N° 54 Edition française - Décembre 2002 Tassa Riscossa - Taxe Perçue. TORINO CPM

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Direttore responsabile: don Francesco Ricossa Sur la couverture: L'adoration des Rois Mages. Simon Autorizzazione Tribunale di Ivrea n. 116 du 24-2-1984 Peterzano, 1578, Chartreuse de Garegnano à Milan. Tipografia: Ages - Torino

✍ Sommaire Editorial p. 2 L’élection du Pape p. 5 Don Camillo, Guareschi et le Concile p. 18 “Le Pape du Concile”: documents p. 33 La “canonisation” de Mgr Escrivà de Balaguer. Bref commentaire de Sodalitium p. 36 Massimo Introvigne et Roberto De Mattei. Documents p. 38 Le pardon des injures dans la parabole des deux débiteurs p. 41 Quelle est – actuellement – la loi du jeûne ecclésiastique? p. 49 RECENSIONS p. 51 Controverses p. 53 Vie de l’Institut p. 56

qu’il ait des tendances fidéistes); il a égale- ment été choisi comme interlocuteur privilé- EditorialEditorial gié par le Cardinal Ratzinger (Rapporto sulla fede, Paoline 1985, Enquête sur la foi) nze octobre 1962: Jean XXIII procè- et par Jean-Paul II lui-même (Entrez dans de à l’ouverture solennelle du l’espérance, Plon-Mame, 1994). Cela ne l’a OConcile Vatican II. Pour Angelo pas empêché, dans le passé, de manifester Giuseppe Roncalli le Concile doit être une publiquement ses doutes et ses critiques non “nouvelle Pentecôte”; dans son discours seulement sur un “esprit du Concile” qui en d’ouverture il dénonce même les “prophètes trahirait la lettre (ce qui était là le but même de malheur” qui ne partagent pas son opti- du livre-interview de Ratzinger), mais égale- misme sur les temps modernes. Onze oc- ment sur les actes mêmes de Jean-Paul II; en tobre 2002: quarante ans après cet événe- fait foi un autre article publié dans le ment. Tout le monde peut le constater, la Corriere della Sera et en partie rapporté par “prophétie” de Jean XXIII ne s’est pas réali- Sodalitium dans son éditorial de janvier sée, et, qui plus est, aucun prophète de mal- 2002, il n’y a pas même un an (n° 52). heur n’aurait imaginé une telle désolation. Aussi une certaine stupeur a-t-elle été dé- Au lieu d’une Pentecôte, ce que nous vivons clenchée par le fait que l’éditorial de Messori est un nouveau Vendredi . ne contienne aucune critique – ne serait-ce Le plus prestigieux quotidien national que modérée – de Vatican II, mais plutôt un italien, le Corriere della Sera de Milan, a acte dur d’accusation contre la Fraternité confié à Vittorio Messori la tâche de com- Saint Pie X, fondée par Mgr Lefebvre, pour- mémorer, en première page, cet événement tant si proche de la sensibilité de Messori et historique (Deux âmes et un Pape, Corriere de certaines de ses prises de position. Cette della Sera, 12 octobre 2002). Messori n’est stupeur a trouvé un écho fidèle en l’abbé pas seulement un écrivain à succès et un Michel Simoulin, supérieur du district italien brave apologiste du catholicisme (encore de la Fraternité, dont une lettre d’éclaircisse- 3 ment a été publiée le 21 octobre dans le Corriere avec une réponse de Messori. Mais quelle est l’accusation de Messori? Elle peut se résumer en un mot: le “traditio- nalisme” impliquerait une négation de l’in- défectibilité de l’Eglise. “A moins d’émettre l’hypothèse d’un Dieu sadiquement farceur – écrit Messori – est-il pensable que le peuple auquel le Christ a promis une assistance per- manente ait été si longtemps et si gravement fourvoyé?” [pour être exact, l’assistance, c’est à la Hiérarchie qu’elle a été promise]. La hiérarchie, insiste-t-il, “ne peut pas conduire hors du chemin le troupeau qui lui est confié”. Elle possède en effet un “mysté- rieux charisme, garanti par le Saint-Esprit” [nous voyons là une allusion à l’infaillibilité] qui lui consent d’approfondir et d’actualiser, Il y a 40 ans: une séance du Concile Vatican II sans jamais trahir le “Credo de toujours”. D’où un paradoxe: les “traditionalistes” qui elle est en collision insoluble semble-t-il, avec accusent l’Eglise de s’être protestantisée, la théologie, l’exégèse, l’ecclésiologie du ca- poursuivent un procès “qui risque de s’appa- tholicisme actuel”. Donc, la Fraternité renter à la pensée de Luther, de Calvin, de “tombe dans des contradictions insolubles. Zwingli selon laquelle il y aurait eu une trahi- (…) Comme le confirme aussi l’exode que son de l’orthodoxie par le Magistère, un éloi- connaît la Fraternité Saint Pie X: ou bien le gnement de la lettre de l’Evangile et de l’en- retour à la communauté ecclésiale ‘officielle’ seignement des Pères, une pollution litur- [issue probablement souhaitée par l’abbé gique et pastorale”. Messori aurait pu citer à Simoulin lui-même, qui craint que la ce sujet une proposition du Conciliabule jan- Fraternité ne devienne, si elle ne l’est déjà, séniste de Pistoie, proposition condamnée une “petite église”], ou bien le passage aux en tant qu’hérétique par le Pape Pie VI; la groupes sédévacantistes’, en toute logique voici: “Dans ces derniers siècles un obscurcis- plus cohérents, dans leur radicalisme”. sement général a été répandu sur des vérités Nous acceptons bien volontiers l’éloge de de grande importance relatives à la religion et Messori (“plus cohérents”) et partageons qui sont à la base de la foi et de la doctrine fondamentalement sa critique de la Fra- morale de Jésus-Christ” (D.S. 2601). Si à ternité Saint Pie X (“contradictions inso- “derniers siècles” nous substituons “quarante lubles”), sans toutefois nous faire illusion sur ans”, n’avons-nous pas l’analyse des “tradi- le soutien de notre écrivain: la critique faite tionalistes”? à la Fraternité – mutatis mutandis – ne vaut- On n’échappe pas à l’objection en dimi- elle pas aussi pour nous, “sédévacantistes” nuant la portée des critiques adressées par la (même si seulement formaliter)? Messori Fraternité à Vatican II, comme a tenté de le n’invite pas à délégitimer Jean-Paul II, il in- faire l’abbé Simoulin; ce à quoi Messori ré- vite à le suivre. pond, à raison, le 21 octobre: “le mouvement Mais nous voudrions, nous aussi, poser à suscité par Mgr Lefebvre représente la plus Messori et à ceux qui pensent comme lui, grande force organisée qui s’oppose non seu- quelques questions. lement à l’‘esprit du Concile’ [comme le font Il pense – et il ne peut pas ne pas penser Ratzinger et Messori lui-même] mais aussi, – que le “magistère” de Vatican II et du souvent, à la lettre des documents de ce post-concile est seulement un “approfondis- Vatican II qu’il voudrait, s’il était possible, sement” et une “actualisation” du “Credo de déclasser pour le mettre à un niveau pastoral, toujours”; qu’aucune contradiction ne peut donc caduc et qui n’engage pas. La polé- exister [ce qui serait certainement vrai si ce mique contre l’Eglise actuelle ne concerne “magistère” provenait d’une autorité légiti- pas seulement certains aspects (la ‘Messe en me, divinement assistée] avec la doctrine ca- latin’, par exemple) mais va en profondeur et tholique précédente. Très bien. Vatican II 4 lui-même lorsqu’il parle de la liberté reli- buant à l’Eglise l’œuvre de Paul VI) il n’est gieuse déclare reprendre la doctrine tradi- pas non plus licite de le dire de l’Eglise du tionnelle (Dignitatis humanæ, n. 1). Mais si, passé qui était – alors – l’Eglise du présent, ‘a posteriori’, il n’en était pas ainsi? La hié- assistée elle aussi de l’Esprit Saint. rarchie actuelle, “les Pasteurs du moment”, Bref, l’indéfectibilité de l’Eglise est mise n’auront certainement aucune difficulté, en péril aussi bien par le “traditionalisme” alors, à reconfirmer et inculquer des docu- de Mgr Lefebvre, que par le “progressisme” ments comme l’encyclique Quas primas de Jean-Paul II. Dans les “contradictions in- contre le laïcisme et l’état non confessionnel, solubles”, ils y tombent tous les deux. l’encyclique Quanta Cura et le Syllabus En faisant nôtre tout l’enseignement et la contre la liberté religieuse, l’encyclique discipline de l’Eglise du passé, nous évitons Mortalium animos contre l’œcuménisme, les la contradiction de Jean-Paul II, que ce nombreuses bulles papales sur les juifs déi- passé condamne implicitement. En démon- cides et peuple non plus élu mais réprouvé trant que les erreurs de Vatican II, de Paul par Dieu… Je m’arrête là, mais la liste serait VI et de Jean-Paul II ne sont pas attri- infinie. Il y a plus. Dans le cadre des “mea buables à l’Eglise, nous évitons la contradic- culpa” à répétition, Jean-Paul II a déclaré tion du “traditionalisme”. Mais il reste une combien dans le passé la praxis de l’Eglise objection, terrible celle-là, que l’on peut avait “offusqué le visage du Christ”. N’est-ce adresser à tout “sédévacantisme”: les portes pas faire sienne – mais en ce qui concerne le de l’enfer ont donc prévalu contre l’Eglise? passé et non le présent – cette proposition Jésus-Christ n’est donc plus avec elle, alors condamnée du Synode de Pistoie? Déjà qu’il a promis de l’être jusqu’à la fin des Vatican II doit admettre, toujours dans la siècles? Alors Dieu peut permettre que les déclaration sur la liberté religieuse que dans fidèles soient ainsi trompés? le passé “il y a eu des manières d’agir moins La réponse est évidente: non. Les portes conformes voire même contraires à l’esprit de l’enfer ne peuvent prévaloir. Jésus-Christ évangélique” (n. 12), tandis que la déclara- ne peut abandonner l’Eglise. Il ne peut pas tion conciliaire Nostra Ætate est peut-être le permettre que tous les fidèles soient trompés. seul document “ecclésiastique ” qui n’a pas Cette dernière contradiction, le “sédéva- pu apporter en sa propre faveur – au moins cantisme” strict ne sait pas la résoudre, lui pour le chapitre 4 sur les juifs – une seule ci- non plus. Mais il semble que la thèse théolo- tation du magistère. Toutes ces choses ne gique du Père Guérard des Lauriers sur l’au- sont-elles pas des indices, pour ne pas dire torité, et c’est celle de Sodalitium, le puisse des admissions implicites, de l’“impossible” faire. contradiction? Messori écrit, à juste titre, L’Eglise, le Pape, ne peuvent enseigner qu’il est impossible que l’Eglise “à laquelle le l’erreur, tromper les fidèles: Messori a rai- Christ a promis une assistance permanente” son. Mais l’élu d’un Conclave qui n’est pas ait “si longtemps et si gravement” détourné cependant Pape légitime, peut enseigner du chemin le peuple de Dieu. Mais pourquoi l’erreur et tromper (beaucoup) de fidèles: est-ce que, s’il est impossible que ce soit arri- c’est ce qu’enseigne le magistère de l’Eglise vé dans ces dernières quarante années, ce (Pape Paul IV, Bulle Cum ex apostolatus). serait advenu dans les siècles passés? Serait- Dieu ne peut permettre que les fidèles ce que l’Eglise hiérarchique, quand elle niait soient tous attirés dans le piège en suivant – Papes et Evêques unanimement – tout un faux Pape: Messori a raison. Mais dans droit à la liberté religieuse, demandant à notre cas les fidèles peuvent avec certitude l’Etat l’intervention du bras séculier, aurait éviter le piège, en adhérant justement à l’en- “si longtemps et gravement conduit hors du seignement déjà défini infailliblement par chemin” le peuple chrétien? Ou bien, si elle l’Eglise, ce qui les préserve d’accepter l’er- ne l’a pas fait, (et elle ne l’a pas fait) com- reur qui contredit (au lieu d’approfondir et ment doit-on juger ceux qui – dans les docu- d’actualiser) l’enseignement précédent. ments officiels du “magistère” – condam- Dieu ne peut permettre que l’Eglise soit nent au moins implicitement l’Eglise du vaincue par l’enfer, soit finie, soit totalement passé? S’il n’est pas licite d’accuser l’Eglise privée de hiérarchie: Messori a raison. Mais du présent de donner du poison à ses en- Dieu peut permettre que – sans que l’Eglise fants (comme le disait Mgr Lefebvre, attri- soit vaincue, ou privée totalement et défini- 5 tivement de la hiérarchie (la permanence Nous ne voulons pas “un pur Evangile”, matérielle des sièges nous garantit la conti- une “Tradition antique” ou une “Eglise spi- nuité) – l’Eglise traverse des périodes de rituelle” sans ou contre l’Eglise hiérar- tempête, comme à l’époque du Grand chique. C’est justement au nom de l’Eglise Schisme où la légitimité de nombreux Papes hiérarchique, et de ses définitions in- était douteuse. Un Dieu qui ne maintient faillibles et irréformables, que nous nous pas les promesses qu’il a faites à l’Eglise se- opposons à toute déformation de ce patri- rait “sadiquement farceur” (nous dirions, moine de notre foi. nous: faux et menteur), c’est sûr. Mais que Ces déformations sont-elles seulement Son Fils meure sur la Croix, notre Dieu l’a apparentes? Voilà une nouvelle qui nous aussi permis et bienheureux ceux qui ne s’en rendrait heureux. Mais celui qui le dit et sont pas scandalisés… l’écrit, le pense-t-il vraiment?

Doctrine

L’ELECTION DU PAPE turellement des vacances entre les décès et les élections. Je pense qu’à tout instant il y a eu Par M. l’abbé Francesco Ricossa un Pape réellement investi de la dignité de Vicaire du Christ et de Chef de l’Eglise, ériodiquement, Mgr Marc Pivarunas même si les opinions diffèrent quant à sa légi- PC.M.R.I. (évêque consacré par Mgr timité; non pas dans le sens qu’un interrègne Carmona) envoie à ses fidèles une lettre inti- couvrant toute la période aurait été impos- tulée Pro grege (1). Celle du 19 mars 2002 a sible ou inconciliable avec les promesses du particulièrement attiré mon attention. Le Christ, parce que ceci est évident, mais en ce prélat américain (U.S.A.) – qui suit la thèse sens que, de fait, il n’y a pas eu cet du siège vacant – y répond (à la p. 5) à deux interrègne” (Pivarunas, p. 5). objections du supérieur de district local de la La chose est tellement évidente qu’il est Fraternité Saint Pie X, l’abbé Peter Scott. inutile d’insister. “Il est cependant absurde de dire, comme le Il est plus difficile, par contre, de ré- font les sédévacantistes, qu’il n’y a pas eu de pondre à la seconde difficulté. Voyons ce Pape depuis plus de 40 ans, car cela détruirait qu’écrit Mgr Pivarunas à ce sujet. la visibilité de l’Eglise, et la possibilité même «Pour ce qui est de la seconde ‘difficulté’ d’une élection canonique d’un futur Pape”. proposée par la Fraternité Saint Pie X contre Les objections ne sont pas nouvelles (2); la position sédévacantiste, c’est-à-dire l’impos- plus intéressante est la réponse de Mgr sibilité de l’élection d’un futur Pape si le siège Pivarunas. est vacant depuis Vatican II, voici ce qu’on Pour ce qui est de la première difficulté peut lire dans l’‘Eglise du Verbe Incarné’ de (le fait pour la vacance apostolique de se Mgr Charles Journet: “Pendant la vacance du prolonger) Mgr Pivarunas répond en allé- siège apostolique, ni l’Eglise ni le Concile ne guant l’exemple historique du Grand sauraient contrevenir aux dispositions prises Schisme d’Occident. Le Père Edmund pour déterminer le mode valide de l’élection James O’Really S.J. (3), dans son livre The (Card. Gaetano o.p., De comparatione…, Relations of the Church to Society [Les rela- cap. XIII, n. 202). Cependant, en cas de per- tions de l’Eglise avec la Société] édité en mission, par exemple si le Pape n’a rien prévu 1882, écrivait à ce propos: qui s’y oppose, ou en cas d’ambiguïté, par “Nous pouvons maintenant cesser d’en- exemple si l’on ignore quels sont les vrais quêter sur ce qui a été dit à cette époque de la cardinaux, ou qui est vrai Pape, comme cela position des trois prétendants et de leurs s’est vu au temps du grand schisme, le pou- droits vis-à-vis de la papauté. En premier voir d’‘appliquer la papauté à telle per- lieu, depuis la mort de Grégoire XI en 1378, sonne’ est dévolu à l’Eglise universelle, à il y a toujours eu un Pape – à l’exception na- l’Eglise de Dieu (ibid., n° 204)”» (4). 6

Avec cette citation, Mgr Pivarunas pense comme synonymes, car la seule distinction avoir suffisamment répondu à l’abbé Scott: entre eux est que l’un représente et l’autre est en l’absence de cardinaux – et uniquement représenté” (9). Par ailleurs le contexte géné- en ce cas (5) – le Pape peut être élu, par dé- ral de l’ouvrage nous indique clairement que volution (6), par l’Eglise. Cajetan par “Eglise universelle” entend Mais en réalité la difficulté change seule- Concile général; le De comparatione répond ment d’objet: qu’entend-on, en effet, dans ce en effet aux objections des conciliaristes contexte par ‘Eglise universelle’ ? selon lesquels le Pape est inférieur à l’Eglise, Dans sa lettre, Mgr Pivarunas ne le pré- c’est-à-dire au Concile (9). Mais il y a plus. cise pas. Pas plus que Journet à l’endroit Précisément lorsqu’il parle de l’élection du cité. Mais puisque Journet fait sienne la po- Pape, Cajetan utilise indifféremment les sition du Cardinal Cajetan (7), citant son ou- termes d’“Eglise” et de “Concile”: “in vrage De comparatione auctoritatis Papæ et Ecclesia autem seu Concilio” (n° 202). Et Concilii cum apologia eiusdem tractatus (8), même quand il s’agit de présenter le cas nous pouvons facilement établir la significa- concret de l’élection extraordinaire d’un tion de cette expression en consultant Pape, Cajetan ne parle pas tellement Cajetan lui-même. d’“Eglise universelle” il parle plutôt de Concile général: “si Concilium generale cum Le Cardinal Cajetan, par le terme ‘Eglise pace Romanæ ecclesiæ eligeret in tali casu universelle’, entend désigner le Concile gé- Papam, verus Papa esset ille qui electus sic néral esset” (n° 745) (“si en ce cas le Concile géné- ral élisait le Pape avec la paix [l’acceptation Nous avons vu que, dans des cas extraor- pacifique] de l’Eglise romaine, celui qui serait dinaires, le Pape peut, en l’absence de cardi- élu de cette manière serait vraiment Pape”). naux, être élu par l’‘Eglise universelle’; mais Il est donc évident que, pour Mgr qu’entend donc le Cardinal Cajetan par ce Journet et le Cardinal Cajetan, c’est le terme ? Concile général imparfait (10) qui, en l’ab- Il suffit de feuilleter le De comparatione sence de cardinaux, a la charge d’élire le pour trouver la réponse – indubitable – à Souverain Pontife. notre question. Déjà le titre nous l’indique: De comparatione auctoritatis Papæ et Les évêques résidentiels, en tant que Concilii, seu Ecclesiæ universalis (n° 5) (Sur membres de droit de ce Concile général, la comparaison de l’autorité du Pape et du pourraient élire le Pape Concile, c’est-dire de l’Eglise universelle): l’Eglise universelle et le Concile ne font Etant établi que ce sont les membres du qu’un. Mais c’est au chapitre V (n° 56) que Concile général qui sont les électeurs extra- Cajetan procède à une définition explicite ordinaires du Pape (en l’absence de cardi- des termes: naux), reste à voir qui peut participer, de “Après avoir examiné la comparaison droit, au Concile général. Le Code de droit entre le pouvoir du Pape et celui des apôtres canon – traitant du Concile œcuménique – en raison de leur apostolat, nous devons énumère les membres de droit du Concile maintenant comparer le pouvoir du Pape et le avec vote délibératif, au canon 223: pouvoir de l’Eglise universelle, autrement dit § 1. Sont appelés au Concile et y ont le du Concile universel, maintenant d’un point droit de vote délibératif: de vue général, ensuite, comme nous l’avons 1° Les Cardinaux de la Sainte Eglise annoncé, dans certains cas et événements Romaine, même s’ils ne sont pas évêques; (particuliers). Et comme les opposés, mis en 2° Les Patriarches, Primats, Archevêques confrontation, deviennent plus clairs, j’appor- et Evêques résidentiels, même non consacrés; terai avant tout les raisons principales dans 3° Les Abbés ou prélats nullius; lesquelles se trouve la valeur (des arguments) 4° L’Abbé Primat, les Abbés Supérieurs par lesquels il est prouvé [par les adversaires, de Congrégations monastiques, les Su- n.d.t.] que le Pape est soumis au jugement de périeurs généraux des congrégations cléri- l’Eglise, c’est-à-dire du Concile universel. cales exempts, mais pas des autres religions, Et afin [que je n’ai plus à] mettre ensemble à moins que le décret de convocation n’en Eglise et Concile [je précise qu’] ils sont pris dispose différemment; 7

catholiques qui pourraient et voudraient élire un Pape, étant donné que tous les évêques résidentiels (et autres prélats qui auraient juridiction) ou bien ont été nom- més invalidement par les antipapes ou bien sont de toute façon formellement hérétiques et hors de l’Eglise – adhérant aux erreurs de Vatican II – ou encore sont de toute façon en communion avec Jean-Paul II, chef de la nouvelle “Eglise conciliaire”. L’Eglise hié- rarchique aurait, en somme, totalement dis- paru, non seulement en acte et formelle- ment, mais aussi en puissance et matérielle- ment (13).

Les Evêques sans juridiction ne peuvent élire le Pape Nous avons vu que dans des circons- tances anormales l’élection du Pape – selon la pensée des théologiens qui ont traité de la Jésus-Christ est le Chef invisible de son Eglise (peinture question – revient au Concile général impar- de Masaccio, chapelle Brancacci, fait, autrement dit aux Evêques et prélats église Santa Maria del Carmine, Florence) qui jouissent, dans l’Eglise elle-même, d’une § 2. Les Evêques titulaires appelés au juridiction. Le Pape est, en effet, Evêque de Concile ont eux aussi le vote délibératif, à l’Eglise universelle: il est donc normal qu’ex- moins que ne soit explicitement prévu le ceptionnellement ce soient les prélats de contraire dans la convocation. l’Eglise universelle gouvernant, comme lui § 3. Les théologiens et canonistes éven- et au-dessous de lui, une portion du trou- tuellement invités au Concile ont seulement peau qui l’élisent. Nous avons vu aussi que un vote consultatif. par la nature même des choses, et en consé- Ce canon n’exprime pas seulement le quence de ce qui a été dit, sont exclus du droit positif mais aussi la nature même des nombre des électeurs per accidens du Pape, choses. Notons, en effet, que les Evêques ti- les Evêques titulaires, Evêques consacrés tulaires, privés de juridiction, peuvent ne pas avec le mandat romain mais privés de juri- être convoqués au Concile ou ne pas avoir diction dans l’Eglise. droit de vote. Au contraire, les Cardinaux, A plus forte raison sont exclus du nombre les Evêques résidentiels, les Abbés ou les des électeurs – précisément parce qu’exclus prélats nullius (11) même non consacrés du Concile général – les Evêques consacrés évêques participent de droit au Concile, sans mandat romain dans les conditions ex- parce qu’ils ont juridiction sur un territoire ceptionnelles de la vacance actuelle (for- (12). Ce qui signifie qu’en soi le critère pour melle) du Siège Apostolique. Ces Evêques être membre du Concile est d’appartenir à la ont en effet été consacrés validement et hiérarchie en raison de la juridiction et non même, à notre avis, – au moins dans certains de l’ordre sacré (pour cette distinction, de cas – licitement; mais cependant ils sont – de droit divin, voir le can. 108§3). la façon la plus absolue – privés de juridic- Les choses étant ce qu’elles sont, il nous tion par le fait que l’Evêque reçoit de Dieu la semble que Mgr Pivarunas (et avec lui, tous juridiction seulement par l’intermédiaire du les sédévacantistes simpliciter, ceux par Pape, intermédiaire exclu dans notre cas (14). conséquent qui ne suivent pas la thèse du Etant privés de juridiction, ils n’appartien- Père Guérard des Lauriers) n’ont pas répon- nent pas à la hiérarchie de l’Eglise selon la du suffisamment à la difficulté posée par la juridiction, ce pour quoi ils ne sont pas Fraternité Saint Pie X. En effet, dans une membres de droit du Concile et ne sont donc position strictement sédévacantiste, on ne pas habilités à élire validement le Pape, pas voit pas où sont les évêques résidentiels même dans des cas extraordinaires. 8

Ce point de doctrine, déjà établi en soi, la Sainte Eglise Romaine, l’intervention de est confirmé par l’impossibilité pratique tout autre dignitaire ecclésiastique ou pouvoir d’élire un Pape sûr et non douteux en sui- laïc de quelque grade ou ordre que ce soit, vant cette voie. Qui pourra établir de façon étant absolument exclue et écartée”. Au n. 81, certaine, parmi les nombreux Evêques qui saint Pie X renouvelle la condamnation du ont été et seront encore consacrés de cette soi-disant droit de Veto ou d’Exclusive du manière, ceux qui ont le droit de participer à pouvoir laïc déjà sanctionnée par lui-même l’élection et ceux qui ne l’ont pas ? Qui a le dans la Constitution Commissum nobis du droit de convoquer le Conclave et qui ne l’a 20 janvier 1904, et il conclut: “Cette interdic- pas ? Qui peut être considéré comme légiti- tion, nous voulons qu’elle soit étendue à toute mement consacré et qui non ? En l’absence intervention, intercession ou autre moyen par de critère de discernement (le mandat ro- lequel les autorités laïques, de quelque ordre main, le siège résidentiel) il n’y a pas de li- ou grade qu’elles soient, voudraient s’immis- mites en soi à ces consécrations ni de la part cer dans les élections du Pontife”. Le saint de qui les peut autoriser (le Pape) ni en ce Pontife fait allusion à ce qui arriva durant le qui concerne la portion de territoire à gou- Conclave qui l’élit au Souverain Pontificat, verner (le diocèse). Le nombre des électeurs lorsque l’Empereur François-, par peut donc croître démesurément sans au- l’entremise du Cardinal Archevêque de cune garantie de leur catholicité, comme il Cracovie, mit son veto à l’élection du cardi- est advenu concrètement. Et de fait il a déjà nal Mariano Rampolla del Tindaro, ancien été procédé à diverses élections qui n’ont eu secrétaire d’Etat de Léon XIII. Dans la aucune suite, pas même parmi les partisans Constitution Commissum, saint Pie X af- du ‘conclavisme’, toujours prêts à ‘faire le firme que ce présumé droit de “Veto” déjà pas’, mais seulement en théorie. condamné par ses prédécesseurs Pie IV (In eligendis), Grégoire XV (Æterni Patris), A plus forte raison, les laïcs ne peuvent élire Clément XII (Apostolatus officium) et Pie le Pape IX (In hac sublimi, Licet per Apostolicas et Consulturi) est contraire à la liberté de Si les Evêques titulaires, pourtant nommés l’Eglise. Son office, écrit le Saint Pontife, est par le Pape, ne peuvent élire le Pape, si ne le celui de faire en sorte que “la vie de l’Eglise peuvent pas non plus les Evêques purement se déroule de manière absolument libre, étant consacrés, sans mandat romain, de simples éloignée toute intervention externe, comme le prêtres le peuvent encore moins. Quant aux voulut son Divin Fondateur, et comme le laïcs, ils sont exclus de façon plus radicale en- requiert absolument sa mission sublime. core de toute élection ecclésiastique. Or, s’il est une fonction dans la vie de l’Eglise Cette conclusion est confirmée par le droit qui requiert plus que toute autre cette liberté, positif de l’Eglise, tant pour ce qui regarde on doit considérer sans aucun doute que c’est toute élection ecclésiastique en général que celle concernant l’élection du Pontife pour ce qui concerne l’élection du Pape. Romain; en effet ‘il ne s’agit pas d’un A propos de toute élection ecclésias- membre, mais de tout le corps, quand il s’agit tique, le canon 166 stipule que “si des laïcs du chef’ (Grégoire XV, Æterni Patris)”. s’immisçaient d’une façon quelconque dans L’exclusion de l’intervention des autorités une élection ecclésiastique, de manière à en- civiles inclut naturellement celle de tout traver la liberté canonique, l’élection serait membre du laïcat quel qu’il soit: “Nous éta- nulle de plein droit” (Si laici contra canoni- blissons qu’il n’est licite à personne, pas cam libertatem electioni ecclesiasticæ quoque même aux chefs d’état, quel qu’en soit le pré- modo sese immiscuerint, electio ipso iure in- texte, de s’interposer ou de s’ingérer dans les valida est). graves questions de l’élection du Pontife Pour l’élection papale, c’est la constitu- Romain”. tion Vacante Sede Apostolica du 25 dé- Comme on voit, l’exclusion de toute in- cembre 1904, promulguée à cet effet par tervention laïque est considérée par saint Saint Pie X, qui fait autorité. Le principe gé- Pie X non comme une disposition transi- néral est exprimé au n. 27: “Le droit d’élire toire, mais comme absolument nécessaire le Souverain Pontife revient uniquement et pour que l’Eglise soit comme l’a voulu son exclusivement (privative) aux Cardinaux de Fondateur, Jésus-Christ. 9

