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L'ÂGE DES LUMIÈRES 149 L'ÂGE DES LUMIÈRES 150 L'ÂGE DES LUMIÈRES L'ÂGE DES LUMIÈRES 151 GÉNÉRALITÉS aul Hazard, Antoine Adam et d'autres ont montré l'importance de l'époque de crise que furent les années 1680-1715 qui contenaient en germe certaines •*~ tendances essentielles de l'âge des lumières. Tout un monde se transformait. I.c réformisme dans le domaine des institutions politiques et sociales; l'exé gèse de l'Ancien et du Nouveau Testament appuyée sur la philologie et la critique historique avec ses discussions audacieuses des dogmes; l'intérêt porté dans la litté rature aux mœurs contemporaines et aux types sociaux nouveaux (le financier, etc.) ; l'évolution générale du goût (on se détourne du grandiose, du monumental, de l'emphatique pour préférer l'élégance, la grâce aimable, une sensibilité pénétrée d'intelligence - cf. le Fénelon du Télémaque qui semble préfigurer Watteau), etc.: tout cela n'a eu qu'à s'accentuer au XVIIIe siècle et à prendre une ampleur nou velle. Cependant ce ne fut que dès 1750 environ que les attaques des philosophes se firent massives. L'âge des lumières ne peut pas être considéré «en bloc»: il a des étapes qui vont de la Régence, encore assez «littéraire» dans ses manifestations et formes, à l'époque des grandes luttes (celle de l'Encyclopédie et de Voltaire inlas sablement militant) et aux audaces impertinentes des années prérévolutionnaires qui, chez un Beaumarchais, annoncent l'imminence du grand bouleversement dé clenché en 1789. Et d'abord: le lieu d'action change. Dès la moitié des années 1680, la cour royale cesse lentement d'être le centre fastueux de la société française. Après la mort de Louis XIV en 1715, Versailles doit céder la place à Paris qui redevient la capitale, même la capitale rayonnante de l'Europe entière. À Paris, les artistes, les lettrés, les savants ont désormais leur rendez-vous non pas à la cour de Louis XV ou de Louis XVI, mais dans les salons. Il y a la cour de Sceaux, chez la duchesse du Maine (1676-17 5}, femme du fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan); le salon de Mme de Lambert; celui de Mme de Tencin. Dans ces salons de la première moitié du XVIIIe siècle, les plaisirs mondains - fê tes, amusements littéraires, conversation - dominent: on les appelait «bureaux de l'esprit». Dans la seconde moitié du siècle, les salons deviendront les centres de l'activité des philosophes autour de l'Encyclopédie: le salon de Mme Du Def- f a n d dont la vieillesse fut profondément marquée par son amitié amoureuse pour Horace Walpole, politicien et écrivain anglais ; celui de sa demoiselle de compagnie Mlle de Lespinasse qui sut attirer les familiers de sa bienfaitrice et se brouilla avec elle ; celui de Mme G e o f f r i n qui subventionna considérablement l'entre prise des Encyclopédistes ; de Mme d ' É p i n a y, la protectrice de J.-J. Rousseau et l'amie de Melchior Grimm; de Mme N e c k e r, femme du ministre des finances sous Louis XVI et mère de Mme de Staël ; les salons des Encyclopédistes H e 1 v é- t i u s et d'Holbach. Il y eut aussi les cafés: le café P roc ope, en face de la Comédie française; Je café Gradot, celui de la veuve Laurent; le café de la Régence, etc. On pouvait y avoir du café, se réchauffer, lire des journaux, recueillir des nouvelles, jouer aux échecs. On pouvait aussi y discuter de toutes sortes de sujets, littéraires, artistiques, philosophiques (cf. Le Neveu de Rameau, de Diderot). En ce qui concerne les discussions politiques, celles-ci, menées dans un esprit li béral et portées vers des réformes, purent s'effectuer, au cours des années 1720, dans le Club de l'Entresol (1720-1731), rappelant les clubs anglais. C'est là que siégeait l'abbé de Saint-Pierre, auteur d'ouvrages réformistes. L'un des plus 152 L'ÂGE DES LUMIÈRES célèbres était consacré à son Projet de paix perpétuelle (1713; un abrégé parut en 1729), renouant avec le dessein de fédération des États de l'Europe conçu par Henri IV. Le marquis d'Argenson était le secrétaire du Club. Plus tard ministre des affaires étrangères (1744-47), il était un adversaire notoire de l'absolutisme royal, de l'administration centralisée et du fanatisme religieux. Parmi ses ouvrages il con vient de citer ses Considérations sur le gouvernement ancien et présent de la France (1764), le journal et les Mémoires de d'Argenson (publiés de 1859-67). Montes quieu fréquentait aussi le Club. Mais celui-ci devint suspect au pouvoir. Par pru dence, les membres cessèrent de se réunir à partir de 1731. Les écrivains et le public s'intéressaient vivement à la science. Les sciences d'ob servation (la physique, l'histoire naturelle, la