cinquième re du souper, nous apprenons dans les journaux étape. que le haut-commissariat venait d'être dissout, Là, ce fut une révélation. Imaginez, le mi- que le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux nistre reprend en main le Haut-Commissariat loisirs et aux sports venait de mourir de sa 273 plus belle mort. C'était le rassemblement gé- se — si on peut appeler ça une conférence de néral du monde de la Jeunesse, des sports et presse — ou déjeuner-causerie, au cercle des des loisirs, à l'hôtel Reine-Elisabeth, pour une journalistes, au cours de laquelle le ministre conférence de presse fracassante. Nous y avons ~ consciencieusement, je pense — a promis entendu Gaston Marcotte, président de la CSQ, un nettoyage en règle, a promis des éclaircis- professeur à l'Université de Montréal, donner sements et a promis de repartir sur le bon pied. tout ce qu'il avait dans le ventre comme accu- Cette confusion qui existe présentement, je sations. Nous avons eu Pierre Meunier, nous pourrais en multiplier les exemples. Je pour- y avons eu des chefs de file d'à peu près tous rais prouver facilement le manque de leadership les mouvements, toutes les associations de Jeu- incroyable depuis deux ans et demi dans tout nesse, de sports et de loisirs accuser le gou- ce secteur de la jeunesse, des sports et des loi- vernement de manque de leadership et de man- sirs. Mais, je sais que, vous comme moi, mes- que de sérieux en abolissant le Haut-Commis- sieurs de cette Chambre, vous lisez les jour- sariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. naux. Je sais, par exemple, qu'encore dans la Au cours de la conférence de presse un seul Presse de samedi il y avait un reportage de de ces porte-parole a réussi, comme il le fait presque une page sur la confusion qui règne ac- souvent, à ménager un peu la chèvre et le chou; tuellement au sein de la Fédération des centres vous l'avez deviné, il s'agissait du bon père culturels. Je sais que, dans le journal, M. Marcel de la Sablonnière. Comtois, son président, n'est pas tendre à l'égard Et nous passons à la huitième étape, toujours du ministre des Affaires culturelles. dans la même fin de semaine, étape que j'appe- Où est la vérité dans tout ça? Où est l'auto- lerai « étape Mario Beaulieu », candidat, parce rité qui viendra, une fois pour toutes, mettre que c'était trois Jours avant l'élection. de l'ordre dans ce qu'on appelle la grande cul- Imaginez quelle chance pour un candidat! Le ture, la culture populaire, les loisirs socio-édu- vendredi, il n'y a plus de haut-commissariat. catifs et tout ça? C'est un peu de la confusion. Le samedi, le lendemain, comme par hasard, le Saviez-vous qu'au moment où je vous parle candidat, trois jours avant son élection, a la chan- il y a un groupe d'environ quatorze Québécois, ce de rejoindre par téléphone monsieur le mi- dont plusieurs hauts fonctionnaires du ministè- nistre du Tourisme, de la Chasse et de la Pê- re de l'Education qui sont partis pour Paris, il che, le premier ministre et le ministre des Fi- y a exactement dix jours, en avion... nances, et c'est lui, le petit chanceux, qui, com- me par hasard, a l'occasion d'annoncer et de M. MICHAUD: Il y avait un problème. rendre public à la population que, non, le haut- commissariat ne disparaîtrait pas et qu'au con- M. HOUDE: ... et qui, actuellement, sont en traire son budget passerait de $1 million à $4 Europe en train d'étudier toute la question du millions ou $5 millions. sport scolaire? Imaginez, cela fait peut-être Imaginez, le candidat, trois jours avant son deux cents fois que des gens vont là-bas pour élection, qui a comme privilège d'annoncer à étudier toute la question du haut-commissariat, la population que le haut-commissariat ne dis- toute la question du secrétariat d'Etat à la jeu- paraîtrait pas. nesse, aux sports et aux loisirs! Nous avons un haut-commissariat qui s'appelle Haut-Com- M. BOUSQUET: Cela lui a porté chance! missariat à la jeunesse, aux sports et aux loisirs. Pendant que tout le monde se chicane, M. HOUDE: Le lundi 3 mars, le matin mê- vous avez un autre groupe, d'un autre ministè- me de l'élection, bien sûr, le journal Montréal- re, qui est présentement en Europe pour étudier Matin se faisait un devoir de publier une page toute la question du sport scolaire. complète avec des photos du candidat qui prou- Savez-vous qu'il y a déjà plusieurs mois le vait son grand intérêt pour la jeunesse, les sports ministre de l'Education recevait des lettres of- et loisirs et annonçait à la population que le ficielles des autorités de l'université de Mont- haut-commissariat ne disparaîtrait pas. A ce réal, de l'école d'éducation physique, demandant moment-là, le ministre des Finances M. Dozois, comment il se faisait, par exemple, qu'à la sui- s'en est mêlé, ainsi que presque tout le monde, te d'un concours pour donner de l'aide à M. pour annoncer que le haut-commissariat ne dis- Raymond Benoît, directeur de l'éducation physi- paraîtrait pas. que au ministère de l'Education, comment il se J'arrive à la neuvième étape — j'espère que faisait, dis-je que les candidats québécois qui cette neuvième étape sera presque la dernière ont passé ce concours ont été refusés et que nous — que nous pouvions baptiser; « Loubier et net- apprenions, quelques semaines après, que qua- toyage ». Ce fut la grande conférence de pres- tre coopérants français, quatre gars dispensés 274 du service militaire, cent fois moins qualifiés M. FRECHETTE (Vice-président): L'hono- que nos Québécois qui ont passé le concours, sont rable ministre des Richesses naturelles. présentement à l'emploi du ministère de l'Edu- cation à $150 par mois? M. Paul Allard Que fait le gouvernement — j'ai posé cette question peut-être une centaine de fois, nous M. ALLARD: M. le Vice-Président, qu'il sommes rendus au 11 mars — pour régler une me soit tout d'abord permis de vous présenter, fois pour toutes le cas des finissants dans nos ainsi qu'au président, mes hommages et res- écoles de loisirs qui, actuellement, ne savent pects, à la suite de votre ascension à ce poste même pas quelle sorte de diplôme ils vont re- si important. cevoir d'ici quinze Jours, trois semaines, qui Je voudrais aussi offrir au premier ministre ne savent même pas où est le marché du tra- mes meilleurs voeux de santé, pour qu'il conti- vail? J'ai posé question par-dessus question. nue à diriger avec autant d'efficacité et de lea- Je pense que s'il y a un secteur où le gou- dership les destinées de la province et du gou- vernement peut faire un acte d'humilité, s'il vernement. y a un secteur où le gouvernement peut admet- En raison du thème nouveau que l'on nous of- tre avoir manqué de leadership et d'autorité, fre, en matière de développement économique, c'est bien le secteur de la jeunesse, des sports touchant plus particulièrement l'exploration et et des loisirs. l'exploitation des gisements miniers, pétroliers, Je termine, en souhaitant que la dixième éta- sous-marins, je voudrais établir ici, de façon pe de mon exposé soit l'étape, une fois pour tou- claire et précise, le leadership du Québec par tes, du premier ministre et de l'ensemble du l'attitude ferme et précise de son premier mi- cabinet. Je souhaite, sincèrement et objective- nistre. ment, que le premier ministre prenne en main, C'est une véritable collection de tollés que une fois pour toutes, cette question-là. Je sou- récolte maintenant le gouvernement fédéral par haite que le premier ministre et le cabinet fas- suite de l'assertion livrée par M. Trudeau à sent oublier ce qui est arrivé. Je souhaite que l'effet que les droits sous-marins, même des le premier ministre, qui a fait ses preuves, qui eaux intérieures, étaient définitivement proprié- a montré sa bonne volonté en plus d'une occa- té du gouvernement central. sion, réalise, admette que, dans ce secteur, ça Depuis plusieurs mois, le Québec a pris la a été la confusion. Je souhaite également — et tête d'un mouvement... ici, je suis très prudent dans ce que j'avance — que le gouvernement ne tienne pas pour acquis M. LESAGE: Depuis plusieurs années. que c'est avec de l'argent qu'on va acheter le monde du sport et des loisirs. Que le gouver- M. ALLARD: Depuis plusieurs mois, parti- nement ne tienne pas pour acquis que c'est en culièrement et de façon plus définitive... donnant $1 million à la CSQ et $250,000 à un autre organisme qu'on va régler une fois pour M. LESAGE: Plus particulièrement lorsque toutes la question des sports, de la jeunesse et j'étais premier ministre. des loisirs dans la province de Québec. Je suis à l'aise, en guise de conclusion — j'ai dit que j'aimerais conclure sur une note opti- M. ALLARD: ... par des actes concrets, miste — beaucoup plus à l'aise que le ministre par des actes signés entre les parties intéres- de l'Education, la semaine passée, lorsqu'il se sées, ce que le gouvernement précédent avait citait, sur un article paru dans le Montréal- négligé de conclure. Matin, pour me citer dans une déclaration fai- te à la dernière séance de la commission de la M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le Jeunesse, des Loisirs et des Sports, le 19 février règlement. Le gouvernement libéral, sous la dernier. Je disais en guise de conclusion: « Au direction de celui qui vous parle, est celui qui nom de tous les responsables des mouvements a établi la position du gouvernement du Québec de jeunesse, des organisations de loisirs et des dans le domaine des droits miniers sous-ma- associations sportives, je demande au gouver- rins et en ce qui concerne en particulier les nement d'éclaircir la situation, d'oublier, s'il droits du Québec dans le golfe Saint-Laurent, le faut, les derniers mois, de prendre des pré- dans la baie d'Hudson et la baie James. C'est le cautions, et de partir, une fois pour toutes, sur gouvernement libéral, avant 1966, qui a établi le bon pied. Des milliers de Québécois atten- les positions du Québec. Ces positions ont été dent beaucoup de ce haut commissariat. Ils ne purement et simplement adoptées parle gouver- méritent pas que nous leur servions un tel mau- nement actuel qui n'a aucun mérite spécial à vais exemple. cet égard. 275

M. ALLARD: M. le Président, quant à éta- Ne trouvez-vous pas étrange, ces interven- blir la valeur des mérites de chacun, je passe, tions répétées du gouvernement fédéral non mais je dis que dans les derniers mois, par seulement dans les principes, mais aussi dans l'entremise de notre ministère, de concert les faits concernant le territoire même des avec celui des Affaires intergouvernementales, provinces ? Après avoir refusé au Québec tout nous avons réussi à concrétiser avec les pro- droit d'utiliser, à toutes fins pratiques, les vinces maritimes une entente claire, nette et ondes pour assurer l'expansion culturelle et définitive sur les limites territoriales de cha- linguistique et l'efficacité accrue de la division cune de ces provinces. de l'enseignement par le truchement de Radio- Il devient évidemment de plus enplus inquié- Québec, voici maintenant qu'Ottawa, en plus tant de constater que chaque mouvement inter- d'accaparer totalement les ondes, désire aussi provincial accompli depuis l'arrivée de l'équipe s'emparer d'une partie de notre territoire na- Trudeau à Ottawa déclenche de la part des au- tional, territoire à peu près inexploré, mais torités fédérales des déclarations formulées dont les possibilités ouvrent des horizons fa- avec une allure innocente et bénigne mais qui, buleux. dans les principes, contrecarrent tous les ef- Comme premier ministre de cette province, forts consentis dans le passé pour redonner l'honorable Jean-Jacques Bertrand a dit I M. aux provinces leur prestige et réduire d'autant Trudeau: Non licet; cela n'est pas permis. la mainmise toute-puissante du gouvernement central. M. LAPORTE: Tiens, il parle en anglais! Ainsi, à la veille du colloque national sur l'eau organisé à Victoria en novembre dernier M. ALLARD: Il entend bien en cela, épau- — en Colombie-Britannique — le premier mi- lé par tous les Québécois sincères et honnêtes, nistre du Canada se permettait-il de statuer empêcher cette escalade du gouvernement fé- unilatéralement — ce qui devient une habitude déral pour assurer et agrandir cette puissance malheureusement pernicieuse et généralisée centralisatrice d'Ottawa. En tant que premier du fédéral — que les droits miniers sous-ma- ministre d'un grand pays. M. Trudeau s'ingé- rins étaient de juridiction fédérale suivant un nie en outre, par ses attitudes, I diviser l'har- simple avis émis par la cour Suprême du Ca- monie, la coopération et l'autodétermination, nada. principes des politiques de base, entérinées par Or, le Québec n'admet pas et n'admettra les provinces lors de la célèbre conférence jamais le principe de se faire dépouiller et ton- interprovinciale tenue à Toronto. A cette confé- dre, fût-ce par le plus haut tribunal du pays. rence le Québec s'avéra le leader des Etats Jamais — c'est clair, il me semble, et c'est provinciaux, tradition continuée depuis par l'ac- catégorique — le Québec ne permettra à Ottawa tuel premier ministre, et cela, face à tout le de créer un deuxième Labrador dans la belle pays, dans des déclarations que tous les Ca- province en voulant maintenant s'emparer des nadiens, d'un océan à l'autre, ont pu compren- richesses sous-marines du golfe Saint-Laurent. dre grâce à la diffusion des délibérations. Nous avons déjà, d'une part, convenu d'une Le premier ministre du Canada propose entente à l'amiable avec les provinces mariti- maintenant, et de façon unilatérale, de tracer mes quant au tracé des lignes frontières défi- des lignes d'administration