Ce qui est établi par le Code de Droit cardinaux, qui sont les premiers parmi les Canon et par saint Pie X est parfaitement clercs romains, en sorte que c’est au clergé ro- conforme à toute la tradition. Le Code lui- main qu’aujourd’hui l’élection du pape est de même renvoie au Corpus Iuris canonici nouveau confiée” (op. cit., p. 977) (15). (l’ancien droit ecclésiastique) où les décré- Donc, pour le peuple des fidèles, un vote tales de Grégoire IX (livre I, titre VI, de seulement consultatif ou approbatif; et il en electione et electi potestate) prévoient l’invali- est ainsi par une exigence dogmatique fon- dité de l’élection faite par les laïcs: le cha- dée sur la distinction et la subordination qui pitre 43 cite le IVème Concile du Latran de existent dans l’Eglise entre clergé et fidèles, 1215 (Constitution XXV: Quiconque consent distinction qui est de droit divin. C’est ce à sa propre élection faite abusivement par le que rappelle, entre autres, le Cardinal pouvoir séculier, contre la liberté canonique, Mazzella, théologien romain: perd l’élection et devient inéligible…”); au “En troisième lieu, des mêmes documents, chapitre 56 est cité un document de ressort et la distinction entre Clercs et Laïcs, Grégoire IX de 1226 par lequel est déclarée et le fait que la hiérarchie constituée dans invalide l’élection d’un évêque faite par les l’ordre clérical soit de droit divin; et par laïcs et par les chanoines, selon une habitude conséquent que par le même droit divin, la appelée plutôt “corruption”. forme démocratique est exclue du gouverne- Nous pourrions citer d’autres documents ment de l’Eglise. Cette forme démocratique ecclésiastiques à ce propos, parmi lesquels subsiste quand l’autorité suprême se trouve divers Conciles œcuméniques: le second dans toute la multitude; non en ce sens que Concile de Nicée de l’an 787 (DS 604), le se- toute la multitude commande et gouverne en cond de de l’an 870 (DS acte, ce qui serait impossible; mais en ce sens 659), le premier Concile du Latran, de 1123, que – comme dit Bellarmin (de Rom. Pont. contre les investitures des laïcs (DS 712)… L. 1, c. 6) – là où le régime populaire est en Si, dans le passé, l’Eglise avait à défendre vigueur, les magistrats sont constitués par le sa liberté de l’influence des Princes dans les peuple même, et reçoivent de lui leur autorité; élections, avec la Révolution elle eut à la dé- ne pouvant légiférer lui-même, le peuple doit fendre de la prétention démocratique de faire au moins instituer des représentants qui le élire les Evêques par le peuple. C’est ainsi font en son nom’. Mais, étant supposée une que le Pape Pie VI, par le Bref Quod aliquan- hiérarchie divinement constituée dans l’ordre tulum du 10 mars 1791, condamna la Cons- clérical, c’est à elle et non à tout le peuple que titution civile du clergé votée par l’As- l’autorité a été communiquée par le Christ; et semblée nationale. Ce n’est pas un hasard si par conséquent c’est par institution du le Pape Braschi reliait les décisions des révo- Christ que le droit de constituer les gouver- lutionnaires français en la matière avec les nants ne réside pas dans le peuple, et que plus anciennes erreurs de Wyclif, Marsile de ceux-ci ne gouvernent pas l’Eglise au nom du Padoue, Jean de Jandun et Calvin (cf. peuple. Pour une meilleure compréhension Enseignements Pontificaux – l’Eglise, 81-82, de ceci, observons: et Pie VI, Ecrits sur la Révolution française, 1) comme dit Bellarmin (de mem. Eccles. L. Ed. Pamphiliennes, pp. 16-20). 1 c. 2), ‘dans la création des Evêques Quelle est alors la valeur de la participa- sont contenues trois choses: l’élection, tion populaire à certaines anciennes élec- l’ et la vocation ou mission; tions ? C’est encore Journet qui le rappelle: l’élection n’est rien d’autre que la dési- “Au cours du temps ont pris part à l’élection, gnation d’une personne déterminée à la à des titres divers: le clergé romain (par un prélature ecclésiastique; l’ordination est titre qui semble premier et direct), le peuple une cérémonie sacrée par laquelle, au (mais pour autant qu’il donnait son moyen d’un rite déterminé, le futur consentement et son approbation à l’élec- Evêque est oint et consacré; la mission tion faite par le clergé), les princes séculiers ou vocation confère la juridiction, et par (soit d’une manière licite en donnant simple- le fait même fait le pasteur et le prélat’. ment leur consentement et leur appui à l’élu; 2) Aussi le fait d’élire, de demander et de soit d’une manière abusive en interdisant, rendre témoignage sont choses très diffé- comme fit Justinien, que l’élu fût consacré rentes. En effet, qui rend témoignage en avant l’approbation de l’empereur), enfin les faveur de quelqu’un ou demande qu’un 10

tel soit élu, ne lui confère pas un droit à dits suburbicaires (eux aussi Cardinaux). obtenir une dignité; il joue seulement le Cajetan écrit qu’il est normal que le Pape rôle d’une personne qui loue et de- soit élu par son église qui est l’église romaine mande. Celui par contre qui élit, appelle et l’Eglise universelle, parce que le Pape est canoniquement à la dignité, et confère l’Evêque de et l’Evêque de l’Eglise un vrai droit à la recevoir (…)” (16). Catholique (n° 746). Cajetan prévoit même En résumé, dans les élections ecclésias- que «tous les Cardinaux étant morts, leur suc- tiques le peuple peut rendre témoignage des cède de façon immédiate [dans le pouvoir qualités d’un sujet (testimonium reddere) et d’élire le Pape] l’Eglise Romaine, par laquelle en demander l’élection (petere) mais il ne fut élu [le Pape saint] Lin avant toute disposi- peut absolument pas voter dans un élection tion de droit humain à notre connaissance» canonique, et donc élire un candidat à une (n° 745). “L’Eglise Romaine” en effet “repré- charge ecclésiastique en lui donnant le droit sente l’Eglise universelle dans le pouvoir élec- de recevoir – en tant que personne élue – tif” (n° 746). Comme nous avons fait au sujet cette charge. Et cette conclusion se fonde de l’“Eglise universelle”, nous devons nous sur un principe qui appartient à la foi et à la demander qui sont les membres de l’“Eglise volonté du Seigneur: c’est-à-dire le fait que Romaine” qui pourraient élire le Pape à dé- l’Eglise n’est pas une société démocratique, faut des Cardinaux qui, de cette Eglise ro- mais hiérarchique (et même monarchique) maine, sont les membres principaux. Cajetan (17) fondée sur la distinction – de droit divin explique (n° 202): le fait que l’élection re- – entre Clergé et Laïcs. ¨Les “traditiona- vienne à tel ou tel diacre ou prêtre des listes” qui attribuent à des personnes qui ne églises romaines, dits Cardinaux, et non à font pas partie de la hiérarchie de juridic- d’autres (comme par exemple les chanoines tion, et même à de simples fidèles, le pou- de Saint-Pierre ou de Saint-Jean-de-Latran), voir d’élire jusqu’au Souverain Pontife, sont ou à tel ou tel autre Evêque suburbicaire, et paradoxalement pollués par l’hérésie d’une non à d’autres, est disposition de droit positif Eglise démocratique très répandue parmi les ecclésiastique et non de droit divin. L’Eglise “modernistes” style “communauté de base” ne peut changer ces dispositions de droit ec- ou “l’Eglise c’est nous”. clésiastique (n° 202), mais en cas de dispari- tion de tous les cardinaux on peut supposer Le Clergé romain et l’élection du Pape que les autres membres du clergé romain pourraient élire leur propre Evêque. Il est Nous avons exclu du pouvoir d’élire le évident que pour être membres du clergé ro- Pape les laïcs et les Evêques sans juridiction Saint Pierre en la personne de ses successeurs est le Chef (à plus forte raison les simples prêtres). Il visible de l’Eglise (Masaccio, église del Carmine, nous reste à voir un sujet particulier du droit Florence) d’élire le Pape: le clergé romain. Si “le pou- voir d’élire le Pape appartient, de par la na- ture des choses, et donc de par le droit divin” – écrit Journet à la p. 977 – “à l’Eglise prise avec son chef, le mode concret dont se fera l’élection, dit Jean de Saint-Thomas, n’a nulle part été marqué dans l’Ecriture: c’est le simple droit ecclésiastique qui déterminera quelles personnes dans l’Eglise pourront vali- dement procéder à l’élection”. Le droit ecclésiastique actuel (et ce à par- tir de 1179) prévoit que seuls les Cardinaux peuvent élire validement le Pape. C’est ainsi que se maintient la plus ancienne tradition ecclésiastique qui veut que l’Evêque soit élu par son clergé et les Evêques voisins. Les Cardinaux sont en effet les membres princi- paux du Clergé romain (diacres et prêtres), unis aux Evêques des diocèses limitrophes, 11 main il ne suffit pas d’être nés ou de résider à Guérard après son exposition de cette hypo- Rome ! Il faut être incardiné dans le diocèse thèse, il me semble qu’en ce qui concerne sa et probablement avoir la charge pastorale du possibilité théologique, Mgr Sanborn a peuple romain ou des diocèses limitrophes. Il donné une réponse correcte: est facile de se rendre compte que même en “Les sédévacantistes complets avancent ce cas on ne voit pas qui pourrait, concrète- une seconde solution à la crise actuelle: c’est ment, pouvoir ou vouloir élire le Pape, vu le Christ Lui-même qui, par une intervention que le clergé romain (curés, évêques limi- miraculeuse, désignera un successeur. Si trophes, etc.) est actuellement en commu- Notre-Seigneur agissait ainsi, et à coup sûr Il nion avec Jean-Paul II. le pourrait, l’homme qu’il choisirait pour être pape serait très certainement son vicaire sur Le Pape ne peut être désigné directement la terre, mais il ne serait pas le successeur de par le Ciel (parce que Dieu ne le veut pas) saint Pierre. L’apostolicité disparaîtrait, parce que cet homme ne pourrait remonter sa Face à la situation si grave que vit lignée jusqu’à saint Pierre par une ligne de l’Eglise, et qui a mené à la privation de succession légitime ininterrompue. Certes, il l’Autorité, certains ont pensé que la solution serait, comme saint Pierre, choisi par le ne pouvait venir que d’une intervention – Christ. Mais en réalité, Notre-Seigneur crée- exceptionnelle – de Dieu. Cette pensée se rait une nouvelle Eglise”. fonde sur une intuition vraie: l’histoire et Q. Mais Notre-Seigneur ne serait-Il pas l’Eglise sont entre les mains de Dieu, et un électeur légitime ? Pourquoi ne pourrait- “rien n’est impossible à Dieu” (Lc I, 37). Il pas choisir un pape qui serait aussi succes- Parmi eux certains ont pensé à une interven- seur de saint Pierre ? tion d’Enoch et Elie, identifiés (à tort, à R. Oui, de toute évidence, Notre mon avis) aux deux témoins de l’Apo- Seigneur pourrait choisir un pape, exacte- calypse. D’autres ont émis l’hypothèse de la ment comme il a choisi saint Pierre ? Mais survivance de l’Apôtre Jean. D’autres enco- une intervention divine du type de celle re ont imaginé une élection papale faite di- qu’imaginent les sédévacantistes complets rectement par le Christ et par les Apôtres équivaudrait à une nouvelle révélation pu- Pierre et Paul (18). Et il ne manque pas de blique, ce qui est impossible. La révélation gens à avoir publié des prophéties de publique est définitivement close avec la en faveur de cette opinion (19). mort du dernier apôtre. C’est un article de Mgr Guérard des Lauriers, dans son in- foi. Toutes les révélations qui ont eu lieu terview à Sodalitium (n° 13, p. 22) affirme à après la mort du dernier apôtre sont du do- propos du sédévacantisme complet: “La per- maine des révélations privées. Pour les sédé- sonne physique ou morale qui a, dans vacantistes complets, c’est donc une révéla- l’Eglise, qualité pour déclarer la vacance tota- tion privée qui révèlerait l’identité du Pape. le du Siège Apostolique est identique à celle Il va sans dire qu’une telle solution dé- qui a, dans l’Eglise, qualité pour pourvoir à truit la visibilité et la légalité de l’Eglise ca- la provision du même Siège apostolique. Qui tholique, et rend son existence même dépen- déclare actuellement ‘Mgr Wojtyla n’est pas dante de voyants. Il va sans dire aussi qu’elle pape du tout’ [pas même materialiter], doit: livre la papauté aux élucubrations des appa- ou bien convoquer le Conclave [!] ou bien ritionistes. montrer les lettres de créance qui l’instituent La mission de l’Eglise, c’est de faire directement et immédiatement Légat de connaître la divine révélation au monde. Si Notre-Seigneur Jésus-Christ [!!]”. Nous la désignation du pape – celui-là même qui avons démontré jusque là l’impossibilité, fait connaître cette révélation – dépendait rebus sic stantibus, de convoquer un d’une révélation privée, tout le système s’ef- Conclave; voyons dans le présent chapitre fondrerait. La plus haute autorité de l’Eglise s’il est possible à quelqu’un de se présenter serait alors le voyant, qui pourrait faire ou avec les lettres de créances qui le constitue- défaire les papes. Il n’y aurait plus aucun raient Légat de Jésus-Christ ou son Vicaire. principe d’autorité par lequel déterminer si Au-delà de l’improbabilité factuelle d’un le voyant est un mystificateur ou non. Tout semblable événement, soulignée par les acte de foi dépendrait en fin de compte de deux points d’exclamation apposés par Mgr l’honnêteté d’un voyant. 12

Au contraire, l’Eglise catholique est une Pape assis sur la Chaire de Pierre: pendant la société visible, et elle a une vie légale. vacance du Siège (par exemple dans la pé- Notre-Seigneur est la tête invisible de riode entre la mort d’un Pape et l’élection de l’Eglise. L’Eglise ne pourrait plus prétendre son successeur) cela n’arrive pas. En quel sens à la visibilité si sa hiérarchie était désignée faut-il alors entendre la définition vaticane ? par un personnage invisible, fût-ce Notre- C’est encore Cajetan qui nous l’explique: Seigneur Lui-même. – par anticipation – “impossibile est Même en admettant un seul instant cette Ecclesiam relinqui absque Papa et potestate possibilité, il ne fait aucun doute que celui electiva Papæ: il est impossible que l’Eglise que Notre-Seigneur désignerait ne serait pas soit laissée sans Pape et sans le pouvoir un successeur légitime de saint Pierre. La d’élire le Pape” (n. 744). Par conséquent, succession n’est légitime que si elle remplit pendant la vacance du Siège, il doit rester en les exigences du droit ecclésiastique ou de quelque façon la personne morale qui peut l’usage établi. Mais une succession par inter- élire le Pape: “papatus, secluso Papa, non est vention divine ne remplit ni l’une ni l’autre in Ecclesia nisi in potentia ministraliter elec- de ces exigences. Par conséquent, le pape tiva, quia scilicet potest, Sede vacante, ainsi désigné ne serait pas le successeur légi- Papam eligere, per Cardinales, vel per seip- time de saint Pierre” (20). sam in casu: la papauté, une fois enlevé le Jésus pourrait donc (de “puissance abso- Pape, se trouve dans l’Eglise seulement en lue”) choisir de nouveau un Pape, mais Il ne une puissance ministériellement élective, car le fera jamais (21) (c’est impossible de “puis- elle [l’Eglise] peut, durant la vacance du sance ordonnée”) parce que c’est Lui-même Siège, élire le Pape par l’intermédiaire des qui a établi que Son Eglise, fondée sur Pierre, Cardinaux ou, en circonstance (accidentelle) serait indéfectible; “les portes de l’enfer ne d’elle-même” (210). prévaudront pas contre elle”. Et cette vérité Il est donc absolument nécessaire que – de l’indéfectibilité de l’Eglise nous donne pendant la vacance du Siège – subsiste en- déjà le motif de fond de ce que nous soute- core la possibilité d’élire le Pape: ce sont nons dans le titre du chapitre suivant. l’indéfectibilité et l’apostolicité de l’Eglise qui l’exigent (22). L’ Eglise ne peut rester totalement privée d’électeurs du Pape L’élection du Pape dans la situation actuelle de l’Eglise Le Concile Vatican I a solennellement défini: C’est là précisément l’objection soulevée “Si donc quelqu’un dit que ce n’est pas par Mgr Lefebvre aux sédévacantistes, et re- par l’institution du Christ ou de droit divin prise par l’abbé Scott contre Mgr Pivarunas. que saint Pierre a, et pour toujours, des suc- Certes, une objection ne peut annuler une cesseurs dans sa primauté sur l’Eglise univer- démonstration, et Mgr Pivarunas a raison – selle, ou que le Pontife romain n’est pas suc- et l’abbé Scott tort – sur le fait que le Siège cesseur de saint Pierre en cette primauté: qu’il est actuellement vacant. Mais nous avons vu soit anathème” (D.S. 3058, Const. Dogm. que si le sédévacantisme simpliciter est ca- Pastor Æternus, canon du chap. 2). pable de démontrer la vacance du Siège, il Qu’il y aura “toujours” un successeur de ne peut, par contre, expliquer comment sub- Pierre est donc vérité de foi; cette vérité fait siste encore aujourd’hui le pouvoir d’élire partie intégrante de celle concernant l’indé- un successeur. De toutes les diverses tenta- fectibilité de l’Eglise: si l’Eglise était privée tives d’explication analysées jusqu’ici, de Pape, elle n’existerait plus telle que l’a aucune n’est concluante: ni les simples fi- fondée Jésus. Pour revenir au cardinal dèles, ni les simples prêtres, ni même les Cajetan, “Christus Dominus statuit Petrum Evêques non résidentiels ne peuvent élire le in successoribus perpetuum: Le Seigneur Pape. Par ailleurs, dans la perspective stric- Jésus-Christ a établi (que) Pierre (soit fait) tement sédévacantiste, il n’y aurait plus ac- perpétuel en ses successeurs” (n. 746). tuellement ni cardinaux ni Evêques résiden- Naturellement, cette définition ne peut et tiels catholiques, puisque tous ceux qui exis- ne doit pas être entendue dans le sens qu’il y tent ont adhéré à l’“Eglise conciliaire”, de- aura toujours, à chaque instant, en acte, un venant ainsi formellement hérétiques. L’unique solution possible à cette diffi- culté vient, à notre avis, de la Thèse dite de Cassiciacum, exposée par le Père Guérard des Lauriers, Thèse que les sédévacantistes s’obstinent à refuser sans se rendre compte qu’elle est la seule qui permette de défendre vraiment la thèse du Siège vacant. Selon cette Thèse, dans la situation ac- tuelle de l’autorité dans l’Eglise, le pouvoir d’élire le Souverain Pontife subsiste encore dans l’Eglise, non en acte, formellement, mais en puissance, matériellement, et c’est suffisant pour assurer la continuité de la Succession Apostolique et pour garantir l’in- défectibilité de l’Eglise. Pour le moment, une élection du Pape est impossible et parce que le Siège est enco- re occupé matériellement et légalement par Jean-Paul II, et parce que, comme nous l’avons démontré dans cet article, il n’y a pas, en acte, d’électeurs capables de procé- der à cette élection. L’élection est cependant possible en puis- Après le conclave et l’élection, les cardinaux prêtent sance, d’une part parce qu’en principe il ne obéissance au nouveau Pape (ici Pie XII) peut en être autrement, comme nous l’avons vu, d’autre part parce que, de fait, les élec- Quel est actuellement le devoir des ca- teurs canoniquement habilités à élire le Pape tholiques ? Avant tout, conserver la foi. Ce existent matériellement. Selon la Thèse, en devoir (de conserver la foi) en implique (en effet, les Cardinaux créés par des “papes” ma- soi) immédiatement un autre: celui de ne terialiter conservent le pouvoir d’élire le pas reconnaître “l’autorité” de Jean-Paul II Pontife, de même que les Evêques nommés et du Concile Vatican II. Reconnaître “l’au- par des “papes” materialiter aux divers sièges torité” de Jean-Paul II et du Concile Vatican épiscopaux, les occupent matériellement et II implique en effet l’adhésion à leur ensei- pourraient, une fois revenus à la profession gnement qui est – sur certains points – en publique et intégrale de la Foi, être électeurs contradiction avec la foi catholique infailli- du Pape en l’absence de Cardinaux. Le blement définie par l’Eglise. “pape” lui-même qui n’occupe que matériel- Mais le simple catholique ne peut et ne lement le Siège, pourrait, anathémisant toutes doit pas aller au-delà. Ce n’est pas au simple les erreurs et professant intégralement la Foi, fidèle (pas même aux prêtres et aux évêques devenir à tous les effets Pape formellement. sans juridiction) de déclarer avec autorité, of- Comme on peut voir, la Thèse de Cassiciacum ficiellement et légalement, la vacance du répond aux objections soulevées contre le sé- Siège apostolique et de pourvoir à l’élection dévacantisme par les “modernistes” et par les d’un Pontife authentique. Mais le devoir du “lefebvristes”, alors que les autre thèses sédé- catholique est de prier et de travailler, chacun vacantistes n’en sont pas capables. Pour la dé- à sa place et selon ses compétences, afin que monstration de ce point de la Thèse, nous ren- cette déclaration officielle – par le collège des voyons le lecteur à ce que nous avons déjà cardinaux ou du concile général imparfait – écrit à ce sujet (23). devienne possible. La tragédie de notre époque – qui dicte la gravité de la crise pré- Le devoir des catholiques sente – consiste justement dans le fait qu’aucun des membres de la hiérarchie n’a Arrivés à la fin de cette exposition, som- jusqu’à ce jour rempli ce rôle. Actuellement, maire évidemment, de la question de l’élection il semble impossible que les évêques ou les du Pape dans la situation actuelle de l’Eglise, cardinaux arrivent à condamner les erreurs nous pouvons tirer quelques conclusions. de Vatican II et mettent l’occupant du Siège 14 apostolique dans la condition d’anathémiser validité de l’élection ont été réalisées” (pp. lui aussi ces erreurs, sous peine d’être déclaré 977-978). Ce qu’affirme Journet se retrouve formellement hérétique (et donc déposé, chez presque tous les théologiens. aussi matériellement, du Siège); mais, rappe- Cette doctrine inclut une objection très lons-le, ce qui est impossible aux hommes est grave contre tout sédévacantisme (y compris possible à Dieu. Et pour ce qui est de notre notre Thèse). L’abbé Lucien ne cachait pas question, nous savons que Dieu ne peut cette difficulté lorsqu’il écrivait: “Sans ré- abandonner Son Eglise, puisque les portes de pondre à notre argumentation, quelques-uns l’enfer ne prévaudront pas contre Elle, et déclarent qu’elle [notre thèse] est certaine- qu’Il sera avec Elle jusqu’à la fin du monde. ment fausse, car sa conclusion, selon eux, est contraire à la foi ou au moins proche de l’hé- APPENDICE résie. Ils rappellent en effet que la légitimité d’un Pape est un fait dogmatique, et ils ajou- Restent deux problèmes, toujours à pro- tent que le signe infaillible de cette légitimité pos de l’élection du Pape, ne se rattachant est l’adhésion de l’Eglise universelle. Or, pas directement à notre question (la possibi- font-ils remarquer, pendant plusieurs années lité d’élire un Pape dans l’état actuel des après le 7 décembre 1965 [date à partir de la- choses): celui de la certitude de la validité de quelle Paul VI n’était certainement plus l’élection à cause de l’acceptation pacifique Pape formellement], personne n’a mis en de cette élection du Pape par l’Eglise, et cause publiquement, dans l’Eglise, la légiti- celui de la sainteté de l’élection. Journet en mité de Paul VI. Il est donc impossible, parle dans l’œuvre citée. J’en dirai quelques concluent-ils, qu’il ait cessé d’être Pape légiti- mots, moi aussi, car il y a là deux arguments me à cette date, puisque l’Eglise universelle le pouvant servir d’objection à notre position reconnaissait toujours. Ces objecteurs affir- (la vacance formelle du Siège apostolique). ment également qu’aujourd’hui encore l’Eglise universelle adhère à Jean-Paul II, - L’acceptation pacifique comme certitude de puisqu’aucun membre de la hiérarchie ma- la validité de l’élection du pape gistérielle ne l’a récusé: or cette hiérarchie (l’ensemble des évêques résidentiels unis au Une élection, fût-elle même l’élection du pape) représente authentiquement l’Eglise Pape, peut être invalide ou douteuse; dans la universelle” (24). Je renvoie le lecteur à la ré- ligne de Jean-de-Saint-Thomas, le même ponse magistrale que donne l’abbé Lucien à Journet nous le rappelle (L’élection du Pape. cette objection. D’un côté, il rappelle que la V. Validité et certitude de l’élection). Constitution Cum ex apostolatus du Pape “L’Eglise – écrit Journet – possède le droit Paul IV – qui, même si elle n’a plus valeur d’élire le pape, et donc le droit de connaître juridique, reste toujours un acte du magis- avec certitude l’élu.Tant que persiste le doute tère – enseigne une doctrine contraire (la sur l’élection et que le consentement tacite de thèse de l’acceptation pacifique de l’Eglise l’Eglise universelle n’est pas venu remédier comme preuve certaine de la validité d’une aux vices possibles de l’élection, il n’y a pas élection, est donc seulement opinion théolo- de pape, papa dubius, papa nullus. En effet, gique). Par ailleurs, il souligne que cette opi- fait remarquer Jean-de-Saint-Thomas, tant nion se fonde sur le fait qu’il est impossible que l’életion pacifique et certaine n’est pas que l’Eglise entière suive une fausse règle de manifeste, l’élection est censée durer encore” foi, adhérent à un faux pontife: ce serait en (p. 978). Toutefois, toute incertitude sur la contradiction avec l’indéfectibilité de validité de l’élection est dissipée par l’accep- l’Eglise. Or, dans notre cas, parmi ceux qui tation pacifique de l’élection faite par reconnaissent la légitimité de Paul VI et de l’Eglise universelle: “L’acceptation pacifique Jean-Paul II, il en est beaucoup qui n’adhè- de l’Eglise universelle s’unissant actuellement rent pas aux nouveautés de Vatican II; de à tel élu comme au chef auquel elle se sou- fait, ils ne reconnaissent pas Paul VI et Jean- met, est un acte où l’Eglise engage sa desti- Paul comme règle de la foi et donc, toujours née. C’est donc un acte de soi infaillible, et il de fait, ils n’en reconnaissent pas la légitimi- est immédiatement connaissable comme tel. té (cf. pp. 108-111). Bref, le fait que de nom- (Conséquemment et médiatement, il apparaî- breux catholiques, implicitement ou ex- tra que toutes les conditions prérequises à la plicitement, n’aient pas accepté Vatican II 15

mal qu’ils peuvent faire, n’a pu vouloir, ou du moins permettre cette élection que pour des fins spirituelles, dont la bonté ou bien se manifestera parfois sans tarder dans le cours de l’histoire, ou bien sera gardée secrète jusqu’à la révélation du dernier jour. Mais ce sont là des mystères dans lesquels la foi seule peut pénétrer” (pp. 978-979). Bref, la divine Providence veille de manière toute spéciale sur l’Eglise, mais cela n’empêche pas que parfois l’élection du pape puisse être nulle, douteuse, ou bien, si elle est valide, qu’elle ait pour objet une personne moins digne de cette charge qu’une autre. Aux derniers conclaves, Dieu a donc pu permettre, pour des motifs impénétrables, que soient élus des sujets qui n’avaient pas objectivement la volonté habituelle de procurer le bien et la fin de l’Eglise, et que par conséquent, tout en étant les élus du Conclave (“papes” ma- terialiter), ils aient mis et mettent encore un Après l’élection par le conclave, le nouveau Pape est ac- clamé par le peuple de Rome obstacle à la réception, de la part de Dieu, de l’assistance divine et de l’autorité pontifi- enlève à la thèse de l’acceptation pacifique cale (ils ne sont pas “papes” formaliter), au- de l’Eglise sa force démonstrative quant à la torité qui, sans cet obstacle, aurait été confé- légitimité de qui a promulgué le Concile. rée à l’élu du conclave qui accepte réelle- ment l’élection. La sainteté de l’élection Notes Si l’objection précédente est effective- 1) Il est possible de se procurer La lettre Pro grege à ment importante, celle fondée sur la sainteté l’adresse suivante: Most Rev. Mark A. Pivarunas, de l’élection ne l’est pas du tout; mais Mater Dei Seminary, 7745 Military Avenue, Omaha, puisque de nombreux fidèles me l’on citée, il NE 68034-3356, U.S.A. me semble opportun de répondre, et avec 2) Peter Scott ne fait que reprendre les deux objec- tions déjà adoptées par Mgr Lefebvre en 1979: “La les paroles mêmes de Journet. Beaucoup de question de la visibilité de l’Eglise est trop nécessaire à gens, en effet, croient à tort que c’est le son existence pour que Dieu puisse l’omettre durant des Saint-Esprit qui garantit l’élection en inspi- décades. Le raisonnement de ceux qui affirment l’inexis- rant les cardinaux, ce pour quoi l’élu du tence du Pape met l’Eglise dans une situatuion inextri- Conclave serait choisi directement par Dieu. cable. Qui nous dira où est le futur Pape ? Comment pourra-t-il être désigné puisqu’il n’y a plus de cardi- Journet rappelle que, lorsqu’on parle de naux ?”. sainteté de l’élection papale, “On ne veut 3) Le Père O’Really était professeur à l’Université pas dire par ces mots que l’élection du pape catholique de Dublin. se fait toujours par une infaillible assistance 4) Mgr Pivarunas ne donne pas les références de la citation de Journet. Il s’agit de l’Excursus VIII, L’élec- puisqu’il est des cas où l’élection est invalide, tion du pape, de l’œuvre L’Eglise du Verbe Incarné, vol. où elle demeure douteuse, où elle reste donc I La Hiérarchie apostolique, p. 976, Ed. Saint Augustin, en suspens. On ne veut pas dire non plus que Saint-Just-la-Pendue 1998. Les caractères gras sont de le meilleur sujet soit nécessairement choisi. Mgr Pivarunas. On veut dire que, si l’élection est faite valide- 5) Après avoir convoqué le Concile Vatican I, Pie IX, par la Constitution apostolique Cum Romani ment (ce qui, en soi, est toujours un bienfait), Pontificibus du 4 décembre 1869, prit soin de préciser même quand elle résulterait d’intrigues et les conditions de l’élection pontificale, pour le cas où il d’interventions regrettables (mais alors ce qui mourrait durant le Concile. A l’exemple de Jules II est péché reste péché devant Dieu), on est cer- (pendant le cinquième concile du Latran) ainsi que de Paul III et de Pie IV (à l’occasion du Concile de tain que l’Esprit Saint qui, par-delà les papes, Trente), il établit que l’élection était du ressort exclusif veille d’une manière spéciale sur son Eglise, du Collège des Cardinaux, avec exclusion explicite des utilisant non seulement le bien, mais encore le Pères Conciliaires (Enseignements Pontificaux, 16

L’Eglise, n° 326). Cette prescription a été reprise par saint Pie X (Vacante Sede Apostolica, n. 28) et par Pie XII (Vacantis Apostolicæ Sedis, du 8 décembre 1945, n. 33). La prescription n’est pas seulement disciplinaire, elle a aussi un fondement dans le refus des théories conciliaristes. 6) Journet explique: “Au cas où les conditions pré- vues seraient devenues inapplicables, le soin d’en déter- miner de nouvelles échoirait à l’Eglise par dévolution, ce mot étant pris, comme le note Cajetan (Apologia de comparata auctoritate papæ et concilii, cap. XIII, n° 745), non pas au sens strict (c’est à l’autorité supérieure qu’il y a, au sens strict, dévolution en cas d’incurie de l’infé- rieur), mais au sens large, pour signifier toute transmis- sion, même faite à un inférieur” (op. cit. pp. 975-976). 7) Tommaso de Vio, dit Gaetano (Cajetan) du lieu de sa naissance Gaète, 1468-1533, entré chez les domini- cains en 1484, commence l’enseignement en 1493. Il est Maître général de l’ordre de 1508 à 1518, il participe au Vème Concile du Latran, est nommé Cardinal en 1517. En 1518 il est nommé légat du Saint-Siège pour procé- der contre Luther, et travaille à la rédaction de la bulle de Léon X, Exsurge Domine, contre l’hérésiarque. Evêque de Gaète en 1519, il est de nouveau légat, en Hongrie cette fois, de 1523 à 1524. Il est enseveli à Rome dans l’église de Santa Maria Sopra Minerva. “Cajetan est célèbre pour ses commentaires classiques de toute la somme théologique de saint Thomas, com- Le couronnement du nouveau Pape (ici Pie XII) mentaires auxquels demeurent liés et son nom et sa ré- putation impérissable… Particulièrement attaché au vero in eventibus et casibus, ut promisimus. Et quoniam Siège Apostolique, Cajetan en défendit en profondeur opposita iuta se posita magis elucescunt, afferam primo et avec brio les prérogatives dans son célèbre traité De rationes primarias in quibus consistit vis, quibus proba- auctoritate Papæ avec l’Apologie du même traité qui tur Papam subesse Ecclesiæ seu Consilii universalis iu- brisa les velléités conciliaristes de Pise (1511) et prépara dicio. Et ne contigat sæpius Ecclesiam et Consilium iun- par avance la condamnation de l’erreur gallicane. (…) gere, pro eodem sumantur, quoniam non nisi sicut re- Saint Robert Bellarmin le définit comme un “homme præsentans et repræsentatum distinguuntur”. d’intelligence supérieure et de non moins grande piété” 10) Nous disons “imparfait” parce qu’en l’absence L’Enciclopedia cattolica, rubrique De Vio. du Pape, un Concile général est précisément imparfait 8) «Le premier opuscule intitulé De comparatione auc- (cf. De comparatione, n° 231, où il est parlé du Concile toritatis Papæ et Concilii, fut composé par le Cardinal de Constance qui se réunit pour l’élection de Martin Cajetan – qui l’acheva le 12 octobre 1511 – en l’espace de V), en ce qu’il est privé de son Chef, lequel est le seul à deux mois. C’est à l’occasion du Concile schismatique de pouvoir convoquer, diriger et confirmer un Concile Pise, induit à cette époque par quelques cardinaux contre œcuménique (can. 222; Cajetan, op. cit., chap. XVI). le Pape Jules II, qu’il fut composé; c’est pourquoi l’auteur Nous rappelons que – selon Cajetan – c’est à ce Concile s’évertue à réfuter les thèses dites gallicanes, soutenues général imparfait que revient la charge de déposer le dès le XVème siècle à l’occasion du Concile de Constance; Pape hérétique (n° 230). et surtout la thèse d’Occam et de Gerson affirmant la su- 11) “Les prélats qui sont à la tête d’un territoire périorité du Concile sur le Pape. Contre (cette thèse), propre, séparé de tout diocèse avec clergé et peuple, Cajetan démontre (…) que le Pape en tant que successeur sont appelés Abbés ou Prélats ‘nullius, (c’est-à-dire de Pierre, jouit du primat, c’est-à-dire du plein et suprême n’appartenant à aucun diocèse…” (can. 319). Les pouvoir ecclésiastique avec toutes les prérogatives qui lui Prélats ou Abbés nullius doivent avoir les mêmes quali- sont annexes. Le Roi de France Louis XII soumit cette tés que celles requises en l’évêque (can. 320§2) et ont le œuvre à l’examen de l’Université de Paris qui confia la dé- même pouvoir ordinaire et les mêmes obligations que fense [de sa propre position] au jeune et éloquent auteur l’évêque résidentiel (can. 323§1) dont ils portent l’habit Jacques Almain. A l’opuscule composé par ce dernier, et les insignes liturgiques (can. 325) même s’ils sont pri- ‘De auctoritatæ Ecclesiæ, seu sacrorum Concilium eam re- vés du caractère épiscopal. présentantem, contra Thomam de Vio, Dominicanum’ 12) Les autres Abbés et les supérieurs de religions (Paris, Jean Granjon, 1512), Cajetan répondit par un autre cléricales exempts, quoique sans juridiction sur un terri- opuscule, l’Apologia de comparata auctoritate Papæ et toire, ont juridiction sur des personnes (leurs propres su- Concilii, achevé le 29 novembre 1512» (traduction du latin jets) indépendamment de l’Evêque diocésain. Ce sont faite par nos soins de l’introduction du Père Pollet, o.p., à donc des Ordinaires, même si non Ordinaires de lieu la réédition des deux opuscules de Cajetan, faite par (can. 198). Dans ce cas également, le critère pour partici- l’Angelicum, à Rome, en 1936). per au Concile est la juridiction et non l’ordre épiscopal. 9) “Examinata comparatione potestatis Papæ ad 13) Vu que cette position refuse la succession maté- Apostolos ratione sui apostolatus, comparanda modo rielle sur les sièges épiscopaux, admise au contraire par est Papæ potestas Ecclesiæ universalis seu Concilii uni- le sédévacantisme ‘formaliter’ mais non ‘materialiter’ versalis potestati, nunc quidem absolute, postmodum du Père Guérard des Lauriers. 17