cosmographie) reléguaient à l'arriè- re-plan les mathématiques, Descartes fut détrôné par Bacon et Newton, la spécula tion déductive par la méthode inductive, par l'expérimentation portant sur la ma tière. Cependant à côté des sciences naturelles on se passionnait aussi pour l'étude de l'économie, de la jurisprudence, de l'histoire où commençait à s'introduire le déterminisme scientifique. Dès la fin du XVIIe siècle, la méthode rationaliste de Descartes («ne recevoir ja mais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle») fut ap pliquée sans les limitations où l'avait enfermée son auteur (ne touchant ni à la reli gion, ni à la morale, ni à la politique). Elle devenait une arme redoutable servant à saper systématiquement la notion d'autorité absolue appuyée par la théologie. L'absolutisme royal aussi bien que celui de l'Église catholique cesse d'être consi déré comme hors de discussion, inattaquable. Les disciples de Descartes se ren contrent dès maintenant avec les «libertins». L'idéologie du progrès renouait avec l'héritage scientifique et philosophique lé gué par la Renaissance. On envisageait la société non pas sous l'angle d'une soi-di sant stabilité - à la différence de la Contre-Réforme, de l'absolutisme louisquator- zien, du classicisme - mais au point de vue de ses changements incessants, progres sifs. On se figurait la perfectibilité indéfinie comme résultant de la cumulation auto matique des expériences réalisées par ceux qui ont vécu avant nous. On se rendait compte de la diversité et de la complexité de la civilisation hu maine, de la relativité de l'évolution conditionnée diversement par le milieu géo graphique, par le climat, par la différence du moment historique. Les institutions de l'État, l'idée qu'on se faisait de la morale, la conception de la beauté, du goût, la fonction sociale de la religion - tout cela apparaissait sous un nouveau jour. Les dogmes absolus du passé (politiques, religieux, moraux) se dissolvaient sous l'action critique de la raison. Remettant en question ce que la tradition politique, religieuse et morale avait proclamé pour absolu, les penseurs de l'âge des lumières manifestaient une grande confiance dans la «b o n t é n a t u r e 11 e» de l'homme et s'opposaient à l'idéologie chrétienne, surtout au pessimisme protestant et janséniste. Si les aspirations natu relles de l'homme sont bonnes, on peut revendiquer la religion naturelle (rejetant les religions «révélées» y compris la chrétienne, leurs mythes, leurs dog mes, pour mettre à leur place le déisme); le droit naturel (par opposition au «droit divin» et au droit de la force, du despotisme);la morale naturelle (en face de la morale prescrite par telle ou telle religion). La propagation de ces idées avait pour but d'obtenir de la part des autorités féodales le respect de l'indi vidu. On partait ainsi en guerre contre le système des privilèges constituant la hié rarchie sociale du féodalisme et préparait par là la proclamation des «droits de L'ÂGE DES LUMIÈRES 153 l'homme». Cependant d'autre part, l'idée de la «bonté naturelle» de l'homme (donc celle de l'homme primitif, avant la civilisation, en dehors du progrès des arts et des sciences, celle de l'homme sauvage) devenait un mythe incarné de la manière la plus éloquente dans la pensée de J.-J. Rousseau et dans le soi-disant «retour à la nature». Enfin on remettait en question aussi la tradition esthétique: tandis que le classicisme du XVIIe siècle croyait qu'il existait une beauté absolue, indépendante des lieux et des temps, l'âge des lumières commençait à se rendre compte de la relativité du beau. Avec le déclin de l'absolutisme, les écrivains osaient de plus en plus élever leur voix, se mêler à la vie quotidienne, se faire les guides de la société dans sa marche vers le progrès. Voltaire sera appelé «le roi de l'opinion publique». La position des auteurs changeait, par rapport à ce qu'elle avait été sous l'absolutisme de Louis XTV, complètement: étant pour la plus grande part dans l'opposition, ils étaient écoutés, lus avidement et craints (par les représentants de l'Ancien Régime déclinant). La littérature devenait une littérature de combat. Il fallait se protéger contre la cen sure et les mesures des autorités par différents moyens et subterfuges (allusions, citations, travestissements, renvois). Luttant sous la devise de la liberté, de la to lérance, du progrès, on attaquait le despotisme et la superstition, l'esclavage et l'i gnorance. On cessait de se contenter de promesses d'une vie heureuse après la mort réclamant le paradis sur terre. Le but de toute science et de toute activité devait être la construction d'une «cité des hommes» heureuse.