des ressources nissant les juridictions provinciales sur les minières au large des cotes est et ouest du eaux du golfe. Cette entente cordiale et même Canada et de la baie d'Hudson. M. Trudeau spontanée fut endossée unanimement, sans con- distribue même les cartes touchant ce décou- troverse ni bousculade, lors d'une rencontre page administratif des ressources minérales des ministres des Ressources à Halifax voilà en ce qui concerne le Pacifique, l'Atlantique quelques mois. et le golfe Saint-Laurent, ainsi que les baies D'autre part, lors de la conférence annuelle James et d'Hudson. Partant de cette décision des ministres des Mines des provinces tenue unilatérale, voici que ce premier ministre se au Château Frontenac en septembre dernier, le dit candidement disposé à rechercher, par voie Québec, l'Ontario et le Manitoba se ralliaient de négociation avec les provinces, un moyen de d'un commun accord au principe d'un partage régler ces questions cruciales. équitable, entre elles, des eaux des baies James Je dis, M. le Président, que ce n'est pas per- et d'Hudson, en relation directe avec l'exploita- mis, que ce n'est pas décent, de la part d'un tion des richesses sous-marines, y compris, premier ministre qui veut l'entente au sein des évidemment, les nappes de pétrole et de gaz provinces, dans un Canada, de procéder de cette naturel. manière dictatoriale. Soyez assurés que nous 276 ne lâcherons pas, parce que jamais M.Trudeau, pour réclamer leur quote-part de cette exploi- ou un autre premier ministre fédéral, quel qu'il tation minière ou pétrolière, que ce soit sur les soit, ne fera admettre au Québec qu'une opinion côtes du Pacifique, des baies James et d'Hud- ou un avis de la cour Suprême du Canada, dont son ou sur les cotes du golfe Saint-Laurent et les membres sont exclusivement nommés par de l'Atlantique? le fédéral, puisse modifier nos droits constitu- On soumet humblement une restriction qui tionnels, pas plus, du reste, que le Québec n'a dévoile bien les batteries centralisatrices en reconnu le droit de la cour de Londres de statuer décrétant, unilatéralement toujours, que la cais- sur les frontières fort discutables du Labrador. se mise à la disposition des provinces ne re- Nous rejetons carrément toute ingérence fé- cevrait toutefois pas les revenus provenant de dérale sur le territoire québécois, propriété l'exploitation minière des terres submergées exclusive des contribuables du Québec. Ottawa, des côtes du Yukon, des îles de l'Arctique et assurément, se moque encore de la constitution des Territoires du Nord-Ouest. Non seulement canadienne, en voulant découper à son avantage Ottawa entend-il s'emparer des richesses con- les eaux du golfe Saint-Laurent au détriment tenues dans le sous-sol des provinces, tactique du Québec et des Maritimes, s'attaquant ainsi déjà anticonstitutionnelle, mais encore, il re- aux principes reconnus attribuant pleine et en- fuse systématiquement de partager avec les tière juridiction aux provinces sur toutes leurs provinces les richesses des territoires qu'il eaux intérieures. occupe dans le Grand-Nord. On cherche déli- Ce même principe s'applique également à la bérément à casser les reins des Etats provin- proposition fédérale touchant les eaux de la baie ciaux plus solidaires que jamais face à cette James et de la baie d'Hudson. Ce n'est pas per- nouvelle montée de fièvre dominatrice d'Ottawa. mis, M. le Président, et nous ne lâcherons pas, On va même jusqu'à prétendre que les pro- parce que le premier ministre du Canada veut vinces elles-mêmes devront mettre au point une proposer, de concert avec chacune des provinces, formule de partage de la caisse centrale ou na- une méthode appropriée en vertu de laquelle il tionale mise à leur disposition par le fédéral. serait possible à ces dernières d'administrer Voudrait-on susciter des acrimonies entre les tous les droits miniers sous-marins dans la zone provinces afin de saboter les ententes déjà con- que, lui seul, le fédéral, désigne le long des clues quant aux droits provinciaux souverains, côtes. juridiques et exclusifs relativement à l'exploi- Accepter telle proposition signifierait, pour tation des richesses naturelles qu'on ne s'y le Québec et les provinces, l'abdication pure et prendrait pas autrement. simple d'un droit sacré garanti par la consti- Cela n'est pas permis, surtout au moment tution canadienne. Le premier ministre du Ca- où on refuse carrément tout nouveau partage nada pousse même sa condescendance, ou peut- de revenus fiscaux nationaux avec les provin- être son audace, jusqu'à préciser que le fédéral ces et au moment où les provinces découvrent serait disposé à concéder aux provinces côtières dans leur sous-sol, qu'il soit sous-marin ou tous les revenus provenant des ressources mi- non, des richesses décrites comme fantastiques nières des terres submergées utilisées ou si- concernant surtout le pétrole et le gaz naturel. tuées à l'intérieur des lignes de découpage. Au- Les provinces, déjà asséchées de revenus es- cunement question d'admettre une proposition sentiels à leur plein épanouissement économique aussi astucieuse, aussi insultante, quand, déjà, et culturel, et leurs contribuables se trouvent suivant la constitution canadienne, ces droits actuellement saturés de taxes et d'impôts. On appartiennent en propre aux provinces. comprendra que le Québec n'entend pas concé- M. Trudeau aurait-il l'outrecuidance de croi- der à Ottawa des richesses qui appartiennent re que les provinces accepteront cette proposi- en propre à sa population et qui seront une sour- tion fédérale et qu'elles permettront de parta- ce exceptionnelle de revenus dont nous avons ger & parts égales avec les provinces les reve- besoin. nus provenant de l'administration fédérale, des Une escalade centralisatrice dangereuse se ressources minières et pétrolières submergées, poursuit délibérément en voulant maintenant exploitées au large des côtes canadiennes? s'accaparer des richesses minières ou pétro- Car, dans sa générosité, Ottawa offre bien lières sous-marines de notre littoral, après aux provinces la moitié des revenus accumulés avoir déjà énoncé l'intention farouche de gérer dans une caisse centrale ou nationale et prove- seul le domaine des ondes, même dans le champ nant de l'exploitation de nos richesses provin- de l'éducation, qui est de juridiction exclusive- ciales. Mais alors, de quels droits se prévau- ment provinciale, et après avoir même recher- draient 1'Alberta et la Saskatchewan, provinces ché, par le ministère fédéral de l'Energie, des qui ne connaissent aucun littoral sur les mers, Mines et des Ressources, à s'emparer de cette 277 autre richesse naturelle monnayable, aux ave- il est faux de prétendre qu'il est le Canada. Le nues illimitées, que constituent nos cours d'eau. fait que les richesses du plateau continental Cela n'est pas permis. appartiennent au Canada ne signifie aucunement Le pouvoir central oublie, dans ses nouvelles qu'elles relèvent du gouvernement central, à propositions, l'autodétermination du Québec à l'exclusion des provinces. assumer totalement et pleinement ses responsa- Que l'on n'oublie pas que les richesses na- bilités dans l'exploitation globale de toutes ses turelles exploitées par les provinces sont des ressources naturelles. Du reste, nous sommes richesses canadiennes et que toute production déjà fermement rassurés dans cette politique émanant d'une province rejaillit sur l'écono- autonomiste par les prises de position opiniâ- mie nationale. Cette proposition unilatérale trement défendues par le premier ministre. d'allouer l'exploitation des gisements miniers Cette correspondance déposée ces jours-ci en ou pétroliers sous-marins à l'unique pouvoir Chambre démontre de façon claire, nette et central constitue une véritable fugue sépara- précise l'attitude du gouvernement, la position tiste d'un genre astucieux dont les conséquen- que défendra, comme il l'a si bien défendue, le ces visent à diviser les provinces pour mieux premier ministre lors de discussions à venir. régner, suivant le vieil adage, et à affaiblir Ces intrusions malvenues du fédéral dans les automatiquement la résistance du Québec de- champs de juridiction provinciale touchant l'é- vant cette nouvelle escalade centralisatrice ducation par les ondes, l'assainissement de nos fédérale beaucoup trop fulgurante. cours d'eau ou le marché monnayable de l'eau, Je crois qu'à cause du leadership du Qué- et enfin l'exploration et l'exploitation des riches- bec, de l'attitude claire, nette, définitive du ses minières et pétrolières sous-marines, nous premier ministre de cette province, Ottawa invitent de nouveau à réclamer avec fermeté la devra tenir compte de nos aspirations légiti- rédaction d'une nouvelle constitution canadienne mes et réaliser qu'il doit respecter les droits où l'on tranchera, nous l'espérons, d'une façon qui nous sont sacrés et qui nous sont chers définitive, équitable et logique, les litiges en pour la survie de notre province. cours qui vont s'aggravant, pour aboutir, comme il se doit, à la signature d'un document consti- M. LOUBIER: Très bien. tutionnel reconnaissant clairement, noir sur blanc, les droits positifs du gouvernement fédé- M. LESAGE: M. le Président, je n'interviens ral, comme les droits exclusifs des gouverne- pas dans le débat. J'ai attendu que le ministre ments provinciaux. termine ses remarques pour lui poser une ques- Sans un tel consensus général à travers le tion. A-t-il pris connaissance du volumineux Canada pour définir, cadrer et délimiter les dossier qui est entre les mains du sous-minis- juridictions propres aux pouvoirs central et tre des Affaires intergouvernementales et qui provinciaux, les mésententes intergouvernemen- contient toute la correspondance échangée par tales iront en s'accentuant avec le risque tra- celui qui vous parle avec le premier ministre du gique d'aboutir à une dernière et fatale confron- Canada et les premiers ministres des autres tation qui précipiterait une brisure définitive provinces, ainsi que le rapport des travaux qui que nous tentons par tous les moyens de colma- ont été effectués avant juin 1966? Justement sur ter, comptant sur la coopération intelligente de le sujet dont il vient de traiter? A-t-il pris con- toutes les provinces. naissance, en particulier, au journal des Débats, Avec une patience qui défie toute concurren- d'une déclaration absolument catégorique, peut- ce, le Québec demeure ouvert aux négociations, être plus catégorique que celle qu'il vient de mais les Québécois n'entendent pas débattre faire concernant ce sujet, déclaration faite le 22 constamment des propositions qui continuent juin 1965 en Chambre? C'est au journal des Dé- de gruger effrontément ses droits juridiques bats. et constitutionnels. Du reste, les autres provinces réagissent M. ALLARD: Si le chef de l'Opposition ne également avec vigueur. Mais, ce qui apparaît m'avait pas interrompu tout à l'heure, j'avais encore plus grave, c'est que le fédéral, suivant une belle phrase pour lui rendre hommage, sa conception, désire déplacer les provinces, mais il me l'a coupée au moment où... il me semble, pour devenir le Canada tout seul. Selon la constitution, le Canada, c'est l'ensem- M. LESAGE: Il était loin, l'hommage. ble des provinces et non pas uniquement le pou- L'Union Nationale voulait, comme d'habitude, voir central. s'attribuer tout le mérite. Le gouvernement fédéral parle au nom du Canada dans les relations internationales, mais M. LOUBIER: Non, non. 278

M. GOLDBLOOM: M. le Président. Reprise de la séance à 20 h 18

M. LOUBIER: Qu'Ottawa se le tienne pour dit. M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de D'Arcy-McGee. M. LESAGE: Elle n'en a aucun, dans ce cas- ci. M. Victor C. Goldbloom

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. GOLDBLOOM: M. le Président, je com- mence par vous offrir mes plus sincères hom- M. LAPORTE: Le meilleur commentaire, mages. Je m'excuse si je ne le fais pas d'une c'est celui-là. façon plus élaborée; c'est que je suis mainte- nant limité à une demi-heure seulement. Je me M. LE PRESIDENT: Le député de d'Arcy- permets un commentaire purement personnel; McGee a sans doute une motion à nous présen- Je trouve qu'une demi-heure, c'est une période ter. très courte pour traiter d'un sujet assez im- portant. M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'ai l'hon- Il y a quelques jours, un monsieur est venu neur de proposer la suspension du débat. à mon bureau; c'était le père d'une petite fille que j'ai dû soigner pendant trois périodes d'hos- M. LOUBIER: A huit heures quinze. pitalisation. Chaque fois, c'était une entrée d'ur- gence et, chaque fois, le père de l'enfant m'a M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne dit: Quand l'enfant sortira de l'hôpital, je vous jusqu'à huit heures quinze. apporterai les formules d'assurance pour que vous les remplissiez. En effet, Il me les a apportées et je les ai remplies. Mais, il y a quelques jours, il est ve- nu me voir pour me dire: Je regrette, je me suis trompé. Mon assurance n'était pas en vi- gueur pendant la période que l'enfant était à l'hôpital. Je croyais qu'elle était en vigueur, mais je me suis trompé. Je n'étais pas congé- dié, mais J'étais, comme on dit en français vul- gaire, « slacké ». Pendant qu'il était « slaké », il aurait dû pour maintenir la protection de son assurance — et ceci, pendant une période où il n'était pas rémunéré — payer non seulement sa propre contribution, mais celle de la compagnie aussi. S'il y a un exemple plus frappant du besoin ur- gent d'un système public d'assurance- maladie, je n'en connais pas.