14) Comme je l’ai déjà prouvé ailleurs (F. RICOSSA, Les sédévacantistes complets essaient de résoudre le Les consécrations épiscopales, C.L.S. Verrua Savoia problème de la succession apostolique de deux ma- 1997) l’Eglise enseigne que ce n’est pas par l’intermé- nières. La première est le conclavisme. Ils avancent que diaire de la Consécration mais seulement par l’intermé- l’Eglise est une société qui a le droit intrinsèque d’élire diaire du Pape que l’Evêque reçoit de Dieu la juridic- ses propres chefs. Par conséquent le petit reste de fi- tion, même si Vatican II enseigne le contraire. Il ne sert dèles pourrait se réunir et élire un Pape. En supposant à rien d’objecter contre cette doctrine enseignée à plu- que pareille tâche puisse être menée à bien, elle soulève sieurs reprises par le magistère ordinaire, en donnant plusieurs problèmes. Premièrement: qui serait légale- des exemples historiques d’élections (et consécrations) ment désigné pour voter ? Comment désignerait-on lé- épiscopales pendant la vacance du siège. Ces élections- galement ces électeurs ? Deuxièmement: au nom de là démontrent seulement la non illicéité – en cas de quel principe pourrait-on obliger les catholiques à re- siège vacant par exemple – de consécrations épisco- connaître comme successeur légitime de saint Pierre pales, mais ne démontrent pas que les élus aient joui de celui qui gagnerait pareille élection ? Le conclavisme la juridiction épiscopale, qu’ils ne reçurent, en fait, avec n’est en fait qu’un élégant euphémisme pour désigner le la confirmation de leur élection canonique, que du règne de l’anarchie où ce sont les plus féroces qui mè- Pape. Ce qui n’empêche pas qu’ils aient pu croire de nent la meute. L’Eglise catholique n’est pas une meute, bonne foi avoir juridiction déjà avant la confirmation mais une société divinement constituée régie par ses papale, étant donné que la doctrine que nous défendons propres règles et ses propres lois. Troisièmement, et (selon laquelle la juridiction épiscopale vient du Pape et c’est le plus, on ne peut pas passer du droit naturel des non de la consécration) a été précisée par le magistère à hommes à se choisir des chefs, au droit d’élire un Pape. des périodes postérieures à ces faits historiques, tandis L’Eglise n’est pas une institution naturelle au même qu’elle était encore discutée au Concile de Trente. Je si- titre qu’une société civile. Les membres de l’Eglise ca- gnale entre autres que la doctrine de Cajetan à ce pro- tholique n’ont en propre aucun droit naturel à désigner pos – en cela aussi, fidèle de saint Thomas – est le Pontife romain. C’est le Christ lui-même qui, à l’ori- celle que nous venons de rappeler (cf. n° 267). gin,e a choisi saint Pierre pour être le pontife romain et 15) Journet conclut en renvoyant au Dictionnaire de les modalités de désignation ont ensuite été fixées léga- théologie catholique, à la rubrique Election des papes, lement”. MGR DONALD J. SANBORN, Explanation of the pour “une exposition historique des diverses conditions Thesis of Bishop Guérard des Lauriers, 29/06/2002. dans lesquelles les papes ont été élus”. J’en profite pour S’adresser à l’auteur: Most Holy Trinity Seminary 2850 noter combien le DTC est décevant sur la question que Parent Warren, Michigan 48092 USA; bpsanborn@ca- nous sommes en train de traiter (et ce n’est pas un cas tholicrestoration.org. unique). Le rédacteur de la rubrique “élection des 21) Ce que nous avons affirmé n’est pas en contra- papes” se limite en effet à une exposition historique diction avec ce qu’a écrit Mgr Guérard des Lauriers omettant par contre les points de vue théologiques et dans la même interview publiée dans le n° 13 de dogmatiques qui sont bien plus importants: un point de Sodalitium: “faute de M. [c’est-à-dire de la personne vue qui a induit en erreur – par omission – beaucoup de morale, donc des Evêques résidentiels habilités à lecteurs et de chercheurs. convoquer un Concile général imparfait où l’on adres- 16) Camille Card. MAZZELLA, De Religione et serait à Jean-Paul II les monitions canoniques], pas de Ecclesia, Prælectiones Scolastico-Dogmaticæ, Roma résolution ‘canonique’ ! Jésus seul remettra l’Eglise en 1880. Je remercie Mgr Sanborn qui m’a signalé cette ci- ordre, dans et par le Triomphe de Sa Mère. Et il sera tation voilà des années (alors que c’est à moi que re- évident pour tous que le salut sera venu d’en-Haut” (p. vient toute la faute pour les erreurs de la traduction). 33). Cette intervention divine ne sera pas en effet 17) Cf. SAINT PIE X, E.P. Ex quo nono, 26/12/1910, contraire à la divine constitution de l’Eglise telle qu’elle Ds 3555, où est condamnée l’erreur opposée professée a été établie par Jésus Lui-même. Un retour des par les schismatiques orientaux. Récemment Joseph Evêques et/ou du “pape” materialiter à la profession Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine publique de la Foi serait (sera) par ailleurs un miracle de la Foi, a par contre nié que l’Eglise soit une monar- d’un ordre moral tellement extraordinaire qu’il serait à chie. mettre sur le même plan que la conversion de saint 18) Ce fut le cas – entre autres – du “voyant” de Paul. En quelles circonstances cela adviendra – t-il, Palmar de Troya, Clemente Dominguez, qui aurait été nous l’ignorons. élu Pape directement par le Ciel après la mort de Paul 22) Sur le sujet, le lecteur pourra lire avec profit ce VI. qu’a écrit le Père Goupil s.j. (L’Eglise, 5ème éd., Laval 19) Par exemple l’éditeur Delacroix qui a publié les 1946, pp. 48-49) et le commentaire qu’en fait B. Lucien “Visions de la Vénérable Elisabeth Canori Mora sur (La situation actuelle de l’autorité dans l’Eglise, l’intervention de Saint Pierre et Saint Paul à la fin des Bruxelles 1985, p. 103, n° 132). Voir aussi F. Ricossa, temps” et qui présente le livre comme une confirmation L’abbé Paladino et la Thèse de Cassiciacum, Verrua des conclusions du livre de l’abbé Paladino, L’Eglise Savoia, pp. 12-22). éclipsée ?, publié par le même éditeur, où il est fait allu- 23) B. LUCIEN, La situation actuelle de l’autorité dans sion (p. 274) à ces visions et à d’autres prophéties. l’Eglise. La Thèse de Cassiciacum, Bruxelles 1985, chap. 20) Pour être complet, je rapporte la réponse que X. D. SANBORN, De Papatu materiali, Verrua Savoia, Mgr Sanborn donne aux sédévacantistes qui – implicite- 2001. La revue Le sel de la terre conteste, dans son n° 41, ment ou explicitement – considèrent par contre, comme la démonstration donnée par Mgr Sanborn. Nous revien- possible la solution du Conclave: “Q. Pourquoi le sédé- drons sur la question dans le prochain numéro. vacantisme complet n’est-il pas viable? 24) B. LUCIEN, op. cit., p. 107. R. Parce qu’il prive l’Eglise du moyen d’élire un suc- cesseur légitime de saint Pierre. Il détruit fondamenta- lement l’apostolicité de l’Eglise. 18

DON CAMILLO, très chère à Guareschi), qu’un homme “déra- ciné” perd ses points de repère et que la “ré- GUARESCHI ET LE volution” est toujours imposée d’en-haut par CONCILE les “gens des villes” et les intellectuels.

Par M. l’abbé Ugolino Giugni « Mon Révérend, j’espère que ma lettre atteindra le reculé out le monde connaît certainement la fi- exil montagnard dans lequel vous a relégué Tgure de don Camillo, le prêtre du Bas- votre impétuosité qui ne diminue pas avec le Pays en lutte continuelle avec le maire com- nombre des années. muniste Peppone, créé par Giovannino Je connais l’histoire qui a commencé Guareschi. Si l’on n’a pas lu ses livres, on a quand le camarade maire, Peppone, s’est certainement vu les films magistralement in- mis à vous saluer en public: “Bonjour, cama- terprétés par Fernandel et Gino Cervi. rade Président!” Giovannino Guareschi est mort en 1968 Ensuite il est venu vous visiter à la cure et a eu le temps de voir le Concile Vatican II avec Smilzo, Bigio et Brusco pour vous dire qui s’est déroulé à Rome de 1962 à 1965. que, puisqu’il avait l’intention d’embellir la Dans cet article nous essayons de com- Maison du Peuple avec un beau balcon pour prendre à travers ses écrits ce que Guareschi les discours, il achèterait volontiers les co- pensait du Concile et de la révolution qu’il lonnes de marbre de la balustrade de l’autel apporta dans l’Eglise. En somme, don majeur, ainsi que les deux anges placés aux Camillo a-t-il survécu au Concile? Et si oui côtés du tabernacle. Il aurait voulu, dit-il (si de quelle manière? A-t-il dû faire lui aussi un mon informateur est digne de foi), les placer “aggiornamento” ou bien a-t-il rejoint les au-dessus de l’arche du portail d’entrée, rangs du clergé traditionaliste et clandestin? pour orner l’emblème du PCI (1). Vous verrez que la lecture de ces lignes ne Don Camillo, vous avez décroché du mur sera pas dépourvue de surprises, et nous per- le fusil et l’avez braqué devant Peppone et mettra de passer un agréable moment ac- ses amis en leur faisant trouver rapidement le compagné par la fine ironie du grand écri- chemin de la porte. Mais, croyez-moi, ce ne vain émilien. fut pas une réponse de bon joueur. Vous êtes dans le pétrin jusqu’aux yeux, Lettre à don Camillo mon Révérend, mais cette fois c’est de votre faute. Le jeune curé que vos supérieurs ont Le premier texte (et peut-être le plus signi- envoyé pour vous instruire sur le Rit Bolonais ficatif) est une lettre que Guareschi écrit dans (2) et pour vous aider à mettre l’église au goût les années 60 à don Camillo, qui à cause de du jour, n’est pas un Peppone quelconque et ses excès et de son refus de se mettre au goût vous ne pouviez pas le traiter ainsi. du jour, a été relégué dans une paroisse de Il venait à vous avec un mandat précis et, montagne perdue du diocèse. Son poste dans puisque votre église n’a aucune valeur artis- le Bas-Pays a été pris par le jeune prêtre mo- tique ou touristique particulière, le jeune et derniste don Chichì, qui a vendu tout le mobi- digne prêtre avait tout à fait le droit de pré- lier de l’église et met en pratique de manière tendre à l’abattage de la table de commu- impitoyable les directives du Concile. Il est in- nion et de l’autel, à l’élimination des cha- téressant de noter comment don Camillo, une pelles latérales et des niches avec leurs fois déraciné de sa terre et transféré dans la saints ridicules, tout comme les ex-voto, les montagne devient lui-même “révolutionnaire” chandeliers et, en somme, de toute la paco- et comment, en se rappelant les paroles de tille de ferblanterie, de bois et de plâtre don Chichì, il essaye d’expliquer aux monta- dorés qui, depuis la Réforme, transfor- gnards la réforme liturgique et de quelle ma- maient les églises en autant d’arrière-bou- nière ils la refusent en bloc et désertent eux tiques de brocanteurs. Don Camillo, vous aussi l’église (les réparties du vieil Antonio et avez sans doute vu à la télévision le de la vieille Romilda à don Camillo sont de “Lercaro Show” et la concélébration de la vraies perles d’antimodernisme), prouvant Messe dans le Rit Bolonais. Vous avez bien ainsi que le peuple est fondamentalement atta- vu la pauvreté suggestive du décor et la tou- ché à ses traditions et “traditionaliste” (idée chante simplicité de l’autel réduit à une 19

brant, et par la légitime satisfaction de ne plus devoir s’humilier en s’agenouillant pour recevoir l’hostie et de pouvoir la déglutir de- bout, traitant Dieu d’égal à égal comme a toujours fait le député Fanfani? Don Camillo: ce jeune prêtre avait raison et se battait pour la Sainte Cause parce que l’aggiornamento a été voulu par le Grand Pape Jean afin que l’Eglise “Epouse du Christ, puis- se montrer sa face sans tache ni ride”. C’est l’Eglise qui, jusqu’à hier simple- ment Catholique et Apostolique, devient (rappelle toujours Lercaro) “Eglise de Dieu”. Et vous, don Camillo, vous êtes resté en arrière de quelques siècles; vous êtes en- core arrêté au dernier Pape médiéval, à ce Pie XII qui aujourd’hui est publiquement in- sulté sur les scènes avec l’approbation (cf. la représentation du Vicaire à Florence) (3) des Etudiants Universitaires Catholiques, et qui, quand le producteur aura obtenu la subven- tion de l’Etat sera également insulté par les grands et les petits écrans. Fernandel interprétant don Camillo Don Camillo: vous ne vous en êtes même pas aperçu en assistant, à travers la Télé, à la table prolétaire. Comment auriez-vous pu consécration des nouveaux Cardinaux? prétendre placer au milieu de cette humble Vous n’avez pas entendu les applaudisse- table sacrée un machin haut de trois mètres ments fracassants adressés au nouveau comme votre fameux (quasi tristement cé- Cardinal-ouvrier Cardijn? lèbre) Crucifix que vous aimez tant? N’avez-vous pas entendu le Révérend Vous avez peut-être vu à la Télé, Présentateur de télévision préciser que le quelques jours après, comment était dressée nouveau Cardinal tchécoslovaque Beran est la sainte Table autour de laquelle le Pape et simplement sorti de son “état d’isolement”? les nouveaux Cardinaux ont concélébré le Don Camillo, ne vous êtes-vous pas Banquet Eucharistique. Ne vous êtes-vous aperçu comment les Supérieurs Hiérar- pas aperçu que le Crucifix situé au centre de chiques de l’Eglise évitent de parler de ce la Table était si petit et discret qu’il se Cardinal Mindszenty de Hongrie qui, avec confondait avec deux micros? une indiscipline blâmable, persiste dans Vous n’avez pas vu, en somme, comme l’ignorance de la Conciliation entre Eglise tout, dans la Maison de Dieu, doit être Catholique et Régime Soviétique et dans humble et pauvre de manière à faire ressor- l’accusation de payer l’hommage dû au soi- tir au maximum le caractère communautaire disant “Communisme Athée”, en considé- de l’Assemblée Liturgique dont le Prêtre est rant carrément valide une Excommunication seulement un concélébrant avec des fonc- Papale qui est aujourd’hui occasion de plai- tions de Président? santerie dans tous les patronages? Et vous n’avez pas vu, dans le second Pourquoi, don Camillo, refusez-vous de “Lercaro Show” télévisé (rubrique “Cor- comprendre? dialmente”), combien sont satisfaits, enthou- Pourquoi, quand le jeune prêtre qui vous a siastes même, les fidèles bolonais pour la été envoyé par l’Autorité Supérieure vous a nouvelle Messe en Rit Bolonais? expliqué qu’il fallait nettoyer l’église et vendre N’avez-vous pas vu comme ils étaient anges, chandeliers, Saints, Christs, Saintes tout excités, spécialement les jeunes et les Vierges et toutes les autres pacotilles parmi femmes, par le plaisir de concélébrer la lesquelles aussi votre fameux Christ crucifié, Messe au lieu d’y assister passivement, subis- pourquoi, dis-je, l’avez-vous empoigné par les sant la brimade du mystérieux latin du célé- nippes en le flanquant contre le mur? 20

N’avez-vous pas compris que sont en jeu Et vous, mon Révérend, vous avez dû les principes de base de l’Economie? Que installer l’église selon les nouvelles direc- sont en jeu des milliards et des milliards et la tives et ensuite, après avoir concélébré la sacrée intégrité de la Monnaie? première messe dans le Rit Bolonais, vous Quelle famille “bien”, aujourd’hui, vou- vous êtes entendu dire par des personnes drait se priver du plaisir de décorer sa mai- âgées que, tant que vous resterez dans le son avec un objet “sacré”? Qui peut renon- pays, ils ne viendront plus à la messe. cer à avoir dans son entrée un Saint Michel Don Camillo, tout se sait. Rappelant les utilisé comme portemanteau, ou dans sa paroles du petit prêtre, vous avez expliqué chambre un couple d’anges dorés en guise pourquoi, maintenant, la Messe doit être cé- de lampadaire, ou, dans son séjour, un ta- lébrée de cette façon et le vieil Antonio vous bernacle en guise de petit bar? a répondu: Don Camillo, la mode est une puissance “J’ai quatre-vingt-quinze ans, et pour le qui touche des milliers d’usines et des mil- peu qui me reste encore à vivre, la réserve des liers de milliards: la mode exige que chaque Messes en latin que je me suis faite en quatre- maison respectable possède un objet “sacré” vingt-dix années me suffit”. et la recherche est tellement enragée que si “Histoire de fous”, a ajouté la vieille nous n’introduisons pas sur le marché de Romilda. “Ces citadins voudraient nous faire l’ameublement Saints, Anges, rétables, croire que Dieu ne comprend plus le latin!” chandeliers, crucifix, Tabernacles, Christs, “Dieu comprend toutes les langues”, Vierges et ainsi de suite, les prix atteindront avez-vous répondu, “la Messe est célébrée en des chiffres hyperboliques. Et ceci sera pré- italien parce que vous devez la comprendre. judiciable à la sacrée intégrité de la Lire, ho- Et, au lieu d’y assister passivement, vous par- norée par les étrangers par l’Oscar des ticipez au rite sacré avec le prêtre”. Monnaies. “Quel monde!” a ricané Antonio. “Les L’Eglise ne peut plus se détourner de la prêtres ne sont plus capables de dire la Messe vie des laïcs et en ignorer les problèmes. tout seuls et veulent se faire aider par nous! Don Camillo, ne me faites pas perdre le Mais nous, nous devons prier pendant la nord. Vous êtes donc dans le pétrin mais Messe!” c’est entièrement de votre faute. “Justement; ainsi, vous priez tous ensemble Nous savons ceci: le petit prêtre qui vous avec le prêtre”, avez-vous essayé d’expliquer. a été envoyé par les supérieurs, vous a pro- Mais le vieil Antonio a secoué la tête: posé, une fois démoli le vieil autel, de le “Mon Révérend, chacun prie pour son remplacer non par une table commune compte. On ne peut pas prier in comuniorum. comme celle du “Lercaro Show”, mais par Chacun a ses affaires personnelles à confier à un banc de menuisier que le camarade Dieu. Et on vient à l’église exprès parce que le Peppone lui avait vilement fait offrir en ca- Christ est présent dans l’hostie consacrée et deau en lui en suggérant l’utilisation. Et ceci que, par conséquent, on le sent plus près. en rappelant que le Père Putatif du Christ Faites votre métier, Révérend, et nous, faisons était charpentier et que le petit Jésus, en- le nôtre. Autrement si vous êtes pareil que fant, l’avait souvent aidé à scier et à raboter nous, à quoi donc sert le prêtre? Tout le des planches. monde est capable de présider une assemblée. Don Camillo: il s’agit d’un jeune prêtre, Ne suis-je pas président de la coopérative des ingénu, plein de touchant enthousiasme. bûcherons? Et puis: pourquoi avez-vous sorti Pourquoi n’en avez-vous pas tenu compte et de l’église toutes les choses que nous avions of- l’avez-vous chassé de l’église à coups de pied fertes à Dieu avec nos sacrifices? Pour sculp- dans le derrière? ter ce Saint Antoine de châtaigner que vous Beau résultat, don Camillo. Maintenant, avez mis au grenier, mon père a mis huit ans. dans votre église, c’est le petit prêtre qui fait On comprend qu’il n’était pas un artiste, mais ce qui lui semble et vous vous trouvez confiné il y a mis toute sa passion et toute sa foi. C’est ici, dans la dernière misérable paroisse de la si vrai que lui et ma pauvre mère ne pouvant montagne. Un pays sans vie puisque hom- pas avoir d’enfants, dès que la statue a été ter- mes, femmes et enfants valides travaillent minée et bénie, Saint Antoine lui a accordé la tous à l’étranger et qu’ici habitent seulement grâce et je suis né. Si vous voulez faire la révo- les vieillards avec les enfants en bas âge. lution allez la faire chez vous, Révérend”. 21

Don Camillo, je comprends ce que vous Une Messe à l’ancienne, pour consoler tous avez dû ressentir. Mais c’est de votre faute si nos Morts qui, bien que ne connaissant pas vous vous êtes mis dans ce pétrin. le latin, se sentaient, durant la Messe, près Quoi qu’il en soit, je ne vous écris pas de Dieu, et n’avaient pas honte si, en enten- seulement pour vous dire des méchancetés, dant s’élever les anciens cantiques, leurs mais pour vous réconforter un peu. yeux se remplissaient de larmes. Peut-être Le petit prêtre qui est maintenant à votre parce qu’alors le Sentiment et la Poésie place a déjà démantelé l’église. Il n’a pas ins- n’étaient pas péché et que personne ne pen- tallé à la place de l’autel le banc de menui- sait que le doux et éternellement jeune visa- sier mais une table normale parce que, poli- ge de l’Epouse du Christ pouvait un jour ment, les Autorités Supérieures lui ont fait montrer des taches ou des rides. comprendre que, bien que l’idée était très Alors qu’aujourd’hui elle se présente à belle et très noble, cette préférence donnée nous à travers la télévision, avec le visage à la menuiserie aurait pu offenser les ou- désagréable et antipathique du Cardinal vriers et les autres artisans. Rouge de Bologne et de ses fidèles activis- Table de communion, anges, chandeliers, tes, gentiment prêtés à la Curie par la ex-voto, statues de Saints, Saintes Vierges, Fédération Communiste locale. tableaux et petits cadres, tabernacle et tous Don Camillo, tenez bon: quand les géné- les autres objets liturgiques ont été vendus raux trahissent, nous avons plus que jamais et le profit a servi à installer dans l’église le besoin de la fidélité des soldats. nouvel autel, le combiné radio-phono sté- Je vous salue affectueusement et vous réophonique, les micros, les haut-parleurs, envoie, pour votre consolation, une petite l’installation de chauffage, etc. image du très Révérend Pietro Nenni, ex- Votre fameux Christ a aussi été vendu pert en Encycliques Papales, appelé par ses parce que trop encombrant, menaçant, spec- amis et ceux qui l’estiment Peter Pan et taculaire et profane. Mais soyez tranquille: Salam. tous ces objets n’ont pas été loin. C’est le Votre paroissien vieux notaire Piletti qui les a achetés et les a Guareschi » apportés et installés dans la chapelle privée (d’après Il Borghese années 1961-68) de sa villa de Brusadone. Vous savez que, bien qu’ayant la réputa- La Messe clandestine tion d’être un farouche réactionnaire ennemi du peuple, Peppone avec moi se laisse aller à Voici un autre texte très intéressant: il fait des confidences et m’a fait comprendre qu’il partie d’une série de nouvelles publiées tou- serait disposé à traiter. Il voudrait, en échan- jours sur Il Borghese de ces années-là, dans le- ge de la table de communion, la mitraillette quel est représentée la famille de la moyenne que vous lui avez enlevée en 1947. Il dit qu’il bourgeoisie italienne: il y a le père (Monsieur n’a pas la moindre intention de l’utiliser Bianchi), de gauche et progressiste, sa femme parce que désormais lui aussi est convaincu Maria, de droite, très pratique et pleine de bon que les cléricaux réussiront à tromper les sens et les deux enfants: la fille Giusy très mo- communistes en les envoyant au pouvoir sans derne et un peu stupide et le fils Gypo, de droi- leur donner la satisfaction de faire la révolu- te, un peu fasciste et certainement traditionalis- tion. Il la reveut parce que c’est un souvenir. te. En le lisant on ne peut moins faire que de Don Camillo, je suis sûr que quand d’ici penser à nos petites chapelles traditionalistes, peu vous reviendrez (et on vous fera revenir où les fidèles se réunissent de dimanche en di- vite parce que, maintenant, à l’église n’y manche pour assister aux messes “clandes- vont que pour vous faire bisquer, Peppone, tines” en latin. Ce qui est le plus extraordinaire Smilzo, Brusco et Biglio) vous trouverez est que ces lignes ont été écrites à la fin des an- toutes vos chères fanfreluches parfaitement nées soixante quand Mgr Lefebvre était encore installées dans la chapelle du notaire. un inconnu et que les centres de messes tradi- Et vous pourrez célébrer une Messe tionalistes n’étaient pas encore consolidés, bien Clandestine pour quelques-uns de vos amis que, en ces années il y eut effectivement encore fidèles. beaucoup de curés de la vieille garde à la don Une Messe en latin, vous comprenez, Camillo. C’est pourquoi on peut dire que avec de nombreux oremus et kirieleison. Guareschi a été presque prophète en ayant l’in- 22 tuition de ce qui est réellement arrivé les années çons, nous avons divisé la région autour de suivantes. Milan en secteurs et chacun a effectué ses recherches. C’est ainsi que nous avons trou- vé, dans un village, un vieux prêtre de ceux «(…) Monsieur Bianchi s’insurgea: “Je non réformés, qui célèbre la Messe en latin, ne permettrai pas que l’on traite avec une lé- enseigne que tous les hommes sont égaux gèreté si déplorable des sujets aussi graves! devant Dieu et, donc, qu’il y a des bons non Souviens-toi que Nenni est vice-président du seulement dans le prolétariat, mais aussi Conseil et que maintenant, avec U Thant (4), chez les bourgeois. Et il explique qu’il ne ils sont en train de résoudre de très impor- suffit pas d’être laids, stupides et pauvres tants problèmes mondiaux”. pour avoir droit au Royaume des Cieux, “U Thant”, ricana Gypo. “Celui qui a mais qu’il faut aussi être bons et honnêtes. normalisé la situation du Congo. Main- C’est un vieux curé qui croit encore en Dieu, tenant, il se met avec Nenni, il règle aussi le dans les Saints, au Paradis et à l’Enfer et Vietnam. Quoi qu’il en soit, je ne peux pas qui, quand il confesse les filles, ne leur fait digérer l’idée de Nenni qui va en Amérique pas des dissertations sexuelles et qui, quand pour illustrer une Encyclique avec la béné- il nous confesse, nous les garçons, ne nous diction papale. Et pour que tu le saches refuse pas l’absolution si nous lui disons que bien, papa, dimanche je n’irai pas au précep- nous sommes libéraux, monarchistes ou mis- te dominical”. sini (5). C’est un vieux curé qui considère en- “Quel précepte dominical?” core valide l’excommunication du “La Messe en italien”. communisme. Et entre autres il a une petite “Tant que je serai le chef de cette - jusqu’à église à l’ancienne, avec beaucoup de fleurs, aujourd’hui - respectable et honorée famille, beaucoup de cierges allumés et, pendant la des choses de ce genre n’arriveront jamais. Messe, c’est le chœur qui exécute les anciens Dimanche tu viendras à la Messe avec nous!” chants traditionnels. On peut allumer un “Non, pater! Je ne veux pas courir le cierge à la Sainte Vierge ou à un Saint: il ne risque de trouver en chaire un fonctionnaire dit pas, comme ce fameux curé social qu’ils de la Fédération Socialiste. Oui, j’irai à la ont fait cardinal maintenant, que les pla- Messe, mais où bon me semble. Je suis l’un teaux avec des veilleuses allumées sont un des fondateurs de l’ACP.” spectacle de rôtisserie. Et contrairement à ce “ACP?, qu’est-ce à dire?” que fait toujours ce curé-cardinal, il ne fait “Association des Catholiques Pacelliens. pas quarante millions de dettes pour organi- Nous nous sommes réunis à trente-trois gar- ser la paroisse, disant ensuite aux créditeurs de se faire payer par la Divine Providence. Giovannino Guareschi (photo archive photographique Guareschi) Et il ne se servirait jamais des deniers des paroissiens pour payer l’acompte du cyclo- moteur du pauvre camarade pour qu’il puis- se continuer à distribuer les opuscules de propagande communiste. Ce pauvre vieux curé, il ne deviendra ja- mais cardinal, ou évêque et pas même mon- seigneur. Bienheureux s’ils ne le suspendent pas a divinis pour philocatholicisme antiso- cial. Nous avons tout organisé: ils ont pres- que tous une voiture, on part tôt le matin en empruntant différentes routes. Il faut éviter de se faire remarquer pour ne pas mettre dans l’embarras ce pauvre curé. Les monti- nistes (6) ont des moyens et, par l’intermé- diaire des prêtres-ouvriers, sont liés aux cel- lules communistes qui contrôlent tout et tout le monde. Nous sommes déjà plus de soixante-dix, garçons, filles, pères et mères de famille”. 23

“Mais”, se préoccupa Madame Bianchi, “Fate vobis”, dit avec sarcasme Monsieur “en voyant tant d’étrangers à la Messe, ceux Bianchi. “Giusy et moi restons sur la voie du pays seront en état d’alerte et espion- juste qui est la voie légale et qui conduit à neront”. l’Eglise de l’avenir”. “Non, maman”, répondit Gypo; “ils sont “Vous faites bien”, ricana Gypo. “Qui tous pacelliens et anticommunistes”. plus est, vous avez l’avantage, vous les mon- Monsieur Bianchi se leva d’un bond: “Ici tiniens, que, quand le confesseur vous as- nous sommes en pleine Vendée!” hurla-t-il signe une pénitence trop lourde, vous pou- horrifié. vez toujours recourir à la CGIL (7). Giusy, si “Gypo, fais-moi garder ma place, je viens dimanche à la Messe ils vous distribuent les moi aussi”, dit tranquillement Madame images pieuses bénites avec l’image de Bianchi qui, dans le fond, avait toujours été Nenni, apporte m’en une”». une supporter de la Vendée. “Fais comme tu crois”, lui dit sèchement Les prêtres ouvriers Monsieur Bianchi. “Je continuerai à aller à l’église habituelle”. Dans ces deux textes, qui ont pour prota- “Moi aussi”, ajouta Giusy. “Ces jeunes goniste toujours la famille Bianchi (à laquelle prêtres qui nous font le sermon et se déchaî- s’ajoute la vieille grand-mère fasciste), appa- nent contre les industriels, les capitalistes, raît pour la première fois don Giacomo, les libéraux, etc. m’excitent beaucoup. Ils prêtre-ouvrier ou prêtre-plombier moderniste font penser à la révolution française, la prise et socialiste, qui entre à la maison pour réparer de la Bastille et ainsi de suite. Et en plus, un robinet et qui essaye, comme il confesse lui- maintenant, ils ont commencé à démystifier même, d’“éloigner de la maison de Dieu les l’église. Il était temps d’en finir avec les brebis galeuses et les loups déguisés en brebis: veilleuses qui sentent mauvais, avec les les vieilles bigotes grenouilles de bénitier, les saints de plâtre et les Saintes Vierges cara- riches hypocrites et égoïstes, les nationalistes mélisées. Il devra seulement rester la croix fanatiques, les militaristes, les fascistes. En toute nue. C’est-à-dire le symbole du Pro- somme, tous les ennemis du peuple travailleur létariat exploité et torturé par les riches”. et de la coexistence pacifique”. Une véritable “Et le Christ”, demanda Madame perle quand le fils Gypo pose la question si Bianchi, “ils l’ont expulsé lui aussi?” parmi les prêtres-ouvriers existent aussi les “Le Christ demeure toujours, non de “prêtres-prêtres” et que le jeune curé progres- bois ou de bronze, mais vivant et opérant siste répond que oui, que ce sont les “vieux dans les Evangiles, spécialement dans celui curés conventionnels”. Evidemment, le prêtre- de Pasolini qui est le plus en forme de tous ouvrier n’est pas non plus un bon plombier, les Evangiles. Il faut démystifier, tu com- puisque après son passage “le robinet perd en- prends?” core”, à chacun son métier… dit sagement le “Bien sûr que je comprends”, répondit proverbe. A noter que le prêtre-ouvrier portait Gypo. “Il faut un travail de révision rigide. rigoureusement la soutane sous le bleu de tra- Par exemple: maintenant que l’on a décou- vail puisque le clergyman et encore plus l’habit vert que les juifs n’ont aucune responsabilité bourgeois était inconcevable pour les prêtres dans le supplice du Christ, il faudra dédra- de cette époque. Dans le second passage le matiser aussi l’épisode de la Crucifixion. Au moderne don Giacomo “téléphone la bénédic- fond, il s’agit d’un cas normal de mort appa- tion pascale” des maisons. rente. La Résurrection...” “Pas de blasphème!” cria Monsieur «Madame Cristina, la vieille maman de Bianchi. Monsieur Bianchi - qui avait fait le tradition- “Je ne blasphème pas, papa: je raisonne nel voyage de Noël en ville - alla ouvrir. Elle selon la mentalité des nouveaux prêtres. reparut aussitôt dans la petite salle à man- Regarde: pendant la Messe ils feront chanter ger: “C’est une vilaine tête à lunettes en bleu Gaber, Maria Monti, Ornella Vanoni et les de travail”, expliqua-t-elle à Monsieur autres chanteurs sociaux. Au fond, mainte- Bianchi. “Il paraît que c’est au sujet de la nant qu’il a inspiré les sublimes chanson- salle de bains”. nettes de Gino Paoli, le chant Grégorien n’a “Maria, le plombier est arrivé!” annonça plus de raison d’exister”. à son tour Monsieur Bianchi à sa femme. 24

