Éphéméride De L'année 1660
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Éphéméride année 1660 Chronologie moliéresque : les « Éphémérides » de François Rey (1658-1669) François Rey a établi ces « éphémérides » lorsqu'il préparait son livre intitulé Molière et le roi. L’affaire Tartuffe (avec Jean Lacouture) paru aux éditions Fayard en 2006), ce qui explique qu'il les ait interrompus à la fin de l’année qui a vu la création publique de Tartuffe après presque cinq années d'interdiction. Il a eu la générosité de mettre à notre disposition cet inestimable instrument de travail, nous autorisant en même temps à le diffuser plus largement selon le moyen qui nous paraîtrait le mieux approprié. Nous le publions donc sur le site MOLIÈRE 21, après avoir simplement adapté la mise en pages (passée du mode « paysage » au mode « portrait ») et supprimé, comme il nous l'avait demandé, ceux de ses commentaires personnels qui constituaient des jalons d’attente pour une recherche plus approfondie (« à développer », « à confirmer », etc.). Nous le remercions une fois de plus infiniment. GF et CB Jeu 1 janvier 1660 • Scévole et Les Précieuses ridicules. R : 500 l. ÷ Le jeudi n’est pas un jour ordinaire de représentation. ÷ Scévole est une tragédie en cinq actes et en vers, comprenant trois rôles féminins et cinq masculins. La troupe l’a déjà jouée deux fois depuis Pâques 1659 : le 7 juin [R : 95 l] et le 15 juillet [R : 78 l]. Elle ne la reprendra plus jusqu’à la mort de Molière. Ven 2 janvier 1660 • Dom Bertran de Cigarral et Les Précieuses ridicules. R : 440 l. • Le même jour, les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne créent Stratonice, tragédie de Philippe Quinault. Le lendemain, Loret rendra compte (v. 133-150) de cette première : Hier, ceux de la royale troupe, Dont le théâtre a vent en poupe, Représentèrent comme il faut La Stratonice de Quinault, Fraîche et nouvelle comédie Qui fut, dit-on, fort applaudie Par un grand nombre de ces gens Que l’on appelle intelligents. Ce Quinault est un jeune illustre, Qui sait donner un si beau lustre Et tant d’agréables clartés Aux grands sujets par lui traités Que le renom de son génie Attira grande compagnie. Plusieurs quittèrent le tison Durant cette rude saison Où la froidure est sans pareille : Mais on veut voir cette merveille. ÷ Sur Quinault, voir Étienne Gros, Philippe Quinault, sa vie et son œuvre, Paris, 1926, rééd. Genève, Slatkine, 1970, et Lancaster, HFDL, III, 2, p. 562-563. ÷ Dans une lettre écrite le 13 janvier de Rouen à l’abbé de Pure, le dramaturge Coqueteau de La Clairière fait l’éloge de cette pièce, qui n’a pas besoin pour réussir de l’appui d’une farce ; voir Lancaster, HFDL, III, 1, p. 303-305, et G. Reynier, Thomas Corneille, p. 335. ÷ Dans sa Chronologie, Monval indique également la création, ce même jour, et toujours à l’Hôtel de Bourgogne, du Galant doublé, comédie en cinq actes de Thomas Corneille. La chose semble peu probable (voir ci-dessus), et Lancaster doute même que la pièce ait été créée à l’Hôtel de Bourgogne. Mais peut-être est-elle créée au Marais. Elle sera achevée d’imprimer le 16 août 1660, avec un privilège donné le 3 mai. ÷ Dans ses Véritables précieuses, achevées d’imprimer cinq jours seulement plus tard (voir au 7 janvier), Somaize évoquera cette création par la voix du faux Poète : Ces deux pièces [le Frédéric et la Clotilde de Boyer] ont été accompagnées de la Stratonice, dont le style est tout différent, l’auteur de cette pièce ne s’attachant qu’à faire des vers tendres, où il réussit fort bien. Sam 3 janvier 1660 • Dom Bertran de Cigarral et Les Précieuses ridicules. R : 405 l. 1 Éphéméride année 1660 • Ce jour-là, Mazarin écrit de Béziers à madame de Venel, gouvernante de ses nièces, qui s’apprêtent à quitter Brouage pour regagner Paris [BNF, ms. fr. Mélanges Colbert, t. 52B, fo 381] : […] Il faut vivre régulièrement à Paris, car beaucoup de monde prendra garde à la conduite de mes nièces. Je trouve bon qu’elles se divertissent, mais en sorte que personne n’y puisse trouver à redire. Pour des visites, il faut voir en arrivant la reine d’Angleterre, et y aller tous les mois une fois. Il faut aussi visiter de temps en temps Madame de Carignan [Marie de Bourbon] et Madame de Vendôme [Françoise de Lorraine, mariée depuis 1609 à César duc de Vendôme], et caresser soigneusement mes petits-neveux [Louis-Joseph et Philippe de Vendôme, fils du duc de Mercœur et Laure Mancini]. On peut voir Mme d’Angoulême la jeune1, qui est amie de notre maison et fort vertueuse. Il faudra visiter