Assurance- maladie

M. GOLDBLOOM: J'ai devant moi des chif- fres qui donnent le pourcentage de la population assurée dans tout le Canada. En 1955, le Québec occupait le troisième rang. En 1964, le Québec avait glissé au sixième rang. En 1967, il était au septième rang, sur un pied d'égalité avec la Nouvelle-Ecosse. M. le Président, je vous fais remarquer qu'en 1967, le Québec comptait 2,200,000 per- sonnes non assurées, c'est-à-dire les 2/3 de toutes les personnes non assurées au Canada. Avec l'entrée du Nouveau-Brunswick et du Ma- nitoba et peut-être éventuellement de l'Ontario au régime fédéral, le Québec aura la distinction 279

douteuse de compter plus des 3/4 de toutes les l'arrivée de l'université de Sherbrooke sur la personnes non assurées du Canada. scène de la formation des médecins et une aug- Prenant la proportion des personnes qui mentation sensible de la proportion — et j'en pourraient être assurées par des régimes pri- suis heureux — des étudiants québécois admis à vés, nous trouvons qu'au Québec, seulement la faculté de médecine de l'université McGill, 43% de ceux qui pourraient s'assurer par ces nous sommes à peu près stationnaires. En 1967 régimes ont profité d'une telle assurance. Nous sur 1,303 demandes d'admission faites par des occupons l'avant-dernier rang dans ce sens. étudiants du Québec à nos facultés de médeci- Parmi les polices d'assurance qui existent ne, c'est-à-dire à toutes les facultés de méde- au Québec, il y en a qui offrent une protection cine du Canada, 366 ont été faites à des univer- complète et il y en a qui n'offrent qu'une pro- sités en dehors de la province de Québec. tection partielle. Le Québec est la seule des En ce qui concerne les médecins, les chiffres dix provinces du Canada où le pourcentage de du rapport médecins-population ne traduisent ceux qui ne jouissent que d'une protection li- pas la disponibilité des praticiens face aux de- mitée est plus élevé que le pourcentage de ceux mandes et besoins du public. Une proportion de qui jouissent d'une protection complète. plus en plus élevée des diplômés médicaux d'au- Or, nous avons devant nous un gouvernement jourd'hui exercent à temps complet dans nos qui a exprimé son leadership en parlant du ré- hôpitaux, dans nos universités et dans l'admi- gime d'assurance-maladie qu'il devait apporter nistration. Ils se spécialisent et se surspéciali- par étapes. Mais, de ces étapes, pas une seule sent. Ils s'éloignent de la pratique ordinaire de n'a été franchie depuis son arrivée au pouvoir. la médecine. Ceci pendant une période où l'indice du coût Non seulement l'omnipraticien ou médecin de la vie est en train de grimper. La moyenne de famille est-il en train de disparaître, mais de l'augmentation pour la période de 1957 à 1967, également le pédiatre-praticien, l'interniste- est de 2%. Mais, à l'intérieur de cet indice, les praticien et même le chirurgien-praticien. services de santé sont 3 3.1%. Dans la seule H faut, M. le Président, repenser notre sys- année de 1967, l'indice du coût de la vie a aug- tème de distribution de soins médicaux. Ici aus- menté de 4.5%, les services de santé de 5.6%. si, le leadership du gouvernement ne se fait pas Nous attendons toujours l'assistance-médica- sentir. Il faut repenser le rôle de chaque mem- ments. Je vous donne l'exemple de la Grande- bre médical ou paramédical de l'équipe de la san- Bretagne où déjà quatre catégories de malades té. Il faut inventer une nouvelle médecine com- chroniques sont exemptés de tout paiement pour munautaire et ajouter en conséquence à la for- leurs prescriptions. Nous ne l'avons même pas mation de tous ceux qui la prodiguent. Déjà de fait pour nos assistés sociaux. tels systèmes sont expérimentés depuis plu- Où est le leadership du gouvernement en ce sieurs années aux Etats-Unis. Mais ici, au Qué- qui concerne la création d'un système d'hono- bec, le leadership du gouvernement ne se fait ni raires professionnels pour les pharmaciens? n voir ni même sentir. y a quelques pharmaciens qui le font déjà eux- mêmes. Le gouvernement n'offre aucun leader- Les personnes âgées ship. Plus que ça, M. le Président, l'assurance- M. GOLDBLOOM: Permettez-moi d'attirer santé n'est qu'un début; elle n'est qu'un méca- votre attention sur certains problèmes particu- nisme financier qui permet de niveler le coût liers. Celui des personnes âgées en est un des de la maladie entre les bonnes et les mauvaises plus importants. années, et d'égaliser la consommation des soins La fréquence des maladies aiguës chez la médicaux et autres entre les diverses strates vieille personne est à peu près la même que chez de la société. la personne plus jeune, mais la durée d'une telle On peut assurer le paiement des soins, mais maladie et de la convalescence subséquente est ce n'est pas l'argent qui les prodigue, ce sont en moyenne beaucoup plus longue. La fréquence des personnes compétentes qui ont reçu la for- des maladies chroniques chez la vieille person- mation voulue. Ici aussi le gouvernement ne nous ne est naturellement plus élevée que chez la per- a pas offert de leadership. sonne plus jeune, et de telles maladies sont sujet- Le gouvernement n'a pas aidé à amener nos tes à des crises aiguës qui nécessitent souvent universités à augmenter sensiblement leur pro- l'hospitalisation qui se fait habituellement dans duction d'effectifs. Au cours des récentes an- un hôpital général. nées l'université de Toronto a commencé un En 1960, à travers le Canada, 5.6% des mala- programme qui doublera la production des mé- des hospitalisés restaient plus de trente jours decins par sa faculté de médecine. Ici, à part mais, sur ce nombre, la durée totale de toutes 280 les hospitalisations constituait plus de 30% de leur trouver ce traitement ambulant. Mais que toutes les journées, ce qui veut dire que 30% des de besoins insatisfaits connaissons-nous au lits de nos hôpitaux généraux sont affectés à des Québec! Que de malades mentaux, qui se trou- maladies prolongées. vent effectivement privés de soins par le man- Il faut donc augmenter le nombre de lits pour que de personnel ou par une haute barrière fi- le traitement des maladies chroniques. Il faut nancière que seule l'assurance-santé complète aussi reconnaître la nature particulière et mê- pourrait faire disparaître! me spécialisée de ce traitement et fournir aux Il est aussi à noter que le malade psychia- hôpitaux concernés le personnel et les moyens trique qui n'est pas immédiatement admissible nécessaires. à l'hôpital ne trouve pas facilement, en cas Il faut également pratiquer une médecine pré- d'urgence, les services d'accueil et de traite- ventive, car le vieillard négligé tombe facilement ments disponibles vingt-quatre heures par jour malade, soit parce qu'il a oublié de prendre un et sept jours par semaine. Pour le malade vio- remède; soit parce que le sens de la faim est af- lent, surtout s'il est adolescent, il existe très faibli chez lui et, il ne mange pas selon ses vrais peu de locaux satisfaisants. besoins; soit parce que la rareté de ses contacts Je laisse de côté, pour l'instant, voyant le humains l'expose à des dépressions profondes. temps fuir, le dossier de la santé, pour ouvrir Une attention bienveillante à ces problèmes, celui que le Devoir a appelé tout récemment un simple intérêt humain, est clairement en me- « le dossier noir de l'assistance sociale. » S'il sure d'éviter de nombreuses hospitalisations et y a, dans la société québécoise, deux groupes donc, de diminuer le besoin de fournir des lits. qui se plaignent amèrement du manque de lea- Un service de repas sur roues, par exemple, est dership du gouvernement actuel, ce sont les d'une énorme utilité pour la personne âgée. J'en travailleurs et les assistés sociaux. Depuis que connais un à Montréal qui sert présentement l'Union Nationale est au pouvoir, ces deux grou- trente clients mais qui pourrait et devrait en ser- pes rouspètent, se plaignent, se sentent frustrés vir plus de deux cents. Faute d'appui financier du et constatent, à leur grande insatisfaction, que gouvernement, il n'en est pas capable. des promesses tiennent généralement lieu de Mais c'est le gouvernement qui devrait pren- progrès. dre l'initiative dans tout ce domaine et je regret- De nombreuses manifestations de plusieurs te beaucoup qu'il ne l'ait pas fait. En effet, le sortes, séances d'étude, brèves interruptions leadership du gouvernement consiste à autoriser de travail, défilés paisibles, ont vivement sou- la construction de foyers pour personnes âgées ligné le mécontentement de la population à l'en- et à approuver les chartes des services de soins droit du gouvernement. à domicile. Mais les résultats tangibles demeu- Remarquez que ce n'est pas uniquement la rent bien en aval de nos espérances et nos be- lenteur d'escargot avec laquelle le gouverne- soins. ment a acheminé la loi cadre de l'aide sociale La coordination des services de soins à domi- vers son adoption prochaine qui a provoqué et cile laisse beaucoup à désirer. Je connais un des provoque encore ce mécontentement très ré- plus anciens, des plus importants et des plus pandu. Je vous offre quelques exemples du lea- compétents organismes de la province qui attend dership du gouvernement, tel qu'il peut être vu toujours du gouvernement la reconnaissance par un travailleur social, ce professionnel qui qu'il mérite. connaît, souvent aussi bien qu'un député de cette Au lieu d'innover, ou au moins de laisser cap- Chambre, les problèmes sociaux de notre popu- ter son imagination par les inventions d'autres lation, et qui sait exprimer, souvent aussi bien que lui, le gouvernement tire toujours de l'arriè- que le député, les besoins et les désirs du peu- re. D'autres construisent des hôpitaux-motels ple. pour les malades ambulants. Combien en avons- Le travailleur social voit, au Montréal mé- nous? tropolitain, d'importants secteurs qui, à part D'autres construisent des maisons intermé- les services sociaux des hôpitaux et des foyers diaires pour les malades psychiatriques qui ont pour aveugles ou personnes âgées, ne comptent reçu leur congé de l'hôpital, pour les adoles- pas une seule véritable agence de bien-être so- cents hospitalisés qui ne veulent ou qui ne peu- cial. Je pense à Notre-Dame-de-Grâce, à Parc vent pas réintégrer leur foyer familial, ou pour Extension, à Ville LaSalle. Pourtant, le besoin les détenus provisoirement libérés. Combien en existe de servir les assistés sociaux, et aussi avons-nous? D'autres, reconnaissant le fait celui de prévenir la dépendance sociale qui me- qu'au moins 50% des malades psychiatriques qui nace surtout nos jeunes et nos vieux. attendent un lit à l'hôpital peuvent être convena- Le travailleur social, sachant que la création blement traités sans admission, s'affairent à d'un vrai système d'assistance judiciaire, com- 281 plète et efficace, décentralisée et coordonnée années un régime comprimant et déprimant avec le travail des agences de bien-être, s'im- d'austérité, qui sont appelées à en faire les pose de façon urgente, déplore aussi le manque frais. Ce sont les citoyens déjà les plus défa- de leadership du gouvernement dans ce domai- vorisés, ceux dont le revenu est faible, qui en ne. souffrent le plus. Le travailleur social est inquiet devant l'at- Quelques petites modifications ont été ap- titude du gouvernement en ce qui concerne les portées récemment. Il est à noter que les ma- services sociaux des hôpitaux. Une diminution nifestations continuent dans les rues de Mont- importante des effectifs a été imposée à cer- réal. tains hôpitaux, non les moindres. Pourquoi? Les assistés sociaux et les travailleurs so- Dans certains cas, parce que l'hôpital a, jus- ciaux se plaignent que les lignes téléphoniques qu'à récemment, reçu un appui financier du sont engagées, qu'il n'y a pas de réponse ou, gouvernement fédéral ou d'une fondation privée s'il y en a, qu'elle est souvent souverainement sous forme de subventions à la recherche. Ces désagréable et désobligeante, voire même insul- montants ayant été épuisés et n'ayant pas été tante, quand ils finissent par rejoindre nos bu- renouvelés, le gouvernement du Québec a refusé reaux de bien-être social. de les prendre à son compte. L'an dernier, le gouvernement a reçu un do- Mais la recherche en service social ne se cument, intitulé « Les priorités dans le secteur fait pas en laboratoire, en vase clos ou en tour du bien-être social à Montréal ». Il s'y trouve d'ivoire; elle se fait au service de la population une liste de priorités. Je cite seulement la pre- nécessiteuse. Si la recherche cesse, le service mière. Elle est frappante. cesse aussi. La première priorité, il y a un an, était Je reproche au gouvernement de s'être pré- « de maintenir et consolider les services exis- occupé davantage des deniers publics, si im- tants de façon à ce qu'il soit possible de ré- portante que soit cette préoccupation, que des pondre à la demande qui croit normalement besoins humains en bien-être social. Il ne suffit d'une