“Enfin!” se réjouit la dame. “Dieu soit permettent d’être en contact direct avec loué!” l’élément bourgeois. Nous avons donc des “Dieu n’a rien à voir la-dedans”, précisa prêtres-électriciens, des prêtres-chauffeurs, le plombier qui était arrivé à la porte de la des prêtres-vernisseurs, des prêtres-storistes, petite salle à manger. “Soit remercié le des prêtres-tapissiers, des prêtres-menuisiers plombier, en l’occurence”. et j’en passe”. “Personne ne voulait vous offenser”, ex- “Y-a-t-il aussi des prêtres-prêtres?” s’in- pliqua humblement Madame Bianchi. “C’est forma Gypo. seulement une façon de parler”. “Naturellement”, expliqua le jeune vicai- “Oui”, admit le plombier. “Mais surtout re. “Ce sont les vieux curés conventionnels, cela révèle une attitude déviée de la petite les prêtres bourgeois; les prêtres patriotards bourgeoisie pseudocatholique. Sous le pré- et militaristes, comme les aumôniers mili- texte de rendre grâce à Dieu de vous avoir taires, les prêtres bigots, les prêtres de droite procuré un bienfait, vous m’enlevez à moi, et ainsi de suite. Nous, les nouveaux prêtres, ouvrier, tout mérite. Et, si je répare l’instal- nous sommes les troupes de choc de lation, vous direz “Dieu soit loué, ça l’Eglise”. marche!” comme si les robinets ce n’était “Très intéressant”, approuva Monsieur pas moi qui les ai réparés”. Bianchi. “Et quel serait la tâche de ces “Par contre, nous ne nous en prendrons troupes de choc?” pas à Dieu si les robinets ne fonctionnent “Les troupes qui opèrent dans le milieu pas”, répliqua Madame Cristina. prolétaro-marxiste s’occupent de la capture “Dieu ne s’occupe pas des installations des âmes à mener, ou à ramener, à l’Eglise. de plomberie”, déclara le jeune homme. Notre détachement qui œuvre dans le milieu “Le problème est là, à la salle de bains”, des catholiques pratiquants, s’occupe de l’as- coupa court Gypo. sainissement et de la démystification”. Le plombier alla faire son travail et “En quel sens?” demanda Madame Madame Cristina dit: “L’habituelle vermine Cristina. communiste”. “Madame, avant d’amener des gens à la “Non”, répondit Monsieur Bianchi. maison, il faut la nettoyer, la désinfecter, “C’est un ouvrier sérieux et évolué, avec le l’améliorer, l’assainir”. sens de sa fonction dans la société et de sa “Les gens?” (7bis) dignité de travailleur”. “Non: la maison. Il faut, autrement dit, On entendit de la salle de bains le bruit éloigner de la maison de Dieu les brebis ga- inquiétant d’un jet d’eau accompagné de ra- leuses et les loups déguisés en brebis: les geuses imprécations. Gypo et Monsieur vieilles bigotes grenouilles de bénitier, les Bianchi coururent voir: en dévissant un robi- riches hypocrites et égoïstes, les fanatiques net, le plombier avait été assailli par un vio- nationalistes, les militaristes, les fascistes. En lent jet d’eau. Le mal fut aussitôt réparé somme, tous les ennemis du peuple tra- parce que Gypo ferma le robinet général vailleur et de la coexistence pacifique”. dont l’existence n’avait peut-être pas été in- “Je comprends”, conclut Madame diquée au plombier. Mais l’eau avait trempé Cristina. “Vous rejetez ce qui existe pour le bleu du jeune homme. faire place à ce qui n’existe pas. La tactique “Enlevez-le pour que je le fasse sécher du ‘mieux vaut un œuf demain qu’une poule quelques minutes” dit Madame Bianchi. Le aujourd’hui’” (8). plombier sortit du cabinet et aidé de Gypo, “Exactement, Madame. Parce que, en ôta la salopette bleue. Ce fut une surprise ex- l’occurence, il s’agit d’une poule teigneuse, traordinaire car du bleu de travail ne sortit véreuse, infecte, à moitié en putréfaction pas, comme on pouvait s’y attendre, un plom- alors que l’œuf frais et sain deviendra la ma- bier, mais un prêtre avec une soutane noire. gnifique poule de demain”. “Que c’est beau!” s’écria Giusy. “Un “Pour vous aussi”, ricana Madame prêtre-ouvrier!” “un prêtre-artisan”, précisa Cristina, “le prolétariat est toujours l’habi- le jeune homme ajustant sa soutane. “Les tuel poulet” (9). prêtres-ouvriers agissent dans les usines. “N’essayez pas de brouiller les cartes, Nous, nous nous occupons du secteur bour- Madame”, s’insurgea le jeune homme. geois et pratiquons des activités qui nous “Mon raisonnement est sans équivoque: 25

“Mais s’ils viennent se confesser à vous!” objecta Madame Cristina. “Oui: mais un même péché doit être éva- lué différemment en fonction des sujets. On peut pécher par vice, par méchanceté, par ignorance, par faiblesse, par faim, par incons- cience, par excessive bonté, même. Pour pou- voir évaluer la gravité effective d’un péché, il faut connaître intimement le pécheur. Et on ne peut le connaître qu’en l’observant dans son milieu. A l’église aussi le loup est déguisé en agneau: pour le démasquer, il faut aller le surprendre dans sa tannière”. “Vous êtes formidable!” s’enthousiasma Giusy. “Vous n’avez même pas l’air d’un prêtre, don Giacomo”. “Appelle-moi donc Jack et tutoyons- nous. Et laisse tomber le don”, s’exclama très cordial don Giacomo. Il s’était installé dans un fauteuil de la petite salle à manger, à côté de l’étagère des livres. Il étudia les titres et se félicita: “Je vois qu’ici on respire un air propre! Teilhard Peppone et don Camillo se serrent la main… de Chardin, Soldati, Bernari, Quasimodo, Moravia, Pasolini: très bien! Mondadori est nous devons démasquer et éliminer les mau- un éditeur sérieux, engagé”. vais catholiques. Tous ceux qui ne veulent ni “Certainement?” ricana Gypo. “Il a été ne peuvent comprendre que, aujourd’hui, le premier à envoyer une couronne pour les l’initiative a été prise par les masses”. funérailles de Togliatti” (11). “Les masses ne peuvent jamais prendre “Je l’ai remarqué moi aussi”, dit don d’initiatives, mais seulement les subir”, dé- Giacomo. “Un geste vraiment courageux”. créta Madame Cristina. “Oui, comme quand, à l’époque fasciste, “Et les révolutions?” demanda le jeune il publiait les discours de Mussolini”, mar- prêtre. monna Madame Cristina. “Elles portent toutes le nom d’un hom- Monsieur Bianchi intervint: “Don me. Elles s’appellent Spartacus, Robes- Giacomo, nous sommes tous parfaitement pierre, Lénine, etc.”, répliqua Madame Cris- orientés. Lors des dernières élections, nous tina. “Mais vous, Révérend, dans quelle sou- avons même voté en faveur du centre- tane (ou mieux: dans quel bleu de travail) gauche, pour la DC et le PSI” (12). travaillez-vous ici?” (10) “Pas moi!” précisa Madame Cristina. “Je suis le prêtre Giacomo Ganassa, le “Moi j’ai voté pour les libéraux”. nouveau vicaire de votre curé et j’agis dans Don Giacomo eut un mouvement d’indi- votre paroisse qui est composée de gnation: “Je comprends ceux qui votent bourgeois”. pour le PCI. Je ne comprends pas qu’on “Mais si quelqu’un avait besoin non du vote pour les libéraux, pour les représen- plombier, mais de l’électricien?” demanda tants du MSI (5) ou pour les monarchistes”. Gypo. “Pourquoi?” demanda Gypo. “Nous sommes tous reliés, nous les nou- “Parce que le pire pécheur est celui qui veaux prêtres, et nous nous aidons récipro- fait obstacle, par d’inavouables intérêts per- quement. Les gens, quand ils sont à l’église, sonnels ou par méchanceté pure à la sainte ont tous un comportement identique. Ils se bataille que les honnêtes gens de tous les cachent sous une impénétrable écorce de partis combattent pour l’amélioration de la respectabilité, de crainte de Dieu-isme et il condition humaine. Le pire ennemi de Dieu n’est pas possible de savoir qui ils sont vrai- est l’ennemi séculaire du pauvre. C’est le ment et ce qu’il y a dedans”. riche qui défend ce qu’il a volé”. 26

“Mon Révérend, vous avez découvert vous aussi, Madame, vous recevrez en temps vous aussi que la propriété est un vol?” in- utile la facture”, ajouta-t-il menaçant, tour- terrogea Madame Cristina. né vers Gypo et ensuite vers Madame “Avant même celui qui a écrit que la Cristina. “Vous ne pourrez jamais arrêter propriété est un vol, quelqu’un avait écrit: l’avancée du prolétariat. Nous nous rever- ‘Que celui qui ne travaille pas ne mange rons. Mais pas à l’église. Je vous foudroierai pas’. Mais je n’avais pas besoin que l’on du haut de la chaire”. m’enseigne ces vérités élémentaires parce “Peu importe, Révérend”, dit Madame que je me fais un point d’honneur d’être né Cristina. “Je resterai catholique quand pauvre. Je m’en fais même un mérite”. même. Et, quand je me sentirai près de “Si naître riches n’est pas un mérite”, décla- mourir, je ferai appeler le plombier”. ra Madame Cristina, “ça ne l’est pas non plus Don Giacomo sortit la tête haute. de naître pauvres. C’est simplement une chan- “Maman”, dit avec amertume Monsieur ce pour celui qui est intelligent et une malchan- Bianchi, “tu as été injuste. Tu n’as pas tenu ce pour celui qui a une araignée au plafond”. compte de son admirable foi et de son en- “Madame”, s’écria don Giacomo, “seul thousiasme”. le pauvre sait ce qu’est le bien et le mal “Pas grave”, marmonna Madame Cri- parce qu’il est victime de l’injustice et est as- stina. “Les communistes en tiendront comp- soifé de justice!” te. Ils le feront chef de cellule”. “Il est assoifé de vengeance comme le Le robinet de la salle de bains perdait bossu qui hait tous ceux qui ont le dos droit encore plus qu’avant» et considère responsable la société de sa dis- (Idraulica [Plomberie], d’après Il grâce”, dit Madame Cristina. Borghese). “Vous ne pouvez pas connaître la noble âme du peuple parce que vous avez été éle- Aggiornamento de la Liturgie: bénédiction vés dans du coton et que vous ignorez la par téléphone… souffrance. Jésus comprenait le peuple parce qu’il était le fils d’un pauvre ouvrier”. «Le téléphone sonna et Madame Bianchi “Dieu est quelque chose de plus qu’un répondit. “C’est le jeune prêtre-artisan vicai- pauvre ouvrier”, ricana Gypo. re du curé”, expliqua-t-elle après avoir rapi- “Tu as envie de plaisanter, jeune dement liquidé l’affaire. homme!” cria don Giacomo. “Mais il n’y a “C’est pour la Bénédiction pascale de la pas de quoi rire. Est-il admissible que, à maison: il voulait savoir si nous sommes dis- l’ère atomique, une pauvre femme doive posés à la recevoir. Il attend notre coup de faire allaiter sa créature par une chienne?” téléphone”. “Non”, répondit Gypo. “La société pro- “Bien sûr!” s’écria Monsieur Bianchi. tectrice des animaux devrait l’empêcher”. “Cette maison est toujours une maison de “Gypo”, cria Monsieur Bianchi. “Ta bons chrétiens. Tu devais lui dire de venir façon de parler est dégoûtante. Rappelle-toi absolument”. que tu as devant toi un prêtre digne et tu “Il ne peut pas venir”, répondit Madame dois le respecter!” Bianchi. “Il a beaucoup à faire. Il dit qu’il “Quand il aura réparé le robinet du lava- fera la Bénédiction par téléphone”. bo, je le respecterai comme plombier”, ré- Comme d’habitude, Gypo gloussa bête- pondit Gypo qui, bien que n’étant pas enco- ment. re appelé sous les drapeaux, possédait déjà “Et l’eau bénite?” demanda-t-il. “Il la té- la mentalité tordue du “para” colonialiste léphonera aussi ou a-t-il fait un accord avec sauveur des otages blancs capturés par les l’Aqueduc Municipal?” communistes congolais. “Ne fais pas de l’esprit”, le reprit sévère- Don Giacomo remit sa salopette et alla ment la mère. “Chaque famille de la paroisse continuer son travail dans la salle de bains. a été fournie en eau bénite en temps utile. Ils Quand il eut fini et s’apprêta à sortir, l’ont donnée avec l’olivier béni, si tu te rap- Monsieur Bianchi lui demanda combien il pelles. Don Giacomo téléphone la Béné- lui devait. diction et, au moment voulu, le chef de famille “Vous recevrez la facture”, répondit don appuye sur le bouton du flacon d’eau bénite et Giacomo. “Et toi aussi, jeune homme, et donne une giclée. Ça me semble bien pensé”. 27

“C’est vrai”, reconnut Gypo. “S’il y a la lieu du flacon d’eau bénite, t’ait donné celle crème-spray pour la barbe, pourquoi n’y au- du produit pour les vitres”. rait-il pas l’Eau bénite-spray?” “Maria!” hurla horrifié Monsieur Bian- “Nous sommes en l’an de grâce 1965”, chi. “C’est un sacrilège!” intervint avec autorité Monsieur Bianchi. “Non, Cesarino”, lui répondit avec dou- “Les cosmonautes russes marchent à pied ceur Madame Bianchi. “La substance est in- dans le cosmos comme s’ils étaient sur la demne car, évidemment, ce matin j’ai lavé route goudronnée. Quelque chose est chan- les vitres avec l’eau bénite. Errare humanum gé, évidemment: l’Eglise aussi doit donc est. Dieu me pardonnera”. s’adapter au rythme trépidant de l’époque. “Sûrement, maman”, la rassura Gypo. C’est le moment de regarder plus à la subs- “Ce sera plus difficile que Dieu pardonne à tance qu’à la forme. La Bénédiction de Dieu don Giacomo”. peut entrer dans les maisons même à travers “C’est un digne prêtre!” protesta Mon- le fil du téléphone, et l’eau bénite demeure sieur Bianchi. “Ses idées sont justes, intelli- eau et bénite même si elle n’est pas trans- gentes et modernes” » portée dans l’habituel petit seau. Si la chré- (Una feroce rappresaglia [une repré- tienté a accepté avec une grande facilité la sailles féroce], tiré de Il Borghese). Sainte Messe radio et télévisée, pourquoi toi, Gypo, ne voudrais-tu pas accepter la Liturgie au pas avec l’époque et moderne Bénédiction téléphonique?” stupidité… Gypo ne dit rien et paraissait avoir l’es- prit lointain. La petite famille Bianchi s’apprête à aller “Gypo”, le secoua Giusy, “pourquoi ne à la messe, comme d’habitude Gypo en profi- réponds-tu pas à papa? A quoi penses-tu?” Vignette de Guareschi parue sur “Je pense que maintenant, probable- “Il Borghese” dans les années 60 ment, Nenni tire du gousset de son gilet la montre de Jean XXIII que lui a offerte le Pape Paul VI, la consulte et dit: ‘Il est l’heure d’aller prendre les ordres du PCI’. Monsieur Bianchi était un passionné et s’emporta: “Maria”, hurla-t-il en indiquant d’un doigt frémissant d’indignation Gypo: “pour- quoi le destin m’a-t-il condamné à être le père de ce malheureux?” “Cesarino”, répondit en haussant ses belles épaules Madame Maria, “probable- ment parce que, alors, ils n’avaient pas enco- re découvert la ‘pillule catholique’”. Le téléphone sonna: Monsieur Bianchi répondit; il parla brièvement puis détacha de son oreille le combiné pour que toute la fa- mille, serrée autour de lui, puisse écouter. La voix de don Giacomo était forte et les paroles rituelles de la Bénédiction s’enten- daient distinctement. Au moment voulu, Monsieur Bianchi ap- puya sur le bouton du flacon que sa femme lui avait remis en toute hâte. Tous se signè- rent. Le rite fut rapide et fonctionnel, mais pas moins touchant que le rite traditionnel. La famille Bianchi se rassit émue. ITALIE CHRISTIANO-MARXISTE “Chouette, papa”, soupira Gypo qui était Qu’est-ce qu’ils font? Ils prennent d’assaut l’église? Non, ils vont chez le curé faire bénir le drapeau de un sentimental. “Dommage que maman, au l’Association Internationale pour la Diffusion de l’Athéisme. 28 te pour faire un peu d’ironie. Ici l’on touche à forme de l’organisation régionale, la messe des sujets tels que l’œcuménisme, la responsa- devrait aussi être dite dans le dialecte de bilité du déicide, toujours dans le cadre de la chaque région”» (…) (Le vecchie zie [Les nouvelle liturgie commençante. vieilles tantes], d’après Il Borghese).

« Dix heures sonnèrent à la pendule. Œcuménisme et liberté religieuse “C’est l’heure de partir pour la Messe”, dé- clara Monsieur Bianchi qui avait un besoin ur- Il est important de relever ici comment gent de changer d’air. Giusy observa qu’il était Guareschi, avec son intuition et avec sa foi encore tôt et Gypo lui répondit aussitôt: comprend que la liberté religieuse “mine les “Dépêche-toi, papa a raison. Il faut arri- fondements de l’Eglise” et que seul le vrai ver très en avance autrement nous trouvons Dieu “peut se donner des airs de Père toutes les places occupées par les camarades Eternel”, autrement dit qu’il n’existe qu’un de la Fédération Internationale pour la diffu- seul et unique vrai Dieu… sion de l’Athéisme (FIDA). Tu sais, ils vien- nent à cause du dialogue avec les catho- (…) “Le problème des pères conciliaires liques. Et puis il y a les mahométans. Ils sont est uniquement celui de mettre l’Eglise très sensibles au fait que le Vatican a restitué Catholique en phase avec le progrès”. à la Turquie le drapeau musulman conquis à “D’accord papa”, répliqua Gypo. “Mais Lépante par la flotte pontificale commandée il me semble un peu imprudent d’essayer de par Marc-Antoine Colonna. On appelait mettre au goût du jour et de fortifier l’Eglise alors les turcs ‘chiens infidèles’ et on croyait en commençant par en miner les fonde- encore que c’étaient les juifs qui ont crucifié ments”. Jésus alors que par la suite il s’est révélé que “Tu délires, mon garçon”! ce furent les libéraux. Il paraît que mainte- “Non, papa: les commandements disent: nant ils interdiront la vente de La Jérusalem ‘je suis le Seigneur ton Dieu. Tu n’auras pas Délivrée (13) et que Godefroy de Bouillon d’autre Dieu que moi’. Je comprends que c’est sera jugé comme criminel nazi”. une manière de s’exprimer un peu dictatoria- Pour ne pas se compromettre, Monsieur le, mais dans le fond, Dieu est l’unique qui Bianchi décida de ne plus parler. Il reprit les puisse se donner des airs de Père Eternel. Or relations normales avec la famille à la sortie si nous admettons, comme le veulent les Pères de l’église. Alors il ne put se dispenser d’ex- Conciliaires progressistes, la ‘liberté religieuse primer sa vive satisfaction: sans réserve’, on admet qu’un Dieu vaut “Il n’y a pas de doute, sans le latin, la l’autre et pour les fondements de l’Eglise ca- Messe c’est autre chose”. tholique c’est la fin des haricots!” “Je suis d’accord”, répliqua Gypo. “Par Monsieur Bianchi s’excita: “Mon gar- exemple, au lieu de l’incompréhensible ‘ite çon!”, s’écria-t-il avec un féroce sarcasme; Missa est’ c’est mieux de dire ‘La Messe est “je ne savais pas que tu étais un théologien! finie, allez en paix’. La formule aurait été en- Pourquoi ne vas-tu pas expliquer ta thèse au core plus humaine et cordiale avec un petit Concile?” ajout: ‘La Messe est finie, allez en paix et “Ils ne me laisseraient pas entrer; je n’ai faites attention en traversant la rue’. Il faut pas la carte du PCI”, expliqua Gypo» (La combattre la stupide et inutile concision lati- Febbre dell’oro [La Fièvre de l’or], d’après Il ne. Et puis, les nouveaux prêtres qui doivent Borghese). étudier Karl Marx, Lénine, Staline, etc. n’ont pas de temps à perdre pour apprendre “Sédévacantisme” avant la lettre… et anti- le latin. Toutefois, je ne trouve pas que le communisme problème soit résolu”. “Je ne savais pas avoir un fils expert en Ce texte de 1965 est extraordinaire; il liturgie, en théologie et ainsi de suite”, dit s’agit d’une autre lettre à don Camillo. Le avec beaucoup de sarcasme Monsieur Concile et sa dérive philo-communiste qui Bianchi. “Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas?”. doit amener les éternels amis-ennemis don “Il y a des millions de paysans en Sicile, Camillo et Peppone à être dépassés par les Calabre, etc., qui ne connaissent pas un mot transbordements idéologiques y sont encore d’italien. Alors, pour mieux encadrer la ré- critiqués, avec un brin d’amertume et l’ironie 29

remplacer par la fameuse “table à repasser” modèle Lercaro, reléguant votre cher Christ crucifié dans un angle, près de la porte, de façon à ce que l’Assemblée lui tourne le dos. Et j’ai également su que le dimanche, après avoir célébré la “Messe du Peuple de Dieu”, vous alliez en célébrer une clandestine, en latin, pour les catholiques dans la vieille et in- tacte chapelle privée de votre ami Piletti. Or, les chefs de la DC vous ont espionné et vous avez été fiché à la Curie parmi les prêtres “subversifs” après avoir reçu de l’évêque une dure admonition. Mon Révérend, cela signifie que vous n’avez rien compris. Il est juste, en effet, que le Christ ne soit plus sur l’autel. Le Christ crucifié est l’image de l’extrémisme. Le Christ était un factieux, un fasciste et son “Ou avec Dieu ou contre Dieu” n’est qu’une copie du tristement célèbre “Ou avec nous ou contre nous” de mussolinienne mémoire. VATICAN II: LIQUIDATION Les Pères Conciliaires ont absous les juifs de l’accusa- Et ne se comportait-il pas en fasciste tion de déicide; par conséquent, selon le nouveau princi- quand il chassait à coups de fouet les mar- pe de la liberté religieuse, cela n’est plus utile. chands du temple? Sectarisme, intransigeance, extrémisme Une autre vignette publiée toujours sur “Il Borghese” de ces années-là qui l’ont conduit sur la croix, alors que le Christ, s’il avait choisi la voie démocratique habituelle… Après avoir fait remarquer que du compromis, aurait très bien pu se mettre le Christ crucifié n’est plus en phase avec d’accord avec ses adversaires. l’époque, Guareschi critique la réforme litur- Don Camillo: Vous ne vous rendez pas gique avec ses excès “ad experimentum” de compte que nous sommes en 1965. Les vais- ces dernières années (la célèbre expression seaux spatiaux arpentent le cosmos à la dé- “tavola calda” (14) pour désigner l’autel mo- couverte de l’Univers et la religion chrétien- derniste tourné vers le peuple a été inventée ne n’est plus adaptée à la situation. Le par Guareschi dans ces lignes). Après avoir Christ a voulu naître sur terre et si, quand rappelé le martyre du cardinal Mindszenty, l’ignorance et la superstition faisaient de la Guareschi se lance pour ainsi dire dans une terre le centre ou même, l’essence de l’uni- sorte de “sédévacantisme” précoce en émet- vers, la traditionelle fonction du Christ pou- tant l’hypothèse que le “Vrai pape” s’appelle vait passer, aujourd’hui avec les explorations Joseph (c’est-à-dire le cardinal hongrois spatiales et la découverte de nouveaux Mindszenty) et non Paul (VI)… Toujours mondes, le Christ est devenu un phénomène est-il que l’attitude de Paul VI posait des pro- provincial. Un phénomène qui, comme l’a blèmes aux consciences des catholiques les déclaré solennellement le Concile, doit être amenant presque à douter de sa légitimité. redimensionné. NB: on relève qu’en 1965 la communion Pour vous les beatniks, les “chevelus”, dans la main (aujourd’hui chose ordinaire sont des pouilleux à expédier chez le ton- pour les modernistes) n’était absolument pas deur, et leurs partenaires avec leurs jupes concevable et que Guareschi a dû imaginer la courtes couvrant tout juste l’aine, sont pour “petite machine à distribuer des hosties avec vous des petites gourgandines à soumettre des pinces”… d’urgence à la Wassermann. Tandis qu’à Rome, pour ces pouilleux et ces petites Cher Don Camillo, je sais que vous avez garces, l’Autorité Supérieure Ecclésiastique des ennuis avec votre nouvel évêque. a organisé une Messe spéciale, une Messe J’ai eu connaissance que vous avez dû beat sonnée et hurlée par trois groupes musi- détruire l’autel de l’église paroissiale et le caux de pouilleux. 30

Vous êtes resté à l’autre siècle, Révérend. Aujourd’hui l’Eglise s’adapte aux temps, se mécanise. Et à Ferrare, dans l’église Saint Charles, sur la “table à repasser” fonctionne la petite machine distributrice d’hosties. A l’offertoire le fidèle qui souhaite communier dépose son offrande dans un plat à proximi- té de la machine, appuye sur un bouton et, annoncée par un joyeux tintement, une hos- tie tombe dans le calice. Et, il n’est pas improbable, je crois, que dans les laboratoires d’expérimentation du Vatican, on étudie des machines plus com- plètes, desquelles, après que le communiant aurait introduit une pièce de monnaie et ap- puyé sur un bouton, sortirait une petite pince qui poserait l’hostie, consacrée élec- troniquement, sur les lèvres du fidèle. Don Camillo: l’année dernière, vous m’avez réprimandé parce que dans une de mes saynètes de la maison Bianchi, j’ai ra- conté que le jeune prêtre de choc don Giacomo confessait par téléphone les fi- dèles, et, au lieu d’aller bénir les maisons, “Mais jusqu’où irons-nous avec ce Concile…” envoyait aux familles des flacons d’“eau bé- nite spray”. Vous m’avez dit que, sur ces “sans Dieu” les communistes et de les décri- choses, on ne plaisante pas! re comme les ennemis de la Religion et de la Eh bien, nous y sommes arrivés par l’initia- liberté, la Fédération Communiste Pro- tive de l’Autorité Ecclésiastique Supérieure. vinciale vous suspendra a divinis. Et il n’est pas éloigné le temps où, après la Vous que je suis exactement depuis vingt confession par téléphone, le communiant re- ans et à qui je suis attaché, je ne voudrais cevra dans une enveloppe recommandée pas vous voir finir de manière aussi triste. l’hostie consacrée qu’il pourra consommer Je sais très bien que beaucoup de vos pa- confortablement chez lui en se servant, pour roissiens, et non seulement les vieux, sont ne pas la toucher avec des doigts impurs, avec vous, mais je sais aussi que vous vous d’une pince spéciale consacrée fournie par en irez en silence, en cachette, pour éviter l’“atelier de mécanique” de la paroisse. Je tout incident ou discussion qui pourraient n’exclus pas que, pour arrondir les maigres troubler votre troupeau. entrées de la paroisse, le curé puisse faire im- En effet, vous avez la sainte terreur d’une primer sur l’hostie une publicité. division entre les catholiques. Don Camillo: je sais que, maintenant, Mais, hélas, cette division existe déjà. Peppone se moque de vous furieusement. Je sais que cela vous horrifie, mais je le Cependant il a raison. dis quand même. Il est vrai que, maintenant, Peppone se Pensez, mon Révérend, quelle chose mer- moque de vous! Je sais qu’il vous a ordonné veilleuse cela aurait été et quelle force nou- d’enlever de la cure le provocateur portrait de velle l’Eglise en aurait retirée si, à la mort Pie XII “Pape fasciste et ennemi du peuple”, du “Curé du Monde” (qui par sa bonté et sa menaçant de vous dénoncer à l’évêque. Pep- naïveté a donné de nombreux avantages aux pone a raison: les positions se sont inversées sans-Dieu) le Conclave avait eu le courage et le jour n’est pas loin où la Section Com- d’élire, comme nouveau Pape le Cardinal muniste vous ordonnera de déplacer l’horaire Mindszenty! des cérémonies sacrées pour ne pas déranger Entre autres, cela aurait été la seule ma- la “Fête de l’Unité” qui a lieu sur le parvis. nière correcte, courageuse et virile pour le Don Camillo: si vous ne vous mettez pas libérer de sa prison: en effet, Mindszenty de- au goût du jour et n’arrêtez pas d’appeler venu chef de l’Etat indépendant du Vatican, 31 les communistes hongrois auraient dû lui Et qu’en pense don Camillo? laisser la possibilité de rejoindre son Siège. Avec Mindszenty Pape, le Concile aurait Et pour clore ce florilège de textes “conci- fonctionné bien différemment, l’Eglise du liaires” mais non “conciliants” de Gio- Silence aurait acquis une voix tonnante. Et vannino Guareschi voici quelques brèves ci- Gromiko n’aurait pas été reçu au Vatican et tations (auxquelles on pourrait en ajouter ainsi n’aurait pas pu alimenter et consolider tant et tant d’autres) qui complètent parfaite- l’équivoque qui, créée naïvement, pour ment la pensée de l’auteur sur le Concile confondre les consciences des catholiques Vatican II. Le concile est un “malheur” qui déjà rendues assez confuses par le Pape ne réussit qu’à vider l’église de don Camillo. Jean, rapporta le gain d’un million et deux Elles sont tirées pour la plupart du livre don cent mille voix aux communistes et qui peut- Camillo e don Chichì qui était le titre origi- être leur donnera la victoire aux prochaines nal du dernier livre sur don Camillo plus élections politiques. connu sous le titre de Don Camillo e i gio- Quand les curés pourront expliquer aux vani d’oggi [Don Camillo et les jeunes d’au- vieilles femmes catholiques qu’il y a péché jourd’hui]. Le dessin humoristique sur le mortel uniquement si l’on vote pour les libé- Concile publié toujours sur Il Borghese d’il y raux et les missini (5), ce sera une fête pour a quelques années complète aussi remarqua- les communistes! blement la pensée de Guareschi. Don Camillo, peu importe si, horrifié, vous crierez, mais je dois vous dire que, non seulement pour moi, mais pour beaucoup « - (Le Christ parlant à don Camillo) Je d’autres catholiques “subversifs”, le Pape viens de sortir du pétrin du Concile et tu que nous regardons comme le phare lumi- veux m’y mettre à nouveau? (“È di moda il neux de la Chrétienté ne s’appelle pas Paul, ruggito della pecora”, in don Camillo e don mais Joseph. Chichì). Joseph Mindszenty, le Pape des catho- liques qui éprouvent du dégoût face aux ma- - Ces maudits intellectuels sont la ruine chines distributrices d’hosties, à la “table à du parti! Pourquoi ils ne parlent pas italien? repasser” qui a détruit les autels et chassé le Maintenant que même les prêtres ont mis le Christ, aux “Messes yé-yé” et aux négocia- latin à la poubelle, faut-il que ce soit les tions avec les excommuniés sans-Dieu. fonctionnaires de la fédération communiste Une autre des prophéties de Nostra- qui l’utilisent! (“Don Camillo e la pecorella damus s’est avérée. Les chevaux cosaques se smarrita”, ibidem). sont abreuvés aux bénitiers de St Pierre. Même s’il s’agissait des Chevaux-vapeur - Voici l’erreur de l’église traditionnelle: (HP) de la Limousine de Gromiko. Et on ne le monde divisé en bons et en mauvais (“Si peut pas exclure que Mgr Loris Capovilla, vendetta…” ibidem). pour rendre hommage à l’hôte de marque, ait refait le plein du radiateur de la voiture de Gromiko avec l’eau bénite. - Don Camillo était un pauvre prêtre de Don Camillo, si j’ai blasphémé, je m’en campagne, à la différence de don Chichì, il repens. Comme pénitence j’écouterai six fois avait lu peu de livres et lisait très peu les le Pater Noster chanté par Claudio Villa. journaux. Donc à part les réformes litur- Mais ne vous en faites pas: la diplomatie giques, il ne comprenait pas quelle était vaticane travaille et, en menaçant de le sus- cette nouvelle route prise par l’Eglise. Il ne pendre a divinis, elle réussira à éteindre la pouvait pas le comprendre car depuis vingt dernière flamme resplendissante de chré- ans déjà, et avant tout le monde, don tienté, en obligeant Mindszenty à venir faire Camillo cheminait pour son propre compte le bibliothécaire à Rome. sur cette nouvelle route, et ceci lui avait pro- Oh! espérons que non. Si Dieu nous curé de gros ennuis. Il était donc logique garde. qu’il n’éprouvât pas de sympathie pour ce GUARESCHI blanc-bec qui, venu pour lui enseigner à (Il Papa si chiama Giuseppe [Le Pape faire le prêtre, ne parvenait qu’à vider son s’appelle Joseph], d’après Il Borghese) église (“Vennero per suonare…”, ibidem). 32

