Un Juge D'instruction Perce Les Secrets Français De L'argent Occulte Du Clan
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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 Omar Bongo a dirigé le Gabon de 1967 jusqu’à sa mort Un juge d’instruction perce les secrets en 2009 ; sa succession est depuis assurée par son fils Ali. français de l’argent occulte du clan Bongo PAR FABRICE ARFI ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 2 JUILLET 2021 Jacques Chirac et Omar Bongo, les présidents de la France du Gabon en 1996, à Libreville. © GERARD FOUET / AFP En amont, la question qui se pose au juge d’instruction Jacques Chirac et Omar Bongo, les présidents de la France du Gabon en 1996, à Libreville. © GERARD FOUET / AFP et aux policiers de l’Office central pour la répression Le juge d’instruction chargé de l’affaire des «biens de la grande délinquance financière (OCRGDF) est: mal acquis » a établi, grâce aux archives policières du d’où vient l’argent qui a permis aux Bongo d’acquérir dossier Elf, que c’est avec l’argent de la corruption en France, moyennant des dizaines et dizaines de pétrolière que le clan présidentiel au Gabon a blanchi millions d’euros, un patrimoine vertigineux composé en France des dizaines de millions d’euros, notamment d’immeubles, d’hôtels particuliers, de berlines, etc., grâce à la BNP, selon l’enquête. alors que le pays qu’ils dirigent végète, à 7000 L’affaire dite des «biens mal acquis » sur la fortune kilomètres de Paris, dans le besoin ? cachée du clan Bongo, qui règne de père en fils La réponse, qui pouvait paraître évidente, est depuis depuis 1967 sur le Gabon, est un scandale français. De peu une certitude acquise du dossier. L’argent vient bout en bout. C’est ce qu’est en train de documenter du pétrole exploité par la France. Pour arriver à cette de manière inédite un juge d’instruction français, conclusion, les enquêteurs se sont fait communiquer Dominique Blanc, selon les derniers développements toute la procédure de l’affaire Elf, un retentissant d’une tentaculaire enquête commencée il y a bientôt scandale jugé en 2003. quinze ans. Le retour de l’affaire Elf Plusieurs développements judiciaires récents éclairent Dans un rapport de synthèse de septembre 2020, dont en effet le rôle dans le gigantesque système présumé Mediapart a pu prendre connaissance, les policiers de corruption (c’est-à-dire comment les Bongo écrivent en conclusion: «Il ressort qu’Omar Bongo ont obtenu des fonds occultes) et de blanchiment était rémunéré par la société Elf Aquitaine.» (comment ils les ont dépensés) de deux grandes institutions économiques françaises: le géant pétrolier «Ces fonds étaient destinés normalement au paiement Elf – Total aujourd’hui – et la banque BNP. du pétrole, ressource principale de son pays. Omar Bongo récupérait à titre personnel les fonds à destination de la République gabonaise», poursuivent- ils. Dans les cartons poussiéreux de l’affaire Elf, les policiers ont notamment retrouvé la trace de virements du géant pétrolier, via sa banque fermée depuis (la Fiba), au profit personnel d’Omar Bongo, pour des millions d’euros. 1/2 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 Ils ont aussi mis la main sur une lettre qu’Omar Bongo clan Bongo en France? Une partie de la réponse avait adressée dans les années 1990 à l’Union bancaire a été donnée par le juge d’instruction, le 11 mai privée (UBP) de Genève, en Suisse, dans laquelle il dernier, avec la mise en examen pour «blanchiment assurait être le réel bénéficiaire de l’un des comptes de corruption» de la BNP, la plus grande banque cachés ouverts au sein de la banque par André Tarallo, française. le «Monsieur Afrique » d’Elf. Dans cette missive, le À elle seule, la banque est soupçonnée d’avoir aidé président gabonais avançait l’argument providentiel le clan Bongo à blanchir, en dissimulant l’origine des de l’«intérêt national» pour justifier le fait d’être passé fonds, au moins 35 millions d’euros d’argent occulte par un prête-nom, tout en ajoutant: «J’ai contrôlé, par l’entremise d’une petite société baptisée Atelier comme il se doit, la gestion de ce compte.» Difficile 74, comme Mediapart l’avait déjà raconté. d’être plus clair. Parmi les motifs de mise en examen, la justice a retenu En faisant de la sorte la jonction entre l’affaire Elf que « la BNP, malgré ses obligations légales, n’avait et celle des «Biens mal acquis » — la seconde étant pas mis en place de système efficient » de détection des une prolongation de la première —, la justice française opérations suspectes. « La BNP n’a effectué aucune jette une lumière sans fard sur tout un pan de l’histoire recherche sur l’origine et la légalité des fonds » et de la Françafrique et de la corruption inhérente qui la « n’a effectué aucune déclaration de soupçon [aux sous-tend. autorités – ndlr] », souligne encore le procès-verbal C’est ce qu’avait d’ailleurs raconté, en novembre de mise en examen de la banque en tant que personne 2019, l’ancien patron d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, morale. dans le cabinet du juge Blanc. «Les premiers Représentant la BNP devant le juge, Georges Dirani, présidents d’Elf […] ont eu pour première tâche son directeur juridique, a certes reconnu « des d’augmenter le pétrole disponible du pays, avait- carences » mais, selon lui, celles-ci « ne constituent il détaillé. Leur opinion, c’est que l’instabilité pas pour autant des infractions pénales ». En gouvernementale conduit à des soubresauts trop définitive, « rien n’établit », d’après lui, que la banque importants. On a demandé aux présidents successifs savait que « la famille Bongo tirait les ficelles » de la d’Elf de veiller à la stabilité de ces États, stabilité société-taxi qui lui a permis de blanchir 35 millions institutionnelle et juridique. Le premier pays qu’on d’euros d’un claquement de doigts. voulait stabiliser était le Gabon. » Sollicitée par Mediapart, la BNP n’a pas souhaité faire Le «on » ici évoqué représente l’État français. de commentaire. Dès lors, la question qui se pose ensuite à l’enquête est : comment et avec quelles complicités éventuelles l’argent de la corruption a été dépensé par le Directeur de la publication : Edwy Plenel Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Courriel : [email protected] Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08 Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90 Capital social : 24 864,88€. Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS, publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris. 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