année à l'autre. » pas d'avoir guéri la maladie au cours du séjour II y a un chapitre, intitulé « Les besoins à l'hôpital; il faut également s'occuper du mi- réels ». On ne peut pas, on ne doit pas invoquer lieu familial, social et économique dans lequel le l'austérité pour refuser d'affirmer le droit de malade guéri retourne. Autrement, les rechutes tout citoyen d'être assisté en cas de besoin ou et les réadmissions se feront nombreuses. d'intégrer en un seul régime les régimes d'as- Ai-Je besoin de dire qu'il coûte beaucoup plus sistance sociale dans le but de réduire les frais cher d'hospitaliser un malade que d'agir chez administratifs et d'éliminer les inégalités en- lui de façon à prévenir la maladie? gendrées par la multitude de ces régimes. Autrement dit, cette politique myope du gou- On ne peut pas invoquer l'austérité pour re- vernement nous coûte cher en angoisse et, à fuser de mettre le plus tôt possible un frein aux long terme, en argent aussi. abus actuels dans le crédit à la consommation et C'est une politique myope selon laquelle on dans la publicité, abus dont souffrent beaucoup paie plus pour un enfant en foyer nourricier que de familles à faible revenu. On n'a pas à invo- pour un enfant dans sa propre demeure, et cela quer l'austérité pour refuser d'adopter une nou- pour beaucoup plus d'années. velle loi de protection de l'enfance ou de coor- C'est une politique myope qui a refusé, jus- donner les services aux personnes âgées, parce qu'à ce moment-ci, de créer un système de que c'est ça le leadership. On n'a pas à invoquer congé-maternité. C'est une politique myope qui l'austérité pour refuser d'instaurer, comme l'a refuse d'envisager des allocations spéciales aux fait l'Ontario, un système administratif souvent élèves et aux étudiants des milieux défavorisés désigné par le sigle PPB — planification-pro- pour des billets d'autobus qui leur permettraient grammation-budget — qui permet de mesurer la de fréquenter plus facilement l'école et de sor- rentabilité sociale de nos activités dans le do- tir ainsi de leur marasme. maine du bien-être social. C'est une politique myope et moyenâgeuse Il y a, dans ce document, publié par le Con- qui impose des mesures punitives aux jeunes seil des oeuvres de Montréal un chapitre de huit célibataires qui reçoivent des allocations so- pages de suggestions et intitulé: « Possibilités ciales, dans une période, comme celle que nous de réduire les dépenses ». traversons, où le taux de chômage est très Nous avons au feuilleton de la Chambre l'arti- élevé. cle K: Loi de l'aide sociale. Je sais que le règle- Nous sommes, me dira-t-on, en période ment, à l'article 760, dit: « Avant l'adoption d'une d'austérité. Ce sont les agences de bien-être adresse en réponse au discours d'ouverture du social, qui connaissent déjà depuis plusieurs lieutenant-gouverneur... il n'est procédé à aucu- 282 ne affaire importante, sauf en cas d'urgence. » sonnel découlent logiquement de ces projets et Je vous soumets respectueusement, M. le Prési- c'est pourquoi les lignes de conduite établies dent, que l'article K de notre feuilleton constitue doivent l'être en fonction des principes qui ont une affaire d'urgence. Je déclare, au nom de présidé à l'organisation de cette action sociale l'Opposition, que le consentement unanime qui et policière. serait nécessaire pour appeler, dès demain Pourquoi le policier éducateur? Quelle est sa après-midi, l'article K du feuilleton est acquis nécessité? Peut-on justifier les énergies, le au gouvernement, personnel et les dépenses entraînés par une telle Il s'agit de ce que le Devoir, avant-hier, a entreprise? Quelles tâches devront être accom- appelé la première, la plus grave des priorités. plies? Comment les policiers organiseront-ils Je demande au gouvernement, très simplement: leur travail? N'avez-vous pas honte? En établissant les principes à partir desquels se justifie l'action préventive de la police, nous M. LE PRESIDENT: L'honorable député de chercherons à les traduire, sur le plan concret, Bourget. de manière à préciser les lignes de conduite. Les principes. M. Paul-Emile Sauvageau La mission préventive est la plus importan- te des fonctions de la police et nombreuses sont M. SAUVAGEAU: M. le Président, vous avez les raisons qui justifient son intervention dans certainement pris connaissance de la déclaration le domaine de la prévention, plus particulière- du premier ministre à l'occasion du lancement ment au niveau de la délinquance juvénile. La de la campagne du respect de l'autorité, et vous fonction de répression ne peut à elle seule en- êtes aussi au courant de son attachement à la diguer le flot de la criminalité. jeunesse du Québec. C'est lui qui a présenté les Le devoir qui incombe à la police est celui projets de loi instituant une Commission de poli- de protection, mais on ne se protège vraiment ce et l'Institut de police. C'est pourquoi j'aime- qu'en autant qu'on empêche le mal de se pro- rais faire ici, dans le peu de temps que j'ai à ma duire. Alors que la répression intervient après disposition, l'historique du policier éducateur au l'action, la prévention doit empêcher cette ac- Québec. tion avant qu'elle ne se produise. Il est essentiel d'engager la police dans la Le policier éducateur voie de la prévention de la délinquance juvénile qui est l'une des sources de la criminalité M. SAUVAGEAU: Prévention et répression, adulte. En empêchant l'action de se produire, tels sont les objectifs fondamentaux du policier. en détournant le jeune d'une carrière crimi- Le policier éducateur aune mission particulière. nelle, la police s'attaque à la racine du pro- Il s'applique aux aspects préventifs sous toutes blème en supprimant ou du moins en réduisant leurs formes, il a pour objectif de sensibiliser les causes de la criminalité. les jeunes et les adultes au rôle du policier. C'est pourquoi tout programme de préven- Par son attitude et son action, il améliorera tion pour être mené avec intelligence doit com- davantage ses relations avec la population juvé- mencer par s'attaquer à la délinquance juvénile. nile. Si ingrat que soit son rôle, il favorisera le Les buts. plus possible l'éclosion de rapports bénéfiques Comme son nom l'indique, le but de l'unité entre la société et le corps policier. préventive est la prévention. La police a réa- Bien sûr, son action s'étendra au niveau lisé depuis longtemps la nécessité et l'urgence adulte, mais d'abord et surtout, à la future po- d'un tel service. pulation adulte, soit la jeunesse actuelle ou so- Les districts policiers de la province, tout en ciété de demain. Voilà un objectif à long terme. se ressemblant sur certains points, sont com- Néanmoins, si ardue que soit sa tâche, il plètement différents sur d'autres aspects. Ainsi, contribuera à l'édification d'une société respec- nous savons que la nature des délits, la fréquen- tueuse de ses lois et de ceux qui les appliquent ce des crimes, etc., varient sensiblement d'un tout en revalorisant la dignité de sa fonction secteur de la province à un autre. dans le public. C'est pourquoi chaque ville doit avoir parmi Fondement théorique. son personnel un policier spécialement formé et Avant de délimiter les tâches spécifiques dont la tâche est essentiellement orientée vers qui incomberont aux policiers éducateurs, il la prévention. est essentiel de définir les buts et les objec- Il est indispensable que ce policier soit tifs visés lors de la création de cette fonction. pleinement intégré dans le quartier, qu'il se fas- En effet, les fonctions spécifiques du per- se connaître des jeunes, qu'il fréquente les en- 283

droits où ils se tiennent, qu'il participe à leurs Buts poursuivis activités, qu'il connaisse leurs problèmes, en un mot, qu'il partage leur vie. C'est ainsi qu'il 1) Connaître le district: découvrira les besoins, les lacunes et les pro- La population: connaître les caractéris- blèmes particuliers et qu'il sera en mesure de tiques de la population, le volume, la corriger adéquatement par des suggestions ap- composition, les origines ethniques, etc. propriées, des recommandations indiquées. La criminalité: délits particuliers, volu- Vêtu de l'uniforme, circulant dans une voi- me et nature des crimes, les facteurs ture identifiée, ce policier fait figure d'autorité, criminogènes, etc. mais cette autorité sera non pas celle qui arrête, Ressources locales: églises, écoles, qui punit, mais celle qui protège, qui aide et qui agences, clubs et organisations sociales, encourage. En tant que policier, il pourra mieux centres de loisirs, parcs, etc. que quiconque exercer une saine influence sur Activités et habitudes: Que font les gens? les jeunes et leur famille. Où se rencontrent-ils? Quels sont leurs En résumé, le but ultime consiste à présen- problèmes? Etc. ter au public cette nouvelle image du policier en tant que figure d'autorité investie d'un pou- voir particulier et dont le rôle, en tant que re- Etablir des contacts présentant de l'ordre, est d'aider et de proté- ger les droits de tous. 2) Etablir des contacts: C'est pourquoi il est nécessaire de régler Sur la rue: parler aux gens, s'informer les questions préjudicielles et de faire dispa- des besoins, discuter avec eux, etc. raître les clichés et les stéréotypes pour ob- Restaurants, salles de quilles, billards, tenir la collaboration du public dans ce travail etc. n doit être présent partout et deve- de prévention. nir familier dans le milieu. L'action préventive proposée entraîne néces- sairement pour le personnel la création de nou- 3) Surveiller protéger; velles attitudes, un nouvel état d'esprit, en som- Dépistage des endroits criminogènes, me une toute autre conception du travail policier surveillance des individus suspects, etc. traditionnel et réactionnaire. En somme, il doit voir à la protection et à Par quelle action les policiers éducateurs la sécurité de tous. réaliseront-ils cette prévention? Quels moyens devront-ils utiliser pour une action efficace et b) Appels adéquate? Comment pourront-ils exercer cette fonction sociale, tout en demeurant dans les li- II doit répondre aux appels, lorsque sur les mites de l'action policière proprement dite? ondes, pour tous les cas concernant un jeune. Voici les principales activités que la police Après avoir pris connaissance des faits, il est en mesure d'entreprendre dans une optique prendra les mesures nécessaires en recher- de prévention, de protection et de figure d'au- chant le bien de l'enfant. Il devra rédiger les torité. rapports nécessaires et s'assurer que tout est Les moyens: La formation préventive de la complété et que les informations requises sont police peut s'exercer selon quatre plans. Les recueillies. Il est de son devoir d'assister au activités policières qui peuvent le mieux favo- besoin les policiers dans leur travail particu- riser l'action préventive de la police sont les lier. suivantes: patrouille, appels, disposition, éduca- tion. c) Disposition a) Patrouille Il verra à ce que les décisions prises dans Identifié clairement, revêtu de l'uniforme, la disposition des juvéniles soient toujours en il devra faire régulièrement de la patrouille vue de l'aider et non de le punir. Si un jeune préventive afin que la population soit conscien- est détenu au poste, il doit s'assurer que les te de sa présence. Il doit être celui qui voit, conditions dans lesquelles il est surveillé soient parle, réprimande, contrôle, encourage, con- adéquates et qu'il soit traité selon les normes seille, informe, protège, partage, etc. Repré- de la justice. Il expliquera aux autres policiers sentant de l'ordre, il est l'autorité qui protè- l'importance des mesures proposées et l'in- ge les jeunes, qui arrête le malfaiteur, qui fluence profonde qu'ils peuvent exercer sur le aide la personne. En somme, il est le policier. jeune. 284 d) Education: Juillet 1965, le directeur J.