- (Parlant de Mindszenty) il faut le fond de nos églises et chapelles pour assister plaindre… il a été induit en erreur par à une “messe clandestine en latin” comme l’autre type qui s’est fait clouer sur la croix. lui-même aimait l’écrire à don Camillo. Toujours les mêmes extrémismes. En confirmation de cela, et pour conclu- - L’église traditionaliste a besoin de ca- re en montrant que notre idée est partagée davres bien conservés. (Ricordo di un no- également par d’autres, voici ce qu’écrivait vembre lontano, ibidem). “Il Borghese” dans un éditorial présentant ces derniers épisodes de la saga don camil- - Il faut sauver la graine: la foi, don lienne: Camillo, il faut aider quiconque possède en- «Don Camillo, même si les Italiens sont core la foi à la maintenir intacte. Le désert habitués à le voir au cinéma et à la télévision spirituel s’étend chaque jour davantage; sous le masque de Fernandel, appartient à chaque jour de nouvelles âmes se desséchent une race très rare et très sérieuse: celle de cer- parce qu’elles sont abandonnées par la foi. tains traditionalistes catholiques qui ne se Chaque jour davantage des hommes de contentent pas de pleurer et de réciter des ro- beaucoup de paroles et d’aucune foi détrui- saires, mais combattent pour leurs idées. S’il sent le patrimoine spirituel et la foi des était né en Espagne, Don Camillo aurait été autres. Des hommes de toute race, de toute un Saint et serait mort comme un martyr. Né extraction, de toute culture (“È di moda il en France, il aurait été un second Veuillot. ruggito della pecora” ibidem). Mais le destin décida de le faire apparaître en Italie [“le pays du mélodrame” comme aime - Nous les vieux prêtres, nous avons en- l’appeler Guareschi dans ses récits, n.d.a.] et core la manie des commandements ». c’est pourquoi Don Camillo est le personna- ge que Guareschi a inventé: peut-être parce Conclusion que dans le “berceau du catholicisme” seul un humoriste pouvait sentir aussi profondé- On pourrait continuer encore cette sym- ment l’élan de la Foi; ou, peut-être, parce que pathique revue guareschienne, mais je pense la religion chez nous, en dépit de ce que di- que les textes cités jusqu’ici suffisent à nous sent les “innovateurs”, existe seulement faire comprendre ce que Giovannino comme phénomène populaire». Guareschi pensait réellement de Vatican II. Plusieurs commentateurs ont injuste- Ne voulant pas nous approprier le grand ment critiqué don Camillo, se fondant prin- écrivain nous laissons au lecteur le soin de cipalement sur son image édulcorée [et criti- tirer les conclusions qui s’imposent… Qu’il quée par Guareschi lui-même] fournie par le nous soit seulement permis d’émettre timi- cinéma, parce qu’ils ont voulu voir dans le dement l’hypothèse que si Guareschi avait personnage de Guareschi le précurseur du vécu un peu plus longtemps (il est décédé en “dialogue” entre l’Eglise et le PCI. La vérité 1968) peut-être l’aurions-nous vu parfois au est tout à l’opposé. En fait, don Camillo, et avec lui Guareschi, comme nous venons de Fernandel et Gino Cervi avec l’auteur, grand-père ému le voir, combat contre les “nouveaux au baptême de son petit-fils prêtres” armé de son habituelle, vieille et unique arme, le Crucifix. Il sait que la reli- gion peut finir avec lui et le lecteur le com- prend; il a presque la sensation physique du danger qui menace l’Eglise suite à l’accepta- tion du “dialogue”. Après désormais quarante années d’ap- plication du Concile, en voyant les fruits dé- sastreux (vous les jugerez à leurs fruits, Luc VI, 43) (églises qui se vident, perte de la foi et indifférentisme apporté par l’idée que toutes les religions se valent) qu’il a pro- duits, et que Guareschi avait lucidement perçus, nous ne pouvons qu’être confortés dans notre bataille en pensant qu’à nos côtés 33 il y a aussi le “traditionaliste” “prêtre- prêtre” don Camillo qui célèbre des “messes “Le Pape du Concile” clandestines en latin” et qui garde dans sa vieille église toutes “ces fanfreluches” que les nouveaux-prêtres, avec la foi, ont ven- dues ou jetées à la décharge. Documents Cher don Camillo, nous aussi nous sommes vos paroissiens. e 3 septembre 2000, pour nous fête de LSaint Pie X, Pie IX et Jean XXIII ont été “béatifiés” par Jean-Paul II. Nous rappelons Notes aux lecteurs de Sodalitium que, selon notre position, Jean-Paul II n’est pas formellement 1) Parti Communiste Italien. Pape; donc, que ces béatifications sont nulles 2) Par le terme rit bolonais Guareschi veut désigner et non avenues. les expériences d’application de la réforme liturgique, voulue par Vatican II, qui se faisaient à Bologne et aux Mais voilà en difficulté ceux qui, par alentours dans le diocèse du “cardinal rouge” Lercaro contre, reconnaissent l’autorité de Jean-Paul qui était justement président de la commission qui de- II. Les progressistes, eux, – opposés jusqu’au vait exécuter les réformes. Inutile de dire que ces expé- bout à la béatification de Pie IX – se voient riences étaient très suivies et que les médias, y compris maintenant dans l’obligation d’accepter la la télévision, en faisaient la publicité. 3) Il faut remarquer comme à pratiquement qua- sainteté personnelle du Pape Mastaï Ferretti, rante ans de distance cette œuvre blasphématoire de tout en faisant une distinction (arbitraire) Hocchulth, qui injurie Pie XII est à nouveau d’actualité entre sa sainteté personnelle d’une part et de avec le récent film “Amen” de Costa Gravas, présenté l’autre son gouvernement et son magistère d’abord en France et ensuite en Italie. 4) Le birman U Thant était à cette époque secrétai- qu’ils refusent. Arbitraire: parce que re général de l’ONU, poste occupé aujourd’hui par le quelqu’un ne peut pas être saint si son ensei- ghanéen Kofi Annan. gnement ou l’accomplissement de son devoir 5) Les missini étaient les adhérents du parti d’état comporte de graves imperfections, et ce Movimento Sociale Italiano, aujourd’hui intégré dans particulièrement pour un Pontife. Jean-Paul Alleanza Nazionale (AN); actuellement, on pourrait traduire par “frontistes”. II lui-même est du nombre de ceux qui ont 6) Les montinistes sont les partisans de Paul VI cherché à opérer cette distinction, déclarant (Montini). dans son homélie pour la béatification de 7) Syndicat communiste (l’équivalent de la CGT en Jean XXIII et de Pie IX, à propos de ce der- France). 7 bis) en italien, les gens - la gente - est féminin sin- nier: “En béatifiant l’un de ses fils, l’Eglise ne gulier, de même que la maison; d’où la confusion en- célèbre pas des options historiques particu- traînant la question de Mme Cristina... lières accomplies par lui, mais elle le propose 8) Expression équivalant à notre «Un bon “tiens” plutôt à l’imitation et à la vénération pour ses vaut mieux que deux “tu l’auras”». vertus...” (O.R. 4-5 sept. 2000, pp. 6-7). 9) Nous avons conservé le mot “poulet” pour ap- précier le jeu de mots italien, mais on dirait “pigeon”. Ceux qui, par contre, ne souhaitaient pas 10) In quale veste (“dans quelle soutane”, dans le la béatification de Jean XXIII – “le Pape du sens de “à quel titre”); là aussi, jeu de mots que l’on ne Concile” – ont réagi différemment. Certains, peut malheureusement pas rendre… (par exemple les prêtres de la Fraternité Saint 11) Togliatti était secrétaire du Parti Communiste et ministre de la Justice après la guerre. Pie X) se faisant forts de la distinction entre 12) DC: Démocratie Chrétienne; PSI: Parti béatification et canonisation, ont durement Socialiste Italien. critiqué Jean XXIII, avec pour excuse qu’une 13) La Jérusalem délivrée (œuvre du Tasse, béatification est un acte non infaillible. Ils ou- XVIème siècle). blient que du jugement unanime des théolo- 14) La célèbre expression italienne tavola calda dé- signe un self-service et, appliquée à la “nouvelle giens nier une béatification implique un grave messe”, est traduite en français par “table à repasser”. péché de témérité. D’autres – comme Camilleri, Messori, etc.– ont cherché à donner de Jean XXIII un visage traditionnel, contestant les exagéra- tions progressistes, et rappelant que Jean XXIII a été le Pape de la Veterum Sapientia (en faveur du latin) et même, pourquoi pas, qu’il a été un apologiste de Mussolini… 34

Face à ces dernières interprétations le ju- gement de l’abbé Gianni Baget Bozzo nous offre une contre-partie, à notre avis particu- lièrement intéressante: s’il pense – et là il se trompe – qu’avec Jean-Paul II l’Eglise sort de la crise commencée avec le Concile, il donne, par contre, de Jean XXIII un jugement péné- trant que nous sommes tentés de partager pour une bonne part.

Sodalitium

I) Jean XXIII vu par l’abbé Gianni Baget Bozzo “Jean XXIII sera béatifié avec Pie IX. Pourquoi? C’est, paraît-il, pour avoir convo- qué Vatican II. Mais les fruits de Vatican II, L’abbé Gianni Baget Bozzo quels sont-ils? C’est Paul VI son successeur, qui nous l’a dit: “L’autodémolition de enfin le Concile était devenu comme la Salle l’Eglise”. Si l’on regarde aux fruits de son du Jeu de Paume, les Etats généraux de pontificat, on ne voit pas pourquoi Jean l’Eglise: et Paul VI eut bien du mal à diriger XXIII devrait être béatifié. Mais enfin, ce Concile. Et il lui fallut (4) abonder dans le Angelo Giuseppe Roncalli était certainement sens de l’épiscopat franco-allemand dirigé un homme bon. Comme l’était Célestin V, désormais par ses propres théologiens. Pierre de Morrone, qui fut béatifié par Ce qu’a été Angelo Roncalli? Difficile à l’Eglise de la captivité en Avignon, captivité dire. Certes, ses origines modernistes comp- dont sa subordination totale aux Français fut taient. Et elles déterminaient son anticuria- la cause (1). (…) Si l’Eglise devait béatifier les lisme acharné. On se demande si ses formes Papes en tant que Papes, elle aurait dû béati- conservatrices (l’encyclique Veterum fier la grande figure tragique de la papauté, Sapientia sur l’emploi du latin, le Synode ro- Boniface VIII, qui fit tous ses efforts pour main si traditionaliste), étaient feintes ou si empêcher ces malheurs que furent et la capti- elles étaient réellement l’expression du pape vité en Avignon et la conséquence de cette Roncalli. D’où la thèse d’un pape Roncalli captivité, le schisme d’Occident. Jean XXIII naïf, d’un conservateur ignare des choses de est comme Célestin V: après lui le Pontificat ce monde. Mais un homme qui avait été romain est entré dans une nouvelle captivité nonce apostolique en France de 1944 à 1953 d’Avignon (2). Que reste-t-il de Jean XXIII? devait connaître pas mal de choses du mal Le document le plus connu, l’encyclique français de l’Eglise en France. C’est pour- Pacem in terris, dans lequel il a promu la cé- quoi je crois à l’empreinte moderniste lèbre distinction entre erreur et errant, entre d’Angelo Roncalli, pas à sa naïveté (…)”. communisme et communistes. Une distinc- tion appropriée et irréelle qui fit la joie des Tiré de l’article de l’abbé GIANNI BAGET communistes italiens: errants sans erreur. BOZZO, Pio IX, il “papa-re” padre del federalismo Quelle chance. Mais après Pacem in terris? [Pie IX, le “pape-roi” père du fédéralisme], pu- on eut le 68 occidental et le 68 de Prague, le blié dans Il Giornale du 3 septembre 2000, p. 21. maoïsme, on eut la guerrilla urbaine, les Brigades Rouges. Pour béatifier Angelo II) Le visage incorrompu de Jean XXIII. Giuseppe Roncalli il faut oublier Jean XXIII Un miracle? (3). On lui doit le Concile? Oui, certainement. Mais on lui doit aussi l’abdication de la Les principaux quotidiens du 25 mars 2001 Papauté devant le Concile, l’annullation des ont donné la nouvelle suivante: “Presque travaux de la commission préparatoire. trente-huit ans après sa mort, le visage du ‘bon Le Pape a choisi que le Concile s’autodi- Pape”, Jean XXIII, est encore intact. La dé- rige; Paul VI changea de méthode, mais couverte a été faite en janvier dernier, à l’occa- 35 sion d’une ‘reconnaissance’ de sa dépouille gens qui ne connaissent rien à ces travaux, mortelle, à laquelle étaient présents tant le car- mais l’habileté professionnelle d’un techni- dinal Secrétaire d’Etat, Angelo Sodano, que le cien de ce secteur est fondée sur le choix, cas substitut à la sécrétairerie d’Etat, Monseigneur pas cas, des doses de formol et des dilutions, Leonardo Sandri” (La Stampa, 25/3/01, p. 9). sans parler des parties de l’anatomie où faire La reconnaissance de la dépouille a été faite les injections”. Et alors? “Le contraire m’au- “en vue d’un transfert des restes des Grottes va- rait étonné. Pour ce qui est du visage demeu- ticanes à un autre endroit de la basilique” ré intact par rapport au reste du corps, on Saint-Pierre. “Une procédure analogue fut sui- voit qu’ils y ont mis un peu plus de soin”. vie pour Saint Pie X et pour le bienheureux Pouvez-vous nous parler de ces techniques? Innocent XI”. Le Vatican ne parle pas de mi- “Je vous résume la plus usuelle. Elle consiste racle: “Le fait est que le corps s’est conservé – à prendre une grosse artère, en général la fé- dit le Père Ciro Benedettini, vice-directeur de la morale; à faire un ‘lavage du sang’ en déla- salle de presse du Vatican – mais cela n’autori- vant les vaisseaux et à le remplacer par un se pas des commentaires et des hypothèses sur matériel conservateur, en général à base de des faits surnaturels” (Corriere della Sera, glycérine. Après un traitement de ce genre, 25/3/01, p. 15). Et pourtant, Vittorio Messori, un corps peut rester intact durant un siècle et interviewé par Federica Cavedini du Corriere demi. C’est un travail de ce genre qui a été della Sera, a déclaré qu’il s’agit d’un miracle fait sur le corps de Lénine: des collègues “si par ce terme on indique tout ce qui va au- m’ont rapporté à l’époque qu’il ne fut pas delà des lois de la nature” considérant comme exécuté dans les règles de l’art, au point que significatif le fait que soit demeuré intact le la dépouille ne se serait pas bien conservée”. “sourire” du “Bon Pape”. Pour exclure un fait En somme, c’est toujours une question de naturel, Messori rappelle que ‘les reconnais- professionnalisme. Même dans ce domaine. sances ont été faites devant des experts, méde- “Avant cette technique et celle qui emploie cins, spécialistes savants, notaires’” (CdS, le formol, il y en avait d’autres: savoir les ap- 25/3/01, p. 15). Puisque Messori invoque mé- pliquer a toujours été fondamental. Mais non decins et experts, nous rapportons ici l’avis de décisif par rapport au résultat espéré”. Cela deux d’entre eux – catholiques de surcroît – : nous fait penser à la crypte des Capucins, à le Professeur Pier Luigi Baima Bollone, direc- Palerme, où le corps d’une enfant apparaît teur de l’Institut de Médecine Légale de intact par rapport aux centaines de cadavres l’Université de Turin et directeur du Centre décomposés dont sont bondés macabrement International de Sindonologie, et le Pro- les couloirs. “Là les corps étaient placés sur fesseur Nazareno Gabrielli, directeur du Ca- un treillis et exposés à un courant d’air; le binet de Recherches des Musées du Vatican. processus donnait lieu à une momification naturelle des cadavres. Il est clair que le mi- Sodalitium lieu de conservation est aussi très important: il doit être très ventilé, et si l’air qui y afflue a) Interview du professeur Baima Bollone est chaud, c’est encore mieux”. Reste à com- prendre un problème: pourquoi certains Turin - Professeur Pier Luigi Baima corps se conservent-ils mieux que d’autres. Bollone, vous qui êtes un médecin légal de “Si vous allez au Musée Archéologique grande expérience, trouvez-vous étonnant d’Istambul, section des arts orientaux, vous que 38 ans après la mort de Jean XXIII, son voyez la momie naturelle d’un satrape ayant visage se soit conservé “intact”? “Pas le vécu aux alentours du IIIème siècle avant moins du monde. Je vous dis même: qu’il en Jésus-Christ: elle est si bien conservée qu’on soit ainsi me paraît évident, étant donnée la en distingue tous les muscles”. On en est ar- réputation des frères Simonacci, il me semble rivé à parler des satrapes. Mais les saints qu’ils s’appelaient justement comme ça”. Les alors? “Les saints se conservent bien. A l’ex- frères Simonacci? “Une famille romaine qui, humation de leur corps, on a vu des choses durant des générations, s’est transmis les incroyables, bien au-delà du formol. Prenez techniques de salle anatomique. Je constate le cœur de sainte Claire de Montefalco, que sur le corps du pape Jean les Simonacci morte en 1308: à sept siècles de distance, la ont fait un excellent travail. En magiciens du structure de l’organe est quasiment inalté- métier. Cela peut sembler une banalité aux rée”. Alors? “J’ai écrit en 1987 qu’une con- 36 servation aussi exceptionnelle posait le pro- Notes blème de ses causes et de la recherche des matériaux éventuellement utilisés. L’analyse 1) La comparaison de l’abbé Baget Bozzo est boi- teuse. En effet Célestin V abdiqua, ce que ne fit pas des prélèvements a été faite, et tout ce qu’il a Jean XXIII. Nous ne pensons pas que Célestin aurait été possible de mettre en évidence se rédui- été canonisé s’il n’avait pas abdiqué, justement pour les sait à une modeste augmentation de la quan- motifs exposés par l’auteur de l’article. tité de souffre encore déchiffrable avec la 2) Là aussi, hélas, la comparaison est boiteuse. Le problème posé par Vatican II est avant tout théolo- présence de l’hydrogène sulfuré de la décom- gique, plus que politique. position. A ce jour, il y a un ‘quelque chose’ 3) Entreprise impossible! qui demeure inexplicable”. 4) Il voulut.

Article d’ALBERTO GAINO: “Excellent travail au formol”, La Stampa, 25 mars 2001 b) Interview de Nazareno Garielli La “canonisation” de Mgr Rome - Nazareno Garielli est Directeur Escrivà de Balaguer. du Cabinet de Recherches des Musées du Bref commentaire de Sodalitium Vatican. Il a participé à la reconnaissance du corps du Pape Jean. Il ne cache pas naturel- e 6 octobre 2002, Place Saint-Pierre, lement l’émotion du moment. Mais en LJean-Paul II canonisait Mgr Josemaria même temps il est “surpris” de la “surprise” Escrivà de Balaguer. suscitée par la reconnaissance. Il rappelle Sodalitium a déjà exposé la doctrine ca- que dans le passé les Papes étaient embau- tholique sur l’infaillibilité du Pape dans la ca- més. “Il n’y a rien de miraculeux dans les nonisation des Saints (n° 53, pp. 29-30 n° 40, conditions que nous avons relevées dans la pp. 45-46), infaillibilité bien exprimée dans la dépouille du Pape Jean XXIII” - explique-t- formule même de canonisation prononcée il - “Quand il est mort, certaines mesures fu- par Jean-Paul II, formule qui implique une rent prises pour l’exposition du corps à la véritable définition: “… nous déclarons et dé- vénération des fidèles durant les heures qui finissons Saint le Bienheureux Josemaria suivirent. Il ne faut pas oublier non plus que Escrivà de Balaguer et l’inscrivons au la dépouille a été conservée dans trois cer- Catalogue des Saints et établissons que dans cueils, dont l’un est en plomb et scellé. On a toute l’Eglise, il soit dévotement honoré parmi créé ainsi un vase anatomique offrant des les Saints” (O. R., 7-8 octobre 2002, p. 5). conditions de conservation idéales”. Si Jean-Paul II jouissait de l’autorité pon- tificale divinement assistée, Josemaria “Je l’ai vu, mais ce n’est pas un miracle”, tiré Escrivà de Balaguer devrait être considéré du Corriere della Sera du 25 mars 2001, p. 15 comme Saint par tous les catholiques du monde, et en tant que tel être imité dans la III) Jules vie et vénéré sur les autels. La position de l’Institut Mater Boni Consilii et de sa revue Sodalitium est bien connue des lecteurs. D’une part, nous pen- sons qu’il est démontré que Jean-Paul II n’est pas formellement Pape: donc Josemaria Escrivà de Balaguer n’a pas été réellement canonisé. D’autre part, notre ju- gement sur l’orthodoxie d’Escrivà de Entrefilet paru Balaguer et de l’Opus Dei, fondée par lui, sur le “Figaro” est négatif. En ce qui concerne ce jugement, du 6 septembre nous renvoyons le lecteur à ce qui a déjà été 2000. La nouvelle publié dans Sodalitium aux nn° 40 (A propos se passe de com- mentaire. de l’Opus Dei) et 42 (Encore sur l’Opus Dei), de 1996. Nous n’avons aucun motif pour rétracter ce qui y était affirmé (1). 37

Les partisans des positions de Mgr Lefebvre sont d’accord avec nous pour nier la sainteté de Mgr Josemaria Escrivà de Balaguer, mais il y a dissension entre eux et nous en ce qui concerne l’infaillibilité du Pape dans les canonisation des Saints. Le supérieur du district italien de la Fraternité Saint Pie X, Michel Simoulin, écrit, par exemple, dans Roma Felix (n° 11, nov. 2002, p. 3): “Le fait de cette canonisa- tion de Mgr Balaguer n’est pas non plus un article de foi, pas plus que ne l’est le fait de l’infaillibiblité du Pape dans les canonisa- tions. C’est ce que dit le Pape Benoît XIV: ‘Les deux opinions doivent être laissées dans leur probabilité jusqu’à ce que le Siège Apostolique prononce un jugement’. Même si la majorité des théologiens pensent [sic] que le Pape est infaillible en [sic] la matière, il ne L’abbé Escrivà en 1937 à Madrid, lorsque il s’était réfu- sera donc pas téméraire d’avoir un avis diffé- giè, à cause de la guerre civile, à la légation du Honduras rent si les arguments sont au moins aussi forts que ceux de la majorité, et si cela ne pro- une opinion licite bien que discutable comme voque pas le scandale des fidèles”. il veut le faire croire à ses lecteurs. Selon l’abbé Simoulin il est licite de pen- C’est différemment que raisonnent les ser que le Pape n’est pas infaillible dans les dominicains lefebvristes (3) du couvent canonisations, et tel serait l’avis de Benoît d’Avrillé dans le n° 42 (automne 2002) de XIV. Par contre l’Encyclopédie catholique leur revue Le sel de la terre, dans laquelle est écrit: “Benoît XIV enseigne qu’il est certaine- publiée ce qu’avait déclaré Mgr Lefebvre le ment hérétique et téméraire d’enseigner le 18 septmbre 1989 à propos de l’infaillibilité contraire [de l’infaillibilité du Pape dans les (mieux: de la non-infaillibilité) des canonisa- canonisations]” (rubrique Canonisations). tions opérées par Jean-Paul II. Selon Mgr Où est la vérité? Comme nous le rappelions Lefebvre (approuvé par ses disciples), Jean- dans le numéro précédent, pour Benoît XIV, Paul II, n’ayant pas l’intention d’user de ce le fait que le Pape soit infaillible dans la ca- pouvoir auquel lui-même ne croit pas, ne se- nonisation des Saints est une vérité de foi di- rait pas infaillible. vine, comme l’est le fait que tel canonisé soit Nous ne pensons pas qu’il soit possible réellement un Saint. Mais il admet comme li- de démontrer ce qu’affirmait Mgr Lefebvre cite l’opinion de ceux qui pensent au contrai- (4). Mais en admettant que ce soit possible, il re qu’il s’agit d’une vérité de foi ecclésias- faudrait en conclure qu’en tout cas Jean- tique (c’est-à-dire à croire non à cause de Paul II ne peut être le Pontife légitime. En l’autorité divine mais à cause de l’autorité de effet, ou Jean-Paul II a voulu vraiment cano- l’Eglise infaillible); dans ce dernier cas, celui niser Escriva, usant de son infaillibilité (et qui nierait les vérités susdites serait seule- alors il ne peut être Pape, si Escrivà n’est ment… suspect d’hérésie et défenseur d’une pas un Saint), ou bien Jean-Paul II a refusé proposition erronée méritant les plus graves consciemment d’utiliser le charisme de l’in- censures. Par contre aucun théologien catho- faillibilité qui intervient dans les canonisa- lique ne soutient que l’on puisse impuné- tions des Saints, mais alors il refuserait une ment enseigner que le Pape peut errer en vérité définie (se reconnaissant lui-même matière de canonisation des Saints. Nous en formellement hérétique) ou pour le moins concluons donc que, selon la doctrine de démontrerait ne pas vouloir procurer le Benoît XIV invoquée par lui (De servorum bien/fin de l’Eglise, ce qui est incompatible Dei beatificatione et beatorum canonisatione, avec le fait d’être Pontife légitime. chap. XLV, n. 29) (2) l’abbé Simoulin, en ad- La position de Mgr Lefebvre et de Mgr de mettant qu’il n’enseigne pas l’hérésie, en- Castro Mayer, consistant par ailleurs à nier la seigne pour le moins l’erreur, et pas du tout moindre valeur à tous les actes accomplis par 38

Jean-Paul II, équivaut, au moins de fait et dans la pratique, à soutenir cette vacance (au Documents moins formelle) du Siège Apostolique en théorie opiniâtrement niée (5). Sodalitium Massimo Introvigne et Roberto Notes De Mattei. Documents 1) Et même, on pourrait de temps à autre alléguer de nouvelles accusations contre l’Opus Dei et son fon- dateur, ou pour le moins entreprendre de nouvelles re- odalitium a déjà dédié de nombreux ar- cherches, comme par exemple évaluer le rôle que joua Sticles à l’association “Alleanza Cattolica”, dans la fondation de l’œuvre le religieux syncrétiste, à son histoire, à ses positions doctrinales, à point de référence des ésotéristes chrétiens, Raimundo certains personnages éminents de cette associa- Pannikar (cf. Il Foglio, oct. 2002, p. 4). 2) Nous reportons ici le texte de Benoît XIV tion, au Maître auquel elle se réfère, fondateur (Prospero Lambertini): “Itaque, ut tantæ quæstioni de la TFP, Plinio Corréa de Oliveira… Nous finem denique imponamus; si non hæreticum, temera- rappelons entre autres, les articles suivants: rium tamen, scandalum toti Ecclesiæ afferentem, in “Massimo Introvigne et la Franc-Maçonnerie” Sanctos injuriosum, faventem Hæreticis negantibus auc- toritatem Ecclesiæ in canonizatione Sanctorum, sapien- (n° 34, décembre 1993-janvier 1994); tem hæresim, utpote viam sternentem infidelibus ad irri- “Introvigne: des messes noires à la Grande dendum Fideles, assertorem erroneæ propositionis, et Loge” (n° 37, octobre 1994); “Le ‘démenti’ de gravissimis pœnis obnoxium dicemus eum, qui auderet Massimo Introvigne” (n° 38, février-mars asserere Pontificem in hac, aut illa Canonizatione erras- 1995); “Entre ésotérisme et dévotion ou rela- se, hunque, aut illum Sanctum ab eo canonizatum non esse cultu duliæ colendum: quemadmodum assentiuntur tions dangereuses de certains dévots…” (n° 40, etiam illi, qui docent, de fide non esse Papam esse infalli- janvier 1996); “Entre ésotérisme et dévotion. bilem in Canonizatione Sanctorum, nec de fide esse, Les relations dangereuses continuent” (n° 42, hunc aut illum Canonizatum esse Sanctum”. octobre-novembre 1996); “Alliance… maçon- 3) Nous l’écrivons sans y mettre d’intention péjora- tive, comme on parle de salésiens, de dominicains, de nique? ou la dérive de la TFP” (n° 46, mai thomistes, de scotistes, etc... 1998); “Nous construirons encore des cathé- 4) Les lefebvristes eux-mêmes se contredisent lors- drales…” (n° 50, juin-juillet 2000). Sur un qu’ils attribuent une valeur infaillible à certaines décla- sujet plus général, rappelons encore les articles rations de Jean-Paul II (comme, par exemple, celles “Joseph de Maistre ésotérique?” (n° 49, no- contre le sacerdoce féminin). 5) Niée du moins par Mgr Lefebvre. Dans le der- vembre 1999); “Donoso Cortès” éd. it. n° 51, nier numéro de Sodalitium, nous écrivions que Mgr de juillet 2000; et pour ce qui est des publications, Castro Mayer n’était pas sédévacantiste. Nous devons deux opuscules sur la TFP brésilienne (…), corriger cette affirmation sur la base de ce qui a été dé- ainsi que l’œuvre de caractère général de claré à Ecône par l’évêque brésilien peu avant les consécrations épiscopales du 30 juin 1988. Le prélat l’abbé Nitoglia, L’ésotérisme. brésilien, accueilli à Ecône le 25 juin, déclara entre Si Sodalitium estime devoir revenir briè- autres: “Le monde peut dire: cette consécration est faite vement sur le sujet, c’est à cause de deux do- sans le Chef visible de l’Eglise. Mais où est le Chef vi- cuments que nous nous limiterons à repro- sible de l’Eglise? Pouvons-nous accepter comme Chef duire ci-dessous. Le premier consiste en une visible de l’Eglise un Evêque qui met sur le même plan les divinités païennes et la divinité de Notre-Seigneur circulaire interne des Témoins de Jéhovah, Jésus-Christ? [Mgr de Castro Mayer fait allusion à la par laquelle les représentants de presse de rencontre interreligieuse d’Assise] Ce n’est pas l’association sont invités, quoiqu’ils en disent, possible”. (Trancription à partir de l’enregistrement à difuser l’œuvre que leur a dédiée Massimo d’une homélie de Mgr De Castro Mayer prononcée en portugais et traduite, en présence de l’évêque, par son Introvigne, dirigeant du CESNUR (mais secrétaire le Père Fernando Arias Rifan, actuellement aussi d’Alleanza cattolica et, ipse dixit, “col- évêque consacré avec mandat de Jean-Paul II). laborateur du FBI”). Chose curieuse, le livre Le 25 juin 1988 au moins, Mgr Antonio de Castro doit être commandé non pas auprès de l’édi- Mayer NE reconnut donc PAS l’autorité de Jean-Paul II. teur, mais directement au bras droit d’Introvigne, Pierluigi Zoccatelli (lui aussi du CESNUR et d’Alleanza cattolica). Après les Mormons, Introvigne aide maintenant les Témoins de Jéhovah (lesquels visent, entre autres, à obtenir un accord économique avec le gouvernement italien actuel)… 39

L’autre document est un document photo- chaine du livre “Les témoins de Jéhovah: déjà graphique. Il représente le vice-président du et pas encore” dont l’auteur est le Professeur conseil, Gianfranco Fini, sortant du 10 Massimo Introvigne, directeur du CESNUR. Downing Street, à l’issue d’une rencontre avec Il s’agit d’une publication de 144 pages. C’est son homologue John Prescott. A côté de Fini, la première fois qu’une publication écrite par surprise! le professeur Roberto De Mattei, an- un auteur italien de prestige dans laquelle les cien directeur de Cristianità (organe officiel témoins de Jéhovah sont présentés sous un d’Alleanza cattolica) et fondatur du Centre jour fondamentalement positif. Nous pen- Culturel Lepanto (une émanation de la TFP)! sons que ce livre peut devenir une source (Les lecteurs français ont vraisemblablement utile d’information spécialement pour les entendu parler du professeur De Mattei: un de media, mais aussi pour les frères. Le livre ses livres est diffusé par la DFP, il a été l’un des sera disponible à partir de mai prochain. participants à la réunion liturgique présidée par Nous ne voudrions pas, ce faisant, vous le cardinal Ratzinger cet été dans les milieux de donner l’impression de désirer promouvoir la l’indult, et il est le responsable du bulletin de diffusion de ce livre. Là n’est pas notre inten- langue française, Correspondance européenne). tion. Il nous a été demandé si, comme dans le Au cours de son voyage à Londres, rapporte passé, le bureau a l’intention d’en acquérir “La Stampa” qui publie la photographie (23 une certaine quantité pour mettre à la dispo- octobre 2002, p. 10), Fini a appuyé la politique sition des congrégations. Nous ne le ferons du gouvernement travailliste, politique de sou- pas, mais ceux qui désirent obtenir un ou plu- tien aux Etats-Unis sur la crise irakienne. “On a sieurs exemplaires devront faire leur com- écrit que Fini, qui n’a été invité encore officielle- mande selon les informations que nous vous ment dans aucune capitale européenne, ressent communiquons plus loin. Nous n’informerons le besoin d’une sorte de légitimisation, peut-être pas directement les congrégations mais nous aussi en vue du voyage si désiré en Israël”. Des vous invitons à informer les anciens des sources bien informées assurent que le congrégations de la circonscription dans la- Professeur Roberto De Mattei n’est pas étran- quelle vous servez afin qu’ils soient au cou- ger à la politique nettement philo-israélienne rant de la prochaine publication du livre men- d’Alleanza Nationale, qui s’est manifestée ré- tionné ci-dessus. Si à leur tour ils informent cemment par les voyages en Israël de Gasparri les proclamateurs de leurs congrégations res- et de Storace, et prélude à celui de Fini lui- pectives il sera donné à ceux qui le désirent la même. De ce dernier, le ministre israélien sor- possibilité d’acquérir le livre en question. tant, Shimon Peres, a déclaré: “A part se En ce qui concerne la commande du livre convertir et devenir juif orthodoxe, on ne voit on devrait procéder de la manière suivante. pas quel autre pas Fini devrait faire pour se Le secrétaire de chaque congrégation pour- rapprocher de nous” (Il Foglio, 24 octobre rait recueillir les commandes des divers pro- 2002, p. 2). Le Centre Culturel Lepanto mène clamateurs, et vous envoyer ensuite la com- une campagne anti-musulmane méritoire en mande avec la quantité de livres que la Italie; mais à la lumière de tels et tels autres faits, congrégation voudrait commander. Une fois la propagande anti-islamique de Lepanto, recueillies les commandes de toutes les semble plutôt propagande israélienne. congrégations de la circonscription vous de- Sodalitium vrez remplir les partie en jaune. La com- mande devra être envoyée en poste priori- CONGREGATIONS CHRETIENNES taire directement à l’adresse suivante : DES TEMOINS DE JEHOVAH Via della Bufalotta 1281. 00136 ROMA ITALIA Dott. Pierluigi Zoccatelli Corso Orbassano 72 4 février 2002-03-30 10136 Turin

A TOUS LES REPRÉSENTANTS DE PRESSE N’envoyez pas de commandes à notre bureau. Les livres y seront envoyés par la Chers frères poste avec paiement à la réception. Il ne de- vrait être envoyé qu’une seule commande Suite à la demande de plusieurs frères, par circonscription. Assurez-vous donc nous vous informons de la publication pro- d’avoir reçu les commandes de chaque 40 congrégation avant de transmettre la com- mande. La date limite pour la commande est Messieurs le 15 mars 2002. Assurez-vous de respecter Conseillers Associés s.a.s. de Zoccatelli cette date. Pierluigi & Co Naturellement, avec la commande le se- Corso Orbassano 72 crétaire de la congrégation devrait vous re- 10136 Turin mettre également l’argent de l’achat du Lieu et date d’envoi livre, frais d’expédition compris. Comme Objet: commande de livres “Les Témoins vous l’indique la lettre de commande jointe, de Jéhovah: déjà et pas encore” les frais d’expédition pourront être calculés sur la base du nombre de livres commandés. Messieurs, Au cas où la congrégation n’enverrait pas l’argent vous ne devrez pas tenir compte de Par la présente, nous passons commande de la commande qui vous aura été éventuelle- n°XXX exemplaires du livre “Les Témoins de ment faite. Jéhovah: déjà et pas encore” de Massimo C’est à vous de décider si vous voulez Introvigne (Editions Elledici, Leumann – Turin faire parvenir les commandes à votre nom et 2002, 144 pages, prix de couverture Euros 9,00), adresse ou utiliser une Association locale de au prix convenu de Euros 5,40 l’exemplaire, la circonscription. Une fois décidé, et après que vous aurez la courtoisie de nous envoyer avoir consulté le président de l’Association, avec paiement à la réception (frais d’expédition vous vous règlerez en conséquence pour la à notre charge*, dans l’ordre de Euros xxx) compilation de la lettre de commande. Assurez-vous d’avoir rempli la lettre de L’expédition de la commande pourra se commande dans toutes ses parties. faire en certains cas directement par la maison Une fois reçus les livres commandés vous d’édition, qui procédera à l’envoi des exem- devrez veiller à informer les congrégations plaires commandés, à la facturation et à l’en- afin qu’elles puissent retirer la quantité de caissement du paiement à la réception du livres demandés. chiffre stipulé ci-dessus. Les délégués de presse du Piémont Val d’Aoste et peut-être de la Lombardie ou A cette occasion nous vous adressons nos d’une partie de celle-ci, pourraient décider salutations distinguées. de retirer leur commande directement et de ne pas les recevoir par la poste. Natu- Signature et tampon rellement dans ce cas il faudrait informer le Doct. Zoccatelli (cell. 347 2667387; email: NB Pour toute communication relative à [email protected]) que vous venez chercher la com- l’expédition ou aux formalités inhérentes, nous mande afin qu’elle ne soit pas expédiée par vous prions de faire référence à XXX (nom, n° la poste. tél ou e-mail) Nous invitons les coordinateurs des re- présentants de presse à suivre la chose en se * Les frais d’expédition sont échelonnés tenant en contact avec les représentants de ainsi: 46-70 exemplaires = Euros 6,50; 71-95 ex. presse qui leur sont affectés à chacun afin = Euros 7,50; 96-145 = Euros 9,00; en cas de qu’ils ne se créent pas de difficultés les uns commande supérieure à 145 ex., les frais d’ex- les autres et que tous les frères aient la pos- pédition seront calculés sur la base du calcul sibilité, s’ils le désirent, de commander le (par exemple: 191 ex. = 1 expédition à Euros livre en question. 6,50 + 1 expédition à Euro 9,00). Pour tout éclaircissement vous êtes libres de nous consulter. Nous vous adressons nos Raison sociale de l’envoyeur salutations fraternelles. Adresse Eventuellement tel, fax, e-mail Vos frères TVA ou Code fiscal

Congrégation Chrétienne des Témoins de Jéhovah Annexe à la lettre des témoins de Jéhovah pour la com- Annexe mande du livre de Massimo Introvigne 41

Gianfranco Fini sort du 10 Downing Street à l’issue d’un colloque avec son homologue anglais John Prescott. A Tablier des rose-croix ayant appartenu à Joseph de droite, le professeur Roberto De Mattei “conseiller de Maistre (Tiré du livre de A. Cattabiani, Rusconi éd., Gianfranco Fini à la Convention européenne” (La Milan 1985) Stampa, 13/XI/2002, p. 4).

