L'ironie Dans « Micromegas
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L’IRONIE DANS « MICROMEGAS » : L’ATTAQUE AUX PHILOSOPHES ET À LA SCIENCE Mariana Borrasca FERREIRA1 RESUMÉ : Ce travail a pour but analyser l’ironie dirigée aux philosophes et à la science des Lumières dans « Micromégas », conte philosophique écrit par Vol- taire en 1752. On a choisi certains extraits du texte où le narrateur emploie cette ressource stylistique pour critiquer des philosophes et des sages de l’époque qui valorisaient la raison surtout.Pour rendre plus claire la spécificité de la construc- tion voltairienne de l’ironie, seulement à titre de démonstration, on a fait une comparaison succincte entre sa façon d’élaborer l’ironie et celle de Machado de Assis dans le conte « O alienista »,qui est aussi une critique à une façon de faire de la science, mais dans une autre époque. Cet article apponte les premiers résultats de cette étude et des effets de l’emploi de l’ironie dirigée aux sages dans le conte de Voltaire, en essayant de les analyser dans ses relations avec le contexte de l’époque. 1 Mestranda da Universidade de São Paulo – mail : [email protected] nº 12 183 MOTS-CLÉS : Machado de Assis, rire, humour, ironie, Lumières, Micromé- gas,Voltaire. A IRONIA EM « MICRÔMEGAS » : O ATAQUE AOS FILÓSOFOS E À CIÊNCIA RÉSUMO: O objetivo deste trabalho é analisar a ironia dirigida aos filósofos e à ciência do Iluminismo em « Micrômegas », conto filosófico escrito por Voltaire em 1752. Para tanto, foram selecionados trechos do texto em que o narrador utili- za o recurso estilístico para criticar os filósofos e sábios da época, que supervalor- izavam a razão. Para tornar mais evidente a especificidade do modo como Voltaire estruturava o emprego da ironia, apenas a título de demonstração, é feita uma sucinta comparação entre seu modo de empregar o recurso e a maneira como Ma- chado de Assis o faz no conto « O alienista », que, escrito anos depois, também critica o modo de fazer ciência. Este artigo aponta os primeiros resultados do es- tudo dos efeitos gerados pelo emprego da ironia dirigida à ciência no texto de Vol- taire, tentando analisá-los em sua relação com o contexto da época. PALAVRAS-CHAVE: Machado de Assis, riso, humor, ironia, Iluminismo, Mi- crômegas, Voltaire. INTRODUCTION Écrit en 1752, le conte philosophique « Micromégas », de Voltaire, s’est inséré dans le contexte des Lumières, époque d’effervescence culturelle et intellectuelle où nouvelles façons de penser la philosophie et la science ont eu place, avec les théories de Voltaire lui-même, Spinoza, Locke et Newton, entre autres. La réflexi- on sur ce thème fait partie de l’oeuvre qu’on analyse dans ce travail, où on peut observer, construit par l’emploi de l’ironie, des attaques de Voltaire à certaines manières de penser la philosophie et la science. Une telle provocation attire l’attention précisément pour faire partie d’un mou- vement de l’époque qui visait à créer une nouvelle façon de produire connaissance. À cause de cette critique au mouvement scientifique de l’époque, domaine où le conte est lui-même inséré, on a décidé d’analyser, dans « Micromégas », l’ironie adressée aux philosophes et aux hommes de science. Dans ce texte, on observe une alliance entre la critique, la philosophie et l’humour, style voltairien qui a été déjà beaucoup étudié. Pour surligner le style de Voltaire de faire de la critique, seulement à titre de démonstration, on fera appel à une rapide comparaison entre sa façon d’employer ce mécanisme littéraire et la manière comme ce thème a été déroulé par Machado nº 12 184 de Assis, écrivain qui a aussi beaucoup utilisé l’ironie dans une autre culture et autre époque, ce qui peut aider à comprendre plus clairement l’usage de l’ironie par l’écrivain français. L’oeuvre choisi de l’écrivain brésilien c’est « O Alienista », publié en 1882, en peu plus de 50 ans après « Micromégas », et qui verse sur la folie et la science. Dans la première partie de l’article, on présente, brièvement, le contexte de l’époque – une tentative de toucher les motifs qui, peut-être, ont conduit Voltaire vers la critique des philosophes et des hommes de science. Après, on aborde, en passant, la définition théorique de l’ironie pour délimiter la notion du concept qu’on utilise dans cet article, en présentant sa présence dans l’oeuvre de Voltaire de façon générale. En séquence, on utilise quatre exemples, extraits de « Micromégas », pour démontrer comme la façon dont l’ironie a été construite aide la critique de Voltaire aux hommes descience. Ensuite, on choisit des extraits de l’oeuvre « O Alienista » pour, en essayant de faire une ébauche de la comparaison entre l’usage de l’ironie dans l’oeuvre du français des Lumières et du réaliste brésilien, trouver, de façon plus claire, les effets de l’emploi de l’ironie dans le contexte de la critique des phi- losophes et, par extension, de la science, dans l’oeuvre française qu’on est en train d’analyser. 