aussi Mme de Villeroi et Mme de Créqui, et je n’entends pas que mes nièces aillent à la comédie que lorsqu’elles le pourront avec une de ces dernières dames. Quand elles voudront se promener à Vincennes et même y coucher, elles le pourront, et c’est tout ce qu’il me semble vous devoir écrire sur ce sujet, vous priant de me mander exactement ce qui se pourra et ne permettre pas qu’elles fassent ou reçoivent d’autres visites, à l’exception pourtant de Mme d’Aiguillon, que j’avais oublié de nommer ; car elle peut et doit être visitée par mes nièces. Dim 4 janvier 1660 • Jodelet ou Le Maître valet et Les Précieuses ridicules. R : 533 l. Lun 5 janvier 1660 Mar 6 janvier 1660 • Épiphanie-Jour des Rois : début du carnaval. • Au Petit-Bourbon : L’Étourdi. R : 330 l. ÷ Pourquoi la troupe ne joue-t-elle pas ce jour-là Les Précieuses ridicules ? Mer 7 janvier 1660 • Ce jour-là aurait été achevée d’imprimer, pour le compte du libraire Jean Ribou, une comédie intitulée Les Véritables Précieuses. ÷ C’est en effet la date qui figure au bas de l’extrait du privilège reproduit à la fin du livre. Mais elle est nécessairement erronée, puisqu’elle est antérieure à la date d’obtention dudit privilège, qui se lit quelques lignes plus haut : Par grâce et privilège du Roi donné à Paris le 12 janvier 1660, signé, par le Roi en son Conseil, RENOUARD, il est permis à JEAN RIBOU, marchand libraire à Paris, d’imprimer ou faire imprimer une comédie intitulée Les Véritables Précieuses, pendant le temps et espace de sept ans entiers à compter du jour qu’elle sera imprimée ; et défenses à tous autres2 de l’imprimer sans la permission dudit RIBOU, sur les peines portées par lesdites lettres, qui sont, en vertu du présent extrait, tenues pour bien et dûment signifiées. Achevée (sic) d’imprimer le septième janvier 1660. Les exemplaires ont été fournis. ÷ L’extrait ne mentionne pas l’enregistrement du 18. ÷ Le secrétaire du Roi qui a signé le privilège est très probablement Jean-Jacques Renouard, seigneur de Villayer (1607-1691), qui a été élu, huit mois plus tôt, à l’Académie française, au fauteuil d’Abel Servien (voir au 10 février 1659)3. Maître des requêtes et conseiller d’État depuis les années 1630, il est l’inventeur, entre autres, du timbre-poste et des boîtes aux lettres publiquesi. On trouve son nom dans des privilèges accordés en particulier à Charles Sorel : Nouveau recueil, Connaissance des bons livres…, et, en 1661, pour Alcippe ou Le Choix des Galants, à Antoine Baudeau de Somaize, à qui sont attribuées ces Véritables Précieuses. ÷ Cette mention d’achevé d’imprimer ne vaut que pour le texte de la comédie. 1. L’éditeur des Lettres de Mazarin, Adolphe Chéruel, écrit en note qu’il s’agit de Marie-Henriette de La Guiche, née en 1600 et mariée en 1629 à Louis-Emmanuel de Valois, comte d’Alais, puis duc d’Angoulême, veuve en 1653, morte en 1682. Mais il s’agit plus probablement de sa belle-mère, Françoise de Nargonne, que Charles d’Angoulême, fils naturel de Charles IX, a épousée le mercredi 10 février 1644 [D’Ormesson, Journal, I, 151], à l’âge de 71 ans, alors qu’elle en avait à peine 20. Voir son portrait dans Saint-Simon, Mémoires, IV, p. 682-683 et 995. 2. Il y a manifestement ici un oubli du typographe. Il aurait dû composer : « Et défenses sont faites à tous autres », comme on le lit par exemple dans l’extrait du privilège des Précieuses ridicules. 3. Sur ce personnage mal connu, voir Tallemant, II, p. 462, 1299 et 1531, et Saint-Simon, VIII, p. 691. 2 Éphéméride année 1660 ÷ Le texte de la pièce telle qu’elle se lit dans l’impression est-il bien celui pour lequel Ribou a obtenu son privilège ? N’a-t-il pas été réaménagé, dans le sens d’une attaque contre Molière, après l’annulation du privilège ? Les intentions de Ribou (et de « Somaize »), n’étaient-elles pas, à l’origine, les mêmes que celles de Luynes et Sercy : publier Les Précieuses ridicules de Molière et en même temps une sorte de « produit dérivé », Véritables Précieuses dans un cas, Récit de la farce des précieuses dans l’autre ? ÷ Le livre ne sera mis en vente, sans nom d’auteur, qu’un mois plus tard environ ; en effet, le renvoi fait dans la préface du livre à celle que Molière donnera à ses Précieuses, lesquelles ne seront achevées d’imprimer que le 29 janvier, suffit à indiquer qu’elle a été rajoutée après l’achevé d’imprimer du 7 janvier ; or, tous les exemplaires existants comportent cette préface, il est donc presque certain que le livre a été mis en vente quelques jours (ou semaines) après celui de Molière (voir au 7 février).