Vie Spirituelle

LE PARDON DES INJURES pagnons qui lui devait cent deniers; et le sai- sissant, il l’étouffait, en disant: Rends-moi ce DANS LA PARABOLE DES que tu me dois. Et son compagnon, se jetant à DEUX DEBITEURS ses pieds, le suppliait en disant: Aie patience envers moi, et je te rendrai tout. Mais il ne Par M. l’abbé Thomas Cazalas voulut pas; et il s’en alla, et le fit mettre en prison, jusqu’à ce qu’il lui rendît ce qu’il de- ierre, s’approchant de Jésus, Lui vait. Les autres serviteurs, ayant vu ce qui dit: “Seigneur, combien de fois était arrivé, en furent vivement attristés, et ils «Ppardonnerai-je à mon frère, lors- allèrent raconter à leur maître ce qui s’était qu’il aura péché contre moi? Sera-ce jusqu’à passé. Alors, son maître le fit appeler, et lui sept fois?”» Jésus lui dit: “Je ne te dis pas dit: Méchant serviteur, je t’ai remis toute la jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix dette, parce que tu m’en avais prié; ne fallait- fois sept fois. C’est pourquoi le royaume des il pas donc avoir pitié toi, aussi, de ton com- cieux est semblable à un roi qui voulut faire pagnon, comme j’avais eu pitié de toi? Et son rendre leurs comptes à ses serviteurs. Et lors- maître, irrité, le livra aux bourreaux, jusqu’à qu’il eut commencé à faire rendre compte, on ce qu’il payât tout ce qu’il devait. C’est ainsi lui en présenta un qui lui devait dix mille ta- que mon Père céleste vous traitera, si chacun lents. Mais, comme il n’avait pas de quoi les de vous ne pardonne pas à son frère de tout rendre, son maître ordonna qu’on le vendît, son cœur» (Matth. XVIII, 21-35). lui, sa femme et ses enfants, et tout ce qu’il Cette parabole que St Matthieu rapporte avait pour acquitter la dette. Ce serviteur, se dans son évangile a été prononcée par jetant à ses pieds, le priait en disant: Ayez pa- Notre-Seigneur Jésus-Christ peu de temps tience envers moi, et je vous rendrai tout. après Sa Transfiguration sur le mont Touché de compassion, le maître de ce servi- Thabor, et est appelée communément la pa- teur le laissa aller, et lui remit sa dette. Mais rabole des deux débiteurs. L’Eglise l’a choi- ce serviteur, étant sorti, trouva un de ses com- sie comme évangile du XXIème dimanche 42 après la Pentecôte. Le divin Maître nous y vieux missionnaire, la plus grande difficulté à enseigne le pardon des offenses ou des in- surmonter pour se convertir et donc pour jures. Si nous ne pardonnons à notre pro- pouvoir recevoir le sacrement du baptême, chain du fond du cœur les offenses qu’il n’est pas en général tout ceci, mais l’obliga- nous a faites, nous dit Notre-Seigneur, le tion de pardonner aux ennemis. Il y a de Bon Dieu ne nous pardonnera pas non plus telles haines entre les tribus et même entre les offenses que nous Lui avons faites. Si, les familles ou les individus d’une même fa- par contre, nous ne refusons jamais d’accor- mille et elles sont si profondément ancrées der notre pardon à notre prochain, Il nous dans les cœurs qu’il est difficile de leur faire assure du pardon de nos péchés: “Pardonnez admettre la nécessité du pardon des offenses et il vous sera pardonné”, nous dit-Il en un et d’arracher la haine de leurs âmes. autre passage de l’évangile (Luc VI, 37). La Foi catholique, la pratique de la Notre-Seigneur nous promet donc la Vie Charité enseignée par Jésus, sont venues éternelle à une condition qui ne dépend que corriger cette mauvaise tendance du cœur de de nous-mêmes: le pardon des offenses. l’homme. Mais la nature, même restaurée Avant de parler de la parabole elle- par la grâce de Dieu, garde les suites du même, faisons deux précisions pour éviter péché originel, c’est-à-dire la tendance au des équivoques. péché, et donc aussi à la jalousie, à l’envie, à Première précision: certains lecteurs la rancune et, si on ne les réprime, ces ten- pourraient penser qu’il est superflu de parler dances peuvent se réveiller, engendrer la de la nécessité de pardonner à l’heure ac- haine et causer de graves dommages dans tuelle. Le pardon, comme la tolérance, n’est- les âmes. Certaines divisions et séparations il pas un des mots que l’on entend le plus ré- au sein de familles par ailleurs profondé- péter à tort et à travers aujourd’hui? ment catholiques auraient sans aucun doute Et pourtant non, il n’est jamais inutile de pu être évitées si chacun s’était efforcé de rappeler le devoir de pardonner à son pro- chasser de son âme la rancune au sujet de chain, car le vrai pardon (celui qui ne consiste paroles ou de faits passés afin d’arriver à pas uniquement dans des paroles, mais qui une entente, comme il se doit entre chré- est accordé du fond du cœur à celui qui nous tiens. Notre-Seigneur ne nous-a-t-Il pas dit a offensé) a toujours été et restera toujours en effet: “C’est en ceci que tous reconnaîtront une chose fort difficile à accorder, et ceci que vous êtes Mes disciples, si vous vous d’autant plus que l’offense aura été grave et aimez les uns les autres” (Jn XIII, 35)? répétée. Notre-Seigneur nous aurait-Il promis Deuxième précison: il y a des divisions Son pardon à la seule condition que nous par- inévitables (qui ne sont pas dues au refus de donnions toujours à nos frères, si cela était pardonner) et des divisions coupables. chose si facile à faire? Il semble que non, car - Il y a tout d’abord les divisions aux- ce ne serait pas conforme à Sa Justice et à Sa quelles les disciples de Notre-Seigneur ne Bonté infinies lésées par nos nombreux pé- peuvent échapper et que le Seigneur nous a chés. L’expérience, d’ailleurs, vient confirmer prédites: les divisions à cause de la Foi. Il abondamment le fait qu’il est difficile de par- nous a avertis qu’à cause de Lui, Ses dis- donner à celui qui nous a offensé. Il y a ciples seront calomniés, maltraités et persé- quelques années, je rencontrais avec cutés et nous a dit qu’ils s’en réjouissent quelques autres personnes un vieux mission- alors parce que le royaume des cieux leur naire, plus qu’octogénaire, qui avait exercé appartient. Il y a d’autres divisions que nous longtemps son ministère en Afrique. Il racon- devons faire nous-mêmes, sous peine de ta quelques souvenirs de mission et nous dit nous damner: Jésus nous a commandé de une chose, au premier abord, surprenante. Il rompre toute relation qui nous met en dan- expliqua en premier lieu que la conversion ger prochain d’offenser Dieu. St Dominique des indigènes exige d’eux un changement Savio, par exemple, refusa d’accompagner complet de vie: ils ne respectaient pas, en ses compagnons à la baignade: à leur de- effet, auparavant la loi naturelle, pratiquaient mande pourquoi il ne voulait pas se joindre souvent la sorcellerie qui donne au démon à eux, il leur répondit que la baignade était une grande emprise sur eux, et vivaient dans dangereux pour le corps et surtout pour l’immoralité (la polygamie sévit partout en l’âme, et qu’à cause de cela, il ne viendrait Afrique). Mais pour ces indigènes, disait ce pas avec eux. Le devoir de toujours pardon- 43 ner ne signifie donc pas pouvoir et devoir éviter toute division, puisque certaines sont inévitables et d’autres obligatoires suivant l’enseignement du divin Maître. - Cependant: a) bien des divisions ont comme origine, non pas les raisons vues plus haut (la Foi ou le salut de notre âme), mais des mésententes, des jalousies, des rancunes, des refus de pardonner des offenses person- nelles, ou bien des manques de charité ou d’éducation. Ces divisions, n’étant pas “pour la bonne cause”, il serait malhonnête de les faire passer pour telles. Quel sera alors le re- mède infaillible dans tous ces cas? Celui donné par le Sauveur dans cette parabole: le pardon des offenses. b) De plus, il ne faut pas oublier que c’est manquer à notre devoir de chrétiens que de refuser de faire du bien à ceux qui vivent loin de Dieu, sous prétexte qu’ils sont mauvais. Notre-Seigneur est venu pour sauver ce qui était perdu et celui qui agirait ainsi n’est pas un vrai disciple du Christ. Le même St Dominique, par exemple, n’hésita pas à accompagner deux de ses compagnons à l’endroit où ils vou- son frère quand celui-ci vous a offensé: laient se battre à coups de pierres jusqu’au “Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à sang. Ils s’étaient disputés jusqu’à injurier mon frère lorsqu’il péchera contre moi?” Et il leurs parents respectifs, et voulaient se ven- Lui donne son avis: “Jusqu’à sept fois?” C’est ger de cette grave offense. Dominique avait déjà beaucoup, lui semble-t-il... Mais ce n’est l’intention de tout faire pour les en empê- pas du tout l’avis du Maître... Jésus lui répond: cher, et il y réussit. “Je ne vous dis pas jusqu’à sept fois, mais Fermons enfin ces deux longues paren- jusqu’à soixante-dix fois sept fois”, c’est-à-dire thèses pour aller à la parabole elle-même et en donner le commentaire des Pères de l’Eglise: nous l’avons tiré de la Chaîne d’or de St Thomas d’Aquin et de La grande vie de Jésus- Christ par Ludolph Le Chartreux. Ensuite, quelques explications sur ce en quoi consiste le pardon à ceux qui nous ont offensé, les moyens à employer pour arriver à pardonner du fond du cœur, et la vertu de miséricorde ai- deront le lecteur à mieux comprendre ce que nous demande le Sauveur dans cette parabole. Nous verrons que, si cette parabole est terrible pour celui qui ne met pas en pra- tique l’enseignement qu’il nous y est donné par le Fils de Dieu, elle est par contre d’un grand réconfort pour celui qui obéit au com- mandement qu’Il nous y donne de pardon- ner du fond du cœur à notre prochain.

Le commandement du Seigneur Simon-Pierre vient de demander au Seigneur combien de fois il faut pardonner à 44 toujours... Jésus ne veut pas que nous met- tions une limite au-delà de laquelle nous refu- sions d’accorder le pardon à notre prochain. A ce commandement du Seigneur, une question peut nous venir à l’esprit: ce pré- cepte vaut-il aussi vis-à-vis des ennemis, c’est-à-dire des personnes qui nous feraient ou nous voudraient actuellement du mal? Jésus répond clairement à cette question dans le sermon sur la montagne (Matth. V, 43-48): “Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton enne- mi. Mais Moi, Je vous dis: Aimez vos enne- mis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et qui vous calomnient; afin que vous soyez les en- La miséricorde du Roi… fants de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les mé- Son service, et Il rendra à chacun suivant ses chants, et qui fait pleuvoir sur les justes et sur œuvres en lui donnant la récompense ou le les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous châtiment éternel. Mais déjà, durant la vie aiment, quelle récompense aurez-vous? Les sur terre, Il voit nos œuvres et les juge. publicains ne le font-ils pas aussi? Et si vous “Et, ayant commencé à le faire, on lui ne saluez que vos frères, que faites-vous d’ex- présenta un serviteur qui lui devait dix mille traordinaire? Les païens ne le font-ils pas talents.” Ce serviteur est une figure non seu- aussi? Soyez donc parfaits, vous, comme lement de celui qui a commis de nombreux votre Père céleste est parfait”. et graves péchés, mais aussi de tout homme car chaque péché est une offense faite à Le début de la parabole: la Misércorde infi- Dieu Lui-même, Bonté infinie, et donc nous nie de Dieu envers le pécheur repentant charge envers Lui d’une dette importante de réparation. “Mais il n’avait pas le moyen de Jésus, après avoir dit à St Pierre qu’il doit les lui rendre”, car il nous est impossible de pardonner à son frère autant de fois que payer tout seul au Bon Dieu la dette celui-ci l’offensera, ajoute une parabole. contractée à cause de nos péchés, et encore C’était une coutume en Palestine et en Syrie moins de nous relever tout seul si, par mal- d’entremêler à tous les discours des para- heur, nous perdons la grâce de Dieu. Nous boles (qui ne sont pas autre chose que des avons besoin pour cela des mérites de comparaisons ou des exemples) afin de gra- Notre-Seigneur et de la grâce de Dieu, qui ver plus facilement dans les esprits la vérité cependant ne peut manquer à celui qui la que l’on vient de rappeler et qui, sans cela, demande à Dieu avec Foi et humilité, mais aurait sans doute été bien vite oubliée. Jésus qui requiert toujours notre coopération, le montre aussi par cette parabole qu’au fond bon usage de notre libre-arbitre. ce n’est pas chose héroïque que de pardon- “Aussi, son maître commanda qu’on le ner soixante-dix fois sept fois à son prochain vendît, lui, sa femme et ses enfants”. La vente si l’on pense que Dieu nous assure en échan- de cet homme avec tout ce qu’il possède et ge de nous pardonner nos péchés... avec les siens est une figure du châtiment de “Le Royaume des cieux est semblable à Dieu. L’esclavage auquel il est condamné un roi qui voulut demander des comptes à ses est une image de l’enfer. “Mais le serviteur serviteurs”. Ce roi représente Dieu qui est le se jeta à ses pieds et le conjurait en disant: Roi des rois, le roi du Ciel et de la terre. Ces ‘Seigneur, ayez un peu de patience envers serviteurs sont tous les hommes que Dieu a moi et je vous rendrai tout’”. Nous avons là créés afin qu’ils Le servent sur la terre et l’image de la prière d’un pécheur contrit: il qu’ils méritent ainsi le royaume du Ciel. regrette ses péchés et en reconnaît la gravi- C’est le jour de notre mort que Dieu nous té, il en demande pardon du fond du cœur à demandera de rendre compte de toute notre Dieu et Lui promet de les réparer par la pé- vie: Il verra alors si nous l’avons employée à nitence et le changement de vie. 45

La réaction du maître est une image gratitude de cet homme à l’égard de son (bien faible et éloignée) de la clémence de compagnon, il se met en colère et le livre au Dieu à l’égard des pécheurs qui se convertis- bourreau. La première fois, il avait agi par sent: “Alors, le maître de ce serviteur, touché amour, il avait seulement menacé de le châ- de compassion, le laissa aller et lui remit toute tier dans le dessein de le rendre meilleur. sa dette”. Comme ce maître accorde bien Maintenant, il est obligé de le châtier réelle- plus que ce qui lui est demandé, le Bon Dieu ment. Voilà la conduite de Dieu envers celui pardonne entièrement tous les péchés à qui ne pardonne du fond du cœur à son celui qui s’en repent véritablement. Il aurait frère. En effet, Jésus nous a dit:”Pardonnez voulu lui pardonner dès le début mais II et vous serez pardonné (Luc VI, 37). “Je voulait que le pécheur contribuât à son par- vous ai pardonné le premier, pardonnez du don surtout par sa prière afin de ne pas le moins à Mon exemple car, si vous ne le laisser aller sans mérite. faites, quand Je vous rapellerai à Moi le jour de la mort, Moi non plus, Je ne vous pardon- La fin de la parabole: le refus de pardonner nerai pas.” C’est le sens de la phrase suivan- du serviteur et sa condamnation par le maître te par laquelle Jésus conclut cette terrible parabole: “C’est ainsi que mon Père céleste Jusque là, le changement de conduite du vous traitera, si chacun de vous ne pardonne serviteur est digne d’éloge: il s’humilie et ma- à son frère du fond de son cœur”. Le nifeste sa volonté de rembourser toutes ses Sauveur ajoute“du fond de son cœur”, dit St dettes. Malheureusement, il ne persévéra pas Jérôme, pour prévenir toute hypocrisie et longtemps dans ses bonnes résolutions: «A tout faux semblant de réconciliation. peine sorti, il trouve un de ses compagnons qui lui devait cent deniers et, le prenant à la gorge, En quoi consiste le pardon à ceux qui nous il l’étouffait en disant: “Rends-moi ce que tu ont offensés me dois”». Tous deux devaient quelque chose, mais l’un était débiteur d’une somme Cette question n’est pas une question énorme et l’autre d’une toute petite: ainsi, les théorique mais tout à fait pratique: en péchés commis envers Dieu sont bien plus d’autres termes, que suis-je tenu de faire graves que les offenses que peut nous faire pour pardonner du fond du cœur à mon pro- notre prochain, quelles qu’elles soient, car chain? Pour y répondre, définissons ce c’est tout autre chose d’offenser Dieu Lui- qu’est pardonner et distinguons deux caté- même que d’offenser un simple homme. gories d’offenseurs. «Son compagnon, continua Jésus, se jeta Pardonner, c’est déposer toute haine en- à ses genoux et le conjura en disant: “Prenez vers l’offenseur et “l’essence de la haine, selon patience et je vous rendrai tout”, mais l’autre St Joseph Cafasso, consiste dans le fait de vou- ne voulut point l’écouter; il s’en alla, et il le fit loir ou de désirer du mal aux autres” (1). mettre en prison pour l’y tenir jusqu’à ce qu’il D’autre part, on peut distinguer deux rendît ce qu’il devait». Celui qui se venge des sortes d’offenseurs (et donc de personnes offenses qu’on lui a faites agit comme ce ser- auxquelles on doit pardonner): 1) l’offen- viteur. seur repentant, celui qui regrette le mal qu’il “Les autres serviteurs, voyant ce qui se a fait et en demande pardon de quelque ma- passait, en furent vivement attristés et averti- nière, au moins par son changement de rent leur maître de tout ce qui s’était passé”. conduite envers la personne offensée; 2) Les serviteurs représentent ici les anges et l’offenseur non repentant, celui qui ne re- les fidèles qui s’affligent de la dureté de cet grette pas le mal fait à autrui. homme, dureté qui est le présage de sa Il est évident que le pardon concédé à ces perte. “Alors, son maître le fit venir” : le Bon deux sortes de personnes (même s’il consiste Dieu rappela son âme à sortir de ce monde toujours à déposer toute haine) ne pourra pas et «il lui dit: “Méchant serviteur”». La pre- se manifester de la même manière: le pre- mière fois, alors qu’il devait dix mille talents, mier, l’offenseur repentant, doit désormais le maître ne l’avait pas traîté de la sorte et il être considéré comme un ami. Il n’en est pas ne lui avait dit aucune parole outrageante du tout de même du second, c’est-à-dire de mais il avait eu pitié de lui. Il n’en est plus celui qui fait ou veut du mal à une personne, ainsi maintenant. Quand il s’aperçoit de l’in- qui reste malheureusement un adversaire. 46

moins de faire demander des nouvelles en cas de maladie.

Les moyens pour arriver à pardonner et chasser toute haine Don Cafasso, contemporain de don Bosco, fut aumônier des prisons de Turin. On l’appelait “il prete della forca”, le prêtre de la potence, car il assistait chaque condamné à mort jusqu’à l’échafaud comme cela se faisait encore à cette époque. Il affir- ma avoir trouvé dans les prisons “des haines profondes comme l’enfer”, mais tous ceux qu’il assista acceptèrent chrétiennement la … la dureté de cœur du serviteur mort en expiation de leurs péchés et mouru- rent en prédestinés. Quels arguments utili- Que devons-nous donc faire à cet offen- sait-il donc pour réussir à calmer ceux qui seur non repentant pour lui pardonner vrai- étaient tourmentés par la haine? Ils peuvent ment du fond du cœur, comme Jésus nous le se ramener à trois. demande? Que suis-je tenu à faire pour par- 1) L’utilité de la personne elle-même: cet donner véritablement à celui qui me veut du argument partait d’une observation pleine mal, c’est-à-dire pour déposer toute haine de bon sens. Avoir de la haine envers un envers lui? personne ne nuit en réalité qu’à celui qui l’a Voici ce que disait St Joseph Cafasso: dans son cœur, et ceci autant dans l’ordre c’est un remède pour chasser toute haine naturel que surnaturel. “Quand on trouve (remède qui fut appelé merveilleux lors du quelqu’un qui ne veut pas pardonner, disait Procès diocésain de sa Béatification): le Saint, qu’on lui mette sous les yeux qu’en “Quand nous avons trouvé véritablement la haïssant il fait un péché d’ignorant. Cela ne haine dans un pénitent, nous devons exiger change peu ou rien à la personne haïe, tan- trois choses: que le pénitent ne veuille plus, dis que celui qui hait est en train de mériter ne désire plus de mal à celui qui l’a offensé l’enfer, car celui qui hait ne va certainement (1); au contraire, qu’il lui veuille du bien (2); pas au Paradis” (3). Don Cafasso n’hésitait qu’il manifeste les sentiments de son âme pas à appliquer telle quelle la parabole des avec ces signes de bienveillance que les deux débiteurs aux personnes tourmentées théologiens appelent communs (3)” (2). par ce vice: «Ou pardonner, ou ne pas être Quant aux deux premières choses (ne pas pardonné. Malheur à moi et malheur à vous vouloir et désirer du mal à celui qui nous a si Dieu ne nous pardonne pas. Heureux au offensé, et lui vouloir du bien), une façon contraire celui qui pourra dire un jour au tri- simple et sûre de les remplir est la prière bunal de Dieu: “Seigneur, il est vrai que je faite pour l’offenseur. Pour bien faire com- vous ai offensé, j’en ai fait beaucoup... je prendre que la haine n’est pas un sentiment mérite bien autre chose que la miséricorde... que l’on ressent mais une volonté, un désire mais Vous le savez, en telle occasion, j’ai arrêté, le Saint ajoutait : “Si une personne a pardonné ce tort, cette injure. Cela m’a du dégoût ou de l’antipathie envers une coûté, Vous le savez, mais je l’ai fait pour autre, et affirme ne pas pouvoir la voir, on Vous: maintenant, c’est Votre tour de me ne peut dire encore qu’elle porte de la haine pardonner comme j’ai pardonné aux envers elle, tant qu’elle n’arrive pas au point autres”». Une telle prière faite par celui qui de lui désirer du mal” (2). aura pardonné à son frère ne pourra pas ne Quant aux signes extérieurs par lesquels pas être exaucée par Dieu le jour de son ju- doivent être manifestés la bienveillance et le gement, puisqu’elle est fondée sur une pro- pardon concédé (3), ce sont ceux que l’on messe de Dieu Lui-même (”Pardonnez, et il donne aux personnes de même condition: vous sera pardonné”). Quel est celui qui, en comme de se saluer quand on se croise ou, y réfléchissant, pourra encore refuser de quand on est parent, de demander ou au pardonner à son prochain? 47

«Une autre fois, ne pouvant avoir raison est allé trop loin!... Il n’est pas allé jusqu’à de l’obstination dans la haine d’une person- enlever la vie comme ils Lui ont fait... Mais ne, il lui dit: “Récitez le Notre Père”. Quand il ne mérite pas le pardon!... Non, lui ne le il eut prononcé les paroles: “Pardonnez- mérite pas! mais Dieu le mérite pour lui. nous nos offenses comme nous les pardon- C’est Dieu qui vous le commande: c’est nons à ceux qui nous ont offensés”, don Dieu qui vous en donne l’exemple”. Cafasso lui dit en souriant: “Oh, quelle belle Mais celui qui pardonne ne doit pas s’in- promesse avez-vous faite au Seigneur: vous quiéter s’il ressent encore un peu d’aversion avez dit que, vous aussi, vous pardonnerez. pour celui qui l’a offensé par le passé: “Cette Eh bien êtes-vous content de l’avoir faite et aversion, disait le bon prêtre, ne vient pas de d’être vous aussi pardonné à votre tour par la haine, mais plutôt de la diminution de le Seigneur?” “Oh! oui, répondit tout l’amour. C’est chose naturelle en celui qui a content l’offensé, j’ai pardonné et je pardon- été maltraité et il ne dépend pas de nous de ne du fond du cœur. Que Dieu bénisse mes l’effacer d’un coup d’éponge. La haine n’est ennemis.” Et don Cafasso conclut cette pas dans la mémoire mais dans le cœur qui émouvante conversation en lui présentant le veut se rappeler les torts reçus et en prépare crucifix à baiser». la vengeance”. Don Cafasso n’hésitait pas non plus à descendre des motifs surnaturels à ceux na- Le pardon, exercice de la vertu de miséricorde turels: “Celui qui hait maigrit, celui qui est haï grossit. Ne vous apercevez-vous pas que Le pardon est un acte de la vertu de mi- la haine n’apporte aucun dommage à votre séricorde: ceux qui pardonnent font en effet ennemi qui mange, boit, dort et s’amuse, partie des miséricordieux dont Jésus a dit tandis que vous vous rongez le cœur jour et qu’ils sont “bienheureux, parce qu’ils obtien- nuit?”. dront miséricorde”. Notre-Seigneur, comme 2) La grande loi de la charité: argument nous l’avons vu, nous ordonne de toujours plus noble que le premier pour exciter au pardonner à notre prochain. Cependant, pardon. Le bon Saint rappelait que celui qui a tout exercice de la vertu se situe dans un offensé ne reste pas moins une image de Dieu juste milieu entre deux excès: In medio, stat et que cette image nous devons la respecter, virtus, dit St Thomas d’Aquin. Ce juste mi- même si elle est portée par quelqu’un qui lieu pour la pratique de la miséricorde et n’en est pas digne. A un pénitent plein du donc le pardon ne consiste certainement pas désir de se venger de son ennemi, il dit: à mettre des limites au-delà desquelles on ne “Seriez-vous content si d’autres vous tuaient? doit plus pardonner, puisque Jésus a dit à Certainement non. Eh bien, rappelez-vous de Pierre qu’il fallait toujours pardonner. En ce que vous avez appris au catéchisme: ne quoi consiste-t-il donc? faites pas aux autres ce que vous ne voudriez Pour le comprendre et éviter ainsi toute pas que les autres vous fassent”. fausse interprétation de la parabole, rappe- 3) L’exemple de Jésus-Christ: “Vous, dit lons tout d’abord qu’il ne peut jamais y avoir un jour don Cafasso en prêche, qui éprouvez d’opposition entre l’exercice des différentes tant de peine à digérer une parole, qui hési- vertus. Ainsi, les vertus de miséricorde et de tez tant à pardonner un affront, une injure, justice qui, à première vue, pourraient sem- venez au pied de la Croix et regardez. Le bler pouvoir s’opposer dans leur exercice, se voyez-vous? L’entendez-vous? Regardez, Il complètent tout au contraire. Dieu, en effet, n’a plus de souffle, Il est moribond, mais Il est à la fois infiniment juste et infiniment mi- s’efforce d’implorer le pardon, et pour qui? séricordieux et exerce ces deux vertus d’une Pour celui qui L’a tant offensé, pour qui lui manière parfaite. Cependant, à cause de la a donné la mort, pour qui l’injurie même au faiblesse de notre intelligence, il arrive que moment de l’agonie. Un Dieu donc padonne nous ayons du mal à voir, dans certains cas et vous qui êtes terre, vous qui êtes poussiè- pratiques, où commence l’exercice de l’une re, vous ne voulez pas pardonner?... de ces deux vertus et finit celle de l’autre, ou Comment? Vous ne pouvez pas? Et vous comment l’une peut être exercée sans léser voulez qu’un Dieu commande une chose l’autre: c’est là une preuve de nos limites, que vous ne pouvez pas faire? Combien, mais non de l’opposition des vertus entre avant vous l’ont fait et le font encore?... Il elles, et c’est un motif de plus pour nous 48 maintenir dans l’humilité et la prudence dans La conversion de Jean Gualbert est une l’exercice des différentes vertus. réalisation bien frappante de la promesse de Le juste milieu à garder dans l’exercice du Jésus. Jean Gualbert avait reçu une solide pardon à accorder à notre prochain signifie éducation chrétienne mais il abandonna par donc que celui-ci n’empêche pas l’exercice la suite la voie des commandements. Voici le nécessaire de la justice. Ici-bas comme dans fait qui fut à l’origine de sa conversion: un l’autre monde, la vraie miséricorde ne peut Vendredi Saint, il rencontra la personne qui exister sans la justice car, sans elle, la miséri- avait tué son frère. Poussé par la vengeance, corde n’est que faiblesse; de même que la jus- il s’apprête à le tuer de son épée quand le tice n’existe pas sans la miséricorde car, sans malheureux se jette à terre, les bras en croix cette dernière, la justice devient insuppor- et le supplie de ne pas lui ôter la vie en souve- table. Donnons un exemple pratique qui ai- nir de la Passion du Christ. Gualbert ne peut dera à comprendre ce qui vient d’être dit. Le résister à cette demande: l’exemple du commandement de toujours pardonner ne Sauveur qui pria pour ses bourreaux amollit contredit en rien, par exemple, l’obligation la dureté de son cœur, il tend la main au gen- où se trouvent les parents ou d’autres supé- tilhomme et lui dit: “Je ne puis vous refuser ce rieurs de punir quand cela s’avère nécessaire: que vous me demandez au nom de Jésus- ils doivent alors le faire pour le bien de l’âme Christ. Je vous accorde non seulement la vie de l’enfant ou de celui dont ils ont la respon- mais mon amitié. Priez Dieu de me pardonner sabilité devant Dieu, mais sans jamais perdre mon péché”. Ils s’embrassèrent, puis se sépa- au fond de leur âme la bonté (qui est un acte rèrent. De là, Jean se dirigea vers l’église de la miséricorde ou charité). d’une abbaye voisine. Il s’agenouille au pied Le contraire est tout aussi vrai: la justice d’un crucifix et y prie avec une ferveur extra- ne doit jamais être exercée sans la charité: ordinaire. Dieu lui fit savoir alors que sa priè- Jésus ne condamne pas dans cette parabole le re était exaucée, qu’il avait obtenu le pardon fait d’exiger de son prochain le paiement de de ses fautes: le crucifix devant lequel il priait ses dettes (une parabole ne doit pas être com- baissa la tête comme pour le remercier du prise au sens littéral, puisqu’elle est une pardon qu’il avait généreusement accordé image). Il ne condamne pas non plus, de par amour de Dieu. Changé en un homme façon plus générale, la défense de ses propres nouveau, Jean se convertit en effet et, peu de droits, comme de faire de justes remon- temps après, entra chez les bénédictins. La trances à ceux qui auraient blessé notre répu- grâce d’un changement si radical lui fut obte- tation. Mais Il condamne le fait d’exercer ou nue par le pardon généreux qu’il accorda de d’exiger ses propres droits sans en tempérer grand cœur à son ennemi. l’exercice par la charité: c’est s’exposer à Combien les Saints ont attaché d’impor- trouver la même sévérité pour nous chez le tance au pardon des offenses commandé par divin Juge. N’oublions pas: que le droit strict le Seigneur, on le comprend aux dernières (la seule justice sans la charité) n’est pas le recommandations de don Bosco aux Sa- droit aux yeux de Dieu; que Dieu exige tou- lésiens sur son lit de mort: “...Voulez-vous jours de nous la charité envers le prochain; et tous du bien comme à des frères: aimez-vous, qu’il n’y a pas de cas où il ne faille pardonner aidez-vous et supportez-vous les uns les à celui qui nous a fait du mal. autres comme des frères... Promettez-moi de vous aimer comme des frères... Faisons tou- La promesse du Seigneur jours du bien à tous, du mal à personne!... Diligite... diligite inimicos vestros... Be- Si donc vous pardonnez avec toute la gé- nefacite his qui vos persequuntur... (Aimez nérosité dont vous êtes capables, disait Saint vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous Alphonse de Liguori, si vous supportez vos persécutent)” (4). frères avec toute la patience qui vous est pos- Pardonnons donc toujours, faisons du sible - car ce n’est pas pardonner que de faire bien à ceux qui nous font du tort, prions pour sentir et payer aux autres leurs défauts et eux et nous serons ainsi assurés que Jésus leurs torts - Dieu vous pardonnera: voilà la nous pardonne nos péchés et nous attend au promesse de Jésus. Combien nous gagnons Ciel selon Sa promesse: “Bienheureux les mi- au change! Nous décidons de notre sort éter- séricordieux car le royaume des cieux leur ap- nel par notre attitude envers notre prochain! partient, bienheureux les doux car ils possède- 49 ront la terre (éternelle, qui est le Ciel), bien- surer le lecteur qu’il vaut la peine d’être dif- heureux les pacifiques car ils seront appelés fusé étant données l’habituelle clarté d’ex- fils de Dieu” (Matth. V, 4, 7 et 9). position et la typique sûreté de doctrine de son auteur. Notes Je me permets cependant d’apporter un éclaircissement important à propos juste- 1) MGR ANGELO GRAZIOLI, La pratica dei confessori ment de la discipline du jeûne. nello spirito di San Giuseppe Cafasso. Torino 1960. p.266. 2) Idem, loc. cit. 3) Idem, p. 269. Les citations suivantes sont toutes … qui mérite qu’on y apporte un éclaircisse- tirées des pages 269-70-71-72 de cet ouvrage. ment important 4) G. B. LEMOYNE, Vita di San Giovanni Bosco. Vol. II. pp. 649, 651, 654. L’auteur écrit: “selon les décrets de la sa- crée Congrégation du Concile [28 janvier 1949, 25 juillet 1957 et 1er décembre 1959], les jours pour lesquels le jeûne est demeuré Quelle est – actuellement – la strictement obligatoire sont les 7 et 24 dé- loi du jeûne ecclésiastique? cembre, le mercredi des Cendres et le Vendredi saint. On peut, si l’on veut, rempla- Par M. l’abbé Francesco Ricossa cer le 24 décembre par le 23” (cit., p. 7). Donc, selon l’abbé Belmont, la loi actuelle ans le n° 27 de mars 1992 (pp. 58-60), sur le jeûne [étant donné que – je le rappelle DSodalitium avait publié un bref article sur – Paul VI n’était pas formellement Pape] ne le jeûne eucharistique et sur le jeûne ecclésias- prescrirait plus que quatre jours de pénitence. tique, afin d’expliquer aux fidèles – qui parta- L’Institut, se basant sur le canon 1252, gent la thèse de la vacance formelle du Siège à soutient par contre que la loi actuelle du dater, au moins, du 7 décembre 1965 – quelle jeûne oblige le jour des Cendres et du est actuellement la loi de l’Eglise. Vendredi Saint, mais également tous les Il nous a été objecté à plusieurs reprises jours de semaine du carême à l’exception des que la loi sur le jeûne ecclésiastique et sur dimanches, les mercredis, vendredis et same- l’abstinence de la viande à laquelle nous nous dis des quatre temps, et les quatre Vigiles de référons (canon 1252 du code de droit cano- Pentecôte, de Toussaint, de l’Immaculée et nique promulgué par le Pape Benoît XV, le de Noël. Une belle différence! 15 septembre 1917) est dépassée puisque cor- Qui a raison? rigée par des documents pontificaux ulté- Tout dépend de la teneur des trois dé- rieurs; que l’Institut Mater Boni Consilii im- crets auquels se réfère l’abbé Belmont sans poserait donc une loi qui n’existe plus dans toutefois les citer. l’Eglise, et ferait ainsi preuve de désobéissan- Le décret du 3 (et non du 1er) décembre ce vis-à-vis de l’Eglise elle-même d’une part 1959 – sous Jean XXIII – étend seulement à et de manque d’esprit pastoral d’autre part en tous les fidèles le privilège accordé à la faisant peser sur les âmes un poids impossible France (décret du 27 août 1957) d’anticiper à porter ou, de toute façon, non prévu. A ces au 23 décembre le jeûne de la Vigile de Noël objections – que certains amis nous soule- fixé normalement au jour suivant (Cf. La vaient à titre personnel – nous avons toujours Documentation catholique, n° 1318, répondu personnellement. 20/12/1959, col. 1566). Le décret du 25 juillet 1957, pour sa part, Un excellent article… se limite à transférer l’obligation du jeûne et de l’abstinence prescrits pour la Vigile de Un ami commun nous a récemment (1) l’Assomption de Marie (14 août) à la Vigile présenté ses objections en s’appuyant sur un de l’Immaculée Conception (7 décembre) article consacré aux commandements de (Cf. La Documentation Catholique, n° 1257, l’Eglise, article dont l’auteur est notre con- 4 août 1957, col. 1020). frère l’abbé Hervé Belmont (Notre-Dame de Si les décrets de 1959 et de 1957 – sur les- la Sainte-Espérance, n° 28, septembre quels se base l’abbé Belmont – ne fournis- 1988).– A l’époque, l’article m’avait échap- sent aucun appui à sa position, reste la réfé- pé, mais maintenant que je l’ai lu, je puis as- rence à celui du 28 janvier 1949. 50