-A. Robert, après avoir pris connaissance des documents, déclare Cette tâche éducative est la base même de qu'il ne rejette pas l'idée d'un tel projet, mais l'effort préventif du policier éducateur. Il sera semble un peu sceptique quant à sa réalisation. présent dans les écoles afin d'établir un contact Toutefois, il accorde la permission de pour- avec les enfants et de les entretenir des princi- suivre des démarches auprès des autorités sco- pales lois, des règles de sécurité, du rôle de laires, gouvernementales et judiciaires (cour du la police, etc. Ces conférences ont pour but de Bien-Etre social). favoriser les relations police-enfants, en fa- Le 27 juillet 1965, première rencontre offi- miliarisant ces derniers avec le policier. La cielle avec le directeur du service de l'ortho- prévention se traduit vraiment par ces ren- pédagogie de la Commission des écoles catholi- contres périodiques et positives. ques de Montréal. C'est le début de la session intensive avec les autorités de la Commission Les centres de loisirs; II participera aux ac- des écoles catholiques de Montréal, qui se pour- tivités organisées par les centres de loisirs suivra jusqu'en octobre 1965. pour encourager et collaborer activement avec La phase réalisation. Le 12 octobre 1965, à ces organismes. la suite de réunions générales répétées, tous Organisations diverses; Pour que son action les membres du comité d'études pédagogiques ne soit pas isolée, il est important que le poli- donnent leur assentiment à la police, via le ser- cier demande la collaboration des différentes gent Claude Labelle, pour commencer une expé- associations intéressées à la jeunesse. rience pilote au niveau de la huitième année Les colloques; II doit se rendre à toute ma- (section des garçons) jusqu'à la fin de la pré- nifestation ou réunion publique, lorsque requis, sente année scolaire 1965-1966. pour informer la population des problèmes cau- Le 20 octobre 1965, le directeur adjoint sés par la délinquance, du rôle qu'il remplit, Jean-Paul Gilbert prend officiellement con- de la participation que le public est en mesure naissance du programme en cours et fait par- de fournir à l'effort collectif de prévention, etc. venir douze causeries types au juge en chef, M. Jean-Paul Lavallée, de la cour du Bien-Etre En résumé, cet aspect éducatif de la police social. ne doit pas se limiter aux enfants, mais doit Le 4 janvier 1966, début des cours de cri- s'étendre à l'ensemble de la population. En tant minologie élémentaire dans les écoles au ni- qu'éducateur, il est l'agent de police qui est le veau de la huitième année (garçons). Le 1er plus en mesure d'améliorer les relations police- février 1966, premier colloque organisé par le public. policier éducateur à l'intention des parents des Grâce à ce rôle d'éducation, le policier de élèves rencontrés dans les écoles. Cette pre- l'unité préventive est celui qui, auprès de la mière réunion du genre se tient à l'école Saint- population, représente avantageusement la fi- Emile, rue Sherbrooke est. Le 3 février 1966, gure d'autorité de manière positive, construc- création d'un système de statistiques sur la dé- tive et protectrice. linquance juvénile avec les officiers de liaison Pourquoi le policier éducateur? Nous croyons de la cour du Bien-Etre social. qu'il répond à un besoin urgent et ce travail de Le 15 avril 1966, premier congrès de cri- prévention, de protection et d'éducation doit être milogie du Québec tenu à l'Université de Mont- orienté en fonction de l'objectif visé. réal. Au cours de ces assises, une résolution C'est un travail dont les résultats réels ne a été adoptée en ce qui a trait au policier édu- paraîtront que plus tard. Mais cependant, il im- cateur. A l'atelier de travail police et prisons, porte qu'il soit entrepris dès aujourd'hui. parmi les recommandations, voici ce que défi- « Mieux vaut prévenir que guérir ». nit l'article 3 : « Rapports humains — public et Bref historique de la fonction du policier édu- jeunes: II nous semble que les corps de police cateur à Montréal. devraient utiliser tous les moyens pour amé- Ces quelques notes relatent en bref quelques liorer les bonnes relations avec le public et faits saillants, depuis le début jusqu'à au- les jeunes en particulier, en déléguant des po- jourd'hui, de la fonction du policier éducateur. liciers dans les écoles et les centres de loi- En juin 1965, un projet de prévention de la sirs. » délinquance juvénile est soumis par le sergent Le 31 mai 1966, fin de l'expérience pilote Claude Labelle au directeur du service, mon- accordée par la Commission des écoles catho- sieur J.-A. Robert. Il s'agit d'un programme liques de Montréal. d'éducation et d'information auprès de la jeu- Bilan et conclusion. Secteur de l'éducation nesse étudiante. pré-scolaire (anglais et français): Classes vi- 285 sitées, 77; élèves rencontrés, 1,800. Cours se- me le docteur Marty, secrétaire générale du condaire (8e année, garçons — secteur fran- comité national des clubs et équipes de pré- çais — l'âge des élèves est d'environ 13 ans): vention en France et membre du cabinet de Ecoles visitées, 48; classes visitées, 181; élè- M. Pompidou, premier ministre de France. ves rencontrés 5,723; colloques organisés pour Celle-ci étant en voyage d'étude a séjourné plu- les parents, 4. sieurs Jours à Montréal afin d'étudier le sys- Comme conclusion, il y a eu une baisse de tème de prévention et surtout le travail qu'effec- 17% dans le taux de criminalité juvénile con- tue le policier éducateur tant dans l'école qu'en cernant les premières comparutions à la cour patrouille. du Bien-Etre social. Le 2 octobre 1967. Début des émissions ra- En l'année scolaire 1964-1965, 203 garçons diophoniques du policier éducateur sur les ondes de treize ans ont comparu une fois. En l'année de CKLM. Au début, la durée des émissions était scolaire 1965-1966, 169 garçons de treize ans de 30 minutes, à raison de deux soirs par se- ont comparu une fois. maine. Aujourd'hui, l'émission « Salut les Phase d'extension. 15-70 » est entendue tous les soirs de 19 h Août 1966, Demande de la Commission des à 20 h. écoles catholiques de Montréal à l'effet que le Le 25 octobre 1967. Le quatrième congrès policier éducateur étende son champ d'action conjoint des officiers de probation et de la poli- auprès des étudiantes de la huitième année. ce du district judiciaire de Terrebonne adopte Septembre 1966. Vu les succès obtenus à la comme thème du congrès: Le policier éducateur. Commission des écoles catholiques de Montréal, Depuis cette date, douze municipalités de ce dis- The Protestant School Board of Greater Mont- trict ont suivi l'exemple de Montréal sous la di- real demande qu'il y ait un policier éducateur rection de M. Jacques Allaire, directeur des de langue anglaise. L'agent Gordon Reid est officiers de probation du district judiciaire de alors assigné à ce travail par le directeur. Terrebonne. Janvier 1967. Compilation d'un sondage d'o- Janvier 1968. Décentralisation des postes 9 pinions des élèves, filles et garçons, sur le et 12. travail du policier éducateur. Il y a également Le 19 février 1968. M. Tekaya, haut fonc- arrêt de travail des professeurs à cause d'un tionnaire du ministère de la Jeunesse en Tu- conflit syndical. nisie, fait une étude complète et minutieuse de Mars 1967. Le conflit entre professeurs et notre système d'éducation en vue de l'appli- employeurs est terminé. Les cours reprennent quer dans son pays. d'une façon intensive. On fait du rattrapage. Les Les 29 et 30 mars 1968. Deuxième congrès autorités scolaires décident d'annuler tout cours de criminologie du Québec tenu à l'université de des activités dirigées, mais exigent que le poli- Sherbrooke. Encore la, une résolution est adop- cier éducateur poursuive ses rencontres quand tée pour obtenir des policiers éducateurs dans même auprès de la Jeunesse étudiante. Ceci est les différentes municipalités du Québec. Le 16 une preuve tangible de la nécessité d'un tel ser- avril 1968, nous commençons à recevoir les po- vice. liciers de l'extérieur qui viennent faire un stage Bilan de l'année scolaire 1966-1967. avec les policiers pour se familiariser davan- Secteur de l'éducation préscolaire 1966-1967 tage avec le travail social du policier éducateur. (anglais et français). Classes visitées, 150. Elè- Nous aurons également des policiers qui ves rencontrés, 3,000. s'inscriront aux cours de perfectionnement dis- Cours secondaire (filles et garçons des 8e pensés 3 l'école des cours secondaires du ser- et 9e années). Ecoles visitées: secteur français, vice de police. 54; secteur anglais, 13. Classes visitées: sec- Le 20 avril 1968, pour la première fois à teur français, 308; secteur anglais, 99. Elèves Montréal, une danse est organisée par les po- rencontrés: secteur français, 9,231; secteur liciers éducateurs et le poste radiophonlque anglais, 2,905. Colloques organisés pour les CKLM. Plus de 1100 jeunes participent à cet parents, 5. événement. Phase de décentralisation. Le 9 juillet 1968, au 36e congrès de l'Asso- Le 31 juillet 1967. Création de l'unité pré- ciation des chefs de police et de pompiers de la ventive dans les postes 16 et 17 avec trois po- province de Québec, tenu à Chicoutimi, une ré- liciers éducateurs dans chaque poste. Nomina- solution est encore adoptée concernant l'exten- tion du sergent Claude Labelle, officier res- sion du programme du policier éducateur de ponsable de cette sous-section de l'aide à la Montréal à toute la province. jeunesse. Le 23 février 1969, l'unité préventive compte Septembre 1967. Visite officielle de mada- plus de 75 policiers éducateurs. Vingt villes de 286

Québec adoptent le même système de préven- h) vocation particulière à cette fonction; tion. i) notions de la criminologie; On peut constater facilement que la fonction j) disponibilité. du policier éducateur est appelée à s'étendre Cette formation du policier éducateur pourrait dans tous les corps policiers. Elle dépasse déjà se faire d'une façon empirique. Par un système nos frontières, et c'est tout à l'honneur du de rotation des policiers éducateurs de chaque service de police. municipalité suivraient des cours théoriques et Dans toute cette organisation, le but person- pratiques à l'Institut de police de Nicolet. An- nel du sergent Claude Labelle, tout en étant nuellement, il y aurait des périodes de recycla- bénéfique pour la société, est de rédiger une ge. Enfin, les cours pour la formation de ces thèse en vue d'obtenir une maîtrise en crimi- policiers doivent être dispensés par des spé- nologie. Sujet: le policier éducateur. Pour votre cialistes en matière, qui ont déjà vécu l'expé- information, il croit atteindre son but dans rience. 6 ans. La rapidité avec laquelle évolue le monde ac- Le policier éducateur dans les autres muni- tuel amène des changements qui nécessitent cipalités du Québec. continuellement une adaptation. Ce modeste pro- Le rôle principal du policier éducateur est jet du policier éducateur pourrait devenir une essentiellement l'éducation fournie aux élèves ébauche dans l'extension de la fonction du poli- fréquentant tous les niveaux scolaires. cier au niveau provincial. A mon avis, c'est la police locale qui doit assurer ce service. Les enfants et les adoles- M. LE PRESIDENT: L'honorable député de cents sont presque toujours en contact avec le Verchères. policier de leur municipalité. Toutefois, la po- lice provinciale pourrait jouer le rôle de subs- M. Guy LeChasseur titut dans les villes où le personnel policier est très restreint. C'est également la police provin- M. LECHASSEUR: J'ai écouté avec plaisir ciale qui aiderait sur le plan technique 8 orga- et avec satisfaction plusieurs de nos collègues niser les activités « sécurité-vacances » au vous rendre hommage, M. le Vice-Président, cours de la période estivale. ainsi qu'à notre distingué président, de même Fonctions complémentaires au cours de la pé- qu'au proposeur et au secondeur de l'adresse. riode estivale. J'ai aussi écouté avec plaisir les voeux qu'on Centres urbains: a formulés pour le prompt rétablissement de nos a) organisation des manifestations « sécu- deux collègues, le député de Trois-Rivières et rité-vacances »; le député de Champlain, qui sont malades et b) contacts et visites dans les parcs muni- actuellement à l'hôpital. cipaux; Voici une tradition qui, à mon sens, devrait c) séances de sécurité; rester dans nos moeurs parlementaires. Nous d) rodéo cycliste; avons tellement d'occasions de nous chercher e) forum et colloques traitant de prévention. noise et querelle qu'il me semble qu'il faut Centres semi-urbains et ruraux: saisir toutes les occasions possibles pour nous a) agent de liaison. Ce dernier connaîtra dire des choses agréables, quand il y a lieu. les juvéniles de son secteur. Il sera l'agent La motion de non-confiance du député de de liaison avec la cour de bien-être social et Chambly conclut à un manque de leadership de les services sociaux. la part du gouvernement face aux problèmes qui b) il se chargera de l'enquête auprès des préoccupent la population québécoise, manque de Jeunes et connaîtra ainsi l'ensemble de la po- leadership dans maints domaines, notamment pulation juvénile de son territoire . la sécurité sociale, la justice et le domaine cons- c) il verra à établir des contacts et visites titutionnel. dans les parcs municipaux, terrains de camping Nous vivons, nous a dit le ministre des Fi- et institutions de vacances. nances, des heures difficiles. Et d'ajouter le Sélection et formation du policier éducateur; premier ministre: Nous vivons des heures gra- a) degré académique suffisant; ves. Ce qu'ils ne nous ont pas dit, c'est le ma- b) bonne expérience policière; laise et la grande préoccupation qu'a le peuple c) facilité d'expression orale; québécois en ce moment. Nombre de citoyens d) sens de l'humour; ont l'impression qu'il y a une abdication de la e) homme patient; part de l'autorité, un manque de détermination, f) jovialité; ou encore un manque de pensée dirigeante de- g) sens de l'observation; vant les événements qui bouleversent la façon 287 de voir, la façon de penser de la majorité