2. FONDEMENT THÉORIQUE 2.1. LE CONTEXTE Pour développer l’analyse proposée, il est nécessaire, dans un premier moment, de mettre en contexte l’auteur et l’oeuvre qu’on a choisi. Comme on a déjà dit, « Micromégas » est inséré dans l’époque des Lumières, où on a eu un changement dans la pensée européenne – c’est un nouveau moment qui a été décrit par Paul Hazard dans La crise de la conscience européenne, où il détaille le processus de bouleversement culturel et intellectuel qui a eu place dans le passage du XVIIe au XVIIIe siècle. Le théoricien (1968) explique que, dans l’époque retraitée, on peut observer le déplacement d’une situation de stabilité, « recueillement » valorisé après la Re- naissance et la Réforme, vers un moment qui valorisait le mouvement, ce qui a eu une conséquence dans le mouvement culturel et littéraire. Le fait est qu’à la fin du XVIIe siècle, et au commencement du XVIIIe, l’humeur des Italiens redevenait voyageuse ; et que le Français étaient mobiles comme du vif-argent : à en croire un observateur contemporain, ils aimaient tant la nº 12 185 nouveauté qu’ils faisaient de leur mieux pour ne pas con- server longtemps un ami ; qu’ils inventaient tous les jours des modes différentes ; et que, s’ennuyant dans leur pays, ils partaient tantôt pour l’Asie et tantôt pour l’Afrique, afin de changer de lieu et de se divertir. (HAZARD, 1968 : 18) Dans ce contexte, on peut noter que les voyages ont gagné beaucoup d’importance et ont influencé la pensée de l’époque, relation qui est développée par Hazard. Il remarque que les philosophes voyageaient afin de « voir les curiosi- tés du monde », ce qu’influençait, donc, la pensée européenne de ce moment de l’histoire. L’intérêt par le différent et par les voyages est signalé aussi dans le mar- ché éditorial qui a regardé le succès des guides de voyages et des itinéraires. « Genre littéraire aux frontières indécises, commode parce qu’on y pouvait tout verser, les dissertations érudites, les catalogues de musées, ou les histoires d’amour, le Voyage triomphait » (1968 : 20-21), explique Hazard. Selon le théoricien, on a connu une augmentation dans la production de narra- tions, descriptions, rapports, mélanges curieux, collections, etc. Cette exploration du globe contredisait quelques données sur lesquelles la philosophie reposait, ce qui a provoqué une nouvelle conception des choses, analyse Hazard (1968), dé- couvertes qui « alimentaient traditionnellement » l’esprit. Cela a valorisé la notion de la relativité universelle, dans une époque où la raison gagnait beaucoup d’importance, contrairement à la religiosité – dans quelques oeuvres, par exemple, les philosophes jouaient le rôle du héros. Hazard (1968) se souvient de la Vie de Mahomet, du comte de Boulainvilliers, pour affirmer l’importance du personnage de l’étranger dans la littérature de l’époque comme celui qui était chargé de rappeler qui aucune nation avait toute la vérité, ni toute la perfection. Voyager : ce ne fut pas encore chercher d’éblouissantes images, promener sous des cieux divers une sensibilité avi- de de saisir ses propres altérations. Ce fut, du moins, com- parer les mœurs, les principes, les philosophies, les reli- gions ; arriver au sens du relatif ; opposer ; douter. (HAZARD, 1968 : 46) Tzvetan Todorov, dans La littérature en péril (2007), explique l’esthétique des Lumiéres. Selon lui, l’esprit de l’époque était celui de « l’autonomie de l’individu » : « L’artiste devient une incarnation de l’individu libre, son œuvre s’émancipe à son tour » (TODOROV, 2007 : 48). LA NOUVELLE POSITION DES PHILOSOPHES nº 12 186 On doit penser sur la position des philosophes dans ce nouveau contexte pour qu’on puisse développer l’analyse qu’on a proposée, dans une tentative de trouver des raisons qui ont conduit Voltaire vers la critique des hommes de science. Du- marsais, dans l’article « Philosophe », de l’Encyclopédie, fait une relation entre les mauvais philosophes, ceux qui pensaient être philosophes, et les vrais penseurs. Selon lui, les mauvais philosophes sont ceux en qui « la liberté de penser tient lieu de raisonnement », qui regardent des autres hommes comme des « âmes faibles », esprits qui n’osent sortir des vérités établies et qui s’endorment « sous le joug de la superstition ». Ils sont ceux qui se sont fermés dans la méditation et fuient des hommes, en les évitant – sont des sages « insensibles » qui voulaient anéantir les passions et enlever les hommes au-dessus sa nature. Par contre, le bon philosophe de l’époque, selon le théoricien, est celui qui « démêle les causes autant qu’il est en lui, et souvent même les prévient, et se livre à elles avec connaissance : c’est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quel- quefois elle-même ».