Le décret du 28 janvier 1949… sur le jeûne mise en vigueur par le canon 1252 n’a été ni changée ni abolie par le dé- C’est à ce décret que je m’étais référé cret ultérieur de 1949. Les seules véritables dans l’article de Sodalitium (n° 27, pp. 58-60) mutations – les seules, entre autres, signa- cité plus haut. lées en note dans mon édition du Code qui Puisque de nombreux lecteurs ne se le date de 1965 et remonte à Paul VI – concer- rappellent pas ou ne me font pas confiance, nent le déplacement de l’obligation de la vi- je le publie ici intégralement (le caractère gile de l’Assomption à celle de l’Immaculée gras est ajouté par la rédaction): (S.C. du Concile, décr. 25 juillet 1957) et l’extension de la loi du jeûne et de l’absti- “Décret de la S.C. du Concile relatif au nence du carême jusqu’au Samedi Saint mi- jeûne et à l’abstinence. nuit (Sacrée Congrégation des Rites, décret Puisque les circonstances difficiles qui, en général, 16 novembre 1955, n. 10). 1941, poussèrent à accorder la dispense de la Cette seconde disposition est décisive loi d’abstinence et du jeûne se sont presque pour l’interprétation du décret de 1949; si partout un peu améliorées, pour préparer l’interprétation qu’en donne l’abbé Belmont l’Année sainte qui approche et conformément était exacte, le décret de 1955 serait absurde: aux vœux exprimés par beaucoup d’Or- car pourquoi étendre au Samedi minuit dinaires, il semble opportun que l’observance l’abstinence et le jeûne du carême si - selon de ladite loi soit rétablie au moins en partie. l’abbé Belmont - depuis 1949 il n’y a plus Pour ce motif, Notre Très Saint Père le d’abstinence et de jeûne ce jour-là (mais Pape Pie XII a daigné décider qu’à partir du seulement le Vendredi Saint)? Par contre, il premier jour du prochain Carême, jusqu’à est cohérent qu’avec le déplacement de l’ho- nouvelle disposition, pour tous les fidèles de raire de la Veillée Pascale à la nuit institué rite latin, même appartenant aux Ordres reli- par la réforme de la Semaine Sainte, la gieux ou aux Congrégations religieuses, la Congrégation des Rites ait étendu jusqu’à la faculté accordée aux Ordinaires de dispen- nuit le jeûne du Carême. ser de l’abstinence et du jeûne, soit limitée Par conséquent la loi fixée par le canon de la façon suivante: 1252 du Code du droit canonique est de- a) l’abstinence doit être observée tous les meurée substantiellement inchangée jusqu’à vendredis de l’année la Constitution Pœnitemini de 1966 de Paul b) l’abstinence et le jeûne doivent être ob- VI; l’abbé Belmont suivant – comme nous – servés le mercredi des Cendres et le Vendredi la Thèse du Siège formellement vacant, il Saint, aux Vigiles des fêtes de l’Assomption et s’ensuit que – la Constitution de Paul VI de Noël: pour tous ces jours de jeûne et étant nulle – la loi de l’Eglise en vigueur est d’abstinence, l’usage des œufs et du laitage est celle du canon 1252 (mis à part les deux d’ailleurs partout autorisé dans les petits changements signalés). repas du matin et du soir. Mais le décret de 1949 ne laisse-t-il pas Les Ordinaires qui se serviront de ce nouvel subsister seulement 4 jours de jeûne? adoucissement du jeûne et de l’abstinence ne Non. Comme Sodalitium l’a déjà expli- manqueront pas d’exhorter les fidèles, spéciale- qué, le décret de 1949 limitait seulement le ment le clergé séculier, les religieux et les reli- pouvoir de dispenser de l’observance de la gieuses, à vouloir, dans ces temps très difficiles, loi accordé aux Ordinaires (Evêques diocé- ajouter des exercices de perfection chrétienne et sains ou similaires), en excluant de leur pou- des œuvres de charité, particulièrement à l’égard voir celui de dispenser pour ces quatre des pauvres et de ceux qui souffrent, et à prier jours-là. Les sièges épiscopaux étant actuel- selon les intentions du Souverain Pontife. lement formellement vacants, ces dispenses Rome, 28 janvier 1949. ne sont plus accordées. Francesco Cardinal Marmaggi, F. Roberti, secrétaire”. (Cf. La Documentation Catholique, n° 1038, 13 mars 1949, col. 325). Appliquer la loi… avec bon sens … bref commentaire Telle est la loi, sans l’ombre d’un doute. Ce qui ne veut pas dire que ladite loi ne Du texte du décret que je viens de repro- doive pas, de nos jours, être appliquée avec duire il découle que la loi sur l’abstinence et bon sens, et avec sens pastoral. Ce qui veut 51 dire que les motifs adoptés couramment par fendre le droit de l’enseignement de l’école les moralistes pour décharger les fidèles de libre, il dut quitter la France, refusant tout l’application de la loi doivent être évalués compromis, après la promulgation de la loi avec une grande bénignité, en tenant compte: Ferry. Il fonda et dirigea alors en Angleterre a) qu’en temps normal les Ordinaires au- le collège français St. Mary, à Canterbury. Il raient pu dispenser de la loi et réduire l’obli- commença l’année scolaire avec quatre gation à seulement quatre jours par an; élèves et il la termina avec… cent quatre! Il b) que cette loi – de fait – n’est plus ob- refusait toute recommandation si l’élève ne servée depuis 1941, ce pour quoi on pourrait donnait pas les garanties “de piété, de tra- éventuellement invoquer – contre l’obser- vail, de discipline”. vance de la loi – une coutume de plus de De retour en France en 1890 il devint un quarante ans (cf. canons 25-30). personnage très médiatique; ses prédications Affirmer cependant, sans donner dans les plus grandes chaires de Paris, en d’autres précisions, que la loi ecclésiastique même temps que ses œuvres sociales dans le de l’abstinence et du jeûne ne prescrit plus cadre d’un “catholicisme social”, avancé actuellement que quatre jours de pénitence pour l’époque, en firent la cible privilégiée est - objectivement - une erreur. des gouvernants anticléricaux. Il fonda le “Syndicat de l’Aiguille” (1891) pour amélio- Note rer les conditions de travail des employés, 1) Cet article a été publié dans le numéro 53 de l’édi- modistes, lingères, couturières. En 1897 ce tion italienne de Sodalitium datant de décembre 2001. syndicat sera présent dans 33 des principales villes de France; en 1903 il comptera 2000 inscrits à Paris. Il écrivit France (Paris, 1888), recueil de Recensions souvenirs pour les anciens élèves du St. Mary’s College, et Jésuites (Paris, 1901) en défense de l’Ordre contre les calomnies ré- pandues de partout.

Une victime de l’anticlérica- abbé Giuseppe Murro lisme: le Père Stanislas du Lac YVES DU LAC DE FOUGERES a vie du Père Stanislas du Lac (1835- Père Stanislas du Lac, s.j. De la légende à L1909), écrite par un neveu de sa famille la réalité qui a pu avoir accès non seulement aux ar- Pierre Téqui éditeur, 238 pages, 17,70 € chives des jésuites, mais aussi aux documents et souvenirs de sa famille, retrace la vie et les combats de ce père jésuite dans une fresque saisissante de l’homme et de l’atmosphère politique de l’époque. L’anticléricalisme de L’éducation de Jean-Marie la fin du XIXème siècle apparaît avec les dé- buts de la Troisième République, dès 1876. Il e petit livre est une réponse aux mères va durer trente ans jusqu’à la confiscation Cqui, bien décidées à faire de leurs en- des biens de l’Eglise et la séparation de fants de solides chrétiens, ne savent com- l’Eglise et de l’Etat. Le R. P. Stanislas du Lac ment commencer leur éducation religieuse. incarne la résistance. Il se prodigua pendant Une réponse à toutes celles qui, sentant la la guerre franco-allemande pour installer un grandeur et le poids de leur tâche, estiment lazaret au Mans, où passèrent 22.000 soldats. que l’expérience des unes peut aider les Recteur de l’école Sainte-Geneviève à Paris autres et qu’on n’est jamais trop de mamans de 1871 à 1881, il lui donna une grande re- ensemble pour s’encourager et se soutenir. nommée, notamment du fait des succès qu’il Vous retrouverez dans ces pages Jean-Marie obtint aux concours des grandes écoles, et entre cinq est sept ans; sa sœur Monique devint dès lors l’objet des premières attaques entre trois et cinq. Le jeune François est en- dirigées contre l’enseignement religieux. core poupon. Vous assisterez à des scènes Chargé par le général des jésuites de dé- vécues, à des conversations où vous retrou- 52 verez les réactions de vos petits, le reflet de Les sept péchés capitaux de votre propre foyer. La mère de Jean-Marie ne laisse à personne le soin de faire l’enfance connaître et aimer Dieu à ses enfants. Elle ne dit pas: “Ils sont bien le temps d’ap- ous avons jugé utile de rééditer le livre prendre… pour l’instant qu’ils se laissent Ndu R. P. Charles de Maillardoz “ Les sept vivre”, car elle sait que dès leurs premières péchés capitaux de l’enfance ” (1): il sera d’un années les petits ont une âme faite pour grand profit aux parents et à toutes les per- Dieu et qui a besoin de Lui. Elle ne dit pas: sonnes concernées par l’éducation des en- “Ils apprendrons cela au catéchisme… c’est fants. Dans ce petit ouvrage, le Père de l’affaire de M. le Curé”, car elle a compris Maillardoz a su allier esprit surnaturel et bon que l’enseignement du catéchisme doit être sens. Il s’appuie en effet sur la vérité du préparé par une première initiation mater- péché originel, souvent oubliée de nos jours, nelle que rien ne remplace. Elle ne dit pas: mais qui est pourtant si manifeste même chez “Je ne suis pas capable d’instuire mes en- les enfants; par ailleurs, il donne un grand fants”; les vérités religieuses sont présentes à nombre d’exemples pratiques qui permettent son esprit et à son cœur, parce qu’elle ne la compréhension des principes exposés. cesse de les vivre. On n’oublie pas sa reli- Le Père Charles de Maillardoz était l’un gion quand on la pratique. Et puis ce qu’elle des huit enfants de Mme Marie Laure ne sait pas elle l’apprend. Maublanc de Chiseuil, épouse du Marquis L’ambition de ce petit livre est d’aider les de Maillardoz de Rue. S’il a pu aussi bien mères. Il s’agit d’exprériences d’une mère traiter de l’éducation, c’est certainement proposées à d’autres. Chacune saura les grâce à celle qu’il avait reçue de sa mère qui adapter à ses propres enfants, à leur caractè- fut vraiment une sainte femme. Fidèle à re, à leur développement, à leur vie. l’Eglise et au Pape dans cette période du XIXème siècle si difficile pour les abbé Giuseppe Murro Souverains Pontifes, catholique fervente, amie de nombreuses personnalités telles que L’éducation de Jean-Marie le Cardinal de Mermillod, elle participa et Centro Librario Sodalitium, 80 pages, organisa sur leur conseil et sous leur direc- 4,50 € tion plusieurs œuvres ayant pour but le dé- veloppement de la foi et de la dévotion. Elle favorisa la prédication de missions dans des pays protestants et soutint la fondation de plusieurs maisons religieuses. Toutes ces ac- tivités ne l’empêchèrent pas de maintenir une profonde vie intérieure; toujours, elle s’efforça de vivre selon les principes surna- turels, les mettant plus spécialement en pra- tique tant dans la formation de ses enfants à la maison que dans le choix pour eux d’éta- blissements où régnait le meilleur esprit. Dieu bénit cette âme: autour d’elle, tous se sanctifièrent. L’un de ses enfants mourut à l’âge de huit ans comme un petit saint; de deux qui se consacrèrent à Dieu, l’un devint évêque; elle-même, renonçant aux joies fa- miliales méritées après une vie si bien rem- plie, voulut consacrer à Dieu les dernières années de sa vie. Désireux de ne pas retoucher le texte de l’édition de 1928, nous l’avons repris prati- quement tel quel. Cependant, le lecteur saura lui-même comprendre que les exemples donnés par l’auteur, il y a mainte- 53 R. P. Ch. de MAILLARDOZ S. J.

LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX DE CONTROVERSES L’ENFANCE

Préface de S. G. Mgr Julien Évêque d’Arras, Membre de l’Institut.

La réponse du Sel de la terre à Sodalitium à propos du sédévacantisme et de la Thèse de Cassiciacum Couverture du livre du P. de Maillardoz s.j. ans le numéro 52 de notre revue (jan- Dvier 2002) nous avions répondu à un “Petit catéchisme du sédévacantisme” publié nant plus de soixante-dix ans, ne peuvent dans le n° 36 de la revue dominicaine – fidè- pas tous être appliqués au pied de la lettre à le à Mgr Lefebvre – Le sel de la terre. Cet l’heure actuelle bien que les vérités qu’ils été, les dominicains dAvrillé ont répondu à illustrent demeurent toujours intactes. De notre article (n° 41, été 2002). même, si le style utilisé est quelquefois un Sodalitium se réjouit de cette réponse, peu désuet, il ne nous semble pas représen- qui n’est pourtant pas exempte de trait polé- ter un obstacle à la lecture. miques contre nous; le fait même que nos ar- Nous souhaitons que les parents et les gumentations aient été prises en compte et éducateurs retirent beaucoup de fruits de ce qu’il en ait été fait mention, donc que le petit livre à la fois si court et si précis, pour débat soit accepté, est à considérer comme le plus grand bien des enfants confiés à leurs positif. soins par le Bon Dieu. Dans une lettre du 5 juin, les Pères domi- nicains nous ont demandé de publier leur ré- R. P. de Maillardoz, Les sept péchés capitaux ponse dans Sodalitium. Sodalitium ne s’y op- de l’enfance Centro Librario Sodalitium, pose pas, et propose même une publication 90 pages, 8,40 € intégrale, pour les lecteurs des deux revues, de nos arguments différents, à condition tou- CONSEILS DE LECTURE tefois qu’il y ait réciprocité! Sodalitium pu- bliera les réponses du Sel de la terre lorsque * COPIN-ALBANCELLI nos confrères publieront celles de Le drame maçonnique. Le pouvoir occul- Sodalitium… Pour le moment, limitons- te contre la France, nous, les uns et les autres, à faire connaître Réimp. de l’édition de 1908, par éd. indirectement mais fidèlement à nos lecteurs A. Barruel, 2000, p. 300 B.P. 8 - 33650 respectifs, les arguments de l’adversaire. Cabanac. www.barruel.com. Entre temps, nous nous promettons de L’auteur: ancien franc-maçon, il lança répondre le plus tôt possible… à la réponse une vaste campagne de dénonciation de la de Dominicus… A bientôt! Franc-Maçonnerie afin de dévoiler ses buts secrets. Nouveau démenti au docteur Heller et à sa revue Einsicht *DOMENICO MARGIOTTA Nous avions publié dans le dernier nu- Le Palladisme. Culte de Satan Lucifer méro de Sodalitium (n° 53, pp. 46-47) un dé- dans les triangles maçonniques, menti d’une calomnie publiée par la revue Réimp. de l’édition de 1895, par éd. sédévacantiste allemande Einsicht. Mal- A. Barruel, 2001, p. 220 B.P. 8 – 33650 heureusement, non seulement son directeur, Cabanac le docteur Heller, n’a pas considéré de son L’auteur: ancien franc-maçon de Naples. devoir de publier notre démenti, mais il a Ses ouvrages eurent beaucoup de succès; il a même renouvelé la calomnie en question. connu personnellement Albert Pike et Einsicht écrit de nous: “[pour l’Institut] non- Adriano Lemmi (ancien Grand-Maître du obstant son [de Jean-Paul II] apostasie, on Grand Orient d’Italie). Il démontre que la ne peut pas dire que le Siège apostolique soit Franc-Maçonnerie est une secte satanique. vacant (et en toute cohérence, l’Institut avait 54 mis le blason de Jean-Paul II sur son site pré- ignorer – parce que l’abbé Ricossa le lui a cédent” (p. XXXII – 155). Nous devons donc écrit personnellement – que la Thèse expose le répéter, cette nouvelle est complètement deux solutions: le retour de l’occupant du fausse. Le sit internet où se trouvait (dans Siège apostolique à la profession intégrale un ‘link’) le blason de Jean-Paul II ‘heureu- de la foi, ou bien l’intervention de la hiérar- sement régnant’ n’a jamais été un site de chie pour constater l’hérésie formelle de l’Institut ou de Sodalitium; notre adresse Jean-Paul II, et ce en un Concile général im- électronique est signalée dans chaque numé- parfait, auquel reviendrait aussi l’élection ro de notre bulletin; cette adresse n’a jamais d’un Pontife légitime. Si Einsicht objecte été celle à laquelle Einsicht fait référence. que la “hiérarchie est déchue” elle aussi et Pour ce qui est du fond de la question, que cela exclue la possibilité d’un retour pu- nous nous limitons à observer: blic à la foi de certains de ses membres, qu’il 1) Einsicht pensait que la Thèse du Père nous explique pourquoi il a considéré Guérard était morte, parce que le Père comme légitime le retour à la profession pu- Guérard l’avait (quasiment) abandonnée et blique de foi de Mgr Ngo-Dinh-Thuc, lequel que nous démontrions – en collaborant avec avait pourtant auparavant reconnu Vatican des sédévacantistes – que nous ne la soute- II et la légitimité de Paul VI et de Jean-Paul nions que par respect pour la mémoire du II. Si l’apostasie est un “péché irréversible” Père Guérard. Einsicht, en l’occurence, comment se fait-il qu’il n’ait pas été irréver- manque d’informations. Non seulement il sible pour l’évêque vietnamien? n’est pas vrai que le Père Guérard (ensei- 4) Einsicht parle avec assurance d’un gnant au Latran et non à la Grégorienne) ait “enseignement de l’Eglise en ce qui regarde le (quasiment) renoncé à la Thèse mais, en ce problème du ‘papa hæreticus’”. Il ne semble qui nous concerne, Sodalitium a toujours pas- pourtant pas que le docteur Heller connaisse sionnément défendu – par de nombreux argu- cet enseignement. D’abord, parce que cet ments – cette position. Nous avons même ex- enseignement n’existe pas (il n’existe que pliqué dans quelles limites nous considérons des opinions de théologiens, mais l’Eglise ne possible la collaboration avec les sédévacan- s’est pas prononcée définitivement) et ensui- tistes complets (éditorial du n° 26, décembre te parce qu’il ne semble pas connaître grand 1991). Enfin, le Père Barbara, donné par chose des diverses opinions des théologiens. Einsicht pour sédévacantiste simpliciter, avait Il va jusqu’à écrire que “l’idée de Bellarmin adhéré publiquement à la Thèse. que le pape hérétique est déposé est complé- 2) Einsicht fausse notre position. Selon la tée par Cajetan par la formule deponendum revue allemande, nous soutiendrions que “le est, qui signifie que cette sentence doit être siège apostolique n’est pas vacant”, donc que rendue publique devant l’Eglise et que de la “Jean-Paul II est pape s’il enseigne quelque part de l’Eglise il doit être déclaré déposé, chose d’orthodoxe et qu’il ne l’est pas s’il en- parce que l’Eglise est une communauté juri- seigne l’hérésie”. Ce n’est absolument pas la dique, visible, qui doit connaître clairement position de la Thèse, mais celle de la l’état de son chef”. Les derniers mots du doc- Fraternité Saint Pie X. Selon nous Jean-Paul teur Heller nous font espérer qu’il pourra II n’est pas Pape, dans le sens qu’il n’a pas comprendre notre position, qui se fonde l’autorité divinement assistée: nous ne le ci- précisément sur l’exigence d’une déclaration tons pas au canon de la Messe. Il n’est pas vrai de l’Eglise, mais il n’est pas exact de dire que, pour nous “simplement il n’est pas permis que Cajetan a complété Bellarmin puisque d’obéir à ses lois hérétiques”: il n’a pas le pou- Cajetan a vécu avant Bellarmin et que ce voir législatif. Dire qu’il n’est pas “Pape for- dernier s’opposa à la thèse du premier! maliter” veut dire – pour répondre par oui ou 5) Selon Einsicht la déclaration de dépo- par non – que, non, il n’est pas Pape. sition par l’Eglise fut faite par Mgr Thuc: 3) Einsicht présente comme unique solu- c’est la déclaration de Münich. Le Père tion donnée par la Thèse celle de la conver- Guérard chercha en effet à convaincre Mgr sion de Jean-Paul II: “les tenants de la Thèse, Thuc de formuler sa déclaration de façon comme l’abbé Ricossa, attendent donc que plus exacte, mais sans y parvenir. En dehors Jean-Paul II se convertisse. Il suffit d’avoir de toute autre considération, la valeur légale foi en la Providence contrairement à nous sé- de la déclaration de Münich laisse interdit, si dévacantistes”. Le docteur Heller ne peut l’on pense que – en déclarant la vacance du 55

Siège – Mgr Thuc utilisa le titre d’Evêque de reviendront à la profession publique de la Bulla Regia, à lui conféré par… Paul VI! foi (ce pour quoi ils auront l’autorité forma- 6) Enfin, Einsicht s’oppose à la Thèse liter pour accomplir un tel acte). L’abbé parce qu’elle empêcherait la solution de la Paladino toutefois refuse cette éventualité. crise, laquelle viendrait d’une élection papa- Quels sont donc, pour lui, les personnes ha- le. Nous voudrions savoir clairement bilitées à accomplir cette déclaration pour- d’Einsicht qui sont, dans la situation actuel- tant nécessaire? le, les électeurs habilités à élire un Pape. Ensuite l’abbé Paladino qualifie de ridi- cules les “élections papales” faites jusqu’ici La Voie par les conclavistes; mais tout conclaviste est convaincu que les élections faites par les Nous étions sur le point de porter autres sont ridicules alors que celle qu’il pré- Sodalitium à l’impression lorsque – par cour- voit sera enfin sérieuse. Pour savoir si l’abbé rier électronique – nous est parvenu le der- Paladino s’oppose au conclavisme non seule- nier numéro (novembre par conséquent) de ment pour des motifs d’opportunité (de fait la revue sédévacantiste, La Voie, fondée par les conclaves ne sont pas sérieux, de fait ils Melle Myra Davidoglou et reprise par l’abbé divisent au lieu d’unir, de fait on n’arrive pas Francesco Paladino. Notre attention a été à réunir tous les catholiques qui pourraient attirée par l’article intitulé le sédévacantisme participer au conclave, de fait les “papes” et le conclavisme qui traite plus ou moins le s’excommunient réciproquement etc., c’est même sujet que ce numéro de Sodalitium pourquoi “l’Eglise qui pourrait subvenir elle- (L’élection du Pape). Dans La Voie, l’auteur même à ses besoins” – et voici le conclavisme préconise – comme solution à la situation de – de fait n’y arrive pas) mais aussi pour un Siège vacant – l’intervention surnaturelle de motif théologique, nous voudrions ap- saint Pierre, se fondant sur les prophéties prendre de lui clairement si des laïcs, des d’Elisabeth Canori Mora. L’abbé Paladino, prêtres (romains) ou des Evêques non rési- répondant à l’abbé Ricossa (mais sans citer dentiels pourraient, en théorie, être actuelle- la source, c’est-à-dire l’opuscule de l’abbé ment les électeurs du Pape. L’abbé Paladino Ricossa “L’abbé Paladino et la Thèse de répondra-t-il oui? Il est alors un conclaviste. Cassiciacum”) nous accuse d’avoir faussé sa Répondra-t-il non? Encore une fois il va pensée au sujet du conclavisme et même de s’approcher de notre position (et nous allons lui avoir fait dire juste le contraire de ce lui adresser à nouveau nos compliments! qu’il pense: “Comment peut-on dire que l’au- L’abbé Paladino – qui jusqu’ici n’a pas préci- teur de Petrus es tu ? [l’abbé Paladino] ‘incli- sé ces points parce que, peut-être, il n’a pas ne visiblement’ pour le conclavisme quand, les idées claires à ce propos (et c’est ce que en réalité, il affirme que cela serait ridicule en nous voulions dire dans notre opuscule) – tronquant la citation, évidemment”. Désolé pense trouver une solution dans une voie de devoir contredire l’abbé Paladino, mais “surnaturelle”, celle d’une élection papale notre avis demeure le même: au sujet du faite par le Ciel. Nous répondons à cette hy- conclavisme il n’a pas encore aujourd’hui pothèse, dans ce numéro de Sodalitium et une position claire, du moins pour nous qui nous y expliquons pourquoi elle n’est pas sommes durs de la comprenette. L’abbé viable. L’abbé Paladino n’ignore pas nos ob- Paladino dit à raison que pour procéder à jections (“certains ont objecté que cela n’est une nouvelle élection il faudrait une déclara- pas possible car si saint Pierre choisissait di- tion de l’Eglise. En cela nous sommes d’ac- rectement un nouveau Pontife, il inaugurerait cord – nous l’avons déjà écrit – et, qu’il ne une nouvelle lignée apostolique, et ce ne se- nous en veuille pas, sur ce point l’abbé rait donc plus la même Eglise”). Et voici sa Paladino se rapproche de la Thèse de réponse: “il nous semble que cette objection Cassiciacum et s’éloigne du sédévacantisme n’a aucun fondement car il faut, à notre avis, complet (c’est un compliment!). Mais ce entendre cette prophétie dans le sens que saint qu’entend l’abbé Paladino par Eglise, ce Pierre interviendra d’une manière extraordi- n’est pas clair pour moi. Qui doit faire cette naire pour faire comprendre quel devra être déclaration? A notre avis, les Cardinaux ou le nouveau Pontife à élire ou quelque chose les Evêques résidentiels qui, pour le mo- de semblable”. La réponse de l’abbé ment, ne le sont que materialiter, lorsqu’ils Paladino est raisonnable: il exclut, tout 56 comme nous, que saint Pierre (ou qui que ce Sainte Messe, selon le rite, en langue latine, soit) puisse élire directement le Pape. Il promulgué par le Pape Saint Pie V (celui cé- pourrait seulement convaincre les électeurs lébré partout avant la révolution liturgique de voter pour telle personne. Mais de cette de 1969). Ceux d’entre vous vivant non loin façon nous revenons à la question précéden- de ces endroits auront la possibilité de ren- te à laquelle l’abbé Paladino n’a pas encore contrer ainsi un de nos prêtres, à l’occasion répondu: qui sont-ils ces électeurs? Existent- de son passage pour la célébration de la ils déjà en acte (thèse conclaviste) ou seule- Messe. Pour les jeunes (enfants ou adoles- ment en puissance (thèse de Cassiciacum)? cents), nous organisons des camps de vacance Que l’abbé Paladino nous dise s’il est – fon- selon la méthode de la Croisade Eucha- damentalement – conclaviste ou bien s’il est ristique et la pédagogie salésienne; pour les – fondamentalement – pour la Thèse… adultes, nous donnons les Exercices Spi- Tertium non datur. rituels, en Italie et plus encore en France, selon la méthode de Saint Ignace. Enfin, une Association Mater Boni Consilii a pour but Vie de l’Institut l’aide aux nécessiteux et la pratique des œuvres de miséricorde. Nous sommes catho- liques, apostoliques, romains; mais face à la crise ouverte par le Concile Vatican II, nous ux nouveaux lecteurs. Certains parmi soutenons que le nouvel enseignement conci- vous reçoivent pour la première fois liaire, tout comme les réformes canoniques, ASodalitium, revue envoyée gratuite- liturgiques et disciplinaires faisant suite au ment à tous ceux qui le désirent. Sodalitium Concile, sont en contradiction avec l’ensei- (qui s’inspire dans son titre du Sodalitium gnement infaillible et irréformable de pianum, l’association anti-moderniste fondée l’Eglise. Il s’ensuit que nous ne pouvons re- par Mgr Benigni avec l’approbation de St Pie connaître l’Autorité de ceux qui ont promul- X) naquit en 1983, comme revue du Prieuré gué ces réformes: le Siège apostolique est for- de Montalenghe et ensuite de tout le district mellement vacant, et le sera tant que ses oc- italien de la Fraternité Saint Pie X, la congré- cupants ne reviendront pas à la profession gation fondée par Mgr Lefebvre. En 1985, les publique et intègre de la Foi (c’est la Thèse fondateurs et les autres rédacteurs de la défendue par le défunt Père M.-L. Guérard revue quittèrent la Fraternité pour fonder des Lauriers, religieux dominicain et théolo- l’Institut Mater Boni Consilii. Notre petit gien thomiste, autrefois enseignant à l’Uni- Institut, qui se compose d’un évêque, de six versité Pontificale du Latran à Rome). A la prêtres, sept séminaristes et plusieurs laïcs, suite de toute l’école sociale catholique, à la- est présent dans trois pays: en Italie, avec quelle le Pape Léon XIII donna une grande deux maisons (près de Turin et près de impulsion, nous reconnaissons dans la Rimini), en France (avec une maison dans la “judéo-maçonnerie” (l’expression est de Mgr Nièvre) et en Belgique (avec une maison Jouin, loué à maintes reprises par les Papes dans les Flandres). Nos activités sont nom- Benoît XV et Pie XI) le principal adversaire breuses: nous avons un séminaire à Verrua de l’Eglise dans son œuvre d’évangélisation Savoia (région de Turin), une maison d’édi- du monde et de salut des âmes: l’Institut or- tion, le Centro Librario Sodalitium, qui a pu- ganise des études sur ce phénomène, et sur blié plusieurs titres et édite quatre revues toutes les erreurs et les hérésies opposées à (Sodalitium, Le Bon Conseil, Opportune im- l’Eglise. Quiconque désire en savoir plus peut portune et, dernier né, L’Albertario) et, par- prendre contact avec notre revue. fois avec la collaboration de centres culturels Séminaire Saint Pierre Martyr. Le 14 (le Federici à Rimini, le Zanarini à Bologne, septembre, fête de l’Exaltation de la Sainte section du précédent, L’Albertario à Milan, Croix, nos séminaristes sont rentrés à Gli amici di Sodalitium à Rome), nous orga- Verrua pour y suivre, du 16 au 21 sep- nisons de nombreux colloques ou confé- tembre, les Exercices Spirituels donnés par rences un peu dans toutes les villes d’Italie. les abbés Murro et Giugni. Le 21 septembre, Sur la dernière page de la présente revue, et non sans quelques péripéties, arrivait à vous pourrez voir dans quelles localités nous Verrua Frère Joseph-Marie, bénédictin de nous rendons régulièrement pour célébrer la Faverney. Depuis vingt ans en effet, à 57