de aller repousser les hordes du nationalisme nos concitoyens. allemand et libérer, entre autres, ce pays qui Certains diront qu'ils ont raison en partie, est l'objet de tant de sollicitude de la part de que nous sommes poussés par une sorte de vent nos amis d'en face, savent bien ce dont je par- d'hystérie collective qui souffle sur tout le le. monde, hystérie collective qui se manifeste par Dans tout nationalisme qui ne respecte pas une contestation qui, parfois, voisine avec la le droit d'autrui, il y a un germe de dissension, violence et l'anarchie. de division et de désunion. Il y a aussi un germe Les jeunes veulent diriger les collèges, éla- de haine et de vengeance, quand ce n'est pas, borer les programmes, choisir les professeurs tout simplement, le fruit d'un complexe d'infé- et siéger au conseil de direction des collèges riorité. Dans ce genre de nationalisme, je si- ou des universités. Quant aux enseignants, plu- tue le mouvement d'intégration scolaire et son sieurs d'entre eux semblent plus préoccupés par premier rejeton, Saint-Léonard. les questions de salaire que d'exercer leur pro- Si, à certains moments, on a senti avec plus fession, qui est une des plus belles au monde, d'acuité qu'à d'autres moments le besoin de soit la formation de la jeunesse, et d'Inculquer leadership de la part de nos gouvernants, à cette jeunesse les principes dont ils auront c'était bien lorsque cette commission scolaire besoin pour faire de cette province la plus belle de la banlieue nord de Montréal s'est arrogé un province du Canada. droit qui n'est pas dans l'esprit de la loi ou, Les dirigeants de certaines universités tolè- tout au moins, dans l'esprit d'une société juste, rent au sein du corps professoral la présence soit celui de fermer ses portes, à toutes fins d'activistes qui prônent le démembrement de pratiques, aux étudiants qui ne parlaient pas notre société. Les clercs constatent l'autorité français. de l'Eglise. Les psychologues et les psychiatres Les pérégrinations de l'histoire fatidique du se penchent avec plus de sollicitude sur le sort bill 85 sont trop présentes à votre esprit pour des criminels que sur le sort de leurs victimes. que je m'étende longuement sur cette mesure qui devait être salvatrice et qui est sur le che- M. BIENVENUE: Les avocats aussi. min de l'extinction dans une commission deve- nue le tremplin pour les vociférations d'extré- M. LECHASSEUR: Les intellectuels, au nom mistes de tout acabit, et ce, au mépris des de la liberté, sanctionnent la révolte et lancent règlements les plus élémentaires de la procé- l'opprobre aux forces de l'ordre. La Presse dure parlementaire et même de la décence et nous rapportait même hier que, lors des assises de la politesse. Une lecture du journal des Dé- des Etats Généraux qui ont eu lieu à Montréal bats du 23 janvier, rapportant une séance de en fin de semaine, un opinant a mentionné le la commission de l'éducation, vous aura sans nom du jeune terroriste qui a avoué sa culpa- doute édifié à ce sujet. Je crois — et je l'ai bilité et il y a eu une salve d'applaudissements. dit avec toute la sincérité et l'objectivité dont Où sommes-nous rendus? Il y a un principe je suis capable — que le gouvernement a abdi- de physique qui dit que, contre la force, il n'y qué dans l'affaire de Saint-Léonard et que l'ins- a pas de résistance. Mais ce principe ne se titution d'une enquête comme paliatif ne répare- retrouve pas dans l'ordre moral, lorsque les ra jamais le mal causé, pas plus qu'elle n'en- hommes qui gouvernent ont la sagesse qui pré- rayera les conséquences sérieuses pour l'éco- voit, la fermeté devant l'obstacle à écarter et nomie du Québec et pour le sort de plus d'un le courage de poser l'acte nécessaire, même million de Canadiens français vivant dans les s'il peut leur aliéner une partie de l'électorat. neuf provinces à majorité anglophone. Il est particulièrement dangereux de jouer Par la même occasion, le gouvernement a sur la corde du nationalisme à une époque où laissé échapper la chance d'établir clairement la société est presque désaxée, où le respect quelle était sa politique linguistique pour le des valeurs et de l'autorité est en baisse, où Québec, tenant compte, d'une part, que les la cellule familiale se désagrège et où la mo- citoyens de langue française ont droit à l'usage ralité fait figure de pudibonderie. généralisé de leur langue et que, d'autre part, Il faut avoir courte mémoire et ignorer les la minorité de langue anglaise doit également leçons de l'histoire pour se laisser entraîner être efficacement protégée. dans des faits et gestes qui ont comme consé- La population canadienne-française du Qué- quence un déni de liberté à un secteur de la bec était en droit de s'attendre que ses gou- population. vernants prennent les dispositions nécessai- Ceux de ma génération, qui ont dû quitter res pour que le français devienne effectivement foyer et famille, pendant des années, pour langue prioritaire au Québec, surtout pour per- 288 mettre aux travailleurs de gagner leur vie en UNE VOIX: Très bien. français. Nous devons faire du français la langue de M. THEORET: M. le Président, la motion la promotion sociale, économique et intellec- du leader de l'Opposition, le député de Chambly, tuelle des Québécois d'expression française. qui fait l'objet de ce débat depuis mercredi der- Défendre notre patrimoine culturel et linguis- nier, se lit comme suit: « Pour toutes ces rai- tique, c'est acquérir la conviction de servir le sons, je propose, secondé par le député de Vau- Canada tout entier en contribuant à l'épanouis- dreuil-Soulanges, que la motion en discussion sement de l'une des cultures qui en font sa ri- soit amendée en y ajoutant les mots suivants: chesse. Cette Chambre regrette que les querelles in- La population anglophone du Québec, elle, testines du gouvernement, son immobilisme, était en droit de s'attendre que ses gouvernants son refus d'assumer ses responsabilités aient lui garantissent le droit non seulement théori- privé cette province d'un leadership essentiel que mais pratique d'envoyer ses enfants aux spécialement aux heures graves que nous vi- écoles de son choix. Par contre, pour faire vons actuellement. » preuve de leadership, le gouvernement se de- M. le Président, le député de Chambly, au vait de reconnaître dans la loi la nécessité pour début de ses remarques, mercredi dernier, et les anglophones québécois sans exception de re- en se référant à la motion de non-confiance qui cevoir dans les écoles de leur choix des cours avait été présentée par le chef de l'Opposition suffisants en qualité et en quantité pour maîtri- sur les problèmes économiques, avait déclaré: ser la langue de la majorité. Le gouvernement par un vote — évidemment, Dans la même veine, le gouvernement se tout le monde le sait — de 49 à 41 s'est donné devait, par une politique réaliste et cohérente, l'absolution à lui-même. Il avait raison en par- d'établir les moyens d'amener un nombre crois- tie puisque toute motion d'opposition connaît le sant d'immigrants à opter pour la langue et la sort réservé aux motions présentées par le par- culture françaises. ti minoritaire en cette Chambre. Je soumets que le gouvernement a manqué à Cependant, sur cette motion de leadership, sa tache dans sa politique linguistique et c'est c'est à plus ou moins brève échéance et ce n'est une des raisons pour lesquelles je voterai pour pas le gouvernement qui se donnera l'absolution, la motion du député de Chambly. mais c'est toute la population du Québec qui don- Je vous remercie. nera une absolution générale, non seulement au leader de notre parti, mais encore à toute l'é- M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'hono- quipe de l'Union Nationale. rable député de Papineau. M. le Président, sur la motion du chef de l'Opposition concernant les questions économi- M. Roland Théoret ques, point n'est besoin de vous dire que nous avons retenu et entendu les mêmes vieilles ren- M. THEORET: M. le Président, comme le gaines, les mêmes sornettes que nous entendons veut la coutume alors qu'on s'adresse à vous depuis déjà trois ans. pour la première fois au début d'une session, Je vous prie de bien vouloir présenter mes meil- M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! leurs voeux et mes plus sincères félicitations L'honorable député sait très bien qu'il ne peut au président de cette Chambre. Je veux féliciter revenir sur un débat antérieur. Je l'Invite S. re- le président pour avoir été choisi au poste pres- venir à la motion actuellement en discussion. tigieux de président. Grâce à ses qualités de coeur et d'esprit, le président mérite notre ad- M. THEORET: M. le Président, je vous re- miration et notre estime. Je veux lui présenter mercie. Ce n'était que pour enchaîner, pour en des voeux de succès dans l'accomplissement de arriver à la motion qui est actuellement devant cette tâche difficile afin qu'il puisse remplir ses nous. devoirs avec l'impartialité que nous lui con- naissons depuis déjà quelques semaines qu'il M. LESAGE: C'était pour enchaîner, afin préside aux destinées de cette Chambre. Je de mieux se déchaîner contre la motion inscri- veux rappeler à cette Chambre la patience et te. l'amabilité de notre président. Ces voeux et ces félicitations, je vous les adresse aussi, M. M. THEORET: C'est justement à la suite de le Président, jeune député brillant et pondéré cette motion, qui a connu le sort qu'on lui con- qui faites l'honneur de la ville de Sherbrooke. naît, que le député de Chambly, pour éviter de 289 parler sur les grands débats de l'heure dans le ciennes vedettes du parti libéral quittaient ce Québec — débats qui étaient amorcés dans le grand parti en claquant les portes... discours inaugural — que le leader de l'Oppo- sition, dis-Je, comme c'était son droit, apropo- M. GRENIER: Les stars. sé une motion de non confiance sur le leadership de l'Union Nationale. M. THEORET: ... amenant avec eux toute Jamais, depuis que Je suis dans cette Cham- l'aile nationaliste de la ci-devant équipe du bre, ai-je vu une motion de blâme, venant natu- tonnerre. En parlant du départ de l'ancien mi- rellement de l'Opposition, recevoir un accueil nistre des Richesses naturelles, de la Famille aussi spontané des députés siégeant à votre droi- et du Bien-Etre, Je dois dire, à l'honneur du te. Ce fut pour nous, de ce côté-ci de la Cham- chef de l'Opposition, que j'ai admiré son inter- bre, en entendant le leader de l'Opposition, un vention sur le discours inaugural. J'ai écouté moment de surprise, un moment d'incrédulité. avec satisfaction le député de Louis-Hébert, Bref, nous avons cru 3. une farce, à une plaisan- quand il a fustigé, sans le nommer, le député terie de mauvais goût, à une bourde monumen- de Laurier. Vous me permettrez de citer ces tale de la part du leader de l'Opposition. Je vous phrases qui m'ont plu et qui, en même temps... avouerai que l'ai attendu de lire cette motion avant d'en croire mes yeux. Est-ce possible qu'un M. LESAGE: M. le Président, j'ai attiré homme public chevronné, un politicien d'expé- votre attention tout à l'heure, alors que je me rience comme le leader de l'Opposition, que l'on faisais critiquer, mais même lorsque je me dit même rusé, puisse référer d'une façon aussi fais louanger, il est de mon devoir d'attirer maladroite au sujet, à la gangrène, au cancer votre attention sur le fait que le député réfère qui rongent actuellement son parti depuis trois à un débat antérieur. Non pas que j'aie à me ans? plaindre de ce que le député ait à dire. M. le Président, je ne sais pas si l'expres- sion est parlementaire, mais je trouve quand M. PAUL: C'est la meilleure partie de son même audacieux, de la part du député de Cham- discours. bly, de parler de corde dans la maison d'un pendu. Si vous me permettez de continuer l'al- M. LESAGE: Merci. légorie — un mot qui fera probablement plaisir au député de Gouin — je trouve également témé- M. PAUL: Celle qui a précédé. raire que le leader de l'Opposition se permette de lancer des pierres au sujet du leadership, M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre! quand il habite lui-même une maison de verre. Je pense que l'objection du chef de l'Opposi- Point n'est besoin d'être expert en politique pour tion est bien fondée. En effet, le député se pré- constater que le parti libéral traverse la pire pare à référer encore une fois à une motion crise de leadership de toute son histoire. antérieure, ce qui est malheureusement inter- dit par nos règlements. M. LAPORTE: Filles de Jérusalem, pleurez sur vous! M. LESAGE: J'ai tout de même protesté. J'ai eu beaucoup de mérite. M. THEORET: Que l'on se rappelle les con- grès de 1966, 1967 et 1968. M. THEORET: Pour ne pas référer à un dé- bat antérieur et pour parler d'un sujet qui est M. LESAGE: Vous rappelez-vous les vôtres? encore d'actualité quant à la violence et I la contestation, Je ferai miennes les paroles du M. THEORET: Oui, j'étais là en 1965 et en chef de l'Opposition quand il a fustigé le dépu- 1966. té de Laurier. Je crois que tous les députés de cette Chambre applaudissent de grand coeur ses M. LESAGE: Vous avez de la mémoire! appels à la modération et au calme dans la pro- vince de Québec. Parlant de violence, M, le M. THEORET: ... pour comprendre les lut- Président, le premier ministre du Québec s'est tes intestines qui divisent ce parti. Après la avéré efficace dans cette lutte contre la violen- défaite de 1966, on a cherché des boucs émis- ce, avec le concours de tous les corps poli- saires. L'Opposition, à l'époque si forte sur pa- ciers du Québec. Sans tambour ni trompette, pier, a lamentablement échoué à la première comme a su le faire le chef de notre parti, le session de la 28e Législature. premier ministre du Québec a mis tout en oeu- Ce n'est que plus tard, en 1967, que les an- vre pour assurer la paix à une population qui 290

était inquiète. Déjà, des cellules du Front de li- Et ce qui est le plus consolant dans cet hom- bération ont été découvertes et j'ose croire mage de la presse parlée et écrite, c'est que que ces bandits sans face seront rejoints et la presse autant anglophone que francophone mis en état de ne plus nuire à l'Etat du Qué- s'est plu à reconnaître les mérites de chef du bec. premier ministre actuel. Je crois qu'à voir et M, le Président, cette motion sur le leader- à entendre les réactions de nos amis d'en face, ship arrive à un moment souhaité par tous les le proposeur et le secondeur de cette motion députés de l'Union Nationale, & la veille de la auraient aimé qu'elle se termine la semaine réunion du bureau national de notre parti, ven- passée. C'est un secret de polichinelle que l'Op- dredi et samedi les 14 et 15 mars. Cette mo- position aimerait aller au vote le plus tôt pos- tion a permis à l'honorable premier ministre sible pour passer, quant à elle, à un sujet qui de démontrer d'une façon magistrale, une fois pourrait peut-être lui paraître plus populaire de plus, qu'il a les qualités, l'envergure, l'ex- que le leadership de l'Union Nationale. périence et surtout l'appui de tous ses dépu- La mercuriale que leur a servie le premier tés... ministre mercredi dernier a certainement en- levé à l'Opposition tout doute quant à la vi- M. LAPORTE: Puis le ministre de l'Edu- gueur de ce dernier, quant à sa vigueur intel- cation... lectuelle et quant à sa force physique. Quel contraste entre l'appui collectif et spon- M. GRENIER: Le ministre de l'Education tané donné au chef du gouvernement jeudi der- est là. Cela continue. nier et l'appui que le chef de l'Opposition a dû quémander à ses partisans lors du congrès du M. THEORET: Permettez que je mette mes Parti libéral de l'automne 1968! En effet, ce verres. Je ne vois pas ces honorables membres chef ballotté, poignardé, contesté, même dans de l'Opposition quand ils parlent. sa propre députation, abandonné, devait fai- re un appel pathétique dans une mise en scène M.LAPORTE: Tâchez de... calculée et savamment préparée. Il devait jouer une tragi-comédie genre grand théâtre. Il de- M. THEORET: Je disais donc que ceci a vait donc s'humilier en des termes qui sont permis au premier ministre de se rendre comp- très près de ceux-ci: Mes amis, Jean Lesage te qu'il a l'appui de tous ses députés. Depuis vous le demande, la population du Québec veut dix ans, notre parti a vu les plus grands mal- savoir si Jean Lesage mérite encore votre con- heurs s'acharner sur son destin. Trois pre- fiance. C'est alors que toute l'assemblée, sous miers ministres sont partis alors qu'ils étaient les ordres du député de Chambly et du dépu- au service de l'Etat: MM. Duplessis, Sauvé et té de Verdun, a applaudi pour garder son chef. Johnson. En pleine action, ils ont tous les trois Vous avouerez avec moi qu'il s'agit là d'une imprimé un essor vigoureux et une pensée es- tâche bien pénible et je ne dis pas ça pour me sentiellement québécoise, voire nationaliste, à moquer. Je trouve que c'est un douloureux cal- notre province. vaire de la part d'un chef de devoir s'humilier Ces départs auraient pu causer la disparition pour avoir un renouvellement de mandat. d'un grand parti, d'un parti qui répond aux as- Et toujours sur cette question du leadership pirations du Québec, d'un parti essentiellement et de la politique de parti, c'est à ce même con- québécois, n'eût été l'immense réservoir de grès que l'on enterra la thèse du statut parti- ressources humaines qui fait la force de notre culier élaborée l'année précédente en 1967 par formation politique, M. le Président, des hom- le député de Vaudreuil-Soulanges. Les principes mes de valeur comme le premier ministre ac- ont été sacrifiés mais le chef a été sauvé. tuel se succèdent à la tête de notre parti. A Pour parler de querelles intestines, de chi- l'occasion de cette motion du député de Cham- canes de famille, chez nos amis les libéraux, bly, le premier ministre a démontré une fois il n'y a qu'à se rappeler, si on voit un peu plus de plus qu'il avait l'appui spontané de tous ses loin dans l'histoire, la mise en demeure des députés et également d'un large secteur de la 47 députés loyaux envers les trois députés ex- population du Québec. Quiconque veut se rendre trémistes du temps. Et c'était en 1967. Les compte de l'apport précieux de la motion du extrémistes étaient les députés de Dorion, à député de Chambly n'a qu'à lire les journaux l'époque, de Laurier et de Gouin. A cette épo- de vendredi dernier pour constater que la pres- que, le Soleil du 11 avril 1967 disait que le dé- se parlée et écrite a rendu un hommage éga- puté de Chambly avait rejoint le groupe des lement spontané au premier ministre du Qué- loyaux, « après avoir été longtemps sur la bec. clôture ». C'était bel et bien une crise de 291 leadership. Le Soleil disait, dans ce même nu- M. THEORET: Je vous remercie de votre méro et s'appuyant sur un commentateur ou décision qui est très sage. Je n'ai pas lu d'ar- un confident: « S'il avait fallu un seul instant ticles de journaux. Je me suis référé à un ar- que Jean Lesage permette aux députés de ticle. N'eût été de cette expression qui disait s'exprimer lors de ces entretiens de mercredi que le député de Chambly était sur la clôture, soir, il se serait cassé des gueules. » L'expres- peut-être que nous n'aurions pas eu son objec- sion n'est peut-être pas parlementaire, mais tion. S'il le faut, je veux de bon gré et de bonne je cite au texte. Toujours sur ce même sujet grâce retirer la « clôture ». Je me référais du leadership, puisque c'est la motion qui nous à un article de 1966... concerne, le Quebec Chronicle Telegraph du 27 avril 1967 coiffait sa manchette comme suit M. LAPORTE: Je suis au regret de dire que — il y a déjà deux ans de cela: « Can Jean je n'avais pas compris cette partie-là. Lesage head off trouble in Leberal Party? » M. THEORET: ... et, depuis cette date, il M, LAPORTE: J'invoque le règlement. est considéré parmi les loyaux sujets de la loyale Opposition. M. GRENIER: Cela fait mal? A cette même époque, le chef du parti libé- ral parlait de corridors pour éviter l'idéolo- M. LAPORTE: Je n'ai aucune objection à ce gie et c'est ce qui a fait partir plusieurs dépu- que le député continue, mais je vous laisse, M. tés de son parti. Encore à cette même époque, le Président, le soin de décider. Dans le sens si on veut se rafraîchir la mémoire et penser de la motion que nous étudions, nous aurons à un article qui a été écrit par Pierre O'Neil, d'autres occasions. Us s'en vont en fin de se- ci-devant attaché au parti libéral et au journal maine faire des réunions politiques. Ils auront La Réforme et qui disait — je ne le cite pas au l'occasion d'étudier leur leadership et le nôtre. texte, puisqu'on ne me le permet pas, alors que Ils pourront mettre sur la scène leurs onze can- j'ai vu lire tous les autres députés avant moi, didats. Ils pourront parler de leur chicane et ce ce soir — que le premier ministre, aujourd'hui sera l'occasion. Pour le moment, nous avons une le chef de l'Opposition, avait reçu, le 5 juin motion à étudier. Si on permet à quiconque de 1966, un choc psychologique qui l'avait ébranlé parler de n'importe quoi, je pense que ça va d'une façon brutale. quelque peu défaire notre discussion. M. PROULX: Traumatisé. M. PAUL: En réponse aux arguments sou- levés par l'honorable leader de l'Opposition, je M. THEORET: Si la motion en question par- crois que le terrain couvert par la motion est le de leadership, ce choc psychologique de 1966, assez large. Je mentionnais déjà que cette mo- ce n'est pas le parti au pouvoir qui l'a conti- tion en droit aurait fait le sujet d'une excellen- nué, mais ce sont ses propres membres, dans te motion pour détails. Si on écoute les propos son propre parti, qui l'ont depuis ce temps-là de l'honorable député qui a actuellement la pa- harcelé. Pierre O'Neil rappelait aussi que l'une role et que l'on compare ces propos avec ceux des raisons pour lesquelles le chef de l'Opposi- tenus par l'honorable député de Verdun et de tion semblait mal en point, c'est qu'à cette épo- nombreux autres en cette Chambre, je crois que il était conseillé par un « brain trust » que l'honorable député n'élargit pas les cadres composé des députés d'Abitibi-Ouest, des Iles- de la motion, dans le texte qui nous a été sou- de-la-Madeleine et de Drummond. mis. M. LAPORTE: Eux, ils marchent sur la cor- M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): En effet, de. je pense que le député de Papineau n'élargit pas tellement la motion. D'autre part,je crois sa- M. GRENIER: Ce n'est pas un cadeau. voir que des décisions ont été rendues par le président de l'Assemblée à l'effet qu'il ne fal- M. THEORET: Ce n'est pas moi qui ai par- lait pas lire au texte les articles de journaux. lé de corde; c'est le député de Chambly. Depuis Si le député de Chambly avait présenté son ob- 1966, ce n'est un secret pour personne qu'il y a jection dans ce sens-là, je l'aurais maintenue, des révoltes de palais de l'autre côté et qu'il y bien sûr. C'est pour cela aussi que je vais de- a des changements de programme. On abandon- mander au député de Papineau de ne pas lire ne le statut particulier. trop longtemps les articles de journaux aux- quels il réfère. DES VOIX: Ah! Ah! 292

M. THEORET: Si une élection fédérale sem- premier ministre trouvent celui-ci en excellen- ble populaire, on s'en va avec la politique qui te santé, comme l'a trouvé l'Opposition la se- est prônée par leurs amis d'Ottawa. Nous sou- maine passée. L'Opposition s'est rendu compte haitons vivement que le leadership de l'Opposi- que le premier ministre était en excellente san- tion ne soit pas contesté avant la prochaine élec- té intellectuelle et physique. C'est ce qui fait tion. que la crise de leadership, en autant que nous Le premier ministre a reçu dernièrement sommes concernés, est désamorcée. dans Bagot et dans Dorion, deux votes de con- fiance qui sont clairs et nets. M. LAPORTE: Elle est désamorcée. Ce ne sont pas les députés qui ont donné les votes de confiance au premier ministre actuel, M. THEORET: M. le Président, ils pourront c'est la population du Québec qui a parlé. continuer. Ils ont encore des heures et des heu- res à eux, et je crois qu'ils aimeraient à en fi- M. CADIEUX: Vous avez oublié de parler nir sur cette motion. de Notre-Dame-de-Grâce. Parlez-en un peu. M. LAPORTE : N'oubliez pas de raconter ce- M. GRENIER: Ils votent pour n'importe qui, la à M. Cardinal! pourvu qu'il soit rouge, là, comme dans Outre- mont. M. THEORET: M. le Président, je vous dis que le député de Chambly n'est pas de bonne M. BERGERON: C'est l'exception qui con- humeur ce soir. firme la règle, à Notre-Dame-de-Grâce. M. LAPORTE: Au contraire. M. CADIEUX: Vous avez perdu votre dépôt, cela va confirmer la règle pour les prochaines M. THEORET: Je lui ai pourtant rappelé élections. qu'il faisait partie des loyaux sujets du chef actuel de l'Opposition. Il devrait être content, M. GRENIER: Us votent pour n'importe qui, à moins qu'il ne veuille prendre la place de son pourvu qu'il soit rouge. chef plus tôt qu'on ne l'espère. M. THEORET: Je rappelerai au député de M. LAPORTE: Pourquoi voulez-vous que je là-bas que le leader de l'Opposition a déjà dit sois de mauvaise humeur? que Westmount, Outremont et Notre-Dame-de- Grâce n'étaient pas des tests dans la province M. THEORET: Pour toutes ces raisons, par- de Québec. Les tests, nous les avons eus dans ce que nous avons un chef que nous admirons, Bagot et dans Dorion. parce que nous avons un chef qui est actuelle- ment capable de gouverner la province de Qué- M. CADIEUX: Le premier ministre a dit bec, parce que nous avons un chef qui a l'expé- qu'il en faisait son élection personnelle. rience nécessaire pour conduire les destinées de l'Etat du Québec, je voterai avec plaisir con- M. THEORET: M. le Président, j'en pro- tre la motion, et je souhaite que nous gardions fite pour souhaiter au député de Dorion, qui est notre chef le plus longtemps possible à la tête arrivé aujourd'hui dans cette Chambre, mon de l'Union