naissance. Merci Michel, Christian, Philippe et Vincent! Enfin, une triste nouvelle pour ceux qui connaissent notre maison: Pluto, notre fidèle chien de garde qui nous a tenu compagnie pendant des années, est mort après 11 ans de bons et loyaux services... Italie. Les fidèles romagnols ont effectué deux pèlerinages paroissiaux: le premier, le dimanche 18 août, en se rendant à Sas- socorvaro (PU) pour vénérer les reliques de Saint Valentin et à Montecerignone (PU), devant l’urne du corps du Bienheureux Domenico Spadafora; le second s’est déroulé le 22 septembre au sanctuaire de la Sainte Vierge de Carbognano (RN). Le 28 février, une sympathique réunion a eu lieu à Cassana, près de Ferrare. Nouveaux et anciens amis de Rimini et de Ferrare s’y sont retrouvés, ou bien ont fait connaissance, guidés par les abbés Carandino et Ricossa. Après une ins- truction spirituelle donnée par l’abbé Ricossa L’abbé Carandino entrant dans l'Institut le 21 septembre à Verrua sur les fins dernières, on s’est revigoré l’esprit avec la récitation du rosaire, et le corps… Faverney, en Franche-Comté, existe un avec un repas entre amis. Nous remercions prieuré bénédictin fondé par le Père Pierre Sabrina Baroni qui a organisé la journée. Verrier. Dans sa Lettre aux amis et bienfai- Samedi 19 octobre, a eu lieu le pèlerinage ha- teurs (n° 36, 14 septembre 2002), le Père bituel pour les émiliens et les romagnols à la Verrier recommande aux prières de ses lec- Madone de San Luca, Sanctuaire qui domine teurs le Frère Joseph-Marie venu en Italie (et protège) Bologne. Nous avons honoré le afin de poursuivre ses études préparatoires mois du Rosaire en récitant les trois chapelets au sacerdoce. Dans le même numéro, le sur le chemin du Sanctuaire. Père Verrier prend position en faveur de la Face au Dôme de Milan le 19 octobre, Thèse sur la vacance formelle du Siège apos- l’abbé Giugni a conclu par une prière une tolique. Le 24 septembre, ils étaient donc manifestation publique, invitant à suivre sept séminaristes à reprendre les études au l’exemple des croisés et des chouans contre Séminaire Saint Pierre Martyr. les troupes napoléoniennes; la journée était Nouveaux membres de l’Institut. Comme organisée par Padania cristiana et par les le séminaire, l’Institut s’est accru en nombre. Volontari verdi, pour la préservation de Le 15 août, fête de l’Assomption, à Raveau, l’identité catholique de la ville (cf. La l’abbé Murro recevait dans l’Institut Padania, 20/21 octobre 2002, pp. 1 et 8). Bien Mademoiselle Elisabeth Langlet. Par ail- évidemment, l’abbé Giugni n’est pas d’accord leurs, à l’issue des Exercices Spirituels cités – ainsi que tout l’Institut – avec la malheureu- ci-dessus, l’abbé Ricossa recevait dans se formule d’une église ambrosienne “auto- l’Institut l’abbé Ugo Carandino de la Casa S. nome de celle de Rome”, soutenue à cette oc- Pio X, à San Martino dei Mulini (Rimini). casion par le député Borghezio (ibidem, p. 8). La maison de Verrua… on en voit jamais Le quotidien communiste L’Unità a égale- la fin, et ça continue! Les maçons ont com- ment parlé (mal! – et c’est bon signe…) de mencé la construction de la bibliothèque cette manifestation (l’Unità 20/10/2002). dans les locaux affectés autrefois au fenil; en L’Institut et la presse. Le n° 213 de Orion plus de la bibliothèque, nous devrons amé- (juin 2002) publie une intervention de l’abbé nager des chambres pour les séminaristes, Nitoglia et une “brève réponse” de Maurizio les hôtes ou les retraitants. La réfection d’un Murelli. Dans ce numéro de Sodalitium vous mur et d’un portail d’entrée – qui mena- pouvez lire la réplique de l’abbé Nitoglia à çaient ruine – a été effectuée en octobre par Murelli. la Padania du 13 juillet 2002 a rap- des maçons bénévoles, à qui va notre recon- porté la position de l’Institut sur la nomina- 58 tion de Mgr Tettamanzi à la tête du diocèse Ont parlé de l’Oratoire Saint Grégoire- de Milan. Sur Casalecchio News, l’abbé le-Grand de Rimini le Corriere di Rimini du Carandino a été interviewé par Alessandro 15 juillet, dans l’article “Un giorno tra sacro Ori et Giulio Nesi (n° 8, octobre 2002, p. 7). e profano” et La Voce della Romagna du 2- Le 40ème anniversaire du Concile a été l’oc- 9-2002 dans l’article “Due giorni intensi, Fra casion de parler aussi de la thèse “sédévacan- cerimonie e ricordi”. L’abbé Carandino a été tiste”. Messori parle de la “cohérence” de interviewé le 4 septembre (sur l’immigra- cette thèse sur le Corriere della Sera du 21 tion) et le 2 octobre (sur la bataille de octobre (p. 35). Raimondo Gatto, sur la Lépante) par Radio Padania Libera; le 25 Padania, écrit de son côté: “Cette affirmation octobre durant une interview à Tele Padania de Jésus [Matth. XVI, 15-18], d’un côté il a parlé de l’islamisme. Deux articles de constitue la plus grande garantie que le magis- l’abbé Carandino, sur la question des tère éternel de l’Eglise catholique, excepté le Crucifix dans les édifices publics, ont été pu- Concile Vatican II, ne peut tromper ni s’être bliés sur la Padania du 1er et du 31 octobre. trompé, de l’autre soulève des doutes sur l’au- Sodalitium. Le quotidien de Vittorio torité actuelle qui soutient manifestement le Feltri, Libero (25 juillet 2002, pp. 1 et 35), si- contraire” (18 octobre 2002, p. 17). Il Resto gnale à ses lecteurs “un journal clandestin, del Carlino du 5 octobre 2002 (p. III) signale ou presque, Sodalitium, petite revue sincère la présence à Ferrare – en plus de la de l’homonyme Centro Librario. Réalité hy- Fraternité Saint Pie X – de notre Institut. Le percatholique – ajoute l’auteur de l’article, bulletin Gloire à Marie (15 septembre 2002, Alberto Mingardi – et pourtant (eux-mêmes pp. 3-5) intervient sur la question débattue diraient: justement pour cela) critique, hyper- du “Secret de La Salette”, en prenant ses dis- critique en ce qui concerne l’Eglise conciliai- tances par rapport à l’Institut. Gloire à Marie re”. L’article de Sodalitium qui a suscité l’in- admet que l’Eglise s’est plusieurs fois pro- térêt du recenseur est celui de l’abbé Giugni noncée à ce propos, mais estime que les sur Guareschi et le Concile, publié dans le condamnations du Saint-Office doivent être dernier numéro de l’édition italienne de considérées comme abrogées après le décret notre bulletin (et dans ce présent numéro de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine aux pp. 18 à 36). Une belle recension du der- de la Foi du 14 octobre 1966 (sous Paul VI, nier numéro de Sodalitium a été publiée par pourtant). le Sole delle Alpi dans le numéro du 24 août. L’Ultima Crociata (n° 9, novembre 2002), Photo de groupe prise lors du camp de la dans un bel article de Italo Merli, fait allu- Croisade Eucharistique sion à la couverture du dernier numéro de Sodalitium (la statue de l’Immaculée fusillée par les soldats israéliens à Bethléem). Centro Librario Sodalitium. La presti- gieuse Rivista di studi politici internazionali [Revue d’Etudes politiques internationales] (n° 275 – 3/2002, juillet-septembre, p. 513) a signalé la réédition, par notre Centro Librario, du livre classique de Lazare sur L’antisémitis- me, ainsi que (sur le n° 276 – 4/2002, p. 689) l’ouvrage de l’abbé Nitoglia, L’esoterismo. Le C.L.S. a réédité pour le compte du Centro Studi Davide Albertario le livre “In prigione in nome di Gesù Cristo”, écrit dans les années 30 par Mgr Pecora (neveu d’Albertario), qui re- trace admirablement la vie et l’activité de Don Albertario. Notre Centro assure égale- ment la diffusion des nombreux travaux de l’abbé Nitoglia, publiés chez d’autres éditeurs, en italien. Activités estivales. Du 8 au 22 juillet s’est déroulé à Raveau le camp Saint Louis de 59

Gonzague de la Croisade Eucharistique. La retour à la maison, fatigués, mais contents, vie quotidienne y est centrée sur la prière, en et parfois même surpris du bien reçu durant particulier la Messe et la Sainte Eucharistie, ces dix jours. Merci aux Savoyards qui ont et sur le jeu. Mais il y a aussi les journées aidé au bon déroulement du séjour, et parti- “spéciales”: matinée d’adoration eucharis- culièrement à l’aide généreuse et efficace de tique le samedi 13, pèlerinage aux reliques de Mr et Mme Petit. Si Dieu veut, à l’année sainte Marie-Madeleine à Vézelay le 11, visi- prochaine, à la même époque! te au Château de Saint-Fargeau le 16, le jeu Conférences. Le 21 juillet, à Raveau, de piste dans la forêt de la Chartreuse de l’abbé Ricossa a donné une conférence pour Bellary le 18, et pour terminer, la veillée fina- les amis de la région sur le thème: Le n° 48 de le avec représentation théâtrale le dimanche Sodalitium (avril 1999!) en question. 21. C’est depuis 1991, date de l’ordination de Pourquoi ai-je parlé de l’Apocalypse, du l’abbé Giugni qui en prit aussitôt la direction, Secret de La Salette et de la ‘prophétie’ de que ces camps de la Croisade Eucharistique Saint-François?. Le soir du 7 octobre (fête de de l’Institut ont lieu chaque année. la Vierge du Rosaire et de N.-D. des Du 8 au 26 juillet a eu lieu le camp Saint- Victoires), l’abbé Ricossa a parlé sur le Joseph, organisé par les sœurs du Christ- thème: “7 octobre 1571: la flotte chrétienne ar- Roi, avec l’abbé Murro pour aumônier. rête l’invasion turque dans les eaux de Cette année les fillettes françaises, italiennes Lépante. Aujourd’hui l’Italie et l’Europe sont et belges se sont retrouvées à Chantelouve, à confrontées à une nouvelle invasion islamique. proximité du Parc National des Ecrins, pour Comment l’affronter?” La rencontre était or- passer ensemble de belles journées parta- ganisée par le Circolo territoriale di Loano gées entre promenades, jeux, chants et avec (SV) de Alleanza nazionale, et l’orateur a été l’incontournable pèlerinage à La Salette, présenté par le professeur Giampaolo pour prier Notre-Dame, réconciliatrice des Stradella. Le 12 octobre à Brembate (BG) pécheurs. Le dernier jour les habitants de l’abbé Giugni a parlé de Famille chrétienne Chantelouve ont souhaité écouter des chants face à l’Islam: quel futur? avec la députée (de montagne, folkloriques et religieux) exé- Carolina Lussana (LN) et Daniele Belotti cutés par nos campeuses sur la place proche conseiller à la Région Lombardie (LN). La de la mairie; ils ont aussi assisté à la tradi- rencontre était organisée par la section locale tionnelle veillée finale. de la Lega Nord. L’abbé Carandino a parlé le Début août, dans les montagnes de 11 novembre à la bibliothèque provinciale De Savoie, au col de la Croix Fry près Meis de Chieti sur le thème: La Révolution d’Annecy, s’est déroulé le camp St François contre la Chrétienté; la conférence était orga- de Sales: la petite troupe - une petite dizaine nisée par Amicizia Cristiana et présentée par de garçons, l’abbé Cazalas et trois sémina- Marco Solfanelli, président de l’association. ristes - n’a pas été arrêtée par les caprices du Le 16 novembre à Motta Visconti (PV) temps. Les jours de soleil, montagne, les l’abbé Giugni est intervenu au colloque jours de pluie, visites d’Annecy ou autres: Mariages mixtes: quel futur pour les enfants siège épiscopal de St François de Sales, mu- organisé par l’Association Donne di Milano sées... pour connaître sa vie, l’histoire de la [“Femmes de Milan”], parlant de La tradition Savoie, la façon de vivre en montagne autre- italienne et les mariages mixtes. Les interven- fois, et la faune montagnarde... Chaque soir, tions des autres orateurs ont été celles de une petite conférence sur un sujet religieux: l’avocate Simona Norrieri (Le droit de la fa- la prière, les objections contre l’Eglise, les mille), de Zaira Galli (La médiation familiale: fins dernières, la situation actuelle de ressource familiale dans les complexités fami- l’Eglise, etc... de quoi réfléchir et poser des liales), la modératrice était Clara Modena. Le questions... Pour sortir de l’ordinaire: le même jour à Lyon, l’abbé Murro a entretenu parc-aventure de Thônes, un vrai parcours ses auditeurs sur le thème: La nouvelle Messe, du combattant de plus de deux heures, sus- qu’en penser?. Le 23 novembre à Bologne, pendus dans les arbres; et, le dernier jour (le l’abbé Ricossa a parlé des quarante ans du 13 août), un pèlerinage au sanctuaire marial Concile, dans une rencontre organisée par le de la Savoie, la Bénite-Fontaine: deux C.S. Federici et par le Centro Librario heures de marche avant d’arriver au sanc- Sodalitium intitulée: 1962-2002: 40 ans après tuaire et y célébrer la Messe... Le lendemain, le Concile Vatican II. 60

Centro Studi Giuseppe Federici: le Signalons enfin que depuis le mois d’octobre Centro Studi a tenu un stand le 15 septembre le Centro Studi Davide Albertario publie une à la fête de la Lega Nord à Venise; le quoti- petite revue L’Albertario; les personnes dé- dien Il Gazzettino en a parlé dans un article sirant la recevoir peuvent la demander à du 16 septembre. Le 5 octobre il a organisé l’adresse suivante: Centro Studi Davide un colloque à Rimini sur le thème: Lépante, Albertario, via Vivarini 3, 20141 Milano, 7 octobre 1571: la victoire de la Chrétienté. Tél.: 0161.839.335, Fax: 0161.839.334; email: Un message de salutation envoyé par le dé- [email protected] puté Federico Bricolo a été lu, et sont ensui- Exercices Spirituels de Saint Ignace. “J’ai te intervenus l’abbé Giugni (Saint Pie V, le une affection extrême pour ces Exercices Pape de Lépante), le professeur Zanpolo da faits dans la solitude; parce que c’est à eux Corte dei Santi (Lépante: croisement de que je reconnais devoir ma conversion et la l’Histoire) et Lorenzo Busi (Pour une nou- résolution de quitter le monde” (Saint velle Lépante). Le 9 novembre, toujours à Alphonse). Comme toujours, l’été est le mo- Rimini, a eu lieu un colloque organisé par le ment le plus favorable pour pratiquer les Centro Studi Federici; il avait pour thème Exercices. Nous avons eu de nombreux re- Du Risorgimento au Mondialisme... En ce traitants à la Maison Saint-Joseph, du 1er au 135ème anniversaire de la victoire pontificale 6 juillet 2002 (25 personnes: 14 dames et 11 à Mentana (3 novembre 1867). Il s’est dérou- messieurs), aux Exercices donnés par les lé en deux parties. D’abord le Dr Piero abbés Murro et Ricossa. A Raveau, ont été Raggi (L’héroïsme des armés Pontificales à prêchés deux sessions d’Exercices par les Mentana) et l’abbé Carandino, de notre abbés Murro et Giugni: du 29 juillet au 3 Institut, (Regnare Christum nolumus: le août pour sept dames, et du 5 au 10 août Nouvel Ordre Mondial contre la Royauté du pour sept messieurs. A Verrua Savoia, Christ) ont présenté la seconde édition du l’abbé Nitoglia et l’abbé Ricossa ont donné livre de Piero Raggi, La neuvième croisade: eux aussi deux sessions d’Exercices: du 19 au les volontaires de Pie IX à la défense de 24 août pour six dames et du 26 au 31 août Rome (1860-1870). Puis un débat s’est ou- pour sept messieurs. Pendant qu’à Verrua se vert (Des volontaires pontificaux aux résis- déroulaient les Exercices pour dames, à la tances antimondialistes actuelles) auquel ont Maison Saint-Joseph treize messieurs sui- participé Paolo Grimoldi et Stefano Corti vaient les Exercices prêchés par les abbés (Movimento Giovani Padani), Pietro Ferrari Giugni et Cazalas. Le mois de septembre est (Azione Giovani de Teramo) Alain souvent dédié aux Exercices des religieuses, Quataert (dirigeant du Vlaams Blok des prêtres et des séminaristes avant la re- Jongeren, des Flandres); l’animateur du prise de la nouvelle année scolaire. Cette débat était Gianluca Stefani, dirigeant de fois les Exercices des Sœurs du Christ-Roi, Azione Giovani de Rimini. dans leur maison mère, se sont déroulés du 8 Centro Studi Davide Albertario: il a or- au 16 septembre, et ont été prêchés par ganisé le 24 octobre à Milan, une conférence l’abbé Murro, l’abbé Ricossa et la Mère sur le thème Politique de guerre U.S.A. en Supérieure; ceux des séminaristes (et autre Afghanistan et Irak: ce que les médias ne di- hôtes de la maison, ainsi que l’abbé sent pas; le rapporteur était le Dr Mauro Carandino de la Casa San Pio X) ont eu lieu Bottarelli, journaliste et auteur de plusieurs du 16 au 21 septembre, sous la direction des livres de géopolitique. Le dimanche 24 no- abbés Murro et Giugni. Du 16 au 20 octobre vembre l’abbé Giugni, en qualité d’assistant spirituel du Centro Studi, est intervenu à un Les Exercices Spirituels à Serre-Nerpol en juillet important congrès à l’occasion du centenaire de don Albertario, qui s’est déroulé à Filighiera (PV), pays où il était né. Rappelons que don Albertario sera commé- moré par le CSDA par un colloque à Milan (placé sous le patronage à la fois de la Région Lombardie et de la Province de Milan), le samedi 14 décembre dans la salle des Affreschi via Vivaio 1, à 15 heures. 61 l’abbé Cazalas a prêché les Exercices de ren- trée aux élèves de la Maison Saint-Joseph. Le 1er novembre à Raveau l’abbé Murro et l’abbé Giugni ont prêché une journée de ré- collection pour tous ceux qui ont déjà fait les Exercices Spirituels: malgré la saison avan- cée, les fidèles sont venus nombreux des ré- gions proches et lointaines (même de Lyon) pour restaurer spirituellement leurs âmes. Anniversaires. Le 6 juillet, à la Maison Saint-Joseph, l’abbé Murro a célébré la Messe de Requiem pour l’âme du Père Vinson, fondateur des Sœurs du Christ-Roi, à l’occasion du troisième anniversaire de sa mort. Une heureuse nouvelle: le 29 juin, l’abbé Anthony Cekada fêtait, à Cincinnati (Ohio) ses 25 ans de sacerdoce; Sodalitium adresse à son confrère américain ses vœux Le Professeur Liliana Balotta (à droite) en compagnie avec le traditionnel: ad multos annos! de Mgr Lefebvre à Florence le 15 février 1975 lorsque le Baptêmes. Le 21 septembre l’abbé prélat définit la nouvelle messe comme étant Murro a baptisé Louis Gatté, fils des époux “La Messe de Luther” Benoît et Clarisse Gatté à Hyères. Le même Florence le 15 février 1975, quand il tint la jour l’abbé Giugni a baptisé à Serre-Nerpol fameuse conférence au cours de laquelle il Josepha Louis. qualifia le nouveau missel de “Messe de Première communion. Dimanche 7 juillet Luther”, et le lendemain célébra la Messe 2002, à la Maison Saint-Joseph, Caroline solennelle en la Basilique de San Lorenzo Montcharmont a reçu la première commu- (dont le recteur était alors Mgr Setti). L’ho- nion des mains de l’abbé Ricossa. mélie de la Messe et la conférence furent Défunts. Comme nous l’avions déjà an- publiées ensuite par Una Voce Florence noncé dans le numéro précédent, le di- dans l’opuscule précisément intitulé La manche 9 juin 2002 est décédée à l’hôpital Messe de Luther, l’adresse était celle de Mlle de la SS. Annunziata di Ponte à Niccheri Balotta, via Brandini 30. (Florence) Madame le Professeur Liliana En 1985, quand nous quittâmes la Balotta. Elle avait été hospitalisée le lundi Fraternité Saint Pie X, Mlle Balotta n’hésita précédent pour une embolie pulmonaire, pas à prendre notre défense, nous invitant à après avoir assisté pour la dernière fois à la célébrer dans son hospitalière maison flo- Sainte Messe célébrée par l’abbé Ricossa, et rentine, ce que nous avons fait jusqu’à sa avoir reçu la sainte communion. Avec le mort. Cette décision lui coûta beaucoup, Professeur Balotta disparaît un des person- non seulement à cause de l’affection qu’elle nages les plus connus – en Italie – du mouve- éprouvait pour Mgr Lefebvre, mais aussi du ment catholique qui s’est opposé à Vatican fait de l’isolement qui s’ensuivit pour elle. II. Fidèle de la première heure (elle partici- Elle affronta l’épreuve avec courage, et pa aux Pèlerinages romains des premières elle n’en manquait pas, ce qui était peut-être années soixante-dix) elle fut durant de un héritage familial. Née à Florence le 1er longues années l’infatigable secrétaire de la décembre 1917 et baptisée en la fête de sain- section florentine de l’association Una Voce te Barbe à la cathédrale de la ville, Liliana dicentes et la rédactrice du bulletin du même Balotta eut en effet d’excellents exemples nom. L’expérience acquise à l’Université de familiaux, parmi lesquels un cardinal (le Padoue où elle avait été l’organisatrice de Patriarche de Venise Trévisanato) et un nombreux concerts et rencontres culturelles Saint (le prêtre Vincenzo Grossi). Son père, avec les artistes et les poètes les plus repré- général d’artillerie, et son frère démission- sentatifs, s’avéra très utile lorsqu’il s’agit de nèrent de l’armée après la proclamation de répéter l’expérience à Florence, mais alors la République, faisant preuve d’une force en défense de la Foi. C’est elle, par exemple, d’âme hors du commun. D’une famille esti- qui favorisa la venue de Mgr Lefebvre à mée d’Incisa Valdarno, sa mère avait une foi 62 profonde. Les deux parents contrecarrèrent les premières réformes qui perturbèrent l’Eglise au début des années soixante. Il ne restait à leur fille qu’à suivre leur exemple, et c’est ce qu’elle fit en vraie “artilleuse”. Le 12 juin conformément à ses volontés, ses fu- nérailles ont été célébrées par l’abbé Ricossa (assisté de l’abbé Carandino) dans Le Père la chapelle de Loro Ciuffenna, et son corps Barbara à repose dans la chapelle de la famille Falorni Verrua en 1994, baisant à Incisa. Elle nous manquera beaucoup. les mains de Ferrare a été particulièrement frappée l’abbé par plusieurs décès ces derniers mois, avec la Cazalas le mort de parents de plusieurs de nos amis jour de son dans les familles Ferretti, Checchi, ordination sacerdotale Moschetta et Fabri. Nous rappelons en par- ticulier le décès de Giuseppe Moschetta, sur- venu à Ferrare le 17 août après avoir reçu Livres du Centro Librario Sodalitium Bon de commande

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Vous pouvez aussi téléphoner à: Tél. (de France): +39. 0161. 83.93.35 - Fax (de France): +39.0161. 83.93.34 email: [email protected] 63

quement la Thèse de Cassiciacum sur le Siège formellement mais non matériellement va- cant. Après avoir pris contact avec notre Institut dès sa naissance, il se rendit à Verrua quatre années de suite (de 1991 à 1994) pour donner aux prêtres et aux séminaristes les Exercices Spirituels. Durant de nombreuses années il fut le seul prêtre en France, avec l’abbé Delmasure et l’abbé Petit, à demander la collaboration de notre Institut, collabora- tion qui se concrétisa par la présence d’un de nos prêtres à Tours pendant 5 ans, jusqu’à oc- tobre 2001 (l’abbé Cazalas de 1996 à 1999, Le Père Barbara sur une photo des années 70 au cours l’abbé Giugni de 1999 à 2000, l’abbé Ercoli de d’une conférence à Rome organisée par Civiltà cristiana 2000 à 2001). Le conseil du Père Barbara ne fut pas étranger à la fructueuse collaboration les derniers sacrements des mains de l’abbé qui s’est instaurée par la suite avec le Père Ricossa; ses funérailles ont été célébrées le Vinson, étant lui aussi, comme le Père 19 par l’abbé Carandino. Nous rappelons Barbara, un ancien Père de Chabeuil. aussi celui de décès de Luigi Fabbri, rappelé Rappelons également que, en mettant un à Dieu le 17 septembre, muni lui aussi de terme aux publications de la glorieuse revue tous les sacrements. Sodalitium adresse ses Forts dans la Foi, le Père Barbara invita tous plus sincères condoléances aux familles du- ses lecteurs et abonnés à voir dans Sodalitium rement éprouvées. Le 6 septembre, à Milan, la continuation de son œuvre. Nombreuses disparaissait à son tour Eugenio Tamagnini sont les dettes de reconnaissance que notre après une longue maladie. Les abbés Institut a accumulées envers le Père, et nom- Ricossa et Giugni lui avaient administré tous breuses sont les dettes de tous les catholiques les sacrements. L’Institut est par la pensée à l’égard de celui qui, dès 1968, prit la défense avec les familles Tamagni et Dini, en ce dou- de la Foi contre l’hérésie moderniste. Le Père loureux moment. Barbara a reçu les derniers sacrements des Nous avons reçu de la fille de Marc mains de l’abbé Guépin; le curé de Winckler, Mme Francine Muel, une lettre Steffeshausen, l’abbé Schoonbroodt, a célé- nous annonçant la triste nouvelle de la mort bré ses funérailles le 14 octobre. L’abbé de son père, survenue le 4 août. Marc Murro et l’abbé Cazalas y assistaient, repré- Winckler fut, à la demande de Mgr Guérard sentant ainsi tous les membres de l’Institut, des Lauriers, le premier traducteur en fran- tandis qu’à Verrua, le 12 du même mois, a été çais de notre revue. chantée une messe solennelle de Requiem. Le 10 octobre, dans sa maison de la rue des Oiseaux, à Tours, fidèlement assisté de Sœur Marie-Bernadette et de la sœur de cette dernière, Myriam Malré, est décédé pieuse- ment le R. P. Noël Barbara, qui à Noël aurait Pèlerinage à Notre-Dame de l’Osier eu 92 ans. Nous aurons l’occasion de parler Jeudi 8 mai 2003 plus longuement - à une prochaine occasion - du Père Barbara, qui fut l’un des chefs de file Arrivée à la Maison Saint-Joseph de Serre- de la “résistance” catholique à Vatican II et Nerpol dès le mercredi 7 au soir: une conféren- au néo-modernisme. Rappelons pour le mo- ce est prévue à 20h30. ment sa proximité avec notre Institut, qui Pour renseignements et inscriptions: nous le rend cher comme ami et bienfaiteur 04-76-64-24-11 ou 04-78-47-88-41 insigne. Proximité avant tout doctrinale. Le Père Barbara en effet, après avoir été long- temps le point de référence des sédévacan- L’Institut Mater Boni Consilii, tistes absolus (appelés précisément dans ces la revue Sodalitium et la Casa S. Pio X années-là “barbaristes”) corrigea ensuite cou- souhaitent à leurs fidèles lecteurs rageusement sa position en embrassant publi- un Saint Noël CENTRES DE MESSES

RESIDENCES DES PRETRES DE L’INSTITUT Lyon: 17 cours Suchet. Tél.: 04.77.33.11.24. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du ITALIE: Verrua Savoia (TO). Maison-Mère. mois à 17h. Confessions à partir de 16h30. Istituto Mater Boni Consilii - Località Car- bignano, 36. Tél. de l'Italie: 0161.83.93.35 - ITALIE Ste Messe: en semaine à 7h30. Salut du Saint- Bologne: le 2ème dimanche du mois, Messe à Sacrement: tous les vendredis à 21h. Heure 11h; le 4ème dimanche, Messe à 17h30. Sainte: le premier vendredi du mois à 21h. Ferrare: Chiesa S. Luigi, Via Pacchenia 47 San Martino dei Mulini (RN). Casa San Pio Albarea. Ste Messe tous les dimanches à 17h30. X. Abbé Ugo Carandino - Via Sarzana 86. Le 1er dimanche du mois à 11h30. Pour toute information, téléphoner au Loro Ciuffenna (Arezzo): Fattoria del Co- 0541.75.89.61. Fax 0541.757.231. lombaio, str. dei 7 ponti. Ste Messe le 1er dimanche du mois à 17h30. FRANCE: Mouchy Raveau 58400 - La Charité- Maranello (Modène): Villa Senni. Strada per sur-Loire. Pour toute information, télé- Fogliano. Ste Messe tous les dimanches à 11h, phoner au 03.86.70.11.14. sauf le 1er dimanche du mois à 9h. Milan: Oratoire St Ambroise. Via Vivarini 3. BELGIQUE: Dendermonde. Mgr Geert Ste Messe tous les dimanches à 11h. Stuyver: Kapel O.L.V. van Goede Raad, Pescara: Ste Messe le 2ème dimanche du (chapelle N.-D. du Bon Conseil) Koning mois à 18h30. Albertstraat 146 - 9200 Sint-Gillis Dender- Rimini: Oratoire St Grégoire le Grand, via monde: Ste Messe le dimanche à 9h30. Molini 8: dimanches et fêtes, Messe à 11h. Tél. (et Fax): (+32) (0) 52.38.07.78. Rome: Oratoire St Grégoire VII. Via Pietro della Valle, 13/b. Ste Messe le 1er, 3ème AUTRES CENTRES DE MESSES et 5ème dimanche du mois à 11h. FRANCE Rovereto (Trente): Messe le 3ème dim. du Annecy: 11 avenue de la Mavéria. Tél.: mois. 04.50.09.04.67. Ste Messe le 2ème et 4ème di- Turin: Oratoire du Sacré-Cœur, via Thesauro manche du mois à 10 h. Confessions à 9 h. 3/D. Dimanches: Messe chantée à 9h. Messe Cannes: Chapelle N.-D. des Victoires. 4 rue basse à 11h15. Tous les premiers vendredis Fellegara. Tél.: 04.93.60.57.68. Ste Messe le du mois: Messe à 18h15. 2ème et 4ème dimanche du mois à 18h. Valmadrera (Lecco): via Concordia, 21. Tél. Lille: Ste Messe le 1er et 3ème dimanche du 0341.58.04.86. Ste Messe le 1er et 3ème mois à 17h. Confessions à 16h30. Pour toute dimanche du mois. information: Mgr Geert Stuyver en Belgique. Confessions une demi-heure avant les messes. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia ou à San Martino dei Mulini (Rimini) COMMENT NOUS AIDER - Il n’y a pas d'abonnement à “Sodalitium”. Ce périodique est envoyé gratuitement à tous ceux qui dési- rent le recevoir. Nous demandons aux personnes qui, pour un motif quelconque, ne désirent pas le rece- voir, de nous le faire savoir. - L’Institut Mater Boni Consilii et son périodique “Sodalitium” n’ont pas d’autres ressources que vos of- frandes sans lesquelles ils ne peuvent vivre. Pour vos dons, libeller: • ASSOCIATION MATER BONI CONSILII - Mouchy - Raveau 58400 - LA CHARITE SUR LOIRE. CCP n° 2670 37 W DIJON • ASSOCIATION MATER BONI CONSILII - Mouchy - Raveau 58400 - LA CHARITE SUR LOIRE. Compte CREDIT LYONNAIS: Banque: 30002; Agence: 07531; N° du compte: 79074 U; Clé: 78.

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SODALITIUM PERIODICO INDIRIZZO - Adresse: Loc. Carbignano, 36. INSUFFICENTE - Insuffisante 10020 VERRUA SAVOIA (TO) INESATTO - Inexacte presso ASTI C.P.O. OGGETTO - Object: Tel. +39. 161.839.335 - Fax +39. 161.839.334 RIFIUTATO - Refusé