Nationale. confrère notaire et collègue député, une fruc- tueuse carrière. M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauharnois. M. CADIEUX: Un an, un an et demi. M. Gérard Cadieux M. THEORET: En parlant de leadership, je souhaite que le comté de Dorion, qui existe de- M. CADIEUX: M. le Président, c'est la cou- puis à peine deux ans et demi, connaisse la sta- tume, et, en ce début de session, je veux vous bilité politique avec son député actuel. Le com- offrir mes meilleurs voeux, ainsi qu'à tous mes té de Dorion a changé d'allégeance trois fois collègues et amis des deux côtés de la Chambre. depuis 1966. Il a été libéral, il a été souverai- S'il m'est permis d'exprimer un voeu en cette neté-association pour devenir indépendant, et circonstance, je souhaiterai — et sans parti- il est maintenant Union Nationale pour de nom- sanerie comme sans arrière-pensée — que la breuses années à venir. présente session soit plus fructueuse que ses Je souhaite également que les médecins du devancières et qu'elle nous permette à chacun 293 dans nos tâches et nos fonctions respectives, M. PROULX: Ne laissez pas faire ça. de mieux servir les intérêts de la population québécoise et de lui apporter la législation et M. LE PRESIDENT: A l'ordrel l'orientation qui lui seront nécessaires pour surmonter les inquiétudes, les malaises et les M. CADIEUX: Avant d'entrer dans le vif difficultés de l'heure présente. de mon sujet, j'aimerais ouvrir une courte pa- renthèse concernant les circonstances bien par- UNE VOIX: Ainsi soit-il. ticulières dans lesquelles débute la présente session. Nous sommes tous d'accord pour af- M. CADIEUX: En sortant les quelques no- firmer que le Québec vit actuellement des heu- tes que je me suis préparées, permettez-moi res troublées et difficiles. Mais, au cas où il de dire, M. le Président, au député de Papineau, s'en trouverait, parmi nous, qui ne soient pas qui a parlé longuement des congres du parti encore complètement convaincus de la gravité libéral et de ce qui s'en est suivi, que c'est très de l'heure, au cas où tous, tant que nous som- difficile pour nous, de l'Opposition, de critiquer mes, nous serions portés à minimiser le malai- les congrès de l'Union Nationale. Nous n'en se qui secoue notre société et le danger qui la avons connu qu'un. C'était en 1961 et le chef guette, je voudrais avec votre bienveillante per- actuel du parti n'a pas été toujours très tendre mission, M. le Président, donner lecture de à la suite de ce congrès. deux très courts extraits d'un article de jour- Comment voulez-vous que nous puissions, nal: « Le temps des discussions acharnées et nous de l'Opposition, citer des articles de jour- inutiles est fini. L'heure a sonné à l'horloge de naux, citer certains journalistes et parler des l'Histoire pour les progresseurs du peuple qué- congrès de l'Union Nationale? Ils sont telle- bécois. Il n'est plus besoin de conspirer dans ment rares, et nous aurons l'occasion, très l'ombre. Il est temps de répondre à l'appel de bientôt, de revenir, à l'occasion d'autres mo- ceux qui ont déjà leurs armes dans les mains. tions, parler d'un futur congrès et des onze Ne nous laissons plus attendrir par les élucu- candidats possibles ou impossibles qui se pré- brations des bourgeois sur la révolution tran- senteront à ce congrès. quille et les sociologues, économistes et politi- ciens bourgeois qui ne cherchent qu'à saper UNE VOIX: Nommez-les donc! notre dynamisme. » Le deuxième extrait se lit comme suit: « Ils M. GRENIER: Nous avons hâte de les con- sont nos ennemis aussi ceux qui, sous prétexte naître. de philosophie, de littérature ou de science quelconque dénigrent les grands révolutionnai- M. LE PRESIDENT: A l'ordrel res, les terroristes et la force révolutionnai- re elle-même. Cependant, s'ils sont le premier M. CADIEUX: M. le Président, je ne peux de nos soucis, ils sont aussi le moindre. En ef- pas les nommer, je n'en vois aucun dans cette fet, cette catégorie d'aliénés est la plus mol- Chambre digne de remplacer celui qui est à la le. Sa seule force est son inertie. Or, ce genre tête de l'Union Nationale présentement. de force est facilement vaincue dès la moindre Surtout pas le... mais, tout de même, ils violence, et notre violence... » tenteront de le faire. Cela ne veut pas dire que celui qui est à leur tête, en face de moi, dans M. PROULX: Un texte. cette Chambre... Ce ne sont certainement pas ceux qui crient le plus fort, en arrière, qui M. CADIEUX: « ... ne sera pas la moindre pourront... car pour purger le milieu de la société qui nous occupe, la dose devra être forte. » M. LOUBIER: Ce n'est même pas votre chef. Les lignes que je viens de lire sont tirées d'un article intitulé « L'oppression appelle le M. CADIEUX: ... poser leur candidature à sang ». Cet article est signé par M. Bernard ce prochain congrès de leadership de l'Union Larivière et il a été publié dans un journal Nationale. étudiant lequel, défiant toute notion de morale, J'ai l'intention de parler, ce soir, pendant de respect et de bon goût, s'intitule « Le Sper- les quelques minutes qui restent et peut-être me » et fut la publication officielle du CEGEP d'y revenir demain, un peu de constitution et de Valleyfield. Je n'ajoute aucun commentaire de fiscalité. Si vous le permettez, et avec la laissant à cette assemblée le soin de juger bienveillance du ministre du Tourisme, de la l'ambleur et la gravité du problème. Chasse et de la Pêche... Entre parenthèses, M. le Président... 294

M. GRENIER: Encore. les membres de cette Chambre. Le député de Beauharnois. M. CADIEUX: ... Je sais fort bien que parmi cette assemblée, 11 y en a qui ne peuvent pas M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- Juger de l'ampleur et de la gravité du problème. dent, vous me permettrez de poser une question de privilège. Je ne comprends absolument pas la crise d'hystérie qui a saisi le député. Je n'ai UNE VOIX: Nommez-les. pas dit un mot. J'ai tout simplement indiqué à mon collègue que l'atmosphère de l'autre côté M. CADIEUX: Pour les nommer, j'aurais à me faisait penser... citer tous les « back benchers » de cette Cham- bre, et en particulier... M. CADIEUX: Vous n'avez pas dit un mot, mais vous avez dit à votre collègue... UNE VOIX: Des deux côtés. M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai dit cela à M. CADIEUX: ... je pourrais mettre un nom lui, et non à haute voix. J'ai dit que cela me fai- sur ce grand sourire insignifiant qui interrompt sait penser à l'atmosphère du théâtre parisien tous les députés qui parlent en cette Chambre. Les Trois Beaudets.

M. GRENIER: M. Laporte a un droit d'auteur M. CADIEUX: M. le Président, j'ai déjà ré- sur cette phrase-là. pété que je ne frapperai jamais le député de Chi- coutimi en bas de la ceinture, et pour cause. Je M. LE PRESIDENT: A l'ordre! viens de citer ses paroles: Il dit qu'il n'a rien dit mais qu'il a parlé à son collègue. M. CADIEUX: Vous avez un sourire insi- gnifiant et vous l'êtes, à part de ça. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous compre- nez que je ne vous prendrais pas comme inter- M. LAPORTE: J'ai un droit d'auteur, mais locuteur, avec la tête que vous avez. vous avez un droit de propriété. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je parle à des M. GRENIER: Vous avez retiré le terme gens intelligents, ordinairement. « rire », mais non pas « insignifiant ». M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Puis-je si- gnaler aux membres de cette Chambre que la M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne parle Chambre s'ajourne ordinairement à dix heures pas aux batraciens non plus. et non pas à dix heures moins cinq. A l'ordre! M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je M. CADIEUX: J'en arrive, M. le Président, regretterais d'avoir à faire un rappel à l'ordre au terme de mon intervention... nominal à la fin de la journée. Je demande donc le silence. A l'ordre! UNE VOIX: Ah bon! L'honorable député de Beauharnois. M. CADIEUX: M. le Président, comment se M. CADIEUX: M. le Président, je disais que fait-il que la population de Chicoutimi ait pu éli- je voulais parler — c'est là le thème de mon in- re un tel député? Je croyais qu'à Chicoutimi il tervention — du manque de leadership dans le do- y avait des gens mâles puis des gens qui com- maine de la constitution et le partage fiscal en- prenaient la politique dans la province de Qué- tre le gouvernement central et les provinces, par bec. rapport aux besoins prioritaires du Québec, et la nécessité de relancer et d'accentuer la crois- M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Il sance économique. Pendant de longues années on arrive souvent que, par une période de cinq mi- a cru, et sans doute à juste titre, au cours de la nutes, on gâte les travaux d'une journée. C'est seconde grande guerre et de la décennie qui l'a ce qui pourrait se produire, si nous n'obtenons suivie, que seul le gouvernement central pouvait le silence pour une courte période de cinq mi- coordonner des politiques financières, contrôler nutes. Je demande donc la coopération de tous l'évolution économique, enrayer l'inflation et as- 295

surer la stabilité économique du pays et des pro- culiers de leur population et des régions qui vinces. composent leur territoire. Or, il est démontré aujourd'hui — tous les économistes sont d'accord là-dessus — que tous UNE VOIX: C'est assez. ces domaines ne se présentent plus de la mê- me façon. Ce ne sont plus aujourd'hui des be- M. CADIEUX: Bref, ce sont elles qui peuvent soins économiques nationaux ou à l'échelle des le mieux entreprendre une action rationnelle en pays qui règlent la marche des provinces et qui matière de développement économique. Si j'ai en déterminent le rythme de croissance. Ce tenu, M. le Président, à charger mon exposé de sont les besoins et les exigences prioritaires ces propos qui n'ont sans doute rien d'inédit, des provinces elles-mêmes. Tant et si bien que mais qui répètent et affirment des vérités de le véritable problème qui se pose aujourd'hui base, c'est tout simplement que j'ai cru néces- est celui du développement économique. saire de les énoncer afin de démontrer qu'à Il importe a priori de poser la question: Qui chaque nouvelle conférence fédérale-provincia- du gouvernement fédéral ou des gouvernements le, où l'on discute de constitution et de fiscali- provinciaux peut le mieux en favoriser la solu- té, c'est en quelque sorte l'avenir même du tion? On pourrait sans doute répondre que les Québec qui se joue et qui se dessine. deux niveaux de gouvernement peuvent partici- per à cette solution, mais il est indéniable que M. GRENIER: Ce n'est pas marqué dans les provinces ont, en ce qui les concerne, un votre texte. grand rôle à jouer. Ce rôle, elles ne sauraient le jouer si le gouvernement central ne leur cè- M. CADIEUX: Or, il y a eu, tout récemment, de pas aujourd'hui des prérogatives fiscales une telle conférence au sujet de laquelle j'ai eu qu'il s'était arrogées à une autre époque. la très nette impression que le Québec avait Les raisons qui militent en faveur d'un nou- carrément manqué le bateau. veau partage de l'assiette fiscale sont des plus En effet, les observateurs à cette conférence simples. De par la constitution canadienne, les sont presque unanimes à dire que si le premier éléments immédiats de la croissance économi- ministre y a généralement fait bonne figure sur que et de l'aménagement des richesses du sol le plan constitutionnel, la délégation québécoi- — qui n'en sont qu'un aspect — sont du ressort se a lamentablement échoué dans sa tâche de des provinces. Ce sont les provinces qui peu- faire valoir les besoins pressants et impérieux vent contrôler la plupart des factures grâce du Québec sur le plan du partage fiscal. auxquelles une véritable politique de dévelop- pement peut se matérialiser et avoir quelque DES VOIX: A l'ordre! chance de succès. Les provinces sont aussi en mesure d'influen- M. LE PRESIDENT: Je m'excuse d'interrom- cer le ton de leur propre progrès industriel par pre l'honorable député de Beauharnois, mais je leur action sur la localisation de l'industrie se- serais disposé à entendre sa motion pour l'ajour- condaire, par le tracé des voies de communica- nement du débat. tion pour faciliter l'accès aux ressources de base et par leur juridiction absolue sur les M. CADIEUX: Je demande l'ajournement du structures municipales. débat. Elles peuvent, de plus, participer directe- ment à l'investissement dans le développement M. PAUL: J'ai l'honneur de proposer l'ajour- des ressources et dans l'aménagement des in- nement de la Chambre à demain après-midi, dustries, là où les conditions économiques l'exi- trois heures. gent. En un mot, les provinces sont mieux si- M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne tuées que le gouvernement fédéral pour susci- à demain après-midi, trois heures. ter une politique de croissance économique, par- ce qu'elles sont plus près des problèmes parti- (Fin